ANNEXE III : AUDITION DE BRUNO PARENT, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES PUBLIQUES (25 MARS 2015)
Mme Michèle André , présidente . - Nous accueillons Bruno Parent, nommé directeur général des finances publiques le 1 er juillet 2014 en remplacement de Bruno Bézard, devenu directeur général du Trésor et que nous avons entendu il y a deux semaines. Les défis ne manquent pas pour l'administration fiscale. Celle-ci doit continuer à se réformer et à se moderniser, dans un contexte budgétaire difficile, puisque la direction générale des finances publiques (DGFiP) connaît, cette année encore, une baisse de ses crédits et 2 000 suppressions de postes.
Dans le même temps, le recouvrement de l'impôt et la lutte contre la fraude fiscale constituent une préoccupation plus importante que jamais. Avec la fin annoncée - ou espérée ? - du secret bancaire, les « repentis » se présentent de plus en plus nombreux à la cellule de régularisation mise en place à Pantin. Mais les fraudes à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les montages abusifs, les tax rulings mis en lumière par l'affaire LuxLeaks ou encore les failles de la fiscalité numérique constituent des défis encore plus grands.
Plusieurs projets législatifs seraient en préparation, avec pour maîtres mots la simplification et la dématérialisation. Mais d'autres chantiers ont un avenir plus incertain - je pense notamment au rapprochement de l'impôt sur le revenu (IR) et de la contribution sociale généralisée (CSG), ou encore à la révision des valeurs locatives.
M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques . - La DGFiP est issue du rapprochement entre la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Cette maison est donc un ensemble assez vaste, dont les multiples tâches dépassent largement la sphère fiscale - les élus des collectivités territoriales le savent bien. La DGFiP participe activement à la politique voulue par le Gouvernement de réduction des dépenses publiques. En d'autres termes, nos moyens sont en attrition, nous devons l'assumer, et nous le faisons avec détermination en recherchant en toute situation les moyens de réaliser des gains de productivité, d'alléger nos charges, et si possible de simplifier les tâches qui sont les nôtre - et par là celles de nos partenaires et de nos usagers. C'est pour cela que vous entendez régulièrement parler d'évolutions, y compris dans l'organisation de notre réseau, afin que la DGFiP conserve sa qualité de service tout en s'adaptant aux moyens que vous connaissez.
La relation avec le contribuable est marquée par quelques axes forts. Nous nous présentons et nous revendiquons comme une administration de services. Nous pensons que notre devoir est de faciliter l'impôt à l'ensemble des citoyens et des entreprises. Et nous pensons que ceci n'est nullement contradictoire, mais au contraire parfaitement cohérent, avec la mission de contrôle fiscal qui est la nôtre, et qui garantit finalement l'égalité de tous devant la loi.
Dans cette optique d'administration de services, la DGFiP a développé une série de démarches qui peuvent se faire à distance, comme en témoigne la numérisation croissante de nos prestations et des obligations déclaratives. La DGFiP fait également des efforts en matière de sécurité juridique : face à la complexité croissante de la norme, et pas seulement de la norme fiscale, nous pouvons aider de manière très importante les entreprises et les ménages. En ce qui concerne les process , qui sont par définition industriels - je rappelle qu'il y a en France 36 millions de foyers fiscaux et 100 millions de parcelles cadastrales -, nous avons évidemment un enjeu en matière d'informatique, outil puissant qui permet de simplifier la vie des contribuables. Le dernier exemple en date est celui de la modernisation des changements d'adresse.
En ce qui concerne le contrôle fiscal, il est donc parfaitement cohérent d'avoir une politique très volontariste et axée sur les fraudes les plus graves, et d'utiliser au mieux les nouveaux instruments dont le Parlement nous a dotés - il y a depuis quelques années un véritable progrès dans nos outils, charge à nous d'en faire le meilleur usage. Un exemple, repris par la presse, est celui des logiciels dits « permissifs », qui permettent à certains commerçants d'effacer très commodément une partie de leur chiffre d'affaires. Cette fraude fait partie de celles que nous considérons comme les plus graves, et que nous pourchassons désormais avec l'aide de la police et de la justice - une grande avancée de la période récente.
Sur le plan international, le grand changement sur longue période est celui de l'échange automatique d'informations fiscales. Le ministre des finances, Michel Sapin, a signé le 29 octobre 2014 à Berlin l'engagement de la France en cette matière, aux côtés de avec cinquante-deux autre pays. La justice fiscale et l'équité y trouvent déjà leur profit, puisque ceux de nos concitoyens qui se présentent pour régulariser leurs avoirs détenus à l'étranger le font certainement mus par un civisme fiscal qui tout à coup les étreint, mais il n'est pas impossible qu'il le fasse également en considération du fait qu'à l'avenir, certaines dispositions pourraient de toute façon les contraindre à se dévoiler, ou à être dévoilés.
Voilà donc très sommairement le paysage de la DGFiP : des moyens dont il faut tenir compte, une ambition toujours grande en matière de qualité de service, et donc une nécessité d'évoluer - comme toute entreprise, même si nous sommes une entreprise administrative - dans le traitement de l'information. Il ne faut jamais perdre de vue le fait que l'on gère à la fois des grands process industriels, et qu'en même temps nous devons faire un travail « cousu main » pour chaque individu et chaque entreprise, en tenant compte de sa situation particulière. L'industrie lourde et la haute couture, voici le défi de notre maison.
