EXAMEN EN COMMISSION
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M. Philippe Bas , président . - Nous en venons à l'examen en nouvelle lecture de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle et de la proposition de loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections.
M. Christophe Béchu , rapporteur . - Nous avons échoué à trouver un accord en commission mixte paritaire. Aucun des points sur lesquels le Sénat a délibéré n'a été repris par l'Assemblée nationale, et cela pour aucune des deux propositions de loi : ni l'horaire unique national de fermeture des bureaux de vote, ni les modifications concernant les Français de l'étranger. L'Assemblée nationale a également refusé le compromis que nous avions trouvé en préférant revenir à l'équité plutôt que l'égalité pour les temps de parole pendant la totalité de la « période intermédiaire ». Pour les comptes de campagne, les députés ont choisi de maintenir un délai de douze mois pour l'élection présidentielle de 2017 et celles qui suivront, tout en rétablissant un délai de six mois pour toutes les autres élections. Ils ont du coup modifié le titre de la proposition de loi. Enfin, ils ont supprimé l'ajout de MM. Portelli et Sueur sur les sondages, alors que cette mesure avait été votée à l'unanimité tant au Sénat qu'à la commission des lois de l'Assemblée nationale.
M. Alain Richard . - C'est criminel !
M. Christophe Béchu , rapporteur . - Soit nous protestons de manière véhémente, en organisant une grève de la faim...
M. Pierre-Yves Collombat . - Ou un suicide par le feu !
M. Christophe Béchu , rapporteur . - ... soit nous nous montrons plus mesurés, en refusant cependant de faire semblant de chercher un accord. Sur la proposition de loi organique, je vous propose d'adopter une question préalable. Sur la proposition de loi, je vous propose trois amendements. Le premier maintient le délai de douze mois pour les comptes de campagne de toutes les élections en supprimant l'article 1 er A. La mesure introduite par les députés est un « cavalier » invraisemblable : on ne peut pas profiter ainsi de la procédure accélérée liée à l'élection présidentielle pour modifier les règles sur toutes les autres élections ! Un deuxième amendement rétablit, en conséquence, le titre de la proposition de loi. Enfin, un troisième amendement rétablit les dispositions sur les sondages un point qui faisait consensus.
M. Jean Louis Masson . - J'ai déjà dit mon opposition à la réforme proposée. Par conséquent, si je suis hostile à ce que propose l'Assemblée nationale pour la proposition de loi organique, je suis tout aussi hostile à ce qu'avait voté le Sénat. Les députés ont très bien fait de ne rien en retenir. Je suis contre le principe de la question préalable. Mieux vaut que nous ayons un débat pour améliorer le texte. Je ne voterai pas non plus les amendements du rapporteur sur la proposition de loi, car je considère que les mesures adoptées par l'Assemblée nationale sont positives.
M. Alain Anziani . - Je partage sur bien des points la position du rapporteur, mais pas sur la nécessité de régler dès à présent la question de l'élection présidentielle qui suivra celle de 2017. Quant à la méthode, je ne suis ni pour la grève de la faim, ni pour la grève des débats. La question préalable n'est pas une bonne solution. Je comprends vos raisons, mais nous souhaitons poursuivre le débat jusqu'au bout.
M. Pierre-Yves Collombat . - Les grandes douleurs sont muettes et la proposition du rapporteur est la bonne. Il n'y a aucune possibilité d'accord avec l'Assemblée nationale, qui ne fait que préparer la prochaine élection présidentielle en faveur du sortant.
Mme Éliane Assassi . - Je suivrai les préconisations du rapporteur sur ce sujet sensible et très politique.
M. Philippe Bas , président . - Monsieur le rapporteur, c'est un raz-de-marée en faveur de vos propositions.
M. Christophe Béchu , rapporteur . - Il ne m'a pas échappé que M. Anziani n'était pas tout à fait d'accord. Quant à M. Masson, son opposition me rassure, et ne fait que confirmer que ma position est modérée ! S'il souhaitait améliorer le texte, il aurait dû participer aux débats dans l'hémicycle lors de la première lecture.
