EXAMEN DES ARTICLES
TITRE 1ER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX COLLECTIVITÉS RÉGIES PAR L'ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION ET À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

(Division et intitulé supprimés)

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-1 tendant à supprimer cette division et son intitulé, par cohérence avec l'extension des dispositions proposées à d'autres collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et avec l'extension des dispositions relatives à la Polynésie française, prévues aux articles 5 et 6, à l'ensemble des collectivités ultramarines concernées par le texte.

Article 1er - Mise en place d'un dispositif dérogatoire de sortie d'indivision
au champ d'application limité

L'article 1 er de la proposition de loi met en place un dispositif de sortie d'indivision dérogatoire du droit commun au bénéfice des collectivités territoriales régies par l'article 73 de la Constitution (Mayotte, Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion) et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour les successions ouvertes depuis plus de cinq ans, le dispositif proposé permettrait à un ou plusieurs indivisaires titulaires de plus de la moitié en pleine propriété des droits indivis sur un bien immobilier, situé dans les territoires ultramarins visés, de vendre ce bien ou de procéder à son partage devant notaire. Temporaire, ce dispositif s'appliquerait jusqu'au 31 décembre 2028.

Le présent article énumère quatre situations dans lesquelles il ne pourrait pas s'appliquer :

- lorsque le bien concerné est un local d'habitation dans lequel réside le conjoint survivant ;

- si l'un des indivisaires est mineur ou majeur protégé, à moins d'obtenir l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille ;

- si l'un des indivisaires est présumé absent, à moins d'obtenir l'autorisation du juge des tutelles.

1.- Le droit actuellement en vigueur

a. Le droit commun

L'article 815-3 du code civil distingue deux séries d'hypothèses.

En premier lieu, il exige le consentement de tous les indivisaires pour effectuer les actes qui ne relèvent pas de l'exploitation normale des biens indivis et les actes de disposition relatifs au bien indivis.

En second lieu, par dérogation à ce principe de l'unanimité des indivisaires, la vente de meubles pour payer les dettes et charges de l'indivision ainsi que les actes d'administration, la conclusion ou le renouvellement de certains baux ou la conclusion d'un mandat général d'administration du bien indivis, supposent de recueillir seulement une majorité d'au moins deux tiers des droits indivis.

La situation d'indivision n'a pas vocation à perdurer dans le temps. À cet égard, l'article 815 du code civil dispose que « nul ne peut être contraint de demeurer dans l'indivision ». Outre les hypothèses évoquées ci-dessus, dans lesquelles le partage ou la vente est décidé à l'unanimité des indivisaires (article 815-3 du code civil), la sortie de l'indivision peut se faire suivant plusieurs modalités :

- en application de l'article 815-14 du code civil, un indivisaire peut céder à titre onéreux ses droits indivis à une personne étrangère à l'indivision, à condition de notifier son intention par acte extrajudiciaire aux indivisaires en précisant notamment le prix et les conditions de la cession, permettant ainsi aux autres indivisaires de faire jouer leur droit de préemption aux prix et conditions notifiées ;

- lorsque le partage amiable est impossible, en raison notamment de désaccords entre les indivisaires ou de l'inertie de l'un d'entre eux, le partage est fait en justice conformément aux articles 840 et suivants du code civil. Le tribunal peut alors constituer des lots attribués par tirage au sort ou ordonner la vente des biens de la succession pour en partager le produit entre les indivisaires ;

- lorsque l'unanimité des indivisaires ne peut être réunie pour vendre un bien, l'article 815-5-1 du code civil prévoit que cette aliénation peut être autorisée par le tribunal de grande instance à la demande de l'un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis. Si des indivisaires s'opposent à l'aliénation du bien ou restent silencieux, le juge peut tout de même autoriser l'aliénation « si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires ». Cette aliénation s'effectue alors par licitation 9 ( * ) .

b.- Les dérogations existantes

Pour faciliter la gestion des indivisions, le législateur est d'ores et déjà intervenu ponctuellement pour prévoir certains régimes dérogatoires.