Mme Michèle André , présidente . - Vous avez évoqué l'échange automatique d'informations, progrès qui tient beaucoup à la loi « FATCA » ( Foreign Account Tax Compliance Act ). Le système d'informations de la DGFiP qui doit centraliser les données fournies par les banques est-il en place ? Nous savons en effet que nos grands projets se heurtent parfois à de petites difficultés...
M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques . - Aujourd'hui, la réponse est la suivante : non, mais c'est normal. Les premiers échanges d'informations sont prévus pour 2017. Nous avons donc lancé les travaux visant à collecter les informations auprès du système bancaire français, et à les échanger avec nos partenaires. Nous travaillons dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l'Union européenne pour faire sorte que ces échanges soient fluides - et le moins coûteux possible, d'où la nécessité d'un dispositif commun et non pas spécifique aux relations bilatérales avec tel ou tel pays.
Nous ne partons pas de rien : l'administration fiscale française a une vieille tradition de collecte d'informations auprès des banques, qui sont par la loi tenue de fournir un certain nombre de données - ce dont le contribuable profite également puisque ces données sont pré-imprimées sur les déclarations de revenu. Ce qui est nouveau, c'est donc moins la collecte auprès des banques que l'internationalisation, la réception des données envoyées par les autres pays, et le bon usage qui en sera fait. En bref : nous ne sommes pas prêts aujourd'hui, mais nous le serons demain dans les temps.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ma première question porte sur les difficultés de recouvrement des impôts et les éventuelles baisses de recettes fiscales, sujet sur lequel nous interrogeons régulièrement le ministre du budget. Constate-t-on aujourd'hui de manière très concrète un allongement des délais de paiement du fait de la crise ? Le taux de paiement spontané connaît-il une dégradation significative ? La France est toutefois un pays où le taux de recouvrement spontané est plutôt élevé.
Ma deuxième question porte sur la fraude fiscale sur internet et le e-commerce. Dans les fonctions de rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » que nous occupions précédemment avec Philippe Dallier, et dans lesquelles Michel Bouvard et Thierry Carcenac nous ont remplacés, nous avions été surpris de la difficulté qu'avaient la douane et l'administration fiscale à appréhender ces questions. Les exemples sont nombreux : l'achat sur internet d'une chemise, d'un costume ou encore d'un service de déménagement donne lieu à toute une activité qui se pratique sans facture, voire avec de fausses factures qui font apparaître une TVA qui n'est jamais payée. La mission « data mining » dont la presse s'est faite écho s'intéresse-t-elle à cette question du e-commerce, de la fraude à la TVA voire à l'impôt sur les sociétés (IS) ?
Ma troisième question porte sur la volonté du Gouvernement de dématérialiser totalement les déclarations fiscales dans toutes les matières. À voir les centaines de millions d'euros dépensés chaque année en frais d'affranchissement, on en comprend l'intérêt, et il s'agit par ailleurs d'un service supplémentaire. Quel serait le vecteur de cette évolution ? Le projet de loi sur la transparence de la vie économique, annoncé le 28 janvier 2015 par le ministre des finances, Michel Sapin ? Alors que l'incitation financière à la télédéclaration de 20 euros a disparu, comment faire pour régler le cas des populations rétives à l'informatique, ou de celles qui n'ont pas accès au très haut débit ?
Ma troisième question porte sur les tax rulings dont il a été beaucoup question dans la presse. La France pratique-t-elle ce système de rescrit prévoyant un traitement fiscal particulier ? Transmet-elle ses décisions individuelles sur les entreprises aux autres États membres de l'Union européenne, spontanément ou sur demande ? En bref : quelle est la pratique française des tax rulings ?
M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » . - Premièrement, quelle est votre appréciation sur le consentement à l'impôt ? Quelle est votre appréciation du civisme fiscal, notamment au regard du recouvrement des impôts, des délais de paiement ou encore du niveau de mensualisation ?
Deuxièmement, quelle est l'appréciation de la DGFiP sur la question du quotient familial, qui renseigne sur les évolutions de la société ? Le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a récemment fait des recommandations visant à un système fiscal plus lisible et plus cohérent, en évoquant notamment la piste d'une « imposition contemporaine des revenus » : c'est bien la question du quotient familial qui se pose derrière cela, et des modalités de calcul de l'impôt en France par rapport aux autres pays de l'OCDE.
Troisièmement, en ce qui concerne la réorganisation des services, une baisse évidente du nombre d'agents de catégorie C a été constatée. Dans le même temps, la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a nécessité un effort important au sein des services des impôts des entreprises (SIE) pour la gestion des restitutions. Nous passons d'un service collecteur à une administration qui rembourse - des crédits de TVA, le CICE etc. Il me semble que nous avons atteint un niveau de baisse d'effectifs qui commence à être difficile pour la bonne organisation des services.
Quatrièmement, comment abordez-vous le problème du e-commerce, non seulement avec les sites hébergés à l'étranger mais aussi en France ? Quelles sont vos relations avec la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ? Et avec les opérateurs télécom ? Le droit de communication est-il un outil important ? Quelles seraient vos propositions pour améliorer les contrôles et progresser sur ce sujet, quels sont les obstacles pratiques ou juridiques que l'on peut rencontrer ?
Cinquièmement, le ministre des finances a annoncé une série de mesure dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, notamment le signalement des retraits supérieurs à 10 000 euros et l'interdiction des paiements en espèces supérieurs à 1 000 euros. Pouvez-vous nous fournir quelques éléments pour nous éclairer sur le sujet ?
