Rapport n° 743 (2020-2021) de Mme Sylvie VERMEILLET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juillet 2021

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N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 25

Régimes sociaux et de retraite

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS


Rapporteure spéciale : Mme Sylvie VERMEILLET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4090 , 4195 et T.A. 628

Sénat :

699 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

1. La mission « Régimes sociaux de retraite » du budget général est structurée autour de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux :

- le programme 195 « Régimes de retraites des mines, de la SEITA et divers » (19,2 % des crédits de paiement de la mission) ;

- le programme 197 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins » (13,20 % des crédits de paiement de la mission) ;

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraites des transports terrestres », principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP (67,6 % des crédits de paiement de la mission).

La mission ne couvre pas tous les régimes spéciaux financés par l'État. Cette absence pose la question de la pertinence de la maquette budgétaire qui ne permet pas, dans ces conditions, de disposer d'une approche complète des régimes spéciaux financés par l'État. Le programme 198 finance également du congé de fin d'activité des chauffeurs-routiers - 122,9 millions d'euros en CP en 2020 - ce qui peut être également questionné, tant la logique de ce dispositif diffère de celle d'un régime spécial de retraites.

2. En 2020, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'élèvent à 6 244,3 millions d'euros, atteignant un niveau légèrement supérieur à la prévision retenue en loi de finances initiale (6 225,7 millions d'euros) .

3. L'impact de la crise sanitaire sur l'exécution des crédits explique pour partie la progression des dépenses du programme 198 , la hausse des crédits étant destinée à compenser une partie des pertes de recettes estimées à 83,8 millions d'euros pour la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF) et à 18,8 millions d'euros pour la caisse de retraites du personnel de la RATP (CRP RATP). Reste que ces pertes n'ont pas été intégralement couvertes au risque de laisser subsister une dette en fin d'exercice. Cette pratique interroge sur le pilotage de la mission par l'État. Par ailleurs, au-delà de l'impact de la crise sanitaire sur les comptes de ce programme, l'exécution des crédits en 2020 suscite des réserves quant à la fiabilité des prévisions budgétaires sur lesquelles se fonde la représentation nationale pour voter la loi de finances initiale.

4. Le taux de subventionnement des régimes spéciaux , soit le rapport entre la contribution de l'État et le montant des arrérages servis fait apparaître une extrême dépendance des principaux régimes spéciaux aux fonds publics . La perspective d'une suppression à terme des régimes spéciaux pourrait avoir pour effet de placer en extinction la mission, posant ainsi la question des modalités de financement par l'État des pensionnés actuels. Ce nouveau dispositif n'était, cependant, pas plus détaillé dans le projet de loi portant réforme des retraites que dans l'étude d'impact. Aucune trajectoire n'était ainsi mise en avant. Cette absence d'information sur les conséquences financières pour l'État d'une suppression des régimes spéciaux rejoint le manque de précision, au sein du rapport annuel de performances, sur les détails de l'affectation des subventions d'équilibres auxdits régimes.

5. Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État. Le CAS est composé de trois programmes :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » (94 % des dépenses du CAS en 2020). Le programme couvre l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État », (3,2 % des dépenses du CAS en 2020) ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » (2,8 % des dépenses du CAS en 2020).

6. Les dépenses du CAS « Pensions » ont atteint en 2020 59,55 milliards d'euros soit un montant quasi conforme à celui retenu en loi de finances initiale : 59,61 milliards d'euros. Les recettes censées équilibrer le compte sont, quant à elles, en recul par rapport à la prévision initiale. Elles atteignent ainsi 60,8 milliards d'euros, soit une moindre recette de 216 millions d'euros. Cet écart résulte principalement d'un problème de pilotage du programme 741, qui conduit à remettre en cause la fiabilité des prévisions transmises lors du vote de la loi de finances.

