Rapport n° 340 (2015-2016) de M. Jean-Pierre LELEUX et Mme Françoise FÉRAT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 27 janvier 2016

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N° 340

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 janvier 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à la liberté de la création , à l' architecture et au patrimoine , sur la proposition de loi de M. Alain FOUCHÉ et plusieurs de ses collègues visant à modifier la portée des avis des architectes des Bâtiments de France pour certains travaux , sur la proposition de loi de Mme Catherine MORIN-DESAILLY et plusieurs de ses collègues relative à la décentralisation des enseignements artistiques et sur la proposition de loi de M. Antoine LEFÈVRE visant à protéger les monuments historiques ,

Par M. Jean-Pierre LELEUX et Mme Françoise FÉRAT,

Sénateurs

Tome 1 : Rapport

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Pascal Allizard, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2954 , 3068 et T.A. 591

Sénat :

393 , 658 (2014-2015), 15 , 53 et 341 (2015-2016)

LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Les mardi 26 et mercredi 27 janvier 2016, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, présidée par Mme Catherine Morin-Desailly (UDI-UC - Seine-Maritime), a examiné, sur le rapport de M. Jean-Pierre Leleux (rattaché Les Républicains - Alpes-Maritimes) et de Mme Françoise Férat (UDI-UC - Marne), le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

S'agissant des objectifs généraux de la politique en faveur de la création artistique , la commission, comme elle l'avait fait lors de l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), a rappelé que celle-ci s'exerçait dans le respect des droits culturels des personnes et y a ajouté l'apport des initiatives privées (entreprises, fondations, citoyens, mécénat) car cette politique va bien au-delà du service public. Elle a par ailleurs prévu que chaque conférence territoriale de l'action publique (CTAP) comprend au moins une commission thématique dédiée à la culture.

Dans le domaine de l' audiovisuel , afin d'inciter fortement les diffuseurs à investir dans la création, la commission a abaissé de 75 % à 60 % l'obligation de commande d'oeuvres audiovisuelles des diffuseurs auprès des producteurs indépendants et modifié la définition de l'indépendance selon le seul critère capitalistique.

En matière de copie privée , la commission a complété les dispositions introduites à l'Assemblée nationale dans un souci d'en améliorer l'efficacité en matière de gouvernance. Ont ainsi été prévus :

- la nomination de hauts magistrats au pôle public de la commission de la copie privée,

- l'obligation faite à son président et à ses membres de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts ,

- l' agrément de l'organisme chargé de la perception de la rémunération pour copie privée ,

- l'adossement des études d'usage à un cahier des charges et leur réalisation par la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi),

- l'assouplissement des conditions d'exonération des matériels acquis à des fins professionnelles .

Enfin, elle a assujetti à la rémunération pour copie privée les network personal video recorder (NPVR).

En matière de droit de suite , en soutien à la création artistique, la commission a ouvert la possibilité à un auteur d'oeuvres graphiques ou plastiques de léguer son droit de suite à un musée ou à une fondation en l'absence de tout héritier réservataire.

En matière d' enseignements artistiques , la commission a proposé une clarification de la répartition des compétences entre collectivités territoriales ; elle a tenu à compléter et clarifier la loi de 2004 en affirmant le rôle des différents niveaux de collectivités territoriales, dont le chef de filat de la région dans le suivi des conservatoires, tout en rappelant le nécessaire accompagnement financier de ceux-ci par l'État.

En matière d' archéologie préventive , la commission s'est opposée au projet de reconcentration de l'archéologie préventive dans les mains de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) au détriment des services des collectivités territoriales et des opérateurs privés. En conséquence, elle a notamment :

- refusé l'alourdissement des contraintes imposées aux opérateurs soumis à agrément et rétabli la possibilité pour ces derniers de bénéficier du crédit impôt recherche ;

- supprimé les contreparties liées à la possibilité, pour les services archéologiques des collectivités territoriales , d'obtenir une habilitation ;

- imposé la validation par le service régional d'archéologie du projet scientifique d'intervention retenu par l'aménageur avant qu'il ne signe le contrat avec l'opérateur ;

- supprimé le monopole de l'INRAP sur les opérations de fouille sous-marines dans le domaine public maritime.

S'agissant de la réforme des espaces protégés , la commission a souhaité mieux préserver les intérêts des collectivités territoriales . Elle a renforcé le rôle de la commission nationale et rétabli la participation et le contrôle de l'État au sein du nouveau régime des « cités historiques » , rebaptisées « sites patrimoniaux protégés » pour plus de lisibilité et de précision.

Afin de garantir la protection du patrimoine dans la durée , elle a décidé de substituer aux plans locaux d'urbanisme (PLU) prévus pour leur mise en oeuvre l'élaboration d' un règlement spécifique . Sur la question des abords , elle a également donné aux collectivités territoriales la liberté de choisir entre le périmètre automatique et le périmètre délimité des abords. Enfin, la commission a adopté un article additionnel renforçant l'encadrement des cessions de monuments historiques appartenant à l'État .

Enfin, s'agissant de l' architecture , la commission, tout en étant sensible à l'amélioration de la qualité architecturale, a notamment :

- précisé l'obligation de recourir à un architecte pour établir le projet architectural, paysager et environnemental d'un lotissement, en exigeant qu'il présente ou réunisse auprès de lui les compétences nécessaires en matière d'urbanisme et de paysage et a supprimé le seuil dérogatoire ;

- souhaité maintenir à 170 mètres carrés le seuil de recours obligatoire à un architecte pour les constructions individuelles ;

- supprimé la réduction de moitié des délais d'instruction des permis de construire établis par un architecte en-deçà du seuil obligatoire, considérant qu'elle faisait peser une charge excessive sur les services instructeurs des collectivités territoriales au regard des objectifs poursuivis.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est amené à examiner le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en juillet 2015 et adopté par elle en octobre dernier.

Dès 2012, Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, avait annoncé le dépôt d'un projet de loi relatif au patrimoine, qui devait notamment marquer les cent ans de la « grande loi fondatrice » du premier régime de protection des monuments. Elle avait également laissé entrevoir la perspective d'une loi relative à la création, dans la droite ligne des rapports diligentés dans plusieurs secteurs culturels, à commencer par celui confié à Pierre Lescure et relatif à l'Acte II de l'exception culturelle. Un temps évoquée, une réforme de l'audiovisuel avait été écartée par le ministre dès septembre 2013 lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur le projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public.

Depuis lors, plusieurs avant-projets ont circulé, puis cheminé parallèlement, relatifs l'un au patrimoine, l'autre à la création, jusqu'à ce que l'intention se fasse jour de soumettre au Parlement un texte regroupant l'ensemble des dispositions envisagées.

Même s'il apparaissait en retrait par rapport aux documents soumis à concertation, laissant penser à de nombreux intervenants qu'ils en étaient les « grands oubliés », ce projet de loi, finalement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en juillet 2015, avait le mérite de comporter deux volets clairement identifiés, l'un consacré à la création, l'autre au patrimoine. Au total, le texte comptait initialement 46 articles. Après son examen par l'Assemblée nationale, il en comprend désormais 96, contribuant ainsi à lui conférer le caractère d'un texte « fourre-tout », sans grande cohérence d'ensemble et de portée somme toute limitée.

En matière de création, au-delà de quelques dispositions dont le caractère très général, voire incantatoire, sera approuvé par certains, décrié par d'autres, sans qu'il faille lui accorder ni excès d'honneur, ni indignité, les mesures relatives à la musique et au cinéma, qui pour la plupart d'entre elles constituent la traduction législative d'accords interprofessionnels sont de nature à recueillir un large assentiment.

Il en est de même des mesures techniques d'adaptation du droit de patrimoine et de l'architecture, telles la définition des archives ou la consécration législative du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).

En revanche, deux séries de dispositions suscitent l'inquiétude : le projet de loi marque une volonté de reconcentration de l'archéologie préventive dans les mains de l'Institut de recherches archéologiques préventives (INRAP), faisant fi des compétences acquises par tous les acteurs de la filière. Le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, ne pouvait que s'inquiéter de cette volonté de remonopolisation, qui ne dit pas son nom.

Il se devait d'être particulièrement attentif aux conséquences de la refonte des régimes de protection. Plutôt que de proroger une nouvelle fois le délai de transformation des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), le Gouvernement a, en effet, fait le choix d'instituer un nouveau système unifié, sous le vocable de cité historique, loin d'embrasser toutes les réalités de terrain.

Quelle que soit l'appréciation portée sur ces dispositions, nul ne saurait ignorer que ce projet de loi intervient dans un contexte institutionnel déjà très instable. Fixer les grands objectifs du « service public » de la création et rénover le régime de protection des espaces protégés ne peuvent s'entendre isolément de la réforme d'ensemble de l'organisation territoriale, sans oublier le contexte de la baisse des dotations de l'État et la prise de conscience très récente de l'impact négatif des restrictions budgétaires imposées au ministère de la culture depuis 2012.

C'est au nom de ce principe de réalité que votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'est efforcée de clarifier le dispositif qui lui était soumis. Elle a fréquemment accepté les mesures techniques ou d'adaptation, quitte à en préciser la portée, a limité la « consécration législative », le plus souvent symbolique, de dispositions réglementaires et a refusé le dessaisissement du Parlement au profit d'ordonnances d'autant moins acceptables que ce projet de loi a été précédé de nombreux travaux d'analyse ou de réflexion.

Votre commission s'est également attachée à définir un système simple et solide de protection du patrimoine, de nature à tenir compte des réalités d'un tissu local en profonde mutation avec la réforme des intercommunalités.

Ce faisant, elle a le sentiment de s'inscrire dans la volonté du Sénat tout entier de limiter l'institution de nouvelles normes, de ne légiférer que lorsque cela est strictement nécessaire et dans le respect du principe d'intelligibilité de la loi et de préparer la politique culturelle de demain, qui fait la force de notre nation.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA GENÈSE DU PROJET DE LOI : UN TEXTE ANNONCÉ DEPUIS LE DÉBUT DU QUINQUENNAT QUI DÉBOUCHE SUR UN CATALOGUE DE MESURES DISPARATES

A. UN CONTENU QUI A FORTEMENT ÉVOLUÉ AU FIL DU TEMPS

1. Un périmètre fluctuant

« Je veux soutenir l'accès à la culture et à la création artistique ». C'est par ces mots que, début 2012, François Hollande, alors candidat à l'élection présidentielle, prenait deux engagements - parmi 60 - en matière culturelle :

- « Je soutiendrai la création et la diffusion qui sont le levier de l'accès de tous à la culture. Je ferai voter une loi d'orientation sur le spectacle vivant et je reprendrai le chantier du Centre national de la musique pour en faire un outil au service de la diversité culturelle » (engagement 44) ;

- « Je remplacerai la loi Hadopi par une grande loi signant l'acte 2 de l'exception culturelle française, qui conciliera la défense des droits des créateurs et un accès aux oeuvres par internet facilité et sécurisé » (engagement 45).

À l'occasion du lancement des 29 e journées européennes du patrimoine, dans le cadre d'un discours prononcé à Metz le 14 septembre 2012, Mme Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, avait souhaité que son action « permette de placer le patrimoine au coeur de la modernité ... Et c'est forte de cette conviction que j'ai demandé aux services du ministre de la culture de préparer un projet de loi sur le patrimoine que je souhaite soumettre à la concertation interministérielle en 2013. Je souhaite que ce projet de loi porte non seulement sur les édifices protégés, mais aussi sur les autres domaines consécutifs de notre patrimoine, qu'il s'agisse de l'archéologie, des archives ou des musées ».

Dans un entretien à Libération , le 23 janvier 2014, la ministre annonçait la mise en chantier d'une loi sur la création permettant de « souligner la contribution de la création artistique à la richesse nationale et à notre démocratie », « affirmer la responsabilité de l'État pour la soutenir » ainsi que « protéger les artistes et élargir les publics ». Elle précisait que la loi serait « présentée en conseil des ministres au printemps et inscrite cette année au calendrier parlementaire ».

La ministre évoquait précisément plusieurs dispositions qui figurent dans le projet de loi qui vous est soumis : inscription de la liberté de création dans un texte législatif, mise en place d'un statut des collections des Fonds régionaux d'art contemporain, inscription dans la loi des labels.

En revanche, alors que la ministre indiquait que le projet de loi opérerait le transfert des missions de la Hadopi au Conseil supérieur de l'audiovisuel, ce projet n'a pas vu le jour.

Dernière étape du parcours vers l'élaboration du projet de loi, Mme Fleur Pellerin a annoncé, le 14 octobre 2014 devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale qu'elle allait présenter « au premier semestre 2015 » un projet de loi portant sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine. « L'Etat doit être le garant de la liberté de création », a rappelé la ministre en précisant l'un des volets du projet de loi. Celui-ci comprendra notamment des dispositions sur la défense de la création et sur « le soutien aux créateurs et la protection de leur statut ». Côté patrimoine, il visera à « clarifier le droit des espace protégés dans un souci d'efficacité pour nos concitoyens, sans pour autant renoncer à un haut niveau de protection ». Enfin, des dispositions permettront de « mettre en oeuvre » certaines recommandations faites le 2 juillet dernier par le député Patrick Bloche dans son rapport sur la « création architecturale ». Celui-ci plaidait pour « une création architecturale au quotidien ». « Avec ce projet de loi , a souligné Fleur Pellerin, mon objectif sera de libérer les énergies créatives au service du dynamisme de notre pays ».

Le projet de loi a finalement été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 8 juillet 2015.

2. Un effort de travail en amont

S'il a longtemps hésité sur la forme que devait prendre la loi culturelle du quinquennat, créant des frustrations ou faisant naître de faux espoirs chez beaucoup d'intervenants du monde culturel, le Gouvernement a cependant mis cette longue période de maturation à profit pour mener à bien un grand nombre de travaux. Ainsi, en matière d'industries culturelles, les dispositions du projet de loi peuvent se fonder sur les études thématiques engagées depuis 2012, venues compléter le « cadre général » dressé par le rapport Lescure « Mission « Acte II de l'exception culturelle - Contributions aux politiques culturelles à l'ère numérique » .

Rapports publiés depuis 2012 dans le secteur des industries culturelles

Cinéma

- Rapport de Jean-Frédérick Lepers et Jean-Noël Portugal « L'Avenir à 10 ans des industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel en France, une vision prospective - (avril 2013) ;

- Rapport de René Bonnell « Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l'heure du numérique » - (janvier 2014) ;

- Bilan et propositions sur le régime d'autorisations d'aménagement cinématographique issu de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 - Serge Lagauche (mars 2014)

- Évaluation des dispositifs de crédit d'impôt - Rapport CNC/EY (octobre 2014)

Musique

- Rapport de Jacques Toubon sur la mise en oeuvre des Treize engagements pour la musique en ligne - (février 2013) ;

- Rapport de M. Christian Phéline sur l'exploitation numérique des oeuvres et le partage de la valeur - (décembre 2013) ;

- Rapport du CSA sur L 'exposition des musiques actuelles sur les radios privées (décembre 2013) ;

- Rapport de Jean-Marc Bordes sur l'exposition de la musique dans les médias et sur les services numériques - (mars 2014)

Livre

- Rapport du CSPLA sur le contrat d'édition à l'heure du numérique - (juin 2012)

- Rapport de l'IGAC sur la réforme du CNL (novembre 2012)

- Le soutien aux entreprises de librairie - Serge Kancel (janvier 2013)

- Rapport de Mme Sylvie Robert à Mme la ministre de la culture (novembre 2015) sur L'adaptation et l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques publiques de France

- Rapport de l'IGAC/contrôle général économique et financier sur le rendement des taxes affectées au CNL

Droit d'auteur

- Rapport de M. Pierre Sirinelli sur l'adaptation du droit communautaire en matière de droit d'auteur et de droits voisins (janvier 2015)

B. DES OBJECTIFS PARFOIS PEU LISIBLES

1. Un projet déconcertant

Outre que la forme prise par le projet a évolué au fil du temps, les avant-projets qui ont circulé étaient beaucoup plus ambitieux ou - en tout cas - plus complets que le texte finalement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

La transformation de plusieurs dispositions envisagées en articles portant habilitation à légiférer par ordonnances a été perçue comme un témoignage supplémentaire de la volonté de réduire - artificiellement en l'espèce - la taille du texte, d'autant plus inexplicable que le délai mis à son élaboration était plus que suffisant pour établir les projets de modifications législatives correspondantes.

La teneur de l'étude d'impact du projet de loi constitue une preuve supplémentaire du défaut de méthode qui a présidé à l'élaboration du projet de loi : si le doublement du nombre d'articles lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale témoigne de la qualité des débats, il conduit à y inscrire plusieurs des dispositions initialement envisagées et ensuite écartées par le Gouvernement et qui, de ce fait, n'ont pas fait l'objet d'une véritable étude d'impact préalable.

2. Des objectifs destinés à masquer le manque d'ambition de la politique culturelle des dernières années

Le 17 mai 2015, intervenant en clôture d'un débat sur le droit d'auteur organisé dans le cadre du festival de Cannes, M. Manuel Valls, Premier ministre, a estimé que « cela a été une erreur au cours des deux premières années du quinquennat de François Hollande de baisser le budget de la culture ».

De fait, la loi de finances pour 2016 a marqué le début du rétablissement des moyens consacrés à la culture au sein du budget de l'État, même si la baisse concomitante des dotations aux collectivités territoriales les conduit à devoir faire des choix difficiles, y compris dans leur soutien à la culture, dont elles sont le premier financement.

En période de très forte contrainte budgétaire, la sanctuarisation des crédits promise pour l'avenir constitue un autre élément positif, bien qu'elle ne doive pas masquer les renoncements passés, à l'image du soutien à l'éducation artistique et culturelle : ainsi le début de rétablissement des crédits aux conservatoires laisse leur dotation très en deçà de ce qu'elle était en 2012.

Mais parce que la marge de manoeuvre budgétaire restera, quoi qu'il arrive, limitée, le Gouvernement avait encore davantage besoin de marquer, par des déclarations fortes, son attachement à la culture. D'où sa volonté d'inscrire dans la loi une liberté de création artistique, dont le contour parait fort difficile à établir précisément.

Comme le souligne l'étude d'impact « Cette reconnaissance par le législateur ne va pas modifier substantiellement l'état du droit dans la mesure où la liberté artistique a toujours été appréhendée par l'intermédiaire de la liberté d'expression qui peut se prévaloir d'un ancrage constitutionnel et constitue l'un des droits fondamentaux. La reconnaissance législative permettra toutefois de mettre pour la première fois en exergue la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté l'expression, ce qui pourra peut-être peser dans l'appréciation portée par le juge ».

« Peut-être peser » : chacun se fera son opinion sur la portée du travail du législateur !

En outre, si certaines formes d'expression artistique font l'objet de controverses, voire d'attaques, cette contestation, hélas parfois violente et conduisant à l'autocensure, n'est en rien nouvelle. La liste est longue des oeuvres refusées ou retirées du lieu pour lequel elles avaient été conçues, de la Mort de la Vierge du Caravage, en 1606, à Piss Christ de Andres Serrano, vandalisée en 2011.

II. LE TEXTE SOUMIS AU SÉNAT : UN ENSEMBLE TOUFFU DONT PLUS DE LA MOITIÉ DES DISPOSITIONS A ÉTÉ AJOUTÉE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LES MESURES RELATIVES À LA LIBERTÉ DE CRÉATION ET À LA CRÉATION ARTISTIQUE

1. Des principes généreux rappelés avec emphase

La liberté de création en France serait-elle si menacée qu'il serait urgent de lui reconnaître expressément une portée législative ? On peut heureusement en douter. Jamais dans notre histoire il n'a été aussi aisé de s'exprimer, d'une part, parce que les supports de communication et les lieux de création n'ont jamais été aussi nombreux et, d'autre part, parce que les limites juridiques apportées à l'exercice de cette liberté ont été réduites au minimum. Le temps est loin où un jeune auteur normand, Gustave Flaubert, devait comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris 1 ( * ) pour se justifier des écarts de son héroïne, Madame Bovary, au regard des principes de la morale publique et de la religion.

Si l'État et la législation ne constituent plus des « menaces » pour l'expression des créateurs, force est toutefois de constater que des tensions subsistent dans notre société et que les valeurs de notre démocratie ne sont pas toujours complètement comprises et partagées par l'ensemble des citoyens, ce qui peut donner lieu à des actes d'hostilité à l'égard de certains créateurs. Ces comportements individuels sont, bien entendu, susceptibles de poursuites judiciaires, en particulier lorsqu'ils se traduisent par des atteintes aux oeuvres et aux créateurs. Mais l'existence de tels comportements et leur recrudescence, notamment à l'occasion des circonstances dramatiques qu'a connues notre pays en 2015, constituent sans doute une raison suffisante pour justifier d'inscrire dans la loi une référence à la liberté de création.

Tel est l'objet de l'article 1 er du projet de loi qui proclame que « la création artistique est libre » sans autre précision. Les débats à l'Assemblée nationale ont mis en évidence des doutes sur la portée juridique exacte de cette affirmation. Pour autant, vos rapporteurs ont estimé qu'une telle affirmation, ne serait-ce que du fait de sa dimension symbolique, ne pouvait être considérée comme inutile nonobstant son caractère emphatique.

L'article 2 du projet de loi définit, pour sa part, les objectifs de la politique menée en faveur de la création artistique, érigée par ailleurs en véritable service public . La liste ainsi constituée est particulièrement étendue puisque le projet de loi mentionne, en particulier, la nécessité de soutenir :

- le développement de la création artistique ;

- la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d'expression artistique ;

- le développement des moyens de la diffusion artistique ;

- l'égal accès à la création artistique ;

- le soutien aux artistes, aux auteurs, aux professionnels et aux personnes morales qui interviennent dans les domaines de la création, de la production, de la diffusion et de l'éducation artistiques ;

- le dynamisme de la création artistique au plan local, national et international ;

- la circulation des oeuvres et la mobilité des artistes ;

- la formation des artistes ;

- le développement et la pérennisation de l'emploi ;

- et le dialogue entre les différents acteurs.

Cet article a été complété lors des débats à l'Assemblée nationale, de telle sorte qu'il constitue maintenant une sorte « d'inventaire à la Prévert » puisqu'il prévoit également de soutenir :

- la liberté de diffusion artistique ;

- les actions auprès des publics les plus éloignés de la culture ;

- la promotion des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux alternatifs et les acteurs de la diversité culturelle ;

- les activités pratiquées en amateur ;

- l'accès à la culture dans le monde du travail ;

- la juste rémunération des créateurs et un partage équitable de la valeur ;

- l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique ;

- et la valorisation des métiers d'art.

Au final, la liste des objectifs de la politique en faveur de la création artistique est si longue que l'on en vient d'abord à rechercher les oublis. Et, parmi ceux-ci, force est de constater l'absence de référence aux entreprises et aux mécènes comme des acteurs importants du soutien à la création . Vos rapporteurs estiment qu'une telle absence ne saurait être envisagée sauf à exclure de la politique en faveur de la création certains acteurs aujourd'hui les plus dynamiques.

2. Industries culturelles : la traduction législative d'équilibres actés entre les parties

Après une crise industrielle majeure, une succession de rapports critiques sur le partage de la valeur dans un modèle économique désormais largement dématérialisé et une médiation fort tendue à l'été 2015 sous l'égide de Marc Schwartz, le secteur de la musique opère une nouvelle mue dans le cadre du présent projet de loi, qui vise tant un rééquilibrage du partage de la valeur qu'un apaisement des relations interprofessionnelles . À cet effet, la protection contractuelle des artistes-interprètes est renforcée par l'article 5, un cadre est fixé par l'article 6 aux relations entre producteurs et plateformes et un médiateur de la musique aux larges compétences est installé par l'article 7. L'Assemblée nationale est venue compléter les dispositions du présent projet de loi relatives à l'industrie musicales par deux propositions hautement polémiques : l'application du régime de la licence légale aux webradios (article 6 bis ) et la création d'une contrainte supplémentaire pour les radios au sein des règles applicables en matière de quotas de chansons francophones (articles 11 bis et 11 ter ).

Dans le prolongement des Assises du cinéma et des négociations interprofessionnelles collatérales, le présent projet de loi comprend également un large volet relatif à la transparence des relations contractuelles dans le secteur cinématographique . Ainsi, les articles 8 et 9 apportent au code du cinéma et de l'image animée des dispositions destinées à assurer la transparence des comptes de production et d'exploitation des longs métrages, tandis que l'article 10 renforce le contrôle des recettes d'exploitation cinématographique . L'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale a ajouté trois dispositions fort symboliques à son volet cinéma : l'article 9 bis élargit le champ des accords entres représentants des auteurs et des producteurs d'oeuvres audiovisuelles pouvant donner lieu à une extension par arrêté, l'article 10 bis limite à trois ans la validité de l'arrêté d'extension des accords professionnels portant sur la chronologie des médias et l'article 13 bis renforce l'obligation d'exploitation des oeuvres audiovisuelles pesant sur le producteur.

Les dispositions du projet de loi sont, en revanche, moins ambitieuses pour le secteur du livre et ont trait, également, à des thèmes sur lesquels portent, ou ont porté récemment, des négociations interprofessionnelles , qu'il s'agisse du formalisme des contrats de transmission des droits d'auteur (article 4 A), de l'amélioration du partage et de la transparence des rémunérations (article 4 B) ou de l'assouplissement de l'exception « handicap » au droit d'auteur (article 11). D'autres ne modifient qu' à la marge des dispositions législatives existantes pour les compléter, comme la publicité du rapport d'activité du médiateur du livre (article 7 bis A) ou la ratification de l'ordonnance relative au contrat d'édition (article 37 bis A).

Enfin, lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, un quatrième volet est venu compléter les dispositions relatives aux industries culturelles, à la protection des auteurs et au financement de la création. Il porte, dans la suite logique du rapport d'information de Marcel Rogemont 2 ( * ) réalisé au nom de la commission des affaires culturelles mais également de la médiation confiée à Christine Maugüe, sur la gouvernance de la commission de la copie privée et la transparence de son fonctionnement et de sa gestion . Ainsi, l'article 7 bis ajoute, avec voix consultative, trois représentants des ministères compétents à la composition de la commission de la copie privée, l'article 7 ter précise les modalités de financement des études d'usage préalables à la fixation des barèmes, l'article 7 quater A exonère les exportateurs du paiement de la rémunération pour copie privée et l'article 7 quater renforce les règles de transparence applicables à l'utilisation de 25 % de cette rémunération au profit d'actions artistiques et culturelles.

3. E mploi et activité professionnelle : des mesures a minima

Les dispositions du projet de loi en matière d'emploi et d'activité professionnelle peuvent apparaître peu ambitieuses au regard de la multiplicité des demandes formulées par les artistes pour conforter leur statut et des éléments qui figuraient dans l'avant-projet de loi.

Quelques mois à peine après la promulgation de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi , qui a reconnu la spécificité des règles relatives à l'indemnisation chômage des intermittents du spectacle et mis en place un nouveau cadre de négociations des conventions d'assurance chômage les concernant, le projet de loi se contente surtout d'apporter une solution aux problèmes les plus criants ou de retranscrire dans la loi des décisions déjà actées , sans véritablement ouvrir de nouveaux chantiers.

C'est dans cette logique que le projet de loi complète la liste des artistes du spectacle afin de garantir l'application du statut à plusieurs catégories d'artistes qui s'en voyaient parfois exclus (article 14) ou qu'il précise la nature publique du contrat de travail des artistes employés par une collectivité territoriale, suite aux incertitudes créées par le revirement de jurisprudence du tribunal des conflits en la matière (article 15). C'est également à cette fin que l'Assemblée nationale a introduit un article pour prendre acte du maintien du versement à la caisse des congés spectacles des cotisations sociales liées aux indemnités de congés, décidé il y a quelques mois par les ministres des affaires sociales et de la culture (article 16 bis ).

La seule véritable innovation aurait pu finalement résider dans la mise en place d'un observatoire de la création pour améliorer la connaissance des secteurs du spectacle vivant, des arts plastiques et des industries culturelles, demandée de longue date par l'ensemble des acteurs. Cette disposition relève du domaine réglementaire et ne figure donc pas en tant que telle dans le projet de loi. Celui-ci se borne à prévoir la transmission de certaines informations relatives aux billetteries, pour lesquelles l'existence d'une base légale était nécessaire (article 16).

4. Pratiques artistiques amateurs : une reconnaissance très attendue

La question de l'instauration d'un cadre juridique sécurisé pour les pratiques artistiques amateurs a longtemps fait débat et dissensus. Une concertation engagée par le Gouvernement avec les acteurs concernés à partir de 2013 a permis d'aboutir à un texte de relatif consensus.

Sur proposition du Gouvernement, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a donc adopté un article additionnel qui confère un cadre juridique rénové aux pratiques artistiques amateurs (article 11 A). Cet article définit « l'artiste amateur » et précise les conditions dans lesquelles il peut se produire dans un cadre non lucratif mais aussi dans le cadre de représentations commerciales.

5. Éducation artistique : un premier pas

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait tenté de clarifier les responsabilités respectives de chaque niveau de collectivité s'agissant des conservatoires. Elle avait notamment décentralisé la compétence d'organisation et de financement des 3 es cycles professionnalisant au profit des régions. Mais, dans leur grande majorité, celles-ci avaient refusé de mettre en place et de financer ces cycles, ouvrant une période de douze années de crise institutionnelle.

Ces dernières années ont également vu le désengagement massif de l'État dans le financement des conservatoires : les crédits sont passés de 27 millions d'euros en 2012 à 6 millions d'euros en 2015.

Sur proposition du Gouvernement, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel qui se veut la traduction d'un certain réengagement de l'État dans le financement des conservatoires (article 17 A) 3 ( * ) .

6. Enseignement supérieur « culture »

Signataire de la Déclaration de Bologne de juin 1999 , la France s'était engagée à réorganiser son enseignement supérieur pour l'intégrer dans l'espace européen de l'enseignement supérieur.

Cet engagement a également concerné l'enseignement supérieur « culture » et en particulier les écoles d'art.

L'article 17 du présent projet de loi permet de conforter l'insertion des établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans le système d'enseignement supérieur français et européen, tout en préservant leurs spécificités, en :

- harmonisant dans le code de l'éducation le cadre applicable à ces écoles (qu'elles soient du secteur du spectacle vivant ou des arts plastiques) ;

- y intégrant les novations de la « loi Fioraso » de 2013 (en particulier la procédure d'accréditation des établissements) ;

- donnant un cadre juridique solide aux 3 es cycles de ces établissements ainsi qu'à leurs activités de recherche.

À cette disposition, l'Assemblée nationale est venue ajouter un dispositif similaire s'agissant des écoles d'architecture (article 17 bis ) au motif d'inscrire dans la loi les missions de ces écoles qui relèvent aujourd'hui du niveau réglementaire.

B. LES MESURES RELATIVES AU PATRIMOINE CULTUREL ET À LA PROMOTION DE L'ARCHITECTURE

1. Archéologie préventive : une tentative de régulation du secteur sous couvert d'amélioration de la qualité scientifique

Sous prétexte d'améliorer la qualité scientifique de l'archéologie préventive, le projet de loi se concentre exclusivement sur le renforcement du contrôle de l'État sur les opérateurs de droit public ou privé soumis à agrément et sur le déroulement des opérations de fouilles, dans le but affiché de restreindre l'ouverture à la concurrence du secteur de l'archéologie préventive au bénéfice de l'INRAP .

Quatre axes d'action sont privilégiés :

- L'interventionnisme plus fort de l'État

L'Assemblée nationale a confié à l'État la maîtrise scientifique des opérations d'archéologie préventive afin de justifier sa plus grande immixtion dans les opérations de fouilles. Les aménageurs seraient désormais obligés de soumettre l'ensemble des offres aux services régionaux archéologiques qui non seulement examinent leur conformité au cahier des charges, mais également notent le volet scientifique.