Il est intolérable de ramener le délai de douze à six mois pour l'inscription des dépenses et des recettes dans les comptes de campagne, sans regarder dans le détail et en profitant de la procédure accélérée. C'est un moyen de favoriser ceux qui sont en place. Dans l'élection présidentielle, la propagande électorale est assurée via les médias nationaux ; ce n'est pas le cas au niveau local, où les médias locaux n'ont pas la même impartialité. Allonger la durée de la période de campagne, c'est une manière d'assurer le respect du débat démocratique. En outre, la période des dépenses est aussi celle des recettes. Un candidat qui ne serait pas soutenu par un parti politique aura du mal à trouver les financements pour faire campagne en six mois.
Je remercie M. Collombat et Mme Assassi de leur soutien.
Je ne comprends pas que la rapporteure de l'Assemblée nationale ne tente même pas d'esquisser un pas dans notre direction sur un ou deux points symboliques. Ce n'est pas faute d'avoir plaidé en ce sens. Les députés n'ont retenu qu'une seule modification, la publication intégrale des « parrainages », et encore, ils l'ont fait en rétablissant la publication « au fil de l'eau ». C'est loin d'être une avancée majeure. Le Gouvernement a affiché dans l'hémicycle son hostilité aux mesures concernant les sondages. Je fais le deuil du texte adopté au Sénat. En tout état de cause, le groupe socialiste de l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas intérêt à ce que les débats se prolongent. La petite musique sur le caractère anti-démocratique de ce qui en ressort pourrait bien enfler. Si nous ne votons pas la proposition de loi organique, il faudra qu'elle soit adoptée à la majorité absolue des députés, et cette majorité sera difficile à trouver. Chacun devra prendre ses responsabilités et l'issue pourrait bien être l'inverse de ce que le Gouvernement espère. La question préalable est une réponse appropriée aux postures et à l'attitude du Gouvernement et de la rapporteure de l'Assemblée nationale. Elle est aussi une réponse appropriée pour abréger les souffrances de la majorité à l'Assemblée nationale, tout en permettant quelques avancées tenant compte des recommandations des autorités indépendantes.
M. Philippe Bas , président . - Notre rapporteur présente une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique sur la modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.
M. Jean Louis Masson . - Je demande un vote.
La motion tendant à opposer la question préalable est adoptée. Par conséquent, les amendements COM-7, COM-5, COM-6, COM-9, COM-1, COM-11, COM-12, COM-13, COM-4 et COM-2 ne sont pas adoptés.
- Présidence de M. François Pillet , vice-président -
M. François Pillet , président . - Nous en venons à l'examen des amendements à la proposition de loi sur la modernisation de diverses règles applicables aux élections.
M. Christophe Béchu , rapporteur . - L'Assemblée nationale a rétabli l'article qui réduit la durée de prise en compte des dépenses et recettes dans les comptes de campagne de douze à six mois pour toutes les élections, à l'exception de l'élection présidentielle. Mon amendement COM-3 supprime ce « cavalier ».
M. Jean Louis Masson . - Un candidat aux élections cantonales en 2014, puis aux élections régionales en 2015 a perdu sa liberté d'action en tant qu'élu pendant deux ans. La commission nationale des comptes de campagne a demandé à trois reprises que le délai soit ramené à six mois, pour éviter que le contentieux juridique s'étale trop en cas de contestation. Il est hypocrite de prétendre que c'est une période trop courte pour obtenir des financements. La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a établi que, dans les six premiers mois, les candidats effectuaient moins de 5 % des dépenses et encaissaient moins de 3 % des recettes. Je remercie le rapporteur de penser aux non-inscrits, mais je suis mieux placé que lui pour en parler : sans parti, un candidat reçoit très peu de dons.
Cet article a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale à la demande du groupe Les Républicains. En nouvelle lecture, la rapporteure socialiste a voulu le supprimer. Un amendement des députés Les Républicains l'a rétabli. Il a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Et voilà que le rapporteur Les Républicains du Sénat en propose la suppression... Ces prises de position divergentes entre membres d'un même groupe nous donnent à voir le degré zéro de la politique politicienne.
Mme Catherine Tasca . - Ce sujet soulève des passions disproportionnées. La proposition de notre rapporteur est tout à fait fondée. Notre principe constant est de ne pas jouer au yoyo avec les règles d'organisation des élections, a fortiori à la veille d'un rendez-vous électoral majeur. C'est une raison bien suffisante. Autrement, l'initiative législative risque d'être perçue comme manipulatrice.