7. Le solde du CAS « Pensions » demeure positif en 2020 , atteignant 1,26 milliard d'euros. Le solde cumulé du CAS depuis sa création s'élève, dans ces conditions, à 9,12 milliards d'euros, soit 1,8 mois de prestations. Cet excédent technique n'est pas conservé et reversé au budget de l'État. Il n'existe, dans ces conditions, pas de réserves destinées à faire face au choc démographique attendu à partir de 2023. Le rapport annuel de performances du CAS ne présente pour autant ni projections ni prévisions pour l'avenir à moyen et long terme des régimes de retraites de la fonction publique, alors qu'une interrogation subsiste sur la nature de la contribution financière de l'État dans le cadre de l'intégration du régime de la fonction publique d'État au sein d'un système universel.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX DE RETRAITE » ET DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » EN 2020

1. L'exécution de la mission « Régimes sociaux de retraites » a été conforme à la trajectoire retenue en loi de finances

La mission « Régimes sociaux de retraite » du budget général est structurée autour de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux, qu'ils soient fermés (régimes des personnels de la SEITA et de l'ORTF, Caisses de retraites des régies ferroviaires d'outre-mer) ou ouverts (RATP, Établissement national des invalides de la marine). Le régime de la SNCF est quant à lui fermé depuis le 1 er janvier 2020. Le régime des mines n'accueille qu'un nombre limité de cotisants.

Le dispositif spécifique de congé de fin d'activité pour les conducteurs routiers de camions et d'autocars est également financé par cette mission.

Le programme 195 « Régimes de retraites des mines, de la SEITA et divers » regroupe les dotations attribuées :

- au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;

- au régime de retraite de la SEITA ;

- à la Caisse des retraites des régimes ferroviaires d'outre-mer ;

- au régime des personnels de l'ORTF.

Le programme 197 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins » est spécifiquement dédié à cette profession.

Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraites des transports terrestres » est principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP. Il comprend également le financement du congé de fin d'activité des chauffeurs-routiers - 122,9 millions d'euros en CP en 2020 - ce qui peut interroger, tant la logique de ce dispositif diffère de celle d'un régime spécial de retraites.

La mission ne couvre pas les régimes de la fonction publique, visés au sein du compte d'affectation spéciale « Pensions » (cf infra ) ni d'autres régimes spéciaux pour lesquels l'État verse pourtant une subvention d'équilibre, à l'image des caisses de retraites de l'Opéra de Paris ou de la Comédie française. Le financement de ces deux régimes est ainsi rattaché au programme 131 « Création » rattaché à la mission « Culture ». Cette absence remet en cause la pertinence de la maquette budgétaire qui ne permet pas, dans ces conditions, de disposer d'une approche complète des régimes spéciaux financés par l'État.

Le rattachement de ces régimes à cette mission apparaîtrait pourtant en cohérence avec le souhait affiché par le Gouvernement lors de la présentation du projet de loi portant réforme des retraites en 2020 de simplifier l'architecture du système des retraites en France et de clarifier son rôle dans le financement des régimes spéciaux.

Répartition par programme des crédits de paiement consommés en 2020

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2020, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'élèvent à 6 244,3 millions d'euros, soit un niveau quasiment équivalent à la prévision retenue en loi de finances initiale .

Exécution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite »
par programme en 2020

