TITRE III BIS - DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET
FINANCIÈRES
CHAPITRE IER -
Dispositions relatives aux juridictions administratives
Article 23 bis (art. L. 122-1, L. 232-2, L. 232-3 et L. 511-2 du code de justice administrative) - Diverses dispositions applicables aux juridictions administratives
Le présent article comprend diverses dispositions applicables aux juridictions administratives. Cet ordre de juridiction comprend, pour mémoire, le Conseil d'État, les huit cours administratives d'appel et les quarante-deux tribunaux administratifs.
Issu d'un amendement en commission des lois de l'Assemblée nationale de Mme Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure, cet article reprend des dispositions du projet de loi initial du 17 juillet 2013 que le Gouvernement avait souhaité renvoyer à une ordonnance par sa lettre rectificative du 17 juin 2015.
Il concerne des ajustements terminologiques et rédactionnels mais également des modifications procédurales.
1. Des ajustements terminologiques et rédactionnels
Cet article procède tout d'abord à un ajustement des notions employées dans le code de justice administrative (CJA) :
a) les formations de jugement du Conseil d'État statuant sur les contentieux, aujourd'hui dénommées « sections » , deviendraient des « chambres » 208 ( * ) (article L. 122-1 du CJA).
Cet ajustement tend à rendre l'organisation du Conseil d'État plus lisible pour les justiciables en harmonisant le vocabulaire utilisé avec celui de l'ordre de judiciaire. À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement de précision COM-161 visant à mentionner dans cet article du code de justice administrative la formation de jugement créée par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 209 ( * ) pour les contentieux relatifs aux techniques de recueil de renseignements.
b) les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel seraient désignés sous le terme générique de « magistrats » 210 ( * ) . Cette modification sémantique vise à tirer les conséquences de l'article 86 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 211 ( * ) - aujourd'hui codifié à l'article L. 231-1 du CJA - qui a consacré leur qualité de magistrat ;
c) le chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives serait désormais désigné sous le terme de « président » de cette même mission (article L. 232-2 et L. 232-3 du CJA) 212 ( * ) .
En outre, votre commission a adopté l'amendement COM-162 de son rapporteur prévoyant que les litiges pour lesquels les cours administratives d'appel sont saisies en premier et dernier ressort sont définis par décret en Conseil d'État. Cet amendement se borne à clarifier la base législative de dispositifs existants, l'article R. 311-2 du code de justice administrative confiant par exemple à ces cours l'ensemble des litiges relatifs aux décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
2. Des modifications procédurales
Le présent article comprend également deux dispositions modifiant les procédures suivies par les juridictions administratives.
La première concerne la liste des membres du Conseil d'État habilités à rendre une ordonnance de jugement pour « régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention d'une formation collégiale » (article L. 122-1 du CJA) 213 ( * ) . Rendues par un juge unique afin d'accélérer les procédures, ces ordonnances concernent par exemple les requêtes que les requérants ont finalement retirées ou encore celles qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative.
En l'état du droit, ces ordonnances sont rendues par le président de la section du contentieux et, à titre subsidiaire, par les présidents adjoints de cette même section et les présidents de l'une des dix sous-sections.
La réforme viserait à donner plus de souplesse au président de la section du contentieux : il pourrait désormais désigner tout autre conseiller d'État pour rendre ces ordonnances sans que celui-ci soit nécessairement président adjoint ou président de section.
La deuxième modification procédurale viserait à créer une formation de trois juges compétente pour les référés les plus complexes. Cette nouvelle formation pourrait être créée dans toutes les juridictions et pour toutes les catégories de référés (article L. 511-2 du CJA).
