D. UN DÉBAT RAVIVÉ AUTOUR DU CORPS ÉLECTORAL RESTREINT POUR LES ÉLECTIONS PROVINCIALES
L'examen du présent projet de loi organique a mis en lumière un sujet de division récurrent depuis plusieurs mois à propos de l'inscription sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province. Cette question est débattue, lors de chaque révision annuelle de la liste en début d'année, et présente des enjeux au-delà de la prochaine échéance électorale en mai 2019 dans la mesure où la citoyenneté calédonienne est conditionnée par l'inscription sur cette liste. Or la citoyenneté calédonienne confère à son détenteur, outre le droit de vote aux élections provinciales, l'accès prioritaire à l'emploi local dans le secteur privé et dans la fonction publique locale.
Comme l'indiquait la ministre des outre-mer lors de son audition par votre commission, un « point empoisonne les échanges politiques en Nouvelle-Calédonie : la contestation, notamment par les indépendantistes, de certaines inscriptions sur les listes provinciales. Des recours ont été déposés, avec des fortunes diverses. » Cette question ressurgit, à l'occasion de l'examen de ce texte, car la commission administrative spéciale, dont il est question à l'article 1 er , est commune aux deux listes électorales spéciales. De surcroît, la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province sert à l'élaboration de la liste électorale spéciale propre à la consultation, selon les modalités prévues aux articles 3 et 4 du présent projet de loi organique.
Pour être inscrits sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province, les électeurs doivent répondre à une des conditions prévues à l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999. Une interprétation divergente existe sur la condition prévue au b de l'article 188, conduisant à la présentation de demandes de radiation d'électeurs puis à des recours juridictionnels jusque devant la Cour de cassation.
Le contentieux relatif à la révision de la liste électorale spéciale en 2014 Sous l'impulsion de l'Union calédonienne, plusieurs recours ont été engagés devant les commissions administratives chargées d'élaborer les listes électorales puis devant le juge judiciaire pour obtenir la radiation d'électeurs de la liste électorale spéciale pour l'élection de membres du congrès et des assemblées de province. Deux interprétations se sont exprimées lors de la dernière révision de 2014 : - certains estiment que les électeurs susceptibles d'être inscrits sur le tableau annexe doivent être préalablement inscrits sur la liste électorale générale de 1998 ; - d'autres s'attachent à la vérification de l'installation en 1998 au plus tard, sur la base de la consultation de la liste électorale générale de 1998 ou de tout autre élément établissant cette installation. Devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre a précisé, le 25 février 2014, que « l'examen de la condition d'installation en Nouvelle-Calédonie en 1998 devra être conduit avec un soin particulier, sur la base de la consultation de la liste électorale générale de 1998 ou de tout élément établissant cette installation ». S'abritant derrière une jurisprudence de la Cour de cassation réaffirmée en 2014 4 ( * ) , le Gouvernement estime dorénavant qu'une personne installée en Nouvelle-Calédonie avant le 8 novembre 1998, et alors majeure, mais qui ne s'était pas inscrite sur la liste électorale générale à cette date, ne remplit pas la condition prévue par le b de l'article 188 de la loi organique. Elle ne peut donc ni s'inscrire, ni être maintenue sur la liste électorale spéciale. |
Lors du comité des signataires du 5 juin 2015, les partenaires ont convenu de leur désaccord sur l'interprétation donnée au b de l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 et d'une méthode pour aboutir, au prochain comité des signataires convoqué traditionnellement à l'automne, à une solution consensuelle. Ils ont convenu d'ores et déjà que la date de référence pour apprécier ce critère était celle de la consultation portant sur l'Accord de Nouméa organisé le 8 novembre 1998 : selon le relevé de conclusions, « tous s'accordent pour reconnaître qu'aucun droit électoral n'a pu être acquis après cette date », en conformité avec la volonté du constituant en 2007. D'ici le prochain comité des signataires, l'État fera « procéder par des experts de confiance, dans les meilleurs délais, à une évaluation quantitative du litige électoral » selon une méthode garantissant « l'anonymat vis-à-vis des tiers des personnes concernées ». Une fois ces données connues, les partenaires pourront se pencher plus particulièrement, en équité, sur la situation des personnes installées avant 1998, sans être inscrites avant cette date sur la liste électorale générale.
Votre rapporteur se félicite de cette approche pragmatique qui permettra d'apaiser le débat local car, comme le soulignait avec raison la ministre des outre-mer devant votre commission, « la solution sera différente selon que le problème concerne 50 ou 3 000 personnes ! »
* 4 Cour de cassation, 19 juin 2014, n° 14-60554 ; 4 juillet 2014, n° 14-60638, n° 14-60639, n° 14-60640, n° 14-60641, n° 14-60650 et 18 septembre 2014, n° 60-582