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2019

Crédits votés
LFI 2020

Crédits ouverts 2020

Crédits exécutés 2020

Évolution exécution 2020 / 2019

Écart exécution 2020 / LFI 2020

P. 195 Régimes de retraites des mines, de la SEITA et divers

AE

1 305,1

1 203,4

1 199,5

1 199,5

- 8,09%

- 0,32 %

CP

1 305,1

1 203,4

1 199,5

1 199,5

- 8,09%

- 0,32 %

P. 197 Régimes de retraite et de sécurité des marins

AE

825,6

823,2

823,2

823,2

- 0,29 %

-

CP

825,6

823,2

823,2

823,2

- 0,29 %

-

P. 198 Régimes sociaux et de retraites des transports terrestres

AE

4 055,4

4 201,0

4 222,5

4 222,5

+ 4,12 %

+ 0,51 %

CP

4 055,4

4 201,0

4 222,5

4 221,6

+ 4,10 %

+ 0,49 %

TOTAL

AE

6 186,2

6 227,5

6 245,2

6 245,2

+ 0,95 %

+ 0,28 %

CP

6 186,2

6 227,5

6 245,2

6 244,3

+ 0,94 %

+ 0,27 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses de la mission restent à un niveau inférieur au plafond défini en 2020 dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 (6,30 milliards d'euros).

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2020

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2020

Arrêté de report

Loi de finances rectificative

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2020

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P195 Mines, Seita et divers

AE

1 203,4

-

- 3,8

- 3,8

1 199,5

1 199,5

- 3,9

CP

1 203,4

-

- 3,8

- 3,8

1 199,5

1 199,5

- 3,9

P197

Sécurité des marins

AE

823,2

-

-

-

823.22

823,2

-

CP

823,2

-

-

-

823.22

823,2

-

P198 Transports terrestres

AE

4 201,0

22

- 0,6

21,4

4 222,5

4 222,5

21,4

CP

4 201,0

22

- 0,6

21,4

4 222,5

4 221,6

20,6

Total mission

AE

6 227,5

22

- 4,4

17,6

6 245,2

6 245,2

17,7

CP

6 227,5

22

- 4,4

17,6

6 245,2

6 244,3

16,8

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Le compte d'affectation spéciale « Pensions » : des dépenses et des recettes en baisse

Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État. Le CAS est composé de trois programmes :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », qui représente 94 % des dépenses du CAS en 2020. Le programme couvre l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État », qui représente 3,2 % des dépenses du CAS en 2020. Il retrace les dépenses du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'État (FSPOEIE) et du Fonds rente accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions », qui représente 2,8 % des dépenses du CAS en 2020.

Les dépenses du CAS « Pensions » ont atteint en 2020 59,55 milliards d'euros (AE = CP) soit un montant quasi conforme à celui retenu en loi de finances initiale : 59,61 milliards d'euros.

La crise sanitaire justifie en large partie cette moindre dépense.

L'effet comptable de la surmortalité (5 000 décès supplémentaires) est ainsi estimé à une diminution des dépenses du CAS « Pensions » de 45 millions d'euros. La crise a également conduit à différer des départs en retraite ce qui conduit à une économie de 19 millions d'euros (2 600 départs non réalisés).

Exécution des crédits du CAS « Pensions » par programme en 2020

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2019

Crédits votés LFI 2020

Crédits ouverts 2020

Crédits exécutés 2020

Évolution exécution 2020 / 2019

Écart exécution 2020 / LFI 2020

P. 741 Pensions civiles et militaires de retraite

AE

55 348

56 059

57 200

55 967

+ 1,12 %

- 0,17 %

CP

55 348

56 059

57 200

55 967

+ 1,12 %

- 0,17 %

P. 742 Ouvriers des établissements industriels de l'État

AE

1 921

1 934

1 992

1 925

+ 0,21 %

- 0,47 %

CP

1 921

1 934

1 992

1 925

+ 0,21 %

- 0,47 %

P. 743 Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

AE

1 752

1 620

1 733

1 657

-5,42 %

+ 2,28 %

CP

1 752

1 620

1 733

1 657

-5,42 %

+ 2,28 %

TOTAL

AE

59 021

59 612

60 925

59 549

+ 0,89 %

- 0,11 %

CP

59 021

59 612

60 925

59 549

+ 0,89 %

- 0,11 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses du CAS Pensions se situent à un niveau inférieur à la cible retenue pour 2020 par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022. La loi retenait en effet un plafond de 59 milliards d'euros pour les dépenses des seuls programmes 741 et 742. Le cumul de celles-ci a atteint en 2020 57,9 milliards d'euros.