Ainsi, l'article 85 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a prévu que les terres agricoles en indivision puissent être vendues par licitation à la majorité des deux tiers des droits indivis. Cette procédure est désormais fixée à l'article L. 181-30 du code rural et de la pêche maritime.

Plus récemment encore, l'article 2 de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété a écarté la règle de l'unanimité pour autoriser les indivisaires représentant au moins deux tiers des droits indivis à effectuer des actes de disposition sur un immeuble situé en Corse. Le dispositif ne concerne que les indivisions constatées suite à la reconstitution de titres de propriété par prescription acquisitive.

2.- Les modifications proposées et la position de votre commission

a.- Le champ d'application territoriale du texte

Votre rapporteur estime que les situations foncières particulières des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, telles que décrites dans l'exposé général du présent texte et dans les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont il était le rapporteur coordonnateur, justifient pleinement la mise en place d'outils dérogatoires du droit commun.

Lors de l'examen du texte en séance publique à l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Vuilletet, plusieurs de ses collègues et des membres du groupe La République en Marche, le champ d'application du dispositif a été étendu à Saint-Pierre-et-Miquelon avec un avis favorable de la ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, et du rapporteur de la commission des lois, M. Serge Letchimy, qui a déclaré ne pas connaître « Saint-Pierre-et-Miquelon aussi bien que [..] la ministre » mais ne voir, à titre personnel, « aucun inconvénient à ce que l'archipel soit intégré dans le dispositif ».

Bien que n'ayant pas connaissance de difficultés foncières à Saint-Pierre-et-Miquelon similaires à celles qui existent dans les Antilles françaises, en Guyane ou en Polynésie française, votre rapporteur, de même que son homologue de l'Assemblée nationale, n'a pas entendu remettre en cause cet ajout.

En revanche, au cours des auditions qu'il a organisées pour préparer l'examen du texte, il est apparu souhaitable à votre rapporteur de permettre l'application de ce dispositif dérogatoire à Saint-Barthélemy et, dans une moindre mesure, à Saint-Martin.

En effet, selon les personnes entendues par votre rapporteur, les notaires de Saint-Barthélemy se heurtent à des indivisions totalement bloquées en raison d'héritiers silencieux et de la réticence des autres indivisaires à saisir le juge pour obtenir le partage du bien, au regard du coût d'une telle procédure judiciaire.

Le problème est un peu différent à Saint-Martin où l'indisponibilité du foncier résulte principalement de l'absence de titres de propriété et des difficultés à identifier et à retrouver les propriétaires indivis d'un bien, souvent éparpillés à l'étranger. Pour autant, même si le présent dispositif ne permettra pas de régler la plus grande partie des dossiers bloqués, s'il permettait déjà de résoudre quelques indivisions anciennes il représenterait une avancée bienvenue.

Pour ces raisons, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-2 , qui étend le champ d'application du texte aux collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

b.- Le champ d'application temporel du texte

Au-delà de l'application du régime dérogatoire dans l'espace, votre rapporteur s'est posé la question de l'application de ce régime dans le temps.

S'il approuve pleinement le caractère temporaire de ce régime dérogatoire, qui ne s'appliquerait qu'aux projets de vente ou de partage notifiés avant le 31 décembre 2028, il s'est néanmoins interrogé sur la limitation de son application aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans seulement.

Ce choix présente en effet d'importants inconvénients, comme l'ont relevé la plupart des personnes entendues par votre rapporteur, et en particulier les praticiens de notariat ultramarin.

Elles ont noté que cette durée de cinq ans n'était pas compatible avec certaines actions ouvertes par le code civil aux héritiers, qui s'inscrivent dans des délais plus longs :

- l'article 330 du code civil prévoit que la possession d'état, qui permet l'établissement du lien de filiation, « peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter [...] du décès du parent prétendu ». Or, selon votre rapporteur, les cas d'établissement de filiation post mortem outre-mer sont loin d'être des hypothèses d'école ;

- l'article 780 du code civil donne dix ans à l'héritier pour exercer son option successorale 10 ( * ) .

