Rapport n° 528 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juin 2020

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N° 528

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2019 ,

Tome II : Contributions des rapporteurs spéciaux

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2899 , 3011 et T.A. 432

Sénat :

505 (2019-2020)

PARTICIPATION DE LA FRANCE
AU BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE

m. patrice joly, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES EN 2019 7

1. Une exécution en 2019 relativement proche de la prévision inscrite en loi de finances initiale 8

2. Les facteurs explicatifs de l'écart à la prévision 9

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 11

1. La progression des « restes à liquider » : un angle mort de la gestion financière et budgétaire de l'Union européenne 11

2. La prévisibilité des ressources de l'Union européenne devrait devenir un point de crispation de plus en plus important 12

I. EXÉCUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES EN 2019

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) est défini à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 1 ( * ) comme « un montant déterminé de recettes de l'État [...] rétrocédé directement au profit [...] des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ». Il est composé principalement des éléments suivants :

- la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui correspond à 0,3 % d'une assiette harmonisée pour l'ensemble des États membres ;

- la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) , dite « ressource RNB » ;

- la participation de la France au montant de la correction britannique .

Bien que le PSRUE représente une dépense au sens de la comptabilité nationale, il est traité comme une moindre recette et son montant est inscrit en première partie de loi de finances.

Traditionnellement, le PSRUE ne faisait pas l'objet d'une contribution dans le cadre du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes. Toutefois, le rapporteur spécial a souhaité qu'il fasse, pour la troisième année consécutive, l'objet d'un traitement spécifique en raison de son montant conséquent - 21 milliards d'euros en 2019 - et de son effet non négligeable sur l'équilibre des finances publiques.

Pour rappel, le PSRUE constitue la majeure partie, mais non la totalité, de la contribution de la France au budget de l'Union européenne . En effet, depuis 2010, son périmètre ne comprend plus les ressources propres traditionnelles (droits de douane et cotisations sur le sucre) versées par la France à l'Union européenne.

1. Une exécution en 2019 relativement proche de la prévision inscrite en loi de finances initiale

Évolution du prélèvement sur recettes
au profit de l'Union européenne

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Crédits votés en LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

19 912

21 443

Crédits exécutés

20 347

19 702

18 996

16 380

20 645

21 025

Écart LFI/exécution en valeur

123

- 1 040

- 1 173

- 2 310

733

- 418

Écart LFI/exécution en %

0,6 %

- 5 %

- 5,8 %

- 12,4 %

3,7 %

- 1,9 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La loi de finances pour 2019 évaluait le montant du PSRUE à 21,4 milliards d'euros , soit une augmentation de 3,9 % par rapport au montant exécuté en 2018.

Le montant annuel du PSRUE varie selon les cycles de dépenses des cadres financiers pluriannuels, et poursuit une montée en charge progressive . Ainsi, après une sous-exécution de 12,4 % en 2017 caractérisée par les retards de décaissement des crédits européens, le montant du montant du PSRUE a progressé de 3 % environ depuis 2014 .

Cette montée en charge du PSRUE est toutefois bien inférieure à ce qu'avait anticipé la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 2 ( * ) . En effet, celle-ci avait prévu que le PSRUE s'élèverait à 23,3 milliards d'euros en 2019, soit 2,3 milliards d'euros de plus que le montant effectivement exécuté .

En fin de gestion, la loi de finances rectificative pour 2019 3 ( * ) a tenu compte de la perspective de cette sous-exécution en minorant de 249 millions d'euros le montant du PSRUE.

Cette sous-exécution du montant du PSRUE s'écarte de 1,9 % de la prévision inscrite en loi de finances initiale. Cet écart est relativement faible , compte tenu de la sous-exécution historique constatée en 2017, et des sous-exécutions plus importantes constatées en 2015 et 2016.

Si l'exercice 2019 est caractérisé par une sous-exécution, il s'inscrit néanmoins dans un retournement de tendance par rapport à la première moitié du cadre financier pluriannuel.

2. Les facteurs explicatifs de l'écart à la prévision

Pour rappel, aux termes de l'article 310 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la contribution des États membres constitue la variable d'ajustement en cas d'évolution non anticipée des dépenses de l'Union européenne .

Ainsi, le montant du PSRUE inscrit dans le projet de loi de finances n'est qu'évaluatif. Il repose sur :

- le projet de budget de la Commission européenne , présenté en N-1. Ce projet de budget établit les prévisions de besoins de financement de l'Union européenne en crédits de paiements pour l'année suivante ;

- les hypothèses d'évolution des assiettes des ressources TVA et RNB de l'ensemble des États membres , actualisées après la réunion du comité consultatif des ressources propres (CCRP) en mai de l'année N-1 ;

- les hypothèses des montants des corrections accordées à certains États membres ainsi que le montant prévisionnel du solde budgétaire de l'exercice en cours, reporté sur le budget de l'année suivante.

Pour l'exercice 2019, le recours aux contributions nationales en tant que ressource d'équilibre a été moins important que prévu. Toutefois, cette évolution en cours de gestion résulte d'évènements circonstanciés et ponctuels , et non d'une réelle amélioration de la prévision du montant de la contribution de la France au budget de l'Union européenne.

En effet, la minoration de la contribution nationale de la France au budget de l'Union européenne s'explique principalement par deux facteurs :

- des corrections sur les exercices antérieurs , c'est-à-dire les révisions appliquées a posteriori sur les montants que les États membres doivent payer chaque année, ont été moins élevées que prévu ;

- la non-adoption du budget rectificatif n° 4 , en raison d'un désaccord entre le Parlement européen et le Conseil, n'a pas permis d'actualiser les bases de calcul du CCRP . Cette actualisation aurait dû conduire à minorer le montant théorique perçu par les douanes, ce qui aurait mécaniquement entraîné une augmentation des contributions nationales des États membres. Ce budget rectificatif aurait également réactualisé les clés de contribution au titre de la ressource RNB, de la ressource TVA et de la participation au « chèque » britannique.

Facteurs justifiant l'écart entre la prévision et l'exécution
du montant du PSRUE en 2019

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances, à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La progression des « restes à liquider » : un angle mort de la gestion financière et budgétaire de l'Union européenne

La question des besoins en crédits de paiement s'explique par le « reste à liquider » (RAL) qui caractérise les engagements financiers pris par l'Union européenne mais qui n'ont pas été couverts par des paiements.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, le rapporteur spécial avait déjà souligné que la fin du cadre financier précédent (2007-2013) avait été caractérisée par l'apparition d'un arriéré « anormal » de paiements , en raison de l'insuffisance des crédits de paiement approuvés par rapport aux crédits engagés. Néanmoins, ce constat avait été nuancé, car la formation d'un reste à liquider est une conséquence habituelle de la structure bipartite du budget de l'Union européenne, qui dissocie les crédits de paiement des crédits d'engagement.

Force est de constater que l'ampleur de la progression des RAL demeure préoccupante . En effet, comme le relève la Cour des comptes, leur montant s'élève à 298 milliards d'euros à la fin de l'année 2019 , soit 57 % de plus qu'au début du cadre financier pluriannuel en 2014.

Ainsi, les RAL représentent environ un tiers du total des crédits d'engagements du cadre financier pluriannuel 2014-2020 , contre 23 % en 2013 , soit la dernière année du cadre financier pluriannuel 2007-2013.

En outre, le rapporteur spécial relève que 60 % du stock de RAL correspond à des engagements de la sous-rubrique 1b du budget, c'est-à-dire de la politique de cohésion. Or, la mobilisation de ces crédits européens constitue une importance vitale pour certains territoires, en particulier ceux qui demeurent exclus des zones d'emplois et de pôles d'attractivité.

Alors que les discussions relatives au prochain cadre financier pluriannuel accusent de longs retards et se heurtent à des désaccords persistants entre les États membres, le rapporteur spécial s'interroge sur le volume de crédits de paiement qui devra être prévu dans les prochaines années pour couvrir les engagements passés .

Progression du stock de RAL depuis 2014

(en milliards d'euros)

Source : Commission des finances, à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

2. La prévisibilité des ressources de l'Union européenne devrait devenir un point de crispation de plus en plus important

Les ressources de l'Union européenne sont composées des éléments suivants :

- les ressources propres traditionnelles (RPT) incluant les droits de douane perçus sur les importations de produits en provenance de pays extérieurs à l'Union ;

- la ressource dite « TVA » due par chaque État membre , et calculée à partir d'un taux d'appel à une assiette de TVA harmonisée ;

- la ressource dite « RNB » versée par chaque État membre et obtenue par l'application d'un taux à une assiette constituée du revenu national brut de chaque État membre ;

- les autres ressources telles que, par exemple, le report du solde des exercices antérieurs, les recettes provenant des administrations européennes (produits de la location ou vente de biens, prestations de services, etc.), les amendes.

Si le rapporteur spécial a déjà rappelé dans ses contributions à la loi de règlement antérieures que les dépenses annuelles de l'Union européenne sont sujettes à de nombreuses incertitudes, ce risque s'applique également aux ressources. Ainsi, pour l'exercice 2019, la non-actualisation des bases de calcul retenues par la CCRP s'est traduite par une minoration de la contribution de la France au budget européen, rappelant que celle-ci dépend en grande partie du montant prévisionnel des agrégats économiques retenus pour estimer le montant des ressources de l'Union européenne .

S'agissant de la ressource « RNB », la Cour des comptes rappelle que la Commission européenne a émis en 2018 4 ( * ) une réserve générale sur les données transmises par la France afin d'estimer le montant de son revenu national brut. En effet, la Commission européenne a considéré que les informations transmises ne respectaient pas les normes de format, de contenu et de détail en vigueur.

Or, toute révision des comptes d'un État membre se traduit par des corrections notifiées ultérieurement .

L'évaluation du montant des ressources propres traditionnelles est également sujette à plusieurs incertitudes, alors qu'elles représentent environ 13 % des ressources propres de l'Union européenne.

Premièrement, leur volume est par nature lié à la conjoncture économique et aux variations du commerce international.

Deuxièmement, plusieurs méthodes statistiques prévisionnelles peuvent être mobilisées pour estimer leur montant. Ainsi, en mai 2018, le CCRP a modifié sa méthode d'évaluation en estimant le montant des droits de douane non plus sur les hypothèses macroéconomiques établies par la Commission européenne, mais en prolongeant les tendances de collecte observées au cours des mois précédents.

Enfin, le montant des droits de douane collectés dépend de l'efficacité de leur recouvrement par les différents États membres. Comme l'avait déjà souligné le rapporteur spécial dans le cadre de l'examen de la loi de règlement l'année dernière, l'Office européen de lutte contre la fraude (OLAF) met régulièrement en lumière des cas de sous-évaluation de marchandises importées au sein de l'Union européenne.

Or, les lacunes du recouvrement des droits de douane constituent un manque à gagner pour l'Union européenne se répercutant, in fine , sur le contribuable national , via une augmentation des contributions nationales.

Le rapporteur spécial considère que la question de la fiabilité des prévisions relatives au montant des ressources de l'Union d'une part, et de l'efficacité du recouvrement d'autre part, constitue un enjeu déterminant dans le débat actuel sur l'introduction d'un panier de nouvelles ressources propres dans les prochaines années.

En effet, sous l'impulsion du rapport publié en décembre 2016 par le groupe de haut niveau sur les ressources propres présidé par Mario Monti, dit « Rapport Monti », la Commission européenne a présenté en mai 2018 plusieurs pistes pour diversifier les ressources de l'Union européenne 5 ( * ) . Parmi elles, la Commission a renouvelé ses voeux d'instituer une ressource basée sur une assiette consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS), une ressource fondée sur les déchets d'emballage plastique, et une ressource fondée sur le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne.

La question de l'introduction de nouvelles ressources propres devient d'autant plus pressante que la Commission européenne a proposé en mai 2020 de relever le plafond de ressources de l'Union afin de pouvoir lever des ressources sur les marchés financiers , dans le cadre de sa réponse économique à la crise actuelle 6 ( * ) .

Toutefois, ces ressources supplémentaires devront faire l'objet d'un remboursement , ce qui impliquerait une hausse significative des contributions nationales des États membres. S'ils n'y consentent, en particulier les États membres qui sont déjà contributeurs nets au budget européen, la perspective de nouvelles ressources propres constitue une piste pour répondre à cette équation budgétaire , à condition que les recettes associées soient suffisamment élevées et pérennes.

MISSION « ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT »

m. vincent delahaye et rémi féraud, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 17

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 24

A. UNE GESTION MIEUX MAÎTRISÉE MAIS UN PILOTAGE TOUJOURS CONTRAINT 24

1. Une amélioration de la gestion de fin d'exercice 24

2. Des dépenses toutefois très rigides, qui font peser un risque sur la soutenabilité de la mission 24

B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL QUI AUGMENTENT ENCORE MALGRÉ UNE RÉDUCTION CONTINUE DES EFFECTIFS 25

1. Des réformes des indemnités de résidence à l'étranger (IRE) très attendues 25

2. Des négociations non abouties sur la prise en compte du risque de change mais une amélioration de la prévision de l'effet-prix 26

3. Des efforts de réduction des effectifs 27

C. UN RISQUE NON NÉGLIGEABLE QUI PÈSE SUR LE FINANCEMENT DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES 28

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Action extérieure de l'État », qui représente 2,9 milliards d'euros, soit 0,61 % du budget de l'État (contre 0,92 % en 2018), regroupe en 2019 les crédits des quatre programmes suivants :

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » , qui porte les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau diplomatique, ainsi que les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ;

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » , qui regroupe les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau consulaire, ainsi que les bourses octroyées aux élèves français scolarisés dans les établissements du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

- le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » , qui rassemble les crédits de fonctionnement du réseau culturel et les subventions versées aux quatre opérateurs de la mission ;

- le programme 347 « Présidence française du G7 » , créé en loi de finances initiale (LFI) pour 2018, qui regroupe les moyens financiers dédiés à la préparation du sommet de Biarritz qui s'est tenu en août 2019. Ce programme est temporaire et limité aux exercices budgétaires 2018 et 2019.

Les dépenses de la mission sont désormais, à part égale, des dépenses d'intervention (titre 6) et des dépenses de personnel (titre 2), et sont dans une moindre mesure des dépenses de fonctionnement (titre 3).

Répartition des crédits de la mission exécutés, par titre

(en autorisations d'engagement)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Écart à la prévision

Taux d'exécution

Crédits LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Écart à la prévision

Taux d'exécution

Évolution de l'exécution 2019/2018

LFI 2019/ LFI 2018

105

AE

1 898,7

1 880

-18,7

99%

1776

1 749,9

-26,1

99%

-7%

-122,7

CP

1 901,7

1 880,1

-21,6

99%

1 774,4

1750

-24,4

99%

-7%

-127,3

185

AE

718,5

719,8

1,3

100%

699,6

689,7

-9,9

99%

-4%

-18,9

CP

718,5

719,9

1,4

100%

699,6

689,7

-9,9

99%

-4%

-18,9

151

AE

368,7

362,8

-5,9

98%

374,2

362,9

-11,3

97%

0%

5,5

CP

368,7

363,4

-5,3

99%

374,2

362,9

-11,3

97%

0%

5,5

347

AE

14,4

0,2

-14,2

1%

22

16,6

-5,4

75%

8 200%

7,6

CP

12

0,08

-11,92

1%

24,4

16,6

-7,8

68%

20 650%

12,4

Total
P347 inclus

AE

3 000,3

2 962,8

-37,5

99%

2 871,8

2 819,1

-52,7

98%

-5%

CP

3 000,9

2 963,48

-37,42

99%

2 872,6

2 819,2

-53,4

98%

-5%

Total
hors P347

AE

2 985,9

2 962,6

-23,3

99%

2 849,8

2 802,5

-47,3

98%

-5%

-136,1

CP

2 988,9

2 963,4

-25,5

99%

2 848,2

2 802,6

-45,6

98%

-5%

-140,7

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exécution des crédits en 2019 est relativement conforme aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, le taux de consommation des crédits s'élevant à 98 % sur l'ensemble de la mission. Ce taux est toutefois légèrement inférieur à celui de 2018, qui s'élevait à 99 %.

Le montant des crédits sous-exécutés en 2019 s'élève à 52,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (53,4 millions d'euros en crédits de paiement), soit 15,2 millions d'euros de plus qu'en 2018. L'écart par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale s'accroît donc, alors même que la consommation des crédits du programme 347 « Présidence française du G7 » s'est améliorée.

Le coût du sommet de Biarritz

Le montant budgété en LFI sur le programme 347 consacré au sommet du G7 à Biarritz avait été calculé à partir du coût du sommet du G8 de Deauville en 2011 (31,5 millions d'euros dont 11,4 millions d'euros non programmés initialement, en raison notamment de coûts d'aménagement non anticipés).

Le budget total prévu sur les exercices 2018 et 2019 (36,4 millions d'euros) intégrait 2,9 millions d'euros d'activités diplomatiques préparatoires et 2,3 millions d'euros de frais de communication et de fonctionnement du secrétariat général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE).

Les crédits exécutés sur ce programme en 2018 et 2019, correspondant au coût du sommet, ont été inférieurs aux prévisions : ils se sont élevés à 33,5 millions d'euros. À ceux-là s'ajoutent 1,4 million d'euros d'indemnités versées depuis le programme 134 aux commerçants de Biarritz dont l'activité a été affectée par la tenue du sommet. M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, avait déposé un amendement lors de l'examen du PLF 2019 pour réduire de 3,1 millions d'euros les crédits dédiés à ce sommet, retiré en séance. L'exécution témoigne bien de la surestimation des crédits ouverts en LFI.

Plusieurs facteurs expliquent la différence de coût entre le sommet de Biarritz et celui de Deauville. En premier lieu, un travail important de spécification des besoins par la maîtrise d'ouvrage a eu lieu et une stratégie d'achats souple a été mise en place. En second lieu, des mécénats en nature ciblés sur les dépenses les plus difficiles à anticiper ont été recherchés. En 2011, le mécénat avait contribué au financement du coût du sommet de Deauville à hauteur de 2,3 millions d'euros. En 2019, ce montant représente 9,5 millions d'euros pour le sommet de Biarritz, hors prêt gracieux de véhicules de cortège. L'entreprise Orange a ainsi financé à hauteur de 9,1 millions d'euros le renforcement des réseaux et de la cyber sécurité du sommet pour lesquels 1,5 millions d'euros avaient été initialement budgétés. En outre, le fonds de concours « présidence française du G7 » a été abondé à hauteur de 0,46 million d'euros par l'entreprise L'Oréal en septembre 2019 pour financer des dépenses liées au conseil consultatif hommes femmes.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les données de la Cour des comptes.