Il convient de rappeler à ce stade que la quasi-totalité des dépenses du CAS correspondent à des dépenses dites de « guichet » et ne peuvent donc être pilotées en cours d'exercice. Les recettes peuvent, quant à elles, bénéficier d'un ajustement en fin d'année du taux de contribution employeurs. Cette faculté n'a, cependant, pas été utilisée depuis décembre 2013.

Les recettes censées équilibrer le compte sont, quant à elles, en recul par rapport à la prévision initiale. Elles atteignent ainsi 60,8 milliards d'euros, soit une moindre recette de 216 millions d'euros.

Le solde du CAS « Pensions » demeure positif en 2020, atteignant 1,26 milliard d'euros. Ce solde reste cependant inférieur à celui prévu en loi de finances initiale : 1,41 milliard d'euros. Le solde cumulé du CAS depuis sa création s'élève, dans ces conditions, à 9,12 milliards d'euros, soit 1,8 mois de prestations. Cet excédent technique ne constitue cependant pas des réserves et est reversé au budget de l'État.

II. LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

1. La crise sanitaire explique pour partie la progression des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » en 2020

L'exercice 2020 est marqué par une progression, à périmètre courant, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » de 0,94 % en CP (58,1 millions d'euros). Cette progression doit être réévaluée à périmètre constant, afin de tenir compte de la non-reconduction en 2020 de la subvention versée, depuis 2017, au régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles dans le cadre du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers ». Cette aide atteignait 55 millions d'euros en 2019. Dans ces conditions, la progression à périmètre constant atteint 1,8 % en CP (113,1 millions d'euros).

Si les crédits du programme 195 et du programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité des marins » ne progressent pas, ceux du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » sont en nette augmentation (+ 4,1 % par rapport à 2019, soit une majoration de 166,2 millions d'euros en CP).

L'impact de la crise sanitaire sur l'exécution des crédits n'explique que pour partie la progression des dépenses du programme 198. Le recours au dispositif d'activité partielle a conduit à une réduction des cotisations perçues et a majoré mécaniquement les subventions d'équilibre à certains régimes 1 ( * ) . Des pertes de recettes estimées à 83,8 millions d'euros pour la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF) et à 18,8 millions d'euros pour la caisse de retraites du personnel de la RATP (CRP RATP), toutes deux visées par le programme 198, ont ainsi été enregistrées. L'utilisation des réserves accumulées en 2019 (26,9 millions d'euros pour la CPRP SNCF), d'un report de crédits (22,1 millions d'euros) ou l'existence de marges d'exécution (14,3 millions d'euros pour la CRP RATP) ont également permis d'amortir ce choc exogène.

Au sein des autres programmes, l'impact de la crise a pu être absorbé par la diminution, liée à la surmortalité, des prestations versées. La surmortalité justifie ainsi la sous-exécution à hauteur de 6,5 millions d'euros des crédits dédiés au régime de retraites des mines et l'annulation de crédits visant le programme 195 auquel il est rattaché de 3,8 millions d'euros en fin d'exercice. Les moindres cotisations ont également pu être compensées par un report des départs en retraites, à l'image de ceux enregistrés au sein du régime de retraite des marins rattaché au programme 197 où le montant des pertes de cotisations est estimé à 28 millions d'euros. Le nombre de départs en retraite y a ainsi diminué de 9 % en 2020 par rapport à 2019.

En tout état de cause, aucune ouverture de crédits supplémentaires n'est intervenue en collectif budgétaire pour compenser les pertes de recettes. Cette absence résulte, comme indiqué plus haut, de l'existence de réserves datant de l'exercice précédent, de l'apparition de marges d'exécution liées à une surbudgétisation ou du dégel des réserves de précaution. L'ensemble des ressources n'a pas, cependant, permis de couvrir l'intégralité des besoins supplémentaires. Ainsi, alors que la CPRP SNCF enregistrait un écart de 82,4 millions d'euros entre les crédits votés en LFI 2020 et ceux effectivement nécessaires, le redéploiement de crédits opéré en sa faveur laisse subsister, en fin d'exercice, une dette de 15,9 millions d'euros de l'État envers la caisse.