M. Michel Bouvard , rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » . - Je vais me concentrer sur la problématique de France Domaine, sur laquelle il pourrait être opportun de revenir à un moment ultérieur. La Cour des comptes a transmis au Premier ministre le 30 décembre 2014 un référé sur la politique immobilière de l'État, dans lequel elle suggère de rattacher directement le service France Domaine au ministre chargé du budget, afin de marquer l'autonomie de la politique immobilière. Quelle est votre appréciation sur ce point ?
Ce même référé indique que la connaissance du parc immobilier de l'État est encore insuffisante. Or, dans une enquête commandée par la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la Cour des comptes a montré que la mission d'évaluation du patrimoine immobilier de l'État était en quasi-totalité externalisée par France Domaine. Un marché a ainsi été passé avec BNP Paribas Real Estate en 2014. Si cette évaluation privée peut apporter un point de vue complémentaire, l'indépendance n'est toutefois jamais absolue, et la Cour des comptes estime qu'il est indispensable que l'État conserve une capacité propre. N'y a-t-il donc pas un danger à externaliser durablement ce qui relève du « coeur de métier » de France Domaine ? Tous ces sujets mériteraient peut-être une audition spécifique.
Mme Michèle André , présidente . - Ce sera vraisemblablement le cas.
M. François Marc . - J'avais dans mes fonctions antérieures de rapporteur général insisté pour que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) puisse nous remettre des éléments précis sur la faisabilité d'une fusion de l'IR et de la CSG. Le rapport a été remis après de longs mois de travaux, et aujourd'hui se pose la question des suites éventuelles à y donner. Il semble qu'une fusion soit difficilement envisageable à court terme, mais des solutions existent pour améliorer le dispositif actuel, et ceci dans le sens d'une plus grande progressivité. Tout ceci nécessitera bien évidemment des moyens. L'imposition contemporaine des revenus, évoquée précédemment, est l'une des pistes envisagées. Quel est votre sentiment à cet égard ? S'agit-il d'une première étape réaliste et réalisable ?
Ma seconde question porte sur la révision des valeurs locatives, sur laquelle je m'étais aussi fortement engagé dans mes fonctions précédentes. Plusieurs étapes ont été franchies, et une mise en oeuvre était prévue au 1 er janvier 2016 pour les locaux professionnels. Mais hier, nous avons appris que la mise en oeuvre serait reportée d'au moins un an, c'est-à-dire au 1 er janvier 2017, année de l'élection présidentielle, dont chacun sait ce que cela signifie. À chaque tentative de révision, soit à quatre reprises depuis 1971, il y a eu des difficultés à aller jusqu'au bout - pour des raisons que chacun peut comprendre et qui ont à voir avec des élections présentes ou à venir.
Il est tout à fait imaginable que des difficultés apparaissent. La commission des finances du Sénat avait été la première à débattre des résultats de l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, menée dans cinq départements pilotes ; nous avions adapté à la fois le lissage et le dispositif dans son ensemble pour tenir compte des enseignements de l'expérimentation. Tout me porte à penser que nous aurions pu faire de même dans les prochaines semaines et les prochains mois, avant l'été, afin d'adapter le dispositif en vue d'une mise en oeuvre au 1 er janvier 2016. Quel est votre sentiment ? Les informations qui remontent du terrain sont-elles très différentes de celles des cinq départements de l'expérimentation ? Si elles sont différentes, cela nécessite-t-il vraiment une année supplémentaire d'ajustement ? Nous avions prévu un lissage sur cinq ans, peut-être faudrait-il dix ans, ou la mise en place de coefficients... il y a certes des ajustements à faire, mais cela ne peut-il pas se faire dans un délai rapproché ?
M. Francis Delattre . - Les impôts payés par les géants d'internet - Apple, Facebook, Amazon, etc. - ne correspondent le plus souvent à rien. Réalisez-vous des progrès en la matière ? Par ailleurs, en tant que président de la commission d'enquête sur le crédit d'impôt recherche (CIR), je souhaiterais savoir ce que vous avez à nous dire à propos de cette dépense fiscale. Enfin, en ce qui concerne la fusion entre l'IR et la CSG, poursuivez-vous le travail à ce sujet ou est-il abandonné ?
M. Claude Raynal . - J'ai une question technique qui porte sur les finances locales et la notification des bases fiscales aux collectivités territoriales. Les montants des avances sont, en règle générale, transmis en début d'année aux collectivités pour leur permettre de bâtir leurs budgets primitifs. Or, en 2015, il n'a pas été constaté d'augmentation de ces montants dans de nombreuses collectivités. Une situation similaire avait été rencontrée en 2013 : en début d'année, les montants restent identiques à ceux de l'année précédente, puis sont ajustés en cours d'année. Il s'agissait alors d'une stratégie de l'État pour décaisser moins en cours d'année et plus en fin d'exercice. Pouvez-vous nous en dire plus sur le recours éventuel à une telle stratégie en 2015 ?
M. Jean Germain . - Je rejoins une des questions posées par François Marc : vous avez noté dans votre propos liminaire que la justice et la transparence en matière fiscale sont essentielles pour le citoyen. Le même raisonnement devrait s'appliquer aux collectivités territoriales. Quand on a des valeurs locatives qui ne veulent rien dire, comment peut-on comparer l'effort fiscal des collectivités territoriales ? Le travail est fictif. Par ailleurs, concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les collectivités territoriales reçoivent des informations incompréhensibles : les bases augmentent de 5,5 points puis les perdent l'année suivante sans explication. En outre, sur la question de la révision des valeurs locatives, j'observe que reporter une expérimentation revient souvent à l'enterrer. C'est très gênant, y compris en matière de dotation globale de fonctionnement (DGF). Là encore, tant qu'on ne connaît pas les bases réelles de chaque collectivité territoriale, on ne peut pas connaître l'effort fiscal de chacune.
