Rapport n° 581 (2020-2021) de Mme Marie-Christine CHAUVIN , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 12 mai 2021
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N° 581
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi pour un élevage éthique , juste socialement et soucieux du bien-être animal ,
Par Mme Marie-Christine CHAUVIN,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .
Voir les numéros :
Sénat : |
530 rect. et 582 (2020-2021) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi n° 530 (2020-2021) vise à trouver un équilibre entre les impératifs des éleveurs et la recherche de meilleures conditions d'élevage. Si la commission en partage, par certains aspects, la philosophie et les objectifs, c'est-à-dire la recherche de meilleures conditions d'élevage en prenant en compte les contraintes des éleveurs, et sans les stigmatiser davantage, par exemple par la création d'un fonds d'accompagnement, elle est en désaccord avec les moyens choisis pour atteindre cet objectif, considérant notamment que l'échelle européenne est la plus appropriée afin d'éviter certains effets de bord.
I. LES ÉLEVEURS FRANÇAIS SONT LES PREMIERS ACTEURS SOUCIEUX DU BIEN-ÊTRE ANIMAL EN FRANCE ET FONT BOUGER LES LIGNES TOUS LES JOURS EN LA MATIÈRE
Contrairement à ce que pourrait laisser songer le titre de la proposition de loi, les éleveurs français sont bien les premières personnes soucieuses du bien-être animal . Si certaines pratiques relevant d'un délit de maltraitance animale ont pu être relevées, les méfaits de quelques-uns ne doivent pas entraîner une stigmatisation de l'ensemble d'une profession, déjà confrontée à de grandes difficultés économiques et sociétales.
En parallèle, soucieuses d'améliorer les conditions d'élevage, de transport et d'abattage de leurs animaux, toutes les filières interprofessionnelles ont engagé des actions en faveur du bien-être animal ces dernières années . Il convient par exemple de citer l'initiative « France, terre de lait » du CNIEL, la mise en place, par INAPORC, du socle de base du Porc Français intégrant des critères de bien-être animal minimum (lumière, matériaux manipulables, abreuvement...) sauf à accepter le paiement de pénalités, le Pacte Sociétal de la filière Élevage et Viande sous l'égide d'INTERBEV.
Les filières se fixent des objectifs ambitieux en matière d'élevages alternatifs. L'interprofession cunicole (CLIPP) s'est, par exemple, engagée à passer de 1 % à 25 % de viande de lapin issue d'élevages alternatifs d'ici 2022, soit des élevages proposant une alternative à la cage standard, soit des élevages sous cahier des charges Label Rouge, soit sous cahier des charges bio. De même, l'interprofession porcine a présenté en juillet 2021 une feuille de route sur les alternatives à la castration à vif des porcelets, mises à la disposition de l'ensemble des opérateurs pour tenir l'objectif de l'arrêt de cette pratique au 1 er janvier 2022. Elle s'est également fixée un objectif de 22 % de porcs sous label d'ici 2027.
Force est de constater que, lorsque le consommateur est demandeur et prêt à payer un surcoût pour compenser ces efforts, l'engagement des filières fait bouger les lignes rapidement . Par exemple, rien que pour les poules pondeuses, une baisse significative des capacités de production des élevages en cage a été constatée au profit des élevages alternatifs qui représentent désormais 53 % des poules pondeuses contre 19 % en 2008. Ces dernières années, l'accélération est telle que la filière a dépassé son objectif fixé en 2016 d'atteindre 50 % de poules pondeuses en systèmes alternatifs deux ans avant l'échéance prévue.
De même, les acteurs économiques ont développé des alternatives au broyage des poussins mâles et des canetons femelles, pratique autorisée par le droit européen . Plusieurs méthodes de sexage in ovo inédites ont été développées en quelques années permettant d'espérer, d'ici quelques années, arrêter les pratiques majoritaires de broyage aujourd'hui.
Toutes ces avancées, qui n'ont pas été faites à grands coups d'interdictions, doivent être saluées, car elles se traduisent par des modifications profondes et rapides des pratiques, démontrant l'engagement quotidien de nos filières agricoles en faveur du bien-être animal.
II. L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS D'ÉLEVAGE DOIT SE FAIRE AU NIVEAU EUROPÉEN, DANS UN PAS DE TEMPS ADAPTÉ ET AVEC UN ACCOMPAGNEMENT NÉCESSAIRE
A. LA PROPOSITION DE LOI PROPOSE D'ENCADRER AU NIVEAU DE LA LOI CERTAINES PRATIQUES D'ÉLEVAGE, DE TRANSPORT ET D'ABATTAGE
L'article 1 er de la proposition de loi met en oeuvre un dispositif en deux temps afin de prévoir progressivement le passage à un élevage offrant un accès au plein air à tous les animaux d'ici le 1 er janvier 2040 . Avant cette échéance, toute construction d'un bâtiment ne répondant pas à des critères, définis par décret, incluant un accès à l'extérieur ainsi qu'une limitation des densités de peuplement adaptées aux besoins de l'animal, serait interdite à compter de 2026.
L'article 2 plafonne la durée maximale de transport d'animaux vivants en France intra-muros (sans franchissement de frontière) à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés et à quatre heures pour les volailles et les lapins . Toutefois, il aménage un régime de dérogation pour un voyage d'une durée supérieure, qui ne pourra pas dépasser douze heures , par autorisation préalable accordée par un vétérinaire, qui atteste de la capacité des animaux à réaliser ce voyage sans risque d'être blessés ou de subir des souffrances inutiles.
L'article 3 interdit toute élimination (broyage ou gazage en pratique) de poussins mâles ou de canetons femelles , sauf en cas d'épizootie, à compter du 1 er janvier 2022 .
L'article 4 crée enfin un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal afin d'accompagner les éleveurs et les abatteurs dans leur transformation, notamment ceux dont l'activité a été affectée par les autres articles de la proposition de loi.
B. LA MEILLEURE ÉCHELLE POUR PRENDRE CE TYPE DE MESURES EST L'ÉCHELLE EUROPÉENNE, AFIN D'ÉVITER LES EFFETS DE BORD PÉNALISANT L'ÉLEVAGE FRANÇAIS ET FAVORISANT DES IMPORTATIONS NE RESPECTANT PAS LES NORMES MINIMALES REQUISES EN FRANCE
Si la commission des affaires économiques partage l'objectif d'amélioration des conditions d'élevage, de transport et d'abattage, elle estime qu'une surtransposition française n'est pas la bonne méthode pour y parvenir . Seule une évolution du cadre européen, prenant en compte les contraintes techniques et économiques des éleveurs, est de nature à accélérer les transitions .
À défaut, le législateur serait à l'origine de nouvelles distorsions de concurrence au détriment de l'agriculture française, en alourdissant encore les contraintes sur les agriculteurs français, tout en exportant chez nos voisins les pratiques que la loi française condamnera, tout en important davantage de denrées venues de chez eux . Cela ne fera aucun gagnant en matière de bien-être animal, et réduira notre souveraineté alimentaire ainsi que le bilan environnemental de notre alimentation.
Ainsi, l'interdiction à très court terme de toute élimination de poussins mâles ou de canetons femelles vivants, alors que les solutions alternatives de sexage in ovo n'ont pas encore toutes passé le cap du développement industriel, entraînerait un surcoût important sur les ovoproduits français (40 % de la production totale), difficilement répercutable auprès des acheteurs (industrie agroalimentaire et restauration hors domicile) alors que le facteur prix y est prédominant. Dès lors, il est à craindre que les approvisionnements soient majoritairement importés d'autres pays européens où le broyage perdure. C'est pourquoi il est essentiel qu'un tel sujet soit porté au niveau européen.
La commission se félicite, à cet égard, que l'Union européenne ait entamé des travaux sur le sujet, notamment du transport des animaux vivants, à l'initiative du Parlement européen, lequel a adopté deux résolutions sur le sujet.
En outre, la proposition de loi pose certaines difficultés techniques :
• elle engendrerait un surcoût très important pour les filières (estimé, rien que pour la filière porcine, à 13 milliards d'euros pour la seule interdiction des élevages non plein air, l'interdiction de broyage des poussins mâles étant estimé, a minima , à 64 millions d'euros pour la filière poule pondeuse), rendant la constitution du fonds peu réaliste ;
• elle créerait soit une consommation de surface foncière très importante à élevage équivalent, difficilement crédible en raison de l'artificialisation continue des sols, soit une réduction drastique de l'élevage en France, démontrant le potentiel décroissant des dispositifs envisagés ;
• elle impliquerait des effets de bord difficilement justifiables , et sans doute contraires à l'objectif initial de la proposition de loi. Par exemple, dès lors que seuls les itinéraires se déroulant exclusivement sur le territoire national sont soumis au plafonnement proposé, il n'est pas à exclure que les approvisionnements se fassent depuis l'étranger, itinéraires qui demeureraient soumis à la réglementation européenne, entraînant paradoxalement un allongement de la durée moyenne du transport des animaux.
C'est pourquoi la commission a rejeté l'ensemble des articles de la proposition de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE I
ER
FAIRE ÉVOLUER LES MODES D'ÉLEVAGE
Article 1er
Cet article vise à imposer le passage à un élevage offrant un accès au plein air à tous les animaux de rente d'ici le 1 er janvier 2040.
La commission a rejeté l'article.
I. La situation actuelle - un élevage de plein air hétérogène selon les filières en France
Les derniers chiffres disponibles pour mesurer le nombre d'élevages répondant aux critères de ce qui est entendu comme du « plein air » en France sont les suivants :
• 94 % des vaches laitières et 67 % des vaches allaitantes avaient accès à l'extérieur 1 ( * ) ;
• un accès au plein air est garanti pour 100 % des volailles de chair sous signe officiel de la qualité et de l'origine (bio, AOP, IGP, label rouge), portant le total de volailles de chair françaises ayant accès à l'extérieur à 45 % 2 ( * ) - au total, la France dispose de la première filière plein air d'Europe avec 20 % de poulets élevés en plein air, contre seulement 5 % tout au plus dans les autres pays européens 3 ( * ) ;
• les élevages label rouge, plein air ou bio représentent désormais 41 % de la production française d'oeufs 4 ( * ) ;
• l'élevage plein air est en revanche moins développé pour la filière porcine 5 ( * ) (5 %) et la filière cunicole 6 ( * ) (1 % de systèmes alternatifs en 2017).
Juridiquement, il n'existe pas, à ce stade, de définition spécifique de l'élevage plein air.
Certains règlements européens encadrent toutefois certaines caractéristiques de ces élevages.
Le règlement CE n° 543/2008 sur les normes de commercialisation pour la viande de volaille détermine, par exemple, les conditions rendant possible l'utilisation des mentions « sortant à l'extérieur », « fermier - élevé en plein air », « fermier - élevé en liberté ». Une volaille fermière plein air répond, par exemple, entre autres, à des conditions spécifiques de densité d'occupation par mètre carré de plancher (12 pour les poulets, 8 pour les canards par exemple), à un plafonnement de la surface utilisable totale des bâtiments, à une densité maximale par bâtiment (4 800 poulets et 4 000 canards), à la présence de trappes, à un accès permanent pendant la journée à un parcours extérieur recouvert en majeure partie de végétation avec une surface minimale en fonction du nombre d'animaux concernés, ainsi qu'une limite temporelle pour la finition en claustration.
Pour les poules pondeuses, l'annexe II du règlement (CE) n° 589/2008 de la Commission du 23 juin 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation applicables aux oeufs dispose que « les oeufs de poules élevées en plein air » doivent remplir plusieurs conditions, notamment avoir, pendant la journée, un accès ininterrompu à des espaces extérieurs, sauf restrictions sanitaires ou quelques dérogations encadrées par le droit européen. L'espace extérieur accessible aux poules doit être, en majeure partie, recouvert de végétation et il ne peut faire l'objet d'aucune autre utilisation, si ce n'est comme verger, zone boisée ou pâturage, pour autant que cette dernière utilisation soit autorisée par les autorités compétentes. En outre, la densité de peuplement de l'espace extérieur ne peut pas excéder 2 500 poules par hectare de terrain mis à leur disposition, soit une poule par 4 mètres carré. Les espaces extérieurs, enfin, ne peuvent s'étendre au-delà d'un rayon de 150 mètres de la trappe de sortie la plus proche, sauf si des abris sont prévus et répartis à raison d'au moins quatre abris par hectare.
De même, des critères sont retenus dans les cahiers des charges des produits sous labels. Ainsi, le cahier des charges du porc label rouge, prévoit, entre autres, un accès au parcours libre et permanent pour tous les porcs durant la journée, une densité faible sur le parcours (83 m²/porc), ainsi qu'une alimentation et un abreuvement en libre-service. À partir de 17 semaines d'âge révolues, l'habitat doit comprendre une surface abritée et paillée de 0,6 m² minimum par porc.
Enfin, il convient de signaler que le règlement UE n° 2018/848 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques a fait de l'élevage en plein air un critère de l'élevage biologique (article 6). Ainsi, pour l'élevage biologique, « les animaux d'élevage bénéficient d'un accès permanent à des espaces de plein air leur permettant de prendre de l'exercice, de préférence des pâturages, chaque fois que les conditions climatiques et saisonnières et l'état du sol le permettent, sauf si des restrictions et des obligations relatives à la protection de la santé humaine et animale sont imposées en vertu de la législation de l'Union. »
Si aucune législation ne définit le plein air, certaines restrictions existent quant à l'élevage en bâtiment. Ainsi, au-delà de la question du plein air, une mesure spécifique a été prise afin de restreindre les modes d'élevage en bâtiment dans la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Égalim ». Ainsi, l'article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, issu de la loi Egalim, interdit la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d'élevage de poules pondeuses élevées en cages.