Évolution de l'exécution des crédits (en autorisations d'engagement) de la mission par programme en 2019, par rapport aux crédits votés en LFI

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'augmentation des crédits sous-exécutés des trois programmes pérennes de la mission est d'autant plus problématique que les crédits votés en loi de finances initiale pour 2019 ont diminué pour deux de ces programmes par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2018. Ils ont en effet été inférieurs de 128,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (128,3 millions d'euros en crédits de paiement) à ceux de la loi de finances initiale pour 2018, soit une diminution de 4,3 % à périmètre constant 7 ( * ) .

Évolution des crédits votés en LFI par programme
(en autorisations d'engagement)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le programme 105 est celui qui a le plus perdu de crédits (-6,5 % en AE) entre la loi de finances initiale pour 2018 et la loi de finances initiale pour 2019, alors qu'il a bénéficié de transferts de crédits d'autres ministères (+15 millions d'euros) au titre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger. Cette diminution, qui s'élève à 7,3 % en neutralisant les transferts reçus, est principalement due au changement de barème des quotes-parts aux budgets de l'ONU 8 ( * ) , à la fermeture de la mission des Nations-Unies au Libéria (MINUL) et à la transformation de la mission des Nations-Unies en Haïti (MINUSTAH) avec une réduction des effectifs.

Les crédits du programme 185 ont également diminué entre 2018 et 2019 (- 2,6 %) , en raison de la baisse des crédits attribués aux Alliances françaises et aux établissements à autonomie financière (EAF). Par ailleurs, une sous-exécution de 10 millions d'euros a été constatée en 2019 sur les bourses visant à attirer en France les meilleurs étudiants internationaux . Le ministère a précisé que cela serait corrigé dans le suivi de la gestion 2020 par des consignes plus précises données aux postes. Les rapporteurs seront particulièrement vigilants à la mise en oeuvre de ces engagements.

À l'inverse, le programme 151 a vu ses crédits progresser de 1,5 % : les crédits des bourses scolaires ont diminué mais les dépenses de personnel ont augmenté. Les dépenses d'intervention du programme, qui correspondent à l'aide à la scolarité (101,6 millions d'euros) et aux aides sociales (13,3 millions d'euros) ont en effet très légèrement diminué en 2019 (-0,2 %). Les crédits dédiés aux bourses se sont élevés à 99,2 millions d'euros, en légère baisse par rapport aux années précédentes, en raison de la diminution du nombre de boursiers (-3,5 %). Par conséquent, le MEAE estime que la soulte de l'AEFE évaluée initialement à 17,9 millions d'euros devrait être supérieure à ce montant (environ 20 millions d'euros fin 2019 d'après le CBCM).

Évolution des crédits d'aides à la scolarité exécutés

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Enfin, les crédits du programme 347 ont également augmenté en LFI 2019 (+23 % en AE et +103 % en CP), la majeure partie des crédits n'ayant pas été consommée en 2018.

La légère sous-exécution des crédits de la mission dissimule en réalité une sur-exécution des crédits du titre 2. Ils ont été en 2019, comme tous les ans depuis 2008, à une exception près, supérieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale.

Évolution des crédits du titre 2 et de l'exécution du plafond d'emplois

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En 2019, cette sur-exécution est toutefois de moindre ampleur que les années précédentes : les crédits exécutés représentent 100,1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale . Comme en 2018, le schéma d'emplois a été plus que respecté (39 ETPT de moins que le plafond d'emplois prévu en LFI et en loi de finances rectificative). Le plafond d'emplois de la mission est en revanche plus élevé qu'en 2018 (12 115 ETPT en 2019 contre 11 888 en 2018), soit une hausse de 227 ETPT, en raison notamment du regroupement, au sein de la mission « Action extérieure de l'État » des effectifs chargés du soutien dans les réseaux de l'État à l'étranger 9 ( * ) et du transfert vers les régies diplomatiques des agents de trésorerie placés auprès des ambassades 10 ( * ) .

Crédits de titre 2 ouverts en LFI et exécutés en 2019 par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. UNE GESTION MIEUX MAÎTRISÉE MAIS UN PILOTAGE TOUJOURS CONTRAINT

1. Une amélioration de la gestion de fin d'exercice

Contrairement à l'exercice 2018, qui avait notamment nécessité un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles de 4,5 millions d'euros en toute fin de gestion, la fin de gestion de l'exercice 2019 a été mieux maîtrisée.

Il n'y a pas eu de mesures de régulation budgétaire avant la loi de finances rectificative (LFR). Les annulations de crédits au-delà de la réserve de précaution ont pu être couvertes par de moindres dépenses de fonctionnement en administration centrale et dans le réseau, ainsi que par des économies de constatation.

À l'échelle de la mission, 27,8 millions d'euros en AE et 27,7 millions d'euros en CP ont fait l'objet d'un surgel, en application du principe d'auto-assurance encouragé par le Premier ministre. Une partie de ces annulations a permis de couvrir les ouvertures de crédits sur le titre 2 autorisées en LFR (10,3 millions d'euros le programme 105). En effet, malgré l'autorisation donnée par la lettre plafond de juillet 2019 de mobiliser la réserve de précaution pour absorber l'effet change des dépenses de personnel, un léger dépassement de la masse salariale a nécessité des crédits supplémentaires en LFR, finalement supérieurs aux besoins réels .

2. Des dépenses toutefois très rigides, qui font peser un risque sur la soutenabilité de la mission

Les grands postes de la mission « Action extérieure de l'État » que constituent les contributions internationales aux opérations de maintien de la paix, les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs et la masse salariale sont relativement rigides . Par ailleurs, comme l'ont rappelé les rapporteurs lors de la loi de règlement 2018, le pilotage de la mission est contraint par deux types de risque : le risque sécuritaire et le risque de change .

S'agissant du programme 105, hors dépenses de personnel, 65 % des crédits sont consacrés aux contributions internationales et opérations de maintien de la paix, tributaires de contraintes externes (négociations des barèmes de contribution, impact du taux de change, notamment).

S'agissant du programme 151, 77 % des crédits hors personnel sont versés à l'AEFE au titre de l'aide à la scolarité . Le reste des crédits se compose quant à lui de plusieurs lignes difficilement pilotables (indemnités des conseillers de l'assemblée des Français de l'étranger, organisation des élections, dépenses liées aux services offerts aux usagers, rapatriements et hospitalisations) et dispose donc de capacités de redéploiements structurellement limitées.

74 % des crédits hors dépenses de personnel du programme 185 prennent la forme de subventions aux opérateurs (Agence pour l'enseignement français à l'étranger, Institut français, Atout France, Campus France,) et Alliances françaises . 10 % des crédits prévus en LFI sont consacrés aux bourses de mobilité pour les étudiants étrangers en France et 6 % aux dotations des établissements à autonomie financière (EAF) qui permettent le fonctionnement du réseau culturel à l'étranger.

La rigidité de ces dépenses (contributions internationales, subventions pour charges de service public et masse salariale) reconduit, de façon quasi-automatique, les hypothèses de budgétisation.

Or cette rigidité fait peser un risque sur la gestion annuelle des crédits , dans la mesure où elle ne permet pas de faire face à un effet change plus important que prévu par exemple, ou encore à des dépenses imprévues liées à des décisions politiques en cours de gestion , comme en témoignera certainement l'exécution des crédits de l'année 2020 dans le contexte de l'épidémie de covid-19.

B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL QUI AUGMENTENT ENCORE MALGRÉ UNE RÉDUCTION CONTINUE DES EFFECTIFS

Comme l'ont montré les rapporteurs spéciaux dans leur rapport d'information sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 11 ( * ) , les dépenses de personnel de la mission « Action extérieure de l'État » progressent alors que les effectifs diminuent, à périmètre constant. Ce constat est encore valable pour l'exercice 2019.

1. Des réformes des indemnités de résidence à l'étranger (IRE) très attendues

Le montant total des IRE versées aux agents sous plafond d'emploi en 2019 est en légère baisse par rapport à 2018 (386,5 millions d'euros contre 390 millions d'euros), compte tenu de la réalisation du schéma d'emploi à l'étranger, malgré une revalorisation moyenne de 3 % de l'IRE de l'ensemble des groupes pour faire face aux variations de change.

Des réformes des IRE sont toutefois encore attendues par les rapporteurs spéciaux, à compter de 2020 . Le régime des « sur-vocations », qui doublonne les IRE et permet de cumuler des avantages financiers dans certains pays, doit être supprimé dès 2020 et permettre de générer une économie de 5 millions d'euros sur la période 2020-2023, qui sera affectée à la dotation en IRE des catégories C en poste à l'étranger.

Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement attentifs, dans leurs travaux sur la loi de règlement pour 2020, aux réformes qui auront été menées en la matière et à leur impact.

2. Des négociations non abouties sur la prise en compte du risque de change mais une amélioration de la prévision de l'effet-prix

En matière d'effet-prix, des avancées ont eu lieu avec le PLF 2020, qu'il s'agira pour les rapporteurs d'évaluer lors de la prochaine loi de règlement.

Le PLF 2020 a en effet prévu pour la première fois un mécanisme de provision des effets-prix sur la masse salariale . Il correspond d'une part à une provision des effets de l'inflation mondiale sur la rémunération des agents de droit local (ADL), établie à partir des anticipations d'inflation du FMI, pays par pays. Il comprend d'autre part une provision des effets-prix sur les indemnités de résidence à l'étranger (IRE) établie à partir des quatre dernières actualisations trimestrielles des barèmes.

L'effet-change, par nature plus difficile à budgétiser, n'est en revanche pas mieux anticipé aujourd'hui qu'hier.

L'achoppement des négociations menées sur la prise en compte
du risque de change

Des négociations menées en 2019 par le MEAE et la direction du budget pour mettre en place un dispositif plus complet de prise en compte du risque de change sur les dépenses de personnel n'ont pas abouti. Une lettre plafond du Premier ministre du 26 juillet 2019 a toutefois repris une partie des propositions du MEAE :

- la mise en place d'une expérimentation visant à faire couvrir le risque de change sur les IRE et les agents de droit local (ADL) par la mobilisation de la réserve de précaution, à la baisse comme à la hausse ;

- la définition d'un mécanisme de suivi partagé de l'exécution des dépenses à l'étranger courant 2020, avant extension de la couverture aux dépenses en devises de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires.

3. Des efforts de réduction des effectifs

La progression des effectifs de la mission « Action extérieure de l'État » en 2019 12 ( * ) ne traduit pas une volonté d'inflexion de la tendance baissière constatée depuis 2008 13 ( * ) mais une extension du périmètre des missions du ministère . La réforme des réseaux de l'État à l'étranger a en effet conduit à mutualiser des personnels de soutien à l'étranger et à les regrouper au sein du programme 105.

Les économies de dépenses de personnel attendues dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger

La réunion interministérielle du 25 janvier 2019 présidée par le Premier ministre a décidé d'un objectif de diminution des dépenses de personnel du MEAE de 45,1 millions d'euros pour le MEAE entre le 1 er juillet 2018 et le 31 décembre 2022.

À ce stade, la réforme des réseaux de l'État à l'étranger a engendré 18,6 millions d'euros d'économies sur le titre 2 en 2019 et avait permis de réduire ces mêmes crédits de 6,3  millions d'euros en 2018. Au total, 24,9 millions d'euros d'économies ont donc d'ores-et-déjà été réalisés.

Parallèlement à ces transferts de personnel, le ministère a continué à poursuivre les efforts demandés (-318 ETPT). La Cour des comptes souligne à cet égard que le schéma d'emplois a même été surexécuté par rapport aux objectifs pour les titulaires de CDI en administration centrale (catégorie G1) et pour les agents de droit local (catégorie G5). En revanche, les réductions d'ETPT des titulaires et CDI à l'étranger (catégorie G2) et des personnels en CDD et volontariat international (catégorie G3) ont été moindres que prévu.

Dans leurs travaux sur la masse salariale du MEAE, les rapporteurs spéciaux avaient souligné la nécessité de favoriser la transformation de postes d'expatriés en postes de contrats de recrutement sur place (CRSP) et de volontaires internationaux lorsque le profil du poste le permet. Il semble, au regard de l'exécution 2019, qu'il y ait encore des progrès à faire en la matière.

C. UN RISQUE NON NÉGLIGEABLE QUI PÈSE SUR LE FINANCEMENT DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES

Depuis la réforme de la politique immobilière de l'État de 2006, la politique immobilière du MEAE s'appuie sur le compte d'affectation spéciale 723 « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » alimenté par les produits de cessions et géré par la direction de l'immobilier de l'État.

Les produits de cessions du MEAE

En 2019, les produits de cession du MEAE se sont élevés à 6,3 millions d'euros, en baisse constante depuis plusieurs années (42,5 millions d'euros en 2016, 30,5 millions d'euros en 2017 et 26,6 millions d'euros en 2018).

Les principales cessions de l'année concernent l'ancien site de l'ambassade de France à Budapest (3 millions d'euros) et la villa du service de coopération et d'action culturelle à Ottawa (0,8 million d'euros). Le reliquat est constitué de recettes concernant des biens dont la vente a eu lieu en 2018 (villa du 1er conseiller à Dar es Salam et villa «Yvonne» à Libreville).

Source : rapport annuel du CBCM

Compte tenu de la baisse tendancielle des recettes de cessions, le ministère a commencé en 2012 à basculer certaines opérations vers les crédits budgétaires d'entretien lourd du programme 105.

7,5 millions d'euros de crédits ont été inscrits en LFI en 2019 pour financer les dépenses d'entretien lourd en France et 7,6 millions d'euros ont été consommés en autorisations d'engagement (4,3 millions d'euros en CP) pour faire face à la vétusté de certains sites franciliens et nantais.

12,5 millions d'euros ont été inscrits pour financer les dépenses d'entretien lourd à l'étranger et 13 millions d'euros ont été exécutés en AE (13,3 millions d'euros en CP) pour financer plus de 400 opérations pour des montants variant de quelques centaines d'euros à plus d'un million d'euros (à Taipei, Wuhan et Quito).

Par ailleurs, 100 millions d'euros de dépenses d'investissement relatives à la sécurisation des emprises à l'étranger sont financées sur deux ans par une avance du programme 723 gérée par le ministère de l'action et des comptes publics , ce qui s'est traduit par une diminution de 30 millions d'euros de la ligne correspondante sur le programme 105 et par une bascule des crédits correspondants vers le CAS 723.

Les crédits relatifs à la sécurité des établissements scolaires du réseau de l'AEFE sont désormais également portés par le programme 723, avec une baisse correspondante de la subvention de l'AEFE de près de 15 millions d'euros.

Par ailleurs, un socle de 17,7 millions d'euros de crédits a été maintenu sur le programme 105 en LFI 2019 pour financer des opérations d'investissement à l'étranger ainsi que l'achat, l'entretien et la maintenance des véhicules blindés 14 ( * ) . 11,8 millions d'euros ont été consommés en 2019 en AE (16,1 millions d'euros en CP).

Comme en 2018, l'absence de perspective générale sur les besoins en crédits immobiliers nuit à l'efficacité de la gestion de ces dépenses. Surtout, les risques sur la programmation immobilière ont augmenté avec le projet « Quai d'Orsay 21 » qui va représenter un investissement majeur d'ici 2022. Le coût de ce projet de rénovation, d'agrandissement et de mise aux normes du Quai d'Orsay était estimé initialement à 80 millions d'euros. Une évaluation de novembre 2018 le réévaluait néanmoins à 95 millions d'euros. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel appelle le MEAE à mettre en place une gouvernance opérationnelle pour suivre les risques de ce projet, à l'instar de ce qui a été fait pour le sommet du G7.

Les rapporteurs soulignent la nécessité, pour le MEAE, de mettre en oeuvre une stratégie immobilière pluriannuelle. Celle-ci est d'autant plus grande que le ministère est devenu l'affectataire unique du parc immobilier de l'État à l'étranger , avec 215 biens nouvellement affectés depuis le 1 er janvier 2019.

MISSION « ADMINISTRATION GÉNÉRALE
ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT »

m. jacques genest, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 34

A. UNE HAUSSE CONTINGENTE DES DÉPENSES DE LA MISSION 35

1. Hors cycle électoral, une légère réduction des charges... 35

2. Les dépenses par nature : au-delà d'évolutions apparentes, une forte inertie budgétaire 39

B. LES DÉPENSES ONT EXCÉDÉ LES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, TOUT EN LAISSANT UN MONTANT MOINS ÉLEVÉ D'ENGAGEMENTS RESTANT À PAYER, DU MOINS EN APPARENCE 49

1. Un excédent de dépenses par rapport à une programmation pluriannuelle des finances publiques, d'ores et déjà, obsolète pour le reste de la programmation 50

2. Une augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307, mais une réduction à l'échelle de la mission, dans un contexte de forte probabilité de concrétisation de charges à ce jour latentes 52

C. UNE EXÉCUTION PLUS TENDUE QU'IL N'APPARAÎT 55

1. Au total, des dépenses inférieures aux ouvertures de la loi de finances initiale et aux crédits disponibles 55

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission 58

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont été sensiblement inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale 59

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307 61

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité 65

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 67

A. UNE INFORMATION BUDGÉTAIRE LARGEMENT PERFECTIBLE 67

1. De nombreuses données financières font l'objet d'une information excessivement sommaire 67

2. La mission AGTE, une entorse à la spécialisation budgétaire qui s'aggrave du fait de la disparition des informations permettant d'apprécier la destination effective des crédits 68

3. La maquette de performance du programme 307 s'étiole de plus en plus et rend de moins en moins compte des priorités assignées au réseau préfectoral 69

4. La maquette de performance du programme 232 est réductrice 72

5. La maquette de performance du programme 216 est incomplète 73

B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES 74

1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés certaines rencontrées dans l'accomplissement des missions évoquées, notamment dans le domaine de la sécurité civile 74

2. La mise en oeuvre du PPNG n'a pas tenu toutes ses « promesses » et s'est accompagnée d'une dégradation de l'accessibilité des services de délivrance des titres 76

3. Le programme 216, comme l'an dernier, suscite des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier, mais, de plus, sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance 78

C. UNE CONTRAINTE D'EMPLOIS QUI POSE PROBLÈME 82

D. REMÉDIER AUX SITUATIONS DE DÉBUDGÉTISATION 84

E. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE REPOSE SUR DES MÉCANISMES QUI CONDUISENT À DES DÉSÉQUILIBRES PROBLÉMATIQUES 85

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) est une mission particulièrement composite, comme l'indiquent assez les objets des trois programmes qu'elle regroupe.