Le cadre juridique des référés Les procédures de référé sont prévues pour répondre à une situation d'urgence. Le juge statue sur des mesures à caractère provisoire mais n'est « pas saisi du principal » (article L. 511-2 du CJA). Le fond du litige est tranché ultérieurement selon la procédure de jugement de droit commun. Il existe quatre principaux types de référés : - le référé suspension (article L. 521-1) qui permet de suspendre l'exécution d'une décision administrative en cas de doute sérieux sur sa légalité ; - le référé liberté (article L. 521-2) par lequel le juge peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale en cas d'atteinte grave et manifestement illégale ; - le référé conservatoire (article L. 521-3) prévoyant que le juge peut ordonner toute mesure utile sans faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative ; - les référés précontractuels (article L. 551-1) et contractuels (article L. 551-14) en cas de manquements aux obligations de mise en concurrence en matière de commande publique. |
En l'état du droit, les référés sont examinés par un juge unique afin de garantir la rapidité de la procédure 214 ( * ) . En cas de difficulté juridique, le juge des référés peut renvoyer l'affaire en formation collégiale (article L. 522-1 du CJA) comme il l'a fait dans l'affaire Vincent Lambert le 6 février 2014 après avoir constaté « l'ampleur et la difficulté des questions juridiques, déontologiques, scientifiques, éthiques et humaines qui se posent ».
Tout en maintenant le principe d'un juge des référés statuant seul et pouvant renvoyer l'affaire en formation collégiale, le présent article propose de créer une troisième voie : une formation composée de trois juges des référés.
Le recours à cette nouvelle formation serait décidé « lorsque la nature de l'affaire le justifie » par le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'État, par le président de la section du contentieux. Il ressort des auditions de votre rapporteur que cette réforme fait consensus au sein des juridictions administratives, une collégialité de trois juges permettant d'aborder dans de meilleures conditions les référés les plus complexes.
3. La réintroduction des dispositions relatives aux dispositifs de recrutement du Conseil d'État
L'amendement de Mme Françoise Descamps-Crosnier qui a créé le présent article additionnel comprenait également deux dispositions relatives aux modalités de recrutement au Conseil d'État. Le Gouvernement a souhaité les supprimer en séance publique.
Les voies de recrutement du Conseil d'État Il existe, pour mémoire, quatre voies d'accès au Conseil d'État : - l'auditorat, qui constitue la voie principale et qui est réservé aux élèves de l'École nationale d'administration (article L. 133-6 du CJA) ; - le tour extérieur 215 ( * ) réservé aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (article L. 133-8) ; - le tour extérieur de droit commun (article L. 133-7) qui s'adresse aux fonctionnaires des trois fonctions publiques ; - la nomination en tant que conseiller d'État (article L. 121-4) ou maître des requêtes (article L. 133-9) en service extraordinaire. |
La rapporteure de l'Assemblée nationale avait tout d'abord proposé de réformer la procédure du tour extérieur de droit commun (article L. 133-7 du CJA).
En l'état du droit, les nominations au tour extérieur des conseillers d'État et des maîtres des requêtes 216 ( * ) sont prononcées par décret après avis du vice-président du Conseil d'État. Cet avis - qui ne lie pas l'administration - « tient compte des fonctions antérieurement exercées par l'intéressé, de son expérience et des besoins du corps » (article L. 133-7 du CJA).
Mme Françoise Descamps-Crosnier avait proposé de compléter le dispositif de nomination au tour extérieur des maîtres des requêtes en créant une commission ad hoc 217 ( * ) . Composée d'un nombre égal de membres du Conseil d'État et de personnalités qualifiées, cette commission aurait été chargée d'émettre un avis sur l'aptitude des candidats au tour extérieur, avis qui se serait ajouté à celui du vice-président. Cette mesure visait à renforcer la transparence de ces nominations et à prévoir la consultation des membres du corps d'accueil.
La rapporteure de l'Assemblée nationale souhaitait également modifier le cadre juridique applicable aux conseillers d'État en service extraordinaire .
En l'état du droit, ces derniers sont nommés par décret et sans avoir à passer de concours, ce qui les rapproche des conseillers d'État nommés au tour extérieur. Toutefois, contrairement à ces derniers :
- la durée du mandat des conseillers d'État en service extraordinaire est limitée dans le temps (article L. 121-5 du CJA) 218 ( * ) ;
- ils peuvent siéger dans les formations administratives mais pas dans les formations contentieuses (article L. 121-4) ;
- l'avis du vice-président du Conseil d'État n'est pas requis pour leur nomination.