Un décret d'application devait être pris afin de préciser les modalités d'application de cet article, notamment le champ recouvert par la notion de « bâtiment réaménagé ». Toutefois, ce décret n'a pas été pris aujourd'hui.
II. Le dispositif envisagé - une interdiction progressive de tout élevage non plein air d'ici 2040
L'article 1 er de la proposition de loi met en oeuvre un dispositif en deux temps afin de prévoir progressivement le passage à un élevage offrant un accès au plein air à tous les animaux d'ici le 1 er janvier 2040. Il complète, à cette fin, l'article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime par deux nouveaux alinéas.
D'une part, à compter du 1 er janvier 2026, tout projet de construction d'un bâtiment nouveau ou d'une extension d'un bâtiment existant pour les animaux d'élevage sera interdit s'il ne répond pas à des conditions déterminées par décret, lequel déterminera un seuil limite de densité de peuplement d'animaux pour ces projets ainsi que l'obligation de prévoir un accès des animaux à un espace de plein air adapté à leurs besoins.
D'autre part, d'ici le 1 er janvier 2040, toutes les exploitations devront répondre aux critères du plein air, en offrant à tout animal de rente un accès à un espace de plein air adapté à ses besoins, tout en respectant une limitation des densités de peuplement.
III. La position de la commission - une proposition trop irréaliste, méconnaissant les investissements des filières dans les élevages alternatifs
L'élevage plein air répond à une demande forte des consommateurs, dont témoignent les sondages mais également les chiffres de ventes des produits concernés.
Ce virage du plein air, la France l'a pris il y a plusieurs années et des évolutions structurelles sont actuellement en cours pour accélérer le mouvement.
Rien que pour les poules pondeuses, une baisse significative des capacités de production des élevages en cage a été constatée au profit des élevages alternatifs qui représentent désormais 53 % des poules pondeuses contre 19 % en 2008. Ces dernières années, l'accélération est telle que la filière a dépassé son objectif fixé en 2016 d'atteindre 50 % de poules pondeuses en systèmes alternatifs, deux ans avant l'échéance prévue, ce qui démontre la rapidité des évolutions enclenchées au sein de la filière.
Toutes les interprofessions se sont dotées de plan ambitieux en matière de bien-être animal et ont pris des engagements pour renforcer la part des élevages alternatifs. Il convient par exemple de citer l'initiative « France, terre de lait » du CNIEL, la mise en place, par INAPORC, du socle de base du Porc Français intégrant des critères de bien-être animal minimums (lumière, matériaux manipulables, abreuvement...) sauf à accepter le paiement de pénalités, le Pacte Sociétal de la filière Élevage et Viande sous l'égide d'INTERBEV, ou encore l'engagement de la filière cunicole (CLIPP) de passer de 1 % à 25 % de viande de lapin issue d'élevages alternatifs d'ici 2022, soit des élevages proposant une alternative à la cage standard, soit des élevages sous cahier des charges Label Rouge (signe officiel qui garantit une qualité supérieure à celle des produits courants de même nature) soit sous cahier des charges bio.
Les filières sont les premières engagées pour répondre à la demande du « consomm'acteur ».
Toute la question est de savoir si une loi est nécessaire pour asseoir ce mouvement. Le rapporteur ne le croit pas compte tenu des effets néfastes d'une interdiction générale venue d'en haut, destinée à quelques effets d'annonce en méconnaissance totale de la réalité du terrain.
D'une part, les normes en matière d'élevage évoluent très régulièrement, mettant en péril des investissements déjà engagés par les éleveurs. L'interprofession des poules pondeuses estime que les professionnels ont investi ces dernières années près de 500 millions d'euros pour augmenter le nombre d'alternatives à la cage, notamment par le biais de bâtiments compatibles avec l'élevage au sol. L'adoption de l'article 1 er de la proposition de loi induira un abandon de ces bâtiments, rendant inutiles les investissements précédemment réalisés, et impliquera de nouveaux investissements.
D'autre part, il convient davantage d'accompagner les évolutions déjà engagées depuis des années par les éleveurs, au plus près du terrain, plutôt que d'édicter une interdiction générale qui pourrait être interprétée comme une marque de défiance vis-à-vis des professionnels et pourrait, paradoxalement, freiner des développements prometteurs en matière de bien-être animal tout en créant d'autres difficultés.
Une loi imposant une logique d'interdiction totale des élevages en bâtiment, même progressive, peut, de surcroît, poser certaines difficultés sanitaires. Le risque épidémique lié au contact avec la faune sauvage, qu'ont rappelé les récentes épidémies d'influenza aviaire ou de peste porcine africaine, sera par exemple beaucoup plus important pour les élevages ayant un accès permanent à l'extérieur. Ainsi, en 2020, lors de l'épidémie d'influenza aviaire, la zone de production des canards dans le Sud-Ouest a été très lourdement touchée, concentrant 97 % des foyers, dans la mesure où l'élevage plein air y est développé, alors que la zone hors Sud-Ouest, notamment les départements vendéens et deux-sévriens, a été relativement épargnée.
En outre, s'il recèle des avantages incontestables sur le bien-être de nombreux animaux, impactant d'ailleurs directement la qualité de l'alimentation produite, il a toutefois été signalé au rapporteur que l'élevage plein air pourrait n'être pas toujours l'élevage le plus adapté au bien-être de certaines espèces, notamment les porcs et les lapins, ce qui pourrait expliquer, entre autres, le faible taux de pénétration du plein air dans ces filières.
L'interprofession cunicole estime par exemple que « la physiologie de l'animal doit être prise en compte : le lapin est un animal exigeant d'un point de vue sanitaire, plutôt nocturne, passant, à l'état sauvage, la majorité de son temps sous terre, très sensible au stress, difficile à élever au sol et en plein air. Les systèmes avec accès au plein air permettent aux lapins de mieux exprimer leurs comportements naturels mais présentent des inconvénients sur le plan sanitaire se soldant par une mortalité plus élevée. »
Enfin, la logique prohibitive sous-jacente à la proposition de loi, en imposant des règles franco-françaises sapant la compétitivité prix des élevages français vis-à-vis de leurs concurrents, risque d'aboutir à un surcroît d'importations d'animaux élevés dans d'autres pays de l'Union européenne dans des conditions ne respectant pas les normes minimales requises en France.
Certes, l'article 4 de la même proposition de loi entend accompagner les éleveurs financièrement dans la mise en oeuvre de cette interdiction : toutefois, cette proposition semble peu réaliste au regard des moyens estimés.
Rien que pour la filière porcine, l'adoption de l'article se traduirait par une hausse des coûts de production de 13 milliards d'euros pour les producteurs français 7 ( * ) .
En outre, si l'interdiction proposée prévoit bien un échelonnement d'ici 2040, elle est structurelle pour les filières concernées et nécessite une consommation foncière importante, qui peut avoir trois effets : une réduction des surfaces productives des autres productions, notamment végétales ; un investissement important imposé aux producteurs pour acquérir des terres agricoles, peu probable à l'heure d'une artificialisation croissante ; un arrêt des élevages compte tenu des contraintes induites.
Rien que pour les poules pondeuses, le déploiement systématique des élevages avec un accès à un parcours unique répondant aux normes européennes engendrerait, selon l'interprofession entendue par le rapporteur, un besoin foncier de 110 km², soit un accès à l'extérieur des poules pondeuses équivalent à la surface de Paris.
De même, la filière porcine a estimé également que la surface nécessaire pour élever en plein air la totalité des porcs français serait de 500 000 hectares, soit l'équivalent d'un département français.
Pour les élevages laitiers, il convient de rappeler que la structuration foncière actuelle autour des exploitations ne permet pas toujours de prévoir un accès en extérieur facilement, les parcelles devant être proches des lieux de traite.
Considérant qu'un tel fonds ne saurait compenser l'ensemble des surcoûts, les charges supplémentaires induites par l'article rendront non compétitifs aux yeux des consommateurs français et internationaux les produits français, ce qui se traduira par une hausse de la consommation de produits importés qui, eux, ne s'imposeront pas ces normes.
Dit autrement, le risque serait de créer un modèle alimentaire à deux vitesses, avec des Français pouvant se permettre d'accéder à une alimentation française de qualité, produite en petite quantité, et des Français ne le pouvant pas, étant condamnés à acquérir des produits de moins bonne qualité issus de l'importation et qui ne répondront à aucune norme de bien-être animal.
Ce modèle, la commission des affaires économiques du Sénat le rejette. Au contraire, elle défend un modèle agricole couvrant toutes les gammes, permettant à tous les Français d'accéder à une alimentation saine, sûre, durable et respectueuse du bien-être animal.
Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas continuer d'évoluer vers davantage de plein air, bien au contraire, mais plutôt qu'il importe d'accompagner ce mouvement et de s'assurer qu'un ajustement de l'offre et de la demande en produits alimentaires se fasse.
Par exemple, l'élevage plein air semble être plébiscité par les consommateurs pour les oeufs coquilles, ces derniers acceptant de payer plus cher pour ces produits. Cet état de fait a d'ailleurs amené l'interprofession à estimer qu'à horizon 2025, il n'y aura plus d'oeufs issus d'élevages en cage vendus en grandes surfaces, ce dont il faut se féliciter, démontrant l'impact des consommateurs à faire évoluer les pratiques dès lors qu'ils acceptent de participer au surcoût de production induit. Toutefois, cette évolution sera beaucoup plus lente pour les ovoproduits où le facteur compétitivité prix joue un rôle plus important, alors qu'ils représentent 40 % de la production française. Il convient pour autant de ne pas céder ces parts de marché à des ovoproduits d'Europe de l'Est ne respectant pas les normes requises en France. En outre, l'adoption de l'article 1 er interdirait l'élevage des poules au sol, qui est pourtant plébiscité par les consommateurs et est en plein développement en France : les ventes aux consommateurs de ces oeufs ont par exemple augmenté de 126 % en 2020 par rapport à 2019.
De même, l'interprofession des volailles de chair a indiqué au rapporteur que son taux d'élevage plein air plafonnait en raison d'une demande en la matière qui semble saturée, la hausse de la consommation française pour la viande de poulet se tournant davantage vers des poulets standards, voire des poulets importés. Dans ces conditions, le passage au tout plein air offrirait des parts de marché massives aux poulets élevés en cage à l'étranger.
L'ensemble de ces arguments a conduit la commission à rejeter l'article.
La commission n'a pas adopté l'article.
TITRE II
METTRE FIN AUX
PRATIQUES
GÉNÉRATRICES DE SOUFFRANCES ANIMALES
Article 2
Cet article vise à plafonner la durée de transport d'animaux vivants en France intra-muros à huit heures pour la majorité des espèces et à quatre heures pour les volailles et les lapins. Une dérogation pourra être accordée par un vétérinaire pour des transports plus longs, qui ne devront toutefois pas dépasser douze heures.
La commission a rejeté l'article, estimant que cette proposition devait être débattue au niveau européen afin de ne pas créer d'effets de bord préjudiciables à l'agriculture française.
I. La situation actuelle - une réglementation européenne harmonisée encadre le transport d'animaux vivants
La réglementation européenne (règlement n° 1/2005) régit la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes au transport effectué dans le cadre d'une activité économique 8 ( * ) .
Le principe général, énoncé par son article 3, dispose que « nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu'ils risquent d'être blessés ou de subir des souffrances inutiles ».
En découlent plusieurs restrictions prévues par ledit règlement.
Seuls des animaux aptes au transport peuvent être transportés, c'est-à-dire des animaux qui ne sont pas blessés ou ne présentent pas des faiblesses physiologiques ou un état pathologique, sauf exceptions dûment listées par la réglementation européenne. Par exemple, des animaux légèrement blessés peuvent être transportés vers l'abattoir sous la responsabilité d'un vétérinaire qui délivre un certificat vétérinaire d'information (CVI), sous réserve que le transport prévu ne risque pas d'entraîner de souffrance supplémentaire.
Le transporteur doit être titulaire d'une autorisation préalable délivrée par une autorité compétente, et ne peut proposer que des chauffeurs habilités par un certificat d'aptitude ou de compétence professionnelle. La manipulation des animaux ne peut, au reste, être confiée qu'à du personnel ayant suivi une formation adaptée.
Le conteneur doit être agréé, sécurisé, correctement ventilé, prévoir assez de nourriture et d'eau dans des distributeurs ne pouvant se renverser pour un voyage d'une durée deux fois supérieure à la durée prévue. En outre, il doit être adapté pour protéger les animaux contre les blessures et les souffrances, les conditions climatiques défavorables, contre les contraintes dues aux mouvements, notamment en présentant un plancher antidérapant. Il doit fournir une lumière suffisante et garantir le maintien d'une qualité et d'une quantité d'air appropriées. Un espace suffisant est prévu à l'intérieur du compartiment afin de garantir une ventilation adéquate au-dessus de la tête des animaux.
Les services du ministère ont indiqué au rapporteur que pour des transports limités à 12 heures en France, les transporteurs peuvent utiliser des véhicules non agréés.
Les opérations de chargement et déchargement sont en outre encadrées. Outre la prise en compte des besoins d'acclimatation, le règlement dispose que les équipements doivent être adaptés 9 ( * ) et régulièrement entretenus. Pour les opérations durant plus de quatre heures, qui doivent être supervisées par un vétérinaire, les équipements doivent être adaptés pour maintenir, alimenter et abreuver les animaux hors du moyen de transport.
