N° 379
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mars 2018 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , visant à faciliter la sortie de l' indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer ,
Par M. Thani MOHAMED SOILIHI,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Sébastien Leroux, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
475 , 547 et T.A. 71 |
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Sénat : |
231 et 380 (2017-2018) |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOISRéunie le mercredi 28 mars 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas , président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur , et établi son texte sur la proposition de loi n° 231 (2017-2018) visant à faciliter la sortie de l' indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer , adoptée par l'Assemblée nationale le 18 janvier 2018. • La proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale : mobiliser un nouvel outil pour contribuer à résoudre les difficultés foncières ultramarines Ce texte met en place un dispositif dérogatoire et temporaire qui vise à favoriser les sorties d'indivision et encadre les conséquences des partages qui en découlent. À l'issue de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, l' article 1 er prévoyait que les biens indivis situés dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, et relevant de successions ouvertes depuis plus de cinq ans , pouvaient faire l'objet d' un partage ou d'une vente à l'initiative des indivisaires titulaires en pleine propriété de plus de la moitié des droits indivis . Ce dispositif ne s'appliquait pas si l'un des indivisaires était le conjoint survivant ayant sa résidence dans le bien ou s'il se trouvait dans une situation de faiblesse protégée par la loi (mineur ou majeur protégé ou indivisaire présumé absent), à moins d'obtenir une autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille selon les cas. L' article 2 de la proposition de loi autorisait le notaire à accomplir la vente ou le partage à défaut d'opposition des indivisaires minoritaires, dans les trois mois suivant la notification du projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires , sa publication dans un journal d'annonces légales ainsi que sa publicité par voie d'affichage et sur un site internet. En cas d'opposition d'un ou plusieurs indivisaires minoritaires, les indivisaires majoritaires qui souhaitaient vendre le bien ou procéder à son partage devaient saisir le tribunal . Ce dispositif avait vocation à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2028 . Les articles 3 et 4 avaient été supprimés et intégrés à l'article 2, pour une meilleure lisibilité de la procédure. L' article 5 , ajouté par l'Assemblée nationale, visait à adapter aux spécificités polynésiennes le dispositif d'attribution préférentielle , prévu au 1° de l'article 831-2 du code civil, en permettant à un héritier copropriétaire ou au conjoint survivant de demander l'attribution préférentielle du bien, s'il démontre qu'il y avait sa résidence « par une possession continue, paisible et publique depuis un délai de dix ans antérieurement à l'introduction de la demande », alors qu'en application du droit en vigueur, le demandeur doit prouver qu'il avait sa résidence sur le bien « à l'époque du décès » du de cujus . Cette attribution préférentielle s'exercerait sous le contrôle du juge. L' article 6 , également ajouté par l'Assemblée nationale, visait à empêcher la remise en cause d'un partage judiciaire transcrit ou exécuté , par un héritier omis, celui-ci ne pouvant que « demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage ». • La position de la commission des lois : concilier efficacité du dispositif et garanties juridiques du droit de propriété Le rapporteur a rappelé que le droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut souffrir de limites à son exercice, à moins que ces limites ne soient justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. Il a considéré que la situation tout à fait particulière du foncier ultramarin constituait effectivement un motif d'intérêt général justifiant, dans son principe, la mise en place du régime dérogatoire de sortie d'indivision. Quant au caractère proportionné à l'objectif poursuivi des mesures proposées, il a estimé que l'Assemblée nationale, en imposant une notification du projet de vente ou de partage par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires, en renforçant les modalités de publicité du projet et en renversant la charge de la saisine du juge en cas d'opposition d'un indivisaire minoritaire au projet, avait apporté de solides garanties qui s'ajoutaient au caractère temporaire du dispositif créé. Aussi la commission des lois a-t-elle entendu s'inscrire dans la continuité des travaux engagés par l'Assemblée nationale, en proposant des modifications de nature à renforcer encore l'efficacité du dispositif tout en lui apportant de nouvelles garanties en termes de sécurité juridique. À l' article 1 er , elle a étendu l'application du dispositif dérogatoire de sortie d'indivision aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin . Elle a ensuite prévu qu'il ne s'appliquerait qu'aux successions ouvertes depuis plus de dix ans , et non pas aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans, pour permettre aux héritiers d'exercer pleinement les actions qui sont prévues à leur profit par le code civil, comme l'action en possession d'état pour établir une filiation post mortem avec le de cujus , qui se prescrit par dix ans, ou l'option successorale qui peut être exercée par l'héritier dans ce même délai. Enfin, par souci de cohérence, votre commission a modifié la majorité requise pour effectuer des actes d'administration ou de gestion , jusqu'à présent fixée à deux tiers des droits indivis, pour éviter qu'il soit plus difficile d'effectuer ces actes que de procéder à des actes de disposition, puisque la proposition de loi autorise la vente ou le partage du bien à l'initiative des indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis seulement. À l' article 2 , en cas de projet de vente du bien à une personne étrangère à l'indivision, la commission a prévu la possibilité pour tout indivisaire qui le souhaiterait, d'exercer un droit de préemption , pour se porter acquéreur du bien aux prix et conditions de la cession projetée. Elle a ensuite supprimé la notion de « présomption de consentement » au projet de l'indivisaire qui ne se serait pas manifesté, estimant qu'il était plus pertinent de prévoir que la vente ou le partage du bien lui serait « opposable ». Pour encourager les héritiers à partager les biens indivis, la commission a introduit dans le texte un nouvel article 2 bis qui met en place une exonération du droit de partage de 2,5 % pour les immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par le dispositif dérogatoire de sortie d'indivision. À l'initiative de Mme Lana Tetuanui, elle a également introduit dans le texte un nouvel article 5 A , qui consacre la possibilité de procéder , en Polynésie française, à un partage du bien par souche , quand le partage par tête est rendu impossible en raison notamment du nombre d'héritiers ou de l'ancienneté de la succession. À l' article 5, elle a étendu aux autres collectivités ultramarines concernées par le texte l'application du mécanisme créé au bénéfice de la Polynésie française, consistant à permettre au conjoint survivant ou à un héritier copropriétaire de bénéficier de l'attribution préférentielle du bien sur lequel il a établi sa résidence. La commission a procédé à la même extension , à l' article 6 , s'agissant du dispositif visant à empêcher la remise en cause d'un partage judicaire transcrit ou exécuté , par un héritier omis à la suite d'une erreur ou d'une ignorance. Bien consciente que ce texte ne résoudrait pas, à lui seul, les difficultés foncières des territoires ultramarins, elle a estimé néanmoins qu'il pourrait constituer un outil intéressant de sécurisation du foncier, s'il était associé à d'autres initiatives, comme la mise en place de groupements d'intérêt public ayant pour objet la reconstitution des titres de propriété. La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée. |