LES CONCLUSIONS DE LA
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Réunie le mercredi 22 mai 2019 sous la
présidence de Gérard Dériot, vice-président,
la commission des affaires sociales a examiné, sur le
rapport
d'Alain Milon,
le projet de loi n° 404 (2018-2019),
adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'organisation
et à la transformation du système de santé.
Derrière un intitulé riche de promesses,
la commission s'est montrée réservée quant
à la capacité de ce texte à opérer une
réelle transformation d'un système de santé
qualifié à juste titre comme « à bout de
souffle »
dans le cadre du diagnostic issu de la
« stratégie de transformation de notre système de
santé » qui en a constitué la genèse.
Elle a regretté que
le contenu du projet de loi
présenté au Parlement forme davantage un cadre
général d'orientations qu'une réforme
structurante
, en renvoyant largement à des ordonnances ou
décrets ultérieurs, y compris sur des sujets essentiels.
Si le texte, qui comportait 23 articles initialement, en
contient 50 de plus à l'issue de son examen par l'Assemblée
nationale, il s'agit pour l'essentiel de mesures disparates, souvent
déclaratoires, qui peinent à former un ensemble cohérent.
Intervenant juste trois ans après la loi
« Touraine » de 2016 dans la continuité de laquelle
elle s'inscrit, c'est ainsi la déclinaison de cette réforme et
les moyens qui seront déployés qui en signeront ou non la
réussite.
Sur les dispositions relatives à
l'organisation des études de santé,
la commission, tout
en souscrivant globalement à la philosophie de la réforme
proposée, qui repose sur une orientation progressive des
étudiants et une meilleure prise en compte de leurs compétences
et de leur parcours, a regretté le large renvoi fait à la
voie réglementaire et souligné que
la communication
potentiellement trompeuse du Gouvernement sur cet aspect risque de faire de
nombreux déçus
.
La commission a principalement adopté des mesures
visant à garantir la qualité de la loi en supprimant les
dispositions inscrivant le contenu de certaines parties de la formation des
professionnels de santé dans la loi. À l'initiative du rapporteur
pour avis de la commission de la culture, notre collègue
Laurent Lafon, elle a affirmé la possibilité pour les
étudiants en médecine de participer à des programmes
d'échanges internationaux.
Dans le cadre des dispositions relatives à
l'organisation des carrières des professionnels de
santé
, elle a adopté, sur proposition de son rapporteur,
le principe d'une
incitation fiscale à l'installation rapide des
jeunes médecins (article 4
bis
)
ainsi que la
limitation de l'exercice en remplacement à une période de
trois ans sur l'ensemble de la carrière des médecins
diplômés (article 4
ter
)
. Il s'agit
d'encourager les jeunes médecins à un ancrage rapide
auprès d'un territoire et d'une patientèle. Tirant les
conséquences de l'objectif de développement des exercices mixtes
des praticiens hospitaliers de l'article 6, elle a par ailleurs
étendu le principe d'une possible interdiction de leurs
activités concurrentielles aux praticiens hospitaliers exerçant
à temps non complet
(article 6
bis
A)
.
S'agissant des praticiens à diplôme hors Union
européenne (
Padhue
), la commission s'est
prononcée à l'
article 21
pour
un
élargissement limité du dispositif d'autorisation d'exercice
transitoire
ad hoc
par une révision des
conditions d'exercice y donnant accès. Elle a tout d'abord
souhaité formuler la condition de présence en
établissement hospitalier un jour donné sous la forme d'un
intervalle de présence
. Elle a ensuite ouvert ce
dispositif transitoire aux professionnels qui, faute d'avoir pu exercer dans un
établissement de santé, auront accompli leur condition d'exercice
dans un établissement ou service
médico-social
.
Sur le volet relatif à l'organisation
territoriale de la santé
, la commission a souligné que
le projet territorial de santé institué par
l'
article 7
allait dans le sens d'un
décloisonnement
indispensable des acteurs tout en
regrettant qu'il s'agisse d'un
dispositif de plus s'ajoutant à
un édifice déjà lourd
. Elle a adopté des
amendements de son rapporteur visant à en recentrer le contenu sur les
priorités de l'accès aux soins et de la continuité des
prises en charge ou à en assouplir les modalités de validation
par l'ARS.
Sur les mesures diverses et disparates introduites par
l'Assemblée nationale concernant l'articulation des compétences
entre professionnels de santé, la commission a confirmé, en y
apportant diverses précisions, plusieurs des avancées
proposées. Afin de privilégier une réflexion globale sur
la « filière visuelle », elle a supprimé
l'article 7
sexies
C
relatif aux
orthoptistes. Elle a autorisé, à l'initiative
d'Yves Daudigny et des membres du groupe socialiste et républicain,
la désignation d'un
infirmier référent
(
article 7
ter
A
), de nature à
contribuer à l'accès aux soins dans les territoires et à
la meilleure prise en charge coordonnée des patients. Elle a
privilégié enfin la
prise en main de l'accès au
médecin traitant par les professionnels de santé eux-mêmes
dans le cadre des CPTS
, conformément à ce que
prévoient les négociations en cours, en
supprimant
l'article 7
septies
.