- L'alourdissement des contraintes administratives et financières pour les opérateurs de droit public ou privé soumis à agrément

Le projet de loi allonge considérablement la liste des documents à fournir pour une demande d'agrément ou de renouvellement.

En outre, le projet de loi contraint les opérateurs de droit public ou privé soumis à agrément à transmettre chaque année un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de leur activité en matière d'archéologie préventive : il est à craindre que la multiplication de ces tracasseries administratives porte préjudice aux opérateurs et pourrait même conduire à faire disparaître les plus petites structures.

Dans sa volonté de réguler le secteur de l'archéologie, l'Assemblée nationale a même décidé de supprimer aux opérateurs privés la possibilité de bénéficier du crédit impôt recherche pour les dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouilles , alors même que ces dépenses font régulièrement l'objet de contrôles fiscaux qui ne révèlent pas d'utilisation frauduleuse de cet avantage fiscal (article 20 bis ).

- Une restriction du champ d'intervention des services archéologiques des collectivités territoriales qui contraste avec la reconnaissance de leur rôle spécifique

La reconnaissance par l'Assemblée nationale du rôle spécifique des services archéologiques des collectivités territoriales conduit à faire bénéficier ces derniers d'un dispositif d'habilitation à la place de l'agrément actuel.

Le projet de loi exige néanmoins que, tous les cinq ans, lesdits services transmettent un bilan scientifique, technique et financier de leurs activités.

En outre, en contrepartie de cette habilitation, les compétences des services archéologiques des collectivités territoriales sont limitées géographiquement, ce qui va à l'encontre de la tendance à la mutualisation des compétences entre collectivités territoriales. Par ailleurs, l'habilitation est conditionnée à la remise d'un projet de convention avec l'État dont le contenu reste vague.

Enfin, les dispositions visant à la notation des offres et à une interprétation stricte des contrats de travail des responsables scientifiques peuvent également se retourner contre les services archéologiques des collectivités territoriales.

- Les mesures en faveur de l'INRAP

D'abord, le projet de loi instaure un monopole pour l'INRAP en ce qui concerne les opérations de fouilles sous-marines intervenant dans le domaine public maritime, en contradiction même avec l'esprit de la loi de 2003 qui avait ouvert les fouilles archéologiques à la concurrence.

Par ailleurs, il confie systématiquement à l'INRAP le soin de reprendre des travaux inachevés en raison de la cessation d'activité de l'opérateur de fouilles ou de retrait de son agrément, en obligeant en outre l'aménageur à repayer pour l'opération. Il est clair que cette mesure vise à dissuader les aménageurs à travailler avec d'autres opérateurs que l'INRAP en faisant peser sur eux le risque d'avoir à payer deux fois des travaux de fouilles en cas de défaillance de l'opérateur pendant la réalisation des travaux.

Cette menace financière est d'autant moins justifiée que, depuis 2015, le Gouvernement a mis en place une subvention pour charges de service public critiquable qui vise notamment à compenser les coûts engendrés par ce type d'opération.

Quant à la notation des offres par les services régionaux archéologiques, il est à craindre que cela conduise à favoriser les offres que déposera l'INRAP et à pousser l'aménageur à les choisir afin de s'assurer qu'il obtiendra l'autorisation de fouilles.

2. L'introduction d'un régime de propriété publique des biens immobiliers et mobiliers archéologiques

Le livre blanc sur l'archéologie préventive constatait que « le patrimoine archéologique, bien matériel enfoui dans le sol, est encore considéré dans la législation française comme un gisement lié à une propriété foncière (selon le régime de droit commun défini par le code civil). Dans la plupart des pays développés, il est considéré au contraire comme un « bien immatériel », dont la valeur culturelle implique une appropriation collective, sous la tutelle des pouvoirs publics. »

Il préconisait donc une révision du régime de propriété des mobiliers issus des fouilles archéologiques dans le sens d'une harmonisation du régime de propriété quelles que soient les conditions de découverte et leur reconnaissance comme propriété publique en tant que témoins matériels des sociétés passées.

Le présent projet de loi tire les conséquences législatives de ce rapport et crée un régime de propriété publique des biens immobiliers et mobiliers archéologiques.

Afin de garantir la protection constitutionnelle du droit de propriété, l'appropriation publique des biens archéologiques mobiliers doit respecter trois conditions :

- elle est soumise à la reconnaissance de leur intérêt scientifique ;

- elle doit s'effectuer dans des conditions procédurales encadrées par la loi ;

- elle peut être contestée à tout moment dans le cadre d'une action en revendication par le propriétaire d'origine ou ses ayants droit.

Par ailleurs, dans l'objectif de protéger les biens archéologiques mobiliers qui constituent un ensemble cohérent dont l'intérêt scientifique justifie la conservation dans son intégralité, le présent projet de loi subordonne leur aliénation à une déclaration préalable.

Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité d'un transfert à titre gratuit par l'État des biens archéologiques à toute personne publique et notamment aux collectivités territoriales.

3. Les modifications apportées au statut des archives

Lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, le présent projet de loi ne comportait aucune disposition sur les archives. Plusieurs amendements ont ensuite été adoptés sur proposition de la commission des affaires culturelles, qui opérait des actualisations bienvenues.

D'abord, la définition des archives et leur conservation ont été adaptées au développement des documents numériques.

Ensuite, le dépôt des archives des communes a été assoupli en distinguant les archives récentes, qui peuvent être déposées aux archives du groupement de collectivités territoriales dont elles sont membres ou aux archives de la commune désignée par ce groupement pour gérer les archives, et les archives anciennes, conservées dans les services d'archives départementaux.

Enfin, les possibilités de démembrement des fonds d'archives privés classés comme historiques ont été encadrées.

4. Une refonte en profondeur des règles relatives à la protection du patrimoine, dont l'ampleur peut cependant surprendre

Le projet de loi comporte un important volet consacré à la modernisation du droit du patrimoine. Il est vrai que, depuis bientôt une décennie, le législateur avait manifesté sa volonté de renforcer la protection juridique du patrimoine . Plusieurs propositions de loi, parmi lesquelles la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État, dont l'initiative revient aux sénateurs Françoise Férat et Jacques Legendre, avaient fait l'objet de débats au sein du Parlement, mais l'examen d'aucune d'entre elles n'avait jamais pu aller jusqu'à son terme 4 ( * ) .

Le projet de loi en reprend plusieurs des dispositions phares, allant même parfois au-delà , ce dont votre commission ne peut que se réjouir. Parmi ces mesures, figurent en particulier l'introduction de dispositions législatives relatives à la protection des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO (article 23), la mise en place d'une protection spécifique aux domaines nationaux , dont la définition est plus large que les anciens domaines de la Couronne (article 24) et le renforcement de l'arsenal législatif de lutte contre le dépeçage et la dispersion de notre patrimoine (article 24) avec, en particulier, l'instauration d'un classement pour les ensembles ou collections d'objets mobiliers, la mise en place d'une servitude de maintien dans les lieux pour les objets et ensembles mobiliers présentant un lien fort avec l'immeuble classé dans lequel ils sont situés, l'institution d'une autorisation préalable au détachement des effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure d'un immeuble classé ou inscrit, ou l'introduction du principe de nullité de l'acquisition d'un bien meuble ou immeuble illégalement détaché d'un monument historique.

Mais c'est avant tout la réforme des espaces protégés au titre du patrimoine qui constitue le coeur de ce volet du projet de loi (article 24). Or, rien n'imposait à l'origine une réforme d'une telle ampleur, qui plus est cinq ans à peine après la mise en place du dernier-né des espaces protégés - les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) -, si ce n'est la perspective de la fin du délai prévu pour la transformation des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). Face à un patrimoine dont la protection nécessite de s'ancrer dans la durée et à des collectivités territoriales de plus en plus déboussolées devant une frénésie législative, on peut s'étonner que le Gouvernement ait fait le choix de venir modifier une législation qui ne faisait pas vraiment l'objet de critiques .

« Simplifier pour mieux protéger », voilà l'objectif affiché de la réforme voulue par Aurélie Filippetti dès 2013. De fait, le projet de loi fusionne les trois catégories d'espaces protégés soumis aujourd'hui chacun à des règles différentes (secteurs sauvegardés, ZPPAUP et AVAP) au sein d'un nouveau régime de protection, les « cités historiques », et fait du plan local d'urbanisme (PLU) l'outil de droit commun en matière de protection du patrimoine pour permettre que l'enjeu patrimonial soit intégré à la définition des règles en matière d'urbanisme. Si le classement devrait relever d'une décision du ministre de la culture, en lien avec la collectivité territoriale concernée, la mise en oeuvre de la protection serait dorénavant entièrement déléguée aux collectivités territoriales . C'est ainsi que le projet de loi laisse aux collectivités territoriales le libre choix du document d'urbanisme à adopter pour fixer les règles patrimoniales sur le périmètre de la cité historique, leur permettant même de diviser la cité historique en plusieurs parties, chacune régie par un document différent.

Cette refonte des espaces protégés se caractérise également par une réforme des règles relatives aux abords de monuments historiques . L'objectif est de mettre en place des périmètres délimités autour des monuments historiques, dont le tracé ferait l'objet d'une décision de l'autorité administrative, après accord de la commune ou de l'EPCI. Le périmètre automatique des cinq cents mètres, auquel s'ajoute le critère de la co-visibilité, aurait vocation à devenir une exception. Il serait conservé dans les cas où aucun périmètre n'aurait été délimité.

Au demeurant, cette réforme des régimes de protection comporte, sur plusieurs points, une simplification effectivement opportune , qui conduit votre commission à espérer que l'objectif de rendre les règles applicables aux espaces patrimoniaux plus compréhensibles et lisibles pour les citoyens pourrait être atteint. Votre commission souhaite en particulier mettre en exergue :

- les améliorations apportées au régime d'autorisation préalable des travaux , qui devraient se traduire par une harmonisation des règles en cités historiques et dans les abords des monuments historiques, une réduction ou une stabilisation des délais d'instruction et une généralisation du principe de l'accord tacite ;

- la disparition des superpositions de servitudes d'utilité publique , le projet de loi s'attachant à définir la règle applicable pour l'instruction de chaque projet d'aménagement, lorsqu'un immeuble fait l'objet de plusieurs servitudes. C'est ainsi que la règle la plus protectrice pour le patrimoine devrait systématiquement prévaloir, c'est-à-dire celle relative aux monuments historiques si l'immeuble est protégé à ce titre, puis celle relative aux cités historiques, puis celle relative aux abords des monuments historiques et enfin celle relative aux sites protégés au titre du code de l'environnement.

Cette démarche de rationalisation se retrouve également dans d'autres modifications apportées au livre VI du code du patrimoine, en particulier la fusion des commissions consultatives nationales intervenant dans le domaine du patrimoine et la fusion des commissions territoriales (article 23), ainsi que la refonte du régime des sanctions en cas d'infractions aux règles du code du patrimoine relatives aux monuments historiques et aux cités historiques (article 25).

5. Architecture : un volet inégal qui vise à favoriser le recours à l'architecte

Si le volet du projet de loi relatif à l'architecture ne comportait à l'origine qu'un unique article, il a été largement complété lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, dans la droite ligne des mesures prévues par la Stratégie nationale pour l'architecture.

L'article 26 introduit la notion de qualité architecturale dans le code du patrimoine et crée un label dédié au patrimoine récent. Ce label concernerait les immeubles, les ensembles architecturaux et les aménagements de moins de cent ans dont « la conception présente un intérêt architectural ou technique suffisant » et qui ne font pas l'objet d'un classement ou d'une inscription au titre des monuments historiques. Il crée une protection particulière des biens concernés, sous la forme d'une obligation d'information des services de l'État avant le dépôt de toute demande de permis ou déclaration préalable.

Deux mesures ayant pour objet d'étendre le champ du recours obligatoire à l'architecte ont été introduites lors de l'examen par l'Assemblée nationale.

L'article 26 quater , adopté à l'initiative du Gouvernement , rend obligatoire le recours à un architecte pour la réalisation du projet architectural, paysager et environnemental d'un lotissement faisant l'objet d'une demande de permis d'aménager. Tout aussi discuté, l'article 26 quinquies abaisse à 150 mètres carrés de surface de plancher le seuil en deçà duquel il peut être dérogé, pour des constructions individuelles réalisées par des personnes physiques, à l'obligation de recourir à un architecte .

Afin d'encourager le recours à l'architecte, même lorsqu'il n'est pas obligatoire, l'article 26 duodecies prévoit la réduction de moitié des délais d'instruction des permis de construire établis par un architecte pour les constructions situées en deçà du seuil dérogatoire mentionné précédemment.

L'article 26 octies permet aux services chargés de l'instruction des demandes d'autorisations délivrées au titre du code de l'urbanisme de saisir le conseil régional de l'ordre des architectes lorsqu'ils soupçonnent un faux ou une signature de complaisance en matière de projet architectural.

D'autres articles ont trait aux procédures en matière de construction. L'article 26 bis vise à améliorer le fonctionnement du « 1 % artistique » lorsqu'il est mis en oeuvre par les collectivités territoriales. L'article 26 sexies consacre dans la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 le principe du concours d'architecture et rappelle qu'il comporte une phase de dialogue.

Autre mesure introduite par l'Assemblée nationale et qui a suscité beaucoup d'interrogations voire d'inquiétude, l'article 26 undecies crée le cadre d'une expérimentation en matière de normes applicables à la construction : pour une durée de sept ans à compter de la publication de la présente loi, l'État et les collectivités territoriales peuvent, pour la réalisation d'équipements publics, substituer des objectifs à atteindre à des normes en vigueur, dans les conditions définies par un décret en Conseil d'État.

L'article 26 quaterdecies encadre le recours aux marchés publics globaux de performance par les acheteurs publics.

Les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) voient leur champ de compétence étendu par les articles 26 ter et 26 septies du projet de loi. Enfin, les articles 26 nonies , 26 decies et 26 terdecies ont trait au fonctionnement de l'ordre des architectes.

C. LES HABILITATIONS À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCES

1. Au code du cinéma et de l'image animée et en matière de droit d'auteur

L'article 28 du présent projet de loi propose d'habiliter le Gouvernement à compléter et à modifier, dans des proportions importantes, le code du cinéma et de l'image animée. Les mesures qui pourraient être prises via cette procédure sont aussi variées que la nomenclature des aides financières attribuées par le CNC et leurs conditions d'octroi, les règles relatives à l'homologation des établissements de spectacles cinématographiques et à l'organisation de séances en plein air, la procédure de sanction administrative du CNC, les pouvoirs de son président ou encore les moyens d'intervention de ses agents de contrôle.

Sans même juger du bien-fondé des mesures envisagées , votre commission a jugé qu'il s'agissait d' un mécanisme privant regrettablement le Parlement de ses prérogatives, alors qu'un certain nombre des dispositions citées peuvent sans difficulté faire l'objet d'un article du projet de loi.

Tel n'est pas le cas de l'article 29 habilitant le Gouvernement à transposer la directive du 26 février 2014 relative à la gestion collective du droit d'auteur , pour laquelle, même si le fait est critiquable, le temps n'est plus disponible pour une transposition législative classique dans les délais impartis par la Commission européenne.

2. Au code du patrimoine

L'article 30 du présent projet de loi propose d'habiliter le Gouvernement à compléter et à modifier, dans des proportions importantes, tous les livres du code du patrimoine à l'exception du livre II sur les archives.

Certaines dispositions correspondent à de purs ajustements techniques , telles que les modifications portant sur le livre III relatif aux bibliothèques et le livre IV relatif aux musées.

D'autres dispositions sont plus substantielles . Ainsi, les modifications concernant le livre I er relatif aux dispositions communes sur le patrimoine culturel visent à améliorer le suivi des biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine et ayant fait l'objet d'un refus de certificat d'exportation. La procédure d'acquisition des biens nationaux est également revue afin d'allonger la durée de la phase d'acquisition pour les trésors nationaux d'une valeur supérieure à plus de cinq millions d'euros et de rendre définitif le refus de certificat sans indemnité en cas de refus de vente de la part du propriétaire au prix fixé par l'expertises. Par ailleurs, le régime d'insaisissabilité des biens culturels est adapté afin de faciliter les prêts par des institutions étrangères. Les modalités de transfert des biens culturels entre services culturels des personnes publiques sont également assouplies afin de prévoir leur cession gratuite entre personnes publiques.

De même, les modifications portant sur le livre V du même code relatif à l'archéologie, au-delà de la réorganisation du plan du livre, visent à adapter les procédures de l'archéologie préventive aux cas de travaux d'aménagement projetés dans le domaine maritime. Compte tenu des perspectives de croissance des aménagements en mer, les décisions relatives aux modalités et au coût de l'archéologie préventive sous-marine constituent des enjeux importants.

Par son ampleur, cet article contient un dessaisissement très large du Parlement, d'autant plus regrettable que, comme il a été dit précédemment, le Gouvernement a largement eu le temps de préparer les évolutions législatives nécessaires.

3. Aux outre-mer

L'article 31 du présent projet de loi propose d'habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnances le livre VII du code du patrimoine et le livre VIII du code de la propriété intellectuelle, au sein desquels figurent les dispositions relatives aux outre-mer.

Cette habilitation n'a qu' un lien assez éloigné avec les dispositions du projet de loi . Son objet ne répond pas à la nécessité d'adapter la législation ultra-marine aux nouvelles règles prévues par le présent projet de loi, mais de prendre en compte les évolutions statutaires de plusieurs de ces collectivités depuis une quinzaine d'années, à l'instar de la départementalisation de Mayotte, dont les conséquences dans ces deux codes n'avaient jusqu'ici pas été tirées.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION

Le texte transmis au Sénat comportait 96 articles.

Votre commission a adopté 34 articles sans modification, en a supprimé 13, en a modifié 49 et inséré 19 articles additionnels , afin d'améliorer ou de compléter le texte adopté par l'Assemblée nationale.

A. LES DISPOSITIONS AYANT RECUEILLI L'APPROBATION DE LA COMMISSION

1. Création
a) La reconnaissance de la liberté de création et des objectifs de la politique publique en sa faveur

Votre commission n'a pas souhaité amender l'article 1 er du projet de loi qui proclame le principe de la liberté de la création artistique. Vis rapporteurs considèrent en effet qu'il aurait pu être pertinent de compléter cet article qui reconnaît un droit par un alinéa précisant les limites qui s'imposent à cette liberté sur le modèle de l'article 1 er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Cependant, la rédaction de l'article ne modifiant pas, en réalité, le droit en vigueur et ayant une portée essentiellement symbolique, il est apparu inutile d'alourdir le dispositif.

b) La reconnaissance des FRACs

Vos rapporteurs ont proposé d'adopter sans modification l'article 18 du projet de loi qui prévoit de consacrer dans la loi les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC). Cet article conforte en effet le statut de ces structures irremplaçables grâce à la mise en place du « Label FRAC » et leurs collections sont sécurisées grâce à un renforcement du dispositif juridique.

Dans le même ordre d'idée, l'article 39 qui prévoit une disposition transitoire relative aux FRACs a également été adopté sans modification.

c) Les industries culturelles et de la propriété intellectuelle

Pour ce qui concerne les industries culturelles, votre commission n'a apporté aucune modification aux coordinations prévues aux articles 4, 12 et 13 du projet de loi, ni aux dispositions relatives :

- au formalisme des contrats de transmission des droits d'auteur (article 4 A) ;

- aux relations entre les éditeurs de phonogrammes et des éditeurs de services de musique en ligne (article 6) ;

- au champ des accords entre représentants des auteurs et des producteurs d'oeuvres audiovisuelles pouvant donner lieu à une extension par arrêté (article 9 bis ) ;

- et à la limitation de la durée de validité de l'arrêté d'extension des accords professionnels portant sur la chronologie des médias (article 10 bis ).

Elle a également considéré favorablement, compte tenu des contraintes de calendrier qui ont trait à cette réforme, l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 29 à transposer la directive du 26 février 2014 relative à la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins, ainsi que la ratification de l'ordonnance du 12 novembre 2014 relative au contrat d'édition , prévue par l'article 37 bis A.

d) L'emploi et l'activité professionnelle

Votre commission a approuvé les dispositions relatives :

- à l'élargissement de la liste des métiers des artistes du spectacle aux artistes de cirque, aux marionnettistes et aux artistes-interprètes du spectacle (article 14) ;

- aux conditions d'emploi des artistes du spectacle vivant par les collectivités territoriales (article 15) ;

- à la mise en place d'un dispositif de remontée obligatoire des données de billetterie (article 16).

2. Les dispositions relatives au patrimoine culturel et à la promotion de l'architecture
a) Le patrimoine culturel

Votre commission n'a pas remis en cause la reconnaissance des projets scientifiques et culturels des musées que l'Assemblée nationale avait votée (Article 18 bis A).

Elle a approuvé les dispositions relatives aux archives des articles 18 bis , 18 ter , 18 quater A, 18 quater B, 18 quater et 18 quinquies .

Bien qu'hostile par principe aux demandes de rapport, elle s'est félicitée de la remise, avant le 15 octobre de chaque année, d'un rapport détaillé sur les démarches entreprises en matière d'oeuvres spoliées, sujet pour lequel votre commission a été l'élément moteur, sous l'impulsion de la sénatrice Corinne Bouchoux.

b) L'archéologie préventive

Votre commission a considéré favorablement les dispositions reconnaissant les biens immobiliers et mobiliers archéologiques comme propriété publique figurant à l'article 20.

Par ailleurs, elle a validé l'article 32 réalisant une coordination législative entre le code pénal et le code du patrimoine et l'article 32 bis qui autorise l'échange d'informations entre les agents des douanes et les agents chargés de la mise en oeuvre du code du patrimoine.

c) La protection du patrimoine

Votre commission a souscrit à la reconnaissance législative du label relatif aux centres culturels de rencontre prévu à l'article 21.

Elle n'a apporté aucune modification aux dispositions de l'article 24 relatives à l'institution d'une autorisation préalable au détachement d'un effet mobilier attaché à perpétuelle demeure, au renforcement du dispositif de lutte contre le morcellement des immeubles protégés prévu à l'article L. 621-33 du code du patrimoine et à la mise en place d'un classement pour les ensembles ou collections d'objets mobiliers . Elle a également considéré favorablement l'alignement du régime des travaux dans le périmètre des abords avec celui mis en place pour les cités historiques.

Elle a validé le nouveau régime des sanctions instauré par l'article 25.

Elle a accueilli très favorablement l'article 32 ter qui autorise les associations de défense du patrimoine à se constituer partie civile pour certaines infractions portant atteinte au patrimoine.

Elle a approuvé les coordinations au code de l'environnement, au code forestier et au code général des collectivités territoriales respectivement prévues aux articles 33, 34 et 35.

Elle a validé le principe de l'article 41, qui détermine la manière dont les compétences des futures commissions consultatives nationale et régionales seront assurées par la Commission nationale des monuments historiques, la Commission nationale des secteurs sauvegardés et les commissions régionales du patrimoine et des sites dans l'attente de la publication des décrets d'application.

d) L'architecture

Votre commission n'a pas remis en cause les dispositions originelles du projet de loi en matière architecturale, à savoir la création d'un label dédié au patrimoine d'intérêt architectural récent (article 26) et les majorations de dérogations aux règles d'urbanisme prévues aux 6°, 7°, 7° bis et 8° de l'article 36.

Parmi les dispositions nouvelles insérées à l'Assemblée nationale, votre commission a considéré favorablement celles qui visent à élargir le champ d'intervention des CAUE (articles 26 ter et 26 septies ) ou qui ont trait au fonctionnement de l'ordre des architectes (articles 26 nonies , 26 decies et 26 terdecies ). Elle n'a apporté, le cas échéant, que des modifications d'ordre rédactionnel ou de coordination. Elle a également maintenu l'article 26 quaterdecies , qui corrige le désencadrement des marchés publics globaux de performance survenu à l'occasion de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

B. LES DISPOSITIONS SUPPRIMÉES PAR LA COMMISSION

1. Création
a) Le soutien à la création artistique

L'Assemblée nationale a adopté un article 3 bis qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la loi un rapport sur l'opportunité de créer un dispositif permettant à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de consacrer 1 % du coût des opérations de travaux au soutien de projets artistiques. Comme l'a expliqué le rapporteur du projet de loi pour l'Assemblée nationale, le recours à un rapport vise à contourner l'irrecevabilité financière qui n'aurait pas manqué de frapper la proposition d'un tel dispositif.

C'est donc moins l'idée d'un rapport qu'il convient d'examiner que son sujet même. Or, la perspective de créer une disposition permettant d'affecter 1 % du coût des opérations de travaux au soutien de projets artistiques n'est pas sans susciter de nombreuses inquiétudes, de la part des collectivités territoriales qui redoutent une hausse du coût des travaux mais aussi de la part des bénéficiaires du 1 % artistique qui craignent que le dispositif existant soit détourné de sa vocation initiale. L'ensemble de ces considérations a convaincu votre commission que les dispositions de l'article 3 bis n'étaient pas suffisamment abouties et qu'il était préférable de supprimer cet article tout en renforçant dans l'article 2 les références à la nécessité de soutenir les initiatives culturelles dans l'espace public.

b) Les industries culturelles et la propriété intellectuelle

Nonobstant l'article 28 précité, supprimé par refus d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance, sans garde-fou parlementaire, pour modifier de larges pans du code du cinéma et de l'image animée, votre commission n'a pas suivi l'Assemblée nationale sur deux dispositions qu'elle avait intégrées au présent texte.

Elle a ainsi supprimé l'article 4 B enjoignant le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport sur l'amélioration du partage et de la transparence des rémunérations dans le secteur du livre, dénonçant tant la méthode inutile des rapports au Parlement que le fait que la mesure porte atteinte à la liberté des négociations en cours sur ces sujets.

L'article 6 bis , qui appliquait le régime de la licence légale aux services radiophoniques diffusés sur Internet, n'a pas connu un sort différent, votre commission considérant qu'en l' absence d'étude d'impact préalable l'incertitude demeurait quant aux incidences d'une telle réforme pour les artistes comme pour les producteurs et que, dès lors, il ne semblait pas opportun de modifier le droit existant.

c) L'emploi et l'activité professionnelle

Votre commission a supprimé l'article 14 A, qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur la situation du dialogue social et de la représentativité des négociateurs professionnels du spectacle vivant et enregistré, critiquant, au regard de la forme, l'absence de caractère normatif de l'article et, au regard du fond, la réponse insuffisante constituée par cette demande de rapport à la veille de l'ouverture des négociations de la nouvelle convention d'assurance chômage.

2. Patrimoine, archéologie préventive et architecture
a) Le rétablissement du crédit impôt recherche pour les dépenses engagées dans le cadre des fouilles archéologiques

Votre commission a rejeté l'article 20 bis qui excluait les dépenses engagées dans le cadre de fouilles archéologiques du bénéfice du crédit impôt recherche, estimant que ce dernier n'excluait aucun secteur d'activité de son champ d'application.

b) Le rejet des dispositions portant habilitation à modifier le code du patrimoine par ordonnance

Elle a également rejeté l'article 30 visant à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance de nombreuses mesures législatives modifiant le code du patrimoine, à la fois pour des questions de principe mais également pour des raisons de fond, considérant que certaines modifications ne constituaient pas de simples ajustements techniques, mais imposaient de véritables orientations politiques.

c) L'architecture

L'Assemblée nationale a adopté un article 26 quinquies prévoyant l' abaissement du seuil de recours obligatoire à un architecte . Pour les constructions individuelles réalisées par des personnes physiques, le recours à un architecte est obligatoire à partir de 170 mètres carrés de surface de plancher et d'emprise au sol constitutive de surface de plancher. L'article 26 quinquies prévoit que ce seuil, fixé par décret en Conseil d'État, ne saurait désormais excéder 150 mètres carrés de surface de plancher.

Si votre commission partage l'objectif de cette disposition, à savoir favoriser la qualité architecturale dans le secteur de la maison individuelle, elle a considéré que cette mesure risquait de se révéler contre-productive. En l'absence d'étude d'impact, la commission n'a pu que souscrire aux analyses mettant en évidence les effets négatifs d'une telle mesure sur, d'une part, le coût du logement, supporté in fine par les ménages et pénalisant en premier lieu les plus modestes, ainsi que sur l'environnement normatif du secteur de la construction. En conséquence, votre commission a supprimé cet article .

L'article 26 duodecies , qui prévoit la réduction de moitié des délais d'instruction des permis de construire élaborés par un architecte en deçà du seuil dérogatoire, a connu un sort identique. Votre commission a estimé qu' une telle charge imposée aux services chargés de l'instruction de ces demandes , qui relèvent essentiellement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), n'était pas raisonnable au regard des délais déjà très réduits pour ce type d'autorisation . Elle rendrait difficile un examen de la légalité et de la conformité des demandes de permis de construire. L'absence de réponse valant décision tacite d'acceptation, une telle réduction des délais pourrait être source d'insécurité juridique si les services concernés ne parvenaient pas à répondre dans les délais impartis.

Votre commission a également supprimé l'article 26 undecies , qui crée le cadre d'une expérimentation en matière de normes applicables à la construction : pour une durée de sept ans à compter de la publication de la présente loi, l'État et les collectivités territoriales pourraient, pour la réalisation d'équipements publics, substituer des objectifs à atteindre aux normes en vigueur, dans les conditions et pour les normes définies par un décret en Conseil d'État. Premièrement, votre commission s'est interrogée sur le choix de limiter le recours à cette expérimentation à l'État et aux collectivités territoriales pour la réalisation d'équipements publics. Suivant l'avis des rapporteurs, la commission a estimé que cette expérimentation ne présentait pas de garanties suffisantes en ce qui concerne les normes auxquelles elle s'applique et les objectifs qui leur seraient substitués ainsi que sur les conséquences éventuelles du non-respect de ces derniers . Enfin, elle a considéré que cette expérimentation ne saurait se substituer à une réelle simplification des normes en matière de construction.

Enfin, mettant pleinement en oeuvre sa politique d'amélioration de la qualité de la loi, votre commission a supprimé les dispositions non normatives ou manifestement d'ordre réglementaire, à l'instar des celles précisant les modalités de mise en oeuvre du « 1 % artistique » par les collectivités territoriales (article 26 bis ) ou de l'inscription symbolique dans la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 du concours d'architecture (article 26 sexies ).

C. LES DISPOSITIONS MODIFIÉES OU AJOUTÉES PAR LA COMMISSION

1. Création
a) Le soutien à la liberté de création

Vos rapporteurs ont préconisé d'adopter l'article 1 er - particulièrement symbolique - sans modification. Le cas de l'article 2 qui détermine les objectifs de la politique publique en faveur de la création artistique apparaît différent compte tenu du caractère particulièrement complexe de la rédaction adoptée à l'Assemblée nationale suite aux multiples ajouts d'objectifs réalisés.

Là encore, dans le cadre d'une démarche pragmatique, vos rapporteurs n'ont pas voulu remettre radicalement en cause la rédaction adoptée à l'Assemblée nationale. Pour autant, ils ont souhaité se livrer à un travail de simplification en regroupant certains items et en ouvrant davantage la politique en faveur de la création artistique aux « nouveaux » partenaires que sont les mécènes, les fondations et les entreprises. Dans cette perspective, vos rapporteurs vous proposent de revenir sur l'ajout adopté par l'Assemblée nationale qui a eu pour conséquence de qualifier de « service public » la politique menée en faveur de la création artistique.

Vos rapporteurs proposent également d'adopter avec des modifications l'article 2 bis du projet de loi qui crée l'obligation d'un débat annuel sur la politique en faveur de la création et de la diffusion artistiques au sein de chaque conférence territoriale de l'action publique (CTAP). Selon cette nouvelle rédaction, le débat annuel au sein de la CTAP concernerait en fait la culture dans son ensemble et, par ailleurs, la création d'une commission thématique consacrée à la culture au sein de chaque CTAP .