Les programmes de la mission AGTE

Les trois programmes de la mission « AGTE » sont, on le rappelle, d'une inégale densité budgétaire, le programme 307 (« Administration territoriale ») regroupant environ 60,1 % des dépenses réalisées en 2019 (soit 1,7 milliard d'euros sur un total de 2,8 milliards d'euros).

Les deux autres programmes, « Vie politique, cultuelle et associative » (232) pour 187,4 millions d'euros dépensés en 2019, année marquée par un calendrier électoral un peu plus dense que celui de l'année précédente qui détermine le profil budgétaire du programme, et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (216) avec 939 millions d'euros de dépenses, mobilisent, le premier, 6,6 % des moyens (à comparer aux 4,3 % de l'exercice précédent), le second 33,2 % des dépenses.

Cette répartition prend en compte une certaine irrégularité de la structure de la mission en raison d'un cycle électoral dont les effets sur la programmation et l'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale sont chroniquement significatifs.

La diversité des programmes regroupés dans la mission est aggravée par le caractère largement hétéroclite du programme 216 (un tiers des dotations) qui finance les moyens mobilisés par une série d'interventions souvent rattachables à des politiques publiques retracées par d'autres missions budgétaires.

Dans le même temps, certains programmes, qui pourraient utilement être inclus dans une mission budgétaire destinée à apprécier les moyens mis en oeuvre pour assurer l'administration générale de l'État ne l'étaient pas. Ainsi en allait-il du programme 333 « moyens mutualisés des services déconcentrés » logé dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Comme annoncé l'an dernier à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, la loi de finances pour 2020 a largement remédié à cette anomalie, tout en excluant du périmètre des regroupements un certain nombre de moyens qu'il conviendra d'inclure à l'avenir dans ce dernier. Le rapporteur spécial renvoie à cet égard aux développements qu'il a exposés dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2020 dans lequel il a pu déplorer que les agences régionales de santé, notamment, échappent au principe de mutualisation-coordination qui fonde la démarche enclenchée en 2020.

Il n'en reste pas moins qu'après cette évolution subsistera dans notre nomenclature budgétaire une mission fort éloignée, au point d'y contrevenir, de l'esprit et de la lettre de la loi organique relative aux lois de finances.

Cette situation, qui n'est pas propre à la mission AGTE - de nombreuses missions budgétaires abritent des programmes réservoirs à l'image du programme 216 de la mission AGTE- présentent de grands inconvénients qui s'aggravent (voir infra ) et devrait être corrigée.

Les réformes mises en oeuvre ces dernières années continuent à extérioriser des effets fonctionnels plus que mitigés, alors même que l'année 2019 a été riche en annonces de nouveaux projets touchant, notamment, à la réorganisation de l'administration territoriale.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

Après la baisse de la dépense observée l'an dernier pour des raisons essentiellement transitoires, les dépenses de la mission AGTE ont été légèrement supérieures en 2019 à leur niveau de 2018.

Cependant, une fois neutralisés un certain nombre de facteurs (modifications de périmètre, calendrier électoral) poussant les dépenses à la hausse, les dépenses (quasi-structurelles) de la mission ont été orientées vers une baisse modérée qui reflète la tendance désormais bien installée à un retrait des moyens de l'administration générale de l'État dans les territoires, retrait qui renvoie à une attrition plus générale du positionnement de l'État sur le territoire national.

Le rapporteur spécial a consacré un rapport d'information 15 ( * ) à cette regrettable « involution » qu'il n'a eu de cesse de déplorer ces dernières années au fil des rapports budgétaires sur la mission « AGTE ».

Fondée sur les effets du calendrier électoral de 2019 et l'alourdissement des charges de support du programme 216, la programmation budgétaire initiale faisait reposer sur le programme d'administration territoriale 307, une fois encore, une assez forte contrainte, sauf à ce que ce dernier puisse mobiliser des ressources complémentaires en gestion (fonds de concours, attribution de produits et rétablissements de crédits).

Dans les faits, la contrainte initiale pesant sur le programme 307 s'est encore resserrée, les rétablissements de crédits n'ayant pas été à la hauteur du potentiel tandis que des besoins en emplois complémentaires sont apparus.

En bref, derrière l'impression laissée d'une gestion sereine, des modifications significatives ont dû être apportées en exécution aux projets de dépenses.

Si, au total, les dépenses ont été inférieures aux disponibilités, permettant de prononcer des annulations nettes de crédits en loi de finances rectificative de fin d'année sans hausse apparente des restes à payer, la gestion de fin d'exercice suscite certaines interrogations au vu des charges de la mission demeurant à honorer.

Encore faut-il ajouter à ces considérations étroitement budgétaires celles nettement plus fonctionnelles qu'inspire l'appréciation de la capacité de l'État à faire face aux missions régaliennes que finance le budget de l'AGTE.

De ce point de vue, l'impasse semble patente au rapporteur spécial qui souhaite qu'elle ne soit comblée, ni par une nouvelle dégradation qualitative des fonctions de l'État territorial, ni par une sollicitation supplémentaire des contribuables locaux, dont les capacités contributives fort inégales ne sont que mal égalisées par les dotations budgétaires aux collectivités territoriales.

A. UNE HAUSSE CONTINGENTE DES DÉPENSES DE LA MISSION

1. Hors cycle électoral, une légère réduction des charges...

Après une année 2017 exceptionnellement « dépensière » du fait d'un cycle électoral chargé et d'un niveau très élevé de dépenses de contentieux, l'année 2018 avait vu les dépenses de la mission reculer très significativement malgré des « impayés » au titre du financement de la vie politique reportés sur cet exercice. Une fois neutralisées les évolutions atypiques, contingentes, observées en 2017, les dépenses avaient très légèrement augmenté, le supplément de dépenses représentant 0,9 % du total des dépenses de 2018 16 ( * ) .

En 2019, une nouvelle très légère augmentation intervient (+ 4 millions d'euros), qui relève de phénomènes analogues à ceux qui ordinairement « heurtent » les consommations de la mission.

Ainsi, les dépenses de la mission ont augmenté de 4 millions d'euros (+ 0,2 %) pour les crédits de paiement tandis que les autorisations d'engagement mobilisées ont été supérieures de 15,1 millions d'euros par rapport au niveau de 2018 (+ 0,6 %).

Les variations des dépenses de la mission d'une année sur l'autre oscillent autour d'une tendance baissière selon le calendrier électoral et certains événements plus ou moins ponctuels déterminés par des modifications d'organisation (et parfois de périmètre budgétaire) ou tenant au plan de charge d'un ministère confronté à de réelles tensions (parfois liées à la prolifération législative et réglementaire).

Dans ce cadre, une tendance à la déterritorialisation de l'administration générale de l'État a constitué une orientation lourde confirmée sur la période 2018-2019.

Compte tenu d'un certain nombre de reclassements entre le programme 307 et le programme 216, une fois tenue compte de leur évolution consolidée, ressort l'influence du programme 232 sur la dynamique des dépenses en 2019.

À dépenses inchangées de ce dernier programme, les consommations de la mission auraient connu un recul de 7,8 millions d'euros, le programme 307 qui retrace le déploiement de l'État sur le territoire perdant davantage de moyens que le programme support 216 (une partie de ces pertes relevant, il est vrai, de transferts) largement dédié à l'administration centrale du ministère de l'intérieur.

Évolution des dépenses de la mission

(en millions d'euros et en %)

Programme

2018

2019

Variation

Administration territoriale (307)

1 718, 8

1 699,3

- 19,5

Vie politique, cultuelle et associative (232)

175,5

187,3

+ 11,8

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

927,3

939

+ 11,7

Total

2 821,6

2 825,6

+ 4

Source : RAP 2019

Comme c'est traditionnellement le cas pour la mission, les crédits ouverts par la loi de finances initiale ont été ajustés en exécution par des rattachements de ressources récurrents, provenant de fonds de concours ou d'attributions de produits.

Ces rattachements n'ont pas débouché sur des suppléments de dépenses à due proportion de sorte que la mission a connu des dépenses inférieures au disponible. Au total, en fin de gestion, la loi de finances rectificative de fin d'année a procédé à des annulations de crédits.

Le programme 307 a sollicité des ouvertures nettes (76 millions d'euros, soit 4,6 % des ouvertures de la loi de finances) tandis qu'après ajustements de fin d'exercice, les deux autres programmes ont subi des annulations nettes de crédits (2 millions d'euros pour le programme 232 ; 20,3 millions d'euros pour le programme 216 soit, respectivement, 1 % et 2,1 % des crédits initiaux).

Éléments d'exécution des programmes de la mission en 2019

Source : commission des finances du Sénat

Au total, les taux de consommations des crédits ont varié selon le programme considéré et selon le référentiel employé.

Seul le programme 307 a connu une consommation supérieure aux crédits de la loi de finances initiale, tout en dépensant moins que le disponible alimenté par des reports mais également par des transferts et virements de crédits qu'il faudrait mieux documenter.

Taux de consommation des crédits par programme

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

Parmi les ressources complémentaires apportées en gestion figurent également des fonds de concours, attributions de produits et rétablissements de crédits.

En ce qui concerne les fonds de concours et les attributions de produits, ils posent les problèmes traditionnels venant des relations entre le ministère de l'intérieur et l'Agence nationale des titres sécurisés (voir infra ) mais également la question de la justification de la commercialisation de données de fichiers administratifs (3,1 millions d'euros sont enregistrés en recettes au titre du système d'immatriculation des véhicules) qui constitue une question complexe sur laquelle il conviendra de revenir.

La Cour des comptes considère encore que le prélèvement sur recettes des collectivités territoriales destiné à assurer le fonctionnement du comité des finances locales constitue un faux fonds de concours. Sans atteindre, de loin, les enjeux historiques 17 ( * ) des faux fonds de concours longtemps rattachés, à partir pour certains de la même source, au ministère de l'économie et des finances 18 ( * ) , il convient qu'une correction intervienne.

Le rapporteur spécial relève les intéressantes observations de la Cour des comptes sur la procédure des rétablissements de crédits.

Cette procédure est le prolongement des remboursements de dépenses obtenus à la suite notamment de paiements indus. Elle permet de minorer comptablement les dépenses à hauteur de ces remboursements.

En 2018, elle avait été mobilisée à hauteur de 16,5 millions d'euros tandis qu'en 2019 elle ne l'a été que pour 8,38 millions d'euros. Or, selon la Cour des comptes, le stock disponible aurait été en début d'exercice de 26,4 millions d'euros sur le programme 307 et de 16,9 millions d'euros sur le programme 216 pour lequel le tableau ci-dessous présente l'état du stock.

Stock des rétablissements de crédits mobilisables
sur le programme 216

Source : Cour des comptes

La plus grande part du stock figurant au programme 216 tient à des mises à disposition.

La faible mobilisation de la procédure de rétablissement de crédits traduit en fait des difficultés de gestion de la récupération des indus, soit du fait de la superposition d'unités de gestion (les budgets opérationnels de programme) elles-mêmes peu mobilisées (programme 307), soit du fait des difficultés pratiques à surmonter pour récupérer des sommes indûment versées, le responsable du programme 216 faisant valoir, de surcroît, la difficulté pouvant exister du fait du caractère aléatoire des procédures de réallocation des crédits. La fongibilité asymétrique n'étant pas nécessairement accessible, l'incitation à rétablir des crédits appelés à être annulés peut être perçue comme assez faible.

Ces considérations sont loin d'emporter la conviction du rapporteur spécial qui suggère que les crédits rétablis puissent être fléchés vers les besoins de proximité qu'il n'apparaît pas très difficile d'identifier.

2. Les dépenses par nature : au-delà d'évolutions apparentes, une forte inertie budgétaire

Les dépenses de la mission AGTE sont majoritairement des dépenses de personnel.

Le poids de ces dépenses peut varier d'une année à l`autre à raison des particularités du programme 232 de financement de la vie politique, qui porte presque exclusivement des dépenses de fonctionnement ou d'intervention et dont l'ampleur des dotations est dépendante du calendrier électoral.

Cependant, malgré une légère augmentation des dépenses consacrées au financement de la vie politique, l'exercice 2019 enregistre une augmentation, modérée, de la part relative des dépenses de personnel dans le total des charges budgétaires de la mission à 70,4 % contre 69,7 % en 2018 et 64,6 % en 2017, mais pour des raisons qui tiennent principalement à des modifications de périmètre, dans un contexte marqué par l'accumulation de facteurs, généralement limités dans leur ampleur, susceptibles de soutenir les dépenses du personnel de la mission, mais aussi de réduction des autres dépenses.

Au total, les reclassements internes des dépenses par nature sont d'une ampleur limitée en 2019.

Structure des dépenses de la mission AGTE par nature

2018 (A)

2019 (B)

Variation B/ A

Dépenses de personnel

69,7 %

70,4 %

+ 0,7

Autres dépenses

30,3 %

29,6 %

- 0,7

dont :

Fonctionnement

21,6 %

21,4 %

- 0,2

Investissement

2,6 %

2,4 %

- 0,2

Interventions

6,1 %

5,8 %

- 0,3

Opérations financières

0

0,0 %

NS

Total

100 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Par rapport à l'exercice précédent, le repli des dépenses autres que de personnel, qui est un repli en valeur absolue, est nettement influencé par le recul des dépenses d'intervention du programme support de la mission (programme 215), dont les dépenses d'investissement s'inscrivent également en baisse nette. Pour les dépenses de fonctionnement, c'est le programme 307 qui contribue à leur quasi-stabilisation en valeur (au niveau de la mission) puisque les dépenses de fonctionnement de ce programme sont les seules à baisser.

Par rapport aux prévisions initiales, incluant les prévisions de rattachements de fonds de concours et les attributions de produits, les dépenses ont été inférieures tant pour les dépenses de personnel (1,5 % de moins que prévu) que pour les autres dépenses (un déficit de consommation de 5,7 %) résultant d'un sous-investissement de plus de 50 % par rapport à la prévision.

Données sur l'exécution des crédits de la loi de finances initiale
par nature de dépenses

(en millions d'euros)

Réalisation 2018 (A)

Prévision 2018 (B)

Réalisation 2019 (C)

C-A

C-B

Dépenses de personnel

1 966,6

2 020,7

1 990,6

+ 24

- 30,1

Autres dépenses

855

885,3

835

- 20

- 50,3

dont :

Fonctionnement

610

594

603,4

- 6,6

+ 9,4

Investissement

75

142,5

67,5

- 7,5

- 75,0

Interventions

170

149,2

164,1

- 5,9

+ 14,9

Opérations financières

0,0

0

NS (PM : 32 euros !)

NS

0

Total

2 821,6

2 906

2 825,6

+ 4

- 80,4

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

a) Une diminution largement contingente des dépenses autres que de personnel

Les dépenses de fonctionnement et d'intervention de la mission reculent de 2,3 % en 2019, soit un nouveau recul après celui, nettement plus important (- 20 %) de 2018. Les trois catégories de dépenses (fonctionnement, investissement et interventions) se partagent à peu près à parité la réduction des dépenses autres que de personnel (- 20 millions d'euros).

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement (21,4 % des dépenses en 2019), leur retrait provient exclusivement du programme 307 (26 % des dépenses de fonctionnement de la mission), en lien avec la baisse des dépenses de fonctionnement des deux actions consacrées, l'une, à la réglementation générale et à la délivrance des titres sécurisés, l'autre, à l'animation du réseau. Comme il arrive souvent, ces évolutions présentent un caractère paradoxal dans la mesure où le disponible initial (hors mouvements réglementaires de crédits) avait été calibré en-deçà des dépenses effectives. Mais ces dépenses font l'objet de modifications structurelles en cours d'exercice, notamment en raison des relations croisées entre l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et le ministère de l'intérieur (voir infra ). À son tour, cette mécanique peut susciter quelques interrogations sur les conditions de financement des dépenses de la mission (voir infra ).

Les dépenses de fonctionnement des deux autres programmes sont à peu près stabilisées. Il est remarquable que les dépenses de fonctionnement du réseau préfectoral ne soient supérieures que de 55 % aux dépenses de fonctionnement relevant du programme de la mission consacré à la vie politique qui sont tributaires d'une organisation opérationnelle des élections structurellement coûteuse (voir infra ).

Pour les dépenses d'investissement (2,4 % des dépenses en 2019), leur recul est imputable au programme 216 (11 millions d'euros environ de dépenses en moins par rapport à 2018), mais il semble qu'une économie passive de l'ordre de 4,8 millions d'euros doive être constatée sur le programme 307 (immobilier), programme dont le devenir immobilier est du reste rendu assez incertain par la politique annoncée d'externalisation aux Maisons France Services. Pour le programme 216, la prévision a été considérablement sous-exécutée, le déficit concernant tant les dépenses informatiques que les dépenses immobilières.

En ce qui concerne ces dernières dépenses, la sous-consommation des crédits ressort comme encore plus forte en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. Il s'agit sans doute d'un indice d'une difficulté de déroulement des programmes, mais également du résultat de divers mouvements comptables de crédits explicités infra (sans compter les effets des ajustements budgétaires de fin d'année qui prennent pour cible privilégiée les investissements).

À ce propos, le rapporteur spécial s'interroge sur les conditions dans lesquelles il est possible de gérer sereinement des investissements dont une partie, rarement négligeable, des moyens est d'emblée gelée et préférentiellement candidate au surgel, et aux annulations subséquentes. On ne peut pas dire que l'environnement budgétaire soit très favorable aux opérations d'investissement de la mission, qui ne doit pas afficher de singularité sur ce point. Il faudrait un jour compter les surcoûts auxquels tous ces verrous peuvent aboutir.

Quant aux dépenses informatiques, le nouveau projet phare du ministère, le réseau radio du futur, a été consommé au quart, à peine, de l'enveloppe prévue initialement, pour des raisons résumées laconiquement par le responsable du programme par l'évocation d'un « retard pris dans sa réalisation » , dont, à vrai dire, on se doutait un peu, l'attention devant plutôt porter sur les tenants et aboutissants de ce retard.

S'agissant des dépenses d'intervention (5,8 % des dépenses en 2019), elles sont en repli de l'ordre de 6 millions d'euros (- 3,5 %) en raison des évolutions constatées sur le programme 216 (- 15,7 millions d'euros) en lien avec la baisse des financements accordés au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

b) Malgré un schéma d'emplois a priori économe, une progression des dépenses de personnel

La mission AGTE a été placée ces dernières années sous l'influence d'une contrainte d'effectifs qui s'est inscrite dans une séquence plus longue de forte réduction structurelle des emplois rémunérés par la mission.

