N° 442

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Yves DAUDIGNY et plusieurs de ses collègues relative au parrainage civil ,

Par M. Yves DÉTRAIGNE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa, M. François Pillet , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

390 et 443 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 12 mai 2015, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Yves Détraigne, rapporteur, et établi son texte sur la proposition de loi n° 390 (2014-2015) relative au parrainage civil .

Soucieuse d'assurer une égalité de traitement de tous les citoyens, la commission des lois a approuvé le principe de la consécration dans la loi de la pratique des parrainages civils ou républicains , pratique qui fait actuellement l'objet d'une application inégale sur le territoire.

Elle a cependant adopté quatre amendements de son rapporteur tendant à la réécriture du texte afin de le modifier sur plusieurs points.

La commission des lois a écarté la proposition de faire de cette simple coutume un acte d'état civil . Dès lors, elle a estimé qu'il n'était pas opportun d'introduire ces dispositions dans le code civil et d'imposer que le parrainage républicain soit célébré par un officier d'état civil . Le maire, l'un de ses adjoints ou un conseiller municipal seraient ainsi compétents. L'acte de parrainage serait inscrit dans un registre spécifique tenu en mairie.

Elle a également encadré le choix de la commune de célébration , pour écarter tout risque de « tourisme du parrainage républicain ».

Elle a ensuite prévu que la demande de parrainage devrait émaner des deux parents de l'enfant dès lors qu'ils sont tous deux titulaires de l'autorité parentale, et a précisé que ne pourrait être choisie comme parrain ou marraine de l'enfant, une personne déchue de ses droits civiques ou privée de l'autorité parentale sur son propre enfant.

Quant à la nature du parrainage républicain, la commission des lois a choisi de s'en tenir à la consécration de la pratique existante : un engagement des parrain et marraine d'accompagner l'enfant dans son apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines , dénué d'effets juridiques, évitant ainsi les difficultés d'articulation du texte avec les dispositions du code civil applicables en matière de protection des enfants.

Enfin, elle a modifié l'intitulé de la proposition de loi, préférant la notion de « parrainage républicain » à celle de « parrainage civil », procédant ainsi à une harmonisation des termes utilisés dans le texte.

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Mesdames, Messieurs,

Inspiré du baptême chrétien, rite qui symbolise l'accueil d'une personne dans la communauté des croyants, le parrainage républicain appelé également « parrainage civil », « baptême républicain » ou « baptême civil » 1 ( * ) , marque l'entrée de l'enfant dans la communauté républicaine.

Cette cérémonie remonte à la Révolution française. Dans ce contexte de laïcisation et de transfert de l'autorité de l'Église vers l'État se développa l'idée d'un équivalent civil aux principales célébrations religieuses : baptême, mariage et funérailles.

Pour autant, contrairement au mariage, le parrainage républicain n'a reçu aucune consécration normative certaine. Son utilisation soulève donc de nombreuses questions : le maire a-t-il l'obligation de le célébrer ? Quels en sont les effets ? Est-il inscrit dans les registres de l'état civil ?

Il s'agit en réalité d'une simple coutume qui ne présente aucun caractère obligatoire pour le maire et, s'il accepte de célébrer ces parrainages, ces actes n'ont aucune valeur juridique. L'engagement des parrain et marraine d'accompagner l'enfant n'a qu'une valeur morale.

Dès lors, certaines communes acceptent de célébrer des parrainages républicains alors que d'autres s'y refusent.

La proposition de loi relative au parrainage civil, déposée par M. Yves Daudigny et cosignée par les membres du groupe socialiste 2 ( * ) , entend consacrer cette pratique dans la loi permettant ainsi à tous les parents qui le souhaiteraient de demander le parrainage républicain de leur enfant quelle que soit la commune à laquelle ils s'adressent.

Le texte va plus loin encore, en proposant de faire du parrainage républicain un acte d'état civil, créateur d'obligations tant matérielles que morales pour les parrain et marraine qui acceptent cet engagement.

I. LE PARRAINAGE RÉPUBLICAIN, UNE SIMPLE COUTUME SANS EFFETS JURIDIQUES

1. L'absence de fondement juridique du parrainage républicain

Le « parrainage républicain », appelé également « parrainage civil », « baptême républicain » ou « baptême civil » est une cérémonie laïque célébrée devant le maire ou l'un de ses adjoints, au cours de laquelle un parrain et une marraine s'engagent moralement à accompagner l'enfant dans son entrée au sein de la communauté nationale.

Cet usage serait apparu pour la première fois lors de la fête de la Fédération célébrée à Strasbourg en 1790, au cours de laquelle deux enfants, l'un catholique et l'autre protestant, auraient été « baptisés » ensemble, en public, devant l'autel de la Nation.

Pour autant, aucun texte datant de cette époque ne semble faire explicitement référence à cette pratique, même si certains sont régulièrement invoqués par les mairies comme fondements juridiques de ces cérémonies : le décret du 26 juin 1792 qui prescrivit « d'élever partout un autel de la Patrie sur lequel on célébrerait les cérémonies civiques », la loi du 20 septembre 1792 qui transféra les registres de l'état civil tenus par les ministres du culte aux municipalités ou un texte du 20 prairial an II (8 juin 1794).