Votre commission a complété le texte par deux dispositions destinées à soutenir la création artistique et les créateurs :

- l'une met en place un système de gestion des droits pour assurer une juste rémunération aux photographes et plasticiens dont les oeuvres sont reproduites par un moteur de recherche ou un site de référencement sur internet (article 10 quater ) ;

- l'autre ouvre la possibilité à un auteur d'oeuvres d'art graphiques et plastiques, en l'absence de tout héritier réservataire, de léguer son droit de suite à un musée ou à une association ou fondation culturelle (article 10 nonies ).

b) Les industries culturelles et la propriété intellectuelle

Dans le domaine des industries culturelles, de la propriété intellectuelle et du financement de la création, où les mesures proposées représentent autant d' adossements à des négociations interprofessionnelles abouties, en cours ou à venir, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication n'a pas souhaité bouleverser les équilibres fragiles d'ores et déjà admis par les parties . Elle s'est, en revanche, attachée à améliorer l'efficacité et la clarté des dispositions prévues et à les compléter dans un objectif constant de transparence .

À l'article 5 relatif à la protection contractuelle des artistes interprètes, elle a distingué nettement le droit applicable aux artistes principaux de celui des musiciens et s'est assuré de la confidentialité des informations transmises aux artistes par les producteurs dans le cadre de la reddition des comptes.

Prenant acte de la création, controversée, d'un médiateur de la musique par l'article 7 du projet de loi, votre commission a eu le souci d' éviter tout conflit de compétences avec d'autres instances de conciliation existant dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif et de mieux articuler son action avec les missions confiées à l'Autorité de la concurrence . Elle a également protégé plus certainement le secret des affaires dans le cadre de la publicité des travaux du médiateur de la musique. S'agissant du médiateur du livre, elle a complété l'article 7 bis A pour rendre les présidents des commissions parlementaires en charge de la culture destinataires de son rapport annuel d'activité.

Après les ajouts apportés à l'Assemblée nationale sur la gouvernance de la commission de la copie privée , dont, compte tenu des blocages observés depuis 2012 et de la multiplication des contentieux, votre commission salue l'intérêt, elle a souhaité compléter ces nouvelles dispositions dans un souci d'en améliorer l'efficacité en matière de transparence . Ont ainsi été prévus : la nomination de hauts magistrats au pôle public de la commission de la copie privée en lieu et place de représentants des ministères concernés, l'obligation faite au président et aux membres de ladite commission de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (article 7 bis ), la création d'un agrément du ou des organismes chargés de la perception de la rémunération pour copie privée , l'adossement des études d'usage à un cahier des charges et leur réalisation par la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) (article 7 ter ) et l'assouplissement des conditions d'exonération du paiement de la rémunération pour copie privée pour les matériels acquis à des fins professionnelles (article 7 quater A).

S'agissant des articles portant sur l' industrie cinématographique , votre commission a permis, à l'article 8, aux auteurs d'être destinataires des informations figurant aux comptes de production et d'exploitation des oeuvres cinématographiques de longue durée. En conséquence de ces modifications, elle a apporté, à l'article 9, les compléments nécessaires aux sanctions applicables en cas de manquements aux obligations de transparence portant sur ces comptes.

Par ailleurs, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a manifesté son absolu soutien au dispositif prévu par les articles 11 bis et 11 ter du présent projet de loi visant à assurer l'application effective, par les radios, des règles relatives aux quotas de chansons francophones à l'antenne, et son contrôle par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Elle y a néanmoins apporté quelques assouplissements : le CSA pourra, en échange d'engagements en faveur de la diversité musicale, autoriser une radio à des rotations plus fréquentes de titres au sein du cadre prévu par la loi précitée du 30 septembre 1986 et ne sera plus dans l'obligation de justifier, dans son rapport annuel, de son éventuelle inaction sur ce sujet.

Cinq articles additionnels relatifs aux industries culturelles et à la rémunération des auteurs ont, en outre, été intégrés :

- un article additionnel après l'article 7 assujettit à la rémunération pour copie privée les « magnétoscopes dans le nuage » ou network personal video recorder (NPVR) ;

- un article de coordination après l'article 7 ter a été rendu nécessaire par les dispositions votées par votre commission s'agissant du fonctionnement de la copie privée ;

- après l'article 9 bis , un article additionnel rend obligatoire l'information des titulaires de droits préalablement à la cession du bénéfice d'un contrat de production audiovisuelle par le producteur ;

- après l'article 13 bis , deux articles additionnels renforcent l'action du CNC en matière de lutte contre la contrefaçon des oeuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia.

Par ailleurs, votre commission a adopté quatre articles additionnels après l'article 10 ter qui modifient la loi du 30 septembre 1986 au regard des dispositions qui régissent la production audiovisuelle afin, d'une part, de faire passer à 60 % au minimum la part de production indépendante et d'autre part de définir le critère de l'indépendance selon le seul critère de la détention capitalistique. Ces modifications doivent permettre d'établir une nouvelle relation entre les producteurs et les diffuseurs de nature à favoriser des rapprochements et un renforcement de la filière audiovisuelle française comme de l'investissement dans la création.

Votre commission a enfin adopté plusieurs corrections ou clarifications rédactionnelles , notamment aux articles 7 quater (champ et transparence de l'utilisation des 25 % de la rémunération pour copie privée affectés au financement d'actions artistiques et culturelles), 8 (transparence des comptes de production et d'exploitation des films de cinéma), 10 (contrôle des recettes d'exploitation cinématographique et échanges d'informations relatives à la projection numérique des oeuvres cinématographiques en salle), 10 ter (coordination), 11 (réforme de l'exception au droit d'auteur au bénéfice des personnes handicapées) et 13 bis (renforcement de l'obligation d'exploitation des oeuvres audiovisuelles).

c) L'emploi et l'activité professionnelle

Sur ces questions, votre commission s'est limitée à des modifications ayant pour objet des clarifications ou corrections rédactionnelles .

Elle a ainsi modifié l'article 14 pour s'assurer que le chorégraphe soit effectivement considéré comme un artiste du spectacle, au même titre que le metteur en scène, lors de la phase de préparation d'un spectacle.

Elle a corrigé la rédaction de l'article 16 bis , résultant des débats de l'Assemblée nationale, afin de limiter le champ de la dérogation accordée aux employeurs d'intermittents aux seules cotisations et contributions, versées au titre des indemnités de congés, pour lesquelles le principe du prélèvement à la source avait été décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et qui font l'objet du moratoire décidé par les ministres des affaires sociales et de la culture.

Enfin, sur la reconnaissance et la sécurisation des pratiques artistiques amateurs (article 11 A) qui concernent quelque 12 millions de personnes en France, votre commission partage les objectifs du Gouvernement. Mais également soucieuse de défendre l'emploi artistique et d'assurer une concurrence équitable entre entreprises de spectacle, votre commission a souhaité :

- simplifier la définition de « l'artiste amateur » pour le distinguer plus clairement du « professionnel » ;

- sécuriser le recours à des amateurs dans le cadre de représentations payantes en précisant que la mission de soutien aux pratiques amateurs des entreprises de spectacle concernées doit être établie dans une convention avec une ou plusieurs personnes publiques.

d) L'enseignement artistique spécialisé

S'agissant des conservatoires, votre commission salue la volonté du Gouvernement de réengager l'État dans leur financement. Parler toutefois, comme le fait la ministre, d'un « Plan conservatoires » alors que les crédits votés pour 2016 sont encore deux fois inférieurs à leur niveau de 2012 paraît toutefois quelque peu abusif.

Au demeurant, la solution aujourd'hui proposée par le Gouvernement (qui précise à l'article 17 A que les régions ne seront désormais plus seules pour financer les classes préparatoires des conservatoires) n'est pas totalement satisfaisante.

S'inspirant largement des travaux de Mme Catherine Morin-Desailly, votre commission a souhaité clarifier la répartition des compétences entre collectivités et que, en particulier, la Région assume un véritable rôle de chef de file sur la question des enseignements artistiques spécialisés.

e) L'enseignement supérieur

Votre commission a remanié les articles 17 (enseignement supérieur de la création artistique) et 17 bis (écoles d'architecture) dans un souci d'insertion solide de tous ces établissements dans notre système d'enseignement supérieur.

2. Patrimoine, archéologie préventive et architecture
a) Le patrimoine culturel

Concernant les dispositions du titre II relatives au patrimoine culturel, vos rapporteurs ont souhaité préciser la définition du patrimoine immatériel plutôt que de faire référence à l'article 2 de la convention internationale du patrimoine immatériel du 17 octobre 2003 afin de rendre parfaitement compréhensible l'article 18 A du projet de loi.

Ils ont ensuite proposé d'adopter l'article 18 B, qui renforce la lutte contre la circulation illicite des biens culturels , en modifiant la peine prévue par l'article L. 114-1 du code du patrimoine afin de la porter de deux à cinq années d'emprisonnement tout en respectant le rapport de proportionnalité avec le niveau élevé de l'amende encourue qui s'élève à 450 000 euros.

b) Les archives

Votre commission a complété les dispositions sur les archives par deux articles additionnels après l'article 18 quinquies visant, d'une part, à réintégrer dans le champ des archives publiques toutes les archives produites par les personnes publiques ainsi que les registres de conventions notariées de pacte civil de solidarité et, d'autre part, à étendre l'interdiction d'accès aux salles de lecture d'archives à toute personne ayant déjà dégradé ou volé des archives.

c) L'archéologie préventive

Votre commission a profondément modifié les dispositions de l' article 20 relatives à l'archéologie préventive. Elle a refusé l'immixtion de l'État dans la cohérence du dispositif de l'archéologie préventive dans ses dimensions économique et financière et n'a pas souhaité confier à ce dernier la maîtrise d'ouvrage scientifique des opérations d'archéologie préventive, estimant que cette disposition soulevait de nombreuses interrogations juridiques.

Elle a soumis la procédure d'habilitation des services archéologiques des collectivités territoriales à l'avis du Conseil national de la recherche archéologique, a supprimé la condition de projet de convention entre l'État et la collectivité territoriale faisant la demande d'habilitation, a rejeté la limitation géographique de l'habilitation et a transformé automatiquement les agréments existants en habilitation afin d'assurer la continuité de l'action publique territoriale.

Elle a également limité à un bilan scientifique et technique les documents que doivent fournir les services archéologiques des collectivités territoriales au ministère de la culture tous les cinq ans.

Elle a soumis la définition des zones de présomption de prescriptions archéologiques à une enquête publique préalable et prévu l'inclusion desdites zones dans les documents d'urbanisme.

Votre commission a, par ailleurs, porté de sept à vingt et un jours le délai laissé aux collectivités territoriales pour décider si elles font réaliser le diagnostic d'archéologie préventive par leur service d'archéologie afin qu'elles puissent prendre leur décision en connaissance de cause.

En outre, votre commission a supprimé le monopole accordé par l'Assemblée nationale à l'INRAP sur les opérations de fouilles sous-marines intervenant sur le domaine public maritime et la zone contiguë, estimant que cette disposition était contraire à l'esprit de la loi de 2003 qui avait ouvert le secteur des fouilles au secteur concurrentiel.

Elle a également rejeté le durcissement de la procédure d'agrément en limitant le type d'informations à fournir et en supprimant l'obligation imposée à chaque opérateur soumis à un agrément de transmettre chaque année à l'autorité compétente de l'État un bilan scientifique, administratif, social, technique et financier de son activité en matière d'archéologie préventive.

Votre commission a, par ailleurs, reconnu au niveau législatif l'implication des opérateurs soumis à agrément dans la recherche et la valorisation de l'archéologie préventive.

Elle a rejeté la procédure de contrôle par les services régionaux archéologiques (SRA) des offres reçues par l'aménageur, introduite par le projet de loi et complétée par l'Assemblée nationale, (qui prévoit que l'aménageur envoie toutes les offres au SRA qui s'assure de leur validité et note le volet scientifique) au profit d'un dispositif dans lequel seul le projet scientifique d'intervention de l'offre retenu par l'aménageur est transmis au SRA qui procède à la vérification de sa conformité aux prescriptions de fouilles.

Elle a également supprimé le contrôle par l'État de la compatibilité des conditions d'emploi du responsable scientifique avec la réalisation de l'opération jusqu'à la remise de l'opération de fouilles, estimant que cette disposition est susceptible d'interprétations trop diverses.

Elle a ensuite adopté une disposition qui rend le service archéologique de la collectivité territoriale sur le territoire de laquelle sont réalisées des opérations d'archéologie destinataire d'un exemplaire du rapport d'opération.

En cas de reprise par l'INRAP d'opérations archéologiques inachevées, votre commission a exempté l'aménageur d'avoir à payer l'INRAP pour cette prestation dans la mesure où elle est déjà financée à travers la subvention pour charge de service public que l'INRAP perçoit désormais chaque année.

Votre commission a par ailleurs introduit un article additionnel qui vise à consacrer au niveau législatif le Conseil national de la recherche archéologique et les commissions interrégionales de la recherche archéologique. Par ailleurs, il modifie légèrement leur composition afin que soient également représentés les opérateurs agréés de droit public ou privé parmi les membres de ces deux instances.

d) La protection du patrimoine

Sur ces questions, votre commission a été guidée par deux objectifs :

- la recherche d'un équilibre entre la volonté de simplification et l'impératif de protection du patrimoine ;

- la préservation des intérêts des collectivités territoriales . À cet égard, votre commission n'a pas cherché à accroître systématiquement l'autonomie des collectivités territoriales. Dans une période où leurs marges de manoeuvre sont déjà réduites, votre commission s'est surtout attachée à ce qu'aucune contrainte excessive ne soit imposée aux collectivités territoriales ou à ce que le cadre juridique dans lequel elles évoluent ne change pas inutilement. Elle a essayé de faire en sorte que le mouvement de décentralisation voulu par le projet ne soit pas synonyme d'abandon.

Votre commission a modifié l'article 23 pour renforcer les compétences des nouvelles commissions consultatives dans le domaine du patrimoine. Elle a également décidé de confier la présidence de la commission nationale, renommée « Commission nationale du patrimoine et de l'architecture », à un parlementaire.

Votre commission a souhaité mieux associer les collectivités territoriales à la protection des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO et s'assurer que le périmètre de la zone tampon et les dispositions du plan de gestion soient pris en compte dans les documents d'urbanisme.

À l'article 24, votre commission a adopté plusieurs mesures pour renforcer la protection juridique des domaines nationaux , parmi lesquelles la quasi-inconstructibilité des parties appartenant à l'État ou à l'un de ses établissements publics et la mise en place d'un droit de préemption de l'État sur les parties de domaines ne lui appartenant pas.

S'agissant du nouveau régime des « cités historiques » , rebaptisées « sites patrimoniaux protégés », votre commission a donné à l'État un rôle plus important dans le dispositif. Afin de garantir la protection du patrimoine dans la durée, elle a décidé de substituer aux plans locaux d'urbanisme (PLU) prévus pour leur mise en oeuvre l'élaboration d'un règlement spécifique, le plan de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (PMVAP), soumis à l'avis de la commission régionale et à l'approbation du préfet avant son adoption. Elle a également rétabli, à l' article 36 du projet de loi, le principe d'une élaboration conjointe des plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Elle a affermi le rôle de la commission nationale et décidé la mise en place de commissions locales chargées du suivi du site patrimonial protégé.

Sur la question des abords , votre commission a donné aux collectivités territoriales la liberté de choisir entre le périmètre automatique et le périmètre délimité des abords.

Votre commission a enfin adopté deux articles additionnels :

- l'un renforce l'encadrement des cessions de monuments historiques appartenant à l'État ;

- l'autre emporte reconnaissance de la place des moulins à eau dans notre patrimoine et prévoit la nécessité de trouver un équilibre entre le principe de restauration de la continuité écologique et l'impératif de sauvegarde des moulins protégés au titre du code du patrimoine.

e) L'architecture

Considérant l'impératif d'accroître la qualité architecturale des lotissements, votre commission a maintenu les dispositions de l'article 26 quater . À l'initiative de ses rapporteurs, elle a cependant exigé que les architectes présentent ou réunissent auprès d'eux les compétences nécessaires en matière de paysage et d'urbanisme, afin de favoriser l'élaboration pluridisciplinaire de ces documents. L'exigence de qualité ne devant pas être liée à la taille du lotissement faisant l'objet d'une demande de permis d'aménager, votre commission a également supprimé le seuil dérogatoire prévu au même article.

L'article 26 octies a été entièrement réécrit, afin de préciser que la responsabilité de la lutte contre les signatures de complaisance repose principalement sur le conseil régional de l'ordre des architectes, qui est tenu de répondre aux requêtes formulées par les services chargés de l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER - Liberté de création et création artistique
Chapitre Ier - Liberté création artistique
Article 1er - - Affirmation de la liberté de création artistique

I. - Le texte du projet de loi

L'article 1 er affirme dans son alinéa unique que : « la création artistique est libre » .

A. État des lieux

L'étude d'impact attachée au projet de loi précise que si « le principe de la création artistique constitue un enjeu majeur de notre démocratie » , en fait, « à ce jour, il n'est pas formellement consacré en tant que tel en droit interne » . Contrairement à d'autres pays européens (Autriche, Allemagne, Italie, Espagne, Grèce, Portugal...), il ne figure pas dans notre Constitution et n'est pas reconnu expressément par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Aujourd'hui, la liberté de création est considérée comme une composante de la liberté d'expression qui, quant à elle, est garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789 : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi » . L'article 10 de la même Déclaration prévoit quant à lui que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi » .

Ces principes fondamentaux, qui font partie de notre « bloc de constitutionnalité » depuis la décision n° 73-51 du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1973, sont reconnus depuis longtemps au niveau réglementaire. Le décret n° 59-889 du 24 juillet 1959 donne ainsi mission au ministère chargé des affaires culturelles de « favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent » tandis que le décret n° 82-394 du 10 mai 1982 reconnaît au même ministère la mission de « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d'inventer, de créer, d'exprimer librement leurs talents et de recevoir la forme artistique de leur choix » . Ces mêmes missions figurent toujours aujourd'hui dans le décret n° 2014-411 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication.

B. Le dispositif proposé

L'inscription dans la loi du principe de liberté de création doit permettre de donner un fondement incontestable au soutien de la nation à l'égard de la création artistique. Ce cadre légal vise à consacrer le rôle de l'État en faveur de la protection des artistes et de la liberté de création artistique. Le dispositif proposé a aussi pour effet de « combler un vide » en inscrivant dans le droit interne la liberté de création artistique et d'affirmer, ainsi, la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d'expression.

II. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le débat à l'Assemblée nationale a soulevé deux questions principales concernant d'une part la portée de la disposition et, d'autre part, l'éventuelle nécessité de la compléter.

La question de la portée de l'affirmation du principe de la liberté de création a été d'autant plus débattue que l'étude d'impact annexée au projet de loi a semblé minimiser la portée normative de la disposition en expliquant que « la mesure proposée a une indéniable portée normative puisqu'elle porte sur un droit, même si cette reconnaissance aura davantage de portée symbolique que pratique » 5 ( * ) . La même étude d'impact explique également que « cette reconnaissance par le législateur ne va pas modifier substantiellement l'état du droit dans la mesure où la liberté artistique a toujours été appréhendée par l'intermédiaire de la liberté d'expression qui peut se prévaloir d'un ancrage constitutionnel et constitue l'un des droits fondamentaux » tout en considérant que « la reconnaissance législative permettra toutefois de mettre pour la première fois en exergue la spécificité de la démarche artistique au sein de la liberté d'expression, ce qui pourra peut-être peser dans l'appréciation portée par le juge » .

Lors des débats, tant en commission qu'en séance publique, la ministre de la culture et de la communication a expliqué que la disposition avait une double portée, à la fois normative et symbolique. Elle s'est, par ailleurs, attachée à préserver la rédaction de l'article 1 er dans sa version issue du projet de loi afin de lui conserver une portée symbolique particulièrement forte.

III. - La position de votre commission

A. Sur la portée de cet article

Si la liberté d'expression bénéficie d'une reconnaissance de niveau constitutionnel, certaines de ses composantes bénéficient déjà d'une reconnaissance législative. C'est le cas de la liberté de publier qui est reconnue à l'article 1 er de la loi du 29 juillet 1881 - « L'imprimerie et la librairie sont libres » - et de la liberté de communiquer qui est consacrée par le premier alinéa de l'article 1 er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication - « La communication au public par voie électronique est libre » . Il n'est donc pas illégitime, dans ces conditions, de prévoir une consécration législative du principe de la liberté de création comme le fait l'article 1 er du projet de loi même si, comme le précise l'étude d'impact, celle-ci « ne va pas modifier substantiellement l'état du droit » .

Même s'il ne s'agit que de symbole, vos rapporteurs estiment que la République est aussi affaire de symboles et qu'il n'est sans doute pas inutile, dans les temps troublés que nous connaissons, de réaffirmer certaines valeurs qui fondent notre société démocratique à l'image du rôle de la création artistique.

Concernant la portée normative stricto sensu de cette disposition, vos rapporteurs considèrent que même si elle faisait déjà l'objet d'une protection juridique solide, il n'est pas vain de proclamer à travers cet article 1 er la spécificité de la création artistique afin d'inciter le juge à limiter au minimum les contraintes qui pourront lui être opposées au nom du respect des autres libertés.

B. Sur la nécessité de compléter l'article 1 er

Plusieurs propositions ont été faites pour compléter la rédaction de l'article 1 er afin, d'une part, de proclamer d'autres libertés « complémentaires » comme la liberté de la diffusion et de la programmation artistiques et de prévoir, d'autre part, que la liberté de création devait respecter la propriété intellectuelle. Dans un cas, il s'agissait de compléter l'article en spécifiant d'autres libertés tandis que, dans l'autre cas, il était plutôt question d'encadrer la liberté proclamée dans cet article 6 ( * ) .

Concernant l'intérêt d'élargir le champ de l'article à la liberté de diffusion, vos rapporteurs considèrent qu'il y a un risque que la reconnaissance d'un tel droit dans cet article affaiblisse la notion même de droits d'auteur dans le cadre d'un contentieux sur l'originalité d'une oeuvre, cette notion apparaissant, dès lors, comme étant d'une importance moindre que la liberté de diffusion.

Une autre solution aurait pu consister à compléter l'article 1 er pour à la fois en élargir la portée tout en précisant les limites de son application. Le Gouvernement a exclu cette perspective afin de préserver « la pureté de la rédaction de l'article 1 er » 7 ( * ) en invoquant le précédent de l'article 1 er de la loi de 1881.

Pourtant, un autre exemple aurait pu être utilement convoqué pour élargir le débat, celui de l'article 1 er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui énonce de manière tout aussi symbolique une autre liberté fondamentale - la liberté de communication - tout en comprenant deux alinéas supplémentaires (voir encadré ci-dessous). Or le deuxième alinéa de cet article énonce les motifs susceptibles de limiter le principe général comme, par exemple, le respect de la dignité de la personne humaine, la protection de l'enfance et de l'adolescence ou encore la sauvegarde de l'ordre public sans, pour autant, affaiblir la portée du premier alinéa. Une telle rédaction, dans l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen permet de rappeler qu'aucune liberté n'est absolue et qu'elles peuvent être également limitées par d'autres principes de rang législatif.

L'article 1 er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

« La communication au public par voie électronique est libre.

L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle.

Les services audiovisuels comprennent les services de communication audiovisuelle telle que définie à l'article 2 ainsi que l'ensemble des services mettant à disposition du public ou d'une catégorie de public des oeuvres audiovisuelles, cinématographiques ou sonores, quelles que soient les modalités techniques de cette mise à disposition ».

Vos rapporteurs estiment qu'il n'est pas souhaitable de compléter l'article 1 er de manière imprécise ou lacunaire. Soit cet article se limite à énoncer la liberté de création artistique seule, soit il doit être complété afin de préciser l'ensemble des restrictions qui peuvent lui être apportées. Mais vos rapporteurs ne sont pas favorables à ce que la seule limite apportée à la liberté de création concerne le respect des droits d'auteur, même s'il est, bien entendu, très attaché à ce principe. Un tel choix pourrait, en effet, laisser entendre que les autres motifs de restriction seraient moins légitimes, ce qui n'est pas la volonté du législateur.

Compte tenu du fait que les références à la liberté de programmation et à la liberté de diffusion artistique ainsi celle relative au respect des droits des auteurs et des artistes sont mentionnées dans l'article 2 dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, vos rapporteurs vous proposent d'adopter cet article sans modification.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 - Définition des objectifs de la politique en faveur de la création artistique

I. - Le texte du projet de loi

Le présent article détermine les objectifs des politiques publiques de l'État et des collectivités territoriales en faveur de la création artistique.

Il donne également aux collectivités publiques la responsabilité de veiller au respect de la liberté de programmation artistique.

A. État des lieux

Comme le rappelle l'étude d'impact annexée au projet de loi : « à la différence des autres secteurs culturels tels le patrimoine ou l'audiovisuel, le cadre juridique de l'intervention de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements en faveur du spectacle vivant et des arts plastiques n'a fait l'objet d'aucun dispositif législatif d'ensemble et s'est construit au fil du temps sur des bases juridiques éparses, composées de textes de niveaux différents, institués soit pour certains secteurs, soit pour certaines activités » 8 ( * ) . Un tel cadre juridique hétérogène constitue à la fois une source d'insécurité juridique et une difficulté pour l'ensemble des acteurs concernés par l'action culturelle.

Parmi les références juridiques en vigueur concernant le spectacle vivant on peut mentionner l'article 1er -2 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 issu de l'article 2 de la loi n° 99-198 du 18 mars 1999 qui prévoit que « les entreprises de spectacles vivants peuvent être subventionnées par l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements et établissements publics dans le cadre de conventions » . Toutefois, aucun dispositif ne prévoit un principe similaire concernant les arts plastiques. Et, plus généralement, aucune loi n'est venue, jusqu'à présent, préciser les objectifs de l'intervention des collectivités publiques dans le domaine de la création artistique.

Cette absence de cadre législatif n'a pas empêché une forte implication de l'État et des collectivités territoriales en faveur de l'émergence d'un vaste réseau de structures dédiées à la production et à la diffusion du spectacle vivant et des arts plastiques 9 ( * ) . Elle est néanmoins à l'origine de dysfonctionnements qui peuvent pénaliser le financement de certains projets.

Comme le souligne l'étude d'impact : « l'absence de coordination des actions publiques peut conduire à des approches partielles, à une perte d'efficacité globale de l'intervention publique, voire à de possibles conflits entre plusieurs politiques sans approche d'ensemble » . Par ailleurs, il apparaît que l'absence d'instance de concertation réunissant l'État et les collectivités territoriales en matière de culture ne permet pas de corriger ces évolutions.

B. Le dispositif proposé

Le présent article a pour objectif d'améliorer la cohérence des politiques menées en faveur de la création artistique par les différents acteurs publics en donnant un cadre législatif à leurs interventions et en précisant les principes qui dictent leurs actions, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales.

Dans cette perspective, le premier alinéa de l'article prévoit que l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en oeuvre une politique en faveur de la création artistique.

Il prévoit ensuite que les collectivités publiques ont vocation à soutenir :

- le développement de la création artistique sur l'ensemble du territoire ainsi que l'émergence et le développement des talents (1°) ;

- la liberté de choix des pratiques culturelles (2°) ;

- le développement des moyens de diffusion de la création artistique (3°) ;

- l'égal accès des citoyens à la création artistique et aux oeuvres y compris dans l'espace public (4°) ;

- les artistes, les structures publiques et privées qui oeuvrent dans le domaine de la création, la production, la diffusion des oeuvres, l'enseignement supérieur, la sensibilisation des publics et l'éducation artistique et culturelle (5°) ;

- le dynamisme de la création artistique au plan local, national et international, ainsi que le rayonnement de la France à l'étranger (6°) ;

- la promotion de la circulation des oeuvres et des artistes, la diversité des expressions culturelles et les échanges et les interactions entre les cultures (7°) ;

- la formation des professionnels de la création artistique et la transmission des savoirs et des savoir-faire entre les générations (8°) ;

- le développement et la pérennisation de l'emploi artistique, la structuration des secteurs professionnels ainsi que la lutte contre la précarité (9°) ;

- le maintien et le développement d'un dialogue régulier avec les organisations professionnelles et l'ensemble des acteurs de la création artistique (10°).

Le dernier alinéa de l'article 2 donne pour mission à l'État et aux collectivités territoriales de veiller au respect de la liberté de programmation artistique. Ce principe important qui ne figure pas à l'article 1 er est donc bien mentionné à l'article 2.

II. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été complété et précisé lors de son examen par l'Assemblée nationale. Une référence aux services centraux et déconcentrés a été introduite afin de pouvoir mentionner indirectement le rôle des directions régionales des affaires culturelles (DRAC). La notion de « service public » de la culture a également été introduite dans le premier alinéa.

Le 1° a été complété pour mentionner en particulier le soutien à la création d'oeuvres d'expression originale française et le soutien à l'émergence, au développement et au renouvellement des talents « et de leur expression » .

Un 1° bis a ensuite été ajouté qui prévoit de « garantir la liberté de diffusion artistique » . Cet ajout permet de répondre aux demandes exprimées afin de compléter l'article 1 er pour qu'il mentionne la liberté de diffusion artistique.

Le 3° a été complété afin de mentionner la nécessité pour les collectivités publiques de « garantir la diversité de la création en mobilisant notamment le service public des arts, de la culture et de l'audiovisuel » .

Le 4°, relatif à l'égal accès des citoyens à la création artistique a été modifié afin de faire référence au « respect de l'équité territoriale » tandis la nécessité de garantir également « la diversité des expressions culturelles » a été ajoutée. Une référence au fait qu'il était nécessaire de favoriser l'accès du public le plus large aux oeuvres de la création « notamment dans une perspective d'émancipation individuelle et collective » a été adjointe tandis qu'il est également précisé que la mise en valeur des oeuvres dans l'espace public doit se faire « dans le respect des droits des auteurs et des artistes » . Cette dernière référence au respect des droits des auteurs permet de répondre à des demandes qui avaient été formulées concernant des compléments à apporter à l'article 1 er .

Un 4° bis a été également ajouté qui prévoit que les collectivités publiques doivent mettre en oeuvre, à destination de toutes les personnes, notamment celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d'éducation artistique et culturelle permettant l'épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l'égalité d'accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en oeuvre du parcours d'éducation artistique et culturelle mentionné à l'article L. 121-6 du code de l'éducation 10 ( * ) et en favorisant l'implication des artistes dans ces actions.

Le 5° a été modifié afin, d'une part, de préciser que les collectivités publiques peuvent soutenir des établissements de droit public ou de droit privé « bénéficiant ou non d'un label » et, d'autre part, d'assurer le respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle des artistes et des auteurs dans l'attribution des subventions.

Un 5° bis a été ajouté qui prévoit que les collectivités publiques doivent contribuer à la promotion des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires indépendants, acteurs de la diversité culturelle et de l'égalité des territoires.

Un 5° ter a, par ailleurs, été inséré afin de favoriser, notamment à travers des initiatives territoriales, les activités de création artistiques pratiquées en amateur au motif qu'elles sont sources de développement personnel et de lien social.

Le 7° a été modifié afin de prévoir la promotion de la mobilité des auteurs en plus de celle des artistes déjà prévue par le texte initial ;

Un 7° bis a été adopté qui vise à favoriser l'accès de la culture dans le monde du travail.

Le 8° a été complété afin de préciser que les collectivités publiques contribuent à la formation « initiale et continue » des professionnels de la création artistique et que des dispositifs de reconversion professionnelle adaptés aux métiers artistiques sont mis en place. La rédaction de cet alinéa prévoit aussi que la transmission des savoirs et des savoir-faire doit également se faire « au sein » des générations et non seulement entre elles.