En appliquant le dispositif dérogatoire de sortie d'indivision à des successions ouvertes depuis seulement cinq ans, la proposition de loi ne permettrait pas aux personnes concernées d'exercer les droits qui leur sont conférés par le code civil.

À cela s'ajoute la possibilité pour l'administration fiscale d'exercer un recours contre la déclaration de succession, jusqu'au 31 décembre de la sixième année suivant le décès, pour rectifier une omission, une insuffisance ou une erreur 11 ( * ) .

Dès lors, il est peu probable que les praticiens, conscients du risque de voir le partage ou la vente contesté par des héritiers dont les droits n'auront pas été purgés, ou par l'administration, seront réticents à mettre en oeuvre le dispositif dérogatoire de sortie d'indivision avant l'expiration du délai de dix ans.

Par ailleurs, de l'avis de l'ensemble des personnes entendues, les situations d'indivision problématiques sont justement les plus anciennes et le délai de dix ans est très vite atteint car, si la succession est ouverte dès le décès du de cujus , la saisine du notaire est souvent bien plus tardive. Il n'y aurait donc pas de réelle atteinte à l'efficacité du texte à viser les successions ouvertes depuis plus de dix ans.

Dès lors, pour renforcer la sécurité juridique du dispositif et éviter la multiplication des contestations, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-3 limitant l'application du dispositif dérogatoire de sortie d'indivision aux successions ouvertes depuis plus de dix ans.

c.- Le choix d'une majorité de 51 %

Les auteurs de la proposition de loi ont fait le choix, non remis en cause par l'Assemblée nationale, de retenir une majorité de 51 % des droits indivis pour engager la procédure dérogatoire de vente ou de partage.

Ce choix n'est pas celui qu'a fait le législateur à propos de la Corse, dans la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété.

En effet, par dérogation à l'article 815-3 du code civil, et jusqu'au 31 décembre 2027, l'article 2 de ce texte a abaissé les majorités requises pour effectuer tous les actes de gestion et de disposition des biens indivis. Dans les hypothèses où une majorité de plus des deux tiers des droits indivis était exigée (acte d'administration, conclusion ou renouvellement de certains baux, cession de meubles pour payer les dettes et charges de l'indivision...), la majorité exigée est désormais de plus de la moitié des droits indivis.

Pour les actes de disposition ou les actes qui ne relèvent pas de l'exploitation normale des biens indivis, l'unanimité a été abandonnée au profit d'une majorité d'au moins les deux tiers des droits indivis.

Le dispositif ne concerne que les indivisions constatées suite à la reconstitution de titres de propriété par prescription acquisitive.

Le choix des auteurs du présent texte est un peu différent. Ils ont préféré abaisser la majorité à plus de la moitié des droits indivis pour effectuer des actes de disposition sur le bien mais en apportant des garanties juridiques solides à la procédure à travers notamment l'obligation de saisir le juge pour passer outre l'opposition du ou des indivisaires minoritaires.

Votre rapporteur s'est cependant interrogé concernant l'absence de mise en cohérence du dispositif proposé pour les actes de disposition avec les règles du droit commun applicables aux actes d'administration et de gestion : une majorité de 51 % des droits indivis serait nécessaire pour accomplir les actes les plus graves, alors qu'en application du droit commun, les actes de gestion ou d'administration du bien nécessiteraient de recueillir l'accord du ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, certes, selon une procédure plus légère.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-4 qui tend à harmoniser la majorité requise pour effectuer les actes d'administration avec la nouvelle majorité retenue par le présent texte pour vendre ou partager le bien.

d.- Les exceptions au dispositif

Dans la proposition de loi initiale, la procédure de vente ou de partage dérogatoire du droit commun ne pouvait être mise en oeuvre dans trois hypothèses :

- si le bien concerné était le local d'habitation dans lequel réside le conjoint survivant ;

- si le défunt laissait un ou plusieurs descendants mineurs, jusqu'à la majorité du plus jeune d'entre eux ;

- si l'un des indivisaires était un incapable majeur.