Après les séquences de la réforme de l'administration territoriale de l'État (la RéATE) et de la modernisation de l'action publique (la MAP), le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), qui prévoyait la suppression nette de 1 300 ETPT 19 ( * ) en trois ans (2016-2018), soit une réduction des emplois du programme 307 de 4,9 % a représenté une nouvelle étape de restructuration du réseau d'administration générale de l'État.

L'année 2019 a été le théâtre de nouvelles annonces, plus ou moins inscrites dans les perspectives tracées par le comité « Action publique 2022 », modulo les événements « Gilets jaunes », dont les impacts, quoique prévisibles (un nouveau tour de baisse des effectifs déployés par l'État sur les territoires), ne sont pas à ce jour parfaitement quantifiables.

En toute hypothèse, pour 2019, le schéma d'emplois de la mission avait été une fois de plus placé sous le signe d'une austérité certaine et dans le cadre d'un pari : celui de voir les structures mises en place dans le cadre du plan PPNG parvenir à fonctionner plus correctement.

Schémas d'emplois de la mission AGTE
2016-2019

(en ETPT)

Source : Cour des comptes

Le schéma d'emplois une fois corrigé des transferts s'est élevé à - 371 ETP pour le programme 307 entérinant une nouvelle réduction des moyens de l'administration territoriale.

Toutefois, plusieurs éléments doivent être pris en compte pour nuancer cette évolution.

En premier lieu, l'importance des transferts en cours de gestion doit être relevée. Une fois corrigé des transferts, le schéma d'emplois du programme 307 s'est traduit par des réductions d'effectifs plus limitées, mais se montant, malgré tout à 200 ETP.

Deux singularités méritent encore d'être relevées s'agissant du programme 307 : la mise en oeuvre d'un transfert d'emplois assez massif du programme 307 vers le programme 216 au titre notamment des personnels d'administration centrale du ministère (ainsi le programme 307 ne porte plus les 96 ETPT correspondants qui ne se retrouve pas moins dans la mission, mais sur un autre programme) et un transfert d'emplois importants (66 ETPT) vers les régions au titre de la gestion des fonds européens (gestion transférée aux régions depuis la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite « MAPTAM »).

En second lieu, l'impact du schéma d'emplois réalisé en 2019 a été encore plus fort une fois traduit en consommation des emplois sur l'année (6 294 emplois rémunérés par le programme 307). Certains recrutements et rattachements sont intervenus tardivement. Il en est allé ainsi pour les emplois correspondant à une centaine d'ETPT au titre des délégués du préfet. En outre, des recrutements de personnels techniques ont été différés pour compenser les recrutements de personnels administratifs nécessités par l'activité croissante constatée dans certains domaines, en particulier, au titre de l'accueil des étrangers.

Les services en charge de l'accueil des étrangers représentent 15 % des effectifs du programme 307 selon le rapport annuel de performances et l'accroissement des dossiers à traiter, mais aussi les mesures adoptées pour la prise en charge des mineurs non accompagnés ont nécessité le recrutement de 84 emplois pérennes (dont 51 emplois pour la prise en charge des mineurs non accompagnés) en lieu et place des emplois précaires jusqu'à présent mis en place.

Il faut relever que cette évolution de la politique d'emplois du ministère de l'intérieur a exercé un impact très net en 2019 sur la gestion des emplois puisqu'à la prévision d'une réduction de 200 ETPT s'est changée, en réalisation, en une augmentation de 84 ETPT de personnels titulaires, la réduction des emplois précaires étant de 20 %.

Il faut enfin souligner la hausse du taux de vacance des emplois qui a doublé à 2 % (soit 532 ETPT).

Évolution des emplois en 2019 (en ETPT)

(en ETPT)

Programme

Réalisation 2018

LFI+LFR+

Réalisation 2019

Écart

2019/2018

Écart 2019 réalisés/ 2019 prévus

Transferts en

gestion

Administration territoriale (307)

25 659

25 417

24 885

- 774

- 532

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (232)

6 859

7 442

7 253

+ 394

- 189

Vie politique, cultuelle et associative (207)

48

51

49

+ 1

- 2

Total

32 467

33 048

32 566

+ 99

- 482

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette situation, dont les ressorts peuvent être très divers (mauvais fonctionnement de la fonction de recrutement, perte d'attractivité de métiers peu valorisés et inscrits dans des perspectives peu claires, problèmes de viviers locaux...) mérite d'être suivie avec attention.

En ce qui concerne le programme 216, outre l'impact du transfert en provenance du programme 307 cité ci-dessus, un transfert entrant prévu en loi de finances pour 2019 doit être signalé dans la mesure où il correspondait à l'expérimentation partielle d'un processus que la loi de finances pour 2020 a généralisé avec la création de structures de niveau de déploiement territorial variable (administration centrale ; niveau supra départemental) appelées à être le creuset de nouvelles mutualisations. Le constat d'une sous-consommation des emplois se vérifie également pour ce programme et appelle la même attention que pour le programme 307.

Quant au programme 232, peu consommateur d'emplois, il a sous-exécuté son plafond d'emplois de 2 unités (4 % du plafond) malgré la création d'un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Dans un contexte favorable à la maîtrise des dépenses de personnel du fait des évolutions du volume d'emploi mobilisé et de l'absence de revalorisation indiciaire générale en 2019, les dépenses de personnel ont, malgré tout, augmenté, de 1,2 % (+ 24 millions d'euros).

Le GVT-solde évolue différemment entre les programmes 307 et 216 : dynamique pour le premier, en raison notamment du processus de repyramidage lié au plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), il s'inscrit en baisse pour le second. Le transfert des emplois d'administration centrale portés auparavant par le programme 307 ne pèse pas encore en 2019 mais, à l'avenir, il devrait modifier quelque peu la dynamique du GVT du programme 216.

Les autres mesures catégorielles sont également beaucoup plus dynamiques sur le programme 307, notamment du fait des dispositions prises pour améliorer l'attractivité des emplois chargés en préfectures de traiter les dossiers relatifs aux étrangers.

Pour 2019, la reprise du calendrier du protocole « PPCR » se traduit pour les programmes 307 et 216 par un supplément de charges de 3,8 millions d'euros.

Les indemnités perçues dans le cadre du fonctionnement du compte épargne temps sont plus élevées pour le programme 307 que pour le programme 216, mais l'écart paraît épouser celui relatif au nombre des emplois mobilisés par chaque programme.

Quoi qu'il en soit, en 2019, ces indemnités représentent le poste le plus dynamique de ceux concourant à l'augmentation des rémunérations d'activité, indice sans doute d'un choix de gestion du personnel passant prioritairement par le temps de travail, dans un contexte marqué par une tendance à la réduction du volume de travail mobilisé.

Impact en 2019 du schéma d'emploi agrégé de la mission et d'autres variables salariales structurelles sur les charges salariales de la mission

GVT-solde

Mesures catégorielles

Indemnisation CET

Total

Schémas d'emplois 2018 et 2019

Solde

Programme 307

7,9

4,5

5,4

17,8

-22,5

-4,7

Programme 216

-1,6

1,3

1,6

1,3

-1,9

-0,6

Total

6,3

5,8

7

19,1

-24,4

-5,3

Source : commission des finances du Sénat

La corrélation entre les emplois mobilisés par chaque programme et le poids relatif des rémunérations d'activité est assez étroite, mais présente une certaine hiérarchie. Les emplois du programme 307 sont moins rémunérés que ceux des deux autres programmes de la mission du fait d'un contenu catégoriel différencié mais sans doute également d'un contenu en primes différent.

Corrélation entre le niveau relatif des emplois
et le niveau relatif des rémunérations d'activité

(en millions d'euros pour les rémunérations)

ETPT

Part dans le total

Rémunérations d'activité

Part dans le total

Programme 307

24 885

77,3%

894,4

74,1%

Programme 232

49

0,2%

6,8

0,6%

Programme 216

7 253

22,5%

306,2

25,4%

Total

32 187

100%

1 207,40

100%

Source : commission des finances du Sénat

Même si la perspective d'une réforme des retraites passant par l'intégration des primes des fonctionnaires dans le mécanisme de détermination des droits à retraite paraît aujourd'hui s'éloigner, il serait justifié de présenter à l'avenir les rémunérations d'activité (et les cotisations employeurs afférentes) en distinguant les rémunérations indiciaires des rémunérations indemnitaires, et ce, par corps de fonctionnaire.

Les vitesses de croissance de chacune des composantes des rémunérations d'activité offrent des singularités qu'il convient de pouvoir saisir de même que les déformations structurelles des revenus correspondants.

En outre, une information plus significative que celle portant sur l'année considérée s'impose.

Cette dernière conduit à tronquer l'appréciation qu'on se forme des sous-jacents de la politique salariale du ministère.

À cet égard, le dispositif de performances de la mission est trop pauvre en indicateurs de gestion des ressources humaines pour une mission dont plus de 70 % des dotations relèvent de dépenses de titre 2 et doit de ce fait être mis à niveau.

Pour illustrer ces analyses, l'on peut mentionner deux éléments.

Pour les mesures catégorielles, l'année 2019 ne révèle guère de dynamique significative. Mais, appréciées sur plus longue période, l'on pourrait observer que la mise en place du régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP créé par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014) au profit des membres du corps préfectoral a suscité une augmentation du coût global et du coût global moyen des rémunérations d'activité versées aux hauts fonctionnaires de ce corps de 6,08 % en 2018 (en lien certes avec une sous-budgétisation de la mesure en 2017), pour un coût en année pleine de 4,8 millions d'euros concernant 565 agents de catégorie A +. Cette mesure représentait alors 80 % des mesures catégorielles de l'année.

Un indicateur long de partage des rémunérations d'activité entre « indiciaire » et « indemnitaire » décomposé selon l'appartenance aux différents corps d'emploi permettrait de mieux saisir les équilibres rémunératoires mis en oeuvre et les enjeux correspondants sur le cycle d'activité.

De la même manière, alors que les orientations de la politique des ressources humaines sont marquées par de forts enjeux fonctionnels (voir à ce sujet les intentions de reclassements affichées par le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), avec de forts impacts attendus sur la structure des emplois, mais aussi par des nécessités territoriales, il est notable qu'aucune information systématique ne soit donnée sur des composantes aussi essentielles. La perspective de nouvelles modifications majeures (le développement des mutualisations, la multiplication des Maisons France Services...) impose de remédier à cette pénurie informative, si l'on veut que l'autorisation parlementaire conserve son sens.

Les contributions-employeur au compte d'affectation spéciale « Pensions » ont ajouté 5,9 millions d'euros de charges de titre 2 en 2019 pour les deux programmes 307 et 216, selon une structure qui fait ressortir les économies importantes réalisées du fait de la nature des emplois mobilisés par le programme 307.

La protection assurée par le régime de retraite des fonctionnaires ressort comme structurellement moins effective pour les agents au service de l'administration territoriale (de plus en plus exclus, par leur statut, du bénéfice du régime de retraite des fonctionnaires), et de ses usagers, que pour ceux, souvent d'administration centrale, du programme 216.

Évolution des contributions employeur
aux régimes de retraite des agents entre 2018 et 2019

Civils

Militaires

Ouvriers de l'État et autres

Total

Programme 307

- 3,7

+ 0,1

+ 0,2

- 3,4

Programme 216

+ 7,9

+ 0,1

+ 1,3

+ 9,3

Total

+ 4,2

0,2

+ 1, 5

+ 5,9

Source : commission des finances du Sénat

Alors qu'il existe encore une certaine proportion entre les rémunérations d'activité et les cotisations employeurs au CAS « Pensions », cette dernière tend donc à se décorréler progressivement.

Corrélation entre les rémunérations d'activité
et les contributions employeurs au CAS « Pensions »

Rémunérations d'activité

Part dans le total

CAS Pensions

Part dans le total

Programme 307

894,4

74,1%

434,7

74,26%

Programme 232

6,8

0,6%

0,4

0,07%

Programme 216

306,2

25,4%

150,3

25,67%

Total

1 207,40

100%

585,4

100%

Source : commission des finances du Sénat

B. LES DÉPENSES ONT EXCÉDÉ LES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, TOUT EN LAISSANT UN MONTANT MOINS ÉLEVÉ D'ENGAGEMENTS RESTANT À PAYER, DU MOINS EN APPARENCE

Le rapporteur spécial rappelle, en préambule, que la mission AGTE, qui incarne pourtant l'État dans ce qu'il a de plus régalien, n'était pas considérée comme une mission prioritaire dans la programmation pluriannuelle des finances publiques précédent l'actuelle génération. Que cette dernière n'exprime plus ce concept ne change rien au constat qu'on peut tirer de la programmation des finances publiques à l'horizon de la nouvelle loi de programmation.

En 2019, comme en 2018, la mission n'aura pas respecté son plafond de dépenses tel que fixé par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Si l'excédent de dépenses a pu être réduit par une gestion économe de certains programmes d'investissement, gestion en quelque sorte sanctuarisée par les opérations infra-annuelles, les conditions de cet équilibrage ne témoignent pas de leur soutenabilité. Par ailleurs, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques semble obsolète depuis l'origine, pour une raison essentiellement ponctuelle il est vrai.

Si l'exécution ne se solde pas par une hausse des engagements non couverts par des crédits de paiement, sinon au titre du programme 307, cet indicateur n'a qu'une signification assez limitée au vu des conditions de la gestion des crédits en 2019 et d'événements passés et, hélas, plus contemporains de l'élaboration de cette contribution.

1. Un excédent de dépenses par rapport à une programmation pluriannuelle des finances publiques, d'ores et déjà, obsolète pour le reste de la programmation

Une demande de plus de transparence

Le rapporteur spécial réitère son souhait que les documents budgétaires associés aux différentes catégories de projets de loi de finances consacrent un développement par mission et par programme et titre aux conditions dans lesquelles lesdits projets appliquent la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. L'information budgétaire s'en trouverait significativement améliorée, ce qui est d'autant plus nécessaire pour la mission AGTE qu'elle tend à connaître d'amples mouvements de périmètre et ainsi à sortir de son cadre initial de budgétisation (avec des répercussions sur d'autres missions budgétaires). Il renouvelle son constat que son souhait est absolument négligé.

Une interrogation de méthode

Les normes de dépenses des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ne couvrent pas les contributions de l'État employeur au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Or, les conditions d'emploi et de rémunération de chaque ministère varient, avec pour conséquence l'existence d'effets asymétriques sur les charges patronales d'une même norme d'évolution des dépenses de personnel. L'élasticité des dépenses brutes (c'est-à-dire des dépenses augmentées de la contribution de l'État employeur au CAS) peut ainsi varier dans des proportions significatives selon la part de l'emploi affilié aux régimes de retraite des fonctionnaires et selon la structure des rémunérations (indices ou indemnités) de chaque ministère. Il pourrait être utile de disposer d'une estimation régulière sur ce point et l'on pourrait s'interroger sur la possibilité de donner aux gestionnaires de programmes davantage de marges en fonction de l'impact sur les coûts totaux de l'emploi (y compris la contribution employeur au CAS) de leur gestion des personnels.

En toute hypothèse, il serait judicieux d'évaluer ex ante les fondements qui président pour chaque fonction administrative à la détermination de la norme de dépenses de personnel, en particulier la mesure dans laquelle cette dernière internalise les coûts complets d'un emploi. Il est assez peu douteux au regard de la déformation de la structure d'emplois de l'État, qui a connu une impressionnante montée de la part des emplois ne bénéficiant pas des régimes de retraite de la fonction publique que les normes appliquées induisent un biais de recrutement vers des emplois impliquant des cotisations employeurs inférieures à la contribution employeur ordinairement versée au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Or, cette dernière a dépassé très nettement les besoins d'équilibre des dépenses de pensions des fonctionnaires (contribuant ainsi à réduire le besoin de financement apparent de l'ensemble du système de retraite) de sorte qu'on peut attribuer à un surcalibrage de la contribution employeur au CAS « Pensions », un effet de contrainte fort sur les effectifs des ministères et sur leur statut.

Si l'article 8 de la loi de programmation pluriannuelle a prévu que la progression des dépenses soit limitée à 1 % en volume au cours de la période 2018-2020, pour la mission, hors échéances électorales, une norme nettement plus stricte s'applique.

Comparaisons entre la norme de dépense et l'exécution de 2019

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2019

Au-delà des apparences, qui voient les dépenses excéder le plafond des autorisations de crédits fixé pour 2019, la consommation des crédits paraît en ligne avec la programmation, une fois pris en compte les effets sur le programme 232 de la gestion des remboursements de frais de campagne et, surtout, de la renonciation à la généralisation de la « numérisation » de la propagande électorale.

Le programme 307 ainsi que le programme 216 ont moins dépensé que la norme de dépenses de la loi de programmation, à hauteur, respectivement, de 15,6 et 14,2 millions d'euros. Ces résultats sont relatifs compte tenu des reports de charges envisageables, en particulier pour le programme 216.

Quant au programme 232, ses dépenses ont excédé celles prévues par la loi de programmation de 64,4 millions d'euros.

Il s'agit principalement de l'effet de la non-dématérialisation de la propagande électorale et de sa diffusion qui, intégrée à la programmation n'a pourtant pas été proposée dans le projet de loi de finances pour 2019 au titre des élections européennes, qui auraient pu constituer une bonne occasion d'en tester les effets.

Le surcoût engendré par l'absence de dématérialisation de la propagande électorale avait été estimé à 76,4 millions d'euros pour l'élection européenne, ce qui laisse supposer que si cette solution avait été appliquée, le programme 232 aurait respecté la trajectoire pluriannuelle.

2. Une augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307, mais une réduction à l'échelle de la mission, dans un contexte de forte probabilité de concrétisation de charges à ce jour latentes

Les engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de l'exercice budgétaire ont globalement diminué, passant de 774,4 millions d'euros à 720,4 millions d'euros de fin 2018 à la fin de 2019.

Évolution des engagements non couverts par des crédits de paiement
à la fin des deux exercices budgétaires précédents

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

Évolution 2019/2017

Évolution 2019/ 2018

Programme 307

68,386

76,517

78,351

+ 8,131

+ 1,834

Programme 232

14,378

10,266

11,234

- 4,112

+ 0,968

Programme 216

756,854

687,639

630,818

- 69,215

- 56,821

Total

771,232

774,422

720,403

- 65,196

- 54,019

Source : commission des finances du Sénat

Cette évolution, a priori satisfaisante, l'est moins quand on considère certains de ses soubassements.

Pour une partie prépondérante, les opérations concernées par l'étalement des paiements des engagements sont portées par le programme 216, notamment du fait des investissements immobiliers qu'il finance.

Les engagements du programme sont difficiles à suivre en l'état de l'information budgétaire, certaines opérations complexes pouvant donner lieu à des décomptes différés. Par ailleurs, les délais prévisionnels de réalisation des projets connaissent, structurellement, un allongement sensible. Les résultats pour 2019 doivent être pris avec d'autant plus de prudence qu'une opération importante, l'achat d'un terrain pour la cité du renseignement, a été réalisé grâce à une avance du compte d'affectation spéciale « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » pour un montant de 113,6 millions d'euros, avance dont le plan de financement n'est pas connu à ce jour. Il faut encore prendre en considération l'estimation avancée par la Cour des comptes selon laquelle les transferts de services projetés pour 2020 (en particulier, la création d'une direction du numérique) devraient augmenter les restes à payer du programme de 150 millions d'euros.

Quant au programme 307, les engagements demeurant à couvrir connaissent une nouvelle augmentation, de l'ordre de 2,6 % après celles (de près de 50 % et 12 %) observées en 2017 et l'an dernier.

Au total, en trois ans, les restes à payer ont augmenté de l'ordre de 24 millions d'euros.

Évolution des restes à payer du programme 307 depuis 2015

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2019

Si les dépenses effectuées en 2019 ont permis d'assurer le paiement d'engagements demeurant pendants à hauteur de 28 % de ces derniers, les engagements de 2019 ont laissé non payés 23,2 millions d'euros de nouvelles charges.

L'information budgétaire sur cette augmentation des restes à payer est des plus succinctes. Tout juste apprend-elle que les charges restant à payer pour couvrir les engagements pris à fin 2018 se répartissent entre 37,1 millions d'euros au titre du programme national d'équipement des préfectures (PNE) et 41,2 millions d'euros au titre des marchés pluriannuels. Dans sa note d'exécution budgétaire de 2018, la Cour des comptes avait fait ressortir la dimension composite des restes à payer, indiquant qu'il peut aussi bien s'agir d'engagements correspondant à des factures de fonctionnement courant de fin d'année que de grands projets de modernisation. Une partie de ces restes à payer concernait l'an dernier la carte nationale d'identité (22,7 millions d'euros) du fait notamment d'un surcoût qui aurait dû être constaté sur ce projet, dont le règlement aurait été étalé.

Dans la note d'exécution budgétaire de l'exercice sous revue, la Cour des comptes observe que le niveau des restes payer, qui atteint une proportion élevée des dépenses du programme 307 hors titre 2 (35 %), pose un problème de conduite des projets d'équipement.

Le rapporteur spécial partage ce point de vue et demande qu'une information plus efficace soit consacrée à cette question.

Une demande pour plus de transparence

Les niveaux des restes à payer sur les engagements pluriannuels, et leur évolution, font l'objet d'une information plus ou moins développée, mais qui, dans tous les cas, doit progresser. Une présentation plus détaillée s'impose (particulièrement pour le programme 307 pour lequel l'information budgétaire est très lacunaire) afin de suivre les engagements (en les imputant aux divers instruments de gestion opérationnelle, plan national d'équipement des préfectures, schémas informatiques ou immobiliers) et les paiements correspondants en isolant l'impact des grands projets et de leur révision en cours de réalisation. Par ailleurs, un échéancier des paiements devrait figurer dans l'information budgétaire mentionnant les écarts constatés en les justifiant.

Les progrès de transparence demandés par le rapporteur spécial s'imposent d'autant plus que la mission est exposée à de nouveaux grands projets dont le suivi ne saurait être assuré par le Parlement dans les conditions de l'information budgétaire courante. S'y ajoute la considération d'une dynamique de dépenses peu maîtrisable résultant de la perspective de nouvelles charges.

Pour le programme 307, l'on doit mentionner la perspective que le retour du projet d'une carte nationale d'identité électronique, qui avait été abandonné à la suite de décisions défavorables du Conseil constitutionnel, mais qui refait surface du fait des règles adoptées par l'Union européenne, puisse se traduire par de nouveaux engagements pour le ministère, qu'il conviendra de couvrir.

Force est ainsi d'observer que certaines charges latentes pouvant s'ajouter à l'avenir, le résultat en gestion de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui ressort comme favorable (avec un excédent de 9,1 millions d'euros au compte de résultat et une augmentation prévisionnelle du fonds de roulement de 13,6 millions d'euros), ne traduit pas nécessairement l'équilibre fondamental de l'établissement.

Le rapporteur spécial avait également mentionné l'an dernier les risques liés, pour le programme 216, à l'activité de la commission du contentieux du stationnement payant. Le programme 216 porte 123 agents de greffe de cette juridiction spécialisée qui tend à être débordée par le flux des dossiers. À la fin de 2019, les flux de demandes entrantes ont atteint 119 578 requêtes contre 84 845 clôtures, dont une partie importante provient d'une « renonciation » des parties, renonciation gérée informatiquement, dans des conditions quelque peu contestables. Le stock augmente donc, passant de 67 608 dossiers à 95 516 dossiers. La capacité de traitement annuelle avait été estimée à 10 680 dossiers. Malgré les dégagements « numériques », elle est évidemment insuffisante et justifie la demande de la présidente de la juridiction d'un recalibrage des moyens, du moins en l'état du fonctionnement du système.

Au-delà de ces points d'attention, il faut considérer plus globalement l'impact sur la mission des projets foisonnants du ministère de l'intérieur dans un contexte marqué par un vigilantisme dont la justification appellerait en soi une évaluation complète, qui, à l'évidence dépasse de beaucoup la mission du seul rapporteur spécial.

Il faut, bien entendu, être particulièrement vigilant sur toutes les fonctions du ministère de l'intérieur, qui sont particulièrement sensibles, mais le choix des moyens n'est pas indifférent et il mériterait sans doute d'être davantage discuté dans un contexte où la sécurité des Français appelle des réponses plus diversifiées et donc plus coûteuses que celles passant par le déploiement sélectif d'hyper-moyens dans certains domaines. Dans le passé proche, un certain nombre de projets sont apparus excéder quelque peu les justifications qui leur avaient été apportées et les moyens de déploiement opérationnel qui leur avaient été consacrés.

Enfin, malgré une nouvelle (légère) baisse des dépenses de contentieux en 2019, les charges payées à ce titre à fin 2019, qui atteignent encore 87,8 millions d'euros semblent inférieures aux enjeux repérables (voir infra ).

C. UNE EXÉCUTION PLUS TENDUE QU'IL N'APPARAÎT

La programmation financière de la mission adoptée en loi de finances initiale avait annoncé un peu plus de dépenses qu'en 2018.

Évolution des crédits de la mission dans la loi de finances initiale
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(crédits de paiement en millions d'euros)

Programme

2018

2019

Variation

Administration territoriale (307)

1 691,3

1 656

- 35,3

Vie politique, cultuelle et associative (232)

125,8

206,3

+ 80,5

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

939,8

973,7

+ 33,9

Total

2 756,9

2 836

+ 79 ,1

Source : RAP 2018 et 2019

1. Au total, des dépenses inférieures aux ouvertures de la loi de finances initiale et aux crédits disponibles

Les dépenses de la mission AGTE (2 825,6 millions d'euros) ont été inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (2 836 millions d'euros), les économies atteignant 10,3 millions d'euros (0,3 % de la prévision).

Compte tenu des ouvertures de crédits d'origine réglementaire intervenues en gestion, les dépenses effectives ont significativement excédé le disponible, aboutissant à des annulations de crédits de 64,4 millions d'euros, dont 38,2 millions d'euros au titre de la loi de finances rectificative de fin d'année.

L'exécution des crédits de la mission AGTE en 2019

LFI

(b) Disponibles

(a) Dépenses

Taux de consommation (a/b)

Annulations

Programme 307

1 656

1742,30

1 699,30

97,5%

10,40

dont

Titre 2

1 481,30

1 493,10

1 470,50

98,5%

2,1

Programme 216

973,7

990,3

939

94,8%

36,9

dont

Titre 2

519,1

523,1

511,9

97,9%

6,2

Programme 232

206,3

221,40

187,3

84,6%

17,10

dont

Titre 2

18,2

18,2

8,2

45,1%

2,3

Total

2 836

2954,00

2 825,60

95,7%

64,40

dont

Titre 2

2 018,60

2 034,40

1 990,60

97,8%

10,6

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe au projet de loi de règlement pour 2019 portant sur le développement des opérations constatées au budget général

Le programme 307 (« Administration territoriale ») est le seul à avoir dépensé davantage que prévu en loi de finances initiale. Il a bénéficié, comme c'est traditionnel, d'ouvertures significatives en gestion (86,3 millions d'euros) de sorte qu'il n'a consommé que 97,5 % du disponible.

Des annulations sont également intervenues pour 10,4 millions d'euros (dont 2,5 millions d'euros en loi de finances rectificative). Le taux de consommation des crédits de personnel a été supérieur au taux de consommation moyen atteignant 98,5 %. Ceci témoigne d'une gestion d'autant plus tendue que le plafond d'emplois n'a pu être consommé, la vacance d'emplois doublant à 2 %. Il aurait été très difficile de le mettre en oeuvre avec les crédits disponibles sauf à « précariser » et « déqualifier » la structure d'emplois du programme, la seconde voie paraissant totalement contradictoire avec l'intention de repyramidage qui est affichée.

Comme pour le programme 307, l'exécution du programme 216 a été plus tendue pour les crédits de personnel que pour les autres titres de dépenses. Ces dernières ont été amplement sous-consommées sur les lignes d'investissement et d'intervention, les dépenses de fonctionnement étant, au contraire, relativement dynamiques. Des reports de charges ont contribué à ces évolutions par ailleurs favorisées par des décalages dans les projets informatiques portés par le programme et dans les décaissements du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Quant au programme 232 de financement de la vie politique, il a également très significativement sous consommé ses dotations. Ceci tient au fait que les délais d'instruction des comptes de campagne du scrutin européen par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ont pas permis d'assumer en 2019 les remboursements des frais de campagne électorale. La consommation des crédits ouverts en loi de finances à ce programme aurait été encore moins favorable si une opération de fongibilité asymétrique par prélèvement de 6,75 millions de crédits de titre 2, pourtant fort dynamiques en 2019, n'avait pas été mise en oeuvre pour financer l'externalisation de la mise sous pli de la propagande électorale lors des élections européennes, opérations dont les coûts avaient été insuffisamment provisionnés en loi de finances initiale (voir infra ).

Cependant, les dépenses des programmes ont été systématiquement inférieures aux crédits finalement disponibles (4,3 % de non consommations au total), les taux de consommation marquant un déficit de 2,5 points, 5,2 points et 15,4 points pour les programmes 307, 216 et 232 respectivement.

Les ouvertures brutes de crédits en cours de gestion ont atteint le montant élevé de 118 millions d'euros soit 4,2 % des crédits initiaux. Il s'agit cependant d'un flux en baisse par rapport à celui de 2018.

Les rattachements en gestion ont principalement concerné le programme 307 (86,3 millions d'euros), le programme 232 bénéficiant d'ouvertures en gestion de 15,1 millions d'euros et le programme 216 de 16,6 millions d'euros.

Les rattachements de fonds de concours et d'attribution de produits ont atteint 70,2 millions d'euros (61,4 millions d'euros pour le programme 307 et 8,8 millions d'euros pour le programme 216). Les transferts, virements et reports ont ainsi été limités à 47,8 millions d'euros (dont 24,9 millions d'euros pour le programme 307 et 13,9 millions d'euros pour le programme 232).

L'héritage de la gestion précédente a été moins « généreux » que celui touché par la « génération 2018 » en grande partie du fait du programme 232 qui devait solder les opérations électorales de 2017 l'an dernier. Dans l'ensemble, une gestion assez stricte des reports a également joué, qui a mis les programmes en difficulté.

Le programme 307 a dû procéder à des redéploiements de crédits pour faire face à des dépenses de personnel mal provisionnées pour certaines fonctions inéluctables (l'accueil des étrangers) et il est heureux qu'il ait bénéficié de 4,2 millions d'euros en provenance du programme consacré au financement de la vie politique pour financer une opération immobilière à la préfecture de Seine-Saint-Denis. La revalorisation des moyens d'expression politique parfois réclamée à juste titre cède devant des nécessités pratiques.

Quant au programme 216, seuls des reports de programmes immobiliers et informatiques ont permis le bouclage de l'exécution dès lors que ce programme a été soumis en gestion à de significatives annulations.

Au total, les annulations de crédits ont atteint 64,3 millions d'euros (dont 36,9 millions d'euros sur le programme 216, 10,3 millions d'euros sur le programme 307 et 17,1 millions d'euros sur le programme 232).

Cela représente près de 55 % des crédits rendus disponibles en cours d'année et davantage que le solde entre les crédits de la loi de finances initiale et les consommations effectives (environ 11 millions d'euros).

Ainsi le projet de loi de règlement sous revue se traduira par une réduction des moyens offerts par les mouvements réglementaires de crédits accessibles en 2020.

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission

La réserve de précaution a été mise en place en 2019 dans le cadre du nouveau dispositif applicable qui prévoit un taux de réserve de 0,5 % sur les crédits de personnel et de 3 % sur les autres types de crédits.

La réserve de précaution et sa gestion en 2019

(en millions d'euros)

Réserve initiale

Dégels

Solde

Programme 307

12,6

10,1

2,5

Programme 232

5,7

0

5,7

Programme 216

15,3

12,7

2,6

Total

33,6

22,8

10,8

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances de 2019

Un peu plus de la moitié de la réserve de précaution a été mobilisée en cours d'année.

L'emploi de crédits de la réserve ayant fait l'objet d'un dégel confirme « l'interbudgétarité » à laquelle est soumise la mission.

Les crédits ont principalement été virés au programme 303 « Immigration et asile » (12,6 millions d'euros à partir du programme 216 et 4,8 millions d'euros à partir du programme 307) extérieure à la mission AGTE mais que cette dernière tend de plus en plus à épauler.

Cependant, une part importante des dégels sur le programme 307 (5,3 millions d'euros) qualifiés de « dégels partiels » a été utilisée pour financer des besoins intercalaires de financement des rémunérations dans un contexte où des besoins de recrutement sont apparus en cours de gestion (accueil des étrangers notamment).

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont été sensiblement inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale

En 2018, les dépenses effectives du programme avaient atteint 175,5 millions d'euros bénéficiant de reports de crédits de l'exercice précédents très importants (72,3 millions d'euros). Ces reports correspondaient à des crédits ouverts pour financer le remboursement forfaitaire des dépenses des candidats aux élections de 2017 (présidentielle et législatives principalement) et non consommés en 2017. La sous-consommation des crédits de 2017 résultait « essentiellement du report en gestion 2018 des remboursements forfaitaires des comptes de campagne aux élections présidentielles et législatives de 2017, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ayant pas achevé l'examen des comptes avant la fin de la gestion 2017 » .

Les délais de traitement des comptes de campagne tendent à devenir un obstacle récurrent à la consommation des crédits du programme en bon temps lors des années pendant lesquelles les élections sont nombreuses.

L'année 2019 le confirme. Les dépenses ont été inférieures aux dotations initiales à hauteur de 19 millions d'euros et aux dotations disponibles après reports de l`exercice 2018 à hauteur de 32 millions d'euros.

Cette sous-consommation globale n'a pas empêché certains postes de dépenses de connaître un léger dérapage. Sans que ceci se conclue par un dépassement des limites de crédits, le coût de l'organisation des élections européennes (2,78 euros par électeur contre 2,67 euros en prévision) a subi les effets de l'inflation des coûts d'impression des bulletins de vote.

Par ailleurs, les coûts complets des opérations électorales continuent de n'être pas perceptibles, le programme 232 s'abstenant toujours de chiffrer la dépense fiscale à titre des dons aux partis et aux candidats tandis que les coûts exposés par les collectivités territoriales sont également ignorés. De ce point de vue, les conditions de l'élection européenne avec un nombre de candidats reflétant la fragmentation de la vie politique ont particulièrement sollicité les maires et leurs équipes (obligés de mettre à disposition des espaces de propagande électorale) sans qu'il soit permis de prévoir les prolongements d'une situation difficile.

Le supplément de charges d'organisation des élections par rapport aux prévisions n'a pas conduit à une surexécution des crédits. Mais les dettes du programme n'ont pas été toutes honorées. Il en est allé ainsi pour les remboursements des frais de campagne qui sont à sa charge du fait des délais d'instruction des comptes de campagne.

Les délais nécessaires au remboursement forfaitaire des dépenses électorales des candidats sont susceptibles de varier en fonction des élections, les délais imposés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour arrêter ses décisions et des contestations de l'élection étant également susceptibles de varier selon les circonstances de fait.

Les délais imposés à la CNCCFP pour arrêter ses décisions
sur les comptes de campagne des candidats aux élections (hors présidentielle)

Le délai dont dispose la commission pour se prononcer sur un compte est différent selon le type d'élection et selon que le scrutin a fait ou non l'objet d'une contestation devant le juge de l'élection.

Si l'élection a fait l'objet d'une contestation, quel que soit le motif de la contestation, la commission dispose d'un délai de deux mois décompté à partir de l'expiration du délai légal de dépôt des comptes de campagne des candidats présents à ce scrutin.

En revanche, si l'élection n'a pas fait l'objet de contestation, la commission dispose d'un délai de six mois à compter, cette fois, de la date de dépôt du compte du candidat.

En ce qui concerne les élections européennes, le délai de dépôt des comptes de campagne a été fixé au 2 août 2019 pour un scrutin ayant eu lieu le 26 mai 2019. La date limite d'arrêté des décisions sur les comptes de campagne était le 2 décembre 2019, du fait de l'existence de plusieurs recours contentieux formés devant le Conseil d'État.

Le principal scrutin de 2019 a été l'élection des représentants au Parlement européen. Pour cette élection, les candidats ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés sont éligibles au remboursement forfaitaire de leurs frais de campagne. L'élection de 2019 s'est déroulée dans un contexte de circonscription nationale unique avec 34 listes en compétition, soit un record. Le plafond de dépenses avait été fixé à 9,2 millions d'euros par liste. Vingt listes ont été tenues de déposer leurs comptes de campagne, un certain nombre d'entre elles s'en dispensant ou ayant effectué leur dépôt hors délai (4). Une liste a vu son compte de campagne rejeté par la CNCCFP.

Au total, cette dernière après avoir approuvé sans réformation quatre comptes de campagne et avec réformations douze comptes de campagne a réduit le financement forfaitaire de l'État pour quatre listes.

