Rapport n° 743 (2020-2021) de M. Vincent CAPO-CANELLAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021

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N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11c

Écologie, développement et mobilité durables

(Programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » )

BUDGET ANNEXE : CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS
Rapporteur spécial : M. Vincent CAPO-CANELLAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4090 , 4195 et T.A. 628

Sénat :

699 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1.  La crise sanitaire a interrompu un cycle de forte croissance du transport aérien en se traduisant par un effondrement brutal du trafic . Le trafic aérien au départ et à l'arrivée en France avait connu une croissance annuelle moyenne de 3,9 % entre 2009 et 2019. En France, en 2020, il a diminué de 61 % en nombre d'avions et de 70 % en nombre de passagers par rapport à 2019.

2. Parce qu'elles sont indexées sur le trafic aérien, les recettes d'exploitation du BACEA exécutées en 2020 sont tombées à 821,4 millions d'euros alors que la prévision de la loi de finances initiale s'élevait à 2 065,5 millions d'euros, soit une chute vertigineuse de 60,2 % après une série de sept années d'augmentations.

3. Alors qu'elles constituent habituellement la majeure partie des ressources du BACEA (74 % en 2019), les redevances de navigation aériennes n'ont représenté que 32 % des ressources du budget annexe en 2020. Leur rendement n'a représenté que 645,9 millions d'euros, en retrait de 58,4 % par rapport à la prévision initiale et en baisse de 59,4 % par rapport à 2019.

4. En raison de l'effondrement du trafic et du moratoire des paiements décidé par le Gouvernement, l'exécution des recettes de la taxe d'aviation civile (TAC) est tombée à un niveau exceptionnellement bas de 124,2 millions d'euros, 73,7 % inférieur aux prévisions inscrites en loi de finances initiale. Cet effondrement est d'autant plus brutal que la TAC représentait ces dernières années une ressource très dynamique pour le BACEA.

5. Le rendement de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) n'a atteint que 95 millions d'euros en 2020, bien loin du seuil de 440 millions d'euros à compter duquel elle est susceptible d'alimenter les ressources du BACEA.

6. La crise actuelle illustre à quel point la trajectoire de désendettement entamée en 2015 par le BACEA était nécessaire car désormais il doit recourir à l'emprunt dans des proportions historiques . En 2020, l'encours de dette du BACEA a été multiplié par 2,7 . Au 31 décembre 2020, il a atteint 1 811 millions d'euros . Aujourd'hui il dépasse les 2 200 millions d'euros et pourrait tutoyer les 3 milliards d'euros à la fin de l'année 2021.

7. La volonté de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) d'amorcer un désendettement rapide apparaît totalement irréaliste tant la soutenabilité du BACEA paraît désormais menacée . Il semble nécessaire de réfléchir à la viabilité à long terme d'un modèle économique très dépendant de la croissance du transport aérien .

8. En ce qui concerne les dépenses de personnel, si le schéma d'emploi est respecté, il existe d'importants écarts entre les entrées et les sorties programmées et celles qui sont effectivement constatées . Ces écarts récurrents d'années en années interrogent la crédibilité de la programmation du schéma d'emploi.

9. Le rapporteur spécial souhaite que les modalités d'évaluation du coût et des gains de productivités attendus du protocole social 2020-2024 , dont les négociations et la mise en oeuvre ont été décalées en raison de la crise, soient crédibilisées.

10. Alors que la mise en service du système 4 Flight a dû être une nouvelle fois reportée, il rappelle la nécessité et l'urgence à concrétiser enfin les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne .

11. Sur le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », en 2020, la mise en réserve initiale a été entièrement levée . Par ailleurs, 11,6 millions d'euros de crédits complémentaires ont été ouverts par la quatrième loi de finances rectificative au profit du Céréma afin de solder les arriérés fiscaux des anciens centres d'études techniques de l'équipement (CETE).

12. Les crédits ouverts sur le programme 159 au titre de l'exercice 2020 se sont élevés à 518,6 millions d'euros en AE et 519,5 millions d'euros en CP. Les crédits effectivement exécutés ont atteint quant à eux 517,4 millions d'euros en AE et 519,5 millions d'euros en CP, soit un taux d'exécution très proche des 100 % .

13. Si la subvention pour charges de service public versée par l'État à Météo France s'est élevée à 188,6 millions d'euros , un montant très légèrement supérieur au niveau de 2019, elle reste sensiblement inférieure aux montants de crédits exécutés en 2016 (190,2 millions d'euros) ainsi qu'en 2015 (195,6 millions d'euros), ce qui témoigne des efforts de maîtrise des dépenses réalisés ces dernières années par l'établissement.

14. La subvention pour charges de service public versée par l'État à l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) s'est élevée en 2020 à 86,8 millions d'euros en CP, un montant inférieur de 2,4 millions d'euros par rapport à l'exécution 2019 (89,2 millions d'euros) et de 1,3 million d'euros par rapport aux crédits inscrits en loi de finance initiale (88,1 millions d'euros).

15. L'indicateur de performance relatif au financement de l'IGN par des ressources propres révèle l'ampleur du défi qui attend l'établissement pour compenser les pertes de recettes attendues du développement de l'open data . Le pourcentage des ressources propres tirées de la vente de données a représenté 39,5 % des recettes de l'opérateur en 2020.

16. La subvention pour charges de service public versée par l'État au Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement ( Cérema ) s'est élevée à 212,1 millions d'euros en CP, soit 12,6 millions d'euros de plus qu'en 2019 et un montant supérieur de 16,5 millions d'euros aux crédits inscrits en loi de finances initiale . Cette interruption dans la diminution régulière de la baisse des moyens attribués à l'opérateur est due à une ouverture de crédits de 11,6 millions d'euros lors de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 et à la levée de la réserve de précaution du programme dans le but de solder les arriérés fiscaux des anciens CETE. Pour compenser la baisse de ses ressources propres liée à la crise sanitaire, le Céréma a également bénéficié d'une aide exceptionnelle à hauteur de 2 millions d'euros.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2020

La mission « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) rassemble trois programmes : le programme 613 « Soutiens aux prestations de l'aviation civile » (consacré aux fonctions supports de la DGAC), le programme 612 « Navigation aérienne » et le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » .

1. Un effondrement brutal du trafic aérien après des années de croissance

La crise sanitaire a interrompu un cycle de forte croissance du transport aérien en se traduisant par un effondrement brutal du trafic. Le trafic aérien au départ et à l'arrivée en France avait connu une croissance annuelle moyenne de 3,9 % entre 2009 et 2019 . Cette croissance avait été tout particulièrement portée par le trafic international dont le taux de croissance annuel moyen s'établissait à 4,4 % sur cette période. La pandémie a provoqué une chute historique du trafic aérien. En Europe, de la mi-mars à la mi-mai 2020, le trafic aérien a été presque entièrement interrompu en raison des restrictions et des interdictions de franchissement de frontières ainsi que des confinements successifs et généralisés à travers le monde. En France, en 2020, le trafic aérien a diminué de 61 % en nombre d'avions et de 70 % en nombre de passagers par rapport à 2019.

Après une reprise des vols court-courriers au cours de l'été 2020, le deuxième vague de l'épidémie s'est traduite par une nouvelle chute drastique du trafic aérien à l'automne. Plusieurs années seront nécessaires pour retrouver le niveau de trafic de 2019 . D'après les estimations d'Eurocontrol, cette échéance n'est pas attendue avant 2024.

Les recettes du BACEA (redevances de la navigation aérienne, taxe de l'aviation civile, taxe de solidarité sur les billets d'avion) dépendent étroitement du trafic aérien au départ et à l'arrivée des aéroports français mais également du trafic qui survole notre territoire. En 2020, le BACEA a donc été très affecté par la crise inédite qui a frappé le transport aérien.

Le trafic aérien dans les aéroports français s'est établi à 54 millions de passagers en 2020 , soit 30,2 % du trafic de 2019.

15,6 millions de passagers ont voyagé sur des vols intérieurs au territoire français, soit 45,6 % des chiffres atteints en 2019. Le trafic international a été davantage affecté par la crise et seuls 39 millions de passagers ont voyagé sur des vols internationaux. Ce niveau ne représente que 26,6 % du trafic constaté en 2019.

2. L'effondrement du trafic aérien et des recettes indexées sur celui-ci c'est traduit par un déficit d'exploitation historique du budget annexe

Le BACEA est présenté en équilibre. Habituellement, ses dépenses sont principalement financées par des taxes et redevances et par le produit des recettes tirées de l'activité de ses services.

Caractérisée par un effondrement de ces recettes habituelles, l'année 2020 a enregistré une très forte variation de l'endettement du BACEA .

La loi de finance initiale pour 2020 prévoyait, pour le BACEA, des dépenses à hauteur de 2 141,0 millions d'euros , en légère hausse de 0,9 % par rapport aux montants inscrits en loi de finances initiale pour 2019. Compte tenu des reports de crédits, des fonds de concours, des attributions de produits et des annulations de crédits lors de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020, le total des crédits disponibles s'est élevé, pour l'exercice 2020 à 2 170,5 millions d'euros en AE (contre 2 218,6 millions d'euros en 2019) et à 2 161,2 millions d'euros en CP (contre 2 181,9 millions d'euros en 2019).

En exécution , ces dépenses se sont élevées à 2 099,4 millions d'euros en AE et 2 088,8 millions d'euros en CP , soit de légères baisses par rapport aux montants exécutés en 2019 pour respectivement - 3,4 % et - 1,7 %. Les taux d'exécution en AE et CP sont élevés. Ils ont atteint 96,7 %. Ils sont comparables aux taux d'exécution constatés en 2019.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2020

(en millions d'euros)

LFI 2020

Reports entrants

LFR

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 501,1

1,9

-21,1

1,7

1 483,5

1 473,7

99,3 %

612- Navigation aérienne

595,4

50,5

-30,9

15,4

630,4

575,7

91,3 %

614 Transports aériens, surveillance et certification

44,5

1,6

-4,0

5,2

47,3

39,4

83,3 %

Total BACEA

2 141,0

53,9

-56,0

22,3

2 161,2

2 088,8

96,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Évolution des crédits du BACEA 2019-2020

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2019

LFI 2020

Total crédits ouverts 2020

Exécution 2020

Variation exécution 2020/2019

(en %)

612 « Navigation aérienne »

AE

625,0

595,4

636,9

580,3

- 7,2 %

CP

578,3

595,4

630,4

575,7

- 0,4 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

AE

1 498,9

1 501,1

1 484,9

1 474,5

- 1,6 %

CP

1 498,9

1 501,1

1 483,5

1 473,7

- 1,7 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

AE

49,2

44,5

48,7

44,5

- 9,6 %

CP

48,6

44,5

47,3

39,4

- 18,9 %

Total

AE

2 173,1

2 141,0

2 170,5

2 099,4

- 3,4 %

CP

2 125,8

2 141,0

2 161,2

2 088,8

- 1,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2020, le BACEA n'a enregistré que 2 081,9 millions d'euros de recettes budgétaires (contre 2 231,6 millions d'euros en 2019), alors que le montant attendu en loi de finances initiale était de 2 115,5 millions d'euros.

Le niveau des recettes d'exploitation exécutées en 2020 est tombé à 821,4 millions d'euros alors que la prévision initiale s'élevait à 2 065,5 millions d'euros , soit une chute vertigineuse de 60,2 % après une série de sept années d'augmentation.

Variation des recettes d'exploitation du BACEA
entre 2018 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Principales recettes du BACEA en 2020

(en millions d'euros)

Exécution 2019

LFI 2020

Exécution 2020

Variation exécution 2020/ LFI 2020

Variation exécution 2020 / exécution 2019

Redevances de route

1 326,8

1293,0

539,1

- 58,3 %

- 59,4 %

RSTCA-M

214,8

214,0

92,7

- 56,7 %

- 56,8 %

RSTCA-OM et redevance océanique

48,5

44,0

14,1

- 68,0 %

- 70,9 %

Redevances de surveillance et de certification

30,6

30,4

23,8

- 21,7 %

- 22,2 %

Taxe de l'aviation civile

482,4

472,0

124,2

- 73,7 %

- 74,3 %

Frais taxes pour compte tiers

7,0

6,5

2,1

- 67,7 %

- 70,0 %

Total

2 110,1

2 060

796,0

- 61,4 %

- 62,3 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Conséquence de l'effondrement du trafic aérien et de ses recettes habituelles, le BACEA a enregistré un déficit d'exploitation historique de 948,9 millions d'euros après un excédent de 442,8 millions d'euros en 2019.

3. L'exécution effective des recettes des redevances de navigation aérienne est inférieure de près de 60 % à la prévision initiale

Les redevances de navigation aérienne constituent habituellement la majeure partie des ressources du BACEA (74 % en 2019). Elles se composent de la redevance de route, de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) métropole ainsi que des redevances de navigation aérienne outre-mer. En 2020, les redevances de navigation aérienne n'ont représenté que 32 % des ressources du budget annexe.

En exécution , le montant total de ces redevances n'a représenté que 645,9 millions d'euros, en retrait de 58,4 % par rapport à la prévision initiale et en baisse de 59,4 % par rapport à 2019 .

Variation du montant de redevances aériennes perçu par le BACEA
entre 2018 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cet effondrement a deux explications : la baisse considérable du trafic aérien mais aussi les mesures de report de paiement des redevances décidées par le Gouvernement pour venir en aide aux compagnies aériennes.

Un soutien en trésorerie était indispensable , les compagnies aériennes ne disposant en moyenne que de deux mois de liquidités, et devant faire face à des charges fixes très lourdes.

Aussi, en plus des dispositifs de droit commun, le 1 er avril 2020, l'État a décidé, d'accorder des aides spécifiquement destinées au transport aérien , sous la forme d'un report de taxes et redevances spécifiques aux compagnies aériennes titulaires d'une licence d'exploitation en France exigibles entre mars et décembre 2020 et d'un étalement de leur remboursement en 2021 et 2022. Ces mesures ont concerné la taxe de l'aviation civile (TAC) et les redevances pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA). Dans le même temps, Eurocontrol a décidé d'un moratoire de plusieurs mois de la redevance de route (RR), principale ressource du BACEA.

Ainsi, les recettes de la redevance de route se sont limitées à 539,1 millions d'euros, celles de la RSTCA métropole à 92,7 millions d'euros et celles des redevances de navigation aérienne outre-mer à 14,1 millions d'euros, soit des reculs respectifs de 58,3 %, 56,7 % et 68 % par rapport aux prévisions initiales.

Les recettes des redevances de surveillance et certification ont été, quant à elles, inférieures de 21,7 % à la prévision inscrite en loi de finances initiale. Elles sont tombées à 23,8 millions d'euros.

4. Des recettes de taxe de l'aviation civile (TAC) en chute libre de 74 % et une absence de ressources issues de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA)

Les recettes de la taxe d'aviation civile (TAC) sont intégralement perçues par le BACEA depuis le 1 er janvier 2016. Dans la mesure où la TAC est assise sur le nombre de passagers, son rendement a été lui aussi très affecté par l'effondrement du trafic aérien. De plus, comme indiqué supra ., pour aider les compagnies aériennes à traverser cette passe extrêmement périlleuse, le gouvernement a décidé d'un moratoire sur le paiement de cette taxe 1 ( * ) .

La conjonction de ces deux phénomènes explique que l'exécution des recettes liées à la TAC soit tombée à un niveau exceptionnellement bas de 124,2 millions d'euros, 73,7 % inférieur aux prévisions inscrites en loi de finances initiale. Cet effondrement est d'autant plus brutal que la TAC représentait ces dernières années une ressource très dynamique pour le BACEA. En raison de la hausse régulière du trafic constatée avant la crise, les recettes effectives de TAC avaient été supérieures aux prévisions en 2018 comme en 2019 . La diminution des recettes de TAC exécutées en 2020 par rapport aux encaissements constatés en 2019 s'est élevée à 74,3 %.

En exécution, la taxe de Bâle-Mulhouse 2 ( * ) a atteint un niveau inférieur à la prévision initiale de 6 millions d'euros, avec 5,6 millions d'euros effectivement perçus.