La rédaction du 9° a précisé que les collectivités publiques doivent contribuer à la lutte contre la « précarité des auteurs et des artistes » et non de l'activité artistique.

Un 9° bis prévoit que les collectivités publiques doivent favoriser une juste rémunération des créateurs et un partage équitable de la valeur, notamment par la promotion du droit d'auteur et des droits voisins aux plans européen et international.

Le 10° a été complété pour prévoir, au-delà du dialogue évoqué initialement, une « concertation » entre l'État, l'ensemble des collectivités publiques concernées, les organisations professionnelles, le secteur associatif, l'ensemble des acteurs de la création et le public concerné.

Un 11° a été inséré qui prévoit la nécessité, pour les collectivités publiques, de favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique.

Le dernier alinéa de l'article relatif au respect de la liberté de programmation artistique n'a pas été modifié.

III. La position de votre commission

Vos rapporteurs remarquent que la rédaction de l'article 2 a été complétée lors du débat à l'Assemblée nationale afin d'inclure certains principes qui avaient fait l'objet d'un débat pour compléter l'article 1 er . C'est en particulier le cas de la liberté de diffusion artistique mentionnée dans le 1° bis et de la nécessaire défense des droits d'auteurs invoquée aux 4° et 5°. Le principe de liberté de programmation artistique figurait déjà dans la rédaction originelle du dernier alinéa de l'article 2.

Outre ces ajouts qui apparaissent justifiés, vos rapporteurs observent que les nombreuses mentions supplémentaires réalisées présentent néanmoins le risque d'affaiblir la portée de cet article qui au lieu de fixer des priorités tend, de plus en plus, à lister des objectifs sans véritable portée normative . Une seconde conséquence tient au fait qu'à partir du moment où le choix a été fait de lister de manière exhaustive les objectifs de la politique publique en faveur de la création artistique, chaque oubli ou omission peut être considérée comme l'expression d'un choix politique .

Afin de prévenir ce dernier risque, vos rapporteurs ont estimé utile de mieux mettre en valeur le rôle des acteurs privés en général et celui des fondations reconnues d'utilité publique agissant dans le domaine culturel en particulier, ainsi que la nécessité de favoriser le mécénat . Comme cela a été soulevé lors du débat en commission à l'Assemblée nationale, certains ajouts qui insistent sur le rôle du service public peuvent donner le sentiment d'exclure les acteurs privés ou parapublics de la définition et de la mise en oeuvre des politiques culturelles en faveur de la création. Le service public a un rôle essentiel à jouer en faveur du développement de la création artistique mais il ne saurait embrasser à lui seul toutes les initiatives en sa faveur.

Vos rapporteurs vous proposent ainsi (dans le cadre d'un amendement COM-158 rectifié ) de supprimer la référence au « service public » dans le premier alinéa compte tenu du fait que la politique en faveur de la création ne se limite pas au seul secteur public notamment du fait des difficultés budgétaires qui contraignent structurellement son action. Ils rappellent que l'article 2 fait déjà référence dans son 3° au « service public des arts, de la culture et de l'audiovisuel » .

Concernant les objectifs de la politique en faveur de la création artistique, vos rapporteurs vous proposent une nouvelle rédaction de certains alinéas 11 ( * ) afin d'en réduire le nombre de 18 à 17 tout en ajoutant deux nouveaux alinéas. Pour ce faire, ils rapprochent les alinéas suivants :

- le 11° relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique est intégré au 1° afin de rappeler l'importance de cet objectif ;

- les dispositions du 3° relatives au développement de la diffusion de la création artistique et à la diversité de la création sont rapprochées de celles du 4° qui évoquent la diversité des expressions culturelles au sein d'un nouveau 2°, le reste du 4° étant maintenu dans un nouveau 5° ;

- le 6°, qui prévoit de favoriser le dynamisme de la création artistique sur les plans local, national et international, ainsi que le rayonnement de la France à l'étranger, est intégré au 1°.

Deux nouveaux alinéas sont ensuite ajoutés :

- le nouveau 9° prévoit de garantir la transparence et l'équité dans l'octroi des subventions publiques à des personnes morales publiques et privées intervenant en faveur de la création artistique à travers le recours à des appels à projet et l'évaluation régulière des actions menées ;

- le nouveau 11° prévoit d' encourager les actions de mécénat des particuliers et des entreprises en faveur de la création artistique et de favoriser le développement des actions des fondations reconnues d'utilité publique qui accompagnent la création .

Plusieurs rédactions d'alinéas ont enfin fait l'objet de modifications afin de préciser les dispositions, clarifier la compréhension ou alléger la formulation :

- la référence dans le 4° (ancien 5° ter ) au fait que les activités de création artistique pratiquées en amateur constituent des « sources de développement personnel et de lien social » est supprimée pour alléger la rédaction ;

- le 5° (ancien 4°) est complété afin de préciser que la mise en valeur des oeuvres dans l'espace public peut se faire au travers de dispositifs de soutien adaptés 12 ( * ) ;

- la rédaction du 6° (ancien 4° bis ) est modifiée pour supprimer la référence au parcours d'éducation artistique et culturelle qui n'apparaît pas nécessaire compte tenu du fait que l'alinéa fait référence aux actions d'éducation artistique et culturelle ;

- la rédaction du 13° (ancien 8°) est également modifiée afin de supprimer la référence au fait que la transmission des savoirs et des savoir-faire se fait « au sein et entre les générations » , cette précision n'apparaissant pas nécessaire.

La rédaction proposée par vos rapporteurs ne modifie pas l'alinéa 21 du texte voté par l'Assemblée nationale qui prévoit que l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que leurs établissements publics veillent au respect de la liberté de programmation artistique .

Lors de l'examen du texte, votre commission a adopté, avec un avis favorable de vos rapporteurs un amendement COM-113 de Mmes Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux, au premier alinéa, qui précise que la politique en faveur de la création artistique est définie et mise en oeuvre dans le respect des droits culturels des personnes . Cet amendement vise à mieux articuler l'article 2 du projet de loi avec l'article 103 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (« NOTRe ») qui prévoit que : « La responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l'État dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 » .

Votre commission a également adopté, avec un avis favorable de vos rapporteurs, un amendement au premier alinéa COM-11 de M. Patrick Abate, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Pierre Laurent, Mme Christine Prunaud et les membres du groupe CRC qui souligne que cette même politique en faveur de la création artistique est construite en concertation avec les acteurs de la création artistique .

Votre commission a ensuite adopté un sous-amendement de Mmes Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux ( COM-113 ) à l'amendement COM-158 rectifié qui complète le nouveau 12° afin de prévoir que les échanges culturels doivent être conduits avec une attention particulière pour les pays en développement afin de contribuer à des échanges culturels équilibrés .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 bis - (art. L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales) - Inscription annuelle à l'ordre du jour des conférences territoriales de l'action publique d'un débat sur la politique en faveur de la création artistique

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, sur proposition du rapporteur, un amendement proposant la création d'un article 2 bis prévoyant l'obligation pour le président de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) d'inscrire à son ordre du jour au moins une fois par an un débat en faveur de la création artistique.

Cet amendement a été adopté à l'issue d'un débat sur l'opportunité de compléter cette disposition par la création d'une commission de la culture au sein de chaque CTAP, comme cela avait préconisé par la même commission des affaires culturelles dans le cadre du débat sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Cette proposition a finalement été repoussée compte tenu, en particulier, d'un avis défavorable de la ministre de la culture et de la communication et du rapporteur.

II. - La position de votre commission

Lors du débat sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, votre commission, sur la proposition de sa rapporteure, Mme Catherine Morin-Desailly, avait fait adopter à l'article 28 (voir encadré ci-dessous) le principe de la création au sein de chaque CTAP prévue par l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales d'une commission de la culture, d'une commission du sport et d'une commission du tourisme. Votre commission avait, en effet, estimé « qu'il était nécessaire de permettre aux collectivités territoriales de mieux coordonner leurs actions » 13 ( * ) . L'amendement adopté devait permettre d'établir un lien « entre compétence partagée et commission thématique de la CTAP, afin que le cadre propice au dialogue soit garanti au sein de la conférence territoriale » .

Vos rapporteurs vous proposent dans ces conditions, au travers d'un amendement COM-159 , de compléter le deuxième alinéa du III de l'article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir que la CTAP comprend une commission de la culture. Ils vous proposent également de prévoir de donner une vocation plus générale au débat annuel au sein de la CTAP prévu par cet article 2 bis en prévoyant qu'il portera sur la politique en faveur de la culture dans son ensemble et non seulement sur la création et la diffusion artistiques.

Article 28 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République tel qu'adopté par le Sénat en première lecture le 27 janvier 2015

Après le premier alinéa de l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les compétences en matière de culture, de sport, de tourisme, d'action extérieure et de coopération internationale sont partagées entre les communes, leurs groupements, les départements, les régions et les collectivités territoriales à statut particulier .

La conférence territoriale de l'action publique définie à l'article L. 1111-9-1 comprend une commission de la culture, une commission du sport et une commission du tourisme ».

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 - Labellisation des institutions de référence nationale

I. - Le texte du projet de loi

Le présent article a pour objectif de donner une base législative à la politique de labellisation des institutions dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques.

A. État des lieux

La politique de labellisation ne dispose aujourd'hui d'aucun fondement législatif alors même qu'elle occupe une place déterminante dans la politique culturelle d'aménagement du territoire.

L'étude d'impact annexée au projet de loi rappelle qu'il existe aujourd'hui dix types de label dans les secteurs du spectacle vivant.

En 2014, les structures bénéficiant d'une labellisation sont réparties entre : 38 centres dramatiques nationaux et régionaux (CDN-CDR), 70 scènes nationales (SN), 18 centres chorégraphiques nationaux (CCN), 14 opéras et 19 orchestres en régions, 8 centres nationaux de création musicale (CNCM), 92 scènes de musiques actuelles (SMAC) et autres lieux de musiques actuelles, 12 pôles nationaux des arts du cirque (PNAC) ; 9 centres nationaux des arts de la rue (CNAR), 9 centres de développement chorégraphique (CDC), soit au total 289 établissements représentant un subventionnement de plus de 194 millions d'euros pour l'État.

Hormis le décret n° 72-904 du 2 octobre 1972 relatif aux contrats de décentralisation dramatique qui encadre les rapports entre l'État et les centres dramatiques nationaux, la politique de soutien aux structures de création et de diffusion dite « labels et réseaux » repose aujourd'hui sur une circulaire du 31 août 2010, modifiée le 22 février 2013 14 ( * ) , qui regroupe en un seul texte les circulaires relatives à chaque label du spectacle vivant. Par ailleurs, dans le secteur des arts plastiques, la politique de soutien aux structures et aux lieux de création et de diffusion de l'art contemporain repose sur la circulaire du 9 mars 2001 pour les centres d'art.

L'étude d'impact considère que « ces dispositifs ne sont pas d'une portée juridique suffisante compte tenu de la variété des modes d'intervention des collectivités publiques dans le fonctionnement des structures et ne permettent pas en conséquence à l'État et aux collectivités territoriales d'avoir une influence suffisante pour s'assurer du respect de ce qui a conduit à l'attribution du label » .

Les structures bénéficiaires d'un label ou constituant un réseau sont pour la plupart des structures de droit privé majoritairement constituées sous forme associative, à part les centres dramatiques nationaux et régionaux qui ont, à deux exceptions près, un statut de sociétés commerciales (SARL ou SA) et sur lesquelles l'État attributeur du label n'a, en l'absence de disposition législative dérogatoire au droit commun, aucun autre outil de contrôle ou d'influence sauf à jouer sur le montant des subventions versées, ou à retirer le label.

Le cadre de l'intervention de l'État repose sur le schéma classique de subvention d'activités privées présentant un intérêt général avec comme contreparties des responsabilités spécifiques et un encadrement particulier. Ce régime a été institué par le décret du 2 octobre 1972, relatif aux centres dramatiques nationaux, qui a été décliné pour les différentes structures, en l'adaptant à chaque « label ».

Dans ce schéma, l'État apporte son soutien aux structures qui présentent un niveau d'exigence artistique et de développement culturel, répondent aux critères de la politique publique et présentent un caractère d'intérêt général par leurs activités et leurs projets.

La politique d'attribution des labels

Le cahier des missions et des charges spécifique au label conféré à une structure fixe les obligations que celle-ci doit remplir pour satisfaire aux critères de la politique publique d'aides mise en oeuvre au niveau national par l'État. Ces obligations varient suivant chaque label mais sont identifiées autour d'un socle d'engagements communs qui se traduisent par des responsabilités en termes de :

- missions artistiques : les établissements contribuent à développer la création et/ou la diffusion artistique dans un objectif d'exigence et d'innovation artistiques ;

- missions territoriales et en direction des publics : ils assument une responsabilité vis-à-vis de la population du territoire dans lequel ils sont implantés en proposant une politique visant à développer, renouveler et diversifier tous les publics, et particulièrement les plus éloignés et les publics empêchés, par tous moyens de diffusion ;

- missions pédagogiques par le développement d'actions d'éducation artistique et culturelle et de sensibilisation en direction des enfants, des jeunes et des publics spécifiques ;

- missions professionnelles : ils doivent constituer des espaces de ressources pour les artistes et les professionnels du territoire et leur offrir la possibilité de développer leur pratique artistique notamment par la mise en oeuvre de dispositifs d'accueil et d'espace de travail, d'assistance et de conseil, voire de soutien financier à la production. Ils participent également à la formation et à l'insertion professionnelle des jeunes, notamment par l'accueil d'étudiants stagiaires et d'apprentis et la mise en place de contrats de professionnalisation.

Sur cette base, le cadre d'intervention de l'État se caractérise par l'instauration de procédures harmonisées et transparentes pour la sélection du projet artistique et la désignation des personnes chargées de la mise en oeuvre de ce projet au sein de la structure, qui reposent sur une procédure d'appel à candidatures et une évaluation qui se traduit par un dispositif d'encadrement conventionnel.

Source : Étude d'impact annexée au projet de loi

Le Gouvernement estime que le cadre juridique de l'intervention de l'État mérite d'être renforcé et précisé. En particulier, l'État souhaite pouvoir organiser et définir les modalités retenues pour la désignation du dirigeant de la structure candidate à une labellisation, le choix de ce dernier constituant un élément essentiel pour le succès du projet culturel porté par la structure candidate. Il s'agit donc de ce point de vue de permettre, sans que cela puisse être contesté et par dérogation aux règles de droit commun s'appliquant aux structures susceptibles d'être candidates pour un label, de pouvoir intervenir dans la désignation des dirigeants.

B. Le dispositif proposé

Le premier alinéa de l'article 3 donne un caractère législatif aux pratiques existantes. Il rappelle, en effet, que c'est le ministre chargé de la culture qui peut attribuer des labels aux structures, personnes morales de droit public ou de droit privé ou services en régie d'une collectivité territoriale, qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel présente un intérêt général pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques.

Cet intérêt s'apprécie au regard d'un cahier des missions et des charges, qui fixe des objectifs de développement et de renouvellement artistique, de diversité et de démocratisation culturelles, de traitement équitable des territoires, d'éducation artistique et culturelle ainsi que de professionnalisation des artistes et des auteurs des secteurs du spectacle vivant et des arts plastiques. Là encore, cette disposition correspond au droit applicable.

Le deuxième alinéa introduit un novation puisque si la circulaire du 30 août 2010 prévoyait déjà que le dirigeant d'une structure labellisée est choisi à l'issue d'un appel à candidatures associant les collectivités territoriales et leurs groupements partenaires et l'État 15 ( * ) , elle ne mentionnait pas le fait que sa nomination devait faire l'objet d'un agrément du ministre chargé de la culture. Cet alinéa prévoit également que les nominations des dirigeants des structures labellisées concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes ce qui avait été rappelé par la circulaire du 22 février 2013.

En réalité, le principal objectif du deuxième alinéa vise à sécuriser juridiquement la procédure d'agrément des nominations par l'État.

Le dernier alinéa de l'article renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer la liste des labels et de définir les modalités de mise en oeuvre de l'article, notamment les conditions d'attribution du label et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée ainsi que les modalités d'instruction des demandes d'attribution de label et ses conditions de retrait.

II. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article après avoir modifié son dernier alinéa pour préciser que les conditions d'attribution du label et la procédure de sélection du projet artistique et culturel et du dirigeant de la structure labellisée doivent respecter les principes de transparence, d'égalité d'accès des femmes et des hommes aux responsabilités, de renouvellement des générations et de mixité sociale.

L'ajout de ces termes comme l'introduction dans la rédaction initiale de l'article d'une procédure d'agrément du dirigeant par l'État, qui n'était pas prévue dans la circulaire du 31 août 2010, ont été à l'origine d'un large débat qui a mis en évidence le risque d'une part que les nominations ne privilégient pas la qualité des candidatures compte tenu des nombreux critères à prendre en compte et, d'autre part, que la procédure de labellisation se révèle comme déséquilibrée au bénéfice de l'État et au détriment des collectivités territoriales.

III. - La position de votre commission

Vos rapporteurs observent que la détermination des critères et des procédures de labellisation dans des textes de niveau réglementaire ou infra-réglementaire n'avait pas empêché le développement de ces structures. Ils remarquent que c'est la volonté de l'État d'intervenir davantage dans les nominations sur la base de critères très généraux et sans lien avec la compétence des candidats qui justifie au final de passer par la loi compte tenu du caractère privé d'une grande majorité des structures concernées. Or on ne peut que s'interroger sur cette volonté de l'État de pouvoir disposer d'un véritable « droit de véto » sur les nominations de dirigeants de structures privées.

Certes, cette prérogative s'inscrirait dans le cadre des nécessaires contreparties aux subventions accordées mais outre le fait que le montant de ces subventions n'est pas garanti, on ne peut qu'être inquiet du caractère arbitraire que pourrait prendre la décision de refus d'agréer une nomination, la rédaction actuelle ne prévoyant pas la nécessité d'une motivation.

Vos rapporteurs estiment qu'il n'y aurait que des inconvénients à créer les conditions d'une « mise sous tutelle » de l'État des structures labellisées à travers cette procédure d'agrément des nominations. Outre le fait qu'il convient de s'interroger sur la constitutionnalité d'une telle mesure qui porte atteinte à la liberté de nomination des structures privées, vos rapporteurs s'inquiètent des conséquences pour la culture de la désignation de dirigeants sur des critères extra-professionnels. Ils rappellent, en particulier, que selon les termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, tous les citoyens sans distinction sont admissibles aux emplois publics « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leur talents » .

Article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

Si le principe d'un agrément du seul ministre de la culture n'est donc pas satisfaisant, il convient de poursuivre la réflexion sur la façon dont doivent être associés l'ensemble des acteurs au pilotage de ces structures afin de ne pas déséquilibrer les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Par ailleurs, la rédaction doit sans doute être précisée afin de mieux distinguer entre les structures nationales labellisées pour lesquelles il est complètement légitime que l'État dispose d'un pouvoir d'agrément et les structures locales pour lesquelles les collectivité territoriales devraient avoir davantage leur mot à dire compte tenu en particulier de leur participation financière. Les membres de notre commission ont considéré que la réflexion devait se poursuivre sur ce sujet d'ici l'examen du projet de loi en séance publique.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis (supprimé) - Rapport au Parlement sur la mise en place d'un dispositif de « 1 % travaux publics »

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, un rapport sur l'opportunité de créer un nouveau dispositif, à côté du dispositif dit du « 1 % artistique » ou « 1 % bâtiments publics » créés en 1951, destinés à promouvoir l'accès et la diffusion des oeuvres d'art plastique contemporaines. L'objectif serait de permettre à l'État et aux collectivités territoriales de consacrer volontairement 1 % du coût des opérations de travaux publics au soutien d'actions artistiques dans l'espace public.

Le recours à un rapport s'explique, selon le rapporteur, par le fait que le dépôt d'un amendement prévoyant la disposition aurait été irrecevable financièrement.

II. - La position de votre commission

Le « 1 % artistique » constitue un dispositif original de soutien de la création dans le domaine des arts plastiques, la diffusion des oeuvres dans l'espace public et la constitution d'un patrimoine pérenne. L'objectif du rapport étant d'examiner la possibilité d'étendre le périmètre du 1 % artistique à des formes de création éphémères à l'image des arts de la rue, votre rapporteur s'interroge sur les risques qu'une telle évolution pourrait constituer pour le secteur des arts visuels.

Par ailleurs, les représentants des associations d'élus locaux ont indiqué à vos rapporteurs qu'il n'était pas envisageable d'étendre de manière obligatoire le dispositif du 1 % artistique à l'ensemble des projets de construction publique compte tenu des difficultés budgétaires.

En outre, alors que les dépenses de travaux publics peuvent être considérées comme des investissements, un financement des formes d'arts éphémères par le biais d'un prélèvement sur le montant total des travaux n'apparaît pas comme le schéma le plus vertueux.

Afin de ne pas minimiser le rôle des arts de la rue dans la création artistique vos rapporteurs rappellent qu'il ont proposé dans sa rédaction de l'article 2 de compléter le nouveau 5° afin de préciser que la politique en faveur de la création artistique met en valeur les oeuvres dans l'espace public à travers des dispositifs de soutien adaptés . Une telle disposition ouvre donc la voie à la recherche de mesures de soutien nouvelles et rend moins utile le maintien de cet article 3 bis .

En conséquence, vos rapporteurs vous proposent de supprimer cet article (COM-161) .

Votre commission a supprimé cet article .

Chapitre II - Le partage et la transparence des rémunérations dans les secteurs de la création artistique
Article 4 A (art. L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle) - Formalisme des contrats de transmission des droits d'auteur

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a introduit le présent article, visant à compléter le premier alinéa de l'article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle.

Cet alinéa prévoit que les contrats de représentation, d'édition et de reproduction audiovisuelle, comme les autorisations gratuites d'exécution doivent être constatés par écrit. Aux termes du présent article, l'obligation de constatation par écrit est élargie aux contrats par lesquels sont transmis des droits d'auteur, c'est-à-dire à tout contrat de cession de droits .

Il s'agit de protéger les auteurs contre les pratiques contractuelles informelles qui se sont développées, notamment dans le domaine des arts visuels, et de garantir aux parties une meilleure transparence des relations contractuelles.

L'Assemblée nationale n'a apporté, en séance publique, aucune modification au dispositif adopté par sa commission des affaires culturelles.

II. - La position de votre commission

Bien que la très grande majorité des contrats de cession de droits soit déjà constatés par écrit , cette disposition ne pose aucune difficulté de principe.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 B (supprimé) - Rapport sur l'amélioration du partage et de la transparence des rémunérations dans le secteur du livre

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a, à l'initiative de son rapporteur adopté le présent article, qui prévoit que, dans un délai de six mois suivant la promulgation du texte le Gouvernement remettra au Parlement un rapport relatif aux conséquences qu'il entend tirer de la concertation entre les organisations représentatives des éditeurs et des titulaires de droits d'auteur .

Cette concertation relative aux conditions de partage et de transparence des rémunérations dans le secteur du livre, est envisagée comme le prolongement des négociations ayant permis d'aboutir, à l'issue de quatre années de négociation, à l'accord du 21 mars 2013 portant modification du contrat d'édition à l'ère numérique . Selon les voeux des auteurs, largement repris par la rédaction de l'Assemblée nationale, la seconde phase de discussion doit porter sur cinq points :

- la fréquence et la forme de la reddition des comptes , que l'éditeur n'est aujourd'hui tenu d'adresser à l'auteur qu'une fois par an ;

- la mise en place d' une obligation d'établissement et de transmission du compte d'exploitation des livres à un organisme de confiance désigné par décret, afin, sur le modèle du dispositif prévu par l'article 8 du projet de loi pour le secteur du cinéma, d'assurer un meilleur contrôle de la véracité des chiffres transmis aux titulaires de droits ;

- la mise en place d' une obligation, pour l'éditeur, d'envoyer à l'auteur un certificat de tirage initial, réimpression, de réédition et, le cas échéant, de pilonnage , afin de garantir son information pleine et entière ;

- les conditions d' un encadrement des provisions sur retour , qui conduit à reporter d'un an le versement d'une part conséquente de la rémunération due à l'auteur comme à rendre confuse la reddition des comptes portant alors sur des chiffres différents, et d' une interdiction de la pratique de la compensation intertitre , consistant, pour un éditeur, à compenser les droits d'un auteur entre plusieurs ouvrages. Plus précisément, l'éditeur déduit d'un à-valoir non couvert sur un ouvrage des droits à percevoir sur un autre ouvrage, ce mécanisme lui évitant alors de verser la rémunération due à l'auteur telle que prévue par second titre ;

- enfin, l'opportunité d' un élargissement des compétences du médiateur du livre aux litiges opposant auteurs et éditeurs , à l'instar des pouvoirs conférés par l'article 7 au nouveau médiateur de la musique.

L'Assemblée nationale n'a apporté, en séance publique, aucune modification au dispositif adopté par sa commission des affaires culturelles.

II. - La position de votre commission

Votre commission rappelle que le nouveau contrat d'édition n'est applicable que depuis le 1 er décembre 2014. Les premiers effets s'en font donc encore à peine sentir, d'autant que certaines mesures ne sont mises en oeuvre que progressivement, notamment la reddition des comptes, dont le premier envoi en application du nouveau contrat ne sera réalisé qu'au printemps 2016.

Le contrat d'édition désormais applicable fait des auteurs français les mieux protégés au monde au regard des particularités de l'édition numérique, comme le rappelait récemment un rapport du Parlement européen.

Pourtant, certains auteurs, sans attendre que puisse être tiré un bilan du nouveau dispositif, ont réclamé de nouvelles avancées s'agissant du partage de la valeur et de la transparence des rémunérations. Comme l'indiquait le Syndicat national de l'édition (SNE) lors de son audition, des négociations ont d'ores et déjà commencé avec le Conseil permanent des écrivains (CPE). Une dizaine de réunions se sont tenues depuis le mois de septembre et les parties sont sur le point de trouver un accord sur un certain nombre de points évoqués par le présent article, notamment l'encadrement de la provision sur retour et de la compensation intertitre.

Dès lors, le maintien du présent article, qui a essentiellement pour objet de faire pression sur les parties aux fins de trouver un accord, n'a guère d'intérêt, d'autant qu'il propose, en pratique, le dépôt d'un énième rapport au Parlement, méthode à laquelle votre commission n'est traditionnellement pas favorable, dès lors, elle a considéré justifié de supprimer cette disposition ( COM-162 ).

Votre commission a supprimé cet article.

Article 4 (chapitre II du titre unique du livre II du code de la propriété intellectuelle) - Coordination

I. - Le texte du projet de loi

Le présent article vise à modifier la structure du chapitre II du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle, relatif aux droits voisins du droit d'auteur.

Ce chapitre traite des droits des artistes-interprètes et comprend les articles L. 212-1 à L. 212-11. La création, par l'article 5 du projet de loi, d'une section 3 consacrée, au sein de ce chapitre, aux contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes rend nécessaire de modifier la numérotation d'une partie des articles existants et de les répartir en deux sections distinctes précédant la nouvelle section 3.

Dès lors, aux termes de l'alinéa 2, les articles L. 212-10 et L. 212-11 deviennent respectivement les articles L. 212-3-5 et L. 212-3-6. L'alinéa 3 les intègre, avec les articles L. 212-1 à L. 212-3, dans une section 1 intitulée « Dispositions communes » . Enfin, l'alinéa 4 crée une section 2 « Contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de vidéogrammes » rassemblant les articles L. 212-4 à L. 212-9.

II. - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté, via la direction de la séance, une modification rédactionnelle.

III. - La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 (art. L. 212-10, L. 212-11, L. 212-12 nouveau, L. 212-13 nouveau, L. 212-13-1 nouveau et L. 212-14 nouveau du code de la propriété intellectuelle) - Protection contractuelle des artistes-interprètes

I. - Le texte du projet de loi

A. État des lieux

Les tensions entre acteurs de la filière musicale n'ont cessé de croître, ces dernières années, dans un contexte économique particulièrement déprimé . À 570 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014, le marché de la musique a perdu 65 % de sa valeur et plus de la moitié de ses emplois en douze ans.

La crise de l'industrie musicale, pour partie due au développement des usages illicites, a été renforcée par une difficulté des professionnels à s'adapter au numérique . Mais désormais, si les revenus issus du numérique ne parviennent pas encore à compenser le recul des ventes physiques, ils enregistrent depuis plusieurs années une forte croissance .

Parts des ventes physiques et numériques

En millions de dollars

En pourcentage

2013

2014

Évolution 2014/2013

2013

2014

Ventes de supports

7 419

6 819

-8,1 %

51 %

46 %

Ventes numériques

6 412

6 852

+6,9 %

39 %

46 %

Droits perçus en gestion collective

876

948

+8,3 %

7 %

6 %

Synchronisation

320

346

+8,4 %

2 %

2 %

Total marché

15 027

14 965

-0,4 %

100 %

100 %

Source : International federation of the phonographic industry (IFPI)

Selon les éléments statistiques publiés par le Syndicat national des éditeurs phonographiques (SNEP), les ventes numériques ont augmenté de 6 % en 2014 et se concentrent progressivement sur le streaming : le marché du téléchargement a subi une forte diminution (- 14 %), tandis que le streaming légal a fortement progressé (+ 34 %), jusqu'à représenter, avec 73 millions d'euros, 16 % du chiffre d'affaires de l'industrie musicale et 55 % des revenus du marché numérique.

Structure du marché de la musique

Source : SNEP

Le streaming permet à l'utilisateur d'écouter légalement de la musique sans avoir à l'acquérir. En cela, il diffère du téléchargement et de l'achat physique, qui impliquent une possession définitive du titre ou de l'album. On distingue deux modèles économiques : un service d'écoute gratuit pour l'utilisateur et financé par la publicité ou un système d'abonnement payant. La croissance du streaming , qui permet de compenser la baisse des revenus du téléchargement , est essentiellement tirée par l'accroissement du nombre des abonnements, qui contribuent à hauteur de 67 % au chiffre d'affaires global du streaming : en 2014, deux millions de Français sont abonnés à un service de streamin g musical.

L'offre est dominée par le « champion national » Deezer , avec ses 6,5 millions d'abonnés et ses 16 millions de visiteurs uniques par mois, et par la plateforme suédoise Spotify . Le service de streaming d' Apple , Apple Music , lancé le 30 juin dernier, devrait sans doute rapidement occuper une place centrale sur le marché. D'autres plateformes existent mais, malgré des offres variées, connaissent des situations économiques souvent précaires. La structure du marché du streaming demeure largement oligopolistique : en 2013, les chiffres d'affaires de Spotify et de Deezer s'établissaient respectivement à 747 millions d'euros et à 65 millions d'euros, tandis que le chiffre d'affaires cumulé de leurs concurrents affichait péniblement 15 millions d'euros. La plateforme de musique en ligne Qobuz a ainsi été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris le 9 novembre 2015, après une période de sauvegarde ouverte, sans succès, le 19 août 2014.

En 2015, le streaming poursuit sa croissance grâce notamment aux revenus générés par les abonnements (+ 66 %). À la fin du mois de juillet, le SNEP enregistrait déjà une progression de 43 % des revenus générés : le streaming , avec près de neuf milliards d'écoutes en sept mois, réalisait à cette date les deux tiers des revenus numériques et 28 % du chiffre d'affaires global du secteur. Les quatre plateformes principales ont enregistré, depuis le mois de janvier 2015, près de 50 millions de visites uniques mensuelles, soit, selon les sites, une croissance variant entre 4 % et 18 % . Dans ce contexte, le streaming pourrait devenir en France la source principale de revenus de l'industrie musicale et de ses artistes , comme c'est déjà le cas en Suède et en Norvège, où il représente deux tiers des ventes de morceaux.