Il est interdit de frapper des animaux, d'exercer des pressions à des endroits sensibles, de les suspendre par des moyens mécaniques, de les soulever par la tête, les oreilles, les cornes, les pattes ou la queue, d'utiliser des instruments pointus. De même, l'attache est réglementée. L'utilisation d'appareils soumettant les animaux à des chocs électriques doit, dans la mesure du possible, être évitée et n'est réservée qu'à des bovins adultes et des porcins adultes refusant de bouger et seulement lorsqu'ils ont de la place pour avancer.
Les animaux doivent être transportés séparément lorsqu'ils sont d'espèces différentes ou sont hostiles les uns envers les autres, présentent des différences significatives de taille ou d'âge, et sont de sexes différents s'ils sont arrivés à maturité sexuelle.
Lors du transport, des espaces disponibles minimaux doivent être respectés par espèce et moyen de transport. Ces espaces sont déterminés dans les annexes du règlement européen :
• un cheval adulte doit bénéficier d'un espace de 1,75 m² minimum pour un transport par route ou un transport ferroviaire ;
• les moutons, brebis et chèvres doivent disposer d'un espace compris entre 0,3 et à 0,75 m² par tête selon leur état de gestation et leur poids ;
• pour les bovins, l'espace dépend du poids approximatif de l'animal : il évolue de 0,30 à 0,40 m² pour les veaux d'élevage à plus de 1,6 m² par tête pour les très gros bovins ;
• les porcs, qui doivent au minimum pouvoir se coucher et se tenir debout dans leur position naturelle, doivent respecter une densité de chargement ne pouvant pas dépasser 235 kg/m² ;
• les surfaces minimales sont de 105 à 200 cm² par animal pour les volailles selon leur poids, et de 21 à 25 cm² pour les poussins d'un jour.
En outre, les animaux doivent être approvisionnés en eau et en nourriture suffisamment et régulièrement. Sauf dispositions contraires, les mammifères et les oiseaux sont nourris au moins toutes les 24 heures et abreuvés au moins toutes les 12 heures. Ils doivent en outre bénéficier de périodes de repos adaptées à leurs espèces à intervalles adéquats.
Les sédatifs ne doivent pas être utilisés sauf en cas d'extrême nécessité et sous le contrôle d'un vétérinaire.
Les femelles en lactation non accompagnées de leur progéniture doivent être traites à des intervalles ne dépassant pas douze heures.
Aux termes de l'article 25 du règlement, les autorités compétentes établissent les règles concernant les sanctions applicables aux violations du règlement.
Concernant la durée du transport, tout voyage de longue durée n'est possible qu'après une inspection du moyen de transport et la délivrance d'un agrément.
Pour les espèces bovine, ovine, porcine et caprine et pour les équidés, « le durée de voyage des animaux [...] ne doit pas dépasser huit heures » , hors transport aérien, aux termes du chapitre V de l'annexe I du règlement n° 1/2005.
Toutefois, des dérogations peuvent être accordées dans des véhicules routiers adaptés (dans des conditions déterminées au chapitre VI de la même annexe I). Dans un tel cas,
• les veaux, agneaux, chevreaux et poulains non sevrés et qui reçoivent une alimentation lactée, ainsi que les porcelets non sevrés, doivent bénéficier, après neuf heures de transport, d'un temps de repos suffisant, d'au moins une heure, notamment pour être abreuvés et, si nécessaire, alimentés. Après ce temps de repos, le transport peut reprendre pour une période de neuf heures ;
• les porcs peuvent être transportés pendant une période maximale de vingt-quatre heures. Pendant le voyage, ils doivent disposer d'eau en permanence ;
• les équidés domestiques peuvent être transportés pendant une période maximale de vingt-quatre heures. Pendant ce voyage, ils doivent être abreuvés et, si nécessaire, alimentés toutes les huit heures ;
• tous les autres animaux de ces espèces doivent bénéficier, après quatorze heures de transport, d'un temps de repos suffisant, d'au moins une heure, notamment pour être abreuvés et, si nécessaire, alimentés. Après ce temps de repos, le transport peut reprendre pour une période de quatorze heures.
Toutes ces durées de voyage peuvent être prolongées de deux heures dans l'intérêt des animaux, compte tenu en particulier de la proximité du lieu de destination.
Enfin, après la durée de voyage fixée, les animaux doivent bénéficier d'un temps de repos minimal de vingt-quatre heures.
Pour les autres espèces, notamment les volailles, lapins, chiens et chats, le temps de transport n'est pas plafonné. Le règlement européen indique toutefois que :
• pour les volailles, oiseaux domestiques et lapins domestiques, de la nourriture et de l'eau adaptées doivent être disponibles en quantité suffisante durant le voyage dès lors qu'il dure plus de douze heures (sans tenir compte du temps de chargement et de déchargement) ou vingt-quatre heures pour les poussins, à condition que ce voyage s'achève dans un délai de 72 heures après l'éclosion ;
• pour les chiens et chats, l'alimentation doit avoir lieu à des intervalles ne dépassant pas vingt-quatre heures, tandis que l'abreuvage devant se faire a minima toutes les huit heures.
En cas de retard ou de circonstances exceptionnelles empêchant le transport, l'article 22 du règlement renvoie à l'autorité compétente le soin de prendre les mesures nécessaires pour réduire la souffrance des animaux. En France, l'article R. 214-58 prévoit notamment que si, « pour une cause quelconque, à l'occasion du transport, l'acheminement des animaux est interrompu ou retardé, ou lorsqu'il est constaté par l'autorité compétente que les dispositions relatives à leur protection en cours de transport ne sont pas respectées, le préfet prend les mesures nécessaires pour que toute souffrance soit épargnée aux animaux ou qu'elle soit réduite au minimum. Il peut ordonner leur mise à mort, éventuellement sur place, dans les cas où des soins appropriés ne pourraient être utilement donnés aux animaux. Le propriétaire ou son mandataire sont, dans cette dernière hypothèse, informés des motifs qui ont rendu la mesure nécessaire. »
Le cadre européen, d'application directe, a fait l'objet de précisions au niveau national sur la base de l'article L. 214-12 du code rural et de la pêche maritime, lequel précise qu'un décret en Conseil d'État vient préciser les modalités de délivrance, de suspension et de retrait des autorisations, agréments et habilitations prévus par la réglementation européenne. Il peut, en outre, compléter les règles applicables au transport des animaux vivants.
C'est sur ce fondement que la section 3 du chapitre IV du titre I er du livre II de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime définit l'ensemble du cadre juridique applicable au transport des animaux en France (de l'article R. 214-49 à l'article R. 214-62), en reprenant l'ensemble du contenu du droit européen et en ajoutant le contenu des mesures du ressort des États membres.
II. Le dispositif envisagé - un plafonnement des durées de voyage des animaux vivants pour les transports réalisés exclusivement sur le territoire français
L'article 2 de la proposition de loi entend plafonner les durées de transport d'animaux en France, uniquement pour les transports d'animaux se déroulant sur le territoire français entièrement.
À cet égard, l'article 2 rétablit un article L. 214-13 au sein du code rural et de la pêche maritime lequel plafonne la durée maximale de voyage en France intra-muros (sans franchissement de frontière) :
• à huit heures pour les espèces bovine, ovine, caprine, porcine et les équidés ;
• à quatre heures pour les volailles et les lapins.
Toutefois, l'alinéa 3 aménage un régime de dérogation pour un voyage d'une durée supérieure par autorisation préalable accordée par un vétérinaire, qui atteste de la capacité des animaux à réaliser ce voyage sans risque d'être blessés ou de subir des souffrances inutiles. Cette dérogation doit toutefois respecter un second plafond, puisque la durée du voyage devra alors respecter une limite maximale de douze heures de transport .
III. La position de la commission - le débat sur une amélioration des pratiques de transports des animaux vivants doit avoir lieu au niveau européen, non dans une loi nationale
Les règles relatives au transport des animaux relèvent avant tout du droit de l'Union européenne, ou, tout au plus, du domaine réglementaire, l'article L. 214-12 du code rural et de la pêche maritime disposant qu'il est loisible au Gouvernement, par voie réglementaire, « dans le respect du droit de l'Union européenne, de compléter les règles applicables au transport des animaux vivants. »
Certes, la réglementation européenne ne s'oppose pas à d'éventuelles surtranspositions dans les droits nationaux. Aux termes de l'article 1 er du règlement européen, les États membres peuvent prendre « d'éventuelles mesures nationales plus contraignantes visant à améliorer le bien-être des animaux au cours des transports se déroulant entièrement sur le territoire d'un État membre ou pour les transports maritimes au départ du territoire d'un État membre . » Le chapitre V de l'annexe I prévoit, au reste, en son point 1.9, que « sans préjudice des dispositions des points 1.3 à 1.8 [NDLA : dispositifs encadrant les dérogations à la durée maximale de transport], les États membres sont autorisés à prévoir une durée de transport maximale de huit heures non reconductible pour les transports d'animaux destinés à l'abattage effectués exclusivement à partir d'un point de départ jusqu'à un point de destination situés sur leur propre territoire. » Cette précision s'applique aux seules espèces bovines, porcines, ovines, caprines ainsi qu'aux équidés domestiques.
Toutefois, la commission des affaires économiques du Sénat s'oppose, par principe, à toute surtransposition en la matière qui aurait des effets de bord importants pour la production agricole.
Par exemple, lors de ses auditions, le rapporteur a été alerté des problèmes que poserait ce plafonnement du temps de transport d'animaux franco-français compte tenu de la répartition géographique de certaines filières. Des sites d'abattage peuvent par exemple être très concentrés dans les principaux bassins de production, ce qui ne s'oppose pas à la présence d'élevages éloignés grâce à l'autorisation de temps de transport potentiellement longs. Ainsi, la filière lapin a rappelé que « les éleveurs, présents sur l'ensemble du territoire, travaillent avec un nombre limité de sélectionneurs et d'abattoirs, ne permettant pas de limiter le transport des animaux à 4 heures » : en effet, la situation des abattoirs étant essentiellement situés dans l'Ouest de la France, un plafonnement du temps de transport à quatre heures s'opposera à toute présence d'élevages de lapins, filière déjà en difficulté, dans le reste de la France. L'impact pourrait être significatif sur cet élevage et, partant, la souveraineté alimentaire de notre pays.
Il en va de même pour la filière poule pondeuse : d'une part, les couvoirs faisant naître les poussins de la filière des oeufs sont également concentrés dans l'Ouest de la France : une limitation du transport à 4 heures ne permettrait pas, en pratique, de fournir l'ensemble des éleveurs français. Les abattoirs de la filière étant de surcroît concentrés dans la même région, un durcissement des temps de transport engendrerait une impossibilité d'élever ailleurs qu'à proximité de ces abattoirs. In fine , l'article interdirait, toutes choses égales par ailleurs 10 ( * ) , l'élevage de poules pondeuses ailleurs que dans l'Ouest de la France.
Le rapporteur estime que l'article s'attache à traiter certaines difficultés peu contestables sans en traiter les causes profondes. Il est aujourd'hui nécessaire d'avoir une réflexion pour inciter un meilleur maillage des abattoirs de proximité, ce qui réduira mécaniquement les durées de transport des animaux, sans pénaliser la viabilité de certains élevages entretenant la biodiversité cultivée française.
De même, la rédaction retenue, en se limitant à une approche franco-française, pourrait avoir deux effets de bord :
• d'une part, dès lors qu'un transporteur franchirait une frontière, la réglementation française ne lui serait pas applicable. Compte tenu du surcoût et des contraintes induites sur le transport franco-français, il deviendrait davantage rentable de recourir à des abattoirs à l'étranger ;
• d'autre part, le durcissement des conditions des transports franco-français étant de nature à renchérir le coût des animaux élevés et abattus en France, cette mesure est de nature à créer des distorsions de concurrence au profit d'autres élevages européens.
Dans les deux cas, la mesure aurait un effet tout à fait contraire à l'objectif prévu puisqu'elle reviendrait à allonger la durée des transports finalement effectués par les animaux au détriment de leur bien-être, tout en réduisant les externalités positives des élevages en France.
Dès lors, ces éléments démontrent, encore une fois, que ces évolutions sont à mener, non pas dans une démarche de surtransposition nationale, mettant en péril la viabilité économique de nos élevages en les exposant à davantage d'importations ne respectant pas les normes minimales requises en France, mais bien dans une modification de la réglementation européenne.
L'évolution est d'ailleurs en cours au niveau européen.
À la suite d'une première résolution en date du 12 décembre 2012, dans laquelle il demandait que la durée de transport des animaux destinés à l'abattage soit réduite à un maximum de huit heures, le Parlement européen a adopté une seconde résolution le 14 février 2019 à une très large majorité (411 voix pour, 43 contre, 110 abstentions), afin d'appeler à une révision du règlement européen tout en renforçant les contrôles menés par les États membres pour s'assurer de l'effectivité de la réglementation européenne.
