Rapport n° 25 (2021-2022) de Mme Maryse CARRÈRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 octobre 2021
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L'ESSENTIEL
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I. UN DROIT DE VETO IMPLICITE OFFERT AU POUVOIR
RÉGLEMENTAIRE EN MATIÈRE D'APPLICATION DES LOIS
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II. LA FRILOSITÉ DU JUGE ADMINISTRATIF POUR
RECONNAÎTRE UN INTÉRÊT À AGIR AUX PARLEMENTAIRES EN
CAS DE REFUS DE PRENDRE UN RÈGLEMENT D'APPLICATION OU DE CONTESTER UNE
ORDONNANCE
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III. L'OUVERTURE JUSTIFIÉE D'UN
INTÉRÊT À AGIR AUX PARLEMENTAIRES MAIS QUI DOIT ÊTRE
MIEUX CIRCONSCRITE
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A. LE CONTENU ET LE CONTEXTE DE LA PROPOSITION DE
LOI
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1. La reconnaissance d'un intérêt agir
pour les recours pour excès de pouvoir portant sur le refus de prendre
des règlements d'application ou sur des atteintes au domaine de la loi
par le pouvoir exécutif
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2. Une précédente proposition de loi
rejetée par le Sénat mais dont le principe a depuis lors
été soutenu par son Président
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1. La reconnaissance d'un intérêt agir
pour les recours pour excès de pouvoir portant sur le refus de prendre
des règlements d'application ou sur des atteintes au domaine de la loi
par le pouvoir exécutif
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B. LA POSITION DE LA COMMISSION : ADOPTER LA
PROPOSITION DE LOI EN CIRCONSCRIVANT L'INTÉRÊT À AGIR ET
PRÉCISANT L'OBJET DES RECOURS POUR LESQUELS IL SERAIT OUVERT
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A. LE CONTENU ET LE CONTEXTE DE LA PROPOSITION DE
LOI
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I. UN DROIT DE VETO IMPLICITE OFFERT AU POUVOIR
RÉGLEMENTAIRE EN MATIÈRE D'APPLICATION DES LOIS
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EXAMEN EN COMMISSION
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RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 25
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant à reconnaitre aux membres de l' Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir ,
Par Mme Maryse CARRÈRE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .
Voir les numéros :
Sénat : |
696 (2020-2021) et 26 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 6 octobre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné le rapport de Maryse Carrère (Rassemblement Démocratique et Social Européen - Hautes-Pyrénées) sur la proposition de loi n° 696 (2020-2021) tendant à reconnaître aux membres de l'Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir déposée par Jean-Claude Requier (Rassemblement Démocratique et Social Européen - Lot) et plusieurs de ses collègues, inscrite à l'ordre du jour de l'espace réservé du Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Faisant suite à une première proposition de loi examinée en 2011, la présente proposition de loi tend à reconnaître un intérêt à agir aux membres du Parlement pour introduire des recours pour excès de pouvoir contre des refus de prise de décrets d'application, des ordonnances dépassant le champ de l'habilitation défini par la loi ou des décrets de ratification d'accords internationaux lorsque ces accords auraient dû être ratifiés en vertu d'une loi, en application de l'article 53 de la Constitution.
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission des lois a adopté la proposition de loi après l'avoir modifiée, notamment afin de limiter ce droit de recours aux présidents des deux assemblées parlementaires ainsi qu'aux présidents de leurs commissions permanentes.
I. UN DROIT DE VETO IMPLICITE OFFERT AU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE EN MATIÈRE D'APPLICATION DES LOIS
A. DES INTRUMENTS D'APPLICATION INDISPENSABLES À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI
Afin de renforcer le pouvoir exécutif, la Constitution de la V e République a limité le champ matériel donné à la loi. En application de son article 34, la loi ne peut prescrire que des règles, des principes fondamentaux ou des objectifs qui concernent des domaines limitativement énumérés par cet article.
Il en résulte deux conséquences. La première est que les normes qui ne relèvent pas de cette énumération appartiennent, par principe, au domaine réglementaire, en application de l'article 37 de la Constitution. Une partie de la doctrine juridique qualifie souvent les règlements relevant de l'article 37 de « règlements autonomes » car ils ne tirent pas directement leur autorité d'une loi 1 ( * ) .
La loi ne devant prescrire que des règles de portée générale, la seconde conséquence est que des « règlements d'application » sont nécessaires pour prendre leur relais et fixer les détails qui ne sont pas prévus par la loi. Ces règlements d'application sont, en principe, des décrets du Premier ministre, en application de l'article 21 de la Constitution qui précise que celui-ci « assure l'exécution des lois ». Le législateur peut, toutefois, déroger à cette règle en prévoyant une application par arrêté ministériel.
