III. DONNER AU PARLEMENT LES MOYENS D'ASSUMER SES MISSIONS CONSTITUTIONNELLES DANS LE CHAMP DES FINANCES SOCIALES
A. LA MISE EN PLACE DE « CLAUSES DE RÉVISION » AFIN DE GARANTIR LE RÔLE DU PARLEMENT EN COURS D'EXERCICE
Tirant les conséquences de pratiques inégales par les gouvernements de recours aux projets de loi de financement rectificative, la commission a souhaité renforcer les modalités de passages incontournables devant le Parlement en cours d'exercice.
Surtout, alors que l'exercice 2020 aurait justifié à maints égards le dépôt d'un collectif social et l'organisation d'une réelle discussion parlementaire sur les dépenses nouvelles liées à la crise et sur la remise en cause substantielle des équilibres votés à l'automne 2019 , le Gouvernement n'a pas entendu discuter d'un tel texte considérant qu'il n'y était pas contraint par la loi organique.
La situation constatée sur les exercices 2020 et 2021 a particulièrement illustré ce qui constitue, pour la commission, un dévoiement de l'esprit des LFSS qui ne sont pas des textes de constatation ni de programmation, mais d'autorisations de dépenses publiques.
Ainsi, à titre d'exemple, sur 2020 :
- en matière de recettes , l'effondrement du produit des cotisations en raison du recours massif à l'activité partielle a nécessité un relèvement, par deux fois, du plafond d'emprunt de l'Acoss, passé de 39 milliards d'euros d'autorisation à 95 milliards d'euros , avec une seule information du Parlement sur les deux requises ;
- en matière de dépenses , un relèvement de 150 millions d'euros à 4,8 milliards d'euros de la dotation de l'assurance maladie à Santé publique France, par simple arrêté ministériel et sans information ni avis des commissions des affaires sociales. Cette dépense aurait, sous le régime du budget de l'État qui finançait cette agence jusqu'en 2019, nécessité un collectif budgétaire ;
- sur 2020 toujours, les augmentations liées au Ségur de la santé ont anticipé l'autorisation budgétaire. Sans motif d'urgence impérieuse liée à la crise, les parlementaires ont donc été privés d'un débat sur les modalités d'une augmentation pérenne de la dépense d'assurance maladie ;
En 2021, hors contexte d'urgence également, la commission des comptes de la sécurité sociale constate dans son rapport de juin que les dépenses liées à la campagne vaccinale comme aux tests de dépistage dépassent très largement les provisions ou estimations faites en PLFSS (respectivement + 3,1 milliards pour les vaccins et + 2 milliards d'euros pour les tests) et globalement que + 9,6 milliards d'euros de dépassement de l'ONDAM prévus depuis juillet. Face à cette situation, le Gouvernement n'a pas choisi de déposer de texte rectificatif.
Ainsi, à l'initiative du rapporteur et de la rapporteure générale, Elisabeth Doineau, trois nouveaux mécanismes constituant des « clauses de révision ».
1. Une modalité nouvelle de relèvement du plafond d'emprunt de l'Acoss
Pour ce qui est des besoins de trésorerie des organismes de sécurité sociale, la commission a conservé la procédure de relèvement du plafond d'emprunt voté en LFSS par décret .
Elle a cependant prévu à l'article additionnel 3 ter que ce décret de relèvement ne pourrait être pris qu' après avis des commissions des affaires sociales .
2. Une meilleure normativité des objectifs de dépenses votés
a) Des conditions de relèvement de crédits propres à l'ONDAM
À l'article 1 er , la commission a adopté un amendement visant à prévoir des conditions particulières pour les crédits de l'ONDAM.
• Un sous-objectif devra être dédié aux établissements du service public hospitalier et retracer le montant global des dotations au titre des missions d'intérêt général. Pour relever les crédits de ce sous-objectif, le Gouvernement devra recueillir l'avis des commissions des affaires sociales , sauf en cas d'extrême urgence. La commission a souhaité par ce mécanisme renforcer l'information du Parlement sur les crédits alloués à l'hôpital public.
• Un sous-objectif sera désormais consacré aux opérateurs financés par l'Assurance maladie , comme l'agence Santé publique France ; il devra déterminer les dotations attribuées à chacun . Pour relever ces dotations, dans la limite de 10 %, le Gouvernement devra également recueillir l'avis du Parlement . En cas d'urgence d'intérêt national, cet avis sera facultatif mais le dépôt d'un collectif social est prescrit.
b) Un dépôt obligatoire de collectif social en cas de dépassement sensible des crédits votés
Enfin, pour l'ensemble des objectifs de dépenses, la commission a prévu qu'un dépassement de plus de 1 % des crédits votés en LFSS devra conduire le Gouvernement à déposer un projet de loi de financement rectificative . À titre d'exemple, cela représenterait pour 2021 un dépassement de l'ONDAM supérieur à 2,3 milliards d'euros.
3. Une information immédiate du Parlement en cas de rupture des équilibres votés
La commission a inséré un article additionnel 3 quater visant à garantir une meilleure information du Parlement en cas de rupture des équilibres votés en loi de financement de l'année , que celle-ci résulte d'un effondrement des recettes ou bien d'un besoin de dépenses nouvelles, et ce même en l'absence de loi de financement rectificative .
L'article prévoit ainsi la remise sans délai d'un rapport au Parlement sur les raisons de cette remise en cause des conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale tel que déterminé en LFSS de l'année. Surtout, il prévoit une projection des mises à jour des tableaux d'équilibre et des objectifs de dépenses .
Enfin, afin de mieux associer le Parlement et permettre un débat parlementaire même en l'absence de texte, les commissions des affaires sociales sont appelées à rendre un avis sur le rapport transmis.