EXAMEN EN COMMISSION
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Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Le Sénat doit se prononcer en deuxième lecture sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 12 juin 2014, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire. Déposée au Sénat le 13 février 2012 par MM. Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf et plusieurs de leurs collègues, la proposition de loi avait pour objet d'ajouter une troisième épreuve, sanctionnant la connaissance des gestes de premiers secours, aux deux épreuves actuelles du permis de conduire. En première lecture, le Sénat a conservé le principe d'une formation obligatoire mais il a supprimé l'épreuve supplémentaire correspondante. La proposition de loi ainsi modifiée par le Sénat n'a subi que peu d'évolutions à l'Assemblée nationale.
La proposition de loi part du constat de l'insuffisante formation de la population française aux gestes de premiers secours : selon l'enquête menée par la Croix Rouge en 2013, seuls 46 % des Français les connaissent. Si des dispositifs de formation obligatoires existent, comme les articles L. 312-13-1 et L. 312-16 du code de l'éducation qui imposent de former les élèves à l'attestation de prévention et secours civique de niveau 1 (PSC1), ils sont peu mis en oeuvre puisqu'en pratique 20 % des élèves sont formés chaque année. Je l'ai régulièrement dénoncé. C'est d'autant plus préjudiciable en cas d'accidents de la route. Ce constat prend un relief particulier aujourd'hui puisque la mortalité routière a augmenté de 3,7 % en 2014.
En première lecture au Sénat, le principe de l'épreuve spécifique prévu par la proposition de loi a été supprimé à mon initiative : la nouvelle épreuve aurait eu des conséquences financières non négligeables - étant observé que le coût d'une première présentation du permis de conduire est au minimum de 1 200 euros -, elle aurait allongé des délais déjà très longs - trois à cinq mois en moyenne - et elle aurait été enfin compliquée à organiser. La sanction des connaissances devrait donc être effectuée à l'occasion des épreuves actuelles, notamment de l'épreuve théorique, dans la mesure où seule la pression d'un questionnement systématique forcera les élèves à apprendre ces notions.
Un appel d'offres a été lancé le 13 février 2015, afin de modifier les questions de l'examen théorique. Il porte sur la fourniture de 1 000 questions, dont 100 demandées au sein de la famille n° 5 relative à la réglementation générale, qui inclut les questions liées aux gestes de premiers secours. Cela augmentera la probabilité - jusqu'alors très faible - d'une question portant sur la formation aux premiers secours, ce que je salue. Il est essentiel qu'au moins une question soit systématiquement posée sur ce sujet à l'occasion de l'examen théorique du permis de conduire, faute de quoi les candidats ne s'investiront pas dans la formation aux premiers secours.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ne remettent pas en cause le texte : la référence aux accidents de la circulation dans l'obligation de formation aux premiers secours des candidats au permis de conduire a été supprimée, le terme « sanctionner » a été remplacé par « évaluer » et enfin, à juste titre, l'obligation de « sensibilisation » prévue par l'article 16 de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a été supprimée car elle serait contradictoire avec le texte proposé dont la teneur est beaucoup plus forte.
En conclusion, le principe resterait celui d'une formation obligatoire à des gestes simples de premiers secours, dont le contenu serait déterminé par décret. Les connaissances seraient évaluées dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire, c'est-à-dire aussi bien lors de l'épreuve théorique qu'à l'occasion de l'épreuve pratique. Au regard de l'importance de tous les dispositifs permettant de contribuer à sauver des vies sur les routes, je propose que le texte soit adopté sans modification supplémentaire, afin qu'il entre en vigueur le plus vite possible. Compte tenu de l'importance de cette question, je demanderai en séance l'engagement du Gouvernement d'évaluer systématiquement cette formation, aussi bien au cours de l'examen pratique qu'au cours de l'examen théorique, cette dernière condition étant la plus importante pour que le texte proposé soit effectif.
Mme Esther Benbassa . - Je vous remercie pour ce rapport, mais je ne désire pas être secourue par un jeune conducteur en cas d'accident ! Il est impossible d'être correctement formé aux premiers secours en trois ou quatre cours.
M. Jean-Jacques Hyest . - Ce n'est pas une raison pour ne rien faire...
Mme Esther Benbassa . - Il est préférable de prévoir une formation pendant le service civique.
M. Pierre-Yves Collombat . - Comme on ne fait rien, il faut donner l'impression qu'on fait...
M. Michel Mercier . - Depuis plusieurs années, nous votons des dispositions pour faciliter l'obtention du permis de conduire - incluses notamment dans les lois sur la politique de la ville - et maintenant nous renchéririons le coût du permis sans raison ! Les accidents de mobylette conduites sans permis sont souvent plus dangereux que les accidents de voiture. Si nous estimons que tous les Français doivent être formés aux premiers secours, la formation devrait être organisée par l'Éducation nationale.
Mme Esther Benbassa . - Aujourd'hui, on enseigne tout à l'école...
M. Pierre-Yves Collombat . - Sauf à lire, à écrire et à compter !
M. Jean-Jacques Hyest . - La proposition de loi émane du Sénat ; elle a été peu modifiée par l'Assemblée nationale ; les amendements de notre collègue Jean-Pierre Leleux précisent que la formation consiste à savoir baliser un accident, alerter le bon service, savoir effectuer les gestes pour faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes. Il y a quinze jours, des adolescents de mon département de Seine-et-Marne, formés aux premiers secours dans leur collège, ont sauvé un automobiliste coincé dans une voiture en feu. Le texte de la proposition de loi va moins loin que les amendements de M. Leleux mais tout ce qui concourt à la connaissance des gestes de premier secours doit être encouragé. Cela ne compliquera pas beaucoup les épreuves du permis de conduire. Je pense qu'il faut soutenir la position du rapporteur.
M. Yves Détraigne . - Michel Mercier ouvre une piste. La formation aux premiers secours pourrait être réalisée pendant les temps d'activités péri-scolaires. Les enfants de neuf-dix ans sont très réceptifs.
M. Roger Madec . - Je ne suis pas d'accord avec Michel Mercier. Sensibiliser aux premiers secours à l'occasion du permis de conduire est une bonne chose et la formation prévue n'augmentera pas le coût du permis de conduire.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Initialement, le texte proposé préconisait une formation lourde et couteuse - de l'ordre de vingt-cinq euros - sanctionnée par une épreuve spécifique. Le texte adopté par le Sénat est plus modeste. Les notions évaluées porteraient seulement sur les services à alerter, car les sondages montrent que 50 % des Français ne les connaissent pas, la sécurisation du lieu d'accident et les indications à apporter pour être localisé par les secours. Jean-Pierre Leleux a toutefois déposé deux amendements pour élargir cette formation à des gestes quasi médicaux destinés à faire face à la détresse respiratoire et aux hémorragies externes. Mais il faudrait alors prévoir un renouvellement de la formation à intervalles réguliers. Le texte que je vous propose d'adopter est certes une version minimaliste, mais il a pour principal objet de systématiser la formation sur les trois points essentiels que je viens d'énumérer.
Même si je comprends la démarche suivie, je suis personnellement défavorable aux amendements de M. Leleux.
Enfin, le Gouvernement doit absolument progresser sur la mise en oeuvre de ces formations au collège car des dispositions législatives imposent des formations aux premiers secours obligatoires mais elles ne sont pas appliquées.
Les amendements COM-1 et COM-2 ne sont pas adoptés.
Le texte est adopté dans la rédaction votée par l'Assemblée nationale.