N° 521
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition de loi
,
adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture,
visant à
créer
le
statut
de
citoyen sauveteur
,
lutter
contre l'
arrêt cardiaque
et
sensibiliser
aux
gestes
qui
sauv
ent
,
Par Mme Catherine TROENDLÉ,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
Première lecture : 1505 , 1633 et T.A. 234
Deuxième lecture : 2363 , 2624 et T.A. 402 |
Sénat : |
Première lecture : 331 (2018-2019), 72 , 73 et T.A. 18 (2019-2020)
Deuxième lecture : 316 et 522 (2019-2020) |
L'ESSENTIEL
Réunie le mercredi 17 juin 2020 sous la présidence de Philippe Bas, la commission des lois a adopté, en deuxième lecture, sur le rapport de Catherine Troendlé (Les Républicains - Haut-Rhin), la proposition de loi modifiée, adoptée le 12 février 2020 par l'Assemblée nationale, visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent.
Après avoir largement modifié la proposition de loi du député auteur et rapporteur Jean-Charles Colas-Roy, lors de son examen en première lecture, la commission des lois a considéré que la nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture était un compromis acceptable reprenant les apports du Sénat en proportion significative.
Ainsi, à l'initiative de son rapporteur, Catherine Troendlé, la commission des lois a adopté le texte dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, en deuxième lecture. *
I. UNE PROPOSITION DE LOI LARGEMENT REMANIÉE PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
A. UN CONSTAT ET DES OBJECTIFS PARTAGÉS DÈS L'EXAMEN EN PREMIÈRE LECTURE AFIN DE FAIRE RECULER LA LÉTALITÉ DE L'ARRÊT CARDIAQUE EN FRANCE
Lors de l'examen du texte en première lecture, la commission des lois du Sénat avait partagé le constat opéré par le député Jean-Charles Colas-Roy, auteur et rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, quant à la trop importante létalité de l'arrêt cardiaque en France et la nécessité de poursuivre et compléter les mesures déjà mises en oeuvre.
1. Le constat partagé de la trop forte létalité des arrêts cardiaques en France
a) L'arrêt cardiaque subit : une des causes de mortalité les plus importantes en France
Le rapport du 2 octobre 2018 de l'académie nationale de médecine relatif à l'arrêt cardiaque subit dénombre entre 40 000 et 50 000 décès suite à un arrêt cardiaque chaque année , dont un tiers touche des personnes de plus de 55 ans. À titre de comparaison, 3 259 morts sur les routes ont été comptabilisés pour l'année 2018, selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, soit un rapport de un à quinze entre ces deux causes de mortalité .
La plupart des arrêts cardiaques inopinés résultent de la survenance d'une arythmie, c'est-à-dire d'une anomalie du rythme cardiaque. Ces anomalies recouvrent notamment la fibrillation ventriculaire, qui désigne une activité électrique anarchique du myocarde ventriculaire, et qui est en cause dans 70 à 80 % des cas d'arrêt cardiaque 1 ( * ) . Ces anomalies sont le plus souvent la conséquence d'insuffisances cardiaques qui ont pour cause certaines circonstances aggravantes en nette augmentation au sein de la population , telles que la toxicomanie, le tabagisme, l'hypertension artérielle, le diabète, le cholestérol, la sédentarité ou l'excès de poids 2 ( * ) .
b) Arrêt cardiaque : le pire est de ne rien faire
La prise en charge des arrêts cardiaques a été systématisée par une chaîne de survie . Il s'agit « d'un ensemble d'enchaînements à mettre en oeuvre immédiatement après la survenue d'un arrêt cardiaque. En effet après un arrêt cardiaque, chaque minute compte, et la mise en place le plus tôt possible de cette suite de gestes le plus rapidement possible permet d'augmenter au maximum les chances de survie de la victime » 3 ( * ) . En effet, le délai d'intervention a un impact très significatif sur les chances de survie. La première étape consiste à appeler les secours, la deuxième à pratiquer un massage cardiaque sur la victime, la troisième à faire usage d'un défibrillateur et la quatrième à pratiquer des soins spécialisés sur la victime jusqu'à la reprise de respiration ou l'arrivée des secours. 4 ( * )
Selon la Fédération française de cardiologie, entendue par le rapporteur, sans prise en charge immédiate, plus de 92 % des arrêts cardiaques sont fatals . Elle souligne également que 7 fois sur 10, ces arrêts surviennent devant témoins, mais seulement 40 % de ceux-ci prodiguent les gestes de premiers secours . Ce constat est également partagé par le rapport Pelloux-Faure, remis le 20 avril 2017 : « le taux de formation de la population française est parmi les plus bas du monde. Pourtant, le citoyen est le premier maillon de la chaîne des secours » .