L'amendement initial de Mme Françoise Descamps-Crosnier prévoyait tout d'abord un avis du vice-président pour toutes les nominations en service extraordinaire.
Il proposait également de créer, parallèlement aux conseillers d'État en service extraordinaire siégeant dans les formations administratives, des conseillers d'État en service extraordinaire exerçant dans les sections contentieuses 219 ( * ) . Des conditions spécifiques étaient requises pour ces derniers 220 ( * ) , Mme Descamps-Crosnier estimant que « les fonctions consultatives ou juridictionnelles au sein du Conseil d'État ne requièrent pas les mêmes exigences en termes d'expérience et de disponibilité ».
Lors de la séance publique de l'Assemblée nationale, le Gouvernement a souhaité supprimer ces dispositions relatives au tour extérieur et aux conseillers d'État en service extraordinaire au motif qu'il a créé un groupe de travail concernant les modalités de recrutement dans les grands corps.
Si cet argument paraît justifié pour la modification des modalités du tour extérieur, il l'est moins pour la réforme des conseillers d'État en service extraordinaire. En outre, votre rapporteur estime que cette dernière réforme doit être mise en oeuvre dès présent, son objectif de diversification de la composition des juridictions devant être encouragé.
En adoptant les amendements identiques du rapporteur (COM-160) et du Gouvernement (COM-30) , votre commission a ainsi réintroduit au sein du présent article les dispositions relatives à la réforme des conseillers d'État en service extraordinaire.
Votre commission a adopté l'article 23 bis ainsi modifié .
* 208 Pour mémoire, les décisions contentieuses du Conseil d'État sont rendues, en fonction de la complexité des affaires, par l'assemblée du contentieux (qui ne changerait pas de dénomination), par l'une des dix sous-sections jugeant seules (qui deviendraient des « chambres »), par plusieurs sous-sections (ou « chambres » dans le vocabulaire du présent projet de loi) ou par la section du contentieux (qui ne changerait pas de dénomination comme le précise l'amendement du rapporteur).
* 209 Loi relative au renseignement.
* 210 Ce terme remplacerait les notions de « membres des tribunaux administratifs et des cours admini stratives d'appel » et de « conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d'appel ».
* 211 Loi relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
* 212 Pour mémoire, le chef de la mission permanente d'inspection est chargé de contrôler le bon fonctionnement des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs à partir d'un programme d'inspection fixé par le vice-président du Conseil d'État (article R. 112-1 du CJA).
* 213 Dans les autres cas, la collégialité de la décision reste le principe, sauf dans les procédures de référés ( Cf. l'article 3 du code de justice administrative).
* 214 Dans le cas du référé liberté, le juge doit par exemple se prononcer dans un délai de quarante-huit heures.
* 215 Pour mémoire, le tour extérieur est un dispositif permettant l'accès à un corps sans avoir à passer le concours administratif correspondant.
* 216 Les membres du Conseil d'État sont répartis en six grades hiérarchiques : vice-président, président de section, conseiller d'État, maître des requêtes et auditeur de première et de deuxième classe.
* 217 Cette disposition ne concernerait donc pas les nominations au tour extérieur des conseillers d'État, qui resteraient soumises à un avis du vice-président sans consultation d'une commission ad hoc.
* 218 Leur mandat est d'une durée de cinq ans. Il peut être renouvelé mais un délai de carence de deux ans doit être respecté entre le premier et le deuxième service extraordinaire.
* 219 À noter que les maîtres de requête en service extraordinaire bénéficient déjà de cette possibilité de siéger dans les sections contentieuses (article L. 133-9 et suivants du code de justice administrative).
* 220 Comme, par exemple, la nécessité de justifier de vingt-cinq années d'activité professionnelle et de faire l'objet d'un avis d'un comité ad hoc composé de personnalités qualifiées et de membres du Conseil d'État.