La loi de finances initiale pour 2020 a créé une majoration de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) qualifiée d'éco-contribution. Les recettes de TSBA sont affectées, par ordre de priorité au fonds de solidarité pour le développement (FSD) pour 210 millions d'euros puis à l'agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) pour 230 millions d'euros et, enfin, pour les recettes qui excèdent le seuil de 440 millions d'euros, au BACEA. Cette taxe est également directement indexée sur le trafic aérien. Aussi, du fait de l'effondrement de ce dernier et du report des paiements décidé par le Gouvernement, le rendement de TSBA n'a atteint que 95 millions d'euros en 2020, bien loin du seuil de 440 millions d'euros à compter duquel elle est susceptible d'alimenter les ressources du budget annexe .

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Sous l'effet de la crise, l'endettement du budget annexe a été multiplié par 2,7 au point de poser la question de la soutenabilité du BACEA

À la suite à la crise du transport aérien en 2009, la dette du BACEA avait connu une forte augmentation pour atteindre un pic à 1,28 milliard d'euros au 31 décembre 2014 . Depuis lors, une trajectoire de désendettement régulière et significative avait été poursuivie par le BACEA. L'encours de dette avait ainsi été abaissé à 667,4 millions d'euros au 31 décembre 2019, en baisse de 47,9 % sur cinq ans .

Le rapporteur spécial avait soutenu cette politique de désendettement , laquelle lui apparaissait indispensable pour restaurer la soutenabilité du BACEA et dégager des marges de manoeuvre dans l'hypothèse où la croissance du transport aérien venait à ralentir.

La crise actuelle illustre à quel point ce désendettement était nécessaire car désormais le BACEA doit recourir à l'emprunt dans des proportions historiques et ce, afin d'assumer un rôle d' « amortisseur de crise ».

L'effondrement des recettes du budget annexe, décrit supra., a rendu nécessaire un recours à l'emprunt massif qui s'est traduit par l'ouverture , en cours d'année, à l'occasion des deux premières lois de finances rectificative pour 2020, de 1 200 millions d'euros de crédits supplémentaires sur le programme 824 « prêts et avances consentis par l'État » . La première loi de finances rectificative du 23 mars 2020 a ouvert 500 millions d'euros de crédits complémentaires avant que la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 ne majore l'autorisation de recourir à l'emprunt de 700 millions d'euros supplémentaires. L'autorisation de recourir à l'emprunt pour équilibrer le BACEA a ainsi été portée à 1 250 millions d'euros en 2020 alors que l'autorisation inscrite en loi de finances initiale était limitée à 50 millions d'euros et que le budget annexe n'avait pas eu à recourir à l'emprunt depuis 2015 . 400 millions d'euros supplémentaires avaient même été ouverts par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020. Néanmoins, ces 400 millions d'euros n'ont pas été consommés et les crédits correspondants ont été annulés .

Évolution de l'autorisation de recourir à l'emprunt
au bénéfice du BACEA en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le BACEA a eu recours à sa capacité d'emprunt à hauteur de 1 250 millions d'euros à travers trois versements d'avances de l'agence France trésor (AFT) de  400 millions d'euros en avril, 400 millions d'euros en juillet et 450 millions d'euros en octobre .

Avances versées au BACEA par l'AFT en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au 31 décembre 2020, l'encours de dette du BACEA s'est ainsi élevé à 1 811,1 millions d'euros soit une multiplication par 2,7 sur l'exercice 2020 .

Évolution de l'encours de dette du budget annexe de 2008 à 2020
et prévisions pour 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'encours de dette du BACEA va de nouveau augmenter en 2021 et en 2022 . Après un premier tirage de 400 millions d'euros auprès de l'AFT en mars 2021, la dette du budget annexe a atteint 2 200,4 millions d'euros au 1 er juin 2021 . Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 , actuellement en discussion, prévoit d'accroître la capacité d'endettement du BACEA de 200 millions d'euros sur l'année pour la porter à 1 260,6 millions d'euros . Cette ouverture de crédits pourrait cependant s'avérer insuffisante . En prenant en compte les dernières hypothèses de trafic d'Eurocontrol 3 ( * ) , la DGAC estime que le besoin d'endettement complémentaire non couvert par le PLFR en discussion pourrait s'élever à 78 millions d'euros . Selon ces hypothèses, l'encours de dette du BACEA culminerait à près de 2 930 millions d'euros à la fin de l'année 2021 .

La DGAC a pour objectif d'amorcer une phase de désendettement en 2023 . Si le rapporteur spécial soutient cette volonté de désendetter le plus rapidement possible le BACEA, il demeure sceptique sur son caractère réaliste tant la soutenabilité du BACEA lui paraît désormais menacée . Les ressources du BACEA, indexées sur le trafic, rendent son modèle économique très dépendant de la croissance du transport aérien . Il semble nécessaire de réfléchir à la viabilité à long terme de ce modèle . C'est notamment l'objet d'une mission commune qui a été confiée à l'inspection générale des finances (IGF) et au conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) par le ministre délégué chargé des comptes publics et par le ministre délégué chargé des transports. Le rapporteur spécial se montrera très attentif aux conclusions de cette mission.

2. La masse salariale de la DGAC a fait l'objet d'une légère sous-exécution qui s'explique par des répercussions indirectes de la crise sanitaire

Concentrées sur le programme 613 « soutien aux prestations de l'aviation civile », les dépenses de personnel de la DGAC représentent, en 2020, 56,9 % des dépenses du BACEA . Sur ce dernier exercice, elles se sont élevées à 1 188,6 millions d'euros, soit une légère baisse de 0,6 % par rapport à l'exécution 2019 et une sous exécution de 28,9 millions d'euros (2,4 %) au regard des crédits adoptés en loi de finance initiale pour 2020 (1 217,5 millions d'euros).

Cette sous-exécution a deux origines principales liées aux répercussions indirectes de la crise sanitaire. Elles tiennent, d'une part, à la suspension des négociations relatives au nouveau protocole social 2020-2024 et, d'autre part, au décalage en fin d'année 2020 de l'entrée en scolarité à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) des nouvelles promotions d'ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA).

21 millions d'euros de crédits de titre 2 ont ainsi été annulés en cours d'année tandis que 0,7 million d'euros ont fait l'objet d'une fongibilité asymétrique.

Hors CAS pensions, les dépenses de personnel de la DGAC sont passées de 921,7 millions d'euros en 2019 à 913,5 millions d'euros en 2020 , soit une baisse de 0,9 % qui est venue infléchir la tendance haussière des années précédentes.

Le respect du schéma d'emploi a généré une économie de 1,73 million d'euros , sensiblement plus importante qu'en 2019 (0,9 million d'euros). Le coût moyen par ETPT a néanmoins connu une légère augmentation en 2020, de 0,2 % à 2,1 % selon les catégories d'emplois.

Toutefois, la conformité du solde du schéma d'emploi à la prévision - 0 ETP supplémentaire en 2020 - ne doit pas occulter l'existence d' écarts très importants entre les entrées et les sorties programmées et celles qui sont effectivement constatées . Ainsi, 387 sorties et 387 entrées se sont produites en 2020, alors que seules 345 entrées et sorties avaient été prévus. Cet écart montre qu'il est nécessaire d'affiner la programmation du schéma d'emploi , notamment car ces écarts s'observent tous les ans (écart de 101 ETP en 2019 et en 2018, de 161 ETP en 2017, de 84 ETP en 2016, etc.).

Dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe » 4 ( * ) présenté devant la commission des finances du Sénat le 13 juin 2018, le rapporteur spécial estimait qu'il était souhaitable d'augmenter avec mesure le nombre de recrutements d'élèves contrôleurs aériens pour faire face au déficit de capacités des services de la navigation aérienne.

Certes, ce déficit de capacité n'est plus constaté dans la période de crise actuelle. Néanmoins, il convient de prendre en compte le délai de cinq ans nécessaire pour former un contrôleur aérien. Il importe donc de maintenir des effectifs d'ICNA suffisants pour que ceux-ci puissent accompagner la reprise du trafic espérée.

La masse salariale 2020 du BACEA intégrait une provision de 10 millions d'euros dans la perspective du futur protocole social 2020-2024 de la DGAC, dont 1,0 million d'euros de mesures statutaires et 9,0 millions d'euros de mesures indemnitaires. Néanmoins, comme indiqué supra, la crise sanitaire a conduit à reporter les négociations du nouveau protocole social. Aussi, en 2020, seules des mesures liées au protocole 2016-2019 ont trouvé à s'appliquer : des mesures indemnitaires pour 0,2 million d'euros et des mesures statutaires liées à la mise en oeuvre du PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations) pour 2 millions d'euros.

Lors des années précédentes, le rapporteur spécial avait suivi de près l'application par la DGAC du protocole social 2016-2019 . En contrepartie des efforts demandés aux ICNA, 55 millions d'euros avaient été prévus pour financer des mesures catégorielles sur la période 2016-2019. Le coût global de ce protocole pour la période 2016-2019 devrait finalement être de 52 millions d'euros, un montant qui reste élevé au regard des mesures du protocole social 2013-2015, évaluées à 27,4 millions d'euros.

C'est pourquoi le rapporteur spécial souhaite que les modalités d'évaluation du coût et des gains de productivités attendus du protocole social 2020-2024 soient précisément définies .

3. Les crédits d'investissements consacrés aux grands programmes de modernisation de la navigation aérienne sont stables mais ces derniers accusent de nouveaux retards que la crise ne suffit pas à expliquer

Les dépenses d'investissement de la DGAC sont primordiales. Elles sont indispensables pour concrétiser le « Ciel unique européen » , initiative de la Commission européenne qui vise à moderniser la gestion de l'espace aérien européen , en particulier grâce au programme technologique SESAR .

Or la DGAC a pris du retard dans son programme de modernisation du contrôle de la navigation aérienne , ainsi que le rapporteur spécial l'a mis en lumière dans son rapport d'information précité.

Afin de tenter de combler ce retard, la DGAC n'avait cessé d'augmenter ses dépenses d'investissement depuis 2013 , année où ces dépenses avaient atteint un point bas inquiétant à 138,3 millions d'euros. Ce mouvement s'est interrompu en 2019 , exercice au cours duquel les dépenses d'investissement s'étaient rétractées de 15,6 % à 194,8 millions d'euros (contre 230,8 millions d'euros en 2018). En 2020, les dépenses d'investissement se sont stabilisées à 198,2 millions d'euros (+ 1,7 %). Ce niveau est très inférieur aux crédits ouverts (365,6 millions d'euros). La sous-consommation s'élève à 167,4 millions d'euros. Le taux de consommation des crédits n'est que de 54,2 %. Cette situation récurrente s'explique essentiellement par le glissement en exécution d'une partie des crédits de titre 5 vers le titre 3. La crise s'est également traduite par le décalage du calendrier de certains investissements portés par le programme 612.

L'évolution des dépenses d'investissement entre 2013 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Parmi ces dépenses, 184,7 millions d'euros, (soit 93,2 % du total) concernent le programme 612 « Navigation aérienne », notamment pour financer les grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne (4-Flight, Coflight, Sysat, etc.). Ces programmes avaient vocation à permettre à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de faire face, dans de bonnes conditions de capacité, de sécurité et de respect des normes environnementales, à l'augmentation du trafic qui était anticipée avant que ne survienne la crise.

Comme évoqué supra., la sous-consommation de crédits constatée sur les dépenses d'investissement portées par le programme 612 s'explique par un phénomène récurrent de fongibilité entre les titres 3 et 5 mais aussi par des décalages d'opérations et des reprogrammations sur l'exercice 2021 en raison de la crise.

Le coût des programmes de modernisation du contrôle aérien est significatif (un peu plus de 2 100 millions d'euros au total, dont plus de la moitié a déjà été dépensée effectivement).

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2020 (en CP)

Coût total programme après 2020
(en CP)

Coût total programme

4-Flight

2011-2025

642,0

208,0

850,0

Coflight

2003-2027

344,2

58,9

403,1

Sysat

2012-2032

64,4

365,6

430,0

Data Link

2006-2022

31,3

2,7

34,0

Erato

2002-2015

127,2

-

127,2

Autres programmes

-

125,8

150,7

276,5

Total

-

1 334,9

785,9

2 120,8

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ces programmes , dont certains ont été lancés au début des années 2000, ont pris un retard considérable et généré d'importants surcoûts . À titre d'exemple, le coût estimé de 4-Flight est ainsi passé de 450 millions d'euros en 2011 à 850 millions d'euros aujourd'hui, le coût du système Coflight a évolué de 153 millions d'euros en 2003 à 404 millions d'euros aujourd'hui.

Dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial avait fait part de sa préoccupation quant à ces retards et à ces surcoûts. Il s'était interrogé sur la qualité de la programmation financière de la DSNA et sur la conduite globale de la modernisation de ses systèmes, menée par sa direction de la technique et de l'innovation (DTI). Un rapport d'inspection du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) était allé dans le même sens. Aussi, la DSNA a décidé de réformer la gouvernance et la gestion de ses grands programmes . Elle procède notamment à des revues générales techniques périodiques sous la supervision d'un Comité de surveillance externe. Elle a également nommé un délégué aux grands programmes, chargé de leur supervision et de leur pilotage.

Suite au rapport d'information du rapporteur spécial précité, la DSNA avait finalisé en novembre 2018 un avenant avec THALES concernant le programme 4 Flight. Cet avenant devait garantir l'achèvement du projet dans les délais prévus. Toutefois, en janvier 2020, une revue du programme par THALES a révélé de graves difficultés en matière d'assurance logicielle . Un groupe de travail a été organisé entre février et mars 2020 entre THALES et la DSNA pour estimer les conséquences de ces problèmes. À ces difficultés sont venues se greffer les conséquences de la crise sanitaire . Celles-ci ont permis de justifier les retards des développements en cours.

La mise à disposition du système 4 Flight s'en est donc trouvée une nouvelle fois décalée au deuxième trimestre 2022 seulement dans le centre de contrôle en-route de Reims, au troisième trimestre 2022 dans celui d'Aix-en-Provence et avant la fin 2023 dans celui d'Athis-Mons, alors que la DSNA s'était précédemment engagée sur une mise en service à l'hiver 2021-2022.

Le rapporteur spécial note néanmoins avec satisfaction qu'en 2020 comme en 2021 les dépenses d'investissements ne jouent pas le rôle de variable d'ajustement et ont été maintenues. A l'inverse, entre 2008 et 2013 , déjà confrontée à une chute de ses recettes, la DGAC avait décidé de d'amputer ses dépenses d'investissements .

À ce titre, lors de son audition devant la commission des finances le 25 mai 2021, le Ministre Jean-Baptiste Djebbari a souligné qu'il convenait, malgré l'incertitude persistante concernant les conditions de trafic, de ne pas réduire les investissements , tout en veillant à ne pas mettre en péril la soutenabilité budgétaire du budget annexe.

Lors de cette même audition, il a souligné que l'heure était désormais à l'accélération des investissements dans les grands programmes de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) précisant notamment que ces programmes d'investissements permettront d'améliorer la régularité et la performance environnementale du transport aérien. Le rapporteur spécial ne peut que constater l'écart entre le discours et l'avancée concrète des programmes et continuera d'exercer une vigilance particulière sur ce sujet.

4. Biaisée par l'effondrement du trafic aérien, l'amélioration des indicateurs de performance en 2020 reste très relative et devra être confirmée dans les années à venir

À l'instar des exercices précédents, mais dans le contexte particulier qui était celui de l'effondrement du trafic, l'indicateur de performance relatif à la sécurité aérienne est satisfaisant et s'est amélioré avec 0,05 de croisement hors norme pour 100 000 vols contrôlés (0,06 croisement hors norme constaté en 2019).

Les progrès, constatés ces dernières années s'expliquent notamment par le déploiement du programme Datalink (système de communication numérique sol-bord) qui permet de suppléer la communication radio entre pilotes et contrôleur pour transmettre de façon plus efficace des informations sur le cap, la vitesse et l'altitude des aéronefs.

Ces résultats doivent inciter à accélérer la mise en oeuvre des nouveaux programmes de la DSNA qui ont le potentiel d'améliorer de façon concrète et décisive le service fourni aux compagnies aériennes.

L'indicateur de la ponctualité des vols est déterminant. Après une forte dégradation en 2018 , le retard moyen par vol contrôlé tutoyait les 2 minutes. Cet indicateur s'était amélioré en 2019 pour s'établir à 1,33 minute. Ce résultat, supérieur au 1,12 minute de retard moyen enregistré en 2017, demeurait toutefois très insuffisant au regard des objectifs fixés à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) par la Commission européenne dans le cadre de la régulation prévue par le Ciel unique européen, à savoir un retard de 0,5 minute par vol.