M. Michel Berson . - Je souhaite évoquer trois sujets. Tout d'abord, je relève que le rescrit fiscal représente un dispositif intéressant, assez peu utilisé en France, notamment pour nos entreprises recourant au CIR. Les entreprises conduisent des programmes de recherche qui sont souvent évolutifs, ce que suppose qu'elles demeurent éligibles au dispositif : le rescrit fiscal devrait donc lui-même être évolutif, afin qu'il puisse évoluer avec les changements des programmes des entreprises. L'administration fiscale travaille-t-elle sur la construction d'un tel outil permettant de sécuriser le CIR qui profite aux entreprises ?
Deuxièmement, il existe un progiciel qui permet de détecter les fraudes à la TVA. Le bilan de son utilisation par différents États étrangers montre qu'il est efficace. La France l'utilise-t-elle ? Confirmez-vous son efficacité ? Ou, s'il a été choisi de ne pas investir dans un tel logiciel, quelles en sont les raisons ?
Ma dernière question aborde le problème de la réduction des effectifs de la DGFiP. Ceux-ci vont encore enregistrer des baisses sensibles en 2015 et en 2016. Pourtant, comme la présidente l'a rappelé, la lutte contre la fraude fiscale nécessite plus d'inspecteurs et plus de contrôleurs. Est-il prévu d'augmenter les effectifs de ces corps-là ou, au moins, de les stabiliser ?
M. Pierre Jarlier . - Je rejoins la question de François Marc sur la révision des valeurs locatives. En tant qu'anciens rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », nous avons largement eu l'occasion de travailler sur ce sujet. Des problèmes d'ordre technique sont visibles dans de nombreux départements, par exemple pour les locaux commerciaux. On constate ainsi des déséquilibres entre la fiscalité applicable à la grande distribution et celle relative au petit commerce. J'estime que nous avons d'autres possibilités que de reporter l'expérimentation. Notre politique fiscale pourrait être modifiée en loi de finances pour corriger le tir le cas échéant. Pourrait-on encore réunir les commissions départementales consacrées à cette réforme au lieu de reporter la réflexion d'un an, voire de deux ou trois ans en raison des élections présidentielles ?
Par ailleurs, pouvez-vous confirmer que France Domaine n'interviendra plus sur l'évaluation des biens des communes de moins de 2 000 habitants ? Une telle mesure suscite de grandes inquiétudes dans le monde rural. Ce sont les petites communes qui ont le plus besoin de l'expertise de l'État en matière immobilière.
M. Michel Canevet . - La dématérialisation des déclarations peut-elle être mise en oeuvre rapidement ? De fait, certaines personnes ont une maîtrise insuffisante de l'outil informatique, et la couverture numérique du territoire est insuffisante.
La réduction des effectifs de la DGFiP aura-t-elle des conséquences sur l'évolution du réseau territorial ? Un lien sera-t-il fait avec le redécoupage résultant des élections départementales ? Ces dernières ont en effet conduit à décider de nouveaux chefs-lieux de cantons.
Mme Michèle André , présidente . - Suite à une question préjudicielle du Conseil d'État, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt le 26 février 2015 selon lequel les revenus du patrimoine des résidents Français travaillant dans un autre État membre ne peuvent pas être soumis aux contributions sociales, notamment la CSG. Pouvez-vous évaluer le coût de ce contentieux fiscal, puisque les contribuables vont demander à être remboursés ? Par ailleurs, la contribution de 3 % sur les dividendes distribués a conduit la Commission européenne à engager une procédure d'infraction contre la France. Cette contribution rapporte environ 1,9 milliard d'euros par an depuis 2012, mais elle contreviendrait à la directive « mère-filles ». Quelle est votre analyse de ce dossier, quel est son calendrier et quel est le risque financier pour la France ?
M. Bruno Parent . - En matière de recouvrement de l'impôt, les taux de recouvrement spontané restent de bonne qualité et se maintiennent. On assiste en revanche à une augmentation des délais de paiement et des demandes gracieuses, ce qui est habituel dans un contexte économique difficile. Il n'y a donc pas d'érosion du civisme fiscal. Le comportement général des entreprises et des ménages ne s'est pas dégradé de manière structurelle.
Les problèmes posés par le commerce électronique et internet sont éminemment compliqués, et les rapports sur le sujet s'accumulent. Je formulerai trois observations simples et relativement consensuelles. Tout d'abord, la solution ne peut pas être nationale, sauf à être inefficace ou contre-productive, et doit nécessairement dépasser le cadre de nos frontières. Le bon niveau est a minima européen, et si possible international. L'OCDE est l'enceinte à privilégier. L'économie numérique présente des spécificités, mais rejoint aussi la question plus générale de l'assiette des bénéfices des sociétés : à cet égard, l'initiative « BEPS » ( Base Erosion and Profit Shifting ) portée par le G20 et l'OCDE aura des effets sur l'assiette fiscale de ce secteur, avec des informations par entreprises et par pays. Une grande entreprise qui aurait d'importants profits dans une île perdue au fond du Pacifique et aucun profit ailleurs, alors que ses effectifs et son chiffre d'affaires sont répartis dans le monde, ne devrait plus exister. Bien que l'évaluation de bases par nature évanescentes pose une difficulté technique réelle, les nombreux travaux consacrés à la question de la localisation de la valeur montrent que la création de richesse a toujours une origine géographique.