À l'initiative du Gouvernement, en séance publique, les trois cas d'exclusion ont fait l'objet d'ajustements rédactionnels mais également d'assouplissements s'agissant des indivisaires mineurs ou majeurs protégés. Plutôt que de retenir une exclusion pure et simple du dispositif dans ces deux hypothèses, le texte prévoit désormais que le recours à la procédure dérogatoire est possible avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille.

Votre rapporteur estime que ces modifications sont tout à fait opportunes car dans les indivisions anciennes, il est très fréquent d'avoir des indivisaires mineurs. En effet, à Mayotte par exemple, des personnes mineures sont présentes dans la plupart des successions. En retenant une exclusion systématique du dispositif en présence de mineurs, le texte aurait été privé de toute efficacité sur ce territoire.

Il était pertinent d'appliquer le même assouplissement en présence de majeurs protégés dans la mesure où, depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les mesures qui restreignent l'autonomie de ces personnes vulnérables doivent être, conformément aux prescriptions de l'article 428 du code civil, nécessaires, subsidiaires et proportionnées.

Un quatrième cas d'exclusion a également été ajouté : si l'un des indivisaires est présumé absent 12 ( * ) . En effet, les indivisaires présumés absents constituent également une catégorie d'indivisaires vulnérables.

Le contrôle du juge ou du conseil de famille permet de s'assurer que l'intérêt des indivisaires vulnérables, qu'ils soient mineurs, majeurs protégés ou présumés absents, est préservé.

Enfin, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-5 apportant diverses modifications rédactionnelles à l'article 1 er .

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 - Modalités de mise en oeuvre du dispositif dérogatoire de sortie d'indivision

L'article 2 de la proposition de loi fixe la procédure applicable pour la vente ou le partage d'un bien à l'initiative du ou des indivisaires titulaires de plus de la moitié en pleine propriété des droits indivis sur ce bien.

Le notaire choisi par le ou les indivisaires majoritaires notifierait le projet de vente ou de partage par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires. Cette notification s'accompagnerait de mesures de publication dans un journal d'annonces légales au lieu de situation du bien, par voie d'affichage et sur un site internet.

Si un ou plusieurs indivisaires s'opposaient au projet dans les trois mois suivant la notification, les indivisaires majoritaires à l'initiative de la démarche saisiraient le tribunal de grande instance qui autoriserait la vente ou le partage si l'acte ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

Cette procédure est inspirée de l'article 815-5-1 du code civil, qui permet de déroger à la règle de l'unanimité pour vendre un bien détenu en indivision.

Cependant, outre le fait que la majorité exigée pour engager le partage ou la vente est plus basse dans le dispositif de la proposition de loi, celui-ci va plus loin que ce qui est prévu à l'article 815-5-1 du code précité en ce qu'il permet de passer outre le silence des indivisaires minoritaires. Seule une opposition expresse entraîne le basculement de la procédure devant notaire vers la procédure judiciaire

• Les modalités d'information des indivisaires

La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait une information des indivisaires par deux canaux. Les indivisaires dont le domicile était connu et situé en France se voyaient notifier le projet par acte extrajudiciaire du notaire alors qu' a contrario , les indivisaires dont le domicile était connu mais situé à l'étranger et les indivisaires dont le domicile n'était pas connu étaient informés par la publication du projet dans un journal d'annonces légales au lieu de situation du bien.

En séance publique, à l'initiative de M. Vuilletet, plusieurs de ses collègues et des membres du groupe La République en Marche, l'Assemblée nationale a modifié le texte pour prévoir que la notification par acte extrajudiciaire devrait concerner l'ensemble des indivisaires, qu'ils aient ou non leur domicile en France.