S'il constitue indéniablement l'avenir de l'industrie musicale, le développement des pratiques numériques d'écoute de la musique, et notamment celle du streaming , fondée sur la location et non plus sur l'achat, conduit à une remise en cause profonde des modes de rémunération des différentes parties et, partant, à une virulente critique des nouvelles modalités de partage de la valeur.

En effet, en streaming , comme en téléchargement sur des plateformes du type iTunes , la rémunération des artistes est extrêmement faible , même s'il convient de prendre en considération que le modèle économique du streaming , consiste à ce que chaque écoute rapporte à l'artiste et au producteur, à la différence d'un achat d'album pour lequel, même plus élevée, la rémunération n'est perçue qu'une fois. Le calcul applicable à la rémunération de chacun doit donc être réalisé sur le long terme pour être exact.

Partage de la valeur pour un morceau de musique en streaming

Source : SNEP - E&Y

Dans ces conditions, nombreux sont les artistes à s'opposer aux modalités de partage des revenus issus du streaming . Les plus puissants d'entre eux obtiennent parfois gain de cause, à l'instar de l'artiste américaine Taylor Swift, qui, récemment, a réussi à faire plier le géant Apple. Sous sa pression, le groupe est revenu sur une disposition controversée d' Apple Music , le service de streaming que la société a lancé le 30 juin dernier, qui prévoyait qu'aucune rémunération ne serait versée aux artistes, compositeurs et maisons de disque pendant la période d'essai de trois mois offertes aux utilisateurs. Déjà, elle avait décidé, en novembre 2014, de retirer ses chansons de la plateforme Spotify , s'estimant lésée par la rétribution proposée par le leader suédois. Un tel bras de fer n'est cependant pas à la portée de tous les artistes.

La problématique du partage de la valeur dans l'univers numérique a fait l'objet d'une réflexion entre les acteurs français de la filière, conduisant à la signature, en janvier 2011, des « treize engagements pour la musique en ligne » avec pour objectifs de développer une offre légale innovante et rentable, de garantir l'accès des éditeurs aux catalogues des producteurs et d'améliorer le partage de la valeur avec les artistes interprètes . En février 2013, Jacques Toubon, alors membre du Collège de la Hadopi, a été chargé d'évaluer les actions mises en oeuvre dans ce cadre, afin de permettre à la ministre de la culture et de la communication d'envisager les suites à donner à cette initiative.

Ses travaux ont mis en exergue les bénéfices de l'accord sur l'économie du secteur de la musique en ligne, notamment dans les relations entre plateformes et producteurs. En revanche, il est apparu que persistait le désaccord entre les parties sur les modalités de création et de partage de la valeur : les plateformes continuent à dénoncer les conditions défavorables imposées par les producteurs, qui ne leur permettent pas d'assurer la viabilité du modèle économique de la musique en ligne. Ces derniers souhaitent la définition d'un modèle de répartition de la valeur correspondant aux coûts, moins élevés que ceux des supports physiques, de la diffusion numérique des oeuvres. Les relations entre producteurs et artistes-interprètes sur le sujet ne sont guère meilleures : les artistes souhaitent la création d'une gestion collective des droits de la musique en ligne, au grand dam des producteurs.

Dès lors, quelques mois plus tard, le rapport de Pierre Lescure 16 ( * ) préconise la conclusion d'accords collectifs , étendus à l'ensemble du secteur par arrêté, pour déterminer le taux minimum et l'assiette de la rémunération des artistes dans le champ numérique . Les sociétés de gestion collective d'artistes devaient ensuite être mandatées par les producteurs afin de percevoir et de répartir les revenus, en contrepartie d'obligations relatives à l'efficacité de la répartition et à sa transparence. Un tel système vise à calculer les rémunérations dues aux artistes sur des assiettes correspondant au prix réellement payé par le public ou aux recettes réellement encaissées par le producteur .

Aux fins d'envisager sa mise en oeuvre pratique et notamment celle de son volet relatif à la mise en place d'une gestion collective des droits des artistes-interprètes s'agissant de l'exploitation numérique des oeuvres, Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la création, a confié, en septembre 2013, une mission à Christian Phéline, conseiller maître à la Cour des comptes. Ce rapport, remis en décembre 2013 et dont nombre de recommandations ont été reprises par le présent projet de loi, suggère d' encadrer les pratiques contractuelles dans le but d'assurer une meilleure transparence et une plus grande protection aux artistes-interprètes. Ainsi, l'obligation de mentionner l'ensemble des droits d'exploitation cédés dans le contrat de cession des droits patrimoniaux conclu entre un artiste-interprète et un producteur doit, selon l'auteur, permettre de mieux protéger les artistes, notamment en cas d'inexploitation de leur oeuvre. Par ailleurs, pour améliorer les relations entre les producteurs et les plateformes de musique en ligne, le rapport Phéline préconise qu'à défaut d'autorégulation par la signature d'un code des usages, soient insérés dans la loi les « treize engagements pour la musique en ligne » , notamment ceux relatifs à l'information et la transparence.

Compte tenu de l'absence persistante de consensus entre les parties sur la question du partage des recettes d'exploitation numériques, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a confié à Marc Schwartz une mission de médiation destinée à aboutir à un accord interprofessionnel . Sa lettre de mission, en date du 21 mai 2015, indique ainsi que « l'absence de transparence des données et de constat partagé en matière de monétisation et de rémunération des exploitations numériques des enregistrements musicaux a conduit à de profonds désaccords entre représentants des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des plateformes de musique en ligne, quant à la répartition des revenus au sein de la chaîne de valeur » . Il s'agit en conséquence, pour le médiateur, « de chercher, dans un contexte marqué par une progression soutenue du streaming, à faire converger les positions des parties prenantes (...) sur le renforcement des règles, en particulier de transparence, applicables aux relations contractuelles et à la structure de la rémunération ».

Les discussions, qui ont associé les organismes représentant les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et les plateformes de musique en ligne, ainsi que les sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes, ont été relativement tendues, au point de faire craindre un échec de la médiation. L'un des points d'achoppement résidait dans le souhait des artistes-interprètes de se voir appliquer une rémunération minimale additionnelle devant, pour l'ADAMI et la SPEDIDAM, être prélevée directement sur les plateformes dans un système de gestion collective obligatoire, d'une part, et, la suppression de l'abattement sur les revenus digitaux, d'autre part.

Sous la menace que le présent projet de loi n'intègre unilatéralement, à l'Assemblée nationale, des éléments n'ayant fait l'objet d'aucun accord, un protocole a finalement été adopté in extremis . Il renouvelle pour trois ans les engagements de janvier 2011, qui constituent un socle de bonnes pratiques préfigurant le futur code des usages qui devra être institué par le nouveau médiateur de la musique . En outre, les artistes-interprètes bénéficieront d'une rémunération minimale sur la diffusion numérique de leurs oeuvres , pour laquelle les producteurs ont consenti à un effort sur leurs marges, même s'il ne s'agit finalement pas d'une rémunération additionnelle et qu'elle n'entre pas dans le champ de la gestion collective obligatoire. Enfin, est prévue la création d'un fonds de soutien à l'emploi des musiciens par les plus petites structures de production et d'un observatoire de l'économie de la musique, qui s'intéressera aux usages de la musique numérique et physique.

B. Le dispositif proposé

Le présent article complète le chapitre II du titre unique du livre II du code de la propriété intellectuelle, structurellement modifié par l'article 4 du projet de loi, par une section 3 consacrée aux contrats conclus entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes, comprenant les articles L. 212-10 à L. 212-14, en vue d'améliorer la transparence des relations entre les parties. Il constitue, pour ce qui concerne cet objectif, le pendant législatif à l'accord obtenu par la médiation de Marc Schwartz s'agissant du partage de la valeur et de la rémunération des artistes-interprètes dans le marché numérique.

La protection contractuelle des artistes-interprètes : état du droit

1. Le code de la propriété intellectuelle

L'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle pose l'exigence d'un contrat écrit pour autoriser la cession des droits exclusifs d'un artiste-interprète, tout en établissant la liste de ces droits. Il dispose en effet que « sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image. Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles
L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 212-6 du présent code ».

L'article L. 7121-3 du code du travail, auquel le code de la propriété intellectuelle renvoie, instaure une présomption de salariat au bénéfice des artistes-interprètes : « Tout contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité qui fait l'objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. » Les artistes-interprètes employés ponctuellement pour la réalisation d'un album par exemple exécutent donc leur travail sous le régime du contrat à durée déterminée (CDD).

L'article L. 7121-8 du code du travail précise enfin que la rémunération, lorsqu'elle n'est pas fixée en fonction du salaire initial, est « fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement. »

L'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle énumère ainsi les droits permettant aux artistes-interprètes de contrôler les différents actes de reproduction et de communication au public de leurs prestations, y compris dans l'univers numérique.

Les contrats des artistes-interprètes sont en revanche très peu encadrés par le code de la propriété intellectuelle, à la différence de ceux des auteurs.

Les droits voisins des artistes doivent s'articuler avec la régulation de leur activité prévue par le droit social. La présomption de salariat constitue une spécificité du statut des artistes interprètes. L'article L. 111-1, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle dispose pour sa part que la qualité de salarié de l'auteur n'empêche pas la reconnaissance de droits de propriété intellectuelle. L'absence de disposition similaire au bénéfice des artistes-interprètes a pu nourrir certaines ambiguïtés en ce qui concerne la mise en oeuvre du droit exclusif au profit des artistes interprètes. La jurisprudence a toutefois considéré, par transposition de la règle posée en droit d'auteur, que le contrat de travail n'emporte aucune dérogation à la jouissance des droits voisins de l'artiste-interprète.

Enfin, en ce qui concerne la rémunération, l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle renvoie à l'article L. 7121-8 du code du travail, lequel indique que la rémunération, lorsqu'elle n'est pas fixée en fonction du salaire initial, est « fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement ».

Ainsi, la rémunération des artistes n'est pas nécessairement fixée en fonction des modes d'exploitation cédés. La jurisprudence a cependant jugé que le cachet touché par l'artiste lors des séances d'enregistrement de sa prestation ne couvre pas la communication au public ultérieure de cette prestation.

Si un principe de proportionnalité « aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation » est posé à l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle en matière de cession des droits des auteurs, il importerait de prévoir, pour les droits voisins des artistes-interprètes, que la cession des droits d'exploitation doit donner lieu à une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation.

Par ailleurs, par l'intermédiaire de leur société de gestion collective - l'ADAMI ou la SPEDIDAM - les artistes bénéficient des ressources issues de licences légales et dont la loi prévoit qu'elles sont obligatoirement perçues et réparties en gestion collective. Il s'agit de la rémunération pour copie privée et de la rémunération équitable, créées par la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.

2. La convention collective nationale de l'édition phonographique

Les conditions de travail et de rémunération des artistes-interprètes sous contrat avec une maison de disques sont encadrées par la Convention collective nationale de l'édition phonographique du 30 juin 2008 conclue entre les producteurs de phonogrammes et les syndicats d'artistes-interprètes. Cette convention collective a été étendue par un arrêté du ministre chargé du travail du 20 mars 2009.

La convention collective établit tout d'abord un salaire minimum, dénommé « cachet de base », ayant pour objet de rémunérer, outre la prestation de travail de l'artiste-interprète liée à l'enregistrement d'une oeuvre musicale, l'autorisation de fixer la prestation de cet artiste-interprète ainsi que l'autorisation de l'exploiter sous certaines formes expressément visées.

Outre ce salaire minimum, la convention collective institue également des rémunérations complémentaires au profit des artistes-interprètes en contrepartie de l'exploitation de leurs prestations.

L'annexe 3 de la convention collective dresse une nomenclature des modes d'exploitation des phonogrammes qui ouvrent droit à une rémunération forfaitaire complémentaire dont le montant minimum est déterminé par la convention. Une rémunération proportionnelle complémentaire est également due dès lors qu'un producteur de phonogrammes fait le choix de confier la gestion de l'un de ces modes d'exploitation à une SPRD de producteurs. L'artiste-interprète perçoit alors, outre la rémunération forfaitaire complémentaire, une rémunération complémentaire proportionnelle dont le montant est déterminé selon des modalités de calcul fixées par la convention collective.

Source : ministère de la culture et de la communication

La rédaction proposée pour l'article L. 212-10 par l'alinéa 4 du présent article prévoit que l'existence d'un contrat de travail ou de prestation de service entre un artiste-interprète et un producteur phonographique n'entraîne pas la cession de ses droits voisins au dit producteur , par parallélisme avec l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose qu'un tel contrat ne prive par l'auteur de la jouissance de ses droits. Dès lors, la perception d'un salaire en contrepartie d'une prestation n'épuise pas les droits d'exploitation de l'artiste-interprète .

Aux termes de l'article L. 212-11 (alinéas 5 à 7), la cession des droits voisins de l'artiste-interprète n'est possible que si chacun des droits cédés (droit d'autoriser la fixation de la prestation, sa reproduction ou sa communication au public) fait l'objet d' une mention spécifique dans le contrat signé avec le producteur , d'une part, et que si l'exploitation de ses droits est délimitée quant à son étendue, c'est-à-dire le nombre d'exemplaires concernés, sa finalité, son champ géographique et sa durée , d'autre part. Là encore, il s'agit de faire bénéficier les artistes-interprètes d'un droit reconnu aux auteurs par l'article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle.

Comme les contrats d'auteurs (article L. 131-6), ceux des artistes-interprètes devront préciser, le cas échéant, le droit d'exploiter la prestation sous une forme non prévisible ou non prévue à la date de la signature et prévoir une rémunération sur les recettes issues de cette nouvelle exploitation . Cette disposition permet d'éviter aux parties d'avoir à systématiquement renégocier les contrats à la faveur de l'émergence de nouveaux modes d'exploitation, comme ce fut le cas avec la diffusion numérique. Aux termes de la convention collective nationale de l'édition phonographique, les musiciens et artistes d'accompagnement bénéficient actuellement d'une rémunération forfaitaire incluant tous les modes d'exploitation.

Enfin, la cession au producteur, par l'artiste-interprète, d'autres droits que ceux attachés à l'enregistrement de sa prestation (droit à l'image ou droits attachés à des revenus éditoriaux, tirés de produits dérivés ou liés à une tournée par exemple) doit être, pour chaque droit, expressément stipulée dans le contrat qui les lie.

L'alinéa 8 précise, pour l'article L. 212-12, que la juridiction civile compétente peut ordonner toute mesure appropriée en cas d'abus notoire , par le producteur, en matière d'usage des droit d'exploitation, qui lui ont été cédés contractuellement par un artiste-interprète. Il ne s'agit pas ici, à proprement parler, de la création d'une obligation d'exploitation au profit des producteurs de phonogrammes, comme il en existe pour les éditeurs de livres, mais d'une possibilité, pour l'artiste-interprète de faire trancher par le juge un litige lié à une exploitation nulle ou manifestement insuffisante de sa prestation. Cette disposition complète le mécanisme prévu par la directive 211/77/UE, dit « use it or lose it » , qui impose la perte des droits en cas d'absence d'exploitation sur une période donnée.

L'article L. 212-13 nouveau du code de la propriété intellectuelle (alinéas 9 à 11 du présent article) distingue le salaire de l'artiste-interprète, défini comme « une rémunération minimale garantie en contrepartie de l'autorisation de fixation » de la prestation, de la rémunération due, au titre des droits voisins, pour chaque mode d'exploitation du phonogramme prévu au contrat et incluant ladite prestation. Dans ce cadre, est notamment différenciée l'exploitation numérique de l'exploitation physique .

Enfin, l'article L. 212-14 nouveau (alinéas 12 et 13 du projet de loi initial) instaure une reddition semestrielle de comptes obligatoire à la charge du producteur, distinguant, par souci de clarté, les rémunérations versées pour chaque modes d'exploitation et complétée, si l'artiste-interprète en fait la demande, des justificatifs nécessaires à la vérification des données inscrites. Cette disposition traduit, dans le code de la propriété intellectuelle, l'un des treize engagements précités de janvier 2011, convenablement respecté dans les faits, qui prévoyait que « les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services en ligne s'engagent à trouver les formes de mise à disposition, aux artistes-interprètes, des informations dont ils disposent sur l'exploitation de leurs prestations. Ils transmettront des informations semestrielles de redevance par modes d'exploitation ».

II. - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur à l'alinéa 5, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a modifié l'alinéa 12 (article L. 212-14 nouveau du code de la propriété intellectuelle), aux fins de préciser que la reddition des comptes ne concernera pas les artistes musiciens mais les seuls artistes-interprètes , qui bénéficient, en sus de leur cachet, d'une rémunération proportionnelle sur les recettes d'exploitation prévue par le contrat les liant à leur producteur.

En séance publique, l'Assemblée nationale a, à l'initiative du Gouvernement, introduit un article L. 212-13-1 nouveau, afin de compléter les dispositions de la nouvelle section 3 créée par le présent article des engagements pris par les parties dans le cadre de la médiation de Marc Schwartz.

Le I de l'article L. 212-13-1 nouveau prévoit ainsi que l'exploitation en streaming fait l'objet d'une garantie de rémunération minimale pour les artistes-interprètes . Aux termes du II, les modalités et le niveau de cette garantie sont établis par un accord collectif conclu entre les organisations représentatives des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes, accord pouvant être rendu obligatoire par arrêté du ministre en charge de la culture. À défaut d'accord dans un délai de douze mois à compter de la promulgation du présent texte, le III dispose qu'une commission, composée paritairement de représentants des parties et présidée par un représentant de l'État, fixe la garantie de rémunération minimale.

III. - La position de votre commission

Le dispositif proposé par le présent article constitue un compromis entre les tenants d'un mécanisme de gestion collective obligatoire et ses détracteurs , permettant de renforcer la protection contractuelle des artistes-interprètes, mais aussi d'améliorer la transparence de leur rémunération dans l'univers numérique , puisque la rémunération due pour chaque mode d'exploitation devra être précisée et distinguée du salaire versé par le producteur.

Aux termes de l'article 38 du projet de loi, il entrera en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant sa publication du Journal officiel et sera, s'agissant de l'obligation de reddition des comptes, applicable aux contrats en cours.

Au cours de la table ronde organisées par votre commission le 2 décembre dernier sur les articles du projet de loi relatifs à la musique, il est apparu que la grande majorité des acteurs de la filière, signataires du protocole d'accord Schwartz relative au partage de la valeur tirée de l'exploitation numérique à l'exception notable de l'ADAMI et de la SPEDIDAM, ne s'accordaient guère sur les différentes dispositions « musique » du projet de loi.

Pour autant, le présent article, qui renforce les garanties contractuelles des artistes-interprètes, n'est pas le plus concerné par ces antagonismes. Du reste, les modifications qu'il nécessite sont limitées :

- d'abord, la rédaction de l 'alinéa 6 n'assure pas de distinction entre les artistes principaux, sous le nom duquel les phonogrammes sont publiés et qui ont le statut de créateurs, et les artistes musiciens exécutants, qui effectuent une prestation ponctuelle lors de l'enregistrement et ne bénéficient pas de ce statut. Selon les usages en vigueur dans l'édition phonographique, les artistes musiciens ne bénéficient pas, à la différence des artistes principaux, de rémunérations proportionnelles aux recettes d'exploitation. Dès lors, il est nécessaire de préciser que l'alinéa 6, relatif aux formes non prévisibles et non prévues d'exploitation, ne concerne que les artistes principaux (COM-163) ;

- ensuite, à l' alinéa 11 , le mot « notamment » n'apporte qu'une précision inutile au regard du sens de la phrase. Il peut donc être supprimé (COM-164) ;

- enfin, à l' alinéa 17 , la rédaction actuelle ne garantit pas, en l'état, la confidentialité des informations transmises. L'obligation, pour le producteur, de fournir à la demande de l'artiste « toutes justifications propres à établir l'exactitude des comptes » ne tient pas compte de la réalité des flux de revenus : le producteur perçoit les recettes d'exploitation de distributeurs, d'éditeurs de services de communication, de sociétés de gestion collective, français ou étrangers, qui eux-mêmes perçoivent les recettes auprès de détaillants, de consommateurs ou d'utilisateurs très divers. Les informations traitées pour établir les comptes concernent généralement l'ensemble des phonogrammes exploités par le producteur : les documents échangés comportent donc des informations relatives à d'autres artistes-interprètes ou à des relations commerciales .

Il est ainsi préférable de prévoir que les informations demandées par l'artiste sont transmises par le producteur à un expert-comptable mandaté par l'artiste et, par nature, soumis au secret professionnel (COM-165).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6 (art. L. 213-2 nouveau du code de la propriété intellectuelle) - Relations entre les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de musique en ligne

I. - Le texte du projet de loi

Le présent article complète le chapitre III du titre unique du livre II de la première partie du code de la propriété intellectuelle, consacré aux droits des producteurs de phonogrammes par un article L. 213-2 nouveau prévoyant que tout contrat conclu par un producteur avec un éditeur de services de musique en ligne doit fixer les conditions d'exploitation de matière objective et équitable et s'interdire toute clause discriminatoire non justifiées par une contrepartie réelle .

Ainsi, le recours, sans justification, à des conditions d'exploitation différenciées ou créant des avantages concurrentiels discriminants à l'égard de la concurrence est interdit. Néanmoins, la pratique, par les producteurs, des exclusivités demeure autorisée dès lors qu'elle s'accompagne d'une contrepartie.

Le caractère objectif et équitable des conditions d'exploitation fixées sera estimé au regard de l'accès au catalogue du producteur, des critères financiers du contrat commercial et de la définition des objectifs de résultats. Le médiateur de la musique institué par l'article 7 du projet de loi pourra traiter des litiges relatifs aux contrats entre éditeurs et producteurs , sur le modèle du rôle confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui peut être saisi par les parties sur tout différend portant sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition de programmes et sur les relations commerciales entre éditeurs et distributeurs de services audiovisuels.

La mesure viendra compléter les dispositifs, insuffisants, visant à assurer une meilleure transparence dans les relations commerciales entre acteurs de la filière musicale. Les articles L. 441-6 et suivant du code de commerce prévoient ainsi notamment une obligation de communication des conditions générales de vente applicables entre professionnels, dont la charte des « treize engagements pour la musique en ligne » confiait aux producteurs la charge de la publication. Cet engagement, difficilement conciliable avec les principes de la liberté commerciale et du droit de la concurrence, n'a de fait pas été toujours tenu, notamment s'agissant des contrats applicables à l'exploitation des oeuvres en streaming , comme l'a montré le bilan dressé par Jacques Toubon sur la mise en oeuvre des treize engagements précités.

Dès lors, le déséquilibre des relations commerciales entre producteurs et plateformes, bien souvent au détriment de ces dernières, n'a pas réellement cessé. Christian Phéline, dans son rapport précité, évoque ainsi encore, en décembre 2013, « l'ampleur des divergences d'appréciation qui subsistent entre plateformes et fournisseurs de catalogues ». De fait, le caractère non normatif des treize engagements a eu pour conséquence un respect limité, d'où le choix d' intégrer l'exigence de transparence et d'équité dans les relations commerciales entre plateformes et producteurs dans le code de la propriété intellectuelle.

II. - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de précision au présent article : les éditeurs de services de communication au public par voie électronique dont il est question sont ceux qui mettent à disposition des oeuvres musicales, d'une part, et les conditions d'exploitation visées concernent bien l'exploitation des phonogrammes, d'autre part.

La rédaction retenue par la commission a ensuite été adoptée sans modification par l'Assemblée nationale au cours de sa séance publique du 29 septembre dernier.

III. - La position de votre commission

Le dispositif proposé par le présent article va dans le sens d' une plus grande objectivité et d'une meilleure équité des contrats conclus entre producteurs phonographiques et plateformes de téléchargement ou de streaming et, partant, de l'instauration de relations commerciales plus transparentes et saintement concurrentielles.

Trop souvent, les producteurs de phonogrammes font preuve d'une transparence limitée quant aux conditions d'exploitation de leurs catalogues, tandis que certaines plateformes internationales puissantes n'hésitent pas à imposer brutalement leur décision dans la négociation tarifaire des licences. La filière musicale s'était ainsi mobilisée contre YouTube , qui, aux termes d'un accord conclu pour la période 2010-2012, versait des rémunérations encore inférieures à celles des plateformes de streaming . À l'occasion de sa renégociation, YouTube avait fait pression en menaçant de retirer les publicités sur les clips et de cesser le partage de revenus publicitaires. Lors du MIDEM de Cannes en 2013, le patron d' Universal Music France , Pascal Nègre, avait, en retour, menacé de retirer ses vidéos de la plateforme de Google. La difficulté portait alors sur le montant que le groupe américain reverse aux ayants droit lorsque les internautes visionnent un clip musical, que Google voulait réviser à la baisse. Finalement, en avril 2013, le site a signé un contrat de trois ans avec la SACEM et Universal Music , qui, selon des modalités restées confidentielles, le conduit à rémunérer les auteurs, les compositeurs et les éditeurs de musique français, lors du visionnage de clips intégrant leurs morceaux. Dans un cas comme dans l'autre, un rapport de force profondément déséquilibré nuit à l'ensemble du marché.

En assurant un accès équitable aux catalogues musicaux pour les éditeurs les plus modestes et en protégeant les producteurs de toute discrimination, la mesure favorisera, en outre, au-delà d'une relation plus équilibrée entre les acteurs, l'exposition des oeuvres en ligne au bénéfice des artistes-interprètes , qui verront leurs revenus augmenter en conséquence.

Elle devrait également rendre plus aisée l'entrée sur le marché de la musique en ligne pour de nouveaux acteurs, dont la mortalité demeure extrêmement élevée, comme le rappelait Christian Phéline dans son rapport susmentionné : « il est normal qu'un marché en voie d'essor et de structuration s'avère assez discriminant entre des modèles économiques ou des projets entrepreneuriaux inégalement viables ou qui ne rencontrent pas leur public. Ce phénomène peut toucher même des offres portées par des opérateurs puissants (...). L'ampleur de la mortalité observée en quelques années parmi les plateformes d'origine nationale et le nombre de celles qui sont aujourd'hui en difficulté plus ou moins sérieuse paraissent cependant excéder cet effet d'éviction concurrentielle. Le phénomène touche tant le téléchargement que le streaming et aussi bien des modèles gratuits que payants ».

Sous réserve de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 bis (supprimé) (art. L. 214-1, L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle) - Application du régime de la licence légale aux services radiophoniques diffusés sur Internet

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Introduit en séance publique à l'initiative du Gouvernement, le présent article vise à étendre, au-delà des radios hertziennes, le principe de la licence légale aux webradios en modifiant, à cet effet, l'article L. 214-1 et en complétant les articles L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle.

Pour mémoire, cet article crée une limite aux droits exclusifs de l'artiste-interprète et du producteur en instituant un système de licence légale, qui supprime l'exigence du consentement des titulaires des droits, pour n'accorder qu'un droit à une rémunération en cas d'utilisation, par un tiers, de la prestation ou de la production . Il prévoit ainsi que, lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète comme le producteur ne peuvent s'opposer :

- à sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle, ce que la doctrine appelais autrefois la sonorisation « au moyen d'un appareil lecteur » ;

- ni à sa radiodiffusion et à sa câblodistribution simultanée et intégrale, ainsi qu'à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuées par ou pour le compte d'entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser des programmes.

Dès lors, l'utilisation des phonogrammes ouvre en contrepartie droit à rémunération pour les artistes-interprètes et les producteurs. Cette rémunération, répartie équitablement entre les parties , est versée par l'utilisateur du phonogramme. Son montant est assis sur les recettes d'exploitation ou évalué forfaitairement , lorsque le calcul proportionnel est matériellement difficile, selon des barèmes fixés par accords interprofessionnels.

Dans les faits, il revient aux tribunaux de fixer au cas par cas la ligne de partage entre droit exclusif et licence légale. Les contentieux sont, en effet, nombreux car la frontière entre le principe et l'exception au droit des artistes-interprètes et de producteurs, que représente la licence légale, n'est pas toujours évidentes, les enjeux financiers élevés et les antagonismes fortement marqués.

La loi n° 2006-961 du 1 er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, dite DADVSI, a, dans le respect des engagements internationaux de la France en matière de droit d'auteur et de droits voisins (convention de Rome du 26 octobre 1961, directives européennes du 29 octobre 1993 et du 22 mai 2001), élargi le champ d'application de la licence légale. Le présent article poursuit cet élargissement, déjà applicable aux radios hertziennes, aux webradios en webcasting non interactif.

La radiodiffusion sur Internet : le « simulcasting » et le « webcasting »

Le « simulcasting » consiste à diffuser simultanément sur Internet un programme déjà diffusé par radiodiffusion hertzienne terrestre. Le programme est inchangé. Comme la radiodiffusion traditionnelle de phonogrammes, le « simulcasting » relève de la licence légale de l'article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle.

Le « webcasting » consiste, pour sa part, à diffuser, exclusivement sur Internet, un programme musical. Dans la mesure où ce programme n'utilise pas la technologie de la radiodiffusion, il n'existe a pas de limites au nombre de programmes musicaux envisageables. Le « webcasting » peut prendre plusieurs formes :

- le « webcasting » non interactif , au sens où il ne permet pas d'interaction avec le public, n'offre pas de programme personnalisé. Il comporte toutefois des fonctions qui le différencient significativement de la radiodiffusion, telle que pause ou skip (passage au titre suivant) ;

- le « webcasting » semi-interactif correspond à la diffusion exclusivement sur Internet d'un programme musical établi avec une interaction avec un auditeur individuel, mais sans que celui-ci puisse choisir individuellement les titres qui composent le programme musical. Il s'agit donc d'un programme personnalisé, qui reste composé par le « webcaster » ;

- enfin, le « webcasting » interactif permet de diffuser un programme musical composé à la demande d'un auditeur individuel (choix des titres et de leur ordre de passage).

Les services de « webcasting » ne sont pas couverts par l'exception de la licence légale. Ils relèvent donc actuellement du droit exclusif d'autoriser ou d'interdire.

Le 1° a) du présent article crée une troisième exception à l'application du droit exclusif de l'artiste-interprète et du producteur en cas de communication du phonogramme au public par un service de radio au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Y est considéré comme service de radio « tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l'ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d'une suite ordonnée d'émissions comportant des sons. »

Le 1° b) rend applicable à la communication d'un phonogramme au public par une webradio les modalités de rémunération des titulaires de droits déjà prévues par l'article L. 214-4 pour les communications directes au public hors spectacle, les radiodiffusions et les câblodistributions.

Enfin, le 2° ajoute la référence aux radios en ligne aux articles L. 214-3 et L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle relatifs au barème et aux modalités de versement des rémunérations dans le cadre de la licence légale.

II. - La position de votre commission

Avec seulement quelques centaines de milliers d'euros collectés chaque année au profit des ayants droit, le marché des radios en ligne demeure encore embryonnaire. Dès lors, l'extension du mécanisme réputé efficace de licence légale à leur profit pourrait, dans son principe, faciliter l'accès aux catalogues des producteurs de phonogrammes et, partant, favoriser leur développement.

L'élargissement de la licence légale aux radios en ligne qui proposent des services non interactifs ressortirait, en outre, de l'application du principe de neutralité technologique , auquel votre commission, comme elle l'a autrefois exprimé s'agissant du livre numérique et de la presse en ligne au cours des débats relatifs à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), est particulièrement attachée.

Au regard des usages, à la différence des services interactifs de streaming , les webradios non interactives, sur lesquelles l'internaute ne peut choisir les titres qu'il souhaite entendre, s'apparentent effectivement aux radios traditionnelles par voie hertzienne. La logique plaiderait donc pour une application identique du régime de licence légale, que constitue la rémunération équitable, aux deux modes de diffusion.

