C. MIEUX CONTRÔLER LES ACTIVITÉS DE RENSEIGNEMENT
Si les services de renseignement doivent disposer des moyens nécessaires pour l'exercice de leurs missions, votre commission a voulu s'assurer qu'ils respectent le cadre légal que le législateur fixe.
1. Instituer des garanties supplémentaires de l'indépendance et de l'efficacité du contrôle de la CNCTR
a) Renforcer ses missions
Ayant pris acte des avancées marquées à l'Assemblée nationale pour garantir l'effectivité du contrôle de la CNCTR, votre commission a rassemblé au sein du titre III toutes les dispositions concernant les missions et pouvoirs de cette nouvelle autorité administrative indépendante ( article 1 er ).
Si le contrôle de la CNCTR a vocation à porter sur la légalité de la technique mise en oeuvre, votre commission a précisé qu'il lui appartiendrait également d'indiquer au Premier ministre que l'opération ne relève plus de la police administrative mais doit être confiée à l'autorité judiciaire.
Votre commission a prévu que l'accès de la CNCTR aux documents et locaux faisant l'objet de son contrôle serait, non seulement permanent comme l'a indiqué l'Assemblée nationale, mais aussi direct . Elle a également conféré à la CNCTR des pouvoirs supplémentaires quand elle découvrirait la mise en oeuvre d'une technique de renseignement qui lui aurait été dissimulée . En outre, votre commission, attachée à l'efficacité des moyens de contrôle de la CNCTR, a institué, sur le modèle de ce qui existe pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), un délit d'entrave pour ceux qui s'opposeraient à l'action de la CNCTR.
S'agissant du fonctionnement et des missions de la CNCTR, votre commission a admis le renvoi à un règlement intérieur. Cependant, elle a estimé que relevait de la loi les règles assurant des garanties procédurales supplémentaires. Ainsi, elle a institué deux formations collégiales au sein de la CNCTR - une formation plénière et une formation restreinte, cette dernière ne comprenant pas les parlementaires - qui auraient notamment vocation à statuer toute question nouvelle ou sérieuse.
Enfin, votre commission a, à l'initiative de son rapporteur, simplifié et facilité la saisine du Conseil d'État par la CNCTR : soit le président le saisit si aucune suite ou une suite insuffisante est donnée aux recommandations de la CNCTR, soit un tiers de ses membres s'ils jugent qu'une affaire mérite le contrôle du juge
b) Conforter son indépendance
S'inspirant des règles applicables à d'autres autorités administratives indépendantes, votre commission s'est attachée à donner toutes les garanties statutaires et fonctionnelles de cette indépendance ( article 1 er ).
Elle a ainsi prévu de rendre plus transparente et collégiale la nomination de ses membres. Ainsi, adoptant la proposition de loi organique déposée par MM. Jean-Pierre Raffarin et Philippe Bas, elle a soumis la nomination du président de la CNCTR à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution, garantissant ainsi un contrôle parlementaire puisque les commissions des lois des deux assemblées seraient appelées à émettre un avis (article 1 er bis A).
Parallèlement, votre commission a prévu que la fin anticipée ou la suspension du mandat d'un membre de la CNCTR en cas d'empêchement, d'incompatibilité ou de manquement grave ne pouvait intervenir que sur décision d'une majorité qualifiée de ses pairs.
Sur le plan de sa gestion, votre commission a souhaité le rattachement du budget de la CNCTR aux services du Premier ministre , dans le programme budgétaire dédié aux autorités administratives indépendantes en charge de la protection des droits et libertés. Dans le même esprit, elle a permis à son président de choisir et nommer son secrétaire général , de recruter des fonctionnaires et des magistrats pour l'assister voire des contractuels pour les postes nécessitant une expertise particulière, par exemple, informatique.
2. Consolider la procédure juridictionnelle pour les activités couvertes par le secret de la défense nationale
Gardien traditionnel de la légalité administrative, le juge administratif est constitutionnellement chargé du contentieux de l'annulation et de la réformation des actes relevant de l'exercice d'une prérogative de puissance publique, comme le Conseil constitutionnel l'a indiqué en 1987.
Si plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont pu défendre la compétence du juge judiciaire, votre commission a jugé, qu'au regard de la jurisprudence initiée par le Conseil constitutionnel depuis 1999, l'article 66 de la Constitution n'impose pas de conférer une compétence juridictionnelle au juge judiciaire, cette dernière étant seulement obligatoire pour les mesures privatives de liberté.
Prenant acte des prérogatives étendues du juge administratif (pouvoirs d'instruction, examen d'office de tout moyen, pouvoirs d'annulation et d'indemnisation, transmission au parquet en cas d'infraction), votre commission a approuvé le recours spécifique aménagé devant les formations spécialisées du Conseil d'État, juridiction compétente en premier et dernier ressort ( article 4 ). Les aménagements procéduraux rendus nécessaires par la protection de ce secret, lui ont paru respecter la jurisprudence constitutionnelle et européenne à ce sujet. Elle a ainsi souhaité, par souci de cohérence et d'efficacité, y adjoindre le contentieux relatif au droit d'accès indirect aux fichiers de souveraineté, régi par des contraintes semblables liés à la protection du secret de la défense nationale ( articles 1 er , 4 et 11 ).
Votre commission a apporté des précisions complémentaires, à savoir que le Conseil d'État pourrait directement être saisi en référé ainsi que d'une demande d'indemnisation du fait d'un préjudice subi à la suite de la mise en oeuvre illégale d'une technique de renseignement, pendant ou après le recours initial pour excès de pouvoir.
De même, votre commission a retenu une définition, proposée par son rapporteur, plus réaliste, de l' intérêt à agir pour les requérants autres que la CNCTR ( article 1 er ). Les techniques contestées étant mises en oeuvre dans le secret et étant donc inconnues du requérant potentiel, l'intérêt à agir serait constitué dès lors que le requérant souhaite qu'il soit vérifié qu'aucune technique de renseignement n'est pas mise en oeuvre à son égard.
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Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié et la proposition de loi organique sans modification.