De la prise de ces décrets d'application dépend l'effectivité des lois votées par le Parlement. D'une part car, en l'absence de décret d'application, la substance de la norme n'est, en général, pas suffisante pour qu'elle soit appliquée. Lorsque la loi renvoie, par exemple, à un décret le soin de fixer le montant d'un seuil ou la composition d'un comité, il n'est pas possible d'appliquer la loi si les décrets d'application correspondant n'ont pas été pris.
D'autre part, car l'article 1 er du code civil dispose que « les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
Il en découle qu'une disposition qui nécessite une mesure d'application ne pourra entrer en vigueur que si cette mesure d'application est elle-même entrée en vigueur. En théorie, le pouvoir exécutif peut donc exercer une sorte de veto sur le travail du législateur puisqu'il lui suffit de ne pas prendre les règlements d'application pour que les dispositions législatives qui ne sont pas d'application directe n'entrent jamais en vigueur.
B. L'ABSENCE DE MÉCANISME INSTITUTIONNEL PERMETTANT AU PARLEMENT D'OBTENIR LA PUBLICATION DES MESURES D'APPLICATION
1. L'absence de garanties institutionnelles quant à la prise effective des instruments d'application
Si, en vertu de l'article 24 de la Constitution, le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement » , aucun mécanisme ad hoc de nature constitutionnelle ou législative ne lui permet d'obtenir du Gouvernement la publication des instruments d'application manquants. En effet, aucune règle ne fixe le délai maximum dont dispose le Gouvernement pour prendre ces décrets. Certes, la circulaire du Premier ministre du 29 février 2008 relative à l'application des lois fixe un délai de six mois, mais ce texte n'a pas de portée normative effective.
Seule demeure, en théorie, la possibilité ouverte à l'Assemblée nationale de mettre en oeuvre la responsabilité du Gouvernement en application de l'article 50 de la Constitution.
2. Le contrôle politique de l'application des lois mis en oeuvre par le Sénat
Face à cette absence de mécanisme institutionnel, le Sénat a choisi d'offrir un traitement politique à la question de l'application des lois en publiant depuis 1972 un bilan annuel ainsi que certains bilans exceptionnels 2 ( * ) , et en organisant des débats en séance publique dédiés à cette question, en présence du ministre en charge des relations avec le Parlement.
Le dernier bilan de l'application des lois au 31 mars 2021 3 ( * ) marque ainsi le cinquantième anniversaire du contrôle de l'application des lois organisé par le Sénat. Comme le précise Mme Pascale Gruny, Président de la délégation du Bureau en charge du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances, dans son avant-propos, « dans cet exercice, notre institution s'attache à vérifier que les mesures d'application des lois que vote le Parlement sont prises en temps et en heure. Au fil du temps, ce contrôle est devenu un dispositif incontournable de l'arsenal dont dispose le Sénat pour assurer sa mission constitutionnelle de contrôle de l'action du Gouvernement » 4 ( * ) .
Ces bilans d'application des lois s'appuient sur les bilans respectifs des commissions permanentes qui sont en charge du suivi de l'application des lois, en application de l'article 19 bis A du Règlement du Sénat. Si ce contrôle ne permet pas de contraindre le Gouvernement à prendre les instruments d'application manquants, il permet, toutefois, de mettre en lumière annuellement les manques éventuels et de l'inviter à expliciter les raisons de ces manques.
Sur, le fond, si l'on excepte la période récente marquée par la crise sanitaire 5 ( * ) , les taux d'application relevés par les bilans annuels sont relativement satisfaisants, comme le montre le tableau synthétique issu du bilan d'application des lois au 31 mars 2020.
Ces statistiques globales sont complétées par les analyses des commissions permanentes sur la qualité des mesures prises, leur respect de la volonté du législateur et sur l'importance des mesures restant à prendre. Comme l'indiquait Philippe Bas, alors président de la commission des lois, « il convient de relativiser les données chiffrées, car les mesures d'application des lois ne sont ni toutes aussi urgentes ni toutes aussi aisées à prendre les unes que les autres 6 ( * ) » .
3. Le réel travail de suivi effectué par le secrétariat général du Gouvernement
Comme l'a confirmé Claire Landais, secrétaire générale du Gouvernement (SGG), entendue par le rapporteur, le Gouvernement n'utilise pas le veto implicite qui lui est offert par la Constitution mais s'efforce, au contraire, de veiller à la publication des décrets d'application dans le délai indicatif de six mois que fixe la circulaire du 29 février 2008 précitée.
