C. UN ACCORD CLASSIQUE ASSORTI DE DISPOSITIONS INNOVANTES
1. Un contenu classique
La France a passé près d' une centaine d'accords bilatéraux de protection des investissements . Elle dispose ainsi d' un des réseaux d'accords les plus denses au monde dans ce domaine. De manière générale, ces accords visent à assurer une meilleure protection juridique des investisseurs français contre les risques de nature politique qu'ils encourent à l'étranger, notamment dans les pays émergents.
L'API France-Colombie contient ainsi la plupart des dispositions classiques des accords de protection des investissements, dispositions qui visent à assurer un environnement juridique sûr aux investisseurs.
A cet égard, la principale disposition consiste en la possibilité de recours à un mécanisme arbitral de règlement des différends (article 15). Si la propriété privée fait l'objet d'une protection de rang constitutionnel en Colombie, les procédures de règlement des différends, quand ils sont soumis à la justice locale, sont effet particulièrement longues (atteignant parfois 10 à 15 ans).
L'accord stipule par ailleurs que chaque partie bénéficie du traitement de la nation la plus favorisée (article 5). Cette clause assure aux investisseurs de bénéficier, sur le territoire de l'autre partie, d'un traitement non moins favorable que celui accordé par cette dernière, dans des situations analogues, à ses propres investisseurs ou à des investisseurs d'un pays tiers.
L'accord limite les possibilités d'expropriation et de nationalisation des investissements accueillis (article 6). Les parties ne peuvent ainsi exproprier ou nationaliser les investissements des investisseurs qu'elles accueillent sur leur territoire respectif que pour une cause d'utilité publique, de manière non-discriminatoire et moyennant le versement d'une indemnité.
De manière classique, l'accord stipule également que les parties encouragent et admettent les investissements de l'autre partie sur leur territoire (article 3). Cette stipulation ne crée cependant aucune obligation juridique pour les parties, l'admission et l'établissement de ces investissements restant soumis aux prescriptions de leurs lois et réglementations respectives.
2. Des dispositions innovantes
Outre les dispositions classiques figurant dans les API, cet accord propose des éléments innovants sur l'équilibre entre la protection des investisseurs et le droit des Etats à réguler.
L'obligation d'accorder un traitement juste et équitable aux investisseurs est renforcée (article 4). L'interdiction de l'expropriation, inclut l'expropriation indirecte et est précisée par rapport à d'anciens accords (article 6).
Parallèlement à ces dispositions protectrices, le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée ne doivent pas faire obstacle à l'adoption de mesures destinées au maintien de l'ordre public en cas de menace contre les intérêts de l'Etat (article 5.3). La clause de libre transfert est modérée par l'exception en cas de menace de déséquilibre de la balance des paiements (article 8). La clause d'exceptions concernant la sécurité concerne par ailleurs toutes les dispositions de l'accord (article 14). Il faut enfin relever les clauses relatives à la diversité culturelle et linguistique (article 9), les mesures relatives à l'environnement, à la santé et aux droits sociaux (article 10) et la responsabilité sociale des entreprises (article 11).
Concernant le règlement des différends entre l'investisseur et l'Etat (article 15), il faut d'abord préciser que l'article 10.2 relatif à l'environnement, à la santé et aux droits sociaux en est exclu, ce qui évite toute réclamation d'un investisseur sur ce fondement .
La disposition relative au règlement des différends est très précise par rapport à la rédaction d'autres API et intègre les évolutions récentes en la matière. Il est notamment prévu la possibilité de faire application des règles de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur la transparence (article 15.12). Il est par ailleurs prévu la prise en charge des dépens (ou frais de procédure) par les demandeurs en cas de demandes frivoles ou futiles (article 15.14). La fonction du tribunal arbitral est précisée , en indiquant clairement l'obligation d'établir les constatations juridiques et factuelles, outre le type de réparations pouvant être prononcées (article 15.15). Il est notamment exclu que le tribunal arbitral puisse se prononcer sur la légalité des lois de l'Etat (article 15.16). L'indépendance des arbitres est par ailleurs prévue (article 15.19-b).