Cette pratique interroge sur le pilotage de la mission par l'État, comme l'existence d'une marge d'exécution à la CRP RATP peut susciter des questions quant à la fiabilité des prévisions budgétaires sur lesquelles se fonde la représentation nationale pour voter la loi de finances . La subvention versée par le programme 195 au régime de la SEITA a ainsi été majorée de 2 % par rapport à la loi de finances initiale (2,74 millions d'euros AE = CP) en raison d'une sous-estimation, lors de la programmation, de la pension moyenne versée aux bénéficiaires.

La rapporteure spéciale s'étonne en outre de la mise en place d'une réserve de précaution, in fine dégelée, sur une mission composée de dépenses non pilotables. La réserve de précaution a ainsi été levée intégralement en 2016, 2017 et 2018 et partiellement en 2019.

2. Quel avenir pour la mission « Régimes sociaux et de retraites » ?

Le taux de subventionnement des régimes spéciaux, soit le rapport entre la contribution de l'État et le montant des arrérages servis fait apparaître une extrême dépendance des principaux régimes spéciaux aux fonds publics.

Taux de subventionnement des principaux régimes spéciaux

SNCF

RATP

Marins

Mines

Contribution de l'État

(en millions d'euros)

3 384,8

732,1

813

1 056

Prestations servies

(en millions d'euros)

5 271,6

1 184,6

1 006,4

1 240

Taux de subventionnement

64,2 %

61,8 %

80,8 %

85,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Une telle intervention peut se justifier en vue de compenser des prestations majorées afin de tenir compte de la pénibilité des métiers concernés. La subvention de l'État permet de fait de financer la dérogation aux principales règles du régime général : base de liquidation, âge légal d'ouverture, mécanisme de surcôte et de décôte.

Reste que cette spécificité devait être remise en cause à moyen terme. Le projet de loi portant réforme des retraites adopté à l'Assemblée nationale en février 2020 visait, en effet, à créer un nouveau système destiné à couvrir l'ensemble des assurés, appelé à se substituer aux 42 régimes de retraite existants, dont les régimes spéciaux. La création d'un système universel de retraites pose de fait la question de l'avenir de la subvention d'équilibre versée par l'État aux régimes spéciaux (6 milliards d'euros). L'universalité implique-t-elle, en effet, une péréquation entre les différents régimes qui la composent ? L'étude d'impact du projet de loi indiquait que la contribution de l'État au nouveau système intègrerait les conséquences financières de la suppression des régimes spéciaux et de certaines catégories actives. Les cotisations d'équilibre devaient de fait être « remplacées par des transferts ». Ce nouveau dispositif n'était, cependant, pas plus détaillé dans le projet de loi que dans l'étude d'impact. Aucune trajectoire n'était ainsi mise en avant.

Cette absence d'information sur les conséquences financières pour l'État d'une suppression des régimes spéciaux rejoint le manque de précision sur les détails de l'affectation des subventions d'équilibres auxdits régimes. Le rapport annuel de performances devrait en effet permettre de mesurer plus finement l'impact de ces subventions dans le financement des dispositifs dérogatoires au sein de chaque régime. Une telle information apparaît essentielle en vue d'accompagner une éventuelle suppression des régimes spéciaux.

3. Le CAS « Pensions » : un excédent en trompe-l'oeil

Les dépenses du CAS « Pensions » ont augmenté de 0,9 % en 2020, soit une progression analogue à celle enregistrée lors de l'exercice 2019. Cette majoration est une des plus faibles enregistrées depuis 2006. Elle contraste avec la moyenne annuelle observée entre 2007 et 2013 (+ 3%).