L'amélioration de cet indicateur constatée en 2020 est fortement biaisée par l'effondrement du trafic aérien. Néanmoins, avec 0,7 minute de retard moyen, la DSNA n'a toujours pas atteint l'objectif fixé par l'Union européenne.

Il convient de ne pas se reposer sur cette amélioration en trompe l'oeil et d' accélérer la modernisation des systèmes de la navigation aérienne mis à la disposition des contrôleurs aériens ainsi que l'adaptation de leurs tours de services afin que la DSNA puisse enfin redevenir pleinement compétitive le jour où le trafic aérien retrouvera ses niveaux d'avant crise.

III. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Depuis 2017, le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe les subventions pour charges de service public de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma).

Depuis le projet de loi de finances 2018, le programme 159 porte également les moyens du commissariat général au développement durable (CGDD) 5 ( * ) . De 2018 à 2020, le programme a également porté les crédits relatifs au financement du soutien à l'économie sociale et solidaire (ESS). À compter de 2021, ces crédits ont été transférés au programme 305 « Stratégie économique et fiscale » de la mission « Économie », dans la mesure où l'économie sociale et solidaire relève dorénavant du champ d'attribution du ministère de l'économie, des finances et de la relance.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la somme de ces différentes actions représentait 506,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en loi de finances initiale pour 2020 .

Alors que la mise en réserve initiale de 5,5 millions d'euros avait été intégralement annulée en 2019 ainsi que 0,2 million d'euro en AE et 0,4 million d'euro en CP de surgels, en 2020, au contraire, la mise en réserve initiale de 6,6 millions d'euros en AE et CP a été entièrement levée . Par ailleurs, 11,6 millions d'euros de crédits complémentaires ont été ouverts par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020. Ces crédits ont été attribués au Céréma afin de solder les arriérés fiscaux des anciens centres d'études techniques de l'équipement (CETE), intégrés au Céréma depuis 2014.

Aussi, les crédits ouverts sur le programme 159 au titre de l'exercice 2020 se sont élevés à 518,6 millions d'euros en AE et 519,5 millions d'euros en CP. Les crédits effectivement exécutés ont atteint quant à eux 517,4 millions d'euros en AE et 519,5 millions d'euros en CP , soit un taux d'exécution très proche des 100 %.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2020

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2020

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

506,5

0,3

+11,6

1,0

0,2

519,6

519,5

99,9 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

1. Météo-France a poursuivi ses efforts de rationalisation tandis que la crise sanitaire a retardé la mise en service de sa nouvelle puissance de calcul et affecté ses recettes commerciales

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'établissement public Météo France s'est élevée en 2020 à 188,6 millions d'euros , un montant très légèrement supérieur au niveau de 2019 ( 187,0 millions d'euros) mais inférieur de 1,1 million d'euros aux crédits inscrits en loi de finances initiale .

Le montant de crédits consommés reste sensiblement inférieur aux montants de crédits exécutés en 2016 (190,2 millions d'euros) ainsi qu'en 2015 (195,6 millions d'euros) , ce qui témoigne des efforts de maîtrise des dépenses réalisés ces dernières années par l'établissement.

Sur les 188,6 millions d'euros de subvention perçus par l'opérateur 20,0 millions d'euros ont été consacrés à la recherche dans le domaine météorologique, soit le même montant que celui constaté en 2019. La vitalité de la recherche de l'opérateur est attestée par les bons résultats de l'indicateur de performance relatif à la production scientifique de ses chercheurs. Les résultats de l'indicateur en 2020 sont particulièrement bons et supérieurs aux objectifs fixés. Le nombre de publications par chercheur de Météo-France a atteint 2,2 en 2020 contre 1,6 en 2019 et pour un objectif de 1,4. Cette situation particulière s'explique notamment par la pratique massive du télétravail qui a conduit les agents concernés à privilégier leurs activités de recherche à celles de développement.

Dans le cadre du financement pluriannuel des surcoûts liés au remplacement de son supercalculateur , Météo-France a perçu une dotation de 7,7 millions d'euros en 2020 , après les 4,9 millions d'euros reçus en 2019. Pour cette même finalité, l'opérateur devrait percevoir 8,3 millions d'euros en 2021 puis 6,1 millions d'euros en 2022.

La notification du marché du nouveau supercalculateur, intervenue en 2019, engage l'établissement pour quatre ans à hauteur de 50 millions d'euros . Ce marché n'induira une forte augmentation de la consommation des crédits de paiement (redevances mensuelles payées au titulaire du marché, consommation électrique associée, etc.) qu'à partir de l'installation et de la mise en service de l'équipement . Celle-ci a été retardée du fait de la crise sanitaire mais est effective depuis le mois de février 2021 .

Le reste de la subvention (160,9 millions d'euros) a financé les missions de service public de Météo France en matière d'observation et de prévision météorologique.

66 épisodes de vigilance orange ou rouge se sont produits en 2020 à l'échelle nationale, soit 13 de moins qu'en 2019. Pourtant, les indicateurs de performance relatifs à la qualité des prévisions météorologiques sont en recul par rapport aux résultats atteints en 2019. Alors que le pourcentage d'évènements détectés avec une anticipation supérieure à 3 heures avait atteint 95 % en 2019, il a chuté à 85 % en 2020, en dessous de l'objectif fixé à 86 %. La fiabilité de la prévision du modèle à maille fine Arome est elle aussi en légère baisse à 78,6 % et inférieure à l'objectif de 79,5 %. Le recul de ce dernier indicateur pourrait s'expliquer par un climat particulièrement imprévisible au cours du second semestre et par la forte diminution des données d'observation transmises par les avions du fait de la crise du transport aérien.

La diversification de ses ressources constitue une priorité pour Météo-France. L'opérateur développe ses ressources propres, en particulier ses recettes commerciales .

La trajectoire de progression des recettes commerciales de l'établissement a été interrompue en 2020 du fait des conséquences de la crise sanitaire. Ces recettes ont atteint 29,7 millions d'euros , soit un niveau inférieur de 4 millions d'euros à l'objectif et en retrait de 5,7 % par rapport à 2019 (31,5 millions d'euros).

En 2020, l'opérateur Météo France a poursuivi la réduction de ses effectifs, lesquels ont diminué de - 94 ETP , contre - 84 ETP en 2019.

En 2020, l'établissement comptait 2 736 ETP sous plafond et 75 ETP hors plafond , soit 23 de plus qu'en 2019.

La masse salariale de l'opérateur a continué sa diminution pour s'établir à 244,2 millions d'euros , contre 245,7 millions d'euros en 2019. Elle représente 66,2 % des dépenses de Météo-France.

2. L'IGN fait face au défi du développement de l'open data

Établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de l'écologie et des forêts, le nouvel Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est issu de la fusion entre l'Institut géographique national et l'Inventaire forestier national (IFN) intervenue le 1 er janvier 2012 6 ( * ) .

L'IGN a une triple vocation :

- assurer la connaissance continue de la surface du territoire national et de l'occupation de son sol , accessible depuis un site dédié (Geoportail) ;

- actualiser l'inventaire permanent des ressources forestières nationales qui était auparavant assuré par l'IFN ;

- concevoir et commercialiser des produits et services à partir des données recueillies dans le cadre de ses missions de service public.

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'IGN s'est élevée en 2020 à 86,8 millions d'euros en CP, un montant inférieur de 2,4 millions d'euros par rapport à l'exécution 2019 ( 89,2 millions d'euros) et de 1,3 million d'euros par rapport aux crédits inscrits en loi de finance initiale (88,1 millions d'euros).

Parmi ce montant de subvention, 73,4 millions d'euros ont été consacrés aux missions de production d'information géographique et cartographique . Si la crise sanitaire a affecté la production de l'IGN, à travers notamment les travaux de collecte sur le terrain, les acquisitions aériennes ou la rédaction cartographique, elle n'a pas conduit à des remises en cause des engagements de l'institut.

Les activités de recherche et de développement se sont vues allouer 13,0 millions d'euros en 2020, contre 13,3 millions d'euros en 2019.

Le plafond d'emplois avait été fixé en loi de finances initiale à 1 433 ETPT, en recul de 39 ETPT par rapport au plafond d'emploi déterminé en loi de finances initiale pour 2019. La réalisation 2020 s'est finalement élevée à 1 439 ETPT. Cette sur-exécution de 6 ETPT s'explique par le projet d'entretien du registre parcellaire graphique (RPG), qui permet le calcul et les attributions des aides de la politique agricole commune (PAC), et pour lequel l'IGN a dû recruter des agents contractuels en renfort en fin d'année 2020.

La question du développement du principe des données publiques ouvertes et gratuites open data ») représente un enjeu très important pour l'IGN car les pertes de recettes pour l'opérateur en termes de redevances, licences ou ventes de données pourraient représenter à terme environ 10 millions d'euros par an , même s'il bénéficie des dispositions de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public 7 ( * ) .

L'indicateur de performance relatif au financement de l'établissement par des ressources propres révèle l'ampleur du défi qui attend l'établissement pour compenser cette perte de recettes . Le pourcentage des ressources propres tirées de la vente de données a ainsi représenté 39,5 % des recettes de l'IGN en 2020, une part qui est en augmentation depuis 2018.

Cette augmentation a plusieurs causes. Elle tient aux recettes tirées des grands projets réalisés avec des partenaires institutionnels, des financements associés au projet LIDAR HD 8 ( * ) , au dynamisme des partenariats avec les collectivités territoriales et, enfin, à la stabilité de la vente de cartes au grand public.

3. S'il a bénéficié de concours exceptionnels en 2020, le Céréma demeure astreint à une trajectoire budgétaire rigoureuse

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État , avec un personnel composé majoritairement de fonctionnaires.

Il apporte à l'État et aux acteurs territoriaux un appui d'ingénierie et d'expertise sur les projets d'aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire. Il a vocation à les assister dans la gestion de leur patrimoine d'infrastructures de transport et leur patrimoine bâti, et à renforcer leur capacité à faire face aux risques.

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État au Cérema s'est élevée en 2020 à 212,1 millions d'euros en CP, soit 12,6 millions d'euros de plus qu'en 2019 et un montant supérieur de 16,5 millions d'euros aux crédits inscrits en loi de finances initiale . Comme indiqué supra, cette interruption dans la diminution régulière de la baisse des moyens attribués au Céréma est due à une ouverture de crédits de 11,6 millions d'euros lors de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 et à la levée de la réserve de précaution du programme dans le but de solder les arriérés fiscaux des anciens CETE . Pour compenser la baisse de ses ressources propres liée à la crise sanitaire, le Céréma a également bénéficié d'une aide exceptionnelle à hauteur de 2 millions d'euros .

Le nombre d'emplois sous plafond du Céréma continue sa diminution rapide et régulière . Il est ainsi passé de 2 642 ETP en 2019 à 2 537 ETP en 2020 , soit une baisse de 105 ETP , plus forte qu'au cours des derniers exercices et un chiffre nettement inférieur au plafond d'emplois fixé à 2 594 ETP en 2020.

La baisse continuelle des moyens du Céréma et le manque de réflexion stratégique de l'État pour l'établissement avaient gravement fragilisé l'opérateur . Les difficultés semblaient essentiellement liées à l'absence de vision stratégique de l'État pour cet établissement .

À l'automne 2018 une démarche, baptisée Cérem'avenir , a été définie. Elle porte une transformation du modèle organisationnel de l'établissement, une simplification de ses procédures et une rationalisation de ses fonctions supports. Pour accompagner la mise en oeuvre de ce plan stratégique, le Céréma a obtenu un financement de 12,3 millions d'euros sur 4 ans du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP). Le rapporteur spécial considère que ce plan stratégique peut être de nature à redynamiser l'opérateur pour retourner la contrainte financière que subit le Céréma en une opportunité de transformation.

Il apparait par ailleurs indispensable que le Céréma se rapproche de l'Agence Nationale de Cohésion des Territoires (ANCT) et des collectivités territoriales. C'est l'un des principaux défis que devra relever l'opérateur dans les prochaines années.

Le rapporteur spécial note que, le 18 juin 2021, le Céréma a annoncé la nomination d'un responsable de la « coordination territoriale » . Cette nomination est un bon signe et s'inscrit dans la stratégie de rapprochement de l'opérateur avec les territoires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-BAPTISTE DJEBBARI, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DE LA MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, CHARGÉ DES TRANSPORTS (25 MAI 2021)

Réunie le mardi 25 mai 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, sur l'exécution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA).

M. Claude Raynal , président . - Dans le cadre de l'exécution budgétaire de l'année 2020, nous vous remercions, monsieur le ministre chargé des transports, de nous éclairer sur certains des programmes de la mission « Écologie » relatifs aux infrastructures et services de transports (programme 203), aux affaires maritimes (programme 205) ou encore aux charges financières relatives à l'opération de reprise partielle par l'État de la dette de SNCF Réseau (programme 355). Vous pourrez aussi répondre à nos questions concernant le défunt compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » consacré aux trains d'équilibre du territoire (TET) et qui a été rebudgétisé en 2021. Enfin, au regard de votre parcours professionnel, vous vous ferez certainement un plaisir d'échanger avec nous sur les enjeux relatifs au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », également appelé « Bacea ».

Je rappelle que cet échange s'inscrit dans un cycle d'auditions ministérielles organisé par notre commission dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes de l'année 2020. La semaine dernière, nous avons entendu Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, et demain, nous entendrons Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique.

Prendre du recul sur l'exécution effective des crédits est toujours un exercice intéressant afin d'éclairer la représentation nationale et les citoyens sur les enjeux et les perspectives budgétaires à venir. Il n'a échappé à personne que l'année 2020 n'a pas été une année classique, entre autres concernant l'autorisation et l'exécution budgétaire. Aussi, cette année, l'exercice me paraît d'autant plus pertinent.

Le portefeuille des transports a été particulièrement affecté par la crise sanitaire ; en témoignent les ouvertures de crédits réalisées en 2020, sur lesquelles nous pourrons revenir. Les transports occupent également une place significative dans le plan de relance.

Je salue notre collègue Philippe Tabarot, qui participe à cette audition en sa qualité de rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur ces crédits budgétaires.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - Je suis heureux de vous parler de l'exécution budgétaire 2020, une année effectivement très particulière où l'État s'est placé au chevet des acteurs du transport, qui ont pris de plein fouet cette crise sanitaire. Fin 2019, au moment d'adopter le budget 2020, personne ne s'attendait aux confinements ni aux restrictions des déplacements, qui ont très fortement impacté le secteur des transports, mon ministère, nos programmes et nos recettes.

La mobilisation de l'État français face à cette crise se retrouve dans l'exécution budgétaire 2020 et les quatre lois de finances rectificatives adoptées au cours de l'exercice ont fortement fait évoluer le budget.

Je vous propose de revenir sur deux volets. D'abord l'aide aux acteurs du secteur et d'autre part les compensations de pertes de recettes

S'agissant des aides, dès les prémices de la crise, l'ensemble du secteur a bénéficié des aides de droit commun, le chômage partiel, les prix garantis par l'État (PGE) et le fonds de solidarité ; à ma demande, une majorité des entreprises a bénéficié du plan Tourisme, je pense aux taxis, aux autocaristes ou encore au personnel navigant. Nous avons également pris des mesures spécifiques, comme le report ou la suspension de taxes aériennes. C'était particulièrement nécessaire pour les exploitants aéroportuaires. À l'été, nous avons fait le point avec les donneurs d'ordres, autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et organisations professionnelles, pour constater une chute de 90 % du trafic aérien, de 50 % des usagers des transports en commun, de 70 % pour les ferries - cela a nécessité une deuxième vague d'accompagnement, avec des aides ciblées pour chaque secteur. Elles se sont traduites dans les lois de finances rectificatives ainsi que par différents dégels de réserves budgétaires. Il y a eu en particulier les aides emblématiques de 7 milliards d'euros versées à Air France et de 4,05 milliards d'euros pour la recapitalisation de la SNCF. Pour les AOM, deux aides complémentaires ont été proposées : une subvention pour les pertes au titre du versement mobilité qui, pour Île-de-France Mobilités (IDFM), a représenté 425 millions d'euros et évité une cessation de paiement des transports dans la région ; ensuite, des avances remboursables pour compenser une partie des pertes de recettes tarifaires, qui ont représenté 1,175 milliard d'euros pour IDFM et plus de 550 millions d'euros pour les AOM de province. Les aéroports ont pu bénéficier d'avances remboursables pour le financement de leurs missions régaliennes de sécurité et de sûreté et le secteur maritime a fait également l'objet d'une très grande attention ; le fret ferroviaire a été largement encouragé avec la gratuité des péages de fret pour le second semestre 2020, soit un effort de 63 millions d'euros.