Le SGG et les vice-présidents du Sénat successifs en charge du suivi de l'application des lois collaborent depuis de nombreuses années dans le but d'évaluer objectivement le degré d'application des lois adoptées par le Parlement. Les différences de taux d'application constatées entre les chiffres fournis par les bilans d'application des lois du Sénat et ceux du Secrétariat général du Gouvernement s'expliquent, le plus souvent, par des différences de méthodologie .
Afin de calculer le taux d'application d'une loi ou d'un ensemble de lois sur une période de temps donnée, les commissions permanentes du Sénat répertorient, parmi les dispositions législatives votées, les mesures d'application qu'elles nécessitent à l'aide d'APLEG, une application informatique dédiée. Les mesures ainsi répertoriées sont aussi bien des arrêtés que des décrets, la loi faisant souvent référence à des mesures d'application prises par « voie réglementaire » . Le même article d'une loi peut donc nécessiter plusieurs mesures d'application distinctes au sens que lui donne le Sénat. Le taux d'application correspond alors au rapport entre les mesures effectivement prises à un instant donné et celles qui étaient attendues ab initio .
La méthode de calcul utilisée par le SGG diffère légèrement. Elle se fonde sur la remise de calendriers d'application élaborés par chaque ministère en charge de l'application d'un texte, qui fait état des décrets dont la publication est jugée nécessaire ainsi que des éventuelles obligations consultatives qui y sont attachées.
II. LA FRILOSITÉ DU JUGE ADMINISTRATIF POUR RECONNAÎTRE UN INTÉRÊT À AGIR AUX PARLEMENTAIRES EN CAS DE REFUS DE PRENDRE UN RÈGLEMENT D'APPLICATION OU DE CONTESTER UNE ORDONNANCE
A. L'EXISTENCE D'UNE PROCÉDURE EN CARRENCE EN CAS D'ABSENCE DE RÈGLEMENT D'APPLICATION PRIS DANS UN DÉLAI RAISONNABLE
Alors qu'il n'existe pas de mécanisme institutionnel permettant au Parlement d'obtenir la publication d'instruments d'application manquant, le juge administratif a reconnu cette faculté aux justiciables, sous certaines conditions.
Le Conseil d'État considère de longue date que l'absence de publication d'instruments d'application dans un délai raisonnable constitue la méconnaissance d'une obligation permettant d'engager la responsabilité de l'État. Ainsi, en 1964, la décision du Conseil d'État « Veuve Renard » condamne pour la première fois l'État à une indemnité réparatrice du préjudice causé par un retard de 13 ans dans l'édiction de règlements d'application d'un décret 7 ( * ) .
Le Conseil d'État a également jugé illégal le refus du Premier ministre de prendre un décret d'application qui n'était pas explicitement prévu par la loi mais qui était, dans les faits, nécessaire à son entrée en vigueur :
« Considérant que, si le décret du 19 décembre 1945 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'ordonnance du 15 juin 1945 au ministère de la production industrielle n'a pas défini les modalités de reclassement des candidats empêchés d'accéder aux services publics et issus d'un concours normal, cette circonstance ne saurait avoir pour effet de priver le requérant de bénéficier des dispositions de l'ordonnance du 15 juin 1945 qui lui sont applicables ; qu'il incombe seulement à l'autorité compétente de prendre les dispositions réglementaires nécessaires pour l'application de ladite ordonnance aux agents intéressés. » 8 ( * )
En 2000, le Conseil d'État a précisé que « l'exercice du pouvoir réglementaire comporte, non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle » 9 ( * ) .
Lorsqu'il juge qu'un refus d'adoption d'une mesure d'application est illégal, le Conseil d'État utilise également le pouvoir d'injonction qu'il détient depuis la loi 8 février 1995 10 ( * ) afin d'obtenir de l'administration la publication des règlements manquants 11 ( * ) .
B. LE REFUS DU JUGE ADMINISTRATIF DE RECONNAÎTRE UN INTÉRET À AGIR AUX PARLEMENTAIRES
1. Des hésitations précédant un refus clair
Depuis de nombreuses années 12 ( * ) le juge limite le champ des personnes pouvant introduire un recours pour excès de pouvoir en créant une obligation d'intérêt à agir qui implique que l'acte en cause doit affecter de façon suffisamment directe et certaine le demandeur, à peine d'irrecevabilité de sa demande. Si le juge administratif tend, dans nombre de domaines, à ouvrir les cas dans lesquels il reconnaît un intérêt à agir aux requérants, force est de constater que tel n'est n'est toujours pas le cas pour les députés ou sénateurs.