S'agissant des
hôpitaux de
proximité
(
article 8
), elle a
regretté que le projet de loi en propose un
cadre encore
très incomplet
, laissant en suspens un certain nombre
d'interrogations quant au déploiement annoncé de ce
modèle. Elle a précisé certaines des missions
assignées à ces établissements ayant vocation à
être « l'hôpital de la médecine de
ville », pour insister sur la
nécessaire articulation
avec l'offre libérale ambulatoire
.
La commission, à l'initiative de son rapporteur, a plus
substantiellement modifié l'
article 10
poursuivant
l'intégration au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT),
afin de privilégier le
volontariat des établissements
parties au groupement
dans les avancées proposées par le
projet de loi et de souligner le rôle des commissions médicales
d'établissement. Elle a également adopté un amendement
d'appel de son rapporteur visant à souligner
l'inadaptation des
modes de financement actuels des investissements, notamment immobiliers,
des établissements de santé
.
Elle a par ailleurs renforcé les
prérogatives du conseil de surveillance des
établissements de santé
afin de renforcer son rôle
de pilotage stratégique, à l'initiative de Bernard Jomier et des
membres du groupe socialiste et républicain (
articles
10
quater
et 10
quinquies
).
La commission a supprimé plusieurs dispositions
introduites par l'Assemblée nationale dont elle a
considéré la portée inopérante
: les
articles 7 B
,
7 E
et ceux tendant
à intégrer les parlementaires dans différentes instances
locales (
articles 7 D, 10
ter
et
19
bis
A
).
Parallèlement,
afin de renforcer la place des
élus dans le pilotage territorial de la santé
, la
commission, à l'initiative de son rapporteur,
a
renforcé le rôle du conseil de surveillance des
ARS, rééquilibré sa composition et confié sa
présidence à un élu local (article
19
bis
AA)
, suivant des propositions d'un rapport
de la Mecss.
Sur le volet relatif à la transformation
numérique du système de santé
, la commission a
confirmé l'élargissement, proposé par
l'
article 11
, du périmètre des
données de santé versées au
système
national des données de santé
, qu'elle a souhaité
enrichir en y incluant les
données issues du groupe
iso-ressources (GIR) des personnes âgées
dépendantes
.
Elle s'est félicitée de la création,
à l'
article 12
, d'un
espace
numérique de santé
permettant à l'usager, dans un
portail unique, de disposer de l'ensemble des services, outils et informations
relatifs à la gestion de son parcours de soins et au suivi de son
état de santé. Dans le souci de faire de cet espace comme du
dossier médical partagé
des véritables
leviers de la coordination des parcours de soins, elle a adopté des
amendements tendant à
rendre automatique l'ouverture de ces
outils pour l'ensemble des usagers du système de santé
,
tout en ménageant la possibilité pour la personne
concernée de faire valoir son droit d'opposition.
Elle a également veillé à conforter les
obligations des autorités publiques en matière
d'
accessibilité de l'espace numérique de santé
pour les personnes éloignées des usages
numériques
, et à préserver la possibilité
pour les
personnes mineures
de ne pas voir inscrite dans leur
espace toute donnée relative à une
prise en charge dans
le cadre d'un parcours de santé sexuelle et reproductive
.
La commission a également renforcé les
exigences d'interopérabilité
applicables au
secteur du numérique en santé en instituant un mécanisme
de
certification
, à l'initiative des éditeurs,
de la conformité des systèmes d'information et services et outils
numériques en santé aux référentiels
d'interopérabilité. Afin d'accompagner les acteurs dans la mise
en conformité progressive de leurs outils, elle a prévu la mise
en place dans un délai de deux ans de deux instruments à
visée incitative : l'
attribution de fonds publics
au titre de la conception, de l'acquisition ou du renouvellement de logiciels
en santé sera
conditionnée
à l'obtention
d'un
certificat d'interopérabilité,
et des
engagements en matière d'acquisition de logiciels interopérables
seront intégrés dans les outils de
contractualisation
entre les agences régionales de
santé et les professionnels et établissements de santé
(
article 12 A
).
Sur les autres dispositions du texte
,
constituées de mesures disparates, de portée inégale,
engageant des mesures de sécurisation ou de simplification diverses,
ainsi que la ratification d'un grand nombre d'ordonnances, la commission a
supprimé, suivant sa position habituelle, des demandes de rapport
à la portée rarement opérante. Elle a ajusté
plusieurs dispositions relatives aux ordres des professions de santé
(
article 23
).
Concernant le
volet outre-mer
, elle a
étendu à la Guadeloupe et à la Martinique, suivant une
demande exprimée à plusieurs reprises dans ces territoires, le
dispositif en vigueur en Guyane d'accès dérogatoire à
l'autorisation d'exercice de la médecine
(
article 21
bis
).
La commission des affaires sociales a adopté le
projet de loi ainsi modifié.
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