Les pertes de recettes de l'État et ses opérateurs ont aussi dû être compensées, quelque 250 millions d'euros ont été ajoutés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) pour maintenir le haut niveau, le très haut niveau d'investissement prévu dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) - et, après le coup d'arrêt du premier confinement, tous les chantiers d'infrastructures ont pu reprendre au rythme prévu, notamment celui de la Société du Grand Paris.

Le Bacea a nécessité, face à des recettes inférieures de 60 % à la prévision, un emprunt supplémentaire de 1,25 milliard d'euros et, au 31 décembre 2020, l'encours de dette a augmenté pour s'établir à 1 800 millions d'euros, contre 667 millions fin 2019. Le secteur du transport s'est aussi vu accorder 11 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, ce qui s'est traduit par 62 projets aéronautiques, pour 376 millions d'euros, ainsi que par 80 opérations routières et ferroviaires pour 420 millions d'euros.

Le budget 2021, exceptionnel par le plan de relance, nécessitera un suivi attentif des effets de la crise. Il a été construit avec des marqueurs forts de report modal et de désenclavement du territoire ; je pense notamment au soutien massif et inédit au fret ferroviaire, avec plus de 170 millions d'euros pour réduire de moitié les tarifs des péages, pour augmenter l'aide au transport combiné et pour soutenir le wagon isolé, ainsi que pour un renforcement au concours obligatoire versé à SNCF Réseau. La trajectoire de la LOM sur les sujets ferroviaires a été très largement confortée à travers l'Afitf. La trajectoire du Bacea a été revue sans rogner sur les objectifs de moyen et long termes.

Le plan de relance offrira des opportunités complémentaires. Dès le début de l'année 2021, l'Afitf a voté des crédits relance pour les trains de nuit. Nous venons, avec le Premier ministre, de relancer la semaine dernière la fameuse ligne entre Paris et Nice et d'autres lignes, comme Paris-Tarbes, ouvriront avant la fin de l'année. Nous agissons très fortement sur le déploiement des bornes électriques, un grand plan a été mis en oeuvre qui mobilise 100 millions d'euros sur les voies réservées et sur les concours à SNCF Réseau.

Nous sommes très attentifs aux effets de la crise et c'est pourquoi nous avons adopté la semaine dernière un décret « net wage » pour les ferries maritimes - c'était une demande très forte en particulier de la compagnie Brittany Ferries. Nous referons le point cet été avec les autorités organisatrices pour évaluer les pertes de recettes, à l'issue de la mission confiée à Philippe Duron sur l'avenir du modèle économique des transports en commun en France.

D'autres réflexions animeront les prochains mois. Je sais que Messieurs les rapporteurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel travaillent actuellement sur les finances de la SNCF. Avec 35 milliards d'euros de reprise de dette grâce au pacte ferroviaire et 4 milliards d'euros de recapitalisation dans le cadre du plan de relance, l'État a pris ses responsabilités envers la SNCF. Nous suivons avec attention les performances de cette entreprise publique. Après les contrats d'objectifs et de performance que nous avons signés avec l'Afitf et Voies Navigables de France (VNF), les contrats de performance attendus avec SNCF Réseau et Gares et Connexions deviendront une réalité d'ici la fin de l'été 2021.

Le mode de financement des AOM est aussi à questionner, je serai très attentif à vos propositions sur le sujet et j'attends les conclusions de Philippe Duron pour la fin juin.

La stabilité des recettes de l'Afitf et la soutenabilité de la dette du Bacea sont à suivre de très près dans un contexte de reprise progressive du trafic. Le trafic aérien a largement repris en Asie - il a même progressé en Chine par rapport à 2019 -, il a repris à 80 % en Amérique du Nord, mais seulement à 45 % en Europe, c'est un indicateur à surveiller. L'été sera à ce titre un bon indicateur avant de se projeter sur une reprise plus structurelle à compter du mois de septembre.

Le secteur du transport a donc été très marqué par la crise. Celle-ci n'a néanmoins pas démenti nos priorités politiques. Je crois même pouvoir dire qu'elle les a très largement renforcées. À l'été nous avons accéléré avec une deuxième vague d'accompagnement non plus générique mais spécifique et relancé les chantiers d'investissements. Au-delà du traitement des urgences, la situation montre bien que l'État se doit d'être davantage planificateur et précurseur. Je m'y emploie au quotidien, c'est le sens des contrats de petites lignes que nous avons signés avec plusieurs régions, pour un montant global de 6 milliards d'euros et qui préservent la connectivité de nos territoires tout en intégrant plus de technologie. En témoigne le projet de train léger que nous avons en Meurthe-et-Moselle.

Pour accompagner ces projets innovants dont la crise a confirmé la pertinence, nous avons lancé une agence d'innovation dans les transports : elle va nous permettre, sur des sujets prioritaires pour les territoires, pour la souveraineté industrielle et économique de la France, de nous doter des bons canaux de financement et des bons outils de détection.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités prévoit que l'Afitf investira 13,7 milliards d'euros dans les infrastructures de transports entre 2018 et 2022, une somme importante, mais nécessaire et dont la trajectoire semble respectée grâce à la loi de finances pour 2021. Vous rappelez que l'État a recapitalisé SNCF à hauteur de 4,7 milliards d'euros pour sécuriser la régénération des réseaux, mais, suite aux deuxième et troisième confinements SNCF Réseau aurait subi une perte complémentaire de l'ordre d'1 milliard d'euros : pensez-vous qu'elle puisse résorber seule ce déficit qui n'a pas été couvert par les 4,7 milliards d'euros d'aides, ou bien pensez-vous qu'un nouveau concours de l'État soit nécessaire ? Le financement des infrastructures de transport est indissociable de la situation financière de l'Afitf. L'an passé, il a fallu à l'Afitf six budgets rectificatifs pour qu'elle accomplisse ses missions. Le soutien de 250 millions d'euros par l'État est une très bonne chose, mais la question se pose de la pérennité des ressources de l'Agence : quels enseignements tirez-vous des premiers éléments de l'exécution budgétaire 2021 de l'Afitf ? Au moment de l'examen de la loi de finances pour 2021, avec Stéphane Sautarel, nous avions trouvé le Gouvernement bien optimiste sur les prévisions de ressources de l'Agence et nous avons regretté l'opacité de l'information qu'elle a délivrée pour l'examen budgétaire. Merci, monsieur le ministre, de veiller à ce que les choses se déroulent avec plus de transparence cette année.

Enfin, nous avons été surpris du revirement du gouvernement. Après avoir mis l'accent, depuis 2017, sur la nécessaire régénération du réseau et sur les trains du quotidien, le Gouvernement a annoncé en avril dernier que les lignes à grande vitesse (LGV) étaient à nouveau une priorité, comme les trains de nuit. Les priorités se multiplient. Sur les LGV, le gouvernement a annoncé des financements de un milliard d'euros sur la ligne Nice-Marseille, 4,1 milliards d'euros sur la ligne Bordeaux-Toulouse et 40 % des coûts de la ligne Montpellier-Perpignan. Des annonces abondent - sans relation bien entendu avec la grande élection nationale qui approche -, mais comment comptez-vous financer ces dépenses à coup de milliards d'euros sans conséquence pour les autres projets, et compte tenu de la situation financière de la SNCF ?

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Le secteur du transport a été très impacté par la crise et très soutenu par les pouvoirs publics. Je me félicite que la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ait finalisé le rapport sur le développement des nouvelles lignes de trains d'équilibre du territoire de jour et de nuit. Il était prévu par la LOM et nous l'attendions avec impatience. Le compte d'affectation spéciale a été supprimé en 2021, mais des questions demeurent sur les déficits chroniques de ces lignes, et donc sur la contribution de solidarité territoriale (CST) et sur la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires : ces deux taxes, qui représentent près de 250 millions d'euros, sont acquittées par la société SNCF Voyageurs. Dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, la SNCF mais aussi la Cour des comptes appellent à supprimer ces deux impositions. Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous informer des dernières évolutions sur le sujet et des éventuels systèmes de financement alternatifs qui sont à l'étude ?

Le Gouvernement affiche une ambition nouvelle sur les trains de nuit, vous venez d'ouvrir la ligne Nice-Paris, nous sommes passés de 100 millions d'euros pour une expérimentation sur deux lignes dans la précédente loi de finances, à l'objectif d'ouvrir une dizaine de lignes. Quelle en est l'économie générale, s'il faut y consacrer 1,5 milliard d'euros, dans les conditions financières actuelles de la SNCF ? Quel doit être le soutien de l'État, en particulier concernant l'enjeu de la transformation du matériel roulant ? Pourriez-vous nous donner des perspectives sur les moyens qui seront mis en oeuvre et sur les calendriers qui peuvent être espérés ?

Enfin, quelles ont été les modalités de soutien aux AOM, quel montant a été décaissé et comment les avances ont-elles été mises en place ?

M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Quels ont été les crédits engagés l'an dernier sur les lignes de desserte fine du territoire et sur les protocoles d'accord entre l'État, les régions et la SNCF ?

Où en est la modernisation du réseau et plus particulièrement le développement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) : quels moyens y ont-ils été consacrés cette année ?

Quel recours au bonus écologique pour l'aide à l'acquisition de poids lourds électriques et à hydrogène ? Ce mécanisme a-t-il été utilisé par les acteurs ? Sera-t-il prolongé compte tenu de l'ampleur de la transition à conduire pour le verdissement du parc de poids lourds ? Je pense que vous n'avez pas eu beaucoup de crédits à consommer, notamment concernant les camions à hydrogène qui sont loin d'arriver sur le marché.

Enfin, quand sera actualisé le contrat d'objectifs et de performance entre l'État et SNCF Réseau ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. - Concernant les infrastructures il y avait des investissements de rattrapage à réaliser. Dans le cadre de la LOM nous avons augmenté les investissements de 40 % par rapport au précédent quinquennat. Malgré la crise, l'exécution de la LOM se porte convenablement puisqu'elle n'est en retrait que de 330 millions d'euros sur un budget de plus de 8 milliards d'euros, soit à peine 4 %. La trajectoire de l'Afitf a été tenue grâce au soutien à hauteur de 250 millions d'euros consenti par l'État, et nous avons en outre budgété 780 millions d'euros de crédits de paiement en 2019-2021 au bénéfice de plusieurs grands projets tels que le canal Seine-Nord Europe ou le Lyon-Turin. Le plan de relance a permis d'accélérer ces investissements.

Les pertes de SNCF Réseau, dont le montant devrait se situer entre 700 millions et 1 milliard d'euros, sont un sujet de préoccupation. Nous aurons à en rediscuter, d'autant que nous avons annoncé notre souhait de signer les contrats de performance SNCF Réseau d'ici à l'été 2021, mais à ce stade rien n'est tranché.

Les moindres recettes de l'Afitf s'expliquent notamment par l'effondrement des recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite « Chirac », de la taxe d'aménagement du territoire versée par les concessionnaires d'autoroutes et des amendes radar. Une grande partie des recettes de l'Afitf résulte d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Si nous entrons dans une phase de grande transformation technique, et donc, à terme, fiscale, la sécurisation à moyen terme des différentes recettes de l'Afitf permettra de tenir la trajectoire ambitieuse que nous avons fixée.

S'agissant des TET et des trains de nuit, le rapport qui sera présenté au Parlement est important. Malgré le nécessaire rattrapage des retards pris par SNCF Réseau dans les travaux de rénovation du réseau, nous avons souhaité réfléchir sérieusement à l'avenir de celui-ci à l'horizon 2030 et aux modes de transport qui pourront y coexister. Nous sommes convaincus qu'avec un réseau rénové, des modèles économiques revus et une demande des populations, notamment la plus jeune, vers ces modes de transports plus écologiques il y a un vrai potentiel.

La ressource rare est le matériel roulant. Le marché étant réellement européen, nous avons demandé à la SNCF de se rapprocher de ses homologues, notamment allemands, ce qui a permis la conclusion d'un premier accord sur les trains de nuit.

Je considère que si la CST et la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) ne sont pas supprimées, elles devront être acquittées par l'ensemble des opérateurs en concurrence. C'est la position du ministère des transports mais cet arbitrage relève de l'échelon interministériel.

Nous avons pris des engagements très fermes dans le cadre de la LOM sur le renouvellement des matériels roulants. Ces travaux sont en cours sur les lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) et Limoges-Clermont-Ferrand pour une première série de 28 rames qui circuleront à compter de 2023.

S'agissant des trains de nuit, nous avons rouvert la ligne Paris-Nice la semaine dernière, et nous avons pour objectif de rouvrir la ligne Paris-Tarbes et de créer une ligne Paris-Vienne d'ici à la fin de l'année. Nous souhaitons également soumettre au Parlement le projet d'ouverture d'une dizaine de lignes de trains de nuit d'ici à 2030.

J'en viens aux lignes à grande vitesse. En 2017, face à un système ferroviaire déséquilibré sur le plan financier et aux infrastructures vétustes, le Gouvernement a fait le choix d'investir pour régénérer le réseau, de mettre les grands projets en pause afin de se mobiliser sur les transports du quotidien, puis, après l'assainissement financier du groupe SNCF, de réengager un certain nombre de grands projets tels que la LGV entre Bordeaux et Toulouse. Le Premier ministre a récemment réaffirmé l'engagement financier important de l'État en faveur des cinq projets de nouvelles lignes à grande vitesse. Nous poursuivons nos discussions avec les collectivités concernées afin de boucler ces derniers.

Les contrats relatifs aux petites lignes, qui s'élèvent à plus de 6,5 milliards d'euros, ont déjà été signés ou délibérés par huit régions. Ils ont bénéficié du plan de relance à hauteur de 300 millions d'euros. Ainsi, l'État et les régions cofinanceront les lignes auparavant financées par les contrats de plan État-région (CPER), et sur demande des régions, l'État pourra leur déléguer un certain nombre de lignes afin de tester des modèles nouveaux tels que les trains légers.

Nous avons instauré un bonus écologique d'un montant de 50 000 euros pour les poids lourds électriques ou à hydrogène. Pour l'heure, une seule demande a été formulée. En effet, en l'état actuel du marché, le surcoût reste considérable, environ 250 000 euros, malgré cette aide importante. L'Allemagne propose une aide de 100 000 euros et la Californie, 150 000 euros. L'aide doit être ajustée à l'offre. Avec le développement de l'offre, le surcoût constaté se réduira et les aides pourront, à terme, être réduites. En tout état de cause, c'est vrai que les aides sont aujourd'hui insuffisantes au regard du marché actuel. Il est important de construire une offre française et européenne. Sur les véhicules utilitaires légers des constructeurs français sont particulièrement bien positionnés. La détermination du bon niveau d'aide sera débattue dans le cadre de négociations interministérielles.

Les pertes enregistrées en 2021 sont estimées à 600 millions d'euros pour les AOM de province et à 400 millions pour les régions, mais une clause de revoyure est prévue dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Le projet Urbanloop me tient particulièrement à coeur. Émanant d'étudiants des écoles d'ingénieur de Nancy, il prévoit de réinventer la mobilité au travers de capsules sur rails. J'espère que vous le découvrirez avec fierté, monsieur le ministre.

Ma première question porte sur la consommation effective, en 2020, des crédits de fonds de concours du programme 203 « infrastructures et services de transports ». Retraité de l'effet de l'aide exceptionnelle de 4 milliards d'euros affectée à la SNCF en fin d'année, le taux de consommation des crédits est de seulement 91 %, contre 99 % en 2019. Comment expliquez-vous cette diminution significative ? S'agit-il simplement d'une conséquence de la crise sanitaire ? Les retards constatés ont-ils pu être rattrapés ?

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, je m'étais interrogé sur l'articulation du programme 362 de la mission « Plan de relance » avec le programme 203 de la mission « Écologie ». En effet, plusieurs opérations se recoupent, notamment en ce qui concerne la régénération des réseaux ferroviaire et routier ou la mobilité douce. Cette problématique est renforcée par l'ampleur des reports de crédits constatés en 2021. Comment engagez-vous les crédits ouverts sur ces deux programmes ? Parvenez-vous à conjuguer ces budgets dans le cadre de vos opérations ? Un dispositif de suivi particulier de ces crédits a-t-il été mis en place ?