Pour autant, il n'est pas certain que le dispositif soit réellement favorable, aussi bien aux artistes qu'aux producteurs . En effet, l'extension de la licence légale au webcasting pourrait entrainer un nivellement par le bas des rémunérations de l'ensemble des ayants droit . Dans le régime de la licence légale, la rémunération collectée est partagée également entre les artistes et les producteurs. Celle-ci représentant, pour les radios hertziennes, un taux net de 2,85 %, les artistes principaux et les artistes musiciens reçoivent respectivement en licence légale près de 0,58 % de ces revenus.

En droit exclusif, pour les principales formes de webcasting , que constituent le webcasting non-interactif et le webcasting semi-interactif, les artistes musiciens bénéficient de la rémunération complémentaire prévue à l'annexe III de la Convention collective nationale de l'édition phonographique (CCNEP), soit 6 % des sommes gérées collectivement. Sur le taux net de 11,25 % est appliquée une retenue de 10 % pour les frais de gestion. Les musiciens reçoivent donc 0,61 % des revenus des webradios non interactives, soit une rémunération supérieure à ce qu'ils sont susceptibles de recevoir en licence légale . Ainsi, bien que la quote-part des revenus soit plus élevée en licence légale qu'en droit exclusif, le montant net qu'ils reçoivent en droit exclusif est supérieur, les écarts défavorables de quotes-parts étant plus que compensés par le niveau plus élevé de l'assiette de calcul de leur rémunération. La situation est encore plus favorable pour les artistes principaux , puisqu'ils reçoivent de leurs producteurs des rémunérations s'échelonnant de 8 à 25 % des revenus du producteur, alors qu'en licence légale, ils bénéficient de sommes identiques à celles des artistes musiciens.

Dans l'attente d' une véritable étude d'impact qui viendrait infirmer ces chiffres et plaider en faveur de la licence légale au-delà du seul argument de la neutralité technologique, il ne semble pas opportun de légiférer sur ce sujet ( COM-166 ).

Votre commission a supprimé cet article.

Article 7 (art. L. 214-6 nouveau du code de la propriété intellectuelle) - Création d'un médiateur de la musique

I. - Le texte du projet de loi

Le présent article complète le chapitre IV, qui traite des dispositions communes aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes, du livre deuxième « Les droits voisins du droit d'auteur » du code de la propriété intellectuelle, par un article L. 214-6 instituant un médiateur de la musique .

La création de cette instance ressort directement des propositions du rapport « Musique et ligne et partage de la valeur - État des lieux, voies de négociations et rôles de la loi » remis par Christian Phéline, conseiller maître à la Cour des comptes, à Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, le 18 décembre 2013, qui prônait l'instauration d'une procédure ad hoc de traitement précontentieux des conflits dans le secteur de la musique. « Le régime des contrats des artistes-interprètes se fonde sur une imbrication complexe du droit du travail et de la propriété littéraire et artistique. La rédaction des contrats est en outre elle-même d'une complexité qui confine souvent à l'équivoque ou à l'opacité. Cela suffit à expliquer que ceux des contentieux qui sont soumis à la justice ne soient traités qu'avec difficulté tant par les juridictions prud'homales que par les tribunaux de grande instance. De manière générale, les tensions entre parties, aussi bien dans les rapports des producteurs et des plateformes que dans ceux avec les artistes, sont accentuées par l'ensemble des incertitudes demeurant sur l'économie des offres musicales en cours d'essor dans l'univers numérique et par l'absence à ce jour de normes directrices partagées. Dans sa spécificité, ce type de situations pourrait ainsi justifier le recours à des formes spécialisées de traitement des conflits, telles qu'il a pu s'en mettre en place dans d'autres domaines. »

Le I de l'article L. 214-6 nouveau du code de la propriété intellectuelle crée par le présent article précise le cadre de la mission du médiateur de la musique et les modalités de son exercice. Sans préjudice du droit des parties de saisir le juge, a contrario du médiateur du cinéma dont la saisine constitue un préalable obligatoire à l'action judiciaire, le médiateur est chargé d'une mission de conciliation pour tout litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution des accords interprofessionnels entre les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et les éditeurs de services de musique en ligne, comme d'un engagement contractuel entre un artiste-interprète et un producteur ou entre un producteur et un éditeur de services de musique en ligne.

Le médiateur peut être saisi par tout artiste-interprète, producteur de phonogramme et éditeur de services de musique en ligne, mais également par leurs mandataires, la ministre chargée de la culture et de la communication et toute organisation professionnelle ou syndicale représentative des acteurs de la filière musicale.

Pour l'exercice de sa mission, il invite les parties prenantes au litige, sans que puisse lui être opposé le secret des affaires , à lui fournir les informations nécessaires. Il peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile. Son rôle consiste à favoriser ou à susciter une solution de conciliation aux litiges qui lui sont soumis : si un accord aboutit entre les parties à l'issue de la médiation, il rédige un procès-verbal de conciliation précisant les mesures à prendre pour le mettre en oeuvre. En cas d'échec, il peut émettre une recommandation proposant des solutions en vue de mettre fin au litige. Cette recommandation, à la différence du pouvoir d'injonction dont dispose le médiateur du cinéma ou des décisions de justice, n'a aucun caractère obligatoire pour les parties . Sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires, le procès-verbal de conciliation comme la recommandation peuvent être rendus publics.

L'action du médiateur de la musique n'interfère pas avec les missions de l'Autorité de la concurrence. Il devra donc saisir cette dernière s'il décèle, dans l'exercice de sa mission, des faits pouvant constituer des pratiques anticoncurrentielles au sens du code du commerce.

Le II de l'article L. 214-6 créé par le présent article dispose que le médiateur de la musique, outre sa mission de conciliation en cas de litige, peut faire au ministre chargé de la culture toute proposition relative aux relations interprofessionnelles dans la filière musicale (modification législative ou réglementaire, mesure favorisant l'adoption de codes des usages entre les parties, etc.). Il lui adresse par ailleurs chaque année un rapport d'activité, qui est rendu public.

Enfin, le III de l'article L. 214-6 précité renvoie à un décret en Conseil d'État ses conditions d'application, notamment les modalités de désignation du médiateur de la musique. L'étude d'impact préalable au projet de loi précise d'ores et déjà que, comme le médiateur du livre, sa désignation sera au choix du ministre en charge de la culture. Par décret du 5 septembre 2014, Laurence Engel, conseillère maître à la Cour des comptes, a ainsi été nommée médiateur du livre.

L'étude d'impact dévoile également, à grands traits, l'impact économique et financier du dispositif envisagé. Pour les parties, dans la mesure où la médiation vise à tenter de trouver un accord rapidement et à moindre frais, le bénéfice financier est évident par rapport au recours à une procédure judiciaire potentiellement longue et coûteuse .

Pour l'État, en revanche, le coût de la mesure n'est pas neutre . Les moyens nécessaires au fonctionnement du médiateur, estimé entre vingt et trente dossiers par an en première analyse, seront fonction de l'évolution de son niveau d'activité, dont le rapport annuel d'activité constituera la jauge. Toutefois, il est d'ores et déjà prévu de lui adjoindre un chargé de mission de catégorie A et une assistante. Ces créations de poste seront rendues possibles par un redéploiement des effectifs du ministère de la culture et de la communication, ce qui n'est pas le cas du médiateur lui-même, qui représente un nouvel emploi, dont la rémunération sera sans nul doute conséquente. Les frais de fonctionnement (locaux, fournitures, communications, déplacements, etc.) seront également couverts par redéploiement des moyens du ministère.

II. - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a élargi les compétences du médiateur de la musique aux relations entre les producteurs de phonogrammes et les producteurs de spectacles , en créant un 4° au I et en complétant le II de l'article L. 214-6 nouveau du code de la propriété intellectuelle. En conséquence, tout producteur de spectacles est autorisé à saisir le médiateur (alinéa 7 du présent article).

Elle a également précisé, aux alinéas 3 et 11 du présent article, que les éditeurs de services de communication au public par voie électronique concernés par le dispositif sont les plateformes mettant à disposition des oeuvres musicales.

Elle a enfin prévu qu'une copie du rapport d'activité annuel du médiateur de la musique est adressée aux présidents des commissions parlementaires permanentes en charge de la culture.

Au cours de sa séance publique du 29 septembre 2015, l'Assemblée nationale n'a apporté aucune modification à la rédaction issue des travaux de sa commission des affaires culturelles.

III. - La position de votre commission

La solution choisie par le projet de loi est celle d'une médiation publique, telle que le proposait le rapport Phéline précité, néanmoins considérablement plus étendue que le rôle confié au médiateur du cinéma, créé en 1982 pour traiter des litiges relatifs à la diffusion des films entre distributeurs et exploitants de salles, ou au médiateur du livre institué par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation avec une mission de conciliation des conflits portant sur l'application de la législation relative au prix unique du livre.

Dans le cinéma comme dans le secteur du livre, la médiation a souvent fait la preuve de son efficacité. Ainsi, Laurence Engel, toute récente médiatrice du livre, a, au mois de février dernier, remis un premier avis à la ministre de la culture et de la communication sur la conformité des offres d'abonnement avec accès illimité à la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. Une procédure de conciliation a parallèlement été menée avec succès, puisqu'à son terme les prestataires d'abonnement concernés se sont engagés à adapter leur offre pour la rendre conforme à la législation sur le prix du livre numérique.

Les bouleversements des modes de consommation des oeuvres musicales induits par la révolution numérique a, dans un secteur peu régulé, conduit d'importantes tensions dans les relations entre les acteurs , en particulier entre les artistes-interprètes et les producteurs phonographiques s'agissant du partage des rémunérations dans un marché de plus en plus exsangue, mais également entre producteurs et éditeurs de musique en ligne pour ce qui concerne les conditions d'exploitation des phonogrammes sur les plateformes.

Or, les normes applicables à la filière (code de la propriété intellectuelle, code du travail, code de commerce ou encore convention collective nationale de l'édition phonographique) ne suffisent ni à éviter les litiges, ni à garantir les équilibres économiques entre les différents acteurs. Dès lors, il n'est pas rare que les plus modestes pâtissent de rapports de force peu régulés , d'autant que le recours au juge leur apparaît aussi complexe que coûteux.

En conséquence, les médiations et négociations interprofessionnelles sont fréquentes dans l'industrie musicale . C'est ainsi, comme cela a été évoqué précédemment, qu'une réflexion s'est tenue entre les acteurs de la filière, conduisant à la signature, en janvier 2011, des « treize engagements pour la musique en ligne » avec pour objectifs de développer une offre légale innovante et rentable, de garantir l'accès des éditeurs aux catalogues des producteurs et d'améliorer le partage de la valeur avec les artistes interprètes. De même, Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, a confié à Marc Schwartz une mission de médiation, qui a abouti en septembre dernier à un protocole d'accord relatif à la définition de la structure des rémunérations et au partage des revenus issus des exploitations numériques de la musique.

Par ailleurs, le recours à la médiation constitue une voie de régulation économiquement équitable pour les parties. Tel n'aurait pas été le cas d'une solution fondée sur une médiation privée - un médiateur est choisi par les parties, qui s'accordent sur l'opposabilité de sa décision -, qui n'aurait pu éviter les écueils du rapport de force originellement déséquilibré entre les acteurs, notamment lorsque le litige oppose un artiste-interprète et un producteur phonographique. Elle est également plus souple qu'une médiation judiciaire - le médiateur est alors désigné par le juge -, puisqu'elle ne nécessite nullement, pour se tenir, l'engagement préalable d'une procédure judiciaire, dont les inconvénients pour les acteurs de la filière musicale ont été précédemment évoqués.

En outre, votre commission est attachée à la négociation interprofessionnelle . En ce sens, le fait que le médiateur de la musique soit également chargé de favoriser le conclusion d'accords entre les parties et le développement des bonnes pratiques contractuelles, sur le modèle des « treize engagements » d'Emmanuel Hoog, lui semble particulièrement bienvenu.

Lors de la table ronde organisée le 2 décembre dernier par votre commission sur les dispositions du projet de loi portant sur la filière musicale, il est apparu que les professionnels présents étaient globalement favorables à la création d'une instance de médiation, exception faite des représentants des producteurs, qui dénonçaient la mise en place d'un dispositif de surveillance généralisée de leur profession . La SACEM a également fait part de ses craintes que le médiateur s'impose en « tribunal du droit d'auteur ».

Telle n'est pas l'opinion de votre commission, qui estime que le déséquilibre du rapport de force au sein de la filière rend nécessaire la création d'un médiateur , dans les termes prévus par le présent article.

Elle estime notamment que le dispositif pourrait être mieux articulé avec les missions de l'Autorité de la concurrence en complétant l'alinéa 9 ( COM-168 ) : d'une part, le médiateur de la musique doit pouvoir saisir l'Autorité en urgence, ainsi que pour avis. Réciproquement, une faculté de saisine pour avis du médiateur par l'Autorité s'agissant des affaires, consultatives ou contentieuses, intervenant dans le secteur de la musique, doit être prévue.

Il lui apparaît en outre nécessaire d' éviter un conflit de compétence entre le médiateur de la musique et la commission paritaire d'interprétation, de conciliation et de validation des accords de l'édition phonographique . Ainsi, votre commission a précisé, après l'alinéa 9 ( COM-3 ), que lorsque le litige dont est saisi le médiateur relève du champ de compétence d'une autre instance créée par convention ou accord collectif de travail, il peut saisir cette instance pour avis et doit se déclarer incompétent dès lors que cette dernière lui en fait la demande.

Par ailleurs, le niveau de publicité prévu à l'alinéa 10 s'agissant du procès-verbal de conciliation ou la recommandation est excessive au regard du secret des affaires. Il convient donc de limiter cette publicité à la seule conclusion de la conciliation et à la recommandation (COM-169).

Enfin, à l'alinéa 11, la rédaction mérite d'être précisée afin qu'il soit clairement indiqué que le médiateur a en charge, avec les parties, l'élaboration d'un code des usages faisant suite aux engagements de 2011 ( COM-170 ).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 bis AA (nouveau) (art. L 212-5, L. 211-3 et L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle) - Assujettissement à la rémunération pour copie privée de certaines pratiques de copie dans le nuage

Le mécanisme de la copie privée permet, en contrepartie de l'exception ouverte aux utilisateurs pour effectuer des copies d'oeuvres à usage privé, d'offrir une compensation équitable aux créateurs par un prélèvement sur le prix de vente des matériels utilisés pour la copie. La copie privée représente à la fois une liberté pour les utilisateurs et une ressource non négligeable pour les titulaires de droit, dont un quart est destiné à des actions d'intérêt général telles que des projets de création artistique, des festivals ou des formations pour les artistes.

Or, l'émergence rapide de nouveaux services recourant à l'« informatique dans les nuages », qui permettent à des particuliers de louer de l'espace de stockage en vue de conserver à distance des oeuvres et des objets protégés, ainsi que de les consulter et de les reproduire sur une pluralité d'appareils, interroge aujourd'hui le mécanisme de la copie privée .

Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a examiné, en 2012, le statut juridique des actes de reproduction permis par ces services et a considéré que certaines pratiques effectuées dans le nuage correspondent à une forme de copie privée et devraient donc être assujetties à la rémunération correspondante.

Le rapport de la mission d'information parlementaire de l'Assemblée nationale sur le bilan et les perspectives de trente ans de copie privée 17 ( * ) invite également à s'interroger sur la pertinence de l'assiette actuelle de la rémunération eu égard au développement de nouvelles technologies.

Il est effectivement incontestable que les services de l'informatique en nuage ont profondément modifié l'accès aux oeuvres et aux objets protégés et les conditions dans lesquelles les particuliers peuvent en effectuer des copies . Aussi le cadre législatif actuel doit-il être adapté en conséquence, afin de garantir l'application de l'exception de copie privée et un juste équilibre entre l'intérêt des créateurs et celui du public .

L'application de l'exception pour copie privée dans le nuage suppose, en premier lieu, de revoir la jurisprudence dite « Rannou-Graphie » de la Cour de cassation du 7 mars 1984. Celle-ci subordonne en effet l'application du régime de la copie privée à une identité de personnes entre celui qui réalise la copie et le bénéficiaire de la copie réalisée. Or, dans le nuage, le prestataire de services est le détenteur du matériel de copie, ce qui tend à écarter la possibilité de copies privées, par l'utilisateur, dans le nuage. Le présent article additionnel adopté par votre commission à l'initiative de David Assouline et des membres du groupe socialiste ( COM-5 ), précise donc que l'intervention d'un tiers dans l'acte de copie n'interdit pas de considérer que ces copies puissent être qualifiées de copie privée.

Votre commission a identifié, en second lieu, les services de l'informatique dans les nuages qui devraient relever du champ de l'exception pour copie privée. Il s'agit des services de communication au public en ligne qui permettent aux utilisateurs d'obtenir la copie d'un programme de télévision ou de radio qu'ils éditent ou distribuent, au moment de sa diffusion, dits network personal video recorder (VPVR). Au regard des usages de copie, il apparaît que ce type de copie est destinée à se substituer aux modalités actuelles de la copie effectuée par les particuliers sur les supports permettant la réception des programmes de télévision et de radio.

Enfin, le dispositif procède à une adaptation de la détermination des redevables de la rémunération pour copie privée et des conditions de sa fixation rendue nécessaire par l'assujettissement de certains services de l'informatique en nuage.

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé .

Article 7 bis A - Publicisation du rapport du médiateur du livre

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Au cours de sa séance publique du 29 septembre dernier, l'Assemblée nationale a introduit l'article 7 bis A, qui vise à ce que le rapport d'activité du médiateur du livre soit rendu public .

Pour mémoire, aux termes de l'article 144 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, le médiateur du livre est chargé, sans préjudice du droit des parties de saisir le juge et dans le respect des prérogatives de l'Autorité de la concurrence, d'une action de conciliation dans le cadre de litiges relevant de l'application des lois n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre et n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

Il peut être saisi à cet effet par tout détaillant, toute personne qui édite des livres, en diffuse ou en distribue auprès des détaillants, par toute organisation professionnelle ou syndicale concernée, par les prestataires techniques auxquels ces personnes recourent ou par le ministre intéressé. Il peut également se saisir d'office de toute affaire entrant dans sa compétence.

Pour l'examen de chaque affaire, le médiateur du livre invite les parties à lui fournir toutes les informations qu'il estime nécessaires, sans que puisse lui être opposé le secret des affaires, et peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile.

Dans le respect de la liberté de négociation commerciale des parties, le médiateur du livre favorise ou suscite toute solution de conciliation. Lorsque le médiateur constate un accord entre les parties, il rédige un procès-verbal précisant les mesures à prendre pour le mettre en oeuvre. Il peut rendre public le procès-verbal de conciliation, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires. Si aucun accord n'a pu être trouvé entre les parties, il peut adresser aux parties une recommandation précisant les mesures qui lui paraissent de nature à mettre fin à la situation litigieuse.

En cas d'échec de la conciliation, le médiateur du livre peut saisir la juridiction compétente pour lui demander d'ordonner la cessation des pratiques contraires aux lois précitées relatives au prix du livre. Si les faits dont il a connaissance sont susceptibles de recevoir une qualification pénale, il en informe le ministère public.

Le médiateur du livre peut enfin formuler des préconisations afin de faire évoluer les dispositions normatives relevant de son champ de compétences.

Il adresse enfin chaque année un rapport sur ses activités au ministre chargé de la culture. En application du présent article, ce rapport sera désormais public , comme celui du médiateur de la musique créé par l'article 7 du projet de loi.

II. - La position de votre commission

À l'instar du dispositif prévu par l'article 7 du projet de loi relatif au médiateur de la musique, le présent article rend public le rapport annuel d'activité du médiateur du livre. Afin de parachever le parallélisme des formes et d' améliorer l'information du Parlement , votre commission propose qu'une copie en soit également adressée aux présidents des commissions permanentes parlementaires chargées de la culture (COM-171) .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 bis (art. L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle) - Participation de trois représentants des ministres chargés de la culture, de l'industrie et de la consommation aux travaux de la commission de la copie privée

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative du Gouvernement, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a introduit le présent article, portant modification de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle. Son premier alinéa indique, s'agissant de la rémunération pour copie privée, que « les types de supports, les taux de rémunération et les modalités de versement (...) sont déterminés par une commission présidée par un représentant de l'État et composée, ou outre, pour moitié, de personnes désignées par les bénéficiaires du droit à rémunération, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant les fabricants ou importateurs de supports (...) et, pour un quart, de personnes désignées par les organisations représentant des consommateurs. » Chaque participant y dispose d'une voix, à l'exception de la société de gestion collective Copie France, dotée de dix voix.

Comme le constatait récemment le député Michel Rogemont, dans son rapport d'information relatif à la copie privée 18 ( * ) , « concilier les points de vue d'interlocuteurs ayant des intérêts contradictoires s'est avéré de plus en plus difficile à mesure que les montants en jeu s'accroissaient. L'adoption même des procès-verbaux des réunions occasionne des débats et des tensions. »

Pour tenter de remédier à ces blocages, le décret n° 2009-744 du 19 juin 2009 a introduit plusieurs modifications préconisées par le plan France numérique 2012 et destinées à apporter un certain apaisement :

- le président de la commission, personnalité indépendante ayant voix prépondérante en cas de partage des voix, n'est plus seulement nommé par le ministre en charge de la culture, dont on estime en creux la position proche de celle des ayants droit, mais conjointement par ce dernier et par les ministres en charge de l'industrie et de la consommation ;

- lorsque le président fait usage de la faculté de demander une seconde délibération, la décision est désormais adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés ;

- enfin, est déclaré démissionnaire d'office par le président tout membre qui n'a pas participé sans motif valable à trois séances consécutives de la commission.

Composition de la commission pour la rémunération de la copie privée fixée par l'arrêté du 31 octobre 2012

Au titre des fabricants et importateurs de supports :

- Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD)*

- Fédération française des télécoms (FFT)

- Syndicat des entreprises de commerce international de matériel audio, vidéo et informatique grand public (SECIMAVI)*

- Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC)*

- Syndicat de l'industrie des technologies de l'information (SFIB)*

- Syndicat national des supports d'image et d'information (SNSII)*

Au titre des organisations des consommateurs :

- Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC)

- Association études et consommation (ASSECO-CFDT)

- Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV)

- Familles de France (FF)

- Familles rurales (FR)

- Union nationale des associations familiales (UNAF)

Au titre des bénéficiaires du droit à rémunération :

- Société pour la perception de la rémunération de la copie privée sonore et audiovisuelle (Copie France)

- Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA)

- Société des arts visuels associés (AVA)

Les membres ayant quitté la commission le 12 novembre 2012 sont suivis d'un astérisque.

Cette réforme a minima n'a guère apaisé les tensions, puisque les contentieux devant le Conseil d'État contre les délibérations de la commission n'ont pas cessé. Pire, le 12 novembre 2012, cinq des six industriels représentant les fabricants et importateurs de supports d'enregistrement ont présenté leur démission, entraînant la paralysie de la commission.

Dans la perspective du renouvellement de la commission à la fin de l'année 2015, Marcel Rogemont, dans son rapport d'information précité, se montrait particulièrement pessimiste sur une possible reprise des travaux en l'état, compte tenu des oppositions frontales qui se sont manifestées ces dernières années. En effet, « les relations entre les représentants des ayants droit, d'une part, et les principaux fabricants et importateurs de supports, d'autre part, sont marquées par une défiance réciproque, si bien qu'un retour des industriels au sein de la commission semble difficile ».

À cet égard, le rapport issu de la mission de médiation sur le fonctionnement de la commission de la copie privée, menée par Mme Christine Maugüé du 15 avril au 30 juin 2015, propose, pour permettre à la commission de fonctionner à nouveau à cadre législatif et réglementaire constant, conformément à la lettre de mission signée par la ministre chargée de la culture, d'y renforcer « la présence de la puissance publique (...), perçue comme le moyen de ramener davantage de sérénité dans les débats ». Cette évolution pourrait « par exemple prendre la forme de la présence dans la commission de commissaires du Gouvernement, sans voix délibérative, représentant respectivement le ministère de la culture, le ministère de l'industrie et le ministère de la consommation ».

Le présent article complète le premier alinéa précité de l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle relatif à la composition de la commission, dans le sens proposer par la médiation de Christine Maugüé, afin de lui adjoindre, avec voix consultative, trois représentants des ministres chargés de la culture, de l'industrie et de la consommation.

La rédaction de sa commission des affaires culturelles a été adoptée sans modification par l'Assemblée nationale.

II. - La position de votre commission

Si la commission de la copie privée a récemment, et c'est heureux, repris ses travaux en décembre, avec Jean Musitelli, son nouveau président, il n'en demeure pas moins que les sujets de tensions sont loin d'être aplanis. Or, le dispositif proposé par le présent article ne règle en rien la difficulté de la commission à trouver de véritables accords, d'autant que les représentants des ministères concernés n'auront qu'une voix consultative. En outre, il est probable que le représentant du ministère en charge de la culture aura tendance à soutenir les ayants droit, ceux du ministère de l'industrie les industriels et ceux du ministère de la consommation, les consommateurs.

Marcel Rogemont, dans son rapport précité, considérait d'ailleurs la mesure inutile : « Tout d'abord, l'ajout de représentants de l'État ne constitue pas nécessairement une garantie d'indépendance . En effet, le Président actuel de la commission, représentant de l'État, est considéré par les représentants des fabricants et importateurs de supports et par les représentants des consommateurs comme insuffisamment neutre et trop souvent favorable à la cause des ayants droit. Ensuite, l'État peut avoir intérêt à ce que le montant de la rémunération pour copie privée soit le plus élevé possible dans la mesure où la part des 25 % consacrée à l'action artistique et culturelle sera d'autant plus importante. Alors que le ministère de la culture est soumis à une contrainte budgétaire importante, une contribution croissante des SPRD au financement de la culture peut être bienvenue. Par ailleurs, la présence de représentants des différents ministères pourrait se traduire par des conflits interministériels , un rapport de force déséquilibré au profit du ministère chargé de l'industrie et un risque de blocage nécessitant un arbitrage systématique du Premier ministre. »

Christine Maugüé elle-même considérait, en conclusion de son rapport, s'agissant de ses propositions relatives à la composition et à la gouvernance de la commission de la copie privée, « les mesures préconisées dans le rapport ne parviendront pas nécessairement à faire disparaître le sentiment d'un déséquilibre structurel de la commission » et que « si la commission devait parvenir à une nouvelle situation de blocage, il ne pourrait alors être fait l'économie d'une réforme de sa gouvernance, réforme qui passerait nécessairement par une modification des règles de fonctionnement de la commission, voire de sa composition » .

Votre commission estime à tout le moins que les objectifs évoqués par la ministre de la culture et de la communication lors de la présentation de son amendement devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale - « renforcer la légitimité du prélèvement, apaiser le fonctionnement de la commission de la copie privée et limiter les risques de recours contentieux » - paraissent disproportionnés au regard de la modestie de la réforme proposée.

Elle estime donc plus efficient que soient nommés, en lieu et place de simples représentants des ministères, un conseiller d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État, un magistrat de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.

Il lui semble, en outre, nécessaire, au regard de l'objectif de transparence, que les membres de la commission soient soumis à une déclaration d'intérêt auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Enfin, toujours aux fins d'une meilleure transparence et d'une visibilité accrue, elle souhaite que le règlement intérieur de la commission de la copie privée, comme les éventuelles modifications qui y seraient apportées, soient publiés au Journal officiel (COM-172) .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 ter (art. L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle) - Financement des études d'usage pour l'établissement des barèmes de la rémunération pour copie privée

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement de Marcel Rogemont, rapporteur de la mission d'information précitée portant sur le bilan et les perspectives de trente ans de copie privée.

L'article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que la rémunération pour copie privée est perçue pour le compte des ayants droit par un ou plusieurs organismes, Copie France en l'espèce, pour être répartie ensuite entre les ayants droit à raison des reproductions privées dont chaque oeuvre fait l'objet.

Le présent article complète l'article L. 311-6 pour préciser qu'une part, ne pouvant excéder 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée, de cette ressource devra être affectée par Copie France au financement d'enquêtes d'usage portant sur la réalité de la copie d'oeuvre à des fins personnelles, réalisées par la commission de la copie privée.

Aux termes de l'article L. 311-4, l'adoption des barèmes de la rémunération pour copie privée par la commission est subordonnée à la réalisation préalable d'études d'usage, portant sur chaque type de supports et de matériels soumis à la rémunération pour copie privée, destinées à évaluer l'évolution des comportements de copie au regard du changement des technologies et des pratiques numériques. Le Conseil d'État, dans sa décision du 17 juin 2011 rappelait la nécessité de leur régulière réactualisation , de façon à ce que les barèmes fixés tiennent compte au plus près du préjudice subi par les ayants droit. Or, les études d'usage au fondement des barèmes actuels datent d'il y a quatre ans, lorsque le téléchargent direct ou le ripping , par exemple, n'étaient encore que peu développés. Pour Marcel Rogemont, l'actualisation des données d'usage devraient être a minima annuelle.

Trop peu fréquentes, les études d'usages présentent également des écueils méthodologiques , notamment l'absence d'une approche qualitative de l'évolution des pratiques de copie.

En revanche, dans deux décisions du 19 novembre 2014, le Conseil d'État a rejeté les recours pour excès de pouvoir, présentés par des fabricants et importateurs de supports, tendant à l'annulation des décisions de la commission, considérant notamment « qu' il ne résulte d'aucune disposition, ni d'aucun principe que les enquêtes doivent nécessairement être financées par les pouvoirs publics » . Ainsi, le fait qu'une étude ait été quasi exclusivement financée par les représentants des bénéficiaires de la rémunération pour copie privée, comme ce fut le cas en 2012, ou par Copie France n'est pas de nature à porter atteinte à l'impartialité de la commission.

Pour autant, en synthèse de sa médiation, Christine Maugüé, rappelant que les études d'usage jouent un rôle clé dans la fixation des tarifs de la copie privée , puisqu'ils sont fondés à la fois sur la capacité d'enregistrement du support concerné et sur les usages de copie qui en sont faits par les consommateurs, propose de formaliser certains principes relatifs à l'élaboration et à la réalisation de ces études :

- les études d'usage doivent être confiées à des personnes indépendantes des acteurs dont le choix ne peut intervenir qu'après une procédure transparente de passation d'un marché public ;

- le questionnaire de l'étude doit faire l'objet d'une élaboration contradictoire et d'une approbation par les membres de la commission ;

- les études doivent être financées par les pouvoirs publics sous la forme d'un prélèvement sur le budget de fonctionnement de la commission ;

- les résultats doivent être communiqués à tout membre de la commission qui en fait la demande, sous réserve de confidentialité ;

- enfin, elles doivent être programmées sur un calendrier organisé sur deux ans.

Le présent article ne réalise qu'une reprise timide de ces propositions puisqu'il se limite à la question du financement des études d'usage par une part de la rémunération pour copie privée récoltée par Copie France.

La rédaction de sa commission des affaires culturelles a été adoptée sans modification par l'Assemblée nationale.

II. - La position de votre commission

Votre commission approuve le principe d'un versement d'une portion, raisonnable, de la rémunération pour copie privée au financement d'études d'usage, qui représentent le fondement de l'évaluation du préjudice des ayants droit , d'une part, et de la mesure des comportements de copie des consommateurs pour chaque support, d'autre part.

Compte tenu de l'importance de ces études en amont du dispositif, Marcel Rogemont a tenté de faire valoir, au cours de la séance publique à l'Assemblée nationale, que le cahier des charges des études d'usage devait faire l'objet d'une adoption à la majorité après avis motivé de chacun des trois collèges. Un avis défavorable lui a été opposé, la mesure ressortant du règlement intérieur de la commission de la copie privée. Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication a indiqué à cette occasion que « par le passé, les questionnaires des études d'usage ont fait l'objet d'une élaboration contradictoire entre les membres des différents collèges de la commission de la copie privée. Cette pratique devrait être confortée quand elle reprendra prochainement ses travaux. Je suis très attachée à ce qu'elle s'attelle à la mise en oeuvre des préconisations du rapport de médiation de Christine Maugüé, parmi lesquelles figure la mise en place de groupes de travail en son sein pour préparer ses séances et élaborer le cahier des charges des études d'usage . Par ailleurs, la nomination d'un pôle public au sein de cette commission est à même de garantir le nécessaire dialogue qui doit présider à la rédaction dudit cahier des charges ».