Certes, en prévoyant la notification du projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires, la portée du dispositif est réduite puisque la procédure ne pourra pas être mise en oeuvre si le domicile d'un ou plusieurs indivisaires est inconnu, contrairement à ce que permettait le texte initial. Cependant, cette modification apporte une protection bienvenue aux indivisaires minoritaires, puisqu'elle renforce leur information, ce qui n'était pas le cas dans la proposition de loi initiale, puisqu'en cas de domiciliation à l'étranger ou d'absence de domicile connu, ces indivisaires ne pouvaient être informés du projet de vente ou de partage qu'à l'occasion de la lecture d'un journal local d'annonces légales.

La modification intervenue en séance publique à l'initiative de M. Vuilletet et ses collègues a également renforcé les modalités de publicité du projet, en ajoutant à la publication dans un journal d'annonces légales une publicité par voie d'affichage et sur un site internet.

Votre rapporteur invite le pouvoir réglementaire à prendre les dispositions utiles pour permettre une publicité locale la plus adaptée possible, dans les lieux fréquentés par la population, comme les marchés par exemple.

• Le contenu de l'information des indivisaires

La proposition de loi, non modifiée sur ce point à l'Assemblée nationale, si ce n'est à la marge pour des ajustements rédactionnels, fixe les informations dont la notification doit faire état. Celle-ci doit mentionner :

- l'identité du ou des indivisaires à l'initiative de la vente ou du partage et leur quote-part d'indivision ;

- l'identité et les quotes-parts des indivisaires non représentés à l'opération ;

- les coordonnées du notaire choisi pour effectuer la vente ou établir le partage du bien ;

- la désignation du bien, du prix de vente et de l'indication de la valeur de ce bien au moyen d'au moins deux avis de valeur établis par des professionnels de l'immobilier ;

- la répartition du prix de vente ou des allotissements prévus entre chacun des indivisaires.

Par cohérence avec la formulation qui existe déjà dans le code civil, à l'article 505, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a adopté un amendement COM-7 qui remplace la notion de « professionnels de l'immobilier » par celle de « professionnels qualifiés », qui permet notamment d'inclure les experts immobiliers, qui ne se confondent pas forcément avec les professionnels de l'immobilier, et qui interviennent fréquemment pour estimer la valeur des biens.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a également adopté un amendement COM-6 qui ajoute que la notification fait également état, le cas échéant, de l'existence d'un projet de cession du bien, à titre onéreux, à une personne étrangère à l'indivision, du prix et des conditions de la cession projetée ainsi que des nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir, pour permettre à un indivisaire qui le souhaiterait, d'exercer son droit de préemption (voir infra ).

• Les effets de la notification du projet de vente ou de partage

Le dispositif mis en place par la proposition de loi initiale, non modifié lors de son examen à l'Assemblée nationale, prévoit que la notification du projet, vaut mise en demeure des indivisaires de manifester, dans les trois mois, leur opposition au projet de vente ou de partage.

Le fait que la notification du projet soit le point de départ du délai d'opposition des indivisaires minoritaires renforce encore la nécessité de prévoir, comme l'a fait l'Assemblée nationale, et contrairement à ce que prévoyait le texte initial, une notification par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait que la notification du projet faisait « également courir le droit de préemption des indivisaires ». Cette précision a été supprimée, en commission des lois, à l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur Serge Letchimy, celui-ci estimant que cette mention n'apportait « aucune précision aux modalités de droit commun de la préemption par un indivisaire de droits qu'un autre indivisaire envisageait de céder à un tiers, comme le prévoit l'article 815-14 du code civil ».

L'article 815-14 du code civil dispose en effet que « tout indivisaire peut, dans le délai d'un mois qui suit [la notification par un indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l'indivision, ses droits indivis], faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire, qu'il exerce un droit de préemption aux prix et conditions qui lui ont été notifiés ».