Le contrat d'objectifs et de performance de l'opérateur Voies navigables de France (VNF) a été signé le 30 avril dernier. Comment ce contrat doit-il permettre d'accélérer la régénération et la modernisation du réseau fluvial ? À quoi l'État s'est-il engagé au travers de ce contrat ? La très significative augmentation des investissements dans le réseau fluvial, soutenu à hauteur de 175 millions d'euros par le plan de relance, repose aussi sur une nette progression des ressources propres de l'établissement public. VNF sera-t-il en mesure d'accroître de façon suffisante ses ressources propres afin de soutenir le niveau d'investissement nécessaire ? Dans quelle mesure ces ressources propres sont-elles aujourd'hui affectées par la crise ?

M. Michel Canévet . - Le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières a mis en évidence que davantage de contrôles des sociétés concessionnaires étaient nécessaires. Quelles dispositions sont-elles mises en oeuvre par le Gouvernement en ce sens ? Ce rapport pointait également les profits très importants réalisés par ces sociétés, et suggérait que des discussions soient menées avec celles-ci afin de mettre en oeuvre des modulations des tarifs des péages, en tenant compte notamment des objectifs environnementaux que le Gouvernement s'est fixés. Qu'en est-il à ce jour ?

À l'automne dernier, il a été décidé de consacrer une enveloppe de 30 millions d'euros au net wage , dispositif qui permet la prise en charge par l'État des cotisations salariales des compagnies maritimes opérant sur des liaisons internationales. À ce jour, aucun versement n'a été effectué. Ces exonérations porteront-elles bien sur les dépenses engagées en 2020 et en 2021 ? Ne vous semble-t-il pas nécessaire de prolonger ce dispositif, dont je souligne qu'il est eurocompatible, ces sociétés étant fragilisées non seulement par la crise pandémique, mais aussi par le Brexit ?

M. Didier Rambaud . - En tant qu'élu rhônalpin, j'évoquerai pour ma part le Lyon-Turin. Dans quels délais les arbitrages relatifs au processus de phasage des voies d'accès françaises au tunnel seront-ils rendus ?

M. Jean-Marie Mizzon . - Vous avez indiqué qu'un important travail de concertation était mené avec les régions afin de permettre une meilleure articulation des TET avec les trains express régionaux, et donc, une meilleure qualité de service pour les usagers. Si cette initiative semble aller dans le bon sens, je regrette que la région Grand Est n'ait été citée qu'une fois dans la longue liste des lignes reprises. Qu'entendez-vous précisément sur le plan financier lorsque vous indiquez que vous souhaitez « recentrer l'offre de l'État » ? Qu'attendez-vous au juste du nouveau périmètre des régions ?

Je crois savoir que les AOM sont traitées différemment, en province, selon qu'elles sont des syndicats ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ces derniers étant beaucoup moins compensés que les syndicats. Est-ce exact ? Ne pourrait-on rééquilibrer les choses en faveur des EPCI, qui subissent de lourdes pertes ?

Pour aller de Metz à Lyon en train, voilà déjà quelque temps qu'il faut passer par Strasbourg ou par Paris. C'est un peu comme si, pour aller de Paris à Marseille, il fallait passer par Bordeaux ! Du coup, la route est bien plus compétitive. D'où la pertinence de l'ouverture prochaine de la ligne qui joindra Luxembourg, Metz et Lyon via Dijon.

M. Christian Bilhac . - Sur le ferroviaire, je rappelle l'urgence d'apporter le maillon manquant, entre Montpellier et Perpignan, de la ligne à grande vitesse vers l'Espagne. Il y a vraiment un entonnoir entre Montpellier et Perpignan ! En revanche, c'est un satisfecit pour la ligne Béziers-Neussargues, qui semble être sauvée grâce à un accord entre les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes et l'État. Tant mieux, car cette ligne désenclave des secteurs déshérités de ces deux régions.

Je suis un Français, et un Occitan. Je suis l'héritier de Blériot, de l'Aéropostale, de Mermoz, de Saint-Exupéry et de tant d'autres. Et j'en ai assez de l' aviation bashing qui sévit depuis quelque temps. Comme le train au XIX e siècle, l'aviation est aujourd'hui un facteur de développement. En tant qu'Occitan, je connais le poids économique et le nombre d'emplois que représente Airbus dans la région Occitanie. Vous avez du reste souligné à juste titre les progrès faits par l'aviation en matière de rejets de CO 2 , qui laissent présager un avion décarboné dans les années qui viennent, grâce à l'hydrogène.

Il y a quatre ans, en 2016, Air France inaugurait la navette entre Montpellier et Orly. Aujourd'hui, on supprime cette navette pour redonner cette liaison à Transavia. Cela donne l'impression d'une politique de gribouille de la part d'Air France. Sommes-nous en train de revivre la grande époque d'Air Inter ? L'État est devenu l'actionnaire principal d'Air France à la faveur du plan de relance et du soutien qu'il lui a apporté. Ne sommes-nous pas en train de faire fausse route en faisant de telles marches arrière ?

M. Claude Raynal , président . - Après une si brillante intervention, plus besoin de parler d'Occitanie ni d'aéronautique ! Reste une série de questions que m'a transmise Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial pour les crédits consacrés au transport aérien et président du groupe d'études sur l'aviation civile, retenu pour l'instant à la Présidence, et qui vous prie de l'en excuser.

La première question porte sur la soutenabilité du Bacea, et sur la mission confiée au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et à l'Inspection générale des finances (IGF) sur ce sujet. Disposez-vous de premiers éléments sur les pistes, les mesures ou les réformes qui pourraient émerger de ce travail ? Le Bacea présenté en loi de finances initiale en 2021 reposait sur des hypothèses de reprise du trafic trop optimistes par rapport au chiffre de 50 % que vous avez donné. Pouvez-vous nous éclairer sur les premiers éléments relatifs à l'exécution du Bacea en 2021, en termes de recettes, de dépenses et de recours à l'emprunt ?

La deuxième question porte sur le coût des dépenses de sûreté et sécurité aéroportuaires. Comme vous l'avez indiqué dans votre propos liminaire, les recettes ont baissé et des avances remboursables de taxes d'aéroport ont été nécessaires - elles ont été mises en place par l'État. Mais ce ne sont que des avances, et la question de leur remboursement ne va pas sans poser des difficultés. Avez-vous déjà travaillé sur des modalités de rattrapage ? Un lissage de 2024 à 2030 est-il toujours d'actualité ?

Une troisième question porte sur les performances de la direction des services de la navigation aérienne. Quelles sont les dernières avancées et les perspectives de modernisation, très attendues, des outils de contrôle de la navigation aérienne ? Quel est le bilan de la nouvelle gouvernance mise en place pour piloter ces programmes ?

Dernière question de notre collègue : la constitution de la filière de carburant d'aviation durable, ou SAF ( sustainable aviation fuel ), pour accompagner la transition écologique de l'aérien, est nécessaire en attendant la maturité des technologies de rupture, et peut-être pour les compléter, mais elle ne semble pas pouvoir se faire sans soutien public. Quel est votre avis sur le sujet ? Nous savons que vous portez cette question au niveau européen.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué . - La consommation des crédits de fonds de concours du programme 203 est de 91 % mais la consommation globale des crédits budgétaires du programme s'élève à 95 %, en retrait, certes, par rapport aux 99 % de 2019, ce qui s'explique très largement par le premier confinement et le ralentissement, voire l'arrêt pendant quelques semaines, de quelques grands travaux d'infrastructures - chose qui ne s'est pas reproduite pendant le deuxième confinement.

Plusieurs questions portaient sur VNF. Nous avons signé la convention d'objectifs et de performance, qui était très attendue, pour 3 milliards d'euros sur les dix prochaines années. Nous avons tenté d'approcher le sujet sous le même angle que pour les contrats petites lignes. D'abord, une très grande vétusté avait été observée sur l'aspect infrastructurel, qui imposait de faire des travaux de régénération sur le grand gabarit comme sur le plus petit gabarit, et sur différents ouvrages. Il fallait aussi une approche plus territorialisée, autour du second segment d'activité que constitue la plaisance. Nous avons donc travaillé sur une vraie politique de valorisation du patrimoine de VNF, avec une convention d'occupation de son domaine revue. VNF travaille avec les collectivités locales pour réexaminer son réseau touristique et va revoir les droits d'eau, de manière à maximiser ses ressources propres. Quand nous avons construit les contrats petites lignes, nous avons bien constaté que l'offre créait la demande : les travaux de régénération que nous faisions sur le réseau secondaire créaient des péages supplémentaires, et donc un accroissement de la ressource. La même logique s'applique dans le domaine fluvial.

Vous avez évoqué les sociétés concessionnaires d'autoroutes, j'ai eu l'occasion d'intervenir dans l'hémicycle, il y a quelques semaines, sur les suites données au rapport de la commission d'enquête dont le rapporteur était M. Delahaye. Beaucoup de choses ont été faites depuis 2015 : Autorité de régulation des transports, encadrement des surprofits... L'ensemble des contrats qui avaient été passés ont été approuvés par la Commission européenne, qu'on ne connaît pas pour particulièrement laxiste sur le sujet. Le cadre dont nous disposons aujourd'hui nous permet d'oeuvrer utilement avec les sociétés concessionnaires d'autoroute. J'en veux pour preuve le plan des 100 000 bornes que nous mettons en oeuvre, en partie sur le réseau routier non concédé opéré par l'État, et en partie sur le réseau routier concédé. Son objectif est d'installer plus de 100 000 bornes pour l'itinérance d'ici fin 2022, et il a été cofinancé par l'État, pour 100 millions d'euros, et par les sociétés concessionnaires.

Ainsi, d'ici à la fin de l'année, la moitié des aires de service seront couvertes par des bornes de recharge, sans augmentation de tarif ou allongement des durées de concession. C'est un bon exemple de partenariat entre les collectivités, la puissance publique au sens large, et les sociétés concessionnaires, dans le respect de l'État de droit, et des garanties qui ont été posées, ou renforcées, à compter de 2015.

Vous avez évoqué le net wage . Nous consacrons 20 millions d'euros cette année à la prise en charge des cotisations sociales salariales, ce qui est conforme au droit européen. Il y a un sujet de concurrence internationale. À mon sens, le Brexit aura plus d'impact sur le transport de marchandises que de passagers. Le net wage est un bon outil ; nous verrons s'il sera nécessaire de le pérenniser au-delà de la reprise - l'été nous éclairera sans doute. En tout cas, la régulation sociale du transport maritime est un vrai sujet européen, et nous portons une initiative, avec huit pays, sur le transport aérien et maritime. Dans le transport aérien, certaines choses sont devenues inacceptables : faux indépendants, pilotes qui paient pour voler... Il en va de même dans le transport maritime, avec l'optimisation des pavillons et la non-régulation sociale sauvage. C'est un vrai sujet politique au niveau européen, sur lequel nous espérons aboutir à des résultats concrets avant même la présidence française de l'Union européenne.

J'ai dit ce matin à l'Assemblée nationale que la ligne Lyon-Turin n'est plus un projet, mais déjà un chantier, puisque des travaux sont en cours : 30 kilomètres sont d'ores et déjà creusés sur les 162 kilomètres de tunnel de base. Il faudra bien articuler les accès avec les lignes existantes. Nous avons obtenu de la Commission européenne un cofinancement à hauteur de 55 %, au lieu des 40 % proposés. Cet été, la France fera la demande pour être au rendez-vous. De l'autre côté des Alpes, l'État italien soutient désormais le projet, ce qui n'a pas toujours été le cas. En tout cas, l'engagement de la France en la matière est total.

Le corridor Metz-Lyon a été étudié très précisément en raison de sa capacité à fournir des liaisons plus directes. Les associations locales sont extrêmement actives et très convaincantes. Avec un nouveau modèle économique, de nouvelles générations de matériel roulant, et un travail de fond sur le réseau, nous pensons que les choses peuvent se dérouler un peu différemment de ce qui a prévalu jusqu'à présent.

S'il y a encore quelques petits trous à combler, nous avons traité de la même manière les AOM qui exercent en régie ou délégation de service public pour ce qui concerne les pertes de recettes. Effectivement, dans certains cas, il y a des effets de bord sur la compensation entre une collectivité, qui peut avoir d'autres recettes dynamiques, et des syndicats mixtes. Les pertes ont été relativement modestes, mais ce sujet, réel, doit encore être traité dans les prochains textes budgétaires, car il a un impact sur les territoires.

Pour la ligne Montpellier-Perpignan, les actes vont être posés, puisque nous visons une déclaration d'utilité publique d'ici à la fin d'année. Concernant le train de l'Aubrac, je me félicite aussi que l'accord signé avec les régions préserve une ligne qui est utile et belle.

Vous avez évoqué l' aviation bashing . Il faut savoir prendre un peu de recul... ou de hauteur ! Il s'agit souvent de paroles très sonores, mais qui sont le fait d'une minorité. Le secteur a très bien réagi, par l'optimisme et par l'innovation, et il a déjà fait quelques preuves. J'en veux pour exemple le vol Paris-Montréal qui, la semaine dernière, est parti en emportant 16 % de biocarburant, en lien avec Total. C'est déjà beaucoup, mais on pourra faire encore mieux avec des huiles de cuisson usagées. Il s'agit d'une génération de biocarburants qui ne concurrence pas les productions agricoles, mais recycle des matières usagées et sont totalement compatibles avec les exigences de sécurité. Les moteurs actuels peuvent emporter jusqu'à 50 % de biocarburant, et des travaux en cours, menés notamment par Airbus, examinent les conditions pour emporter 100 % de biocarburant.

La recomposition post-crise du groupe Air France-KLM se poursuit. Air France se retire parfois de lignes pour des raisons de modèle économique, et y insère sa filiale Transavia, détenue à 100 % par le groupe. Nous le faisons en lien avec les territoires : j'anime un comité ministériel qui s'intéresse aux dessertes, et nous réunissons les élus, Air France, ses filiales et l'ensemble des acteurs concernés pour préserver une desserte de qualité.

Concernant la soutenabilité du Bacea nous aurons un retour de la mission à l'été. La première option est d'accélérer les investissements, à un moment où la transformation du secteur se fait à la fois de la façon la plus dynamique possible : comme dans l'automobile, la très grande crise économique que nous vivons est l'occasion de la plus grande transformation technologique. Il importe donc de ne pas caler sur les investissements, tout en travaillant sur la maîtrise de la masse budgétaire, dans un contexte où il est bien difficile d'anticiper - je le dis en toute humilité.

Nous essayons d'avoir une fin de printemps réussie et un été correct. Nous anticipons la possibilité - certes, tout cela reste à construire - d'ouvrir quelques destinations, en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique, notamment en Afrique du Nord, voire en Asie du Sud-Est et en Australie. Nous le savons, le marché chinois restera pour l'instant très largement fermé aux compagnies européennes du fait de la politique sanitaire extrêmement stricte de ce pays. Le retour du trafic pendant l'été ne sera donc pas à 100 %.

La reprise sera sans doute beaucoup plus structurelle que l'été dernier - la fréquentation n'avait pas été mauvaise, mais elle avait plafonné en septembre du fait de l'anticipation de la deuxième vague -, grâce à la vaccination et à la résilience des opérateurs. Ces derniers ont été très largement soutenus par l'État.

Nous avons fait bénéficier les exploitants aéroportuaires de différentes avances pour assurer leurs investissements dans les missions de sûreté et de sécurité.

Pour les programmes de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), l'heure est à l'accélération des investissements, avec une nouvelle gouvernance. Ces programmes d'investissements permettront d'améliorer la régularité et la performance environnementale, je pense notamment aux descentes continues et aux routes plus directes. Nous savons que nous tenons là un gisement d'environ 10 % de performance économique et environnementale. Nous demandons ce travail à la DSNA et nous le suivrons avec beaucoup de vigilance.

Les carburants durables d'aviation (SAF) sont un sujet très important. Nos différents interlocuteurs ont démontré la semaine dernière que cette voie était technologiquement possible. Il y a effectivement une problématique tarifaire : un biocarburant comme celui qui a été utilisé alors coûte quatre fois plus cher qu'un carburant classique. Il faut massifier l'offre et organiser les soutiens publics et la régulation.