Concernant la durée des transports, la résolution invite la Commission « à établir clairement des restrictions supplémentaires spécifiques concernant les durées de voyage pour le transport de chaque espèce d'animaux vivants ainsi que pour le transport d'animaux non sevrés » tout en estimant que, « dans certains cas, la réduction des durées de transport autorisées, actuellement énoncées à l'annexe I, chapitre V, du règlement, ne serait pas viable et qu'il conviendrait par conséquent de trouver des solutions aux cas dans lesquels, en raison des conditions géographiques et de l'isolement rural, les animaux doivent être transportés par voie terrestre et/ou maritime en vue de la poursuite de leur production ou pour leur abattage. » En outre, la résolution invite « les États membres à veiller à ce que les animaux qui ne sont pas encore sevrés soient libérés durant une heure au minimum afin d'être nourris d'électrolytes ou de substituts de lait, et à garantir que leur transport ne dépasse pas huit heures au total. »
En parallèle, dans le cadre de sa stratégie de la ferme à la table annoncée en mai 2020, la Commission européenne envisage de réviser la réglementation relative au bien-être des animaux, notamment les règles relatives au transport.
Ces évolutions positives permettront d'avoir une évolution harmonisée du cadre applicable aux transports d'animaux vivants.
Au regard de ces éléments, la commission des affaires économiques du Sénat estime que :
• toute modification des règles relatives à la durée du transport des animaux doit se faire au niveau européen, processus par ailleurs déjà en cours ;
• le présent article ne permet pas de traiter les racines du problème à savoir la difficulté d'implanter des abattoirs de proximité avec une viabilité économique suffisante ;
• qu'au contraire, l'article pourrait même avoir des effets de bord très négatifs, comme un recours accru aux importations ou une augmentation de la durée des temps de transport des animaux vivants qui passeraient, plus facilement, depuis l'étranger ;
• que sans avoir recours à la loi, le Gouvernement pourrait, en tout état de cause, renforcer les contrôles sur les transports d'animaux, qu'ils concernent les transports se déroulant exclusivement sur le territoire français ou ceux en provenance d'États tiers, afin de garantir plus efficacement le respect de la réglementation européenne en la matière. Toute anomalie doit être sanctionnée, les sanctions pouvant être, en la matière, renforcées au besoin.
La commission n'a pas adopté l'article.
Article 3
Cet article vise à interdire l'élimination de poussins mâles et de canetons femelles vivants à compter du 1 er janvier 2022, sauf épizooties.
La commission estime que le délai proposé est irréaliste, les solutions alternatives n'ayant pas encore été testées sur une échelle industrielle suffisante, et propose de porter le sujet au niveau européen.
I. La situation actuelle - le broyage des poussins mâles et des canetons femelles, fruit de l'histoire de la filière volailles, est une pratique en voie de disparition grâce aux progrès majeurs de la recherche en matière de sexage in ovo
Aujourd'hui, les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation estiment que 50 millions de poussins mâles et 30 millions de canetons femelles sont mis à mort chaque année en France.
Cette situation est le fruit de l'histoire qui aboutit, à ce stade, à une absence de marchés pour ces animaux. En effet, dans le but de faire face à la demande nationale et mondiale en oeufs, les poules pondeuses françaises ont été sélectionnées progressivement au regard de leur capacité de production d'oeufs, ce qui a pu réduire les qualités intrinsèques de ces poules dans un objectif de production de viande. Par conséquent, les poussins mâles issus de ces espèces de poules pondeuses, n'étant ni producteurs d'oeufs ni les espèces les plus adaptées à la production de viande, représentent, faute de débouchés suffisants, un élevage non rentable pour les producteurs concernés. C'est pourquoi les accouveurs, faute de débouchés, procèdent au sexage et, le cas échéant, à la mise à mort des poussins mâles.
Les canetons femelles, quant à elles, ne trouvent pas de débouchés et sont, en partie, mis à mort dès que leur sexe est connu, dans la mesure où leurs foies se développent moins favorablement que ceux des canetons mâles.
Force est de constater que quelques marchés ont pu émerger, notamment pour l'utilisation de canetons femelles, par exemple pour la reproduction ou pour une orientation vers des filières de production de viande dans des pays où la production de volailles est insuffisante, comme c'est le cas en Égypte. Si des systèmes d'élevage mixte ponte/chair pour les poules pondeuses et des débouchés spécifiques pour les canetons femelles vont sans aucun doute émerger à l'avenir, ces marchés ne représenteront pas des débouchés suffisants pour résoudre totalement la difficulté.
Dès lors, les poussins mâles et les canetons femelles sont mis à mort dès les premiers jours suivant leur naissance, dans le respect du droit européen.
Le règlement européen n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort harmonise les règles applicables à la mise à mort des animaux au sein de l'Union européenne.
Le broyage figure parmi les pratiques autorisées, entraînant la mort instantanée de l'animal par un « écrasement immédiat de l'animal entier ». Aux termes de l'annexe I dudit règlement européen, cette méthode est autorisée au sein de l'Union européenne sur les « poussins jusqu'à 72 h et embryon dans l'oeuf », à la condition que le dispositif mécanique contienne « des lames à rotation rapide ou des brosses en mousse. » La capacité de l'appareil doit en outre « être suffisante pour que tous les animaux soient mis à mort immédiatement, même s'ils sont traités en grand nombre ».
L'article 26 du même règlement n'empêche pas les États membres, sous réserve d'une notification à la Commission européenne, d'adopter des règles nationales visant à assurer aux animaux au moment de leur mise à mort une plus grande protection, dès lors que ces mesures relèvent des domaines suivants :
• la mise à mort des animaux et les opérations annexes effectuées en dehors d'un abattoir ;
• l'abattage de gibier d'élevage, y compris les rennes, et les opérations annexes ;
• l'abattage rituel d'animaux et les opérations annexes.
Face à cette situation, et grâce à la mobilisation des filières et de la recherche, alertées par des revendications d'associations engagées pour le bien-être des animaux, différentes techniques de sexage anticipé, ayant lieu avant l'éclosion de l'oeuf, ont vu le jour.
Ces méthodes de sexage in ovo permettent d'identifier le sexe des animaux avant le 13 e jour d'incubation par le recours à différentes techniques.
Afin de réussir le passage de la recherche au développement industriel, ces techniques ne doivent pas dégrader le taux d'éclosion global tout en garantissant un taux de fiabilité du processus de détection au niveau le plus précoce possible, afin d'accroître les bénéfices en matière de bien-être animal. En effet, selon les propos entendus par le rapporteur lors de ses auditions, le degré de sensibilité à la douleur des poussins entre le 7 e et le 14 e jour d'incubation fait l'objet de débats scientifiques.
Concernant les poussins mâles, plusieurs technologies de sexage in ovo sont en cours de développement, les premières étant arrivées sur le marché récemment en France.
Par le biais d'un procédé basé sur l'imagerie hyperspectrale , il est possible de déterminer la couleur du duvet d'un embryon à partir du 13 e jour par le truchement de caméras à haute définition colorimétrique, permettant en outre d'atteindre une cadence répondant à des impératifs industriels. Cette technologie, développée par l'industriel allemand Agri Advanced Technologies (AAT), commence à se développer en France : Carrefour et les Fermiers de Loué ont par exemple commencé à commercialiser des oeufs sexés pour un volume de 7 millions d'oeufs en début 2020.
Toutefois, cette technologie ne fonctionne que chez les poules brunes, ces dernières présentant, contrairement aux poules blanches, une couleur du plumage différente suivant le sexe de l'animal (jaune pour les mâles, brunes pour les femelles). Les poules brunes représentent, selon les estimations transmises au rapporteur, 85 % des poules pondeuses en France tandis que les poules blanches, majoritairement destinées à la production d'oeufs destinés aux ovoproduits, représentent les 15 % restant.
Une autre méthode a été développée par les sociétés allemandes Respeggt et Seleggt, qui sont issues d'une joint-venture regroupant l'entreprise hollandaise HatchTech Groupe et le distributeur allemand REWE Group. La méthode retenue repose sur un dosage hormonal : elle « permet de déterminer de manière entièrement automatisée dès le 9 e jour d'incubation le sexe des oeufs à couver. Sans contact physique avec l'oeuf, un orifice de 0,3 mm est réalisé par laser dans la coquille. Une infime quantité de liquide est alors prélevée et à l'aide d'un réactif, on détermine ensuite si la goutte de liquide aspirée contient ou non du sulfate d'estrone, une hormone. La membrane coquillière se referme au bout de 2-3 minutes. L'oeuf femelle reste à couver, l'oeuf mâle est retiré et intégré à des aliments de qualité pour animaux [...] ». Le taux de réussite de la méthode avoisinerait les 98 %.
Cette méthode invasive, qui fonctionne quelle que soit l'espèce de la poule, a commencé à être commercialisée en Allemagne et en France. Au total, il y aurait aujourd'hui plus de 4 millions de poules pondeuses sexées par cette méthode, dont 140 000 en France. Il a été déclaré au rapporteur lors des auditions que ces machines peuvent tester entre 8 et 10 millions d'oeufs par an. Un couvoir ayant mis en place cette technologie en France, il semble possible, selon la société auditionnée par le rapporteur, d'espérer à court terme un tri de 5 à 6 millions d'oeufs annuel avec cette technologie.
Le modèle économique proposé repose sur un système de redevance : les oeufs à couver demeurent toujours la propriété des couvoirs mais sont confiés momentanément au centre de sexage de la société Respeggt, où ils sont mis en incubation pendant 9 jours, puis triés par sexe. Une fois sexés, les oeufs sont réacheminés vers les couvoirs d'origine pour poursuivre leur incubation. Le coût de cette prestation de service n'est pas supporté par les accouveurs, qui pourraient, au reste, réaliser des économies en évitant d'incuber des poussins mâles, mais par les centres de conditionnement, lesquels paient des redevances de licence sur les poules pondeuses issues de ce sexage. Le surcoût final par oeuf vendu au consommateur est estimé, par l'entreprise, à un ou deux centimes.
Ces deux modèles, sortis du stade expérimental, ont fait l'objet d'une commercialisation balbutiante.
Une troisième technique, développée par l'entreprise française Tronico, est en revanche toujours au niveau expérimental. Le projet Soo, qui a remporté dans le cadre d'un appel à projets financé par le budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation en 2017 une enveloppe de 4,3 millions d'euros, repose sur un prélèvement de coquille qui permet de détecter, dans des fragments d'ADN spécifiques, des chromosomes mâles ou femelles. Cette technique brevetée, par construction plus précise que les autres, est en revanche sans doute plus onéreuse mais elle permettrait d'avoir des performances fiables plus précocement, sans doute à compter du 6 e jour d'incubation. Toutefois, auditionnée par le rapporteur, l'entreprise a indiqué avoir mis en pause ses recherches dans l'attente de décisions ministérielles à la suite de l'annonce du plan bien-être animal du Gouvernement et après avoir pris la décision de concentrer les efforts de ses équipes dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19, ce qui a abouti à l'élaboration d'un test salivaire rapide de détection. Au sortir de la crise, si le projet venait à être abandonné, l'entreprise pourrait mettre ses compétences à disposition d'un pool de recherche permettant d'approfondir l'appropriation de cette technique afin de passer plus rapidement du stade d'expérimentation au stade de développement industriel, ce qui semblerait atteignable sous trois ans.
Ces trois techniques sont, bien entendu, à leurs débuts. Elles vont sans cesse évoluer pour s'affiner, et doivent désormais passer le cap du développement industriel afin de limiter un maximum le surcoût pour les accouveurs. D'autres techniques émergent ailleurs dans le monde.
Concernant les canetons femelles, de nombreuses recherches et expérimentations sont menées depuis plusieurs années pour apporter une alternative au broyage. Outre la recherche de débouchés sur de nouveaux marchés, l'ensemble de la filière travaille sur la détermination du sexe à un stade très anticipé de l'embryon (dès le 9 e jour) in ovo .
Au terme de ces expérimentations, une technique de spectrométrie associée à un dispositif d'intelligence artificielle, à la fiabilité d'au moins 95 % à la date de rédaction du rapport, devrait permettre de reconnaître via une caméra le sexe du caneton dans l'oeuf en analysant la couleur des yeux de l'embryon : si ces derniers sont clairs, l'embryon serait de sexe féminin ; à l'inverse, si les yeux sont de couleur foncée, l'embryon serait de sexe masculin. Plusieurs couvoirs français l'ont d'ores et déjà mis en place : les entreprises françaises Grimaud (procédé Lunix) et Orvia (procédé « SOC » pour sexage dans l'oeuf de canard) ont développé des technologies adaptées, selon les cas, aux canards mulards et aux canards de Barbarie.
Aujourd'hui, ces deux techniques permettent de développer une méthode non invasive pour plus de 85 % de la production française. Le comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG), lors de son audition, a souligné l'importance « d'appeler les pouvoirs publics à accompagner les professionnels de la filière dans le déploiement de cette technologie au service du bien-être animal car la mise en place de ce nouveau process et son déploiement entraîneront un coût opérationnel plus élevé », condition pour atteindre l'objectif d'une couverture intégrale de la production française par cette technologie de sexage d'ici fin 2023.
II. Le dispositif envisagé - une interdiction de l'élimination des poussins mâles et des canetons femelles à compter du 1 er janvier 2022
L'article 3 de la proposition de loi crée un article L. 214-10-1 du code rural et de la pêche maritime afin d'interdire, à compter du 1 er janvier 2022, « l'élimination, sauf en cas d'épizootie, des poussins mâles et des canetons femelles vivants ».
III. La position de la commission - le délai proposé étant irréaliste, la commission préfère laisser le temps à la recherche de poursuivre son travail afin de réussir le passage de la massification industrielle de ces méthodes, tout en appelant l'Union européenne à agir sur le sujet
L'ensemble des acteurs auditionnés par le rapporteur sont unanimes pour appeler à la fin de cette pratique de mise à mort des poussins et des canetons pour des motifs de non-rentabilité.
