EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Après son adoption le 12 juin 2014 par l'Assemblée nationale, le Sénat est appelé à se prononcer en deuxième lecture sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.
Déposée au Sénat le 13 février 2012 par MM. Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf et plusieurs de leurs collègues, la proposition de loi avait initialement pour objet d'ajouter une troisième épreuve, visant à sanctionner la connaissance des gestes de premiers secours, aux deux épreuves actuelles du permis de conduire que sont l'épreuve théorique et l'épreuve pratique.
En première lecture, votre commission a conservé le principe d'une formation obligatoire aux premiers secours mais elle a modifié les modalités de vérification de l'acquisition des connaissances en supprimant l'épreuve supplémentaire que se proposait d'instituer la proposition de loi. En effet, celle-ci aurait été très compliquée à mettre en oeuvre.
Le Sénat a voté le texte ainsi modifié par votre commission, le 30 avril 2014.
Lors de son examen par l'Assemblée nationale, la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire a été modifiée à l'initiative du Gouvernement, qui a déposé trois amendements lors de l'examen du texte en commission.
Après l'adoption de ces amendements par la commission des lois de l'Assemblée nationale, contre l'avis de son rapporteur - notre collègue député Bernard Gérard - qui préconisait une adoption conforme du texte voté par le Sénat, les députés ont voté la proposition de loi ainsi modifiée.
Votre rapporteur constate que la proposition de loi initiale, largement modifiée par le Sénat en première lecture, n'a subi que des évolutions limitées à l'Assemblée nationale.
I. UNE PROPOSITION DE LOI NÉCESSAIRE, AUX MODALITÉS PRÉCISÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
A. UN CONSTAT : LA NÉCESSITÉ D'UNE FORMATION DES CONDUCTEURS AUX GESTES DE PREMIERS SECOURS
1. Une faible proportion de la population française formée aux gestes de premiers secours
Diverses enquêtes font état d'un faible niveau de connaissance des gestes de premiers secours par la population française.
Lors de l'examen en première lecture de cette proposition de loi, votre rapporteur s'était fait notamment l'écho de l'enquête menée en 2013 par la Croix-Rouge française qui a évalué à 46 % la proportion des Français formés aux premiers secours 1 ( * ) .
Le seul dispositif général imposant une formation obligatoire aux gestes de premiers secours résulte des articles L. 312-13-1 et L. 312-16 du code de l'éducation. Ces articles imposent de former les élèves à l'attestation de prévention et Secours civique de niveau 1 (PSC1).
Toutefois, votre rapporteur a souligné à plusieurs reprises le manque d'effectivité de cette obligation : 20 % seulement des élèves sont formés chaque année 2 ( * ) .
2. Les effets particulièrement négatifs de cette méconnaissance pour le secours des blessés de la route
Les bons résultats des dernières années en matière de lutte contre la mortalité routière ne doivent pas être tenus pour acquis : d'après les premières estimations de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) pour l'année 2014, la mortalité routière est estimée en hausse de 3,7 % par rapport à l'année 2013.
Par ailleurs, en janvier 2015, la mortalité routière a également connu une hausse assez forte, de près de 12 % par rapport à janvier 2014, même si le nombre des blessés est en baisse de près de 10 %.
La faiblesse des connaissances en matière de gestes de premiers secours est particulièrement préjudiciable en cas d'accidents de la route, dans la mesure où 50 % des victimes décèdent dans les premières minutes suivant l'accident et que les blessés peuvent être victimes de lésions irréversibles si aucune action n'est entreprise 4 à 6 minutes après l'accident, comme l'a rappelé votre rapporteur.
Votre rapporteur avait constaté, lors de son rapport en première lecture, qu'une grande majorité de conducteurs ignore les réflexes, même les plus simples, qu'un conducteur doit avoir lorsqu'il est témoin d'un accident de la route.
Ainsi, dans le cadre de l'enquête précitée menée en 2013 par la Croix-Rouge française 3 ( * ) , seules 55 % des personnes interrogées indiquent que la première action qu'elles feraient, si elles étaient témoins d'un accident, serait d'alerter les secours. Dans 70 % des cas, les personnes interrogées déclarent qu'elles utiliseraient dans ce cas leur téléphone portable plutôt que la borne d'appel, alors que cette dernière permet de localiser immédiatement l'appel et améliore significativement le temps de réaction des secours.
Dans certains cas, les conducteurs interrogés ont des réflexes qui les mettraient eux-mêmes en danger : seules 7 % des personnes interrogées savent qu'il ne faut pas utiliser un triangle de signalisation sur autoroute, par exemple.
Le législateur a tenté d'améliorer le niveau de formation aux gestes de premiers secours des conducteurs. Ainsi, l'article 16 de loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière 4 ( * ) a imposé une « sensibilisation » des futurs conducteurs aux « notions élémentaires de premiers secours », renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de préciser le contenu de cette initiation. Toutefois, le décret d'application de cet article n'a jamais été pris ; il est donc resté lettre morte.
Actuellement, seuls quelques dispositifs épars, à l'effectivité variable, imposent une formation aux premiers secours à certaines catégories de conducteurs.
Ainsi, pour les conducteurs de véhicules de transport de voyageurs ou de marchandises, les questions de secourisme sont abordées au cours de la formation professionnelle initiale et continue mais de manière très générale, comme avait pu le relever votre rapporteur dans son rapport de première lecture 5 ( * ) . En tout état de cause, aucun examen ne vient évaluer le niveau de connaissance de ces conducteurs.
Le seul dispositif a priori effectif semble être celui qui est actuellement prévu pour les conducteurs de taxis 6 ( * ) , puisqu'une attestation de formation aux premiers secours est exigée lors de l'inscription à l'examen.
En définitive, votre rapporteur observe que dans les faits, le constat partagé de l'importance d'une bonne connaissance des gestes de premiers secours par la population, et en particulier par les conducteurs, n'est pas suivi d'effets.
Ainsi, le temps est venu d'imposer une obligation de formation aux premiers secours pour les candidats au permis de conduire.
Toutefois, le Sénat a modifié les modalités de contrôle de cette obligation prévues dans la proposition de loi initiale, tout en conservant le principe d'une formation obligatoire aux premiers secours.
* 1 Étude réalisée les 4 et 5 septembre 2013, sur un échantillon de 1 020 personnes, âgées de plus de 18 ans et résidant en France (http://www.opinion-way.com/pdf/opinionway_-_croix-rouge_francaise_-_les_gestes_qui_sauvent_adaptes_aux_accidents_de_la_route-septembre_2013.pdf).
* 2 Cf. rapport n° 122 (2013-2014) au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, p. 9 (http://www.senat.fr/rap/l13-122/l13-122.html). Voir également le rapport pour avis n° 116 (2010-2011) au nom de la commission des lois sur le projet de loi de finances pour 2011 « sécurité civile », p. 32 (http://www.senat.fr/rap/a10-116-10/a10-116-10.html).
* 3 Étude réalisée les 4 et 5 septembre 2013, sur un échantillon de 1 020 personnes, âgées de plus de 18 ans et résidant en France (http://www.opinion-way.com/pdf/opinionway_-_croix-rouge_francaise_-_les_gestes_qui_sauvent_adaptes_aux_accidents_de_la_route-septembre_2013.pdf).
* 4 Consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl02-223.html.
* 5 Rapport n° 122 (2013-2014) au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, p. 11 (http://www.senat.fr/rap/l13-122/l13-122.html).
* 6 Art. 3 de l'arrêté du 3 mars 2009 relatif aux conditions d'organisation de l'examen du certificat de capacité professionnelle de taxi.