La France a formulé des propositions à l'échelon européen sur l'incorporation des biocarburants : 1 % en 2022, 2 % en 2025 et 5 % en 2030. C'est certainement trop modeste par rapport à l'enjeu économique et industriel. Nous devons être beaucoup plus volontaristes. Je défendrai cette position au sein du conseil des ministres des transports de l'Union européenne. Il y a évidemment un sujet sous-jacent sur le niveau de soutien public pour accélérer cette transition énergétique.

M. Claude Raynal , président . - Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses précises. Au-delà de l'analyse des comptes pour 2020, nous avons eu une vision prospective pour l'année en cours et les années à venir. L'intérêt des membres de notre commission pour les problématiques de transport et leur déclinaison territoriale ne vous aura sans doute pas étonné.

II. AUDITION DE MME BARBARA POMPILI, MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE (26 MAI 2021)

Réunie le mercredi 26 mai 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, sur l'exécution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », et les comptes d'affectation spéciale « transition énergétique » et « financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ).

M. Claude Raynal , président . - Nous avons le plaisir de recevoir Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, afin d'évoquer l'exécution budgétaire en 2020 des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et des comptes d'affectation spéciale « Transition énergétique » et « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ).

Vous allez pouvoir revenir, madame la ministre, sur les crédits alloués à l'une des priorités stratégiques du Gouvernement qu'incarne votre ministère en abordant les programmes de la mission relatifs au paysage, à l'eau et à la biodiversité - programme 113 -, à l'énergie, au climat et à l'après-mine - programme 174 -, à la prévention des risques -programme 181 -, au service public de l'énergie - programme 345 -, à l'expertise, l'information géographique et la météorologie - programme 159 -, ainsi qu'à la conduite et au pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durable - programme 217.

Vous pourrez également répondre à nos questions s'agissant de la suppression, à la fin de l'année 2020, du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », dont les crédits sont désormais budgétés au sein de la mission.

Nous pourrons aussi revenir sur l'articulation des crédits de la mission avec ceux alloués au sein de la mission « Plan de relance », qui comporte un programme dédié à l'écologie.

Je rappelle que cet échange s'inscrit dans un cycle d'auditions ministérielles organisées par notre commission dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes de l'année 2020. Vous pouvez constater que nous avons centré ces questions sur les sujets réellement liés à l'environnement, à l'écologie et à la transition écologique de manière générale.

La semaine dernière, nous avons entendu Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement et, hier, M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports.

L'examen de l'exécution effective des crédits revêt pour nous un intérêt tout particulier, car il permet de nous informer sur l'utilisation des crédits votés par le Parlement et nous offre une visibilité sur les perspectives budgétaires à venir.

Cet exercice est d'autant plus important cette année que l'exécution 2020 de la mission a été très marquée par la crise sanitaire. La mission « Écologie » a en effet été particulièrement concernée par des ouvertures de crédits au cours de l'année 2020 dans les différents projets de loi de finances rectificative, notamment le troisième, pour près d'un milliard d'euros, sur lequel nous pourrons revenir.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique . - Je suis très heureuse de répondre à votre invitation à venir présenter les crédits de mon ministère.

Vous le savez, nous avons engagé une transformation profonde du pays pour le rendre plus écologique, plus résiliant et apte à faire face aux immenses défis de notre siècle. Nous parlons des piliers de notre société, de l'énergie, de la biodiversité, de la prévention des risques.

Mon ministère a cette tâche singulière d'être le gardien du temps long, d'être celui qui conserve, malgré les tourments de l'époque, le cap fixé vers l'avenir en se donnant les moyens d'agir aujourd'hui.

Dès le début de la crise sanitaire, l'État a mobilisé des moyens sans précédent pour répondre à l'urgence, via des aides exceptionnelles, mais a dans le même temps cherché à faire en sorte de transformer l'économie pour la rendre plus écologique et plus résiliente. C'est cette responsabilité que je porte devant vous aujourd'hui.

Je sais - vous l'avez rappelé, monsieur le président -, que vous avez déjà auditionné mes collègues des transports et du logement. Je vais donc éviter les répétitions, mais je voudrais vous dire en quelques mots que le budget de mon ministère a connu une importante évolution de périmètre en juillet dernier, avec l'insertion du logement dans ses prérogatives. Ce sont 14,4 milliards d'euros qui viennent s'ajouter aux crédits de paiement prévus en loi de finances. Au total, de la loi de finances initiale aux lois de finances rectificatives, mon ministère est doté de 50,7 milliards d'euros pour conduire ces politiques.

Bien sûr, cet exercice budgétaire est éminemment différent des autres. Je ne crois pas qu'on ait vu, de mémoire de comptable public, quoi que ce soit qui puisse s'en approcher de près ou de loin.

Depuis le premier jour de cette crise sanitaire, mon ministère et ses agents sont au rendez-vous pour garder le pays debout malgré les confinements, limiter les impacts de la crise dans nos vies, relancer le pays et le tourner vers l'avenir.

3,8 milliards d'euros ont été ouverts en cours d'année pour accompagner les ménages, en suscitant la demande pour la transition écologique, qu'il s'agisse des enveloppes exceptionnelles pour la prime à la conversion et le bonus que nous avons mis en place dès juillet, et qui ont permis de voir la part de l'électrique tripler, ou du lancement, en 2020, de Ma Prime Rénov', qui permet aux Français de s'engager dans la voie de la rénovation de leur logement pour le rendre plus sobre, plus économe et plus écologique.

Ces dépenses exceptionnelles de temps de crise servent aussi à renforcer le soutien aux énergies renouvelables en venant compenser la baisse très temporaire des prix de l'énergie consécutive à la crise sanitaire. Nos dispositifs ont permis de soutenir les producteurs d'énergie renouvelable. Pour eux, nous avons ouvert 462 millions d'euros supplémentaires.

Tenir face à la crise, c'est aussi assurer la résilience de mes services. Les établissements publics relevant de mon ministère ont perdu une part importante de leurs recettes propres et ont pu compter sur le soutien de leur tutelle. C'est ma responsabilité en tant que ministre et, là aussi, je l'assume entièrement.

Bien sûr, jamais, malgré cette crise, malgré cette situation inédite et sidérante, nous ne nous sommes détournés des réformes structurelles des services. La consommation du plafond et l'exécution du schéma d'emplois sont tous deux conformes à ce qui nous était fixé. Les services déconcentrés poursuivent leurs évolutions, en Île-de-France comme en Corse, et nous préparons la réforme des fonctions support et, parce que la maison écologie se doit d'être exemplaire, nous avons pris à bras-le-corps le plan « service public écoresponsables ».

Vous le voyez, nous n'avons rien lâché de notre ambition réformatrice, et l'année 2020 a été l'occasion de poursuivre une gestion saine en apurant plusieurs dossiers qui attendaient depuis trop longtemps. Je pense aux dettes fiscales de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), au solde des financements de l'enveloppe spéciale de transition écologique, ou encore à l'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble du Signal.

Je vous disais tout à l'heure que mon ministère a cette tâche à part de conduire le pays dans sa plus grande transformation depuis la révolution industrielle. C'est exactement ce que nous avons fait tout au long de l'année dernière, malgré la crise.

L'année 2020 a été particulièrement riche pour les politiques de mon ministère. Je pense d'abord au fil rouge de l'année, la Convention citoyenne pour le climat. Je pense aussi au plan de relance historique - vous l'avez mentionné, monsieur le président -, que nous avons lancé avec 30 milliards d'euros, dédié au verdissement de notre économie et à la sortie de crise par le haut, ou à la transformation de l'ADN du pays pour reconstruire en faisant le pari de l'avenir et le choix de l'écologie.

Les toutes premières mesures ont été engagées dès 2020, qu'il s'agisse des aides à l'acquisition de véhicules, des appels à projets pour la rénovation écologique des bâtiments de l'État ou pour la décarbonation de l'industrie.

À côté de ces deux grands marqueurs de l'année 2020, nous avons poursuivi partout, en tout temps, en tous lieux, notre mission de transformation, peut-être moins dans la lumière qu'un plan de relance ou qu'une convention démocratique inédite, mais toujours avec la même ambition et la même détermination.

Oui, cette année 2020 nous a permis d'avancer dans la protection de la biodiversité en créant enfin l'Office français de la biodiversité, en ouvrant le onzième parc national et deux nouveaux parcs naturels, en mettant fin à la présence de faune sauvage dans les cirques et en réduisant les captures de cétacés, en améliorant la prise en compte des écosystèmes dans l'installation des éoliennes au sol.

Tout cela, c'est la marque d'une société qui change à grande vitesse, qui évolue, qui dépasse le seul stade de la prise de conscience de la fragilité du vivant pour se mettre en ordre de bataille et la protéger partout.

Cette année, nous avons également avancé sur la prévention des risques qui pèsent sur la santé de nos concitoyens, ceux liés au plastique d'abord, dont chacun de nous ingère l'équivalent d'une carte bleue de 5 grammes chaque semaine. Avec la promulgation de la loi anti-gaspillage et de ses textes d'application, nous sommes dans la voie pour mettre un terme au plastique à usage unique.

Prévenir les risques sur la santé des Françaises et des Français, c'est aussi leur assurer à tous le droit à un air de qualité. 40 000 décès sont dus à la pollution de l'air chaque année en France. Personne ne peut s'y résoudre, et nous allons mettre progressivement en place 35 zones à faible émission (ZFE).

Pour mieux prévenir les risques naturels - sécheresse, inondations -, nous avons lancé le supercalculateur de Météo-France et, pour les Alpes-Maritimes, qui ont tant souffert des inondations, je vous confirme à nouveau que l'État sera présent aux côtés du territoire et de ses habitants.

Avec le fonds Barnier, nous allons racheter les biens situés dans des zones jugées trop dangereuses, biens qui ont été trop durement impactés, ou encore financer la reconstruction d'habitations plus résilientes lorsque c'est pertinent.

Les dispositifs que vous avez votés en loi de finances l'année dernière le permettront. Nos premières estimations indiquent un coût total de l'ordre de 120 millions d'euros. Elles pourraient être affinées au cours de la poursuite des diagnostics.

Cette année, nous avons également pu mettre un grand coup d'accélérateur sur la transition énergétique du pays, bien sûr avec l'adoption des grandes trajectoires et du cadre d'action que représentent la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la nouvelle stratégie nationale bas-carbone (SNBC), mais aussi avec la fermeture de Fessenheim et la signature des conventions d'accompagnement avec les collectivités territoriales.

En matière de transition énergétique, il faut bien sûr mentionner la création de Ma Prime Rénov'. 190 000 dossiers ont été déposés dès la première année. Il faut également citer la prime à la conversion exceptionnelle, le dispositif Coup de pouce vélo, qui a remis plusieurs millions de nos concitoyens en selle. C'est toujours le même esprit de solidarité, d'entraide et d'accompagnement qui a présidé au chèque énergie venant aider 5,5 millions de bénéficiaires à payer leurs factures.

Vous le voyez, cette année a été riche, dense, exigeante et ambitieuse. Nous avons tenu bon, nous avons avancé avec détermination et ambition. C'est bien sûr le fruit de l'effort budgétaire sans précédent, du travail des femmes et des hommes de mon ministère, qui portent au quotidien cette bataille pour l'avenir de notre planète et de notre pays - et je suis très fière d'eux.

Vous le savez, je suis personnellement attachée au contrôle parlementaire sur l'exécutif. L'évaluation fait partie des moments forts qui fondent le pacte de confiance qui nous lie. Je suis donc très heureuse d'être avec vous aujourd'hui.

Je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

M. Claude Raynal , président . - Merci d'avoir fait une synthèse de 50 milliards de dépenses. Sans plus attendre, je donne la parole au rapporteur général.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Madame la ministre, je vous sens en pleine euphorie : une année riche, dense, exigeante, ambitieuse, un pays qui connaît sa plus grande transformation depuis la révolution industrielle, où l'on décarbone l'industrie : c'est un vrai bonheur vert ! Je ne comprends pas que les Français n'éprouvent pas le même engouement ni le même enthousiasme que celui que vous manifestez !

Mon unique question portera sur Ma Prime Rénov', mise en place en 2020 en faveur des ménages modestes. Elle a remplacé partiellement le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Un peu moins de 400 millions d'euros avaient été alors inscrits à ce titre dans le programme 174. On a, en cours d'année, avec le PLFR 3, ajouté 100 millions d'euros pour ce dispositif, puis, par décret, le 7 août 2020, 85 millions d'euros de crédit provenant de l'ANAH s'y sont ajoutés.

Dans le quatrième PLFR de novembre 2020, vous avez annulé les crédits compte tenu de la sous-consommation anticipée de la prime. En effet, sur les 575 millions d'euros ouverts en 2020, 450 millions d'euros seulement ont été consommés. Cette diminution de crédits résulte-t-elle de la crise sanitaire et des effets du confinement, ou s'agit-il de difficultés de pilotage ?

En 2021, la prime est généralisée. Elle est assise sur la mission « Écologie » pour près de 750 millions d'euros, et sur le plan de relance pour 2 milliards d'euros, dont 910 millions d'euros d'autorisations de crédits de paiement.

Comment envisagez-vous l'ouverture des crédits sur ces deux programmes ? Où en est-on dans la consommation des crédits ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - Tout d'abord, nous sommes dans un moment de bascule et construisons quelque chose dans une période assez morose. Nous subissons un certain nombre de crises : sanitaire, économique, sociale. Beaucoup s'inquiètent de la crise écologique qui se manifeste déjà de nombreuses manières. Mon travail - notre travail à tous - est de redonner des perspectives et de l'espoir. La transition écologique est pour moi un défi que nous devons relever.

Si nous le faisons, nous pouvons créer de la croissance économique, du développement, des emplois, et redonner un peu de sens à ce que nous sommes en train de faire. La quête de sens est très importante.

Ma Prime Rénov' a effectivement connu un énorme succès. Nous réfléchissons d'ailleurs à la manière dont nous allons la poursuivre, puisque les crédits prévus notamment dans le cadre du plan de relance vont certainement être utilisés dès la première année du fait de la très forte demande.

Cet instrument fonctionnant bien, on a fait évoluer son financement. Jusqu'à présent, on finançait Ma Prime Rénov' via des subventions à l'ANAH, en autorisations d'engagement. On en a besoin avant les crédits de paiement. Auparavant, on avait des crédits de paiement équivalents, et cela faisait trop de trésorerie pour l'ANAH.

Au total, on est entre 700 000 et 800 000 primes cette année, alors que 500 000 étaient prévues. Plus de 250 000 sont déjà engagées, plus que sur toute l'année 2020. On a ce qu'il faut grâce au crédit du plan de relance, et nous allons réfléchir à la façon de continuer à aider les personnes qui font appel à cette prime, dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, que vous allez examiner dans les semaines qui viennent. L'« accompagnateur Rénov' » va permettre de réorienter les aides vers des rénovations complètes.

Elles ont ceci d'intéressant qu'elles permettent aux logements d'améliorer leurs performances énergétiques. L'argent engagé sera donc de l'argent bien utilisé et utile non seulement pour le bien-être de nos concitoyens, mais aussi pour la transition écologique.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Madame la ministre, le ministère respecte peu ou prou son schéma d'emplois d'année en année. Le plafond d'emplois est ainsi passé de 42 257 ETPT en 2016 à 38 350 en 2020. Une difficulté se pose cependant lorsqu'on examine la qualification de ces emplois. On constate en effet qu'il y a eu moins de recrutements de catégorie A que prévu et, à l'inverse, plus de recrutements de catégories B et C.

Gérer la transition écologique nécessite un certain nombre de compétences. En tout cas, c'est ce que l'on nous vend lorsqu'on nous dit que la transition écologique va apporter des emplois formés, qualifiés et contribuer à la croissance.

La Cour des comptes a relevé cette difficulté et a recommandé la mise en place d'un plan ministériel de gestion prévisionnelle des ressources humaines. Quelle suite allez-vous donner à ces recommandations ?

Concernant le programme 345, la Contribution au service public de l'électricité (CSPE) constitue un contentieux lourd en nombre de dossiers. Une action a été ouverte en 2020 à ce sujet. On observe que la consommation des crédits est faible. On parle de peu de crédits, mais de beaucoup de dossiers. L'enjeu financier va bien au-delà des crédits inscrits pour 9 millions d'euros en 2020. Ceux-ci ont atteint 1,3 million d'euros. S'agit-il d'un retard dans la mise en oeuvre des opérations de recouvrement ? Avez-vous une vision sur le coût total des remboursements liés à ce contentieux ?