C'est d'ailleurs pour cette raison que les acteurs économiques des filières et la recherche ont permis de trouver des solutions de haute technologie beaucoup plus respectueuses du bien-être animal en quelques années. L'essor d'une multiplicité de techniques de sexage in ovo permet aux acteurs de disposer d'une panoplie de solutions adaptées à leurs besoins. Il faut s'en féliciter. Cet exemple démontre justement que le progrès technique n'est pas antinomique de progrès écologique ou de progrès en matière de bien-être animal. Au contraire, il offre de nombreuses voies intéressantes en vue d'un développement durable alliant les impératifs de durabilité économique, sociale et environnementale.
Les interprofessions se sont fixé deux objectifs en la matière :
• pour les poules pondeuses, l'interprofession souhaite aboutir « au déploiement progressif des différentes méthodes à partir de 2022 pour l'ensemble de la filière et des modes d'élevage, en débutant par les oeufs coquille en distribution. Cela sera étendu à l'ensemble des marchés par la suite » ;
• pour l'interprofession du canard, l'objectif est « une généralisation du sexage in ovo d'ici 2023 » .
L'atteinte de ces deux objectifs n'est possible, aux yeux du rapporteur, qu'à deux conditions :
• à court terme et transitoirement, les deux filières doivent être accompagnées par l'État afin d'initier le mouvement et de compenser les surcoûts industriels, notamment afin d'aider les couvoirs à s'équiper d'un matériel onéreux ;
• à moyen terme, le surcoût par oeuf doit pouvoir être intégré dans le prix du produit fini, sous peine que cette mesure ne se traduise par une charge supplémentaire sans valorisation induite, sapant encore un peu plus la compétitivité des exploitants français.
Or, rien que pour la filière « poules pondeuses », le surcoût minimal du sexage in ovo des poussins mâles est estimé par l'ITAVI, à 64 millions d'euros par an pour l'ensemble de la filière. Cela représente plus de 4 % du chiffre d'affaires de la filière.
Rien ne garantit que ce surcoût soit complètement compensé pour la filière, surtout sur les ovoproduits, destinés à la restauration collective, l'industrie agroalimentaire et la restauration hors domicile, qui représentent pourtant 42 % des débouchés pour la production française.
D'autant que, paradoxalement, les charges induites par une généralisation du sexage porterait majoritairement sur les ovoproduits, dans la mesure où une partie non négligeable d'entre eux sont issus de poules blanches pour lesquelles le processus de sexage est plus onéreux (la méthode « Seleggt » étant plus chère que la méthode « AAT »).
La commission s'inquiète donc des effets de bord de cette mesure franco-française sur les importations françaises : si les ovoproduits français ne sont plus suffisamment compétitifs, les demandes se tourneront vers des ovoproduits étrangers, sans doute issus d'autres pays européens, où ne sera pas pratiqué le sexage in ovo et où le broyage se poursuivra. Dès lors l'effet de la mesure pourrait être, au niveau global, complètement nul.
Mécaniquement, cette interdiction brutale ne fera donc qu'exporter dans un autre pays européen les pratiques que la France entend prohiber, tout en pénalisant gravement les producteurs français, mettant ainsi en péril sa souveraineté alimentaire et exposant la consommateur français à une recrudescence de ses importations.
Et la France ne pourra pas lutter contre cette distorsion de concurrence par des produits importés pour inciter par la force ses partenaires à faire évoluer leurs pratiques dans la mesure où la réglementation européenne s'y oppose, l'alinéa 4 de l'article 26 du règlement n° 1099/2099 disposant qu'un « État membre ne peut pas interdire ou entraver la mise en circulation sur son territoire de produits d'origine animale provenant d'animaux qui ont été mis à mort dans un autre État membre au motif que les animaux concernés n'ont pas été mis à mort d'une manière conforme à sa réglementation nationale qui vise à assurer une plus grande protection des animaux au moment de leur mise à mort ».
C'est pourquoi la commission des affaires économiques du Sénat appelle à ne pas céder à la tentation de la surtransposition, à faire confiance aux filières qui se sont déjà engagées dans un processus d'évolution rapide demandée par le consommateur et estime qu'une éventuelle évolution de la réglementation des pratiques de sexage des poussins mâles et des canetons femelles n'aurait de sens qu'au niveau européen.
Le moment apparaît d'autant plus pertinent pour porter ce sujet au niveau de l'Union européenne que d'autres pays européens se sont engagés dans des processus de restriction ou d'interdiction du broyage de poussins.
C'est le cas en Allemagne où un projet de loi a été déposé par le Gouvernement pour interdire le broyage des poussins en 2022.
C'est également le cas en Wallonie, un projet d'arrêté ayant été envoyé au Conseil d'État en mars 2021 et, pour citer des pays en dehors de l'Union européenne, en Suisse (qui permet toutefois toujours l'élimination des poussins avec du dioxyde de carbone).
D'aucuns pourraient affirmer que si certains pays interdisent ces pratiques, la France pourrait leur emboîter le pas. Toutefois, il convient de rappeler que les filières d'accouvage de ces pays sont moins développées que la filière française, la production de volailles et de poules pondeuses dépendant, pour une large part, des importations de poussins déjà sexés en provenance d'autres États membres : c'est par exemple le cas pour l'Allemagne vis-à-vis des poussins en provenance des Pays-Bas 11 ( * ) . Dès lors, le surcoût induit par cette interdiction pour la filière avicole de ces pays sera bien moins important que pour la filière française.
Certes, le Gouvernement français, par le biais du précédent ministre chargé de l'agriculture, prévoyait, en janvier 2020, une fin du broyage des poussins mâles à fin 2021, portée par la création d'un consortium franco-allemand permettant un dialogue constant sur les méthodes alternatives développées dans les deux pays. Toutefois, en raison de la pandémie, les services du ministère ont indiqué au rapporteur que les réunions du consortium n'ont pu se tenir. Trop de retard a été pris sur le sujet : ces échanges doivent reprendre au plus vite.
Dès lors, la commission recommande que :
• la mobilisation de toutes les énergies au sein du consortium franco-allemand créé en 2020 se poursuive et que les réunions reprennent au plus vite afin d'accélérer la mise en commun des connaissances et des pratiques dans le but de favoriser le passage au stade industriel des techniques développées jusqu'alors ;
• des aides au déploiement des nouvelles techniques de sexage soient facilitées pour les accouveurs français afin de réduire les coûts de mise en place ;
• la décision d'une interdiction relève davantage d'une décision interprofessionnelle que d'une interdiction législative ou réglementaire afin d'engager les énergies de tous les acteurs, dans le respect des contraintes économiques des filières ;
• les démarches d'interdiction de ces pratiques de broyage des poussins mâles et canetons femelles dans un pas de temps compatible avec celui de la recherche soient effectuées au niveau européen et non strictement national, au risque d'aggraver les distorsions de concurrence au détriment des producteurs français sans résoudre le problème global posé en matière de bien-être animal. À cet égard, le Gouvernement français pourrait déclencher, auprès de la Commission européenne, une procédure de demande de révision de l'annexe I du règlement n° 1099/2009 afin d'interdire le broyage des poussins d'un jour.
La commission n'a pas adopté l'article.
TITRE III
ACCOMPAGNER LES ACTEURS DANS LA
TRANSITION
Article 4
Cet article vise à créer un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal.
Tout en reconnaissant que l'existence d'un tel fonds d'accompagnement serait pertinente pour accélérer les transitions, la commission l'a jugé trop peu réaliste au regard des effets induits par les autres articles de la proposition de loi.
I. Le dispositif envisagé - la création d'un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal
L'article 4 de la proposition de loi crée un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal. Ce fonds aura pour mission d'accompagner financièrement la transformation des activités des exploitants agricoles et des acteurs de l'abattage, notamment ceux dont l'activité est sensiblement affectée par les autres articles de la proposition de loi.
Le fonds attribuera des aides visant « prioritairement à soutenir et développer l'abattage de proximité et notamment l'abattage mobile ainsi que les dispositifs permettant la transition vers des systèmes d'élevage garantissant l'accès à un espace de plein air des animaux ».
Un décret définira, six mois après la promulgation de la loi, les modalités de mise en oeuvre de ces dispositifs et définira, entre autres, les conditions d'éligibilité aux aides qui en sont issues et les modalités de gestion du fonds.
La hausse des dépenses serait gagée par une hausse concomitante de la taxe sur les tabacs.
II. La position de la commission - un fonds trop peu réaliste au regard des effets massifs induits par les autres articles de la proposition de loi
La commission soutient l'idée d'une écologie de l'innovation plutôt que celle d'une écologie de l'injonction. Seul un accompagnement financier, technique et humain plus grand des agriculteurs permettra d'accélérer le changement des pratiques, et non une série d'interdictions brutales, peu opérationnelles, et créant des distorsions économiques pénalisantes pour notre agriculture, engendrant notamment des importations plus importantes.
C'est pourquoi la mise en place d'un fonds d'accompagnement est une idée intéressante pour accélérer les changements et faciliter les investissements, si toutefois ce fonds est indépendant d'une série d'interdictions franco-françaises.
Toutefois, par cohérence, la commission n'a pas adopté cet article : en effet, l'article 4 étant destiné, notamment, à compenser financièrement les producteurs affectés par les trois premiers articles de la loi, le rejet préalable des trois premiers articles par la commission rend l'adoption de cet article en partie superfétatoire.
La commission n'a pas adopté l'article.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 mai 2021, la commission a examiné le rapport de Mme Marie-Christine Chauvin sur la proposition de loi n° 530 (2020-2021) pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal.
Mme Sophie Primas , présidente .- L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal.
Mme Esther Benbassa , auteure de la proposition de loi . - Je me réjouis de participer à votre commission, pour vous présenter cette proposition de loi pour laquelle nous avons fait de nombreuses auditions avec votre rapporteure, ce dont je la remercie.
Ce texte conjugue le bien-être animal et celui de l'agriculteur, il promeut l'agriculture, une agriculture paysanne. Nous y avons beaucoup travaillé depuis dix-huit mois pour parvenir à cet équilibre, nous l'avons modifié pour lui donner ses chances d'aboutir, afin de faire cesser ce que l'on voit dans l'élevage industriel, chacun de nous sait ce qu'il en est de la condition animale.
L'article 1 er vise à faire évoluer les modes d'élevage en rendant obligatoire d'ici 2026 un accès des animaux au plein air et en fixant un seuil de densité maximale par élevage, avec une date butoir fixée à 2040 pour laisser le temps aux éleveurs de s'organiser et passer au plein air. Nous savons que le bien-être animal et le bien-être de l'éleveur sont liés, il faut soutenir les agriculteurs dans la transition vers l'élevage en plein air.
L'article 2 limite le temps de transport des animaux à huit heures sur le territoire national.
L'article 3 interdit l'élimination, y compris par gazage, des poussins mâles et des canetons femelles vivants, à compter du 1 er janvier 2022, une date que nous avons retenue après consultation du ministère pour laisser le temps de déployer des techniques alternatives qui sont déjà au point, en particulier le sexage des oeufs - nous avons auditionné des entreprises du secteur, ces techniques sont éprouvées.
L'article 4 prévoit la création d'un fonds de soutien à la transition pour accompagner les acteurs économiques, et d'abord les éleveurs. Ce fonds serait défini par décret avec l'objectif d'encourager l'abattage de proximité et la transformation des systèmes d'élevage.
Le groupe écologiste, parallèlement aux travaux de la rapporteure, a auditionné une dizaine d'associations qui nous ont dit l'importance de ce texte, comme premier pas pour changer la donne sur la condition animale, mais aussi sur la vie des agriculteurs.
Mme Marie-Christine Chauvin , rapporteure . - Ce texte, sur lequel nous avons effectivement conduit des auditions de concert, vise à trouver un équilibre entre les impératifs des éleveurs et la recherche de meilleures conditions d'élevage. Je crois que nous en partageons par certains aspects la philosophie et les objectifs, c'est-à-dire la recherche de meilleures conditions d'élevage en prenant en compte les contraintes des éleveurs, sans les stigmatiser davantage. Je vois dans la proposition d'un fonds d'accompagnement une piste intéressante. Mais il faut dire les choses franchement, nous ne partageons pas les moyens choisis pour atteindre cet objectif.
Je commencerai mon propos en ayant une pensée pour les éleveurs, pour qui l'année 2020 a été très dure avec la baisse des cours du lait, des jeunes bovins, des broutards, de la carcasse de porc, avec la fermeture des restaurants, avec l'épidémie de l'influenza aviaire pour les canards, mais aussi avec la hausse des charges liée à la sécheresse estivale, qui n'a pas été, tant s'en faut, répercutée dans les prix de vente, notamment en grande distribution.
Se lever tous les matins pour perdre de l'argent, personne ne peut le supporter. Bien sûr, certaines filières s'en sortent sur quelques segments de marché, je pense bien entendu à la filière de lait à Comté du Jura par exemple. Mais, en majorité, la filière souffre. Nos auditions au sein du groupe d'études Élevage le démontrent à chaque fois. Et c'est ce qui explique que la décapitalisation du cheptel se poursuive dans certaines filières, notamment au sein du troupeau allaitant comme du troupeau laitier.