Ensuite, la question de la TVA est dans tous les esprits. Il existe déjà un régime particulier. Un prestataire domicilié dans un autre État membre qui vend des biens matériels en France a l'obligation, dès lors que son chiffre d'affaires dépasse 100 000 euros, de déclarer et de payer sa TVA en France, en vertu du principe du pays de consommation. Pour la prestation de services, c'est également le principe du pays de consommation qui s'applique depuis le 1 er janvier 2015, et non plus le principe du pays d'origine. C'est une avancée, même si elle est sans doute insuffisante.
Le droit de communication a également connu des progrès, même s'il est vrai qu'ils ne résoudront pas tout. Le Parlement a voté à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 l'élargissement du droit de communication, qui s'appliquera notamment au commerce électronique et permettra de mieux appréhender les phénomènes de dissimulation des opérations d'achat et de vente réalisées par les entreprises. Cela nous permettra aussi d'interroger, en plus des entreprises, les logisticiens et les routeurs. Mais il s'agit, comme pour les autres avancées, de petits pas qui ne résoudront pas toutes les difficultés.
Les deux axes de progrès sont l'assiette des bénéfices et la coopération internationale. L'OCDE travaille activement sur ces enjeux, mais il n'existe pas de pistes miraculeuses. La France, très présente dans toutes ces instances de réflexion, à tous les niveaux, dans chacun des groupes de travail, est en pointe. J'ai l'espoir d'une amélioration, notamment sur le plan du droit de communication, mais il n'y aura pas de solution miracle. Je précise que, parallèlement à toutes ces activités de réflexion, qui ont souvent lieu au niveau international, nous continuons à conduire nos contrôles fiscaux de manière rigoureuse.
Concernant la dématérialisation et singulièrement la télédéclaration de l'impôt sur le revenu, je me permets d'apporter une nuance aux propos du rapporteur général. Le Gouvernement n'a pas annoncé sa volonté de mettre en place un système obligatoire. La presse en parle ; elle prête des intentions aux uns et aux autres. Mais, à ce jour, à ma connaissance, le Gouvernement n'a pas pris sa décision sur ce point.
J'ajouterai une observation en tant que technicien. Pour une administration comme la nôtre, tout ce qui contribue au développement de la dématérialisation est une chose positive. Cela allège nos charges et cela implique une qualité de service supérieure pour les citoyens et les entreprises, à charge pour nous de leur offrir les outils adaptés. Je prendrai un exemple dans la gestion publique, dont j'ai rappelé tout à l'heure qu'elle constitue une mission importante de la DGFiP. Le Sénat a d'ailleurs eu à connaître de cette question dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république (NOTRe) : il s'agit de la dématérialisation, progressive et à terme obligatoire, des échanges de documents budgétaires et comptables entre les ordonnateurs des collectivités territoriales de plus de dix mille habitants et le comptable public. Cette dématérialisation représente un enjeu de 650 millions de feuilles par an, ce qui est absolument considérable. Pour ma part, en tant que gestionnaire d'administration, je me réjouis que les deux assemblées aient prévu une mesure volontariste de dématérialisation dans le projet de loi NOTRe.
En ce qui concerne les tax rulings évoqués par le rapporteur général, je crains que nous ne soyons en France victimes d'un effet malheureux de traduction ou de vocabulaire. La grande affaire des tax rulings luxembourgeois a fait couler beaucoup d'encre. Mais il s'agit d'une chose différente du rescrit utilisé en France. Selon ma compréhension de ce qui pourrait se faire dans d'autres pays, les tax rulings mettent en oeuvre une fiscalité adaptée, plutôt dérogatoire, permettant de ménager les uns et les autres, dans un sens plutôt favorable à l'entreprise. Le rescrit « à la française » consiste, pour l'administration fiscale, sur la base de la situation qui lui est soumise, à indiquer les règles applicables, en fonction du droit en vigueur. Nous encourageons l'utilisation du rescrit car il contribue à renforcer la sécurité juridique. La complexité est grande en matière de législation fiscale. Il est tout à fait logique et salubre que l'administration réponde aux contribuables qui veulent bien faire et savoir le droit qui leur est applicable dans une situation donnée. Mais nous disons le droit, et rien que le droit ; nous outrepasserions nos devoirs si nous accordions des dérogations. À chaque fois qu'il a fallu accorder des dérogations fiscales à certaines entreprises, ceci a été soumis au Parlement. Par exemple lorsqu'il a été question qu'Eurodisney s'installe en France, le Parlement a eu à se prononcer.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - À l'occasion de grands événements sportifs également...
M. Bruno Parent . - Pour en terminer sur ce point, je confirme que l'Union européenne s'intéresse aux tax rulings . La Commission européenne a d'ailleurs adressé un questionnaire à tous les États membres, auquel nous sommes sur le point de répondre, afin de savoir quelle est leur pratique en la matière.
Concernant la remarque de Thierry Carcenac sur la diminution des effectifs au regard de l'évolution des charges, il est délicat de répondre de façon univoque. La « maison » DGFiP tient son rang. Elle assume ses missions. On ne constate pas d'affaissement généralisé, ni de ses performances, ni de la qualité de ses relations avec les contribuables. Globalement, nous continuons d'avoir une appréciation favorable auprès de nos concitoyens. Cela dit, est-ce que les arbres montent au ciel ? Chacun sait que non. C'est pourquoi dans mon propos liminaire, j'ai insisté sur notre recherche permanente d'allègements et de simplification. L'exemple cité précédemment concernant la dématérialisation des relations entre les ordonnateurs des collectivités territoriales et le comptable public, prévue par le projet de loi NOTRe, illustre le fait que, face à l'évolution de nos moyens, il y a des perspectives d'allègements importants de notre charge de travail.