La conséquence logique est que, en France, le taux de survie à un arrêt cardiaque ne dépasse pas 8 % . Ce taux est 4 à 5 fois plus élevé dans les pays où les lieux publics sont équipés en défibrillateurs automatisés externes et où la population est formée aux gestes qui sauvent 5 ( * ) .
2. La volonté partagée de poursuivre et compléter les mesures déjà prises afin de lutter contre la létalité des arrêts cardiaques
a) Plusieurs mesures d'ores et déjà prises pour faciliter la prise en charge de l'arrêt cardiaque
Le législateur s'est emparé du sujet depuis plusieurs années afin de diversifier les lieux d'apprentissage des gestes qui sauvent . Ainsi, la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a prévu que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d'une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours » 6 ( * ) .
Dans le même esprit, la loi n° 2015-294 du 17 mars 2015 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, issue d'une proposition de loi sénatoriale de notre collègue Jean-Pierre Leleux (Les Républicains - Alpes-Maritimes), a imposé la formation aux notions élémentaires de premiers secours dans la formation au permis de conduire et son évaluation au moment de l'examen 7 ( * ) .
La loi n° 2018-527 du 28 juin 2018 relative au défibrillateur cardiaque fait suite à une proposition de loi du Sénat de notre collègue Jean-Pierre Decool (Les indépendants - Nord). Elle développe l'accès aux défibrillateurs automatisés externes en rendant leur présence obligatoire dans certains lieux.
Des initiatives privées ont également vu le jour, telles qu' un certain nombre d'applications informatiques ayant pour objet d'apporter une assistance aux personnes se trouvant dans la situation de porter secours à autrui à la suite d'un arrêt cardiaque.
b) L'objectif de la proposition de loi partagé par le Sénat dès la première lecture
Pour rappel, le rapporteur de la commission des lois avait considéré, lors de l'examen du texte en première lecture, que « l'objectif annoncé par l'auteur de la proposition de loi est à la fois clair et louable. Il consiste, d'une part, à porter l'attention sur le sujet majeur qu'est l'arrêt cardiaque subit et, d'autre part, à favoriser les interventions en formant la population aux gestes qui sauvent et en modelant un régime de responsabilité favorable à l'intervention » 8 ( * ) .
Pour autant, le rapporteur avait indiqué que « si un tel sujet d'importance mérite toute l'attention du législateur, la loi doit garantir aux citoyens des instruments juridiques lisibles, fiables et robustes . C'est précisément à cette tâche que s'est attelée votre commission, en analysant le texte examiné au travers d'un crible rigoureux » 9 ( * ) .
* 1 Ces chiffres étaient soulignés par le rapport n° 544 (2017-2018) de M. Daniel Chasseing, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 juin 2018, sur la proposition de loi relative aux défibrillateurs cardiaques.
* 2 Source : Fédération française de cardiologie : https://www.fedecardio.org/sites/default/files/image_article/2019-INSUFFISANCE-CARDIAQUE-Web.pdf .
* 3 Site internet du Registre électronique des Arrêts Cardiaques.
* 4 Ibidem .
* 5 Source : site internet de la Fédération française de cardiologie :
* 6 Article L. 312-13-1 du code de l'éducation créé par l'article 5 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.
* 7 Article L. 221-3 du code de la route modifié par la loi n° 2015-294 du 17 mars 2015 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.
* 8 Rapport de première lecture, page 10.
* 9 Ibidem .