À ce titre, le constat n'a guère évolué depuis le rapport de Jean-René Lecerf, alors rapporteur de la commission des lois sur la proposition de loi n° 203 (2010-2011), présentée par Yvon Collin et plusieurs de ses collègues, tendant à reconnaître une présomption d'intérêt à agir des parlementaires en matière de recours pour excès de pouvoir.
Comme il l'indiquait déjà en 2011, « le Conseil d'État a toujours éludé la question en adoptant deux attitudes qu'une partie de la doctrine qualifie d'attitudes de « contournement » et d'« évitement » .
La stratégie de contournement consiste, principalement, à ne pas reconnaître explicitement un intérêt pour agir à un parlementaire mais lui reconnaître cet intérêt sur le fondement d'une autre de ses qualités :
- qualité d'« électeur » pour demander l'annulation d'un décret organisant le referendum du 28 octobre 1962 13 ( * ) ;
- qualité de « président du comité des finances locales » pour la contestation d'un décret relatif au fonds de compensation pour la TVA 14 ( * ) ;
- qualité de « consommateur de produits pétroliers » afin de lui permettre de contester le refus du ministre du Budget de mettre en oeuvre le mécanisme dit de la « TIPP flottante » 15 ( * ) ;
- qualité d'« actionnaire d'une société d'autoroute » pour contester la privatisation d'une société d'autoroute 16 ( * ) .
La stratégie de l'évitement a également conduit le juge administratif à éluder la question de la recevabilité d'une requête en se prononçant directement sur le fond. Un exemple a été donné par le juge administratif dans sa décision « Fédération nationale de la libre pensée », en 2009, dont l'affaire concernait la ratification d'un accord international par voie réglementaire. La réitération de cette stratégie de contournement est intervenue alors même que les conclusions du rapporteur public étaient sans appel et invitaient la jurisprudence à se stabiliser dans un sens plus libéral :
« Le parlementaire frappe depuis plusieurs décennies à la porte de votre prétoire ; il ne sait toujours pas si elle lui est ouverte ou fermée. [...] pour notre part, nous croyons que la considération que l'on doit à la fonction parlementaire doit vous conduire à renoncer aux subterfuges et à dire clairement ce qu'il en est. » 17 ( * )
Un autre exemple de cette stratégie avait été donné par le juge à l'occasion de la contestation par Jean-Pierre Sueur, en sa qualité de sénateur, d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution 18 ( * ) .
En 2011, à l'occasion d'une saisine du sénateur Jean-Louis Masson, le juge administratif a abandonné cette stratégie au détriment des parlementaires en indiquant clairement que le requérant « qui se prévaut des qualités de citoyen, d'usager des services publics, d'élu et de parlementaire, ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir contre le refus de prendre [un] décret ». En l'espèce, il s'agissait d'un décret prévu par l'article L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications résultant de l'article 22 de la loi du 21 juin 2004 19 ( * ) .
2. Des motifs de refus divers
Les motivations conduisant le juge administratif à ne pas reconnaître d'intérêt à agir aux parlementaires ont été classées en trois catégories par le Professeur Olivier Renaudie 20 ( * ) .
La première tiendrait à l'indivisibilité de la souveraineté nationale dont seul le Parlement est l'expression : « À titre individuel, les parlementaires ne seraient ainsi pas habilités à défendre le Parlement contre les atteintes susceptibles de lui être portées, comme par exemple une mesure réglementaire contraire à une disposition législative ou édictée dans le domaine relevant de la loi » 21 ( * ) .
La deuxième raison serait une potentielle atteinte à la séparation des pouvoirs : ouvrir un intérêt à agir aux parlementaires placerait le juge administratif en arbitre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Enfin, la dernière raison réside dans la volonté de prévenir une actio popularis . Le professeur Renaudie s'appuie sur la citation du président Massot pour caractériser cette dernière catégorie : « représentant la Nation tout entière et cherchant à préserver les intérêts patrimoniaux de l'État, [le parlementaire] fait partie d'un cercle trop vaste pour que son action ne se confonde pas avec l'action populaire » 22 ( * ) .