Puisque, jusqu'à présent, le droit commun exigeait l'accord de tous les indivisaires pour vendre le bien détenu en indivision, cet article ne trouvait pas à s'appliquer dans cette hypothèse.

Votre rapporteur estime donc préférable de mentionner expressément la possibilité pour un indivisaire d'exercer ce droit de préemption, d'autant que l'article 815-14 du code civil vise l'hypothèse dans laquelle un indivisaire vend ses droits dans le bien indivis alors que la proposition de loi permettrait à une partie majoritaire des indivisaires de vendre l'ensemble des droits indivis et pas seulement les siens. Il n'est donc pas certain que cet article trouverait à s'appliquer automatiquement dans cette hypothèse.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc rétabli la mention du droit pour un indivisaire minoritaire de préempter le bien, dans les conditions fixées à l'article 815-14 du code civil, au prix fixé par les indivisaires à l'initiative du projet de vente (amendement COM-6 précité).

Sur le modèle de ce qui est prévu à l'article 815-5-1 du code civil relatif à l'aliénation judiciaire du bien à l'initiative de la majorité des deux tiers des indivisaires, le dernier alinéa du présent article prévoit que si la notification n'a pas été faite selon les modalités prévues, l'aliénation ou le partage sera inopposable à l'indivisaire dont le consentement à fait défaut.

• L'absence d'opposition des indivisaires minoritaires

L'article 2 de la proposition de loi, non modifié sur ce point en première lecture à l'Assemblée nationale, prévoit qu'à défaut d'opposition dans le délai de trois mois à compter de la notification du projet de vente ou de partage, les indivisaires sont présumés consentir à la vente ou au partage.

Cette disposition est la principale innovation du texte, en ce qu'elle permet de passer outre le silence d'un ou plusieurs indivisaires pour vendre ou partager le bien sans avoir à saisir le juge.

Pour autant, la rédaction retenue a soulevé d'importantes réserves de la part des praticiens entendus par votre rapporteur.

En considérant que l'indivisaire qui refuse de prêter son concours à la vente ou au partage, sans pour autant s'y opposer, est « présumé » y consentir, le législateur lui ferait endosser la qualité de vendeur vis-à-vis de l'acquéreur. Il serait donc responsable de la garantie des vices cachés ou de la garantie d'éviction, sans avoir consenti réellement.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-8 qui supprime cette référence à une présomption de consentement de l'indivisaire silencieux et prévoit que la vente ou le partage du bien lui est opposable, ce qui est juridiquement plus exact, mais n'empêchera pas cependant l'indivisaire minoritaire de supporter les risques qui pèsent sur tout vendeur.

• L'opposition des indivisaires minoritaires

Dans la version initiale de la proposition de loi, les conséquences de l'opposition d'un indivisaire à la vente ou au partage étaient régies par les articles 3 et 4 du texte.

Ces articles prévoyaient qu'il incombait à l'indivisaire opposé au projet de saisir le tribunal de grande instance, appelant dans la cause l'ensemble des indivisaires. Les règles du code civil applicables à la vente ou au partage judiciaire étaient alors applicables.

À l'initiative du Gouvernement, en séance publique, ces dispositions ont été substantiellement modifiées.

Sur la forme, pour des raisons de meilleure compréhension de la procédure, les articles 3 et 4 ont été supprimés et leur contenu a été transféré à l'article 2.

Sur le fond ensuite, l'Assemblée nationale a considéré que l'abaissement du seuil de majorité à 51 % des indivisaires pour vendre ou partager le bien et la suppression du recours systématique au juge pour autoriser la vente ou le partage hors des hypothèses d'unanimité rendait inconcevable de faire supporter en plus la charge de la saisine judiciaire par les indivisaires s'opposant à l'acte, et ce d'autant plus que le délai d'opposition qui leur est imparti est court, sous peine de porter une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale est inspiré de l'article 815?5?1 du code civil et prévoit qu'en cas d'opposition d'un ou plusieurs indivisaires minoritaires, il incombera aux parties représentant 51 % des indivisaires de saisir le juge afin qu'il autorise l'acte de vente ou de partage.