Par ailleurs, dans le domaine de l'énergie, la demande d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) exprimée lors du guichet de novembre 2020 pour 2021 était de 146 TWh. La loi a arrêté un plafond maximum de 150 TWh, mais un arrêté de 2018 le fixe à 200 TWh. Les demandes d'ARENH sont donc très supérieures à ce que prévoient les guichets. Que comptez-vous faire pour faire évoluer le niveau du plafond, notamment dans le cadre de la réorganisation du groupe EDF ?

D'autre part, vous avez évoqué la politique du ministère en faveur de la biodiversité. Pouvez-vous confirmer que la France accueillera bien le congrès mondial de la nature, en septembre prochain, à Marseille ?

Par ailleurs, le report de la fin de l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier (GNR) a été annoncé pour la troisième fois. Comment vivez-vous cette annonce ? On a le sentiment que l'économie l'a emporté sur l'écologie. Doit-on en déduire que la décision sera finalement enterrée ? Quel signal cela envoie-t-il à quelques jours du début des débats sur la loi Climat et résilience au Sénat ?

Enfin, un quotidien a titré sur le grand succès des primes à la conversion et du bonus que vous nous avez rappelé. Il en tirait la conclusion que le mécanisme allait s'arrêter de lui-même, faute de crédits. Or un projet de loi de finances rectificative va être déposé bientôt sur le bureau des assemblées. J'ai cru comprendre que les arbitrages à l'intérieur de la ventilation des crédits qui allaient être ouverts n'étaient pas arrêtés.

Pouvez-vous nous dire si des crédits seront ouverts ou non pour que l'engouement qu'ont connu le bonus et la prime à la conversion puisse perdurer, l'ensemble du parc n'étant pas encore converti ?

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Madame la ministre, j'ai noté avec plaisir que le Cerema avait été soutenu à hauteur de 2 millions d'euros pour compenser une part de la diminution de ses ressources propres. Pouvez nous éclairer sur les perspectives de cet établissement, qui a été jusqu'à présent beaucoup sollicité financièrement ? Peut-on espérer une pause à l'avenir dans la trajectoire budgétaire drastique avec laquelle le Cerema compose depuis plusieurs années ?

En second lieu, la perspective de l' open data touche en particulier l'Institut géographique national (IGN) et Météo-France. Cela va générer des dépenses nouvelles et de moindres recettes pour ces établissements. Envisagez-vous un accompagnement financier, lesdits établissements, outre les réductions budgétaires qu'ils subissent, devant faire face à cette évolution logique, mais qui pose question financièrement ?

Enfin, s'agissant de Météo-France, la rationalisation importante de son réseau a fait débat dans les territoires. Il semble qu'une pause soit envisagée. Pouvez-vous nous le confirmer ? Le nouveau supercalculateur a été mis en service cette année. On sait tous que la question de la puissance de calcul est un élément essentiel pour la prévision météo. Il ne faut pas que la France décroche en Europe de ce point de vue !

À peine ce nouveau calculateur a-t-il été mis en place qu'il faut déjà réfléchir au suivant, les échéances se rapprochant. Nos amis Britanniques disposent d'un calculateur très puissant. La question se pose du financement d'un nouvel accroissement de la puissance de calcul de Météo-France. Quelle est votre vision sur le sujet ? Nous savons que l'investissement sera plus important que les 144 millions dépensés pour l'actuel supercalculateur.

Enfin, Météo-France est dotée d'un contrat budgétaire, particularité semble-t-il jugée utile par la direction du budget et par l'établissement. Ce modèle vous paraît-il pouvoir être reproduit à l'avenir ?

M. Hervé Maurey . - Madame la ministre, s'agissant de la rénovation énergétique, un rapport publié le 19 mai par l'Observatoire national de la rénovation énergétique souligne qu'environ un quart des travaux intervenus dans un peu plus de 3 millions de foyers n'ont pas apporté de gain énergétique voire, dans certains cas, auraient aggravé la consommation énergétique.

On ne sait ce qui était financé par des concours publics. Avez-vous des éléments sur ce point ?

Au-delà, existe-t-il un suivi de l'efficacité des aides publiques qui sont déployées en faveur de la rénovation énergétique ?

Par ailleurs, les certificats d'économie d'énergie (CEE) représentent aujourd'hui un budget de l'ordre de 4 milliards d'euros, c'est-à-dire bien plus que l'ensemble des crédits budgétaires. Je rappelle que ce sont des crédits hors budget. Il y a souvent eu, dans le passé - et il y en a encore aujourd'hui - des critiques par rapport à l'opacité du système. Des fraudes ont été mises en évidence dans certains rapports. Avez-vous des projets en la matière pour rendre le système plus vertueux ?

S'agissant des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), à la suite du rapport de la commission d'enquête chargée d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, votre prédécesseur avait annoncé la création de 50 postes d'inspecteurs.

Dans la loi de finances pour 2020, seulement 30 postes ont été créés et 20 devraient l'être en 2022, selon les annonces de l'époque. Qu'en est-il ?

Enfin, une note publiée fin avril par la direction générale du Trésor estime, je cite, « que les automobilistes ne payent pas le juste prix de leur circulation, à part sur les autoroutes et en milieu rural » et qu'« une tarification plus adaptée, notamment dans les zones urbaines et sur les autoroutes nationales devrait être envisagée ». Cela signifie-t-il que l'on peut imaginer de nouvelles taxations des automobilistes ?

M. Claude Raynal , président . - Madame la ministre, vous avez la parole.

Mme Barbara Pompili, ministre . - Madame Lavarde, vous m'avez posé des questions sur le schéma d'emplois. Celui qui était prévu était de - 762 ETP. Il a été respecté, s'établissant à - 775 ETP, soit une sur-exécution de 13 ETP. Quant au plafond d'emplois, il était de 38 511 ETP. Il s'établit en exécution à 38 350, soit 151 emplois de moins que prévu.

Le sujet est complexe. On a poursuivi les réformes en redéployant des effectifs sur des priorités. Une revue des missions est en cours pour étudier les priorités et réorienter les personnels du ministère.

S'agissant des différentes catégories, la baisse est de 63 personnes pour la catégorie A, de 381 personnes pour la catégorie B, et de 331 personnes pour la catégorie C. La baisse des personnels de catégorie A est donc moins importante que celle des personnels de catégories B et C. Nous sommes en train de réaliser un effort de requalification. Nous travaillons sur les formations au sein du ministère pour apporter des qualifications adaptées aux priorités.

On veut aussi faire en sorte que la présence sur le terrain des agents du ministère soit plus visible afin de réaliser un travail de lien et éviter des incompréhensions vis-à-vis de l'action du ministère.

Des missions très larges ont par exemple été confiées par le législateur à l'Office français de la biodiversité (OFB). Elles vont de l'information à l'assistance aux différents acteurs, en passant par le contrôle.

Si on n'y prend garde, on risque de ne leur faire réaliser que du contrôle, ce qui peut forcément créer des tensions sur le terrain, alors que le travail qu'ils ont pu effectuer auprès des agriculteurs et des élus peut permettre d'éviter des contrôles et des sanctions. Ce travail de revue des missions est un travail de long cours, dont nous vous rendrons évidemment compte lorsqu'il aura produit ses effets.

Aujourd'hui, les personnels du ministère réalisent d'importantes tâches de réorganisation pour mieux adapter leur offre aux besoins qui existent.

S'agissant de la question du service public de l'énergie et, d'une manière générale, des contentieux CSPE, les dépenses étaient liées aux frais de gestion de ces contentieux. Sur la CSPE, on est à 2,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 1,3 million d'euros en crédits de paiement. Nous travaillons avec les acteurs pour que les choses se passent au mieux. C'est un peu compliqué et tendu.

Quant à l'ARENH, c'est un sujet sur lequel nous devons prendre un certain nombre de décisions. On ne peut modifier le plafond, car il faut l'accord de la Commission européenne pour le faire. Nous sommes aujourd'hui en négociation plus large sur la réorganisation d'EDF. Nous espérons qu'elle aboutira dans les plus brefs délais. Elle aura des conséquences sur l'ARENH et sur nos contentieux en matière hydroélectrique.

Je peux difficilement vous en dire plus tant que ces discussions n'ont pas abouti. Si nous réorganisons EDF, l'ARENH sera remplacé par un autre système, qui est en cours de calage. C'est très frustrant de ne pouvoir vous en dire plus.

Je vous confirme que le congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se tiendra bien à Marseille du 3 au 11 septembre prochains. Nous avons réussi à trouver un système où une partie sera dématérialisée, mais ou une autre, plus importante, aura lieu en présentiel. Nous en sommes tous heureux. Ce sera un événement et un jalon important pour la COP 15, qui aura lieu en Chine un peu plus tard. C'est le moment de montrer ce que la France fait. Marseille sera une belle vitrine pour la transition écologique.

Concernant le gazole non routier, le principe est de ne pas abaisser l'ambition écologique de notre pays. J'insiste beaucoup là-dessus. On a aujourd'hui peu d'alternatives sur les chantiers en termes de matériels, et on travaille pour faire émerger d'autres possibilités pour les professionnels. C'est pourquoi nous maintenons la mesure de suramortissement. Nous souhaitons que 40 à 60 % des engins utilisent des carburants alternatifs. C'est une adaptation. Les travaux publics ont connu la crise et enregistré une baisse de 12 % d'activités en 2020. Voilà pourquoi nous mettons en place cette mesure, mais cela ne change rien à notre ambition ni à ce qu'on va mettre en place dans la loi Climat et résilience, qui concerne il est vrai la TICPE sur le gazole routier du transport de marchandises. Nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.

S'agissant du bonus écologique et de la prime à la conversion, on a assez de crédits pour financer toutes les demandes en 2021. Le retour d'expérience démontre que le bonus fonctionne bien, la prime à la conversion un peu moins. À ce stade, cela équilibre les crédits que nous avions mis en place.

Depuis le 1 er janvier 2018, on est à 818 000 primes à la conversion et à 312 000 bonus. Nous avons réussi à tripler la part de ventes de véhicules électriques en France l'année dernière, ce qui est assez exceptionnel, mais cela montre aussi qu'on est sur une tendance lourde, dans laquelle les constructeurs français ont d'ailleurs décidé d'investir beaucoup.

Cela entraîne un certain nombre de conséquences qu'il va falloir anticiper, car passer du thermique à l'électrique touche certains bassins d'emplois. Les besoins ne sont pas les mêmes, le nombre d'emplois non plus. Nous réfléchissons au travail sur les territoires pour que tout cela puisse devenir une chance, notamment grâce aux mesures que nous mettons en place pour favoriser l'implantation d'usines de batteries.

Nous travaillons également sur des énergies alternatives comme l'hydrogène et sur une plus grande utilisation de nos ressources pour développer l'autonomie de nos territoires.

Nous allons évidemment poursuivre ces aides pour changer de véhicule, notamment en en améliorant certaines dans le cadre des zones à faibles émissions (ZFE), auxquelles nous prêterons une attention plus particulière. Celles-ci ne doivent surtout pas empêcher la mobilité, que ce soit celle des particuliers ou des professionnels. Je pense par exemple aux camionnettes des artisans. Nous travaillons sur une prime à la conversion qui pourrait être recalibrée pour s'adapter à leurs besoins.

Monsieur Capo-Canellas, concernant le Cerema, la crise sanitaire a constitué un lourd facteur d'insécurité pour l'activité des opérateurs à cause du décalage ou de l'annulation des lancements de prestations qui étaient prévues et des difficultés de réalisation de certaines dues aux contraintes sanitaires.

Le suivi très serré des opérateurs qu'on a organisé en début de crise a mis en évidence une chute des ressources propres. Il a été décidé, en septembre, de lever la réserve du programme. C'est dans ce contexte que le Cerema a obtenu un soutien à hauteur de 2 millions d'euros en 2020.

Il s'avère finalement que, pour le Cerema comme pour d'autres opérateurs sous ma tutelle, l'impact du Covid en 2020 s'est traduit par une chute de ressources propres moins importante qu'initialement prévu, en raison essentiellement d'une reprise des commandes sur la fin de l'année et d'une très forte mobilisation des personnels.

La crise du Covid n'étant pas close, la situation reste évidemment évolutive. On s'attache donc à poursuivre un pilotage très resserré de la situation budgétaire.

S'agissant de la question de l' open data , je suis particulièrement sensible au modèle économique des établissements sous la tutelle de mon ministère, dans la mesure où l'ouverture des données publiques et leur gratuité de réutilisation impliquent une diminution de leurs ressources propres. Nous avons réalisé un effort considérable de modernisation des structures à tous les niveaux en termes d'organisation des méthodes de travail, tant à l'IGN qu'à Météo France. Le rythme de ces transformations a été très rapide.

En ce qui concerne l'IGN, mes services ont accompagné étroitement l'institut dans un important travail de réflexion qui conduit à repenser sa stratégie dans le monde numérique, ainsi que son modèle économique. Ce modèle s'inscrit dorénavant résolument dans la politique gouvernementale d'ouverture des données publiques. Je souhaite que l'IGN en devienne un acteur majeur. Il est en bonne voie pour le faire, comme en témoigne l'ouverture totale de ses données depuis le 1 er janvier 2021.

Cette transformation économique du modèle de l'IGN repose également sur le déploiement d'une géoplateforme de l'État, qui sera animée par l'institut. Je suis particulièrement sensible à ce projet, qui me paraît très intéressant et qui a bénéficié, dès 2020, de mesures financières d'accompagnement.

Ce n'est pas tout à fait la même chose pour Météo-France, qui dispose encore de redevances qui devraient s'éteindre en 2023. L'enjeu pour Météo-France est d'investir dans la mise à disposition de ces données. Cet investissement pourrait être en partie couvert par l'État.

Vous m'avez également parlé du supercalculateur. Météo-France vient d'en rendre deux nouveaux opérationnels, qui devront être renouvelés à l'horizon 2025, compte tenu du rythme d'obsolescence de ce type d'équipement. S'ils présentent un investissement lourd, ils constituent clairement un intérêt pour la collectivité, et notamment dans la période de changement climatique que nous connaissons, qui amène des modifications très rapides et très importantes du climat.

L'évaluation socio-économique menée en 2018 pour préparer l'acquisition des équipements actuels a montré un rapport bénéfice-coût de l'ordre de 12 pour les sommes investies. En pratique, cela se traduit par une meilleure anticipation des intempéries, qui permet d'en limiter les dommages, une optimisation de la gestion des barrages hydroélectriques ou encore un éclairage des décisions sur les stratégies d'adaptation au changement climatique.

Après 2025 et la fin de l'exploitation de l'équipement actuel, une hausse supplémentaire de puissance est à l'étude. Continuer à progresser dans l'anticipation de phénomènes dangereux est en effet primordial, en particulier dans le contexte du changement climatique dont j'ai parlé. La démarche a d'ores et déjà été lancée par l'opérateur. L'étude socio-économique est en cours. Son rendu est attendu pour le second trimestre 2021.

J'ai demandé à mes services d'accompagner Météo-France dans cette réflexion. L'investigation autour de solutions de mutualisation avec d'autres calculateurs, par exemple pour la recherche, en fait également partie.

Enfin, vous m'avez interrogée sur le contrat budgétaire de Météo-France. Ça a été le premier contrat hors Bercy, ce qui indique bien l'ouverture d'esprit et l'initiative de mon ministère. Il a réuni Météo-France, sa tutelle ministérielle et la direction du budget. Je crois que c'est effectivement un succès qui va dans le sens de l'esprit de la LOLF de fixer ainsi une perspective pluriannuelle claire permettant des transformations sans risque de rabot ou d'annulations de crédits. C'est une démarche qu'il est utile selon moi d'étendre, ce que nous envisageons à d'autres secteurs de la responsabilité du ministère, avec différents niveaux de discussions, en particulier avec l'IGN.

Comme je l'ai dit, je souhaite que Météo-France puisse bénéficier d'un fort infléchissement de l'effort de baisse d'effectifs dans la période à venir, afin de pouvoir consolider la transformation menée ces dernières années. La bonne conduite du contrat est un élément important que je souhaite mettre en avant dans la discussion avec mon collègue du budget pour la préparation des exercices à venir.

Monsieur Maurey, concernant l'efficacité des aides publiques, nous sommes en train, dans le cas des aides du plan de relance, de faire remonter ce qui a été fait sur le territoire. Beaucoup d'appels à projets ont été lancés et ont donné des résultats dans les semaines qui viennent de s'écouler. Nous tenons à jour un tableau d'avancement des travaux. Nous pourrons très vite le mettre à votre disposition une fois que nous aurons avancé. On manque encore de recul.

