B. DE NOMBREUX POINTS D'ACCORD
1. L'amélioration par l'Assemblée nationale de dispositions examinées ou introduites par le Sénat
Sur de nombreux points relevant de la compétence de votre commission des lois, l'Assemblée nationale s'est efforcée de compléter et d'améliorer, dans un sens que votre commission approuve, des dispositions modifiées ou introduites par le Sénat. Tel est en particulier le cas de plusieurs dispositions relatives à la lutte contre les violences.
En matière de lutte contre les différentes manifestations du harcèlement, par exemple, l'Assemblée nationale a notablement amélioré les dispositions introduites à l'initiative de votre commission tendant à mieux lutter, notamment, contre les phénomènes de « cyber-harcèlement ». Si les députés ont supprimé l'article 17 quater introduit par le Sénat, ils lui ont toutefois substitué deux nouveaux articles 11 bis A et 12 bis AA qui tendent, d'une part, à mieux appréhender les phénomènes de harcèlement commis au moyen de mails, de « sms » ou de « mms » et, d'autre part, à pénaliser les diverses formes de harcèlement susceptibles de survenir en-dehors du couple ou du cadre de la relation de travail. De même, ils n'ont adopté qu'une modification rédactionnelle à l'article 12 , qui vise à harmoniser la rédaction des délits de harcèlement moral et de harcèlement au sein du couple avec la définition du harcèlement sexuel.
S'agissant de la procédure disciplinaire universitaire, le Sénat avait adopté une disposition prévoyant de dépayser l'examen des poursuites auprès d'une autre section disciplinaire lors qu'une suspicion légitime existait sur l'impartialité d'un membre de cette formation. Déplaçant cette disposition au sein d'un nouvel article 15 quinquies A , l'Assemblée nationale a amélioré la rédaction de cette disposition en prévoyant un mécanisme de récusation des membres de la formation et de dépaysement si une raison objective existait de mettre en doute l'impartialité d'un membre ou de la formation entière. Approuvant cette rédaction, votre commission l'a précisé et étendu la possibilité de récusation à l'instance disciplinaire d'appel.
S'agissant de l'article 10 du projet de loi , relatif à la généralisation du dispositif de téléprotection « femmes en très grand danger », le Sénat avait adopté en séance publique un amendement du Gouvernement étendant le dispositif aux victimes de viol, sans toutefois viser l'ensemble des situations dans lesquelles une victime pourrait être protégée. Les députés ont complété et amélioré ces dispositions afin d'aligner le traitement des victimes de viols sur celui des victimes de violences conjugales.
À l' article 7 , l'Assemblée nationale a adopté, sans les modifier, plusieurs dispositions concernant l' ordonnance de protection introduites au Sénat, comme la délivrance de l'ordonnance de protection en cas de danger pour un ou plusieurs enfants, ou l'information du procureur de la République en cas de prononcé d'une ordonnance de protection en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants. Elle a également enrichi considérablement le dispositif en prévoyant des modes de convocation des parties devant le juge plus rapides , lorsqu'il existe un danger grave ou imminent pour la personne demanderesse ou pour des enfants. Elle a également prévu la possibilité de prolonger l'ordonnance de protection lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale .
Dans le cadre des dispositions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, ensuite, l'Assemblée nationale a complété l' article 3 pour prévoir l' application des nouvelles interdictions de soumissionner prévues par le texte pour les marchés publics, aux contrats de partenariats et aux délégations de services publics .
Quant à l' obligation de formation sur les violences intrafamiliales et faites aux femmes, ainsi que sur les mécanismes d'emprise psychologique, l'Assemblée nationale a ajouté à la liste des professions concernées, fixée à l' article 15 bis , les fonctionnaires et personnels de justice , compte tenu de leurs contacts fréquents avec les victimes.
Concernant les dispositions relatives au respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle contenues à l'article 16, l'Assemblée nationale a limité l'obligation de diffusion de programmes de lutte contre les préjugés sexistes aux seules chaînes de télévision et de radio nationales . Elle a également reformulé la disposition ajoutée par le Sénat concernant la mise en place d'indicateurs de l'évolution de l'égalité entre les femmes et les hommes et les femmes par le Conseil supérieur de l'audiovisuel : il incombera aux opérateurs de fournir les éléments quantitatifs et qualitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes en vue de leur examen et de leur publication annuelle par le CSA.
Enfin, confirmant la préoccupation exprimée par le Sénat à l'initiative de Mme Chantal Jouanno, l'Assemblée nationale a substitué un régime d'autorisation préalable des concours dits de « mini miss » au dispositif d'interdiction pénalement sanctionnée que le Sénat avait adopté en séance publique ( article 17 ter ) .
2. Des ajouts bienvenus
Plusieurs dispositions introduites par l'Assemblée nationale s'inscrivent dans le prolongement des travaux du Sénat et visent à renforcer la portée et l'effectivité des dispositifs mis en oeuvre par le projet de loi. Votre commission y a souscrit sous réserve, le cas échéant, de quelques précisions.
Ainsi, à l' article 5 sexies A , l'Assemblée nationale a supprimé la notion de « bon père de famille » , survivance d'une conception patriarcale de la famille datant de 1804, pour la remplacer par l'adverbe « raisonnable », plus conforme aux standards européens et internationaux.
Dans le prolongement des dispositions introduites par le Sénat visant à mieux protéger les enfants témoins des violences conjugales, l'Assemblée nationale a introduit un article 8 bis visant à obliger la cour d'assises à examiner l'opportunité de retirer l'autorité parentale à une personne qui a été reconnue coupable de meurtre ou d'actes de tortures ou de barbarie sur la personne de l'autre parent. Votre commission, qui a déjà souligné l'absolue nécessité de mieux protéger les enfants témoins de ces violences, a, sur proposition de son rapporteur, élargi le champ de ces dispositions à l'ensemble des faits de violences graves commis au sein de la famille .
L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté un nouvel article 11 bis A visant à mieux protéger les personnels des centres d'hébergement et de réinsertion sociale contre d'éventuelles poursuites pénales engagées à l'initiative d'un conjoint violent, notamment sur le fondement de la complicité du délit de non-présentation d'enfant. Votre commission des lois a approuvé cet objectif tout en en améliorant la rédaction et en insérant ces nouvelles dispositions dans le prolongement des mesures votées récemment par le Parlement dans le cadre de l'examen de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Elle a adopté sans modification l'article 12 bis B renforçant les obligations de l'employeur en matière de prévention du harcèlement sexuel commis dans l'entreprise.
L'Assemblée nationale a par ailleurs complété les dispositions du projet de loi concernant le droit des étrangers . Elle a ainsi explicitement prévu à l' article 14 ter A la possibilité d'octroi d'un titre de séjour à un conjoint étranger victime de violences lorsque la communauté de vie a cessé à l'initiative du conjoint violent, ce que la jurisprudence administrative avait jugé impossible dans l'état actuel du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
À l' article 15 septies , l'Assemblée nationale a complété la règle de conflit de lois, prévue à l'article 202-1 du code civil, pour prévoir que le consentement, apprécié au sens de l'article 146 du même code, est une condition de validité du mariage, quelle que soit la loi personnelle applicable à l'époux. Votre commission a estimé nécessaire de compléter cette disposition en précisant que ce consentement devait également être apprécié au regard de l'article 180 du code civil, relatif à la liberté du consentement .
Enfin, votre commission n'a apporté que des modifications limitées à l'article 1 er du projet de loi, profondément remanié par l'Assemblée nationale et qui définit les objectifs de la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes.