C. LE MAINTIEN DE DISPOSITIONS DÉROGATOIRES FACILITANT LA RÉUNION DES ORGANES DÉLIBÉRANTS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. Des dérogations en vigueur jusqu'au 30 août 2020 ou au 31 octobre 2020
Le code général des collectivités territoriales détermine les modalités de fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales.
Plus précisément, il fixe les lieux de réunion et de délibération des conseils municipaux 22 ( * ) , départementaux 23 ( * ) , régionaux 24 ( * ) ainsi que des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre 25 ( * ) . Il prévoit également que les réunions des organes délibérants sont publiques 26 ( * ) . Toutefois, ces organes peuvent décider, sans débat et à la majorité absolue des membres présents ou représentés, de se réunir à huis clos, pour des motifs d'ordre public et de sécurité 27 ( * ) ou encore lorsque l'ordre du jour présente un caractère sensible 28 ( * ) . Le cas échéant, la réunion peut être retransmise par les moyens de communication audiovisuelle, sans préjudice des pouvoirs de police du maire, qu'elle se tienne en présence du public ou à huis clos.
Durant l'état d'urgence sanitaire, des dispositifs permettant de déroger aux règles relatives au lieu de réunion des organes délibérants et à la publicité de ces réunions ont été instaurés par l'ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 visant à adapter le fonctionnement des institutions locales et l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux à la prolongation de l'état d'urgence sanitaire dans le cadre de l'épidémie de covid-19 . Ces dérogations ont été établies afin de faciliter le respect des règles sanitaires durant les réunions des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements.
L'article 9 de l'ordonnance tel que modifié par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires, prévoyait ainsi que si le lieu de réunion habituel des organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne permettait pas d'assurer la tenue des réunions dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, ces organes pouvaient décider de se réunir en tout lieu, dès lors :
- que ce lieu ne contrevenait pas au principe de neutralité ;
- qu'il offrait les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires ;
- qu'il permettait d'assurer la publicité des séances.
Au préalable, le préfet était informé par le maire ou le président de l'organe délibérant du lieu choisi pour la réunion.
L'article 10 de l'ordonnance prévoyait quant à lui que le maire, le président de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ou le président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre pouvait décider, pour assurer la tenue de la réunion de l'organe délibérant dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, que celle-ci se déroulerait sans que le public soit autorisé à y assister ou en fixant un nombre maximal de personnes autorisées à y assister. Le caractère public de la réunion était réputé satisfait dès lors que les débats étaient retransmis en direct au public de manière électronique. Lorsqu'il était fait application de cette possibilité, la convocation de l'organe délibérant devait mentionner cette décision.
Initialement applicable durant la seule période de l'état d'urgence sanitaire, ces dispositifs ont été prorogés par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires . Ces facilités de réunion des organes délibérants ont toutefois pris fin le 30 août 2020 , alors même que la situation sanitaire ne s'est pas améliorée et que les organes délibérants éprouvent toujours des difficultés pour assurer la pleine application des règles sanitaires en vigueur.
Par ailleurs, l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-391 du 1 er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19 permettait à l'exécutif de la collectivité ou du groupement de collectivités de décider que la réunion de l'organe délibérant, des commissions permanentes des départements et des régions et des bureaux des EPCI se tiendrait par visioconférence ou, à défaut, par audioconférence 29 ( * ) . Ce dispositif, initialement prévu pour la durée de l'état d'urgence sanitaire, a également été prolongé par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 et prendra également fin le 30 octobre 2020 .
2. Le texte de l'Assemblée nationale : une prolongation des dispositifs jusqu'au 1er avril 2021
Introduits par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en commission de deux amendements de Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et des autres membres du groupe La République en Marche 30 ( * ) , les articles 1 er ter et 1 er quater visent à rétablir les dispositifs dérogatoires relatifs respectivement au lieu de réunion et à la publicité des débats sur l'ensemble du territoire national 31 ( * ) .
L'Assemblée nationale a choisi de les rendre applicables à l'ensemble des groupements de collectivités territoriales 32 ( * ) - et non plus seulement aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Les députés ont toutefois souhaité renforcer le rôle du préfet dans la modification du lieu de réunion de l'organe délibérant, par l'adoption d'un amendement n° 25 à l'article 1 er ter de Cécile Untermaier en séance publique 33 ( * ) . Simplement informé dans le dispositif initial, le préfet serait désormais destinataire de l'acte par lequel l'exécutif local décide du nouveau lieu de réunion . Comme le souligne l'objet de l'amendement, cette modification vise à permettre au préfet d'exercer un contrôle de légalité a priori .
L'article 1 er quinquies , introduit par l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement n° 106 rectifié de Paul Molac en séance publique, prolonge quant à lui la possibilité de réunir les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements par visioconférence ou, à défaut, par audioconférence, jusqu'au 31 mars 2021 .
* 22 L'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil municipal se réunit et délibère à la mairie de la commune. Il peut aussi se réunir à titre définitif dans un autre lieu situé sur le territoire de la commune, dès lors que ce lieu ne contrevient pas au principe de neutralité, qu'il offre les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires et qu'il permet d'assurer la publicité des séances.
* 23 L'article L. 3121-9 du code général des collectivités territoriales dispose que le conseil départemental se réunit dans un lieu du département choisi par la commission permanente.
* 24 L'article L. 4132-8 du code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil régional se réunit dans un lieu de la région choisi par la commission permanente.
* 25 L'article L. 5211-11 du code général des collectivités territoriales indique que l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale se réunit à son siège ou dans un lieu qu'il choisit dans l'une des communes membres.
* 26 Articles L. 2121-18, L. 3121-11 et L. 4132-10 du code général des collectivités territoriales.
* 27 Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'un maire pouvait interdire l'accès de la salle à un groupe de personnes portant des pancartes et du matériel sonore dont le comportement traduisait l'intention de manifester et de perturber la réunion du conseil municipal (CE, 14 décembre 1992, Ville de Toul , n° 128646 : Lebon T. 793)
* 28 TA Montpellier, 28 juin 2011, Mme Espeut , n° 1002338.
* 29 Plusieurs garanties, tenant à l'identification des participants, à l'enregistrement et à la publicité des débats, ainsi qu'aux modalités de vote, étaient prévues.
* 30 Amendements CL40 et CL41.
* 31 Les dispositifs étaient initialement restreints aux zones de circulation active du virus dans le texte adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Par des amendements n os 31 et 32 d'Isabelle Florennes et des membres du MoDem, ils ont été étendus en séance publique à l'ensemble du territoire national.
* 32 Amendements n os 33 et 35 d'Isabelle Florennes et n os 47 et 48 de Raphaël Schellenberger en séance publique.
* 33 Sous-amendé par la rapporteure Alice Thourot (amendement n° 108).