II. LA CINQUIÈME PROROGATION DE L'ÉTAT D'URGENCE
A. LE CONTEXTE DE CETTE NOUVELLE PROROGATION
En application de l'article 1 er de la loi du 21 juillet 2016, l'état d'urgence aurait dû être applicable en France métropolitaine et outre-mer jusqu'au 22 janvier 2017 à minuit. Toutefois, la démission du Gouvernement de Manuel Valls 30 ( * ) le 6 décembre 2016 contraint le nouveau Gouvernement de Bernard Cazeneuve à anticiper cette échéance puisque, conformément à l'article 4 de la loi du 3 avril 1955, « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ». En application de cette disposition, et selon l'analyse de l'Assemblée nationale, l'état d'urgence cesserait donc d'être applicable à compter du jeudi 22 décembre à zéro heure en l'absence d'un nouveau texte législatif de prorogation .
Après en avoir délibéré lors d'un conseil des ministres restreint réuni le samedi 10 décembre 2016, le Gouvernement a décidé de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale le présent projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Sur le rapport de Pascal Popelin, la commission des lois a établi son texte lors de sa réunion du lundi 12 décembre et les députés ont examiné et adopté le texte du projet de loi au cours de leur troisième séance publique du mardi 13 décembre.
B. LE MAINTIEN DE LA MENACE TERRORISTE À UN NIVEAU ÉLEVÉ
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement fait tout d'abord valoir que l'état d'urgence demeure justifié par la persistance d'une menace terroriste très élevée s'étant traduite, dans la période récente, « par une succession d'attentats réussis, déjoués ou ayant échoué ».
Ainsi, au-delà de la menace que représentent les individus présents sur la zone syro-irakienne et qui, dans le contexte géopolitique et militaire actuel, pourraient être tentés de regagner le territoire national, il apparaît que le danger principal vient également de personnes présentes sur notre sol envisageant un passage à l'acte terroriste , conformément aux consignes transmises par Daech et ainsi que l'ont démontré les attentats commis en France les 13 juin 2016 à Magnanville, 14 juillet à Nice et 26 juillet à Saint-Etienne du Rouvray.
À cet égard, tout en notant la très forte croissance du nombre d'attentats déjoués au cours de l'année 2016 (16 projets déjoués, 29 personnes mises en cause) par rapport à la période 2013-2015 (12 projets déjoués, 18 personnes mises en cause), le Gouvernement relève que les projets déjoués en 2016 étaient, à une exception, organisés par des personnes présentes sur le territoire national et non par des individus de retour des théâtres d'opérations , ce qui n'était pas le cas au cours de la période antérieure (un tiers des attentats déjoués entre 2013 et 2015 imputable à des personnes de retour des théâtres d'opérations).
Il est donc à cet égard manifeste, comme le souligne l'exposé des motifs, que « la menace que représentent les individus présents en France et inspirés ou soutenus par Daech, qui se diversifie et s'étend, se conjugue avec la persistance d'un risque élevé d'attaques commises par des individus projetés depuis l'étranger selon un mode opératoire similaire 31 ( * ) à celui des attentats de Paris du 13 novembre 2015 ».
Cette menace terroriste s'inscrit désormais dans un contexte pré-électoral , d'ores et déjà intense avec les élections primaires en vue de l'élection présidentielle organisées par les partis politiques, susceptible d'accroître les tentatives de passage à l'acte . D'une part, cette période est traditionnellement marquée par le nombre important de réunions et de rassemblements publics occasionnant « des concentrations de population en de très nombreux points du territoire, susceptibles de représenter des cibles et nécessitant d'en assurer la sécurité ». D'autre part, des tentatives de commission d'actes de terrorisme apparaissent plus probables en raison de l'impact accru sur l'opinion publique que pourrait avoir un attentat réussi pendant une période de débats politiques comme celle d'une campagne électorale.
Le Gouvernement considère par conséquent que ces éléments relatifs à la menace terroriste à laquelle notre pays est exposé caractérisent une situation de « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public », selon les termes de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955. Il est par conséquent proposé une prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017, tout en l'assortissant d'une dérogation à l'article 4 de la loi de 1955 pour que la présente prorogation ne soit pas caduque en cas de démission du Gouvernement consécutive à l'élection du Président de la République ou à celle des députés de l'Assemblée nationale.
* 30 Décret du 6 décembre 2016 du Président de la République relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement.
* 31 Certains auteurs de ces attentats se sont mélangés aux flux de réfugiés venant de la zone syrienne.