Cette pratique est donc tout à fait remarquable puisque malgré l'absence de fondement juridique, elle a traversé deux siècles et fait intervenir les personnalités officielles que sont le maire et ses adjoints.

2. Une coutume qui donne lieu à une application inégale sur le territoire

L'article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales dispose que « le maire et les adjoints sont officiers d'état civil ». À ce titre, ils sont tenus d'effectuer ou de recevoir les actes d'état civil prévus par le code civil : actes de naissance, célébrations de mariage ou actes de décès. Ils procèdent à la mise à jour de l'état civil des personnes en fonction des événements qui modifient leur état ou leur capacité.

Le parrainage républicain ne relevant pas actuellement de ces actes d'état civil et n'étant fondé sur aucun texte particulier, le maire et ses adjoints n'ont aucune obligation d'accéder à la demande des parents. Certaines communes acceptent donc de célébrer ce type de cérémonies alors que d'autres s'y refusent.

Du fait de leur caractère non officiel, les parrainages républicains ne sont pas comptabilisés et ne font l'objet d'aucune statistique. Il est donc impossible, à moins d'interroger chaque commune, de donner une estimation de leur nombre et d'étudier leur évolution.

Aucun texte n'encadre le déroulement de la célébration.

Elle a lieu le plus souvent dans la commune du domicile des parents. Cependant, dans la mesure où aucun formalisme ne s'attache à ce type de cérémonies, le parrainage républicain peut se tenir dans tout autre lieu, à condition que le maire de la commune choisie y consente.

Il peut se dérouler dans la salle du conseil municipal, la salle des mariages ou le cabinet du maire

Aucun titre (acte de naissance, livret de famille, carte d'identité...) n'est exigé. Leur présentation permet cependant de dresser l'acte sans erreur, notamment en ce qui concerne l'identité des personnes.

Le maire peut prononcer un discours. Il donne lecture de l'acte et interpelle éventuellement les parents, le parrain et la marraine pour qu'ils confirment leur volonté.

L'acte est ensuite signé par les parents, le parrain, la marraine et l'officier d'état civil. Le maire peut également décider d'apposer sur le document le cachet de la mairie.

L'acte peut être dressé en plusieurs exemplaires. Il peut être remis aux parents, au parrain et à la marraine.

Le document établi lors de la cérémonie n'a pas valeur d'un acte d'état civil et le parrainage n'est pas inscrit sur le registre de l'état civil.

Un exemplaire des actes dressés au cours de l'année peut éventuellement être conservé en mairie dans un registre spécifique, distinct de celui de l'état civil.

3. Un engagement moral dénué d'effets juridiques

Lors d'un parrainage républicain, l'enfant est confié à un parrain et une marraine qui s'engagent moralement à développer son esprit civique dans le respect des valeurs républicaines.

Bien que de nombreux discours prononcés lors de parrainages républicains évoquent également un engagement des parrain et marraine de subvenir aux besoins de l'enfant, le parrainage républicain, comme le rappelle régulièrement le ministre de la justice en réponse aux questions écrites qui lui sont adressées par des parlementaires, n'a aucune valeur juridique 3 ( * ) et ne crée aucun lien de droit entre le filleul et ses parrain et marraine. Il n'est ici question que d'engagement moral.

Dans le cas où les parents ne pourraient plus assumer les obligations qui leur incombent à l'égard de leur enfant (hypothèses de décès, d'incapacité ou d'empêchement de toute nature), le code civil prévoit d'ores et déjà la mise en oeuvre de dispositifs bien spécifiques : mesures d'assistance éducative, administration légale sous contrôle judiciaire, mesure de tutelle...

Le rôle des parrain et marraine ne peut s'inscrire que dans ces cadres juridiques précis. Comme toute autre personne éventuellement, ils peuvent par exemple être désignés par le juge des tutelles pour faire partie du conseil de famille 4 ( * ) chargé d'organiser la tutelle du mineur ou être désigné tuteur de l'enfant 5 ( * ) si tel est son intérêt.


* 1 Les auteurs de la proposition de loi utilisent alternativement les notions de « parrainage civil » et « parrainage républicain ». Votre commission des lois a choisi d'utiliser les termes de « parrainage républicain » ( cf. infra ). C'est donc cette notion qui est principalement utilisée dans le présent rapport.

* 2 Texte n° 390 (2014-2015), déposé au Sénat le 1 er avril 2015.

* 3 Par exemple : question écrite de M. Antoine Lefèvre n° 5430 JO Sénat 21 mars 2013.

* 4 L'article 399 du code civil dispose que « peuvent être membres du conseil de famille les parents et alliés des père et mère du mineur ainsi que toute personne, résidant en France ou à l'étranger, qui manifeste un intérêt pour lui.

« Les membres du conseil de famille sont choisis en considération de l'intérêt du mineur et en fonction de leur aptitude, des relations habituelles qu'ils entretenaient avec le père ou la mère de celui-ci, des liens affectifs qu'ils ont avec lui ainsi que de la disponibilité qu'ils présentent. »

* 5 Par testament du dernier des parents vivants (article 403 du code civil) ou, en l'absence de tutelle testamentaire, par le conseil de famille (article 404 du même code) sous le contrôle du juge des tutelles.

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