M. Alain Anziani . - Mme Tasca a raison. Loin de toute politique politicienne, nous tentons de prendre de la hauteur sur un sujet délicat. Je suis opposé à la modification du délai pour les comptes de campagne, pour les élections législatives comme pour l'élection présidentielle. Nous voterons l'amendement du rapporteur.
- Présidence de M. Philippe Bas , président -
M. Christophe Béchu , rapporteur . - C'est vrai, les députés du groupe Les Républicains ont déposé un amendement pour rétablir cet article. Cependant, le groupe de l'UDI et le groupe socialiste ont déposé des amendements identiques.
M. Pierre-Yves Collombat . - Les gros partis ont les mêmes intérêts.
M. Christophe Béchu , rapporteur . - Il est cocasse qu'un non-inscrit nous appelle à la discipline de vote avec nos collègues de l'Assemblée nationale ! Je vote avec mes convictions sans m'imposer de ligne caporaliste par rapport à ce que pensent les états-majors. Je n'ai reçu aucune aide de ma famille politique pour mes campagnes locales. J'aurais compris, à la rigueur, que l'on modifie les règles pour toutes les élections, mais alléger, de cette manière, les obligations pour les sortants n'est ni souhaitable, ni démocratique. Je maintiens mon amendement de suppression.
L'amendement COM-3 est adopté.
Les amendements COM-6 et COM-7 sont déclarés irrecevables.
M. Christophe Béchu , rapporteur . - Mon amendement COM-4 est identique à l'amendement COM-1 de M. Sueur et à l'amendement COM-2 de M. Portelli, auteurs de la proposition de loi sur les sondages.
M. Jean Louis Masson . - Il faudrait en parler plus longuement.
M. Philippe Bas , président . - Nous en avons déjà beaucoup parlé.
M. Jean Louis Masson . - Je demande un vote en bonne forme.
Les amendements identiques COM-4, COM-1 et COM-2 sont adoptés.
Intitulé de la proposition de loi
M. Christophe Béchu , rapporteur . - Mon amendement COM-5 rétablit le titre initial de la proposition de loi.
L'amendement COM-5 est adopté.
M. Jean Louis Masson . - Je veux pouvoir expliquer mon vote.
M. Philippe Bas , président . - Vous le ferez en séance.
M. Jean Louis Masson . - C'est scandaleux. Je sors.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1
er
|
|||
M. MASSON |
5 |
Sanctions pénales en cas de pression ou de
don
|
Rejeté |
M. MASSON |
6 |
Sanctions pénales en cas de pression ou de don
|
Rejeté |
M. MASSON |
7 |
Interdiction de publier le nom des « parrains » |
Rejeté |
M. MASSON |
9 |
Ouverture de la possibilité d'être candidat
|
Rejeté |
Article 2
|
|||
M. LECONTE |
1 |
Ajout des vice-présidents de conseils consulaire |
Rejeté |
Article 3
|
|||
M. COLLOMBAT |
11 |
Suppression |
Rejeté |
Article 4
|
|||
M. COLLOMBAT |
12 |
Suppression |
Rejeté |
M. MASSON |
3 |
Application du principe d'égalité au temps
|
Rejeté |
M. COLLOMBAT |
13 |
Application du principe d'égalité au temps
|
Rejeté |
Article 7
|
|||
M. MASSON |
4 |
Concomitance de l'élection
|
Rejeté |
Article 8
|
|||
M. LECONTE |
2 |
Suppression |
Rejeté |
PROPOSITION DE LOI
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1
er
A
|
|||
M. BÉCHU, rapporteur |
3 |
Suppression |
Adopté |
M. MASSON |
6 |
Restrictions à l'affichage électoral |
Irrecevable |
M. MASSON |
7 |
Réglementation de l'usage des couleurs
|
Irrecevable |
Articles 2
ter
|
|||
M. BÉCHU, rapporteur |
4 |
Modernisation du cadre des sondages électoraux (champ d'application, méthodologie, contrôle) |
Adopté |
M. SUEUR |
1 |
Modernisation du cadre des sondages électoraux (champ d'application, méthodologie, contrôle) |
Adopté |
M. PORTELLI |
2 |
Modernisation du cadre des sondages électoraux (champ d'application, méthodologie, contrôle) |
Adopté |
Intitulé de la proposition de loi |
|||
M. BÉCHU, rapporteur |
5 |
Conséquence |
Adopté |