Le remboursement forfaitaire a été arrêté à 25,7 millions d'euros 20 ( * ) au bénéfice des huit listes ayant atteint le seuil des suffrages exprimés conditionnant le remboursement 21 ( * ) .

En attente du compte rendu d'activité de la CNCCFP au moment de l'examen du projet de loi de règlement, il est impossible de fournir le détail des décisions de la commission.

Le rapporteur spécial suggère que cette dernière s'applique à publier un recueil de ses décisions en bon temps à l'avenir.

En toute hypothèse, le remboursement forfaitaire n'interviendra qu'en 2020.

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307

Appréciées à partir de leur valeur nette, les mesures de l'exercice 2019 conduisant à adapter les crédits ouverts en loi de finances initiale peuvent sembler d'une relative d'importance. Elles ont le mérite d'être formalisées, ce qui n'est pas le cas des modifications « existentielles », qui demeurant internes à chaque programme et ne nécessitent pas de formalisation particulière.

Le rapporteur spécial avait mis en évidence l'ampleur de certains ajustements auxquels il avait été procédé l'an dernier à la suite du constat d'erreurs de ventilation des moyens du programme 307 entre les différentes actions qu'il retrace.

Au vrai, la maquette budgétaire de ce programme est loin d'être satisfaisante : les 1 732 millions d'euros de dépenses dont il est le support sont répartis en cinq actions dont une seulement peut, à la limite, être considérée comme suffisamment déterminée du point de vue fonctionnel et opératoire pour se voir attribuée des moyens identifiables. Pour le reste, chaque action est susceptible de rattachements de moyens plus ou moins exacts.

L'année dernière, les reclassements de moyens avaient eu des effets importants.

La « mise en ordre » effectuée à l'occasion du règlement du budget 2018 avait conduit à modifier l'image de la répartition des moyens affectés à chaque action. L'action de délivrance des titres en était ressortie comme nettement moins dotée en personnels que dans les restitutions antérieures. C'est l'inverse qui se constatait pour la coordination de la sécurité de la personne et des biens et pour le contrôle de légalité.

Le projet de loi de règlement sous revue témoigne à nouveau de modifications sensibles, dont il n'est pas sûr qu'elles correspondent à des réalités fonctionnelles.

Répartition du plafond d'emplois par action en 2018

Source : rapport annuel de performances 2018

Répartition du plafond d'emplois par action en 2019

Source : rapport annuel de performances pour 2019

L'absence d'une comptabilité analytique réellement charpentée se fait ici sentir.

En bref, la spécialisation budgétaire du programme est insuffisamment caractérisée, ce qui conduit à des décompositions erratiques.

Dans ces conditions, l'analyse des choix d'allocation de moyens se trouve désarmée et la pauvreté informative de la maquette de performances n'offre pas de recours. Les indicateurs opérationnels ne sont certes pas inexistants, mais de nombreuses fonctions mises en oeuvre par l'État territorial sont dépourvues de tout élément de mesure.

Les 450 millions d'euros consacrés au pilotage territorial des politiques gouvernementales ne sont couverts par aucun indicateur de performance. Quant à des dimensions pourtant fortes des missions accomplies par les préfectures, dans le domaine de l'accueil des étrangers notamment, elles ne sont pas identifiables du point budgétaire et ne font l'objet d'aucune mesure de leurs performances.

Le programme 307 en tant que support d'une information sur les moyens et les résultats de l'État territorial est ainsi trop défaillant pour qu'on puisse lui attribuer la qualité d'instrument d'une vraie démocratie budgétaire.

Les ajustements de moyens entre actions se traduisent par des taux d'exécution des dotations disponibles pour certaines actions du programme 307 «déconcertants».

Toutes les actions sont concernées, les taux de consommation des crédits prévus au titre de la coordination de la sécurité des personnes et des biens d'un côté, de la réglementation générale, de la garantie de l'identité et de la nationalité ainsi que de la délivrance des titres, de l'autre, du pilotage territorial des politiques gouvernementales étant très éloigné d'un taux théorique, cette situation valant aussi, enfin, à un moindre titre, pour le contrôle de légalité.

Taux de consommation des crédits des différentes actions
du programme 307 en 2019

Source : commission des finances du Sénat

De façon générale, le responsable de programme tend à faire valoir les besoins de l'accueil des étrangers comme la source des difficultés apparues en gestion tant pour le programme 307 que pour le programme 216. Il est regrettable que cet aspect important du plan de charges des préfectures ne soit pas isolé.

En tout cas, le rapporteur spécial remarque que les ponctions subies de ce fait par différentes actions du programme, qui témoignent d'une sous budgétisation initiale des moyens, n'ont pas également impacté les différentes actions.

En particulier, le taux d'exécution de l'action n° 1 du programme ressort comme très supérieur aux prévisions. Pour cette action, qui ne porte que des crédits de personnel, 50 millions d'euros de plus que prévu (près de 30 % de la dotation initiale) ont été dépensés. Ce surcroît de dépenses ne s'est pas traduit par une amélioration des résultats atteints dans le cadre des objectifs documentés par le dispositif de performances. Les justifications apportées sont impalpables. Il est question de l'effet des manifestations exceptionnelles de 2019 (mais l'impact « gilets jaunes » n'aurait été que de l'ordre de 5 millions d'euros sur le programme 307) ; il est également mentionné que le suivi du G 7 de Biarritz aurait engendré des dépenses non prévues.

Sans doute doit-on attribuer à l'itinérance mémorielle du Président de la République dans l'Est de la France fin 2018 un certain nombre de frais. Des informations complémentaires seraient utiles sur ce point.

En toute hypothèse, le rapporteur spécial souhaite que le ministère de l'intérieur justifie avec plus de précision les écarts entre prévisions et dépenses.

La sur-consommation des dotations de l'action n° 1 a pesé sur les moyens de l'action de délivrance des titres sécurisés, ce qui a sans doute beaucoup joué sur la profonde dégradation des performances de cette action.

Elle a également entraîné une sous-consommation des crédits prévus au titre du pilotage territorial des politiques gouvernementales (un déficit de dépenses de plus de 12 %).

En revanche, les moyens du contrôle de légalité ont été préservés sans pour autant que la mise à niveau nécessaire ne soit acquise (les dépenses ont augmenté de l'ordre de 5 millions d'euros par rapport à 2018) alors qu'ainsi qu'il a été, encore tout dernièrement, rappelé par le rapporteur spécial 22 ( * ) les besoins sont très significatifs.

La perspective du développement du rescrit préfectoral imposera un véritable aggiornamento sur ce point.

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité

Il convient d'ajouter à ces modifications des crédits de la loi de finances initiale celles résultant des fonds de concours et des attributions de produits qui atteignent un niveau élevé pour la mission AGTE, tout particulièrement pour le programme 307.

Or, les modalités de gestion de ces apports suscitent une certaine perplexité.

Les rattachements de fonds de concours et attributions de produits (71 millions d'euros en comptant les reports de crédits de fonds de concours de l'année 2018) complètent les moyens du programme, en les majorant de 4,3 %.

Il apparaît que plus de 15 millions d'euros de cette masse n'ont pas été employés en 2018. Ceci traduit un taux de non consommation de plus de 20 %, qui est en soi excessif.

Plus qualitativement, il apparaît que les ressources correspondant à cette sous-consommation concernent assez régulièrement des financements européens par le FEDER correspondant à des projets de développement territorial dont l'exécution appelle une totale rigueur.

Les reports constatés sur ces interventions européennes suscitent à cet égard une certaine inquiétude et pourraient n'être pas étrangers aux difficultés rencontrées par le France pour mobiliser les ressources du budget européen auxquelles elle apporte une contribution nette élevée.

Une autre partie, importante, concerne des versements de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) censés couvrir des frais engagés par le ministère de l'intérieur dans sa contribution aux opérations conduisant à la production des titres sécurisés.

Le phénomène de non-consommation sur ces dernières ressources apparaît récurrent, les exercices budgétaires se concluant par des reports systématiques, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau des produits versés par l'ANTS, dans le cadre de ses relations financières avec le ministère, notamment au titre de la carte nationale d'identité (CNI) et sur le niveau effectif des dépenses occasionnées, pour le programme, par la production des titres sécurisés.

On rappelle que l'ANTS est financée par des droits de timbre, qui sont des recettes fiscales. Il ne faudrait pas que la situation décrite plus haut corresponde à une affectation de recettes fiscales déguisée.

En toute hypothèse, le rapporteur spécial s'interroge sur la justification de l'estimation des coûts de l'intervention du ministère de l'intérieur dans les opérations de gestion de la carte nationale d'identité, estimation sur laquelle il souhaiterait disposer d'informations détaillées.

De façon plus incidente, le rapporteur spécial estime qu'à l'aune des événements en cours, la fiscalité indirecte des titres sécurisés mériterait de faire l'objet d'une modulation pour tenir compte de la relative dévalorisation des capacités que plusieurs de ces titres offrent à leurs titulaires.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE INFORMATION BUDGÉTAIRE LARGEMENT PERFECTIBLE

L'information budgétaire fournie présente des lacunes tant sur les ressources et les charges que du point de vue de la performance.

Des données financières qui mériteraient d'être explicitées sont livrées sans explication, même succinctes.

Quant à la performance, la mission comporte trois programmes assortis chacun d'objectifs suivis par des indicateurs (7 objectifs et 18 indicateurs au total).

Outre que, pour nombre d'indicateurs de performances, les résultats faisant l'objet d'un suivi échappent à la prise du responsable de programme, de nombreux indicateurs ressortent comme peu significatifs tandis que des objectifs primordiaux ne sont pas couverts par le suivi de performance.

Le rapporteur spécial expose ci-après quelques exemples parmi d'autres des difficultés rencontrées.

1. De nombreuses données financières font l'objet d'une information excessivement sommaire

Comme c'est la règle, la lecture du RAP pour 2019recèle de nombreux exemples où l'explicitation attendue des opérations financières qu'il décrit, la « justification au premier euro », est absente.

En matière de recettes, on relèvera, par exemple, la mention de plus de 1,7 million d'euros (contre 5 millions d'euros en 2017) d'attribution de produits correspondant à la vente des informations publiques issues du fichier tenu dans le cadre du système d'immatriculation des véhicules (SIV). Celui-ci correspond aux données nécessaires à l'immatriculation des véhicules. Il s'agit donc d'un fichier destiné à délivrer des titres sécurisés, dont il est pour le moins surprenant d'apprendre sans plus d'autres informations qu'il fait l'objet d'opérations commerciales. L'exploitation commerciale des données fournies par les usagers et traitées par le ministère de l'intérieur, sans doute à destination des concessionnaires automobiles qui, à leur tour, font payer le service de délivrance des certificats d'immatriculation à leurs clients appelle un supplément d'informations, qui permettraient, par exemple, d'en présenter les conditions et d'expliquer les raisons pour lesquelles sa contrevaleur semble connaître des évolutions heurtées (- 66 % de produits en 2018 par rapport à 2017).

Quant aux dépenses, il aurait été pour le moins justifié d'expliciter l'impact sur les charges de la mission d'évolutions a priori remarquables soit par leur nature, soit par leur ampleur. Il en va ainsi de la mise à la charge de la mission des dépenses nécessaires au fonctionnement de la commission du contentieux du stationnement payant, qui élargit le périmètre de la mission sans que l'effet budgétaire de cette extension ne soit isolé.

Mais, l'on pourrait également mentionner l'absence de toute information sur les dépenses fiscales concourant au financement de la vie politique. La réduction d'impôt accordée aux personnes consentant des dons et acquittant des cotisations aux partis politiques (article 200 du code général des impôts) continue à être ignorée par la documentation budgétaire alors qu'elle représente des transferts publics d'un montant très significatif.

2. La mission AGTE, une entorse à la spécialisation budgétaire qui s'aggrave du fait de la disparition des informations permettant d'apprécier la destination effective des crédits

La loi organique relative aux lois de finances a entendu préserver le principe de spécialité budgétaire, son article 7 posant à ce titre plusieurs normes régulatrices. Ainsi du I de l'article qui énonce qu'une « mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » et encore qu'un « programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associées des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation » .

Le moins qu'on puisse dire de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est qu'elle est très éloignée de satisfaire la lettre et l'esprit de ces dispositions organiques, dont le sens est d'aboutir à une nomenclature budgétaire garantissant les conditions d'une décision éclairée des autorités budgétaires, au premier rang desquelles se situe le Parlement, mais aussi une gestion des politiques publiques rigoureuse.

Il y a lieu de considérer certains des prolongements pratiques de cette contravention aux règles les plus éminentes s'appliquant aux finances publiques.

De ce point de vue, la mission AGTE apparaît, à bien des égards, comme une mission « réservoir ».

Elle regroupe des crédits destinés à financer moins des politiques publiques bien identifiées que des structures administratives chargées de surcroît de missions souvent très générales (comme l'intitulé de la mission l'indique assez) dont l'identification présente certaines difficultés. Par ailleurs, nombre des moyens rattachés à la mission sont en réalité redéployés vers d'autres missions tandis qu'au sein du programme 307 une action rassemble des dotations dites « d'animation et de soutien du réseau » qui ont vocation à être réparties entre d'autres actions du programme.

Ces caractéristiques de la mission AGTE sont autant d'obstacles à l'analyse budgétaire des politiques proposées et exécutées par le Gouvernement. Elles sont appelées à se renforcer à partir de 2020 dans le cadre du rattachement d'un volume élevé de moyens auparavant rattachés au programme 303 et à divers programmes de missions ministérielles. On rappelle que ces facteurs d'obscurité étaient tempérés par l'indication des emplois effectifs des crédits à partir du suivi des crédits déversés à partir de la mission vers d'autres missions (ou, au sein de la mission, entre programmes), les principaux déversements s'effectuant au profit de la mission « Sécurités » (559 millions d'euros), « Immigration, asile et intégration » (37,7 millions d'euros), « Outre-mer » (38,8 millions d'euros) et « Relations avec les collectivités territoriales » (10,8 millions d'euros). On rappelle ici que l'écart entre les consommations de crédits de la mission AGTE et ses dépenses complètes, une fois les déversements de crédits pris en compte, s'était élevé en 2017 à 501,6 millions d'euros, 16,7 % des emplois de crédits de la mission se trouvant consacrés à des politiques publiques prises en charge en dehors du champ propre de la mission AGTE.

Cette information, pourtant minimale, n'est plus fournie.

Il s'agit d'une régression qu'il convient d'autant plus de corriger que la maquette budgétaire à venir est de nature à renforcer l'opacité.

3. La maquette de performance du programme 307 s'étiole de plus en plus et rend de moins en moins compte des priorités assignées au réseau préfectoral

Le programme 307 « Administration territoriale », qui, jusqu'en 2015 affichait cinq objectifs, n'en affiche plus que quatre (un de plus que l'an dernier).

En 2016, l'objectif d'amélioration de la coordination des actions interministérielles avait cessé de faire l'objet d'un suivi en loi de finances.

En 2017, le suivi du développement des actions de modernisation et de qualité des préfectures, en lien avec l'affaiblissement des relations directes entre usagers et entités du réseau, avait été abandonné. Il réapparaît dans le rapport annuel de performances 2019. Cependant, il est d'une extension limitée, ne couvrant que les entités accueillant des CERT faisant l'objet d'une démarche de labellisation, dont il serait souhaitable qu'elle soit présentée tant pour les références appliquées que du point de vue du processus de labellisation lui-même.

Cet exposé présenterait d'autant plus d'intérêt que l'information ordinaire sur les performances de l'État territorial est faible.

Alors même que la période a été marquée par des initiatives, présentées comme fortes, pour redéfinir les missions du réseau, l'information budgétaire se réduit à la portion congrue, semblant traduire une difficulté majeure à passer d'un discours général volontariste sur les principes à l'affirmation, plus substantielle, d'objectifs concrets.

Le rapporteur spécial avait regretté que les objectifs développés dans les directives nationales d'orientation des préfectures et sous-préfectures ne soient que très lointainement documentées dans les exposés budgétaires. Des actions du programme 307, en particulier, celle relative à la coordination des politiques publiques est hors du champ de la maquette de performances.

Le rapporteur spécial avait recommandé qu'un effort soit conduit pour que les objectifs opérationnels définis dans le cadre des orientations fixées au réseau préfectoral trouvent une traduction permettant d'enrichir une information budgétaire qui doit pouvoir saisir de façon réaliste les réformes entreprises et les orientations données aux moyens financés par le programme d'administration générale territoriale de l'État.

Cette recommandation laissée sans aucune suite doit ici être renouvelée. Il faut ajouter qu'il serait justifié de réserver une partie du dispositif de performances à la restitution des objectifs et des résultats obtenus par les structures alternatives (les maisons France Services auxquelles l'État souhaite donner un nouvel élan).

Quant aux indicateurs de suivi, au nombre de dix-huit au niveau des sous-indicateurs, certains d'entre eux laissent, pour le moins, à désirer.

Sur ce point, on ne peut que répéter qu'il serait utile que les indicateurs de gestion selon lesquels le responsable de programme apprécie les résultats obtenus, dont l'exhaustivité est nettement plus satisfaisante que celle qui caractérise l'information fournie au Parlement, soient indiqués dans les documents de restitution budgétaire.

Quant à des critères plus qualitatifs, on rappelle que certains indicateurs suivent des données dont la réalisation n'incombe qu'en partie au responsable du programme. Ainsi en va-t-il de l'élaboration des plans communaux de sauvegarde.

Surtout, d'autres fournissent des indications à la faible significativité et susceptibles d'induire des conclusions hâtives, voire erronées.

Dans ce sens, le rapporteur spécial avait indiqué que, selon lui, le suivi de la détection des fraudes documentaires par les préfectures était certainement sensible à un « effet lampadaire », son interprétation comme témoin de l'efficacité administrative devant être considérée comme soumise à trop d'incertitudes pour qu'il puisse être jugé comme représentatif de celle-ci. Le rapport annuel de performances de l'exercice confirme à sa manière les ambiguïtés évoquées par le rapporteur spécial. Les services chargés de suivre l'indicateur de performance ont pris l'habitude de décompter leur activité en ce domaine dès qu'une suspicion de fraude leur venait à l'esprit. Ce faisant, ils s'inscrivaient dans la logique de la définition de l'indicateur tel qu'elle figure dans le RAP. Or, ce même RAP indique qu'une méprise s'est produite, les services étant priés de n'informer l'indicateur qu'en cas de suspicion de fraude avérée. On se rapproche ainsi d'une notion de « détection », plus rigoureuse que celle de simple suspicion. Il faut souhaiter que ces instructions plus précises permettent de disposer d'une image plus exacte de la capacité du processus de délivrance des titres sécurisés à combattre la fraude documentaire. Quoi qu'il en soit, on relèvera qu'en accord avec la modification de la définition des cas à ranger sous l'étendard de la lutte contre la fraude, le niveau de l'indicateur s'est trouvé considérablement diminué, passant d'une cible de 0,27 % à une cible de 0,08 % (0,9% en 2019).