S'agissant de la question du contrôle des CEE, le budget est passé de 1 million d'euros en 2019 à 5 millions d'euros en 2020, puis à 7 millions d'euros en 2021. Nous allons y consacrer les moyens nécessaires. On est en train de réviser les CEE, afin de revenir sur ce qui ne présentait pas un intérêt suffisant.

Pour ce qui est des inspecteurs d'ICPE, 30 postes complémentaires ont été mis à disposition en 2021. Ils ont été notifiés en janvier aux directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Elles ont eu la possibilité de les ouvrir et de lancer les recrutements. Ces 30 ETP supplémentaires seront complétés par 20 ETP en 2022, conformément aux annonces que nous avions faites lors du plan post- Lubrizol.

La plupart des recommandations de la commission d'enquête ont été mises en place, comme la création d'un bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI), d'un paquet réglementaire renforçant les contrôles et les obligations des sites Seveso, publié à la date anniversaire de l'accident, le 26 septembre dernier, ou la mise en place d'un plan de renforcement des inspections avec des objectifs quantifiés et publics.

Je peux, si vous le souhaitez, vous fournir des chiffres plus précis, notamment à propos des effectifs d'inspecteurs mais, en tout cas, le nombre de contrôles d'ICPE, malgré la crise sanitaire, a été stabilisé à 19 200 en 2020.

L'objectif du plan post-Lubrizol est de réaliser 50 % de contrôles en plus en 2022 par rapport à 2018, objectif qui devra cependant tenir compte des contraintes dues à la crise sanitaire.

Quant aux tarifications plus adaptées concernant les routes nationales, il n'y a pas, à ce stade, de réformes prévues au-delà de ce que nous prévoyons aujourd'hui dans le projet de loi Climat et résilience, qui porte sur la possibilité, pour les régions qui le souhaitent, de mettre en place une taxe pour les poids lourds.

C'est vous qui en discuterez lors des débats. Je rappelle que ceux qui ne veulent pas le faire ne le feront pas. Ceux qui le souhaitent en ont le droit. C'est en tout cas la position du Gouvernement.

M. Marc Laménie . - Madame la ministre, ma question rejoindra celle de Christine Lavarde concernant les moyens humains.

Quelles sont donc les perspectives d'évolution des emplois du ministère dans nos départements et nos territoires respectifs ? Nous dialoguions en effet auparavant avec les DDE. Ce sont maintenant la direction départementale des territoires (DDT) et la DREAL qui ont pris le relais.

J'ai récemment suivi une expérience à propos du risque d'inondations que vous évoquiez. J'ai pu mesurer la qualité du travail qui est fait par la DDT Ardennes. J'ai assisté à beaucoup de réunions destinées à mettre en place des PPRI sur la Meuse, commune par commune. Il s'agit de procédures longues et lourdes, qui reposent sur le lien entre l'État et les collectivités locales, principalement les communes, d'où l'importance des effectifs des DDT sur le terrain, en lien avec les élus.

Beaucoup de départements, comme le Lot-et-Garonne ou la Charente-Maritime, connaissent des risques d'inondation. C'est un travail de longue haleine, qui mobilise à la fois des moyens humains et des moyens techniques importants, qui ont un large impact sur l'économie, l'habitat, et la sécurité des personnes et des biens.

M. Michel Canévet . - Madame la ministre, cette mission comprend aussi les affaires maritimes. Je reviens sur l'exonération des charges salariales pour les compagnies maritimes en vue d'affronter la concurrence internationale.

Le Premier ministre avait promis 30 millions d'euros de crédits en septembre dernier. Il n'a été inscrit que 25 millions d'euros et rien n'a été consommé. Il semblerait que 15 millions d'euros environ soient aujourd'hui prévus. On espère que ce dispositif, qui est important pour la compétitivité des entreprises de transport maritime, puisse perdurer dans le temps, afin que nos compagnies maritimes puissent continuer leur activité.

Par ailleurs, des crédits ont été prévus dans le cadre du plan de relance pour les investissements portuaires. Au-delà des grands ports maritimes, il nous paraît important que les grands ports régionaux puissent également en bénéficier.

Marc Laménie a évoqué à l'instant l'évolution des effectifs du ministère. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faut à tout prix les augmenter, pas plus que les dépenses, pour juger de l'efficacité de l'action d'une mission. Néanmoins, il faut qu'on arrive à ce que les procédures administratives soient moins tatillonnes dans un certain nombre de domaines liés à l'environnement.

J'ai en mémoire une commune qui voulait démolir un bâtiment qui abritait des nids d'hirondelles. Il a fallu plusieurs mois de procédures administratives pour trouver des compensations, alors que cela aurait pu être traité de façon extrêmement simple. Il en va de même pour les décisions de déboisement, où l'administration pourrait être plus efficiente.

Je voudrais aussi évoquer les questions de pauvreté, qui ont été abordées tout à l'heure dans l'hémicycle. Il existe un grand nombre de dispositifs qui viennent en aide à ceux qui en ont le plus besoin. Je pense ici en l'occurrence au chèque énergie. J'ai noté que le taux d'usage global du chèque énergie était passé de 86 % en prévision pour 2020 à 84 % dans la réalisation du budget 2020. Qu'est ce qui explique, selon vous, le fait que moins de bénéficiaires l'utilisent ?

Le budget 2020 est par ailleurs le dernier budget qui concerne le compte d'affectation spéciale « transition énergétique ». Il en sera de même en 2021 pour le fonds Barnier, qui est rattaché aux crédits ministériels également, selon les recommandations de la Cour des comptes. Qu'en est-il de l'Afitf ? Ne serait-il pas plus utile, selon vous, qu'elle soit également supprimée et que les crédits dédiés aux investissements routiers soient rattachés au ministère, de façon à ce qu'on puisse mieux évaluer leur réalisation et qu'il n'y ait pas d'intermédiaire, dont on ne mesure pas toujours l'efficacité ?

Enfin, les véhicules électriques connaissent un véritable succès, mais beaucoup de nos concitoyens ont néanmoins du mal à acquérir un véhicule neuf, tout simplement parce que le marché de l'occasion répond sans doute mieux aux besoins d'un certain nombre, et ce malgré les aides qui sont octroyées. Ne vous semblerait-il pas important, pour faciliter la transition vers des véhicules propres, que l'État puisse également aider à l'acquisition de véhicules électriques d'occasion, ce qui permettrait à certains publics en difficulté, sous conditions de ressources, d'accéder à ces modes de transport plus vertueux ?

M. Jean-Marie Mizzon . - Ma question porte sur le FACÉ. Le système d'information développé depuis 2017 pour servir d'interface avec les autorités organisatrices de la distribution d'électricité et améliorer la gestion du FACÉ n'est toujours pas opérationnel, comme le rappelle la Cour des comptes dans sa note d'analyse de 2020.

La crise sanitaire ainsi que des dysfonctionnements en ont repoussé la mise en oeuvre. L'évolution du cadre réglementaire survenue fin 2020, qui n'a pas été anticipée par la maîtrise d'ouvrage, a imposé le développement d'une deuxième version, qui devrait aboutir en 2021. Dans l'attente, les coûts de développement du système d'information dérivent fortement et seront significativement plus élevés que les prévisions initiales. Où en sommes-nous dans cette initiative ?

Mme Barbara Pompili, ministre . - S'agissant des effectifs, monsieur Laménie, l'idée est de les préserver au maximum sur le terrain. Pour vous donner un ordre d'idée, en 2021, nous avons perdu 740 personnes, 134 au niveau départemental, 458 au niveau régional et 122 au niveau central. On a essayé de suivre les orientations du Premier Ministre, qui étaient de renforcer le niveau départemental pour mettre en place toutes les politiques que nous souhaitons sur le terrain.

S'agissant de la prévention des risques, 30 ETP supplémentaires ont été affectés aux ICPE. Vous êtes loin d'être le seul à nous faire remonter ce besoin d'expertise et de soutien sur le terrain.

Vous avez évoqué les risques naturels et hydrauliques. Ils bénéficient de 37 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 38 millions d'euros en crédits de paiement, essentiellement en matière de fonctionnement et d'investissement concernant la prévision des crues. Nous avons mis en place 1 700 stations Vigicrue et doté différents opérateurs intervenant dans le domaine des risques naturels.

Par ailleurs, le fonds Barnier, en 2020, était pour sa dernière année un fonds extrabudgétaire géré par la Caisse centrale de réassurance. Il a été mobilisé à hauteur de 264 millions d'euros. La loi de finances pour 2021 a procédé, vous le savez, à sa budgétisation sur le programme 181, à hauteur de 205 millions d'euros, niveau majoré de 56 % par rapport aux ressources auparavant disponibles, hors trésorerie accumulée.

On a besoin, en ce qui concerne la gestion des risques, d'être présents sur le terrain, de pouvoir être réactifs et d'avoir les moyens de gérer ces questions. Ce n'est pas la même chose que l'affaire de l'immeuble du Signal. On est là sur des risques exceptionnels, mais c'est malheureusement de moins en moins le cas, alors que la gestion de l'immeuble du Signal relève de la politique de gestion du trait de côte, qui n'est pas quelque chose d'exceptionnel. On est sûr un trend prévisible, pour lequel nous allons mettre en place des mesures d'adaptation dans la loi Climat et résilience. Nous aurons l'opportunité d'en discuter très prochainement.

Michel Canévet m'a interrogée sur les ports. Vos questions relèvent un peu plus du ministre chargé des transports, mais aussi de la ministre chargée de la mer. Je vais avoir un peu de difficultés à vous répondre précisément.

Je peux néanmoins vous dire, s'agissant des charges salariales maritimes, qu'on a d'abord eu, en 2020, une sous-exécution notable des compensations d'exonérations de charges patronales en raison de la crise du Covid, avec 9,1 millions d'euros en moins sur les 81,12 millions d'euros budgétés initialement. Ils ont d'ailleurs été redéployés pour soutenir la modernisation et apurer une dette de l'État envers une société.

Un projet de modernisation des affaires maritimes lissé sur cinq ans bénéficie d'un montant annuel variant entre 6 et 7 millions d'euros. Il s'est élevé en 2020 à 6,9 millions d'euros avec, pour l'essentiel, l'acquisition d'un patrouilleur d'occasion destiné au contrôle des pêches et à l'environnement marin en Manche, pour 4,9 millions d'euros, le paiement du patrouilleur Méditerranée acquis fin 2019, et l'approfondissement des travaux destinés à la surveillance du trafic maritime.

Par ailleurs, un cofinancement du fonds pour la transformation de l'action publique à hauteur d'un million d'euros a permis d'initier la mise en oeuvre des techniques d'intelligence artificielle dans plusieurs projets portés par la direction des affaires maritimes.

En ce qui concerne la crise sanitaire, elle a généré dans le domaine maritime 800 000 euros de dépenses supplémentaires dans les services déconcentrés. Je m'attacherai, monsieur le sénateur, à vous transmettre des éléments plus précis et en adéquation avec les questions que vous m'avez posées.

La question des procédures administratives est toujours compliquée. Nous essayons de les simplifier. Plusieurs mesures dans des lois précédentes ont essayé de faire de même afin de réduire le nombre de recours et faire en sorte que l'absolue nécessité de la protection de l'environnement n'empêche pas le développement des projets.

On demande à nos opérateurs et aux services du ministère de veiller à combiner tout cela. On voit que l'artificialisation continue malgré tous nos efforts collectifs. C'est un sujet dont on parlera dans le projet de loi Climat et résilience.

Les agents de mon ministère sont souvent le dernier rempart pour éviter des bêtises qu'on pourrait regretter ensuite, car on paye généralement très cher les atteintes à l'environnement. Ils peuvent parfois donner l'impression aux acteurs extérieurs d'être les « vilains petits canards ». Nous essayons, ce qui n'est pas évident, de faire en sorte que les règles soient les plus simples possible afin qu'ils puissent avoir les moyens de travailler correctement. C'est pourquoi ils doivent être présents sur le terrain pour bien comprendre aussi les enjeux de tel ou tel projet.

J'essaye de faire en sorte que les services de mon ministère ne soient pas considérés comme des empêcheurs de tourner en rond, mais plutôt comme des aides à la réalisation des objectifs, tout en tenant compte des indispensables mesures de protection de l'environnement.

C'est délicat, mais je crois qu'on peut y arriver et, contrairement à ce que certains pourraient croire, je ne pense pas que la multiplication des normes soit forcément nécessaire pour réussir à protéger l'environnement. Des simplifications peuvent aider et permettre de décrisper des situations.

Vous avez également abordé le sujet du chèque énergie. Son taux d'usage augmente régulièrement. On ne connaît pas encore le taux définitif d'utilisation pour 2020. Le nombre de bénéficiaires est de 5,5 millions en 2020 et de 5,8 millions en 2021, pour le moment.

Concernant l'Afitf, les dépenses s'élèvent à 2 824 millions d'euros en 2020, en augmentation de presque 400 millions d'euros par rapport à 2019, soit une croissance de 15 %. L'atterrissage budgétaire pour 2020 démontre que les choix financiers ont été pleinement conformes aux engagements qui ont été pris dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), ce qui est une bonne chose. Je n'entrerai pas dans les détails de l'utilisation des moyens de l'Afitf - régénération des réseaux routiers et fluviaux, poursuite des engagements en cours, financement de LGV, renouvellement du matériel roulant et des trains d'équilibre du territoire.

J'entends votre question à propos de l'intégration dans le budget. Aujourd'hui, nous sommes attachés au suivi et à la pluriannualité de ce budget spécifique. Pour l'instant, nous ne sommes pas pour l'intégration du budget de l'Afitf.

Par ailleurs, les aides aux voitures électriques d'occasion sont déjà possibles. Vous avez raison : les voitures électriques neuves ne correspondent pas à des budgets de revenus moyens ou faibles. Les personnes qui achètent des voitures neuves, toutes catégories confondues, gagnent bien leur vie et ont un certain âge.

Pour pouvoir toucher tout le monde, et dans l'idée que la transition écologique ne laisse personne de côté, nous avons dit dès le départ que les aides pouvaient servir à l'achat de véhicules d'occasion. On peut arriver, en cumulant le bonus et les aides mises en place dans différentes ZFE, à 7 000 euros pour l'acquisition d'un véhicule d'occasion, y compris électrique.

On peut aujourd'hui trouver des voitures d'occasion à ce prix sur certains sites internet, ou en tout cas à des prix qui rendent l'achat abordable pour tous. C'est important : la transition écologique doit s'appliquer à tout le monde. On ne peut laisser des gens de côté. Ce n'est pas juste, et les conséquences sociales empêcheraient de mener les réformes nécessaires.

Quant au FACÉ, monsieur Mizzon, il a en effet connu des difficultés informatiques avec son développeur. C'est en train de s'arranger. Des traitements manuels ont été réalisés pour traiter les besoins urgents. Le système sera normalement opérationnel... très vite !

M. Claude Raynal , président . -Dès que l'on parle d'informatique en France, on s'aperçoit que nombre de systèmes ne fonctionnent pas !

Merci, madame la Ministre, de vous être prêtée à cette audition et au jeu des questions-réponses sur l'exécution du budget 2020.


* 1 Les montants concernés par le moratoire concernant la période du 1 er mars au 31 décembre 2020 seront réglés, sans intérêts de retard ni pénalités, en 24 mensualités, de janvier 2021 à décembre 2022.

* 2 Cette taxe résulte de l'application de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse.

* 3 Un trafic aérien en 2021 inférieur de 59 à 65 % de son niveau de 2019.

* 4 Rapport d'information n° 568 (2017-2018) « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », de Vincent Capo-Canellas au nom de la commission des finances du Sénat.

* 5 Précédemment portés par le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».

* 6 Le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 précise les statuts et le fonctionnement de cet établissement public administratif.

* 7 En vertu de cette loi, le décret n° 2016-1036 du 28 juillet 2016 relatif au principe et aux modalités de fixation des redevances de réutilisation des informations du secteur public, autorise les organismes publics dont l'activité principale consiste en la collecte, la production, la mise à disposition ou la diffusion d'informations publiques, à établir des redevances lorsque la couverture des coûts liés à cette activité principale est assurée à moins de 75 % par des recettes fiscales, des dotations ou des subventions.

* 8 Un projet destiné à construire, d'ici 2025, une cartographie 3D très précise du territoire national.

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