Concernant plus précisément le CICE, si je me concentre sur ce qui était demandé à l'administration fiscale - c'est-à-dire d'être réactive, mobilisée et à la disposition des entreprises -, je constate que les choses se sont bien passées. À aucun moment, à ma connaissance, les entreprises n'ont critiqué notre administration sur les délais d'imputation ou de remboursement du CICE. En dépit de moyens en attrition, la DGFiP est toujours une administration performante. Mais pour qu'elle le demeure, il convient de faire un certain nombre de réformes.
Je souhaiterais ajouter quelques éléments sur l'économie numérique et la TVA, évoquées par plusieurs sénateurs. Nous avons mis en place une task force sur la TVA, qui rassemble toutes les parties prenantes - dont la DGDDI citée par Thierry Carcenac. Quand bien même la répartition des tâches entre les différentes administrations est relativement claire dans ce domaine - la TVA à l'importation étant à la charge des douanes et la TVA intra-communautaire étant gérée par la DGFiP -, tout système administratif où l'information circule vite est plus performant. Nous avons donc des relations étroites avec la DGDDI.
Par ailleurs, nous travaillons bien entendu à l'amélioration de nos outils de programmation du contrôle fiscal. L'un d'entre vous a mentionné un progiciel, utilisé à l'étranger, qui aurait produit des résultats spectaculaires. Permettez-moi cependant de relativiser quelque peu ce constat : lorsque j'interroge mes collègues européens, je constate qu'il n'y a pas, d'un côté, la nuit en France et, de l'autre, le jour brillant à Bruxelles ou ailleurs. En outre, certains propos concernant l'efficacité de ce progiciel ne sont pas dénués d'intérêt commercial. Nous travaillons sur le data mining , avec une équipe dédiée d'environ six personnes. Ces travaux ont permis de faire apparaître une liste d'entreprises pouvant poser problème qui n'avaient pas été identifiées par les services locaux. Ce travail est suivi par des contrôles fiscaux afin de vérifier si les doutes sont fondés.
S'agissant de la lutte contre le terrorisme évoquée par Thierry Carcenac, la DGFiP est plus particulièrement concernée par deux dispositions, présentées en conférence de presse par le ministre des finances, Michel Sapin. La première concerne le fichier national des comptes bancaires (FICOBA), qui répertorie non pas le contenu des comptes mais leur existence. Michel Sapin a annoncé que ce fichier serait étendu aux comptes Nickel, ouverts auprès des buralistes. La deuxième mesure dépasse aussi le seul sujet du terrorisme : elle consiste à abaisser à 1 000 euros le montant maximum des paiements en numéraire, qui sont aujourd'hui interdits au-delà de 3 000 euros pour un particulier. De façon générale, tout ce qui contribue à renforcer la traçabilité des opérations est positif.
Michel Bouvard a évoqué France Domaine et le référé de la Cour des comptes sur la politique immobilière de l'Etat. Il y a eu une réponse du Premier ministre. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si l'on doit ou non détacher France Domaine de la DGFiP, même si je comprends ce débat. Ce service a connu, en quelques années, une évolution tout à fait considérable. L'État s'intéresse de plus en plus à son domaine immobilier, tandis que ce sujet ne semblait pas véritablement au coeur des politiques publiques il y a encore une quinzaine d'années.
M. Michel Bouvard . - On peut le dire !
M. Bruno Parent . - Aujourd'hui, c'est tout le contraire. Le service France Domaine est encore en train d'évoluer : restructuration récente avec la création de nouvelles sous-directions, recrutements d'experts immobiliers etc. Ma préoccupation du moment est davantage l'efficacité du service actuel, la gestion des éventuelles contradictions et la mise en oeuvre de politiques prioritaires - je pense, bien entendu, à la libération du foncier public au profit du logement social.
Il y a peut-être un quiproquo sur l'évaluation du patrimoine immobilier. Michel Bouvard a cité une banque française comme prestataire de service en matière d'évaluation immobilière. Il s'agit d'une aide mais rien n'est totalement externalisé. Les évaluations sont toujours faites par France Domaine mais, dans un certain nombre de cas, nous juxtaposons à l'évaluation réalisée par nos fonctionnaires une évaluation réalisée par le secteur privé, ce qui permet d'affiner ou de conforter notre évaluation initiale. Je trouve personnellement qu'il s'agit d'une évolution saine et, compte tenu de la grande sensibilité de certains dossiers, je ne trouve pas choquant que l'État ne prétende pas tout savoir en toute chose. Il ne s'agit absolument pas d'une externalisation totale mais d'une expertise complémentaire.
Je serai encore plus bref au sujet du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, ne serait-ce que parce que le Gouvernement fait de la stabilité fiscale un axe fort de sa politique du moment. Aussi intéressantes soient les propositions du CPO, il me semble donc qu'elles ne sont pas tout à fait d'actualité. De mon point de vue de technicien, il est intéressant de noter que sur les sujets évoqués - la fusion entre la CSG et l'IR, l'imposition contemporaine des revenus etc. -, les rapports du Conseil débutent toujours par quatorze pages expliquant les difficultés techniques à résoudre, suivies de quatorze pages exposant les nombreuses questions de fond soulevées, avant de conclure brièvement, dans l'hypothèse où toutes les embûches identifiées auraient été surmontées, sur l'opportunité ou la pertinence de telle ou telle évolution. Je le dis sans prendre parti : les problèmes techniques sont importants. On peut notamment penser à la question de l'année de transition dans le cadre de l'éventuelle mise en place d'une retenue à source pour l'impôt sur le revenu...