Cela étant précisé, il reste que, dans le dispositif de suivi de la performance tel qu'il est, rien n'est dit sur les suites données aux constats de fraude si bien que l'orientation, pourtant prioritaire, donnée aux services dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) d'améliorer la détection des fraudes ne fait l'objet que d'une évaluation sommaire dans les documents budgétaires.

De leur côté, les indications données sur la performance atteinte dans le domaine de la délivrance des titres sécurisés avaient été améliorées, mais sont appelées à subir une prochaine détérioration. Les critiques qu'on leur avait ici adressées venaient de ce qu'elles portaient, non sur les délais de traitement des dossiers présentés par les demandeurs, mais sur le nombre des préfectures parvenant à traiter ces demandes en moins de 15 jours, méthode susceptible d'écraser les écarts de performances. Le suivi du délai moyen de délivrance des permis de conduire, de la carte nationale d'identité et du passeport biométrique permet d'atténuer cet effet d'écrasement. Toutefois, il ne l'évite pas tout à fait dans la mesure où présentant une performance moyenne, il ne restitue ni les très bons résultats parfois obtenus, ni les temps d'attente manifestement excessifs supportés en certains points du territoire et dans certaines circonstances de temps.

Dans ces conditions, il serait justifié pour disposer d'une vision plus juste des performances des services de disposer d'information sur la dispersion des délais subis par les usagers, dont le rapporteur spécial avait pu relever la grande diversité, selon les situations locales et les périodes de l'année. De la même manière, il convient de compléter les indicateurs de suivi de la performance des services chargés de délivrer les titres sécurisés en élargissant le champ des titres considérés à chacun d'entre eux.

Hélas, le rapporteur spécial relève un choix devant aboutir à dégrader l'information sur les performances des prestataires de services des titres sécurisés puisqu'il a été décidé de « sortir » de l'indicateur les délais n'incombant pas aux services instructeurs mais pouvant être imputés aux phases de la fabrication et de l'envoi des titres. Que l'administration souhaite isoler les délais mis par les CERT à instruire les dossiers est légitime (au demeurant c'est une information qui peut avoir son utilité en soi pour les parties prenantes, parmi lesquelles les parlementaires intéressés par ces questions), mais qu'elle fasse disparaître les délais des autres phases du processus de délivrance des titres relève d'une tentative malheureuse de gommer par le moyen d'une sorte de poudre de perlimpinpin des dysfonctionnements administratifs éprouvés par les usagers. Ce n'est pas en creusant le fossé entre la restitution des actions publiques et leur perception par les Français qu'on rétablira la confiance dans l'action publique.

Enfin, et sans préoccupation d'exhaustivité, force est d'observer que le suivi du contrôle de légalité par la mesure d'un taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture peut être affecté par des ruptures de champ. On sait que la dimension des actes prioritaires a fortement varié dans le temps. Les rapports annuels de performances successifs en témoignent qui rendent compte de la variabilité quantitative des actes reçus d'une année sur l'autre, mais aussi de la modulation des contrôles en fonction de choix locaux au demeurant très contraints. Ajoutons qu'un indicateur purement quantitatif ne saurait saisir la qualité du contrôle, qui est évidemment essentielle.

Sur ce point, un indicateur portant sur les prolongements donnés aux contrôles effectués par les services devrait être publié.

4. La maquette de performance du programme 232 est réductrice

Le suivi de la performance du programme repose sur un seul et unique indicateur, le coût moyen des différentes élections par électeur inscrit sur les listes électorales. Il n'offre aucun moyen tangible d'apprécier les résultats de l'action du responsable du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ».

L'indicateur suivant les délais de publication des comptes des partis politiques, qui offrait une indication, trop partielle (le délai de traitement des comptes de campagne des candidats aux élections politiques n'était pas appréciable) mais utile, sur les conditions de mise en oeuvre de la mission attribuée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne figure plus dans la maquette de performance.

Au demeurant, aucune information n'est fournie sur les performances de la CNCCFP, qui pourraient, par exemple, être envisagée à partir de l'issue des contentieux que peut susciter son activité.

Il faut concéder que les résultats tels qu'ils sont appréhendés ne dépendent pas exclusivement, loin de là, du responsable de programme. En effet, ni les coûts des élections ni le délai de traitement des comptes des partis politiques ne sont réellement pilotés par le secrétaire général du ministère de l'intérieur.

Par exemple, le coût des élections résulte soit de circonstances électorales singulières, qui conduisent à étendre plus ou moins les remboursements effectués au profit des candidats en fonction des résultats des scrutins, soit de décisions éminemment politiques sur lesquelles le responsable de programme est sans prise. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la dématérialisation des documents de propagande électorale, qui a fait l'objet d'une opposition systématique de la part du Parlement.

Néanmoins, des améliorations pourraient intervenir dans le sens d'une meilleure lisibilité de ce qui relève à proprement parler des services de l'État dans le coût des élections. Il serait justifié de distinguer les opérations sous leur maîtrise directe (mise sous pli et adressage de la propagande électorale notamment) des opérations qui ne font l'objet que d'un remboursement passif (impression et affichage de la propagande à la charge des candidats).

Au-delà, on peut regretter que le dispositif de suivi de la performance ne soit pas mobilisé pour être le support d'une information régulière et développée sur les conditions du financement de la vie politique et des cultes.

Il serait justifié de présenter dans ce cadre un bilan des activités de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de leurs effets sur la consommation des crédits du programme.

Une présentation systématique de la répartition des crédits allant au financement des partis politiques pourrait être réalisée, à l'occasion de la communication budgétaire (d'autant plus facilement du reste que cette donnée est publiée par ailleurs).

5. La maquette de performance du programme 216 est incomplète

Quant aux indicateurs de performance du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », pour fournir quelques indications utiles pour le suivi des éléments de la « fonction de production » du ministère, ils sont marqués par leur insuffisance.

Des améliorations sont parfois intervenues ces dernières années. Ainsi en va-t-il pour l'issue des contentieux qui n'était informée que pour celui des étrangers mais peut désormais être appréciée pour une gamme plus étendue de litiges.

Néanmoins, certains indicateurs sélectionnent sans raison évidente des données qui ne sont que partiellement représentatives du problème administratif envisagé et délaissent des données importantes.

C'est le cas dans le domaine de la gestion du personnel où manquent des données importantes sur les processus de restructuration des qualifications, de mobilité géographique ou fonctionnelle ou encore sur les éléments quantitatifs de productivité du travail. Ces lacunes sont particulièrement regrettables s'agissant d'une administration de réseau en phase de changement.

Dans sa note d'exécution budgétaire de 2018 consacrée à la mission, la Cour des comptes relevait le contraste entre le dispositif de performances publié dans le cadre de l'information budgétaire et la diversité et la richesse des outils mobilisés par le responsable de programme dans le pilotage de ses missions.

Cette observation avait pu être vérifiée par la commission des finances du Sénat dans le cadre de ses travaux sur le réseau des sous-préfectures, à propos du programme 307.

Le dispositif appliqué au programme 216 répondrait aux exigences de la direction du budget qui norme l'information à fournir sur les programmes supports des différentes missions du budget général. Ce processus n'est pas critiquable en soi, même s'il semble peu mobilisé dans les processus de détermination des choix budgétaires. Mais, il n'est pas nécessaire de réduire la documentation budgétaire aux seules exigences de la direction du budget.

Le Parlement n'est pas étranger aux préoccupations de cette direction, mais il lui serait utile de disposer, en sus, d'une image moins strictement quantitative des performances du programme 216.

Au total, un effort d'exhaustivité et de représentativité des objectifs et indicateurs de suivi des performances des actions publiques financées par la mission s'impose.

B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES

Dans le contexte actuel du suivi de la performance, les résultats obtenus apparaissent pour le moins mitigés.

S'il est bien vrai que l'utilité sociale des actions financées par la mission n'est pas toujours susceptible d'être restituée par des indicateurs ponctuels, à dimension exclusivement quantitative et dont les niveaux dépendent en partie de facteurs extérieurs à l'action des responsables de programme, les indicateurs suivis n'en témoignent pas moins que les objectifs fixés ne sont pas atteints.

1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés certaines rencontrées dans l'accomplissement des missions évoquées, notamment dans le domaine de la sécurité civile

Des onze sous-indicateurs du programme 307, seul deux d'entre eux admettent un résultat meilleur que les attentes, les autres extériorisant des performances en deçà des cibles et trop souvent en retrait, parfois très net, par rapport à l'exercice précédent.

Cette situation n'est pas acceptable.

Les objectifs de performance du programme 307 et leurs indicateurs

Objectif de performance n° 1 : Améliorer la prévention des crises

Indicateurs :

Taux d'établissement recevant du public soumis à obligation de contrôle visités par la commission de sécurité : 94,3 % contre 91,9 % en 2018 ;

Taux d'exercice de sécurité civile réalisés dans les délais règlementaires sur les sites soumis à plan particulier d'intervention : 78,7 % contre 81,8 % en 2018 ;

Taux de préfecture ayant réalisé au moins 4 exercices dans l'année : 68,9 % contre 65,3 % en 2018.

Objectif de performance n° 2 : Optimiser les conditions de délivrance de titres fiables
et l'efficacité des services de délivrance des titres :

Indicateurs :

Taux de dossier de fraude documentaire détectés pour la carte nationale d'identité, le passeport, le permis de conduire et le certificat d'immatriculation et, pour les seules préfectures, pour les titres de séjour : 1,1 pour mille conte 0,9 pour mille en 2018 ;

Délais moyens de délivrance des titres :

Part des passeports biométriques délivrés en 15 jours : 37,3 % contre 53,2 % en 2018 ;

Part des cartes nationales d'identité mises à disposition en 15 jours : 28 % contre 58,1 % en 2018 ;

Part des permis de conduire délivrés en 19 jours : 75,3 % contre 96,6 % en 2018.

Objectif de performance n ° 3 : Moderniser et rationaliser le contrôle de légalité
et le contrôle budgétaire

Indicateurs :

Taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture : 88,7 % contre 90,4 % en 2018 ;

Taux de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales et des établissements publics : 59 % contre 60 % en 2018 ;

Taux d'actes transmis par le système @ctes : 66 % contre 60,5 % en 2018.

Objectif de performance n°4 : Développer les actions de modernisation et de qualité

Indicateur :

Taux de préfectures certifiées ou labellisées sur le nouveau référentiel : 11 % (indicateur non renseigné en 2018)

L'an dernier, le rapporteur spécial avait tout particulièrement exprimé son souhait que les cibles des indicateurs relatifs à la sécurité civile, qui pourraient être enrichis pour tenir compte des nouvelles menaces, soient toutes atteintes.

Les explications données aux difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs fixés renvoient à des motifs difficilement palpables mais qui paraissent suggérer des problèmes sérieux de coordination des moyens de la sécurité civile et de niveaux des moyens disponibles.

Face aux fragilités de certains espaces mises en évidence par des événements tragiques, l'inadéquation des moyens et des objectifs évoquée au détour de l'information budgétaire doit susciter une réflexion d'ensemble sur une politique, qui pour ne pas réclamer toujours des moyens de haute technologie, n'en est pas moins absolument nécessaire à la sécurité de nos compatriotes et du patrimoine national.

À cet égard, l'année 2019 a été marquée par des sinistres hélas retentissants dont il faut tirer toutes les leçons.

2. La mise en oeuvre du PPNG n'a pas tenu toutes ses « promesses » et s'est accompagnée d'une dégradation de l'accessibilité des services de délivrance des titres

Parmi les échecs rencontrés en 2019, les conditions de délivrance des titres sécurisés sont affectées d'une profonde dégradation. Or, cette fonction a été au coeur du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) censé tirer parti des gains du numérique pour réduire l'empreinte de la mission AGTE sur les dépenses publiques, dans un processus de substitution du capital au travail, ce dernier se trouvant à la fois économisé et redéployé vers des fonctions à plus haute valeur productive.

On peut à cet égard dire en effet que le PPNG se rattachait d'emblée à une tradition gestionnaire « modernisatrice » celle des réformes structurelles.

Le rapporteur spécial n'est évidemment pas hostile à ce type de démarches. Encore faut-il qu'elles fassent la preuve de leur réussite, condition qui semble assez systématiquement dépendre d'une capacité des réformateurs à ne pas faire l'impasse sur les contraintes du réel et à ne pas passer par pertes et profits des pertes de bien-être collectif, biais assez fréquent de réformes ignorantes du non-quantitatif.

Le Conseil constitutionnel avait invalidé un article de la loi de finances pour 2019 prescrivant la remise d'un rapport sur le bilan du « plan préfectures nouvelle génération » résultant d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement et que le Sénat n'avait pas adopté pour des raisons principalement formelles tenant à son défaut d'appartenance au domaine des lois de finances 23 ( * ) .

Elles n'équivalaient pas à juger sans intérêt l'initiative de nos collègues députés d'autant que la mise en oeuvre du PPNG a d'emblée révélé des difficultés importantes, à l'image du reste de celles rencontrées plus généralement dans le processus de dématérialisation des titres sécurisés.

Il en ressortait que si le volet « suppressions d'emplois » du PPNG avait pu être mis en oeuvre moyennant les réserves mentionnées plus haut, le volet « redéploiement des emplois » n'avait pu l'être totalement.

On rappelle que le PPNG portait sur 4 000 emplois du réseau dont la partie correspondant aux emplois non supprimés devait être réallouée des opérations de guichet correspondant à la délivrance des titres, désormais abandonnées, aux missions considérées comme prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, la coordination territoriale et la sécurité.

Or, si globalement les guichets du réseau préfectoral ont bien été fermés aux usagers, les difficultés rencontrées de ce fait ont conduit à reporter la réaffectation des emplois ainsi libérés, les effectifs nécessaires devant en outre être recrutés et formés.

Au total, il était prévu, une fois armé le réseau des 58 centres d'expertise et de ressource titres (CERT) appelé à se substituer au réseau installé des préfectures et sous-préfectures dans la fonction de délivrance des titres, de positionner 603 emplois sur les priorités énoncées afin de porter les moyens consacrés à ces priorités de 2 391 ETP à 2 994 ETP à l'horizon 2020.

Les redéploiements encore à mettre en oeuvre à ce titre portaient sur un peu plus de la moitié du plan à fin 2018.

Pour 2019, le rapport annuel de performances aurait dû être l'occasion de présenter précisément les prolongements donnés effectivement au PPNG. Il n'en est malheureusement rien.

Tout juste peut-on relever que les services régionaux, qui accueillent notamment les agents des CERT (mais aussi des secrétariats généraux pour les affaires régionales et ceux des guichets uniques de demande d'asile et des plateformes de naturalisation) enregistrent une réalisation d'emplois de 3 021 ETPT contre 822 prévus en loi de finances initiale, le responsable de programme indiquant encore avoir été contraint de réduire de 20 % son recours à des agents contractuels généralement utilisés ces dernières années pour apporter leur appui au fonctionnement desdits CERT.

En regrettant que l'information fournie manque de précision, le rapporteur spécial relève toutefois que le faisceau d'indices accessibles conduit à mettre en évidence une sous-capacité d'instruction des demandes de titres sécurisés (malgré l'augmentation du nombre des dossiers traités par agent), attribuable à une plus forte viscosité de la fonction de production qu'anticipé au moment de la définition du PPNG (l'automatisation des process se heurte manifestement à des limites qui n'ont pas été alors identifiées).

Tout en prenant acte des explications de l'engorgement des services d'instruction par un pic calendaire de demandes, et étant observé que le responsable de programme tend, sans doute à raison, à faire ressortir les défaillances du système de fabrication des titres sécurisés (dont il a partiellement la charge), force est d'observer que le résultat du PPNG a été jusqu'à présent marqué par une hausse considérable du phénomène d'engorgement et par une dégradation du service rendu aux usagers, alors même que ce dernier est dans une situation contrainte et prié de contribuer de plus en plus au service public.

Que les services d'accueil des étrangers dont les dotations en effectifs appelleraient un audit, et sa publication, soient destinataires de nouveaux moyens n'a en soi rien de choquant. Mais, force est de relever que les redéploiements attendus du PPNG n'ont pu y pourvoir qu'aux dépens de la qualité de la prestation rendus aux usagers.

L'exercice 2019 en offre une « parfaite » illustration.

À cet égard, deux observations complémentaires s'imposent, la première pour faire ressortir le transfert de charges sur les demandeurs, qui, pour être particulièrement patent pour les certificats d'immatriculation de plus en plus obtenus, à frais supplémentaires auprès des réseaux privés, comprend également les coûts d'attente et de déplacement imposés aux usagers, la seconde, pour s'interroger sur le bilan de la restructuration du réseau au regard de l'objectif de sécurisation des titres.

Sous cet angle l'indicateur de découverte de la fraude documentaire ressort comme bien orienté en 2019. Néanmoins, sa construction pose un certain nombre de problèmes et, au-delà, il faut se demander dans quelle mesure les objectifs d'augmentation de la production des titres par les agents sont bien compatibles avec l`objectif poursuivi.

3. Le programme 216, comme l'an dernier, suscite des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier, mais, de plus, sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance

En ce qui concerne le programme 216, l'un des enjeux majeurs est de mieux maîtriser les contentieux traités par le ministère.

Les cibles fixées par le dispositif de performances sont inégalement atteintes.

La performance doit cependant être appréciée en fonction de la qualité des indicateurs et des ambitions affichées qui paraissent toutes deux largement perfectibles.

Ainsi, de la cible qui fixe le taux de réussite devant les juridictions saisies à un niveau de l'ordre de 80 % qui admet un taux de « déconvenue» relativement élevé, aggravé encore en exécution puisque le taux de réussite a été inférieur à la cible (76,32 %). Ainsi également du recours systématique à des coûts moyens unitaires, indication sans doute utile mais qui ne rend pas compte du volume du contentieux.

L'exécution 2019 a été une nouvelle fois marquée par un niveau de dépenses de contentieux en excès par rapport aux ouvertures de la loi de finances initiale (87,7 millions d'euros contre 80 millions d'euros) alors même que ces dernières avaient été sensiblement « sincérisées », ce dont le rapporteur spécial se félicite.