Progression des dépenses du CAS « Pensions » depuis 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette tendance devrait se poursuivre en 2021, sous l'effet de la crise sanitaire. Une moindre dépense de 528 millions d'euros est ainsi attendue en raison de la surmortalité (- 114 millions d'euros), du report des départs en retraite (- 94 millions d'euros) mais aussi du ralentissement de l'inflation en 2020, qui affecte directement la revalorisation des pensions (- 320 millions d'euros). Celle-ci est intervenue en janvier 2021 pour les pensions de retraite et en avril 2021 pour les pensions d'invalidité.

L'écart observé entre les recettes prévues en loi de finances initiale et celles effectivement perçues tient principalement aux programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » : la moindre recette s'élève ainsi au titre de ce programme à 247 millions d'euros. La baisse constatée des recettes n'est pas liée à la crise sanitaire, l'État n'ayant pas recouru au dispositif de chômage partiel. Les taux de cotisation patronale (74,28 % pour les agents civils, 0,32 % pour les allocations invalidité et 126,07 % pour les militaires) sont, par ailleurs restés inchangés, alors que la cotisation salariale a, quant à elle, été majorée de 0,27 point pour atteindre 11,10 %. Diverses raisons afférentes au pilotage du programme justifient donc cet écart :

- une surévaluation en programmation des validations de services axillaires qui conduit à une perte de recettes de 39 millions d'euros ;

- une surestimation des prévisions de contributions employeurs , principalement celles concernant les contributions des employeurs militaires, qui aboutit à une moindre recette de 170 millions d'euros ;

- une erreur d'imputation , en programmation, de l'exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires, qui débouche sur une moindre recette de 75 millions d'euros ;

- les choix de gestion des employeurs (répartition entre titulaires et contractuels et entre catégories de la fonction publique) conduisent, quant à eux, à une moindre recette de 59 millions d'euros au titre des cotisations salariales.

Cette perte de recettes est atténuée par des encaissements supérieurs aux prévisions (contributions employeurs d'Orange SA, transferts de compensation démographique). Ceux-ci suscitent cependant des réserves quant à la fiabilité des prévisions transmises lors du vote de la loi de finances.

Cette baisse des recettes n'affecte que partiellement l'excédent attendu en fin d'exercice 2020. L'affichage d'un solde cumulé positif de 9,12 milliards d'euros ne doit pas, cependant, masquer la réelle utilisation de ces excédents, reportés en totalité en 2021. Il n'existe, dans ces conditions, pas de réserves destinées à faire face au choc démographique attendu à partir de 2023.

Les dépenses du CAS devraient en effet excéder ses recettes à l'horizon 2023, année de fin de montée en charge des réformes paramétriques intervenues en 2003 et 2010. Cette perspective justifie le maintien des taux de cotisations patronales à leur niveau actuel, censés sécuriser l'équilibre du compte.

Évolution du solde cumulé du CAS « Pensions »
depuis 2006

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Or, comme le relève la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, le rapport annuel de performances 2020 du CAS ne présente ni projections ni prévisions pour l'avenir à moyen et long terme des régimes de retraites de la fonction publique. La réforme reportée des retraites et l'instauration d'un système universel à partir de 2025 auraient pu répondre à cette absence de prospective. Reste que l'étude d'impact du projet de loi présentée en février 2020 se bornait à indiquer que la contribution de l'État au système de retraite serait intégralement maintenue en 2025, avant d'évoluer « selon la nature et la dynamique des dépenses qu'elle vise à couvrir » et d'intégrer les conséquences financières de la suppression des régimes spéciaux et de certaines catégories actives. Les cotisations d'équilibre devraient de fait être « remplacées par des transferts » Ce nouveau dispositif n'était cependant, pas détaillé plus avant.


* 1 L'ordonnance 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle ouvre le dispositif de chômage partiel aux salariés de droit privé des entreprises inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l'État.

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