M. François Marc . - Nous ne vous demandons pas, en effet, de porter des jugements de valeur, mais bien d'apporter des éléments techniques.
M. Bruno Parent . - Ces difficultés ne sont pas insurmontables, mais elles signifient que sur ces sujets, il faut se garder d'un manichéisme excessif et conserver à l'esprit les prolégomènes.
La présidente a évoqué tout à l'heure le contentieux européen sur l'imposition à la CSG des travailleurs transfrontaliers : c'est une bonne illustration qu'une fusion entre l'IR et la CSG n'irait pas de soi et risquerait de se heurter à cette question - sans même parler de l'assiette ni de la progressivité, les assujettis ne sont pas toujours les mêmes.
Au sujet de la révision des valeurs locatives, sur laquelle François Marc et certains de ses collègues ont insisté, vous imaginez bien qu'il ne me revient pas de commenter les récents propos du secrétaire d'État chargé du budget. Je peux en revanche exposer la façon dont je comprends les inflexions actuelles. Nous ne sommes pas face à un choix binaire entre abandon complet de la révision et une poursuite à l'identique du projet, dans le calendrier initial. Christian Eckert n'a pas dit que les travaux techniques seraient arrêtés - il a même affirmé le contraire. Sur certains sujets, comme les locaux commerciaux de centre-ville, les expérimentations et les travaux de ces derniers mois ont montré qu'il y avait un écart souvent très important entre les valeurs locatives fondant la détermination du montant de l'impôt à acquitter et la valeur de marché du bien. Le Gouvernement a estimé que cette question méritait plus de temps - rien n'est « congelé », rien n'est arrêté, et surtout pas les travaux techniques destinés à éclairer le politique. À cet égard, des simulations plus précises et plus pertinentes devraient être produites à l'été : nous devons procéder à l'intégration, dans nos simulations, des travaux tout à fait substantiels menés par les commissions départementales, qui ont conduit à modifier certains paramètres. D'un point de vue strictement technique, je pense que nous serons collectivement plus éclairés sur les perspectives d'évolution de l'assiette à l'été, et c'est dans ce contexte que je comprends le souhait du Gouvernement de se donner un peu plus de temps.
Sur les bases de fiscalité directe locale, et les difficultés de prévision qui leur sont attachées, je tiens à rappeler qu'il n'y a pas de volonté politique en la matière : les prévisions sont le résultat de données factuelles, et la faiblesse actuelle des bases prévues s'explique avant tout par les conditions économiques difficiles que nous connaissons.
M. Claude Raynal . - Je souhaiterais en particulier avoir une vision plus claire des modalités selon lesquelles sont prises en compte les bases physiques de la fiscalité locale. En 2013, cette intégration s'est faite en cours d'année, tandis qu'elle est intervenue dès janvier en 2014. Qu'en sera-t-il pour cette année ?
M. Bruno Parent . - Cette intégration des bases physiques - le déménagement de l'un, l'arrivée de l'autre... - se fait en principe au fil de l'eau, par les services fonciers. Je propose que nous échangions sur ce sujet bilatéralement.
En ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la situation est compliquée mais nous progressons. Christian Eckert a signé, en sa qualité de secrétaire d'État chargé du budget, une convention avec les élus locaux qui dépasse le cadre de la CVAE mais qui prévoit notamment des améliorations en matière de transmission d'informations par la DGFiP aux collectivités locales, tant du point de vue du calendrier que du contenu des informations. Dans la mesure où le niveau des bases dans un endroit donné dépend de la situation constatée ailleurs, il s'agirait notamment de faire connaître aux collectivités territoriales des données sur la CVAE dont l'assise géographique excède leur propre territoire. Ce progrès, certes modeste, est demandé par les élus.
La CVAE est une imposition jeune, qui comporte incontestablement une forme de complexité...
Mme Michèle André , présidente . - À laquelle notre commission s'est montrée, à de nombreuses reprises, particulièrement attentive !
M. Bruno Parent . - Je n'en doute pas et je me permets simplement de rappeler que la taxe professionnelle, à laquelle a succédé la CVAE, ne constituait pas non plus un impôt porté en triomphe.
Nous sommes particulièrement attentifs à fournir les meilleures données possibles aux collectivités territoriales, mais la prévision n'est pas une science exacte. Nous devrions donner bientôt aux élus une meilleure vision « extraterritoriale » de l'évolution de l'assiette de la CVAE.
Michel Berson m'interrogeait sur les possibles évolutions du rescrit dans le cadre du crédit d'impôt recherche (CIR). Je voudrais, en préambule, répondre à une question qui n'a pas été formulée ici mais qui m'est très fréquemment posée : non, le CIR ne déclenche pas automatiquement un contrôle fiscal.
M. Michel Berson . - C'est bien pour cela que je ne vous ai pas posé la question !
M. Bruno Parent . - Ce dont je vous remercie !
M. Gérard Longuet . - Serait-ce une anomalie statistique ?
M. Bruno Parent . - Quand bien même tous nos contrôles fiscaux externes, au nombre de 50 000 par an, seraient consacrés à ce dispositif - ce qui n'est pas le cas -, cela ne suffirait pas à couvrir tous ses bénéficiaires. Je ne dis pas que nous ne procédons à aucun contrôle - on nous le reprocherait, d'ailleurs -, mais ces contrôles ne sont pas systématiques.