Dépenses de contentieux prévisions et réalisations
(2010-2019)

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Des redéploiements internes ont été nécessaires pour acquitter les charges en excès.

Les mesures adoptées pour réduire l'impact des dépenses de contentieux sur la mission sont sans aucun doute utiles. Cependant, outre qu'elles consistent pour certaines d'entre elles en des opérations relevant assez largement de l'affichage (ainsi de celles visant à affecter le poids du contentieux à des missions budgétaires alternatives), elles n'équivalent pas à une action de fond qui permettrait seule de prévenir l'inflation contentieuse.

Il est vrai qu'une telle action rencontre des difficultés contextuelles fortes du fait des principes juridiques appliqués (notamment dans les cas où la responsabilité sans faute de l'État est engagée) ou des problèmes pratiques qu'il y a à exécuter les lois, règlements et traités.

Répartition des dépenses de contentieux par domaine en 2019

Source : Cour des comptes

Le graphique ci-dessus témoigne de l'importance des « accidents » contentieux rencontrés au titre du droit des étrangers, la procédure Dublin semblant particulièrement en cause, mais aussi de la récurrente ampleur des motifs contentieux offerts par la protection juridique des fonctionnaires et par les refus de concours de la force publique.

Le rapporteur spécial souhaite à cet égard que le ministère de l'intérieur n'adopte pas une ligne de gestion de ces dernières dépenses reposant sur la considération des enjeux financiers. Elle aboutirait à trier le devoir de protection par la force publique en fonction d'enjeux financiers ce qui contreviendrait à l'égale droit à la protection de la force publique.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur spécial avait interrogé le ministre de l'intérieur sur les prolongements possibles des désordres survenus à l'occasion de l'épisode dit des « gilets jaunes ».

Un supplément de charges de 5,5 millions d'euros a été identifié à ce titre en 2019 sur le programme 216. Un provisionnement d'un peu plus de 27 millions d'euros a été de surcroît prévu pour les années à venir, dont le montant pourrait être inférieur au nécessaire puisqu'il ne prend pas en compte certains dommages à forts enjeux.

Quant aux systèmes informatiques, l'année 2019 a été marquée par une augmentation des charges correspondantes (+ 6,8 millions d'euros, soit + 9,4 %). Néanmoins, le niveau des dépenses informatiques a été en 2019 inférieur à celui atteint en 2017, année où elles avaient littéralement explosé. Les dépenses de 2019 ont été en-deçà de la prévision, une sous-consommation de près de 13 millions ayant été constatée (un déficit de consommation de 14 %). L'efficience informatique est suivie à travers un indicateur d'indisponibilité de 33 applications jugées sensibles par un indicateur de coût par agent et de nombre de postes bureautiques. La significativité de ces indicateurs est médiocre. Si le nombre d'heures d'indisponibilité apparait en baisse c'est sans doute du fait d'une modification de l'indicateur qui n'a pas pu être actualisée pour les années antérieures. Quant au coût par agent, il varie selon le rythme des engagements de nouveaux programmes. À cet égard, le décalage dans le temps de la réalisation du réseau radio du futur (annoncé par le Président de la République dès le 18 octobre 2017) a pu peser sur la valeur de l'indicateur.

Quant au nombre de postes bureautiques en déficit d'environ 7 000 par rapport à l'objectif avec 190 565 postes déployés pour environ 292 000 agents il ressort comme relativement élevé compte tenu des missions des agents. Mais, il laisse malgré tout environ 100 000 agents sans accès numérique personnel et l'indicateur mériterait d'être complété par des considérations plus qualitatives. Les dépenses d'achats de postes et de licences (4,2 millions d'euros en 2019) ne représentent qu'une faible part des dépenses informatiques du ministère pour l'essentiel consacrées aux infrastructures des réseaux. Elles n'augurent pas d'un taux de renouvellement des matériels suffisant. On relèvera encore que les besoins de la mission « Immigration, asile et intégration » ont réduit le disponible accessible pour consolider le « capital « informatique du ministère.

Quant au « réseau radio du futur », si 5,3 millions d'euros ont été disponibles, on rappelle que le projet a été estimé à 166,3 millions d'euros. Compte tenu de la propension au dérapage des grands projets de cette sorte, il y a lieu de s'inquiéter de ses effets sur les charges du programme 216 ou, en cas d'arbitrages, sur l'impact qu'il pourrait exercer sur d'autres dépenses informatiques ou autres qui subiraient alors un effet d'éviction.

De la même manière, la maîtrise des opérations immobilières, dont les indicateurs varient avec une forte ampleur d'une année sur l'autre, semble perfectible au vu des dépassements de délais et de budgets dont ces indicateurs témoignent. Les dépenses ont diminué de 14,8 millions d'euros (- 10 %) évolution à la significativité relative, le taux de sous consommation des crédits disponibles étant de l'ordre de 2,6 points de pourcentage. L'action a compensé la sous budgétisation des besoins de la fonction d'accueil des étrangers et elle a été marquée par le décalage de projets de maintenance lourde. Dans le même temps, la Cour des comptes relève qu'une charge « externalisée » au compte d'affectation spéciale immobilier devra être assumée par la mission dans des conditions restant à définir.

On ne saurait oublier, par ailleurs, les interrogations sur l'état des emprises immobilières des préfectures et des sous-préfectures et leur niveau d'utilisation, qui relèvent du programme 307. La constitution de CERT a tendu à polariser les dépenses au détriment de l'entretien d'un patrimoine qui est souvent mis à disposition par les collectivités territoriales ; quant aux conditions immobilières devant permettre l'ouverture des centaines de « Maisons France Service » annoncées par le Premier Ministre, si elles devraient mobiliser l'immobilier du réseau, elles demandent à être éclaircies, notamment d'un point de vue budgétaire.

Le rapporteur spécial observe enfin que le bouclage financier de programme 216 a fortement sollicité le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). La sous-exécution atteint 16 millions d'euros, soit plus de 22 % de la dotation initiale, dans un contexte où le fonds a été plus mobilisé que prévu par les actions visant à prévenir les violences faites aux femmes (11,9 millions d'euros contre une dotation de 7,9 millions d'euros). En revanche, les actions en faveur des jeunes ont été moins consommées que prévu (10,7 millions d'euros contre 12,5 millions d'euros). Comme ces actions visent notamment à lutter contre le décrochage scolaire, il y a lieu d'imaginer qu'elles seront fortement sollicitées en 2020, le rapporteur spécial tendant à souhaiter qu'un programme ambitieux puisse être mis en place rapidement sur ce point.

La sous consommation des crédits a principalement touché les transferts aux collectivités territoriales au titre des équipements de vidéo-surveillance et de confortement des polices municipales. Les établissements scolaires ont été particulièrement impactés alors même que de graves faits portant atteinte à la sécurité des élèves et des enseignants, régulièrement relatés par les médias, paraissent objectivement constitués.

Le rapporteur spécial souhaite que l'efficacité des opérations financées par le FIPD fasse l'objet d'une évaluation et que le dispositif de performances lui consacre quelques indicateurs. Parmi ces derniers, en première approximation, il serait utile de pouvoir disposer d'éléments d'information sur l'efficacité des polices municipales ayant bénéficié d'un soutien mais encore d'un relevé des faits délictueux et criminels identifiés par les opérations de vidéo-surveillance. D'un point de vue plus financier, un audit des conditions de délégation des subventions du FIPD devrait être effectué et remis au Parlement.

C. UNE CONTRAINTE D'EMPLOIS QUI POSE PROBLÈME

Comme on l'a relevé, la mission AGTE n'appartenait pas au groupe des missions prioritaires défini par la précédente loi de programmation pluriannuelle des finances publiques sous l'empire de laquelle la mission se trouvait encore en 2017.

Même si cette catégorie ne figure plus explicitement dans la nouvelle loi de programmation, les faits parlent d'eux-mêmes : la mission AGTE est appelée à contribuer plus que d'autres aux économies de dépenses budgétaires retracées dans la nouvelle loi de programmation pluriannuelle à l'horizon 2022.

À l'échéance de 2020, elle devra à nouveau réduire ses dépenses.

Or, outre que cette mission finance des interventions régaliennes essentielles, elle se trouve confrontée quotidiennement aux contraintes les plus urgentes du moment. Elle est ainsi sollicitée pour améliorer la sécurité des Français et pour fournir une réponse adaptée à des flux d'immigration en forte hausse, et qui présentent des difficultés particulières de traitement. Ainsi en va-t-il, par exemple, dans le domaine de l'asile.

L'exécution pour 2019 illustre certains des problèmes suscités par une telle situation. On a indiqué qu'elle avait été marquée par des allégements considérables de l'emploi mobilisé pour assurer la mission de délivrance des titres sécurisés. Certes, on peut se réjouir que l'emploi public puisse se trouver flexibilisé afin de pouvoir répondre à des besoins transitoires. Néanmoins, la réduction évoquée ne peut nullement être considérée comme reflétant une diminution des besoins. Les performances atteintes en attestent. En réalité la gestion de l'emploi concerné a répondu à des strictes exigences financières ; ce fut une flexibilité par contrainte et non par objectif.

Une telle politique conduit à des facilités qui peuvent être très contreproductives, tant pour les usagers que pour les missions mêmes du ministère. Outre que la flexibilité a un coût puisqu'elle charge les allocations de retour à l'emploi, les contrats précaires peuvent être moins efficaces, étant systématiquement moins formés. Il serait intéressant de mesurer ce que les dépenses de contentieux doivent à ce déficit. De surcroît, l'habitude d'y recourir risque de finir par décourager les candidatures à des postes de travail réputés peu stables.

La sous-exécution du plafond d'emplois du programme 307, qui s'est dégradée en 2019, pourrait en être un signal faible.

D'un point de vue de la programmation fonctionnelle, il est fort peu satisfaisant que la distribution des ressources humaines puisse faire l'objet d'une attention « flottante » au prétexte qu'en cas de nécessité des marges de manoeuvre seraient mobilisables. Elles ne le sont jamais sans dommage pour la qualité des missions.

Autrement dit, le rapporteur spécial, tout en admettant l'utilité d'une certaine flexibilité souhaite qu'elle ne soit pas l'occasion d'un relâchement de l'attention prêtée à un bon calibrage des fonctions de production propres aux différentes missions accomplies.

À cet égard, il est probablement heureux que les recrutements effectués pour assumer la politique de l'accueil aient pu prendre une forme plus solide en 2019 que lors des années précédentes. Un impeccable professionnalisme s'impose en effet, ici comme ailleurs.

Cependant, le rapporteur spécial s'inquiète d'ores et déjà des conditions dans lesquelles les emplois des Maisons France Services seront pourvus, sachant que ces unités seront appelées à prendre le relais des services de proximité (éteints désormais) des unités du réseau préfectoral.

Enfin, la répartition des emplois du programme 307 ne cesse de se déformer aux dépens des emplois de proximité, ce qui est un révélateur d'une « régionalisation » des effectifs du réseau parallèle à la « métropolisation » de la décentralisation qui accentue la perception d'un désert administratif français qui s'étend.

Répartition territoriale des emplois du programme 307 en 2018

Source : rapport annuel de performances de la mission pour 2018

Répartition territoriale des emplois du programme 307 en 2019

Source : rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Il est plus que temps d'arrêter cette hémorragie.

D. REMÉDIER AUX SITUATIONS DE DÉBUDGÉTISATION

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur spécial a évoqué la situation prévalant dans le domaine de la délivrance des certificats d'immatriculation. Du fait de la mise en place d'un système de délégation de la plupart de ces certificats au secteur privé, un véritable marché du titre sécurisé correspondant a été créé. Il impose une charge financière aux demandeurs. Au total, 13 millions de cartes grises seraient délivrés chaque année. Moyennant un coût de 30 euros par opération (coût qui ne correspond qu'à une simple hypothèse), les demandeurs s'exposeraient à une dépense de 390 millions d'euros par an.

Le rapporteur spécial considère qu'une analyse de cette dépense devrait être mise en oeuvre, en particulier dans la situation qui prévaut actuellement.

Le récent rapport de la Cour des comptes sur la préfecture de police de Paris a identifié une situation de débudgétisation de dépenses qui devraient figurer dans le budget de la mission « AGTE » mais n'y sont pas inscrites. Il s'agit de la contribution de la Ville de Paris au fonctionnement de la Préfecture de police de Paris.

Le montant des dépenses correspondantes, qui recouvrent des dépenses de délivrance de titres sécurisés mais aussi des dépenses de fonctionnement ordinaires, est difficile à estimer, mais il pourrait avoisiner une centaine de millions d'euros.

Le rapporteur spécial souhaite que ces dépenses soient intégrées à la mission AGTE.

E. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE REPOSE SUR DES MÉCANISMES QUI CONDUISENT À DES DÉSÉQUILIBRES PROBLÉMATIQUES

Le rapporteur spécial a présenté un rapport consacré au financement de la vie politique le 26 février dernier 25 ( * ) .

Il renvoie notamment à son analyse de la répartition des subventions attribuées aux partis et groupements politiques qui établit que ces dernières suivent une répartition marquée par une double polarisation due à la « prime présidentielle » et à la « prime majoritaire ».

L'analyse de la répartition des subventions aux partis politiques doit en, outre être, complétée par celle des transferts associés à la niche fiscale qui permet de réduire l'impôt sur le revenu (pour dons et cotisations aux formations politiques et aux campagnes électorales) dans le cadre de l'article 200 du code général des impôts.

Ces transferts doublent presque les subventions budgétées. Ils ne sont pas estimés dans la documentation budgétaire et ils sont encore moins évalués.

Le rapporteur spécial renvoie aux suggestions qu'il a été conduit à formuler pour mieux structurer l'indispensable soutien public à l'expression démocratique, suggestions qui incluent les voies et moyens de surmonter les difficultés d'accès des partis et des candidats politiques au crédit.

On relève à cet égard que l'exercice 2019 aura été l'année de baptême d'une nouvelle institution, le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, dont la capacité à résoudre les difficultés d'accès au financement bancaire ne pourra être sérieusement appréciée que dans l'avenir.

MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION,
FORÊT ET AFFAIRES RURALES »
ET COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

mm. alain houpert et yannick botrel, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. UNE EXÉCUTION 2019 MARQUÉE PAR LA SAISIE D'OPPORTUNITÉS ET UN PARI AVENTUREUX SUR LEUR REPRODUCTIBILITÉ 89

A. UNE RÉDUCTION DE LA DÉPENSE ET UNE CONTRIBUTION AU BOUCLAGE FINANCIER DU BUDGET EN FIN D'EXERCICE 91

1. Une exécution en ligne avec les crédits ouverts par la loi de finances de l'année... 91

2. Le respect de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 mais... 93

3. Une forte réduction des dépenses par rapport à l'exercice précédent 96

B. UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES FAVORISÉE PAR DES FACTEURS EXOGÈNES, SYMPTÔME DES DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA POLITIQUE AGRICOLE 100

1. Des facteurs exogènes 100

2. Des reports de charges : les restes à payer et les charges reportées 106

3. Une exécution qui paraît déjà grever la programmation budgétaire pour 2020 112

II. UNE STAGNATION DE L'AMBITION AGRICOLE DE LA FRANCE 113

A. LA MISSION AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES (AAFAR), UN VECTEUR BUDGÉTAIRE PERFECTIBLE 113

1. Une mission aux limites de la lisibilité et de la conformité avec la loi organique sur les lois de finances 113

2. Une information insatisfaisante sur les concours publics à l'agriculture 115

B. MALGRÉ UN IMPACT PLUS MODÉRÉ EN 2019 LES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES D'ADMINISTRATION MÉRITENT UNE ATTENTION SOUTENUE 121

1. La charge des refus d'apurement a été considérablement allégée par rapport aux exercices précédents, mais de nouvelles déconvenues ne sont pas à exclure 122

2. Un coût d'administration élevé des interventions agricoles de la PAC 125

3. Un retour au calendrier normal de versements des aides ? 128

4. Que vont devenir les crédits d'engagement ayant fait l'objet d'un retrait ? 131

C. UN NIVEAU DE SUBVENTIONS RIGIDE DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR DES CONTRAINTES ÉCONOMIQUES FORTES 132

1. La contribution des subventions aux résultats économiques des exploitations est vitale pour de nombreuses exploitations et pleinement justifiée par les caractéristiques particulières de l'agriculture française... 133

2. ... mais les interventions stagnent 135

D. DES OPÉRATEURS EN DIFFICULTÉ 139

1. La politique forestière et l'ONF 139

2. L'ASP et la modernisation de ses outils 143

3. L'ANSES, une forte augmentation des dépenses de fonctionnement ; un financement reposant de plus en plus sur une activité d'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques au modèle problématique ; une vocation scientifique à défendre résolument 144

4. L'INAO confronté aux charges de sécuriser la différenciation qualitative des produits, une mission très compromise en 2019 147

E. LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, UNE POLITIQUE PUBLIQUE À CONSOLIDER 148

1. Une programme fréquemment affecté par des difficultés de programmation budgétaire qui en a connu un nouvel épisode en 2019 150

2. Une exécution budgétaire qui matérialise certains déséquilibres de l'action publique de sécurité sanitaire des aliments 152

3. Les moyens de la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation sont illisibles et la nomenclature budgétaire ne respecte pas la loi organique relative aux lois de finances 157

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » 160

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 160

1. Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », deux programmes aux destinataires propres 160

2. Après des déconvenues récurrentes par rapport aux prévisions de recettes du compte, une meilleure anticipation, mais une charge non négligeable pour les exploitants 162

3. Un taux de consommation des crédits peu satisfaisant 166

B. AMÉLIORER LES INFORMATIONS SUR LES PERFORMANCES ATTEINTES ET RECOURIR DAVANTAGE AUX APPELS À PROJETS POUR CONTRER LA LOGIQUE D'ABONNEMENT AUX AIDES 167

I. UNE EXÉCUTION 2019 MARQUÉE PAR LA SAISIE D'OPPORTUNITÉS ET UN PARI AVENTUREUX SUR LEUR REPRODUCTIBILITÉ

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) comprend trois programmes budgétaires distincts :

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » (1 767,7 millions d'euros de dépenses en 2019) correspond principalement à la composante nationale des interventions en faveur du développement rural portées au niveau européen par le FEADER mais aussi aux interventions en faveur de la pêche et de la forêt ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (550,6 millions d'euros de dépenses en 2019) couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer l'intégrité des animaux et végétaux, ne réservant qu'une partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments elle-même ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (625,5 millions d'euros de dépenses en 2019) est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à couvrir les coûts de gestion des missions du ministère (hors éducation).