Si cette situation perdure, notre souveraineté alimentaire en élevage est menacée. J'en veux pour preuve les derniers chiffres sur nos importations : la France importe 45 % de sa consommation de poulet, 25 % de sa consommation de porc, notamment ses jambons, 55 % de sa consommation de moutons, un tiers de ses produits laitiers ! Le rapport de Laurent Duplomb a tiré la sonnette d'alarme en 2019. La tendance s'aggravera si rien n'est fait, car nous perdrons les externalités positives de notre élevage pour l'aménagement du territoire, le stockage de carbone, la réduction de la vulnérabilité aux aléas naturels, ou encore la biodiversité des races cultivées.
C'est pourquoi il faut être très vigilant aux négociations en cours sur la prochaine politique agricole commune (PAC). Si la réforme des aides couplées conduit à une réduction massive des aides à la filière bovine notamment, notre élevage pourrait ne pas s'en relever.
Ce contexte devait être rappelé pour garder à l'esprit qu'il faut être à l'écoute de nos éleveurs. Lors de nos auditions, tous nous ont affirmé ne pas comprendre pourquoi ils sont toujours cloués au pilori, sans que leurs efforts ne soient valorisés, en particulier ceux qu'ils font pour lutter contre la maltraitance animale, qui concerne une partie infinitésimale des éleveurs et qui relève de comportements délictueux.
On parle beaucoup de bien-être animal et à raison. Mais nous parlons insuffisamment du bien-être des éleveurs, M. Cabanel et Mme Férat nous l'ont très bien expliqué.
Le bien-être animal, c'est tous les jours en agriculture ! Il y a quelques anomalies, des exemples existent, mais comme dans toute profession. Mais, tous les jours, des progrès sont réalisés par nos éleveurs pour améliorer les conditions d'élevage de nos animaux. C'est en cela que nous partageons la préoccupation que vous exprimez dans ce texte. Cette préoccupation se traduit très concrètement dans le quotidien des éleveurs - et ils ne nous ont pas attendus pour améliorer les conditions d'élevage, heureusement !
Prenons l'exemple des poules pondeuses : les élevages alternatifs représentent désormais 53 % des poules pondeuses contre 19 % en 2008. La filière a même atteint ses objectifs en avance de deux ans sur son plan initial.
Les élevages au sol, que les consommateurs plébiscitent, se développent rapidement. Des élevages expérimentaux progressent, pour éviter l'élevage de lapins en cage, la filière s'étant dotée d'un objectif ambitieux, salué par tous, de passer de 1 % à 25 % de lapins issus d'élevages alternatifs d'ici 2022. Rappelons aussi que 94 % des vaches laitières et 67 % des vaches allaitantes ont accès à l'extérieur, tout comme 100 % des volailles de chair sous signe officiel de la qualité. En matière de volailles, la France a un taux de 20 % de volailles élevées en plein air, le second pays européen étant seulement à 5 %.
Toutes les filières interprofessionnelles se sont engagées dans un plan bien-être animal. Je citerai l'initiative « France, terre de lait » du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel), la mise en place, par l'interprofession porcine Inaporc, du socle de base du porc français intégrant des critères de bien-être animal minimums - lumière, matériaux manipulables, abreuvement - leur non-respect entraînant le paiement de pénalités au sein de la filière, le pacte sociétal de la filière élevage et viande sous l'égide d'Interbev, l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes.
Toutes les filières développent des outils de diagnostic bien-être animal sur les exploitations afin de mieux mesurer les progrès à réaliser. Ces démarches très intéressantes vont aboutir à des mesures concrètes, au fur et à mesure. Elles ne seront pas médiatiques, j'en suis sûre, mais elles changeront, au jour le jour, la face de nos élevages.
La préoccupation d'améliorer les conditions d'élevage des animaux est donc au coeur des objectifs de nos filières d'élevage et de la vie de nos éleveurs.
Ce propos général doit être dans nos esprits à l'heure d'examiner des propositions pour interdire certaines pratiques d'élevage, de transport ou d'abattage.
En intitulant cette proposition de loi « pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal », vous sous-entendez qu'il n'existe pas d'élevage éthique et soucieux du bien-être animal aujourd'hui en France. Cela ne correspond pas à la réalité du terrain, j'espère l'avoir démontré.
Venons-en au contenu de la proposition de loi.
Il y a deux ans, Mme Benbassa avait déposé un premier texte avec le même titre, comportant 14 articles ; le périmètre en a été réduit et la proposition compte désormais quatre articles visant à interdire certaines pratiques d'élevage, de transport et d'abattage, tout en mettant en place un fonds d'accompagnement.
Je crois pouvoir dire que nous partageons tous, parlementaires comme les filières elles-mêmes, l'objectif d'accompagner à de meilleures conditions d'élevage : toutes les filières ont souligné qu'elles avaient en tête ces préoccupations et que leurs plans d'action visaient à mieux les prendre en compte. Améliorer les conditions de transport des animaux est un sujet consensuel, ce que démontre d'ailleurs l'adoption très large et transpartisane de résolutions du Parlement européen sur le sujet. De même, favoriser l'essor d'élevages alternatifs aux cages quand c'est possible est une piste que toutes les filières développent et que nous soutenons tous. Enfin, il faut trouver une solution viable au broyage massif de poussins.
Sur l'élevage plein air, l'article 1 er entend interdire toute construction de nouveau bâtiment d'élevage sans accès à l'extérieur des animaux à compter de 2026 et interdire tout élevage sans accès au plein air à horizon 2040. Les filières ont presque toutes émis des réserves inquiètes sur cette proposition qui leur paraît irréaliste. Le plein air impliquerait la mise en place d'un parcours pour les animaux qui est fortement consommateur de foncier, notamment quand les parcours doivent être très larges pour certaines espèces comme le porc.
Sur le transport des animaux, l'article 2 entend plafonner les durées de transports des animaux vivants sur le territoire français à huit heures pour tous les animaux de rente, à l'exception des volailles et des lapins dont la durée de transport serait plafonnée à quatre heures. Une dérogation pourrait être accordée, après avis d'un vétérinaire, pour une durée plafonnée dans tous les cas à douze heures.
La réglementation relative au transport des animaux vivants relève d'un règlement européen. Ce dernier, mis en oeuvre depuis 2005, pose ce principe simple à son article 3 : « Nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu'ils risquent d'être blessés ou de subir des souffrances inutiles ». Il en découle de nombreuses prescriptions liées à la formation des chauffeurs, à l'équipement des transports de manière à permettre une ventilation, une luminosité, un abreuvement et une alimentation minimales adaptés aux besoins des espèces, à des règles pour le chargement et le déchargement des véhicules ainsi qu'à la durée des transports. Cette dernière est aujourd'hui limitée en principe à huit heures pour toutes les espèces domestiques sauf les volailles. Cette durée peut être portée à un niveau supérieur si certaines conditions supplémentaires sont respectées. L'objectif de la proposition de loi est double : descendre le plafond maximal à douze heures pour toutes les espèces ; mettre en place un plafond de principe pour les volailles à quatre heures, mais le tout au seul niveau national, et c'est tout le problème.
L'article 3 entend interdire toute élimination de poussins mâles et de canetons femelles vivants, sauf épizooties, au 1 er janvier 2022.
À cet égard, les techniques de recherche de sexage dans l'oeuf ont considérablement évolué et permettent d'envisager, effectivement, de tourner la page du broyage à court terme.
Pour les poussins mâles, trois techniques ont été développées. La première, développée par l'entreprise allemande Seleggt, permet de percer la coquille de l'oeuf incubé, d'en prélever une partie du liquide lequel, par dosage hormonal et réaction chimique, révèle le sexe du poussin in ovo . Le coût serait d'environ 4 euros la poule. Cette technique, qui fonctionne sur toutes les poules, a commencé à être mise en oeuvre pour quelques oeufs coquille en France.
La seconde, développée par une autre entreprise allemande, AAT, permet par imagerie spectrale de repérer les différences de coloris de l'embryon des poules brunes, les poussins en résultant étant plus bruns pour les femelles et plus jaunes pour les mâles. De même, quelques oeufs coquilles français sont commercialisés avec cette technique qui n'est pas invasive contrairement à la précédente et qui est moins onéreuse puisqu'elle reviendrait à environ 1 euro la poule.
La troisième, en cours de développement en France par l'entreprise Tronico, permet, en récupérant la membrane de la coquille d'un oeuf, d'en effectuer une analyse ADN pour identifier les chromosomes mâles et femelles. Cette technique, sans doute relativement onéreuse, n'a pas encore franchi le cap industriel.
Pour les canetons femelles, les techniques consistent, par imagerie spectrale à repérer la couleur des yeux du caneton dans l'embryon, si ces derniers sont clairs, l'embryon serait de sexe féminin ; à l'inverse, si les yeux sont de couleur foncée, l'embryon serait de sexe masculin. Les deux principaux couvoirs français ont mis en place cette technique, les petits couvoirs espérant pouvoir la déployer prochainement, mais cela a un coût important.
Les filières n'ont donc pas attendu une interdiction pour agir, cet exemple démontre combien le progrès technique ne s'oppose pas à l'écologie et au bien-être animal.
J'en viens à notre position sur cette proposition de loi. Si nous partageons unanimement ses objectifs, je crois qu'il faut en contester les modalités de mise en oeuvre et ses potentiels effets de bord. Je vous proposerai par conséquent de rejeter le texte pour quatre raisons.
D'abord, ce texte comporte des effets de bord importants. Sur le plein air, par exemple : des éleveurs de poules pondeuses viennent d'investir près de 500 millions d'euros pour passer des cages aux élevages alternatifs ; doit-on remettre en cause leurs investissements avec cette interdiction en 2040 ? Le plein air n'est, de plus, pas forcément adapté à toutes les espèces. Les filières lapins et porcines s'inquiètent du tout plein air pour leurs espèces. Le tout plein air pose des difficultés en matière de biosécurité, on l'a vu avec l'influenza aviaire récemment, avec une exposition plus forte aux risques épidémiques - le Sud-Ouest a été très touché alors que l'Ouest de la France, où le plein air est moins développé, a plutôt été épargné. Notre résilience et notre souveraineté se jouent aussi dans la complémentarité de nos élevages. Je suis donc favorable à aller vers davantage de plein air progressivement ; mais pas à marche forcée avec l'objectif d'un plein air unique et sans adaptation pour certains territoires.
Même chose pour le transport : l'article 2 réglemente les durées de transport seulement sur le territoire national ; dès lors, il deviendrait plus rentable de s'approvisionner auprès d'abattoirs étrangers, en faisant faire plus de route aux animaux, à l'opposé de l'objectif poursuivi par ce texte... Les bassins de production sont parfois très éloignés des abattoirs, nous connaissons tous la difficulté d'installer des abattoirs de proximité aujourd'hui. En limitant la durée des transports à quatre heures pour la volaille ou le lapin, dont les couvoirs et les abattoirs sont presque exclusivement dans l'Ouest, on s'interdira tout élevage de ces espèces ailleurs que dans cette partie de la France : est-ce ainsi que nous favoriserons les circuits courts et la diversification de notre agriculture ?
Le deuxième motif de rejet, c'est que cette proposition de loi accroîtrait les importations de produits qui ne respectent pas les normes que nous aurons imposées à nos éleveurs, je viens d'en donner l'exemple pour les transports.
Pour le broyage des poussins, je crois qu'il faut faire confiance aux accouveurs qui vont faire évoluer leurs modèles pour s'adapter au marché. Imposer un surcoût fort sur l'ensemble de la filière, c'est renchérir le coût des ovoproduits issus d'élevage français qui représentent 40 % de la production totale. Or, pour ces produits, le prix est essentiel : à aller trop loin, nous renforcerions la compétitivité des ovoproduits polonais qui inonderaient notre marché, alors que les poussins continueraient d'être broyés là-bas.
Pour le plein air, le problème est le même : les normes supplémentaires représenteront un surcoût considérable pour les élevages, qu'il faudra répercuter sur les prix ou compenser aux éleveurs, ce que le droit européen nous interdit.
Le risque d'un tel système édicté par le haut serait d'avoir une société scindée entre les Français qui pourront se payer une alimentation de qualité, plein air et bio, et ceux qui ne le pourront pas et qui devront consommer une alimentation importée qui ne respecte aucune norme imposée aux éleveurs français. Ce modèle est aux antipodes de celui que la France propose aujourd'hui, permettant une alimentation saine, durable et accessible à tous, présente sur toutes les gammes. Je préfère consommer un poulet français dont je suis sûre des modes d'élevage plutôt qu'un poulet polonais pour lequel nous n'avons pas prise sur les modes d'élevage, l'affaire des steaks hachés traitée par Fabien Gay en 2019 nous l'a rappelé.
Troisième motif de rejet, cette proposition de loi n'est pas réaliste. Le fonds prévu à l'article 4 est une bonne idée, parce qu'il vaut bien mieux accompagner le changement que d'y contraindre. Mais comme ce fonds est avant tout fléché sur les interdictions énoncées par les articles de ce texte, j'ai interrogé les filières sur les conséquences de celles-ci. Rien que pour le porc, le passage au tout plein air en 2040 représenterait un coût de 13 milliards d'euros et une consommation foncière équivalente à un département français ; pour les poules pondeuses, il faudrait trouver l'équivalent de la surface de la ville de Paris pour satisfaire à l'obligation. Quand on connaît les difficultés liées à l'artificialisation des sols, ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
Le quatrième motif de rejet, enfin, qui est le plus important, est que cette proposition de loi n'est pas à la bonne échelle, qui est européenne. À défaut d'agir à cette échelle européenne, on alourdira encore les contraintes sur nos agriculteurs français, tout en exportant chez nos voisins les pratiques que la loi condamnera, en important davantage de denrées venues de chez eux. Cela ne fera aucun gagnant en matière de bien-être animal, et réduira notre souveraineté alimentaire ainsi que le bilan environnemental de notre alimentation. L'Union européenne doit nous faire collectivement évoluer, pour limiter les distorsions de concurrence.