Ainsi, la principale nouveauté du dispositif prévu par la proposition de loi réside dans le fait que le juge ne sera saisi qu'en cas d'opposition manifestée par un ou plusieurs indivisaires minoritaires et non, comme le prévoit actuellement l'article 815?5?1 du code civil, en l'absence de manifestation des indivisaires minoritaires.

Votre rapporteur a estimé que les garanties apportées en séance publique à l'Assemblée nationale étaient tout à fait opportunes et n'a pas proposé de modifier la rédaction retenue.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a seulement procédé à divers ajustements rédactionnels (amendement COM - 7 précité).

Il propose notamment de remplacer le mot « s ignification » par celui de « notification » car l'utilisation des deux termes au sein de l'article était source d'ambiguïté. Ce remplacement ne remet pas en cause le fait que la notification prendra la forme d'une signification par huissier. En effet, cette obligation est posée par le premier alinéa de l'article 2 qui prévoit expressément que la notification se fera par « acte extrajudiciaire », c'est-à-dire par signification. Dès lors, la « notification » dont il est question dans le reste de l'article est bien la notification par acte extrajudiciaire, c'est-à-dire la signification par huissier, prévue au premier alinéa.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis (nouveau) (art. 750 bis C du code général des impôts) - Exonération des droits portant sur les actes de partage des indivisions

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption de l' amendement COM-9 , l'article 2 bis de la proposition de loi met en place une exonération de droit de partage des immeubles situés dans les territoires ultramarins concernés par l'application du dispositif dérogatoire de sortie d'indivision prévu aux articles 1 er et 2 du présent texte.

L'article 750 du code général des impôts prévoit que le partage, acte par lequel les personnes qui possèdent des biens en indivision mettent fin à cette indivision et répartissent ces biens entre eux, est soumis à une imposition de 2,5 % sur la valeur nette des biens concernés.

Selon la même logique que celle qui sous-tend les articles 1 er et 2 de la proposition de loi, il s'agit d'apporter ici une dérogation au régime de droit commun pour une durée strictement nécessaire au règlement des désordres fonciers ultramarins. Cette exonération, comme le dispositif de sortie d'indivision, prendrait fin le 31 décembre 2028.

L'objectif est d'encourager les sorties d'indivision car la généralisation de ces situations dans les territoires ultramarins aboutit à une paralysie du foncier qui n'est pas sans conséquences économiques, sanitaires et sociales 13 ( * ) .

Cette exonération ne remet pas en cause le principe d'égalité devant les charges publiques, puisque le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Elle s'appuie sur l'article 73 de la Constitution qui dispose que les lois et règlements, applicables de plein droit aux départements et régions d'outre-mer, « peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».

Dans cette perspective, à l'initiative du Gouvernement, le Parlement a d'ores et déjà voté une telle exonération en faveur du territoire de Mayotte, dans la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017. Cette loi a été soumise au Conseil constitutionnel, mais celui-ci ne s'est pas prononcé sur cette disposition dont il n'était pas saisi par les requérants 14 ( * ) .

Enfin, le présent article prévoit une compensation de la perte des recettes résultant pour l'État de cette exonération par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Votre commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé .


* 9 En application de l'article 1686 du code civil, la licitation est la vente aux enchères du bien et le partage du prix entre les copropriétaires.

* 10 L'article 768 dispose que : « l'héritier peut accepter la succession purement et simplement ou y renoncer. Il peut également accepter la succession à concurrence de l'actif net lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel ».

* 11 Article L. 186 du livre des procédures fiscales.

* 12 En application de l'article 112 du code civil, « lorsqu'une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l'on en ait eu de nouvelles, le juge des tutelles peut, à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constater qu'il y a présomption d'absence ».

* 13 Cf. exposé général.

* 14 Décision n° 2017-759 DC du 28 décembre 2017 « loi de finances rectificative pour 2017 ».

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