Sans revenir à cette proposition, votre commission souhaite rappeler que les études d'usage doivent répondre à un cahier des charges fixé par la commission . Elle estime, en outre, que la réalisation de ces études doit être confiée à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), à laquelle l'article L. 331-13 du code de la propriété intellectuelle confère déjà, entre autres, une mission d' « observation de l'utilisation licite et illicite des oeuvres et des objets auxquels est attaché un droit d'auteur et un droit voisin sur les réseaux de communication électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ».

Son indépendance au regard de la commission de la copie privée et son expertise en matière d'observation et d'évaluation des pratiques culturelles en ligne justifient pleinement de lui confier cette mission, dans le respect du cahier des charges imposé par la commission. À titre d'illustration, le premier motif d'annulation, par le Conseil d'État de plusieurs décisions relatives aux barèmes, prises par la commission en 2006, 2007 et 2008, tenait au fait que n'avaient pas été exclues de l'assiette de la rémunération les copies illicites d'oeuvres. La part respective, pour chaque support, des usages licites et illicites de copies privées n'avait pas été recherchée dans le cadre d'une étude. Cette différenciation n'est certes pas évidente ; or, la Hadopi la maîtrise parfaitement.

Enfin, votre commission, compte tenu des montants élevés de la rémunération pour copie privée, considère que son ou ses organismes de gestion doivent faire, à l'instar des sociétés de gestion collective, l'objet d' un agrément conjoint des ministres en charge de la culture, de l'industrie et de la consommation (COM-173).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 quater AA (nouveau) (art. L. 311-4 et L. 331-31 du code de la propriété intellectuelle) - Élargissement des missions de la Hadopi aux études d'usage de la copie privée

En conséquence des modifications apportées par votre commission à l'article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle, deux coordinations doivent être réalisées aux articles L. 311-4 et L. 331-31 du même code ( COM-174 ) :

- à l'article L. 311-4, il est nécessaire de préciser au troisième alinéa que les enquêtes d'usage servant à la fixation des barèmes de la rémunération pour copie privée sont réalisées par la Hadopi ;

- logiquement, l'article L. 331-31 relatif aux missions de la Haute Autorité doit être complété pour faire référence à cette nouvelle tâche.

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé .

Article 7 quater A (art. L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle) - Exonération de redevance copie privée pour les exportateurs

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale au cours de sa séance publique du 29 septembre dernier, par l'adoption d'un amendement de Marcel Rogemont, membre de sa commission des affaires culturelles.

Le code de la propriété intellectuelle précise, dans son article L. 311-4, que la rémunération pour copie privée est versée par le fabricant, l'importateur ou la personne qui réalise les acquisitions intracommunautaires de supports d'enregistrement lors de leur mise en circulation en France.

Aux termes du I de l'article L. 311-8, la rémunération pour copie privée n'est cependant pas due par les entreprises de communication audiovisuelle, les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, les éditeurs d'oeuvres publiées sur supports numériques, les organismes qui utilisent les supports d'enregistrement dans le cadre de l'exception handicap. Son II ajoute qu'elle n'est pas non plus due sur les supports d'enregistrement acquis à des fins professionnelles , dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage pour une activité de copie privée. Dès lors, en application du III de ce même article, les personnes visées par les I et II peuvent conclure avec Copie France une convention constatant l'exonération. À défaut, elles ont droit au remboursement de la rémunération pour copie privée versée sur production de justificatifs.

Cette rédaction est issue de la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011 relative à la rémunération pour copie privée, qui a rendu la législation française conforme aux dispositions de la directive 2001/29 du 22 mai 2001 relative aux droits d'auteur s'agissant de l'exonération des supports utilisés à des fins professionnelles de la rémunération pour copie privée. Ce principe est réaffirmé par la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), en particulier dans son arrêt Padawan du 21 octobre 2010, qui affirme que « l'application sans distinction de la redevance pour copie privée, notamment à l'égard d'équipements, d'appareils ainsi que de supports de reproduction numérique non mis à la disposition d'utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages autres que la réalisation de copies à usage privé, ne s'avère pas conforme à la directive 2001/29 ».

En cela, la loi du 20 décembre 2011 a donné valeur législative au principe développé par le Conseil d'État dans son arrêt du 17 juin 2011 précité, qui annulait une décision de la commission au motif qu'elle n'excluait pas du champ de la rémunération pour copie privée « les supports acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage de ces matériels à des fins de copie privée » , la pondération du taux de la rémunération à raison du degré professionnel d'usage ne pouvant suffire l'exonération des usages autres que la copie privée.

La loi du 20 décembre 2011 prévoit certes deux modalités d'exonération des professionnels (une exonération sur le fondement d'une convention ou un remboursement sur justificatifs) mais, en pratique, les remboursements des professionnels restent limités . De fait, il a fallu attendre le 10 décembre 2013 pour que l'arrêté relatif aux factures soit publié, rendant ainsi le remboursement effectif au 1 er janvier 2014 seulement. L'étude d'impact accompagnant la loi du 20 décembre 2011 évaluait les remboursements à un montant annuel de 58 millions d'euros. Or, en 2014, le total des remboursements depuis la mise en place de ce système atteignait environ 375 000 euros, soit moins de 0,65 % de la somme prévue.

En réalité, comme le rappelle Marcel Rogemont dans son rapport d'information précité, le manque d'effectivité des remboursements des professionnels tient en grande partie à la lourdeur des démarches administratives que ces derniers doivent engager, notamment s'agissant du nombre de justificatifs à fournir à Copie France.

L'absence de remboursement effectif pose la question de la compatibilité du système français avec le droit européen. En effet, la CJUE, dans son arrêt Amazon du 11 juillet 2013 a apporté une précision à la jurisprudence Padawan précitée : si elle admet que la rémunération puisse, pour des raisons de simplicité, s'appliquer indistinctement à l'ensemble des supports mis en circulation, elle demande à ce qu'un tel système soit assorti, pour ceux qui ont été acquis à des fins professionnelles, d' un mécanisme permettant un remboursement effectif et ne rendant pas excessivement difficile la restitution de la rémunération payée.

Dès lors, le rapport de médiation de Christine Maugüé, comme le conseil pour la simplification de la vie des entreprises dans son rapport du 14 avril 2014, ont appelé à une simplification effective des démarches relatives au remboursement de la rémunération pour copie privée aux professionnels. Las, l'arrêté du 19 décembre 2014 relatif au remboursement de la rémunération pour copie privée n'a apporté au système que des modifications cosmétiques ; il n'a, notamment, pas réduit le nombre de documents à fournir.

Le présent article est, pour sa part, muet sur le sujet des remboursements pour des supports à usage professionnel utilisés en France. Il se contente de traiter de la problématique de l'exportation de supports soumis à la rémunération pour copie privée.

Le dispositif présente également des difficultés s'agissant des supports acquis auprès d'un fournisseur implanté en France en vue d'être exportés et, ce faisant, non soumis en principe à la rémunération pour copie privée. En effet, l'entreprise exportatrice est tenue d'engager une procédure en remboursement fort complexe, sans exonération possible , et longue de plusieurs mois, qui impose dès lors souvent une importante mobilisation de trésorerie. De plus, lorsque le remboursement est acquis, Copie France en verse le montant au fabricant ou à l'importateur, vers lequel doit ensuite se tourner le distributeur, avant que l'exportateur ne soit enfin destinataire du remboursement.

Le présent article vise donc à compléter l'article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle par un II bis précisant que la rémunération pour copie privée n'est pas due non plus par les personnes qui procèdent à l'exportation ou à la livraison intracommunautaire des supports d'enregistrement mis en circulation en France , afin de permettre aux exportateurs d'être exonérés sur la base d'une convention signée avec Copie France ou d'obtenir directement auprès de la société le remboursement de la rémunération pour copie privée.

Cette disposition ressort des propositions de Christine Maugüé, qui estimait qu' « on pourrait passer à un mécanisme de doubles comptes qui permettrait, lorsque les flux de matériels exportés sont pérennes entre un fournisseur et un client donné, d'exonérer du paiement de la rémunération pour copie privée les supports destinés à l'exportation. Il y a en ce domaine probablement place pour une contractualisation entre Copie France, le fournisseur et l'acquéreur, avec élaboration d'un contrat type ».

II. - La position de votre commission

Le présent article représente un progrès indéniable pour les exportateurs, mais il ne règle nullement les difficultés des professionnels évoquées précédemment, alors que le constat de l'inefficacité du système actuel est partagé à la fois par Marcel Rogemont et par Christine Maugüé, auteurs des travaux les plus récents sur le fonctionnement de la copie privée.

Dans cette perspective, il est nécessaire d'apporter des modifications à l'article L. 311-8, afin d' exonérer du paiement de la rémunération pour copie privée, en application d'une convention ou sur remboursement, tout support acquis pour un usage professionnel (COM-175).

Reste que, pour être efficace, cette mesure devra s'accompagner sans délai d'une réécriture de l'arrêté précité du 19 décembre 2014, dans le sens d'une véritable simplification des démarches imposées aux professionnels désireux d'obtenir le remboursement de la rémunération pour copie privée indument payée.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 quater (art. L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle) - Champ et transparence de l'utilisation des 25 % de la rémunération pour copie privée affectés au financement d'actions artistiques et culturelle

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Aux termes de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, les sociétés de perception et de répartition des droits doivent consacrer 25 % des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée, ainsi que les sommes qui n'ont pu être réparties, à des actions d'aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes , selon un principe admis par la CJUE dans son arrêt Amazon précité du 11 juillet 2013 en application de la directive du 22 mai 2001.

Les ressources brutes consacrées à l'action artistique et culturelle par les sociétés de gestion collective s'élevaient à 109 millions d'euros en 2013, soit 52,3 millions d'euros de la quote-part issue de la copie, 26,9 millions d'euros n'ayant pu être répartis, 24,9 millions d'euros de reports de l'année précédente, 4,8 millions d'euros d'aides volontaires mises en oeuvre par la SACEM, la SACD et l'ARP, enfin, 100 000 euros de produits financiers issus des sommes mises en réserve.

Si le principe d'un tel financement n'est nullement remis en cause, tel n'est pas le cas de la transparence du système, dont l'insuffisance est régulièrement dénoncée , notamment s'agissant de la difficulté à obtenir des informations sur les actions aidées chaque année. Pierre Lescure, dans son rapport de mai 2013 relatif à l'acte II de l'exception culturelle, dresse un constat similaire en notant que « l'information disponible publiquement est pour le moins laconique. Les rapports remis au ministre de la Culture et aux commissions parlementaires compétentes ne sont pas rendus publics » .

Des efforts récents ont toutefois permis d' améliorer l'accès aux données . Ainsi, la loi susmentionnée du 20 décembre 2011 rend destinataire les présidents des commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat des rapports annuels des sociétés de gestion, auparavant uniquement transmis au ministre de la culture. Surtout, ces rapports sont désormais consultables en ligne. Dès lors, la commission permanente de contrôle des sociétés de gestion et de répartition des droits, qui dénonçait régulièrement le manque de précision et de transparence quant à l'utilisation des fonds dédiés à l'action artistique et culturelle, reconnaît, dans son rapport de 2014, les efforts accomplis.

Les améliorations ont, en outre, été réelles s'agissant de la transparence des procédures d'attribution des aides , afin que les divers soutiens apportés à des manifestations ou événements dans le cadre de l'action artistique et culturelle échappent à toute suspicion de complaisance ou de conflit d'intérêt . Des règles déontologiques claires ont ainsi été adoptées par les différentes sociétés de gestion, ce que la commission de contrôle a également salué en 2014.

Pour autant, comme le note Marcel Rogemont dans son rapport précité, les crédits destinés aux actions artistiques et culturelles font l'objet d' une sous-consommation chronique, entraînant une accumulation des reports . Ainsi, en 2013, seulement 68 % des ressources brutes disponibles ont été effectivement affectées. C'est pourquoi, il a proposé que « le champ des actions éligibles aux 25 % pourrait intégrer le soutien à l'éducation artistique et culturelle, dispensée par des artistes » , par ailleurs insuffisamment financés par le ministère de la culture et de la communication.

Le présent article est le fruit de l'adoption consécutive, par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement et d'un amendement présenté par Marcel Rogemont, tous deux modifiant l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, et visant à répondre au double sujet de la transparence des comptes et de la sous-consommation des crédits.

À l'initiative du Gouvernement et comme le proposait Marcel Rogemont, les 25 % du montant de rémunération pour copie privée perçu par les sociétés de gestion collectives utilisés pour le financement d'actions culturelles pourront ainsi également être destinés au développement de l'éducation artistique et culturelle , entendu comme le concours apporté par des auteurs ou des artistes-interprètes aux actions mentionnées au 4° bis de l'article 2 du projet de loi, c'est-à-dire « permettant l'épanouissement des aptitudes individuelles en favorisant l'égalité d'accès à la culture » au bénéfice plus particulièrement des personnes « les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes ».

Pour sa part, l'amendement de Marcel Rogemont, prévoit que les sociétés de perception et de répartition des droits établissent une base de données électronique unique recensant le montant et l'utilisation de ces sommes, régulièrement mise à jour et accessible gratuitement . Les informations qui y figurent sont vérifiées par un commissaire aux comptes au regard de leur sincérité et de leur concordance avec les documents comptables de chaque société de gestion.

Au cours de sa séance publique du 29 septembre 2015, l'Assemblée nationale a précisé que la base de données recensant l'utilisation, par les sociétés de gestion collective, des 25 % de la rémunération pour copie privée destinés aux actions culturelles devra être accessible dans un format ouvert et librement réutilisable.

II. - La position de votre commission

Le système des 25 % permet d'apporter à la création un soutien financier particulièrement utile à son développement et à son rayonnement. Dès lors, la sous-consommation chronique des crédits est particulièrement dommageable. En cela, l'ouverture du dispositif au soutien à l'éducation artistique et culturelle semble particulièrement appropriée.

Reste qu' il incombe normalement à l'État d'assumer le financement de ces actions. Votre commission rappelle donc que la rémunération pour copie privée, pour utile qu'elle soit, ne doit pas servir de compensation à une diminution des crédits publics en faveur de la culture . De fait, entre 2006 et 2013, la croissance des crédits d'action artistique et culturelle des sociétés de gestion collective (+ 33 %) a dépassé de treize points celle des crédits d'intervention de l'État, qui ont augmenté de 20 %.

Elle est également favorable à la mesure de transparence proposée par Marcel Rogemont, qui complètera utilement les dispositions de la directive européenne du 26 février 2014 relative à la gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins, que l'article 29 du projet de loi autorise à transposer par voie d'ordonnance.

La transparence devrait, en effet, s'en trouver renforcée et la gestion de la part de la rémunération pour copie privée consacrée à l'action artistique et culturelle améliorée, notamment par les articles 9 (fonction de surveillance), 10 (obligations des personnes qui gèrent les activités de l'organisme de gestion collective), 11 (perception et utilisation des revenus provenant des droits), 21 (publicité des informations) et 22 (rapport de transparence annuel).

Pour plus de clarté, il convient toutefois, à l'alinéa 4, de remplacer « en particulier les sommes utilisées à des actions d'aide à la jeune création » par « toutes les subventions accordées sont inscrites dans cette base de données établies par les sociétés de perception et de répartition des droits avec le nom de leurs bénéficiaires » (COM-176) .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 8 (art. L. 213-24 à L. 213-37 nouveaux du code du cinéma et de l'image animée) - Transparence des comptes de production et d'exploitation des films de cinéma

I. - Le texte du projet de loi

A. État des lieux

Selon les termes de l'étude d'impact annexée au projet de loi, « l'exigence de transparence résulte, de manière générale, de la spécificité de l'industrie cinématographique et de son modèle économique tenant à la solidarité qui sous-tend les relations économiques entre les multiples intervenants, des auteurs aux différentes personnes auxquelles a été confiée l'exploitation de l'oeuvre, en raison du principe de la rémunération au pourcentage des ayants droit. Plus particulièrement, le secteur de la production cinématographique, caractérisé par des montages complexes de financement impliquant de multiples acteurs, doit constamment renforcer ses exigences de transparence économique tant sur le coût des oeuvres que sur la réalité des remontées de recettes ou encore l'état d'amortissement des investissements des différents intervenants ».

René Bonnell, après un premier travail en décembre 2008 sur « Le droit des auteurs dans le domaine cinématographique : coûts, recettes et transparence » , ne dit pas autre chose dans son rapport de décembre 2013 portant sur « Le financement de la production et de la distribution cinématographique à l'heure du numérique » , qui sert en grande partie de fondement aux dispositions du projet de loi relatives au cinéma. Considérant que la transparence et le partage de la recette représentent un axe stratégique de l'amélioration du financement , il y souligne la nécessité de renforcer la transparence des relations entre acteurs, notamment quant aux rendus de comptes, et de clarifier la pratique des mandats groupés.

L'amélioration de la transparence a déjà fait l'objet d'accords interprofessionnels. Ainsi, en juin et en juillet 2010, deux accords ont été conclus s'agissant des conditions d'évaluation et de remontée de la rémunération revenant aux auteurs, puis les associations concernées d'auteurs, d'agents et de producteurs sont parvenues à un texte commun en date du 16 décembre 2010 , étendu par arrêté du ministre de la culture le 17 février 2011.

L'accord du 16 décembre 2010

Cet accord a pour objet d'assurer la transparence de l'ensemble de la filière cinématographique pour les films de long métrage. Il rappelle un principe : l'attachement « indéfectible » des signataires à « la liberté contractuelle et aux principes et aux règles qui fondent la rémunération des auteurs pour ce qui concerne la gestion individuelle. »

La gestion individuelle traite ainsi, de gré à gré, de la rémunération des auteurs et de ses éventuels compléments dans le cadre du code de la propriété intellectuelle. Cet accord ne présuppose cependant pas le principe d'une rémunération additionnelle qui relève du contrat auteur/producteur, mais précise que, si elle est prévue, « elle aura pour assiette les recettes nettes par producteur. »

Ce protocole s'attache « à simplifier, clarifier, harmoniser, les notions clés qui président à la définition des coûts, des recettes et des modalités d'amortissement des oeuvres cinématographiques ».

Pour l'essentiel l'accord s'attache ensuite à définir avec beaucoup de précision :


• l'ensemble des paramètres entrant dans le coût d'un film qui vont des minimums garantis consentis aux auteurs jusqu'aux taux d'intérêts qui entrent le calcul des frais financiers ;


• les produits de commercialisation qui entrent dans la recette permettant l'amortissement du coût du film. À cette fin, les recettes nettes part producteur sont détaillées par type d'exploitation (salles, vidéo, exportation), les commissions de commercialisation opposables plafonnées, les frais divers précisés.

L'accord comporte à deux avancées substantielles susceptibles d'apaiser certaines dissensions anciennes :


• le crédit d'impôt entre en amortissement du coût du film ;


• 75 % de l'aide automatique à la production générée (au-delà d'une franchise de 50 000 euros) fait partie des recettes.

Cependant, l'un et l'autre ne peuvent être pris en compte que pour calculer l'amortissement du coût du film et non la rémunération additionnelle de l'auteur.

Les producteurs s'engagent à communiquer aux auteurs dans les deux mois suivant la délivrance de l'agrément définitif le coût final du film et l'état de son amortissement assorti de tous les éléments entrant dans ce calcul. Pour faciliter ce travail, le CNC doit produire dans les six mois suivant la date de l'accord un bordereau type facilitant la tâche du producteur.

L'accord met à la charge du CNC l'institution d'un audit comptable approfondi de dix films par an, tirés au sort dans cinq tranches de budget. Ce contrôle s'exerce « chez le producteur et ses mandataires ». Le CNC doit transmettre chaque année un rapport de synthèse sur ces audits à une commission de suivi de l'accord créée pour en surveiller l'application et éventuellement l'adapter à l'évolution de l'environnement du secteur.

Début 2013, une première vague d'audits a été réalisée sur huit films, qui, selon le CNC, n'a relevé aucun manquement significatif à la façon de calculer l'amortissement et de présenter les comptes. Les auditeurs ont relevé une pratique satisfaisante en général, grandement améliorée d'ailleurs depuis l'instauration du crédit d'impôt cinéma. Les remarques des auditeurs sur certaines écritures (placement de produit imputé au chiffre d'affaires de la société et non du film par exemple) ont été corrigées par les producteurs sans opposition. Une seconde vague de dix audits est en cours.

Cet accord a le mérite de favoriser un climat de coopération interne à l'industrie du cinéma, permettant d'augurer qu'il est possible de bâtir peu à peu une économie du droit d'auteur satisfaisante pour toutes les parties.

Source : rapport de René Bonnell - décembre 2013

Cependant, les principes de transparence posés par l'accord du 16 décembre 2010 ne sont pas toujours respectés . En outre, il ne s'applique qu'aux rapports entre producteurs et auteurs : ni les financeurs ni les mandataires ou cessionnaires ne sont concernés.

B. Le dispositif proposé

Sur le fondement des propositions du rapport précité de René Bonnell, le présent article créé un chapitre III bis au titre Ier du livre II du code du cinéma et de l'image animée relatif à l'exercice des professions et activités du cinéma, intitulé « Transparence des comptes de production et d'exploitation des oeuvres cinématographique de longue durée » et composé de deux sections.

La première section porte sur la transparence des comptes de production et comporte deux sous-sections. La première, avec les articles L. 213-24 à L. 213-26 nouveaux, concerne les obligations des producteurs délégués.

Le nouvel article L. 213-24 impose au producteur délégué, entendu comme le responsable financier, artistique et technique de la réalisation, d'une oeuvre cinématographique d'une durée supérieure à une heure, admise au bénéfice des aides financières à la production du CNC, d' établir et de transmettre le compte de production de l'oeuvre à ses coproducteurs (bénéficiaires d'une part de propriété sur les droits corporels et incorporels de l'oeuvre et d'un droit à recettes correspondant) et cofinanceurs intéressés aux recettes (SOFICA intervenant dans le cadre d'un contrat d'association à la production par exemple), ainsi qu'aux auteurs avec lesquels il est lié par un contrat de production audiovisuelle et qui bénéficient, à ce titre, d'une rémunération proportionnelle . Aux termes de l'article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, sont présumés auteurs : l'auteur du scénario, celui de l'adaptation, du texte parlé, des compositions musicales réalisées pour l'oeuvre et le réalisateur.

La transmission du compte de production, comprenant l'ensemble des dépenses engagées pour la préparation, la réalisation et la post-production d'une oeuvre, devra intervenir dans les huit mois suivant la date de délivrance du visa d'exploitation par le ministre en charge de la culture. Ce délai correspond à celui posé par l'article 211-63 du règlement général des aides financière (RGA) du CNC pour demander l'agrément de production, qui constitue la décision d'attribution à titre définitif d'une aide à la production. Une fois cet élément fourni, le producteur délégué est donc en mesure de transmettre au CNC les comptes définitifs de l'oeuvre, ainsi que les rendus de comptes à ses partenaires financiers.

En moyenne, 200 à 210 films d'initiative française devraient être concernés chaque année par la nouvelle obligation de transmission. L'établissement des comptes de production, déjà réalisé pour l'obtention des aides du CNC varie en moyenne entre 3 000 et 5 000 euros par film ; la transmission ne devrait pas sensiblement modifier ce coût.

L'article L. 213-25 nouveau dispose que la forme du compte de production et la définition des différentes catégories de dépenses qui y figureront sont déterminées par accord professionnel conclu entre les organisations représentatives des producteurs, les organismes professionnels d'auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits concernées.

Les dépenses de préparation du film recouvrent l'ensemble des dépenses engagées avant le tournage, soit les dépenses des différentes phases du travail d'écriture (option et achat de droits d'adaptation cinématographique d'oeuvre littéraire ou de scénario original, écriture et réécriture, recherches et documentation), les frais éventuels de traduction, le versement de droits musicaux, les conseils juridiques ou encore les frais de repérage de tournage. Les dépenses de réalisation correspondent aux dépenses engagées pendant le tournage (salaires des artistes et techniciens, location de studios de tournage, construction de décors, costumes, effets spéciaux de tournage, dépenses de matériels techniques, etc.). Enfin, les dépenses de post-production concernent les frais de laboratoire, les travaux sur les images (étalonnage, effets spéciaux) et le son (montage, mixage), mais également les effets spéciaux numériques.

Le protocole d'accord précité du 16 décembre 2010 relatif à la transparence dans la filière cinématographique devrait constituer le fondement de l'accord prévu par l'article L. 213-25 nouveau, qui pourra être rendu obligatoire pour l'ensemble des professionnels intéressés par un arrêté du ministre en charge de la culture. À défaut d'accord dans un délai d'un an suivant la promulgation du présent texte, les dispositions prévues seront fixées par un décret en Conseil d'État.

Pour garantir la bonne information des parties, le nouvel article L. 213-26 précise que le contrat de production, le contrat de financement, ainsi que le contrat de production audiovisuelle comporteront une clause rappelant les obligations relatives à l'établissement et à la transmission du compte de production.

Une seconde sous-section porte sur l'audit des comptes de production. Son unique article L. 213-27 nouveau précise que le CNC peut, dans un délai de trois ans suivant la délivrance du visa d'exploitation, procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit visant à contrôler la régularité et la sincérité du compte de production . Ce délai correspond au cycle d'exploitation d'une oeuvre cinématographique, de la salle à la diffusion par un service de vidéo à la demande par abonnement.

À cet effet, le producteur délégué devra transmettre au CNC ou à l'expert indépendant tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l'audit, dont les résultats lui seront transmis, ainsi qu'aux destinataires du compte de production.

En application du protocole d'accord étendu du 16 décembre 2010, le CNC diligente déjà chaque année des experts indépendants pour réaliser un audit comptable sur dix films ayant bénéficié d'une aide à la production.

La section 2 du nouveau chapitre III bis concerne la transparence des comptes d'exploitation. Elle comprend trois sous-sections, dont la première est relative aux obligations des cessionnaires de droits d'exploitation ou des détenteurs de mandats de commercialisation , avec les articles L. 213-28 à L. 213-31 nouveaux

Le nouvel article L. 213-28 prévoit que « tout cessionnaire de droits d'exploitation ou détenteur de mandats de commercialisation d'une oeuvre cinématographique de longue durée admise au bénéfice des aides financières à la production du Centre national du cinéma et de l'image animée doit, dans les six mois suivant la sortie en salles puis au moins une fois par an pendant la durée d'exécution du contrat conclu avec le producteur délégué, établir et transmettre à ce dernier le compte d'exploitation de cette oeuvre ».

Le compte d'exploitation doit indiquer : le montant des encaissements bruts réalisés par le cessionnaire de droits d'exploitation ou le détenteur de mandats de commercialisation, le prix payé par le public dans le cadre de l'exploitation en salles et de la vidéo à la demande à l'acte, le montant des coûts d'exploitation (coûts techniques, achats d'espaces publicitaires, la conception et tirage du matériel publicitaire, coût de promotion et de mission, etc.), celui de la commission retenue par le mandataire, l'état d'amortissement des coûts d'exploitation et des minimas garantis éventuellement consentis et le montant des recettes nettes revenant au producteur après rémunération du cessionnaire de droits d'exploitation ou du détenteur de mandats de commercialisation et déduction des coûts d'exploitation. Le montant des encaissements bruts réalisés, le prix payé par le public, le montant des coûts d'exploitation et le montant de la commission éventuellement retenue sont fournis pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre en France, ainsi que pour chaque territoire d'exploitation de l'oeuvre à l'étranger.

Le compte d'exploitation doit également faire mention des aides financières perçues (aides automatiques et sélectives à la distribution en salles ou en faveur des éditeurs vidéographiques et des éditeurs de vidéo à la demande) et des frais généraux supportés , à raison de l'exploitation de l'oeuvre, par le cessionnaire de droits d'exploitation ou par le détenteur de mandats de commercialisation. Pour mémoire, le cessionnaire de droits d'exploitation a conclu un contrat de cession ou de concession de droits d'exploitation avec le producteur pour une durée et des territoires donnés. Il exploite alors l'oeuvre pour son propre compte et encaisse les recettes d'exploitation correspondantes. Le producteur peut céder ses droits moyennant une somme forfaitaire et/ou un intéressement aux recettes. En revanche, dans le cadre d'un contrat de mandat conclu avec le producteur, le mandataire assure la commercialisation de l'oeuvre pour le ou les modes d'exploitation concernés au nom et pour le compte du producteur. Il se rémunère par une commission sur les recettes d'exploitation.

Le délai de six mois prévu par l'article L. 213-27 nouveau pour la transmission du compte d'exploitation correspond à un cycle moyen d'exploitation d'une oeuvre cinématographique en salle et un début d'exploitation en vidéo à la demande à l'acte. La fréquence annuelle paraît ensuite raisonnable ; elle est d'ailleurs retenue pour la fourniture, à l'auteur, par le producteur d'un état des recettes provenant de l'exploitation de l'oeuvre, au terme de l'article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle.

Comme pour les comptes de production, le nouvel article L. 213-29 précise que « la forme du compte d'exploitation, ainsi que la définition des encaissements bruts, des coûts d'exploitation et des frais généraux d'exploitation sont déterminées par accord professionnel conclu entre les organisations représentatives des producteurs d'oeuvres cinématographiques de longue durée, les organisations professionnelles représentatives des cessionnaires de droits d'exploitation ou des détenteurs de mandats de commercialisation de ces oeuvres, les organismes professionnels d'auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits ». De la même manière, l'accord peut être rendu obligatoire à l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre de la culture . À défaut, dans un délai d'un an, interviendra un décret en Conseil d'État.

Les obligations relatives au compte d'exploitation seront rappelées dans le contrat de cession de droits d'exploitation ou le contrat de mandat de commercialisation, afin de garantir l'information des parties (article L. 213-30 nouveau).

Les dispositions nouvelles concernant le contrat d'exploitation ne seront toutefois, aux termes de l'article L. 213-31 nouveau, pas applicables aux concessions de droits de représentation en salles de spectacles cinématographiques conclues entre distributeurs et exploitants de salles, ni aux cessions de droits de diffusion à un éditeur de services de télévision . En effet, la transparence des contrats de concession des droits de représentation cinématographique est déjà garantie par le contrôle des recettes d'exploitation réalisé par le CNC, tandis que les contrats de cession de droits de diffusion aux chaînes de télévision sont acquis pour un montant forfaitaire et ne donnent pas lieu à une commercialisation par les chaînes.

La deuxième sous-section porte sur les obligations du producteur délégué s'agissant du compte d'exploitation.

En application du nouvel article L. 213-32, il devra transmettre le compte d'exploitation , qui lui sera remis par le cessionnaire de droits d'exploitation ou par le détenteur de mandats de commercialisation, aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d'exploitation, ainsi qu'aux auteurs avec lesquels il est lié par un contrat de production audiovisuelle.

Toutefois, si le producteur délégué exploite directement une oeuvre, il lui revient d'établir et de transmettre aux intéressés, selon des règles identiques à celles qui s'appliquent aux cessionnaires de droits d'exploitation et aux détenteurs de mandats de commercialisation, le compte d'exploitation (article L. 213-33 nouveau).