Ce travail est d'ailleurs déjà en cours, le Parlement européen ayant adopté deux résolutions très fortes sur le transport des animaux, engageant la Commission à travailler sur le sujet. De même, l'idée d'un consortium franco-allemand pour mettre en commun les connaissances sur le sexage in ovo et faciliter ainsi la mutualisation de nos forces pour réussir le passage au stade industriel est une bonne solution, qui a été mise entre parenthèses durant la période de Covid-19, il faut la relancer.
Je ne crois pas, en revanche, que la surtransposition n'ait jamais été une solution dans le domaine agricole.
C'est pour toutes ces raisons que je vous propose de rejeter la proposition de loi.
Mme Esther Benbassa , auteur de la proposition de loi . - Merci pour ce rapport. Je suis optimiste, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas de débat en séance plénière sur le sujet, ni pourquoi nous devrions nous contenter de renvoyer le sujet au cadre européen : notre rôle, c'est aussi de prendre des initiatives pour faire évoluer les règles européennes. Vous craignez qu'on scinde la société ? Mais vous avez entendu comme moi les industriels nous dire que le sexage des oeufs coûterait 1 centime par oeuf, un coût que le conditionnement pourrait absorber. En fait, la société est déjà scindée, le sexage des oeufs ne la scindera pas davantage, mais assurera qu'on mange mieux, que toute la société mange mieux : c'est bien là notre objectif, car pourquoi, alors que nous avons les moyens de changer les choses, faire perdurer cet état des choses où bien des gens n'ont pas accès à une alimentation de qualité ?
Ce texte est consensuel, nous l'avons conçu avec des agriculteurs que nous avons auditionnés, j'ai rencontré des agriculteurs, je pense à une ferme près de Saint-Etienne, qui m'ont démontré qu'un abattage de proximité et un élevage éthique étaient possibles et que c'est même grâce à une transition vers ce type d'élevage, qu'il était devenu possible à l'agriculteur de prendre des vacances et même de recruter. Le bien-être animal, ensuite, on ne peut le limiter à une partie seulement de l'élevage et aux seuls animaux domestiques. Nous avons besoin d'un objectif à atteindre, les dirigeants de filières ont convenu qu'ils devront y venir, vous les avez entendus comme moi - avec ce texte, nous voulons les aider à aller de l'avant, dans le dialogue.
Je vous remercie pour votre écoute, et je ne doute pas que l'avenir soit à l'élevage éthique.
Mme Marie Evrard . - Merci pour cet excellent rapport. J'accueille cette proposition de loi avec bienveillance, elle répond à une attente des consommateurs, mais il ne faut pas brûler les étapes. Nous vous rejoignons sur le fond, mais pas sur la méthode. L'action est déjà engagée depuis la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Egalim », toutes les filières ont déjà des actions concrètes pour l'accès au plein air, l'enrichissement en lumière, l'alimentation animale. En janvier 2020 la filière a annoncé la fin du broyage des poussins, sans qu'il ait fallu légiférer. Le plan de relance est l'occasion d'accélérer le mouvement, le plan de modernisation des abattoirs également. J'ai visité l'abattoir de la coopérative Sicarev à Migennes, dans l'Yonne, l'un des huit abattoirs de la région Bourgogne-Franche-Comté retenus dans le cadre du plan France relance, et j'y ai constaté les engagements très concrets comme la mise en place d'équipements de confort et de surveillance.
Les agriculteurs ont pris la mesure de cette nouvelle exigence du bien-être animal, il faut les soutenir et les encourager à aller plus loin dans ce sens plutôt que de leur imposer de nouvelles obligations, c'est pourquoi ce texte ne nous paraît pas aller dans le bon sens.
M. Franck Menonville . - Je félicite notre rapporteure pour son travail, nous suivrons son avis, contre cette proposition de loi. Ce texte fait abstraction des progrès accomplis depuis des années, des nombreux investissements dans les équipements, les abattoirs, notamment dans le cadre du plan de relance. Son intitulé me déplaît également, l'élevage éthique est complexe à définir, et, en réalité, les éleveurs ont tous une éthique de leur métier. Enfin, comme vous le soulignez, l'enjeu est européen, il faut avancer avec progressivité et de manière concertée pour ne pas aggraver les distorsions de concurrence.
M. Henri Cabanel . - Le sujet est important et je remercie Mme Benbassa d'avoir parlé aussi du bien-être des éleveurs, c'est d'autant plus crucial que la période est très difficile pour les agriculteurs en général. Le contexte est difficile, on compte deux départs à retraite pour une arrivée, il y a un problème de rentabilité évidente, et finalement de souveraineté alimentaire. Les agriculteurs s'adaptent à la volonté de la société, ils s'acheminent vers une agriculture vertueuse, plus respectueuse de l'environnement, et durable. Les contraintes économiques sont très dures, et l'échelle des solutions est européenne, d'autant que les enjeux économiques sont inextricablement liés aux enjeux sociaux, environnementaux et de santé.
Je ne m'opposerai donc pas de manière catégorique à ce texte, mais je crois que le moment n'est pas le bon pour l'adopter.
M. Joël Labbé . - Je trouve désolant de savoir à l'avance qu'un texte auquel on croit ne passera pas... même si nous aurons pour l'occasion un débat de société. En politique, je suis un homme pressé - il y a quelques années j'étais énervé, je le suis moins. Nous savons bien que les éleveurs font des efforts et que la situation évolue, mais nous voulons aller plus loin. Vous évoquez les poules pondeuses, effectivement il y a eu des progrès, mais vous oubliez de dire que ces progrès, on les doit beaucoup à l'action d'associations qui ont fait connaître les réalités au public et qui se sont battues pour le changement. Je travaille sur la sortie des cages de mise bas pour les truies, pour des maternités liberté, car la cage de maternité pour les truies, c'est abominable, les professionnels le reconnaissent. Le plein air est devenu le mode courant pour les poules sous labels, c'est donc qu'on peut y arriver.
Il faut un certain temps pour le changement, certes, mais il y a urgence. Je suis ulcéré par les dimensions prises par l'élevage industriel : dans le Morbihan, un élevage compte 172 800 poulets, une représentante de la profession nous dit qu'à 80 000 poulets, on ne rémunère qu'un mi-temps : mais où va-t-on ? Il faut s'en sortir par le haut, nous n'y parviendrons qu'en travaillant aussi sur le bien-être animal.
Les abattoirs étaient autrefois assimilés à un service public, avec un maillage territorial suffisant pour une proximité, désormais il faut déplacer les animaux. Nous devons revenir à un abattage de proximité, il y a des expérimentations d'abattage à la ferme qui fonctionnent bien. J'ai suivi notre groupe de travail « Agriculteurs en situation de détresse », il y a un lien entre les pratiques agricoles et le suicide des agriculteurs, un modèle d'agriculture plus proche pose bien moins de problèmes aux agriculteurs, il fait plus sens.
Nous devons relocaliser l'élevage et l'alimentation, c'est dans cette perspective qu'il faut comprendre - et soutenir - cette proposition de loi.
M. Laurent Duplomb . - Je crois, pour commencer, qu'il y a sur le sujet un problème de langage, parce qu'on confond bien-être et maltraitance animale : la société s'émeut sur des images et des témoignages qui montrent de la maltraitance, et on ne parle pas de tous les progrès accomplis pour le bien-être animal. La maltraitance est condamnée, elle relève d'ailleurs non pas d'un seul type d'exploitation, mais se rencontre à toutes les échelles - j'ai vu en Haute-Loire des élevages de 20 vaches où les animaux étaient maltraités, la maltraitance peut être partout.
Ensuite, ce qui me révolte, comme agriculteur, c'est de voir combien les progrès massifs accomplis ces dernières années ne sont absolument pas reconnus, et qu'on en demande toujours plus aux éleveurs. Ceux qui demandent toujours plus, d'ailleurs, ne veulent subir aucun inconvénient : on demande des animaux en plein air, des abattoirs à proximité... mais loin de chez soi, bien entendu.
S'interroge-t-on au moins sur l'acceptabilité de ce « toujours plus » pour l'éleveur ? Dans une société qui travaille de moins en moins, où l'effort est toujours moins reconnu, on en demande toujours plus aux éleveurs : il y a un moment où ce n'est plus acceptable, au nom même de la fraternité. Avant d'accuser les éleveurs, commençons donc par regarder si ce qu'on leur demande est acceptable. Or certaines demandes sont absurdes, même sur le plan matériel : s'il faut un territoire grand comme un département pour mettre tous les cochons en plein air, on voit bien que ce n'est pas possible ! Et à travers de telles demandes, ne vise-t-on pas, en réalité, l'interdiction de l'élevage dans son ensemble ? Nous sommes en démocratie, chacun peut penser ce qu'il veut, mais il faut alors le dire clairement, pour que chacun puisse se prononcer dans le débat en connaissance de cause.
M. Daniel Salmon . - Cette proposition de loi, nous l'avons travaillée pour aider à recoudre notre société fracturée. Nous en avons soupesé les mots, nous avons consulté largement, avec le sens de l'équilibre. C'est pourquoi je trouve notre rapporteure bien sévère, je maintiens que nos propositions aideront aussi à ce que les agriculteurs vivent mieux. Car s'il y a des problèmes de recrutement dans l'agriculture, ce n'est pas d'abord parce que le travail y est dur, intense, mais parce qu'il n'y est pas suffisamment rémunérateur, on ne surmontera ce problème qu'en changeant les mécanismes. Nous savons bien, aussi, que les agriculteurs n'aiment pas voir les animaux souffrir et qu'ils sont, en réalité, pour les mesures de bien-être animal.
Laurent Duplomb va trop loin dans son interprétation, je suis pour l'élevage, même si on peut penser qu'on a beaucoup de nourriture carnée, mais je suis pour le respect du bien-être animal, qui forme un ensemble, de la naissance à l'abattoir - il faut tout prendre en considération. La maltraitance suppose l'intention, alors que le bien-être, c'est un ensemble dont toutes les parties sont à considérer.
Cette loi est perfectible, il est dommage que vous la rejetiez en bloc car nous devons avancer ensemble. La France a su être un précurseur, elle a une place très importante dans l'Union européenne, à nous d'aller plus loin. Voilà nos ambitions.
M. Daniel Gremillet . - Le débat est riche, le sujet est majeur. Nous avions été unanimes pour rejeter les importations venues d'autres pays de l'Union qui ne respectent pas les exigences que nous imposons à nos agriculteurs.
Il faut sortir des chocs d'images. La maltraitance existe partout, mais pas plus dans la production agricole qu'ailleurs. On ne montre jamais les images d'un agriculteur en pleurs devant l'animal qu'il vient de perdre, on ne raconte pas la vie de tous ceux qui font tout ce qu'ils peuvent pour soigner leurs bêtes - alors que ce quotidien existe, il est dur à entendre, mais c'est la réalité des fermes. On veut faire mieux, ça se comprend, mais regardons où nous en sommes par rapport à nos voisins : je suis convaincu que nous sommes loin devant pour le bien-être animal, il faut le voir pour prendre les mesures adéquates.
M. Franck Montaugé . - Ce texte a le mérite de poser une question de société qui prend toujours plus d'ampleur pour nos concitoyens. Je suis convaincu que l'éthique ne fait jamais de mal, qu'elle aide à bien poser les questions qui nous concernent - elle participe aux transformations agro-écologiques dont nous avons besoin. Cependant, il faut prendre en compte les enjeux de l'élevage en France, en particulier les conséquences de la réforme de l'unité gros bétail (UGB) sur le cheptel bovin, j'espère que le Gouvernement saura défendre les éleveurs.
Il faut reconnaître les progrès accomplis et le chemin qui reste à parcourir. Je suis opposé à la disparition de l'élevage et je suis convaincu que les éleveurs ont intérêt à valoriser la prise en compte du bien-être animal ; il faut les y aider, par des mécanismes adaptés. Enfin, je souscris au parallèle entre le bien-être animal et le bien-être humain des éleveurs.
Nous prendrons position sur ce texte en séance plénière.
Mme Anne-Catherine Loisier . - L'intitulé de cette proposition de loi sous-entend que la majorité des éleveurs ne se soucieraient pas du bien-être animal et que l'élevage n'aurait aucune éthique, il culpabilise les éleveurs en faisant comme s'ils entretenaient des pratiques de maltraitance alors qu'en réalité, les choses évoluent rapidement, comme dans tous les secteurs d'activité. Ensuite, en ajoutant des contraintes, des obligations, on prend toujours le risque qu'elles soient contournées, et que le marché préfère importer des produits qui ne les respectent pas.
Je signale que nous avons installé une section d'études sur le bien-être animal, qui va travailler en relation étroite avec le groupe d'études sénatorial sur l'élevage, pour bien identifier les progrès possibles.
Sur ce texte, le groupe UC suivra notre rapporteure.