Compte tenu de l'ampleur de cette dépense fiscale, le rescrit CIR apporte une sécurité juridique bienvenue. Toutefois, le rescrit ne connaît aujourd'hui pas un grand succès dans le cadre du CIR, et c'est dommage.
En réalité, le rescrit révisable dans le temps existe déjà, dans la mesure où il est possible de demander autant de rescrits que cela est nécessaire. Il n'y a pas de « compteur » de rescrit : rien n'interdit à une entreprise, qui aurait déjà obtenu un rescrit, d'informer l'administration fiscale d'une évolution de son projet de recherche, pour en vérifier l'éligibilité au titre du crédit d'impôt recherche.
Un problème plus difficile à résoudre, auquel nous réfléchissons, porte sur la nature même du rescrit tel qu'il existe aujourd'hui : il vise l'éligibilité des dépenses, c'est-à-dire la nature des travaux menés par l'entreprise. Les entreprises, elles, cherchent aussi à connaître le montant de CIR qui leur sera accordé, notamment dans le cadre de leurs discussions avec les banques. Une réflexion est donc en cours quant à la possibilité d'une expérimentation, probablement centrée sur les PME, d'un rescrit qui garderait son aspect éligibilité mais qui concernerait aussi les montants de dépenses éligibles, de façon à ce qu'il soit davantage utilisé. Un tel rescrit serait, en quelque sorte, évolutif au carré : si un projet de recherche connaît souvent des inflexions, les montants de CIR afférents peuvent a fortiori évoluer.
En ce qui concerne la façon dont France Domaine vient en aide aux petites collectivités territoriales pour l'évaluation de leur patrimoine immobilier, rien n'est encore décidé quant aux possibles évolutions. Cette « aide » est d'ailleurs parfois une obligation, au-delà d'un certain seuil. Le référé de la Cour des comptes pousse à des évolutions. La réponse du Premier ministre au référé de la Cour des comptes, sans reprendre cette idée à son compte, laisse à penser qu'une réflexion à ce sujet est possible. L'Inspection générale des finances (IGF) a par ailleurs été chargée d'une réflexion globale sur les objectifs et les moyens de la politique immobilière de l'État : des éléments de réponse pourraient être apportés à cette occasion. Il ne s'agirait pas, dans ma compréhension, de supprimer le dispositif mais d'assouplir ce qui est aujourd'hui une obligation. La réflexion est ouverte, l'heure n'est pas encore aux décisions.
Le réseau territorial et les moyens de la DGFiP évoluent en permanence : la question de l'implantation optimale de nos services, qui est importante et qu'il ne s'agit pas d'éluder, n'est pas nouvelle, et est appelée à se poser encore dans le futur. Il nous faut à la fois être présents localement et assurer des prestations de qualité : parfois, dans certaines circonstances, dans de tous petits postes notamment, nous ne sommes pas en mesure d'offrir une qualité de service suffisante. Il est alors d'intérêt public de regrouper nos structures, notamment car cela permet de faire des économies, c'est vrai, mais aussi pour maintenir une qualité satisfaisante. Le réseau évolue donc et continuera d'évoluer.
Quelques mots sur l'évolution du réseau territorial de la DGFiP - une question importante mais pas nouvelle. Cette évolution est nécessaire à la qualité des prestations de la DGFiP, et les plus petits postes n'ont plus guère de sens. J'entends bien la demande de proximité, mais le compte d'une collectivité sera tenu de la même manière dans un poste situé à deux, cinq ou dix kilomètres. À chaque fois que nous envisageons une évolution, nous consultons les élus locaux, nous en discutons avec les préfets concernés, de façon extrêmement méticuleuse et minutieuse. La décision est finalement arrêtée à haut niveau, puisque c'est le ministre qui en décide. Notre réflexion doit d'ailleurs prendre en compte les évolutions touchant à l'organisation territoriale française : nous ne pouvons ignorer les changements apportés par la loi NOTRe, la nouvelle donne concernant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et l'évolution du rôle des régions. Nous poursuivrons donc nos réflexions sur notre réseau territorial, dans des conditions transparentes et favorables au dialogue entre toutes les parties prenantes.
Concernant la décision de la CJUE sur l'imposition à la CSG de contribuables étrangers, je ne suis pas encore en mesure de chiffrer son coût. Comme la présidente l'a souligné, c'est une décision très récente. Il s'agissait, de plus, d'une question préjudicielle posée par le Conseil d'État, lequel doit encore statuer au fond sur l'affaire. Par conséquent, nous ne sommes pas encore arrivés au terme de la procédure juridictionnelle. J'ai bien noté votre intérêt pour cette question, ainsi que pour la question d'une éventuelle procédure d'infraction sur la contribution de 3 % sur les dividendes distribués. Une procédure d'infraction implique une réponse de l'État membre, une phase de dialogue avec la Commission etc. Nous sommes encore très tôt dans la procédure.
M. Francis Delattre . - Qu'en est-il de Google, Apple et Amazon ? Il s'agit d'un vrai problème.
M. Bruno Parent . - J'ai déjà évoqué les possibles évolutions de la fiscalité numérique. Ces trois entreprises soulèvent, du point de vue du droit fiscal, des problèmes différents. Je crois savoir que votre commission a mis en place un groupe de travail à ce sujet, et que nous avons le plaisir d'y être conviés : nous pourrons donc échanger de nouveau et contribuer à vous éclairer sur ce point.