Le nouvel article L. 213-34 précise que « lorsqu'un contrat de cession de droits de diffusion d'une oeuvre cinématographique à un éditeur de services de télévision prévoit une rémunération complémentaire en fonction des résultats d'exploitation de cette oeuvre en salles de spectacles cinématographiques, le producteur délégué joint à la transmission du compte d'exploitation (...) les informations relatives au versement de cette rémunération ». Il peut s'agir, par exemple, des « primes au succès » prévues par les accords professionnels conclus entre les organisations de producteurs et les chaînes cinéma Canal + et OCS, qui consistent, pour une chaîne, à verser au producteur une rémunération complémentaire, en sus du montant initial des droits de diffusion, dès lors que l'oeuvre a dépassé un certain nombre d'entrées en salles.

Enfin, une troisième sous-section concerne l'audit des comptes d'exploitation.

À l'instar des comptes de production, le nouvel article L. 213-35 confie au CNC le soin de procéder ou de faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte d'exploitation , en vue d'en contrôler la régularité et la sincérité. À cet effet, le cessionnaire de droits d'exploitation, le détenteur de mandats de commercialisation ou le producteur délégué dans le cadre d'une exploitation directe transmet au CNC ou à l'expert tous les documents ou pièces utiles à la réalisation de l'audit.

Le CNC transmet le rapport d'audit au cessionnaire de droits d'exploitation ou au détenteur de mandats de commercialisation, ainsi qu'au producteur délégué. Ce dernier est seul destinataire du rapport lorsqu'il se charge lui-même d'exploiter l'oeuvre. Il le transmet ensuite aux coproducteurs et à toute personne physique ou morale intéressée, en application d'un contrat, à l'exploitation de l'oeuvre.

Par ailleurs, en application de l'article L. 213-36 nouveau, lorsqu'un accord professionnel étendu relatif à la rémunération des auteurs comporte des stipulations relatives au coût de production, à son amortissement et aux recettes d'exploitation, le CNC peut procéder ou faire procéder à un audit du compte d'exploitation établi par le producteur délégué en application de cet accord, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article L. 213-35 précité.

Lors de son audition, le CNC a indiqué viser l' audit d'environ cinquante films par an, soit un quart de la production de films d'initiative française , choisie de façon aléatoire. Or, l'exploitation des films pouvant être assurée par une ou plusieurs sociétés de distribution, trois sociétés devraient en moyenne être auditées par film, sur un prix de prestation, au regard des marchés passés par le CNC par le passé, d'une moyenne de 5 000 euros. Le coût total prévu serait donc de l'ordre de 600 000 euros par an à la charge de l'opérateur.

Un décret fixera les conditions d'application du chapitre III bis du code du cinéma et de l'image animée relatif à la transparence des comptes de production et d'exploitation créé par le présent article (article L. 213-37 nouveau).

II. - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a apporté plusieurs éléments de précision au présent article :

- à l'article L. 213-28 nouveau, un nouvel alinéa a été inséré, visant à ce que « le montant des coûts d'exploitation ainsi que l'état d'amortissement de ces coûts mentionnés aux 3° et 5° ne (soient) indiqués que lorsqu'ils sont pris en compte pour le calcul du montant des recettes nettes revenant au producteur ».

En effet, si dans un modèle classique de partage des revenus d'exploitation entre le détenteur d'un mandat de commercialisation ou cessionnaire de droits d'exploitation et le producteur délégué, un certain nombre de coûts variables sont opposables par le mandataire (frais de sortie en salle pour le distributeur, frais d'édition de vidéo physiques pour le distributeur vidéographique, etc.) pour le calcul des recettes nettes revenant au producteur, tel n'est pas le cas, par exemple, d'une exploitation en vidéo à la demande (VàD), où le partage des revenus dépend du seul prix de vente au public ;

- au même article, l'état d'amortissement des coûts d'exploitation et des minimas garanties éventuellement consentis, ainsi que le montant des recettes revenant au producteur , dès lors que ces éléments sont individualisables , ont été intégrés aux informations devant figurer au compte d'exploitation.

Dans le cas contraire, lorsque, par exemple, le mandataire mutualise les risques en se donnant la possibilité de « compenser » entre eux les coûts et les résultats afférents aux différents modes d'exploitation couverts par le mandat, ces informations peuvent être fournies sans précision quant au territoire ou au monde d'exploitation.

- à l'article L. 213-31 nouveau, ont été exclus de l'obligation relative à l'établissement et à la transmission de comptes d'exploitation les éditeurs de services de télévision au titre des cessions de droits de diffusion conclues avec le producteur.

De fait, la diffusion télévisuelle d'une oeuvre ne générant pas de recettes d'exploitation dont les chaînes auraient à rendre compte au producteur délégué qui leur a cédé des droits de diffusion, cette obligation n'aurait pas eu de sens. En revanche, demeurent concernés par l'établissement d'un compte d'exploitation les mandataires ou cessionnaires de droits d'exploitation télévisuels, qui concluent des cessions de droits de diffusion pour des exploitations secondaires.

Au cours de la séance publique du 29 septembre dernier, la rédaction proposée pour l'article L. 213-31 nouveau a été, à nouveau, modifiée : désormais les dispositions relatives au compte d'exploitation ne sont applicables ni aux éditeurs de services de télévision s'agissant des cessions de droits de diffusion contribuant au financement de la production de l'oeuvre, ni aux salles de spectacles cinématographiques elles-mêmes pour les concessions de droits de représentation.

III. - La position de votre commission

La création d'une obligation de transparence des comptes de production et d'exploitation, contrôlée par le biais d'audits diligentés par le CNC et pouvant faire l'objet de sanctions administratives conformément à l'article 9 du projet de loi, devrait assurer une responsabilisation accrue de l'ensemble des acteurs de la filière cinématographique, placés dans une situation d'interdépendance économique. De fait, une transparence accrue est essentielle au regard du cas fréquent de financements s'appuyant sur un mécanisme de garanties croisées, où des mandats cédés sur plusieurs marchés (télévision, salle, vidéo, export) peuvent se compenser les uns les autres lorsqu'ils sont groupés par un même distributeur.

La mesure, qui représente le fruit d'une négociation de plusieurs mois entre les parties dans le cadre des Assises du cinéma, renforcera également la confiance réciproque des parties et permettra, en conséquence, de contribuer à l'amélioration des conditions de financement de la production en oeuvrant à la diversification des sources de financement et de garantir la remontée des recettes au bénéfice des différents acteurs de la chaîne de valeur en évitant la tendance de chacun à s'assurer une rémunération en amont de la sortie des oeuvres en salles afin de réduire leur risque. Cette tendance est par ailleurs source d'inflation des devis et de certaines rémunérations, au détriment du financement des oeuvres.

Votre commission y est donc favorable. Elle estime également, à l'instar de René Bonnell, que « l'harmonisation et l'accélération des rendus de compte accompliraient des progrès décisifs si était conçu, à cette fin, un logiciel commun à toute la profession, sur le modèle du logiciel ARECOA élaboré par des producteurs indépendants pour la télévision. (...) La conception finale d'un tel logiciel pourrait être prise en charge par le CNC. Certes la tâche n'est pas aisée car les montages financiers des films sont souvent complexes et singuliers. Ils comportent, pourtant, suffisamment de caractéristiques communes pour persévérer dans cette voie. Chacune des parties y gagnerait, notamment les sociétés de production mal outillées pour ce type d'exercice ». Elle estime enfin qu'une véritable transparence consisterait à ce que le CNC publie la liste des aides automatiques distribuées .

Votre commission a complété le présent article afin d' intégrer les auteurs au sens de l'article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle (auteur du scénario, de l'adaptation, des dialogues, le compositeur, le réalisateur, etc.) dans la liste des bénéficiaires des informations relatives aux comptes de production et d'exploitation (COM-8 et COM-321).

En outre, elle propose, afin de ne pas encadrer trop strictement la négociation interprofessionnelle prévue par l'article L. 213-29 nouveau s'agissant de la forme et du contenu du compte d'exploitation, de modifier l'article L. 213-28 nouveau afin de supprimer les précisions données sur ledit compte (COM-177) . Par ailleurs, les précisions relatives au compte d'exploitation se doivent d'être rédigées similairement à celles du compte de production, en modifiant à cet effet l'article L. 213-29 nouveau (COM-178).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 9 (art. L. 421-1 du code du cinéma et de l'image animée) - Sanctions des manquements aux obligations de transparence des comptes de production et d'exploitation des oeuvres cinématographiques de longue durée

I. - Le texte du projet de loi

En cohérence avec les obligations créées par l'article 8 du projet de loi concernant l'établissement et la transmission des comptes de production et d'exploitation, le présent article prévoit, pour en assurer le respect, l'application de sanctions administratives par la commission du contrôle de la réglementation (CCR) en cas de manquement.

À cet effet, sont insérés les 6 ter et 6 quater à l'article L. 421-1 du code du cinéma et de l'image animée. Le 6 ter intègre dans les manquements susceptibles d'être sanctionnés ceux relatifs à l'établissement et à la transmission du compte de production et du compte d'exploitation, ainsi que ceux qui concernent l'obligation d'information et la transmission du rapport d'audit. Le 6 quater cite, pour sa part, les manquements aux dispositions des accords interprofessionnels et décrets en Conseil d'État portant sur les comptes de production et d'exploitation et sur l'audit de ce dernier.

À l'instar des fautes pouvant déjà faire l'objet d'une sanction, les infractions aux dispositions de l'article 8 du projet de loi seront constatées par des agents assermentés et commissionnés du CNC, qui en dresseront le procès-verbal. À compter de sa notification, l'intéressé disposera de quinze jours pour faire état de ses observations au CNC. Le procès-verbal sera parallèlement communiqué au président du CNC, qui sera habilité à saisir la CCR, autorité administrative indépendante présidée par un magistrat de l'ordre administratif et composée de deux collèges distincts compétents pour des catégories différentes d'infractions. À l'issue d'une nouvelle procédure écrite contradictoire et, le cas échéant, d'une audition de l'intéressé, la CCR pourra prendre une décision administrative de sanction (avertissement, réduction ou remboursements des aides versées par le CNC, amende, fermeture temporaire d'établissement, exclusion du bénéfice des aides, etc.). Les sanctions pécuniaires viendront abonder le budget du CNC.

L'article 28 du projet de loi prévoit de modifier cette procédure par voie d'ordonnance, notamment en réservant la possibilité de saisine de la CCR à un rapporteur indépendant.

II. - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

III. - La position de votre commission

Votre commission a opéré une coordination nécessaire, s'agissant des sanctions pouvant être appliquées par le CNC, eu égard aux modifications qu'elle a apportées à l'article 8 du projet de loi (COM-10) .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 9 bis A (nouveau) (art. 43-1 de la loi n°1067 du 30 septembre 1986) - Définition du distributeur de programmes audiovisuels

Cet article, inséré par votre commission, sur proposition de notre collègue David Assouline et des membres du groupe socialiste ( COM-12 ) avec avis favorable de ses rapporteurs, vise à introduire une définition du distributeur de programmes dans la loi du 30 septembre 1986.

Cette définition qui figurerait dans un nouvel article 43-1 de la loi n°87-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, prévoit que le distributeur de programmes audiovisuels est la personne physique ou morale, à laquelle un ou plusieurs détenteurs de droits desdits programmes confient le mandat d'en assurer la commercialisation .

La rédaction proposée par cet article ne modifie pas le droit en vigueur mais permet de reconnaître une profession qui joue un rôle important dans le fonctionnement du marché de l'audiovisuel et qui est mentionnée en particulier dans les dispositions prévues par l'article 9 quater du présent projet de loi relatives à la transparence des comptes de production et d'exploitation des oeuvres audiovisuelles.

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 9 bis (art. L. 132-25 et L. 132-25-1 du code de la propriété intellectuelle) - Champ des accords entre représentants des auteurs et des producteurs d'oeuvres audiovisuelles pouvant donner lieu à une extension par arrêté

I. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a introduit le présent article en vue d'adapter le champ des accords conclus entre les représentants des auteurs, les organisations professionnelles des producteurs et, le cas échéant, d'autres secteurs d'activité en lien avec la production audiovisuelle, pouvant être étendus par arrêté du ministre en charge de la culture.

Initialement, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 132-25 du code de la propriété intellectuelle, seuls les accords relatifs à la rémunération des auteurs conclus entres les organismes professionnels d'auteurs ou les sociétés de perception et de répartition des droits et les organisations représentatives d'un secteur d'activité pouvaient être rendus obligatoires pour l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre de la culture.

Cette formulation s'est révélée à la fois trop restrictive et délicate à manipuler lors de procédures d'extension d'accords . En effet, une lecture juridique stricte peut inviter à réserver le bénéfice de l'extension par arrêté aux seuls articles d'un accord contenant des chiffres et des pourcentages en relation directe avec la rémunération des auteurs , alors que celle-ci peut être influencée par d'autres types de dispositions.

Le risque est alors de ne pouvoir étendre un accord que partiellement , alors que ses dispositions sont fréquemment inséparables et insécables. De fait, certains accords collectifs n'ont pu être étendus, à l'instar de celui relatif aux pratiques contractuelles en matière de documentaires, ou ont du faire l'objet d'arrêtés modificatifs ultérieurs, comme l'accord signé en 2013 entre auteurs scénaristes et producteurs de fiction, cette dernière solution faisant peser une insécurité juridique certaines sur l'extension.

Pour remédier à ce risque, le 1° du présent article supprime le dernier alinéa susmentionné de l'article L. 132-25 du code de la propriété intellectuelle, que son 2° remplace par un article L. 132-25-1 nouveau. Celui-ci prévoit de pouvoir étendre par arrêté du ministre en charge de la culture les accords relatifs non seulement à la rémunération des auteurs, mais également aux pratiques contractuelles ou aux usages professionnels entre auteurs et producteurs. Dès lors, il est prévu que les organisations professionnelles représentatives des producteurs soient obligatoirement signataires des accords ainsi étendus, afin que la profession ne se voit pas imposer des règles qu'elle n'aurait pas approuvées dans le cadre d'un accord initial.

Au cours de sa séance publique du 29 septembre 2015, l'Assemblée nationale a adopté la rédaction issue des travaux de sa commission des affaires culturelles sans modification.

II. - La position de votre commission

Il n'apparaît pas incohérent à votre commission qu'un arrêté ministériel puisse procéder à l'extension intégrale des accords collectifs signés entre les représentants des auteurs et des organisations représentatives d'un secteur d'activité.

La rédaction proposée ne fait, en outre, pas fi de la nécessité de devoir compter, parmi les signataires de l'accord, les organisations représentatives des parties et offre une garantie juridique appréciable pour les syndicats signataires. En cas de non-extension d'un accord collectif, il sera, par ailleurs, toujours possible aux adhérents d'un syndicat signataire d'en démissionner, afin de ne pas avoir à l'appliquer.

L'extension du champ de l'extension par arrêté représente donc une sécurité apportée à la négociation et aux accords collectifs, qu'il est utile d'encourager pour favoriser la diffusion de bonnes pratiques contractuelles.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 ter (nouveau) (art. L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle) - Information des auteurs en cas de cession d'une oeuvre audiovisuelle

Dans la rédaction actuelle de l'article L. 132-28 du code de la propriété intellectuelle, le producteur est tenu de fournir à l'auteur et aux co-auteurs, au moins une fois par an, un état des recettes provenant de l'exploitation de l'oeuvre au titre de chaque mode d'exploitation. Cette information peut être complétée, à la demande de l'auteur ou des co-auteurs, des justificatifs correspondants, notamment la copie des contrats de cession de tout ou partie des droits.

Or, en pratique, les auteurs et co-auteurs ne sont souvent pas informés des cessions intervenues sur leurs oeuvres , y compris lorsqu'elles ont pour effet de transmettre la totalité des obligations d'un contrat à un tiers, avec lequel les auteurs se trouvent alors liés.

En outre, le cédant peut n'avoir pas respecté son obligation de rendre compte et de verser les droits au titre des exploitations qu'il a initiées. Les auteurs rencontrent alors les plus grandes difficultés à exiger de lui le respect d'obligations dont il n'est plus, en principe, débiteur une fois le contrat cédé. Le cessionnaire est également susceptible de se trouver confronté à des revendications de la part des auteurs sans qu'il en ait été informé par le cédant.

Il apparaît donc nécessaire, pour assurer la sécurité juridique des auteurs et la transparence des comptes, que, en complétant l'article L. 132-28 précité, le cédant ait l'obligation d'informer, en amont, les auteurs et les co-auteurs de la prochaine cession de leur contrat (COM-179) , afin de permettre à ces derniers d'engager, le cas échéant, les démarches relatives au respect de ce contrat par le cédant. L'obligation d'information devant figurer sur les contrats de production audiovisuelle, le juge pourrait être saisi de tout manquement au respect de cette clause.

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé .

Article 9 quater (nouveau) (art. L. 251-1 à L. 251- 13 et L. 421-1 du code du cinéma et de l'image animée) - Transparence des comptes de production et d'exploitation des oeuvres audiovisuelles

La commission a adopté un amendement de notre collègue David Assouline et des membres du groupe socialiste ( COM-15) , sous-amendé par le sous-amendement COM-322 de vos rapporteurs, insérant un nouveau titre V au sein du code du cinéma et de l'image animée, consacré à la transparence des comptes de production et d'exploitation des oeuvres audiovisuelles.

Ce nouveau titre crée en particulier treize nouveaux articles dans le code du cinéma et de l'image animée .

Les dispositions de ce nouvel article 9 quater constituent le pendant, pour les oeuvres audiovisuelles, des dispositions adoptées à l'article 8 concernant la transparence des comptes de production et d'exploitation des films de cinéma qui font suite au rapport de René Bonnell.

Vos rapporteurs ont déjà eu l'occasion de préciser que la création d'une obligation de transparence des comptes de production et d'exploitation était de nature à assurer une responsabilisation accrue de l'ensemble des acteurs de la filière cinématographique placés dans une situation d'interdépendance économique . Ils partagent le même état d'esprit concernant ces dispositions « miroir » relatives aux comptes de production et d'exploitation concernant les oeuvres audiovisuelles.

Le nouvel article L. 251-1 du code du cinéma et de l'image animée prévoit une obligation de transmission du compte de production de l'oeuvre par le producteur ayant bénéficié des aides financières à la production du CNC à l'ensemble des partenaires (financeurs, diffuseurs, auteurs, éditeurs concessionnaires...).

Le nouvel article L. 251-2 prévoit que les modalités du compte de production sont définies par un accord professionnel qui associe les producteurs, les distributeurs, les éditeurs de services de télévision, les auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs. À défaut d'accord professionnel rendu obligatoire dans l'année suivant la publication de la présente loi, les modalités du compte seront définies par décret en Conseil d'État.

Le nouvel article L. 251-3 prévoit que le contrat de coproduction, le contrat de financement, les contrats conclus avec les auteurs ou toute autre personne physique ou morale bénéficiant d'un intéressement aux recettes d'exploitation de l'oeuvre comporte une clause rappelant les obligations de l'article L. 251-1.

Le nouvel article L. 251-4 reconnaît la possibilité au CNC de procéder dans les trois années suivant la date d'achèvement de l'oeuvre audiovisuelle à un audit du compte de production .

Le nouvel article L. 251-5 prévoit d' obliger les distributeurs à transmettre au producteur délégué le compte d'exploitation des oeuvres . Suite à l'adoption du sous-amendement COM-322 de votre rapporteur, les dispositions précisant les détails du compte d'exploitation ont été supprimées et renvoyées à un décret.

Le nouvel article L. 251-6 prévoit que la forme du compte d'exploitation et - selon les termes du sous-amendement COM-322 - la définition des différentes catégories qui le composent, ainsi que les conditions dans lesquelles est négociée la commission opposable, sont déterminées par accord professionnel conclu par les représentants des producteurs, des distributeurs, des éditeurs de services de télévision, des auteurs et des sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs. L'accord peut être rendu obligatoire à l'ensemble des intéressés du secteur par arrêté. À défaut d'accord, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, la forme du compte d'exploitation, la définition des encaissements bruts et des coûts d'exploitation ainsi que les conditions dans lesquelles est négociée la commission opposable seront fixées par décret en Conseil d'État.

Le nouvel article L. 251-7 prévoit que la cession des droits d'exploitation ou le contrat de mandat de commercialisation comporte une clause rappelant les obligations relatives à la transmission du compte d'exploitation prévue par l'article L. 251-5.

Le nouvel article L. 251-8 prévoit que les obligations prévues à l'article L. 251-5 précité ne sont pas applicables aux éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de médias audiovisuel à la demande (SMAD) au titre des acquisitions de droits de diffusion ou de mise à disposition du public sur les services qu'ils éditent réalisés en contrepartie d'un prix forfaitaire et définitif.

Le nouvel article L. 251-9 prévoit d'appliquer la même obligation de transmission du compte d'exploitation par le producteur délégué aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d'exploitation, aux auteurs et, le cas échéant, aux éditeurs concessionnaires des droits d'adaptation audiovisuelle d'une oeuvre imprimée.

Le nouvel article L. 251-10 prévoit que l'obligation d'établir un compte d'exploitation s'impose aussi au producteur délégué qui exploite directement une oeuvre audiovisuelle par un ou plusieurs modes d'exploitation. Ce compte d'exploitation est transmis aux autres coproducteurs, aux entreprises avec lesquelles il est lié par un contrat de financement leur conférant un intéressement aux recettes d'exploitation.

Le nouvel article L. 251-11 prévoit que le CNC peut procéder ou faire procéder par un expert indépendant à un audit du compte d'exploitation ayant pour objet de contrôler la régularité et la sincérité du compte . Le rapport d'audit est transmis au distributeur, au producteur délégué, aux autres coproducteurs ainsi qu'aux éditeurs de services de télévision qui ont contribué au financement de la production de l'oeuvre. L'article prévoit également les conditions de sanction lorsque l'audit révèle un manquement.

Le nouvel article L. 251-12 prévoit les conditions dans lesquelles le CNC peut faire procéder à un audit du compte d'exploitation établi par le producteur délégué en application d'un accord interprofessionnel obligatoire prévoyant notamment la définition du coût de production d'une oeuvre audiovisuelle.

Un second paragraphe complète l'article L. 421-1 du code du cinéma et de l'image animée qui définit les cas dans lesquels des sanctions administratives peuvent être prononcées à l'encontre des personnes ayant méconnu des obligations qui leur incombent afin de tenir compte des nouveaux impératifs prévus par le présent article.

Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 10 (art. L. 212-32, L. 212-33, L. 212-33-1 et L. 212-34 nouveaux et L. 213-21 du code du cinéma et de l'image animée) - Contrôle des recettes d'exploitation cinématographique et échanges d'informations relatives à la projection numérique des oeuvres cinématographiques en salle

I. - Le texte du projet de loi

Le présent article modifie, dans son I, les dispositifs de contrôle des recettes d'exploitation cinématographique et précise, dans son II, l'organisation et les destinataires des échanges d'informations relatives à la projection numérique des oeuvres cinématographiques en salles.

Les mesures figurant au I et visant à compléter l'article L. 212-32 du code du cinéma et de l'image animée sont, pour l'essentiel, prévues dans la réglementation au sein de la section 7 relative au contrôle des recettes d'exploitation cinématographique du chapitre 2 du titre 1 er du Livre II de la partie réglementaire du même code, soit aux articles D. 212-67 à D. 212-89. De fait, l'encadrement juridique du contrôle des recettes d'exploitation des oeuvres cinématographiques , qui constitue le fondement des mécanismes de remontée de ces recettes vers le CNC comme vers les ayants droit, est au coeur de l'activité de l'opérateur depuis sa création. Il a fait l'objet d'une premier modernisation en 2009 lors de l'édiction de la partie législative du code du cinéma et de l'image animée et de la publication de son décret d'application n° 2009-1254 du 16 octobre 2009, codifié aux articles D. 212-67 à D. 212-89 précité.

La taxe sur les entrées en salle

Cette taxe, assise sur les recettes de la billetterie des salles de cinéma , est recouvrée et contrôlée directement par le CNC. Son taux est établi 10,72 % en métropole et à 1 % dans les départements d'Outre-mer, auxquels le périmètre de la taxe sera étendu au 1 er janvier 2016, en application de la loi de finances rectificative pour 2014.

La diffusion en salle de cinéma étant un marché d'offre, ses résultats sont difficilement prévisibles au-delà d'un horizon de six mois correspondant au calendrier connu des sorties de films. Il est néanmoins possible de tirer de l'analyse des années précédentes des tendances et d'en déduire des projections pour l'avenir.

Dès lors, les prévisions de rendement pour 2016 reposent sur une hypothèse de fréquentation globale annuelle de 198,3 millions d'entrées , dont 195 millions en métropole (moyenne de la fréquentation des dix dernières années) et 3,3 millions dans les départements ultramarins. S'agissant du prix moyen du billet, l'hypothèse retenue s'établit à 6,44 euros en métropole et 6,58 euros Outre-mer.

Ces prévisions conduisent à estimer le produit de la taxe à 134,8 millions d'euros en 2016 , dont 217 000 liés à son extension aux départements d'Outre-mer. Cette stabilité devrait se confirmer dans les années à venir.

Or, il est apparu que la base légale de ces dispositions , qui précisent les contraintes reposant sur les exploitants quant à la manière dont fonctionne et dont est tenue leur billetterie, ainsi que leurs obligations de transmission régulière d'informations, devaient ressortir du niveau législatif et non pas de la partie réglementaire. En effet, en application de l'article 34 de la Constitution, relèvent du domaine de la loi, au titre de la garantie des libertés publiques , toute disposition imposant une contrainte à un professionnel ou à individu.

À cet effet, le A du I complète l'article L. 212-32 relatif au contrôle des recettes d'exploitation cinématographique et en modernise certains termes.

Le 1° remplace le mot « billet » par le mot « droit » afin que les recettes prises en compte ne se limitent pas à la seule vente de billets imprimés mais concernent également les titres d'entrée dématérialisés.

Le 2° élargit l'obligation de transmission hebdomadaire, au CNC, de la déclaration des recettes réalisées par l'exploitant pour chaque programme aux distributeurs et à la SACEM. Il permet également que cette transmission aux distributeurs et à la SACEM soit réalisée par le CNC lui-même en lieu et place de l'exploitant.

Enfin, le 3° fait remonter dans la partie législative du code les obligations suivantes, relatives au contrôle des outils de vente et d'émission des titres d'entrée :

- les fabricants, les importateurs et les marchands de billets déclarent au CNC la livraison de ces billets aux établissements ;

- les constructeurs et les fournisseurs de systèmes informatisés de billetterie les font homologuer par l'opérateur, sur la base de leur conformité à un cahier des charges, et lui en déclarent la livraison aux établissements ;

- les installateurs des systèmes précités déclarent au CNC leur installation dans les établissements, ainsi, à l'instar des exploitants, que l'état des compteurs de numérotation lors de toute mise en service, tout changement de lieu d'implantation ou toute modification technique nécessitant l'intervention du constructeur ou du fournisseur.

Le B du I complète, pour sa part, la section 7 du chapitre II du titre I er du livre II du code du cinéma et de l'image animée précitée par deux articles L. 212-33, qui reprend également des dispositions figurant dans la partie réglementaire du même code, et L. 212-34.

L'article L. 212-33 nouveau précise que le droit d'entrée à une séance est individuel et sa tarification est organisée en catégories selon des modalités fixées par voie réglementaire. Sauf exception, un droit d'entrée non dématérialisé ne peut être délivré hors d'un établissement. Quelle que soit sa forme, il doit être conservé par le spectateur jusqu'à la fin du spectacle.

L'article L. 212-34 nouveau renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités d'application de la section 7 susmentionnée ainsi complétée.

Le II du présent article complète, quant à lui, avec des dispositions nouvelles, l'article L. 213-21, introduit dans le code par la loi n° 2010-1149 du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, qui dispose que « les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques transmettent aux distributeurs les données extraites des journaux de fonctionnement des équipement de projection numérique relative à l'exploitation des oeuvres cinématographiques de longue durée que ces distributeurs ont mis à leur disposition. » Les données relatives à l'utilisation de l'ensemble des équipements de projection numérique sont également transmises au CNC. Cette double obligation vise à assurer la transparence de la programmation des films en salles, ainsi que, en matière d'exploitation numérique, l'efficacité de la remontée comme la sincérité des recettes d'exploitation.

Elle n'a cependant jamais été mise en oeuvre, en raison de difficultés techniques. Pour remédier à ce blocage, le CNC a diligenté une mission d'évaluation puis une mission de maîtrise d'oeuvre, afin de concevoir et organiser les modalités pratiques d'une transmission et d'une interprétation automatisées de données. Ces travaux ont mis en lumière la nécessité d'imposer des obligations de transmission de données accessoires, mais indispensables pour l'interprétation des données extraites des journaux de fonctionnements, à la charge d'autres professionnels que les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques.

Dès lors, outre le 1°, qui, comme pour la déclaration de recettes hebdomadaire de l'exploitant qui peut être transmise aux distributeurs et à la SACEM par le CNC, permet à l'opérateur de se charger de la transmission des données extraites des journaux de fonctionnement des équipements de projection numérique en lieu et place de l'exploitant, le 2° impose aux exploitants de transmettre au CNC les certificats de ces équipements . En outre, les distributeurs et les régisseurs de messages publicitaires qui mettent à la disposition des exploitants des oeuvres sous forme numérique ou les laboratoires qui réalisent ces fichiers pour le compte des distributeurs et des régisseurs sont tenus de transmettre au CNC les identifiants universels uniques, ainsi que les numéros internationaux normalisés de ces oeuvres.

Les modalités relatives à la mise en oeuvre de ces nouvelles obligations, qui porteront sur l'ensemble des exploitants et des distributeurs puisque l'intégralité des salles françaises est équipée pour la projection numérique, seront fixées par décision du président du CNC.

II. - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de son rapporteur, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a permis, à l'article L. 212-32 du code du cinéma et de l'image animée, que la SACEM ne soit pas l'unique société de perception et de répartition des droits musicaux à être récipiendaire des bordereaux de recettes hebdomadaires transmises directement par les exploitants de salles ou via le CNC, afin de ne pas créer un régime de gestion collective obligatoire pour les droits musicaux dans les salles.

En outre, à l'initiative du Gouvernement, elle a introduit un article L. 212-33-1 nouveau au sein du même code visant à interdire la diminution artificielle du prix du droit d'entrée, soit en raison d'une vente liée (achat groupé d'un billet avec une boisson ou une confiserie par exemple ), soit par la facturation de frais de réservation ou de vente en ligne. Il s'agit de préserver la sincérité de l'assiette applicable à la taxe spéciale additionnelle (TSA) versée au CNC sur le montant des recettes réalisées sur les entrées en salles, comme à la rémunération des titulaires de droits.

Puis, au cours de sa séance publique du 29 septembre 2015, l'Assemblée nationale a procédé à deux modifications rédactionnelles au présent article.

III. - La position de votre commission

Le présent article est majoritairement constitué de dispositions figurant déjà dans la partie réglementaire du code du cinéma et de l'image animée . D'ailleurs, son contenu figurait originellement à l'article 28, visant à habiliter le Gouvernement à introduire des dispositions nouvelles dans la partie législative dudit code, mais le Conseil d'État a considéré que son niveau de précision justifiait un article à part entière dans le projet de loi.

Les mesures nouvelles, notamment celle introduite par l'Assemblée nationale dans le cadre de l'article L. 212-33-1 nouveau relatif aux ventes liées, apportent une clarification utile dans le calcul et la remontée des recettes d'exploitation . Si des interrogations ont pu naître, s'agissant de ce dispositif, quant à la prise en compte des frais de vente ou de réservation en ligne, il apparaît que leur fondement est largement exagéré. En effet, avec un taux moyen d'occupation des salles de 16 %, la réservation de billets en ligne reste un phénomène minoritaire.

Reste que la rédaction proposée pour l'article L. 212-34 nouveau n'est guère satisfaisante. Il convient de la modifier afin de la limiter à un renvoi, sans précision inutile, à un texte réglementaire (COM-180).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.