M. Pierre Louault . - Je suis choqué par l'efficacité de certains lobbies qui accusent toujours plus les paysans et qui font croire à l'opinion que si tout va mal, c'est toujours la faute des paysans. Il faudrait comparer la condition animale et la condition humaine sur plusieurs décennies. Depuis soixante ans que j'ai vu la situation dans des fermes, je peux dire que les choses se sont beaucoup améliorées : j'en ai vu alors, des brutes avec les animaux, des conditions qui passaient pour normales et qui choqueraient de nos jours ! Aujourd'hui, un éleveur est heureux si ses animaux sont dans le bien-être. On se focalise sur des paysans acculés à la faillite, à la dépression et qui se mettent à maltraiter leurs animaux. Mais regardez les humains, qui, il y a cent ans, étaient proches des animaux, qui élevaient des lapins, des poules, parfois un cochon et qui, aujourd'hui, ne cultivent quasiment plus rien par eux-mêmes. Et à imposer toujours plus de normes, on avantage toujours plus l'industrialisation, en tapant au passage sur les paysans...
En réalité, les choses avancent. Quand la technique permettra d'éviter le broyage des poussins, elle sera utilisée, et pareil pour les oeufs. Mais imaginer qu'avec une agriculture baba-cool on va nourrir la France, ce n'est qu'une illusion. Sur le marché, on voit bien qui peut acheter quoi - aidons les agriculteurs à faire plus de qualité, arrêtons de caricaturer ce que font les paysans.
M. Olivier Rietmann . - Je ne voterai pas cette proposition de loi, qui rend trop facilement le monde agricole responsable du mal-être animal. En réalité, les éleveurs prennent plus soin de leurs animaux que d'eux-mêmes. Cette proposition est empreinte de contre-vérités. Je suis vice-président d'une coopérative de transport et je peux vous assurer que la durée du transport n'est pas en elle-même un problème pour les animaux, toutes les études montrent que le stress se produit au chargement et au déchargement et que la durée n'est pas un facteur important dès lors que le camion est équipé ; pour améliorer le bien-être animal dans le transport, il vaut donc mieux agir pour la formation des bouviers, des chauffeurs, plutôt que d'obliger à réduire la durée du transport, ce qui a bien d'autres conséquences.
Ensuite, les abattoirs sont soumis à des contraintes sanitaires si poussées que les petits établissements n'ont pas les moyens de suivre et qu'on assiste alors à une concentration du secteur, qu'on déplore aussitôt, sans voir que les normes sanitaires ont un rôle direct dans le mouvement.
Enfin, le plein air ne peut pas être un objectif en soi, car des animaux ne se trouvent pas bien en plein air, selon les saisons de l'année. Et quand un éleveur laisse les chevaux dehors en hiver, on explique que c'est de la maltraitance, alors que les chevaux préfèrent l'extérieur dès lors qu'ils mangent bien... Le raisonnement vaut aussi pour les cages de maternité pour les truies : il y a quarante ans, les truies vivaient attachées et si l'on a fait des cages à maternité, c'est pour éviter qu'elles n'écrasent leurs petits dans les premiers jours, l'objectif est donc bien, ici encore, le bien-être animal, quoiqu'on en dise...
M. Fabien Gay . - Je remercie les auteurs de ce texte et notre rapporteure. Nous sommes à la croisée d'un débat citoyen, d'un débat sur la consommation, d'un débat sur l'environnement, et d'un débat sur la condition sociale des agriculteurs. À l'Assemblée nationale, le groupe Les Républicains propose de créer un code du bien-être animal, c'est bien le signe que tous les groupes politiques sont concernés.
Au passage, Madame la présidente, j'ai lu dans la presse que le Sénat bloquerait la proposition de loi contre la maltraitance animale, adoptée fin janvier à l'Assemblée nationale à l'initiative du groupe majoritaire de La République en Marche. Je signale que, s'agissant d'une proposition de loi, n'importe quel groupe peut l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat, en particulier le groupe RDPI. On nous a dit aussi qu'il fallait voter conforme la proposition de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ou bien que si nous la modifiions, nous empêcherions le référendum ; c'est faux, on peut tout à fait modifier le texte qui sera alors en navette. Je le dis sans détour : attention à ne pas tirer sur les institutions, ou bien on encourage la défiance et, finalement, le vote extrême.
Ensuite, je trouve ce rapport injuste envers cette proposition de loi. Il lui reproche une écologie punitive, mais la proposition est équilibrée, en particulier son article 4, qui donne toute leur place aux agriculteurs, c'est suffisamment rare dans les lois pour qu'on le souligne. Même chose pour l'interdiction sur le plein air d'ici 2040 : ce délai ouvre une période de transition, l'investissement est possible d'ici là. Ce qu'il faut parvenir à dépasser, c'est un certain type d'élevage où les animaux ne voient jamais le jour.
Nous accompagnerons ce texte en séance plénière.
M. Laurent Somon . - En tant que vétérinaire, je me réjouis de voir que nous savons dépassionner ce débat nécessaire. Les progrès pour le bien-être animal sont considérables depuis quarante ans, les éleveurs ont fait les améliorations dont ils avaient les moyens, ils font un métier de passionnés où l'amour de l'animal a toute sa place. Le métier n'est pas attractif faute de revenus suffisants, y compris dans bien des élevages de grande taille. Les éleveurs connaissent et aiment leurs bêtes, je le vois dans mon métier, ils apprennent à détecter quand un animal est bien, ou mal, ils améliorent leurs conditions de confort quand cela leur est possible. Pensez-vous qu'ils préfèrent avoir des animaux malades ou malheureux ? Le bien-être est une condition de leur succès économique même. Deux éleveurs laitiers ont arrêté leur activité dans mon village, c'est dommage pour tout le monde -alors prenons garde à ne pas décourager la profession.
M. Bernard Buis . - Merci à tous pour ce débat de qualité. Une remarque : il n'est pas exact de dire que les contraintes sanitaires imposent une concentration des abattoirs ; dans le Diois, nous avons monté un abattoir de proximité, qui est aux normes et qui fonctionne bien, c'est possible lorsque l'on s'en donne les moyens.
Mme Anne Chain-Larché . - Cette proposition de loi concerne un sujet de société qui nous concerne tous. Je déplore que le Sénat fasse l'objet de fake news qui visent à discréditer le travail de fond, la prise en compte du temps long, la réflexion, tout ce qui nous fait échapper à la course de l'actualité. Je suis rapporteure de la proposition de loi sur la maltraitance animale, adoptée par l'Assemblée nationale et il faut rétablir la vérité : ce texte peut tout à fait être inscrit à l'ordre du jour du Sénat par un groupe, mais ce sera alors pour quatre heures seulement de débat, ce qui paraît court pour examiner 40 articles ; en revanche, si le Gouvernement y tient, il peut l'inscrire lui-même à l'ordre du jour, et le débat pourra se prolonger en tant que de besoin.
Je signale également que le groupe d'études Élevage a créé une section d'étude « Animal et société », qui entend travailler sur tous les sujets dont nous parlons aujourd'hui.
Mme Sophie Primas , présidente . - Le député Loïc Dombreval, rapporteur de la proposition de loi sur la maltraitance animale que l'Assemblée nationale a adoptée en janvier dernier, a dit que le Sénat se refusait à inscrire ce texte à son ordre du jour : j'ai téléphoné à notre collègue député pour dénoncer cette fake new et lui rappeler que chaque groupe pouvait inscrire le texte de son choix et que nous n'avions pas la main sur l'agenda du Gouvernement. Nous avons nommé une rapporteure sur ce texte, j'ai demandé trois fois à Marc Fesneau et à Julien Denormandie s'ils comptaient l'inscrire à l'ordre du jour, sans obtenir de réponse, j'ai signalé le problème lors de la dernière conférence des présidents, on m'a répondu qu'il y a de l'encombrement. Merci donc de m'avoir donné l'occasion de remettre les pendules à l'heure...
Mme Marie-Christine Chauvin , rapporteure . - Merci pour ce débat riche. Dans toute profession, dans tout mandat, on médiatise les difficultés, pas les succès quotidiens. Le combat doit être européen, il ne faut pas surtransposer ou bien les effets de la loi seront minimes voire feront du mal à nos agriculteurs. La volonté au niveau européen fait d'ailleurs avancer les choses, le Parlement européen a voté deux résolutions sur les transports d'animaux et la Commission travaille sur le sujet.
L'article 4 accompagne l'interdiction, et nous voulons tous des fonds pour accompagner les bonnes volontés : nous sommes pour l'incitation plutôt que la punition.
Avant de proposer ces interdictions, n'ignorons pas la réalité : la proximité, tout le monde est pour, mais on connaît les difficultés d'installer des élevages et des abattoirs ; l'ovo-sexage a des surcoûts, qui peuvent être trop importants pour l'ovoproduit, au point de menacer la filière.
Merci à Daniel Gremillet d'avoir rappelé combien les chocs d'images négatives sont terribles, et qu'il faut voir aussi l'amour pour les bêtes, la communion de l'éleveur et du bovin : soyons fiers de nos agriculteurs, soutenons-les ! Toutes les professions cherchent à faire mieux, dommage de ne pas le médiatiser davantage.
Je vous propose d'arrêter, conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, le périmètre indicatif du projet de loi. Selon moi, sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux modalités d'élevage, d'abattage et de transport des animaux de rente.
Mme Sophie Primas , présidente . - Le périmètre est ainsi arrêté. Aucun amendement n'a été déposé sur cette proposition de loi. Je vous propose donc de suivre la proposition de notre rapporteure de ne pas adopter de texte. En conséquence de quoi la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi.
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA
CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
(« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 12 ( * ) .
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 13 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 14 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 15 ( * ) .
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 12 mai 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 530 rect. (2020-2021) pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal .
Elle a considéré que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives aux modalités d'élevage, d'abattage et de transport des animaux de rente.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mercredi 21 avril 2021
- Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes : M. Benoît FRADIN , élu référent du groupe de travail bien-être animal, Mme Christelle DEMONT , chef de projet bien-être et protection des animaux - Commission Enjeux sociétaux.
- Comité national pour la promotion de l'oeuf : M. Philippe JUVEN , président, M. Maxime CHAUMET , directeur, M. Matthieu PINEDA , consultant.
- Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras : M. Michel FRUCHET , président, M. Eric DUMAS , vice-président, M. Matthieu PINEDA , consultant.
- Comité interprofessionnel du lapin : Mme Émilie GILLET , directrice.
Jeudi 22 avril 2021
- Interprofession volaille de chair (ANVOL) : M. Jean-Michel SCHAEFFER , président.
- RESPEGGT : Mme Carmen UPHOFF , responsable Seleggt, Mme Bénédicte de PERETTI , conseil.
- Table ronde des associations :
CIWF : Mme Agathe GIGNOUX , chargée d'affaires publiques,
L214 : Mme Brigitte GOTHIÈRE , directrice, M. Samuel AIRAUD , responsable des affaires publiques, M. Arthur CRÉHALET , chargé d'affaires publiques nationales,
Welfarm : Mme Adrienne BONNET , responsable du pôle campagnes et plaidoyer, Mme Françoise BURGAUD , responsable du pôle bien-être animal, Mme Judith DEI ROSSI , stagiaire au sein du pôle Campagnes et Plaidoyer.
- TRONICO : M. Patrick COLLET , directeur général, Mme Marine BITTEL , chef du projet sexage des oeufs d'oiseaux.
- INAPORC : M. Guillaume ROUÉ , Président, Mme Caroline TAILLEUR , directrice adjointe.
Mardi 4 mai 2021
- Fédération Nationale des Courses Hippiques : M. Pierre PREAUD , secrétaire général, M. Loïc MALIVET , Président de la fédération des éleveurs de galop et vice-président de France Galop, Société mère du Galop, M. Hughes LEVESQUE , président de la commission de l'élevage de la Société mère du Trot.
Mercredi 5 mai 2021
- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : Mme Urwana QUERREC , conseillère filières animales, Mme Alicia BOTTI , conseillère chargée des relations avec les élus locaux.
- Centre national interprofessionnel de l'économie laitière : M. Thierry ROQUEFEUIL , président, Mme Caroline LE POULTIER , directrice générale.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http ://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-530.html
* 1 D'après la contribution écrite des services du ministère de l'agriculture, s'appuyant sur l'enquête statistique « Pratiques d'élevage », réalisée en 2015 par le ministère de l'agriculture.
* 2 D'après la contribution écrite des services du ministère de l'agriculture, s'appuyant sur l'enquête statistique « Pratiques d'élevage », réalisée en 2015 par le ministère de l'agriculture.
* 3 Source : ANVOL.
* 4 Source : CNPO.
* 5 Source : INAPORC.
* 6 Source : CLIPP.
* 7 Source : INAPORC.
* 8 Excluant de fait les transports qui ne sont pas effectués dans le cadre d'une activité économique ainsi que les transports directs d'animaux à destination ou en provenance de cabinets ou de cliniques vétérinaires qui ont lieu sur avis d'un vétérinaire.
* 9 Le règlement précise par exemple que « la pente des rampes ne doit pas être supérieure à 20°, c'est-à-dire 36,4 % par rapport à l'horizontale, pour les porcins, les veaux et les chevaux et à 26° 34', c'est-à-dire 50 % par rapport à l'horizontale, pour les ovins et les bovins autres que les veaux. Lorsque leur pente est supérieure à 10°, c'est-à-dire 17,6 % par rapport à l'horizontale, les rampes doivent être pourvues d'un système, tel que des lattes transversales, qui permette aux animaux de grimper ou de descendre sans danger ou difficulté ».
* 10 Le rapporteur rappelant la grande difficulté à installer tout nouvel abattoir.
* 11 FranceAgrimer, Les mutations des filières avicoles européennes depuis 2000 (décembre 2015).
* 12 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 13 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 14 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 15 . Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.