III. L'OUVERTURE JUSTIFIÉE D'UN INTÉRÊT À AGIR AUX PARLEMENTAIRES MAIS QUI DOIT ÊTRE MIEUX CIRCONSCRITE
A. LE CONTENU ET LE CONTEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI
1. La reconnaissance d'un intérêt agir pour les recours pour excès de pouvoir portant sur le refus de prendre des règlements d'application ou sur des atteintes au domaine de la loi par le pouvoir exécutif
L'article unique de la présente proposition de loi tend à modifier l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires afin de créer une présomption irréfragable d'intérêt à agir au bénéfice membres de l'Assemblée nationale et du Sénat, pour introduire un recours pour excès de pouvoir (REP) contre les actes ayant principalement fait l'objet de recours dans les affaires introduites par de parlementaires devant le juge administratif.
Le premier d'entre eux vise le refus du Premier ministre de prendre dans un délai raisonnable les mesures réglementaires d'application d'une disposition législative (recours en carence). Il s'agit, par exemple, de l'hypothèse rencontrée dans l'affaire portée devant le Conseil d'État par le sénateur Jean-Louis Masson ( cf supra ).
Cette proposition de loi tend également à reconnaître un intérêt à agir aux parlementaires pour introduire un REP contre une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution qui méconnaît le champ d'habilitation fixé par le législateur . Il s'agit, par exemple, de l'hypothèse rencontrée dans le recours présenté par Jean-Pierre Sueur ( cf supra ).
Enfin, la proposition de loi tend également à reconnaître un tel intérêt à agir pour contester « un acte réglementaire autorisant la ratification ou l'approbation d'un traité lorsque le moyen unique soulevé est tiré de ce que cette autorisation aurait dû être accordée par la loi en vertu de l'article 53 de la Constitution » . Tel était le cas, par exemple, de l'affaire « Fédération nationale de la libre pensée » ( cf. supra ).
2. Une précédente proposition de loi rejetée par le Sénat mais dont le principe a depuis lors été soutenu par son Président
La rédaction de cette proposition de loi reprend celle proposée en séance publique par Jean-René Lecerf, rapporteur au nom de la commission des lois d'une précédente proposition de loi 23 ( * ) partageant le même objet, émanant également du groupe RDSE et qui avait été examinée au début de l'année 2011. Toutefois, l'amendement du rapporteur n'avait pas été adopté et le texte avait finalement été rejeté par le Sénat, au motif de difficultés de nature constitutionnelle posées, alors que le texte avait reçu le soutien du groupe socialiste à travers une intervention de Jean-Pierre Sueur, en séance publique, y voyant un moyen de défendre les prérogatives du Parlement.
Néanmoins, le contexte politique semble avoir changé , comme le rappelle l'exposé des motifs, puisque le dépôt de la proposition de loi fait suite à une déclaration du président du Sénat, prononcée le 1 er octobre 2020, par laquelle il défendait la nécessité de « réfléchir à une procédure [...] qui permette au Parlement de saisir le juge administratif lorsqu'un décret d'application manque à l'appel ».
B. LA POSITION DE LA COMMISSION : ADOPTER LA PROPOSITION DE LOI EN CIRCONSCRIVANT L'INTÉRÊT À AGIR ET PRÉCISANT L'OBJET DES RECOURS POUR LESQUELS IL SERAIT OUVERT
1. Une proposition de loi nécessaire pour régler des cas ciblés
Les travaux conduits par le rapporteur confirment que le dispositif proposé par la proposition de loi n'est pas nécessaire pour obtenir la publication de la très grande majorité des instruments d'application par le pouvoir exécutif du fait des efforts significatifs produits par le secrétariat général du Gouvernement. Toutefois, le dispositif proposé devrait démontrer toute son utilité pour l'obtention de certains règlements d'application ponctuellement manquants .
En outre, le mécanisme proposé permettra une contestation efficace des ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. En l'état du droit, le législateur n'a en effet d'autre possibilité que de modifier le contenu des ordonnances qu'il juge contraires à l'habilitation donnée par l'intermédiaire de dispositions modificatrices prises, et ce uniquement lorsqu'est soumis à son examen le texte de ratification de l'ordonnance en cause.
Or, d'une part, le Gouvernement n'a pas d'obligation constitutionnelle de faire ratifier les ordonnances par le Parlement, la Constitution lui imposant seulement de déposer un projet de loi de ratification sans pour autant l'inscrire à l'ordre du jour parlementaire. D'autre part, lorsque les circonstances conduisent le Parlement à examiner réellement le texte de ratification, l'ordonnance est, sauf exception, déjà entrée en vigueur. Il en découle deux régimes juridiques qui se succèdent, le premier découlant de l'ordonnance initiale et le second découlant, le cas échéant, des modifications apportées par la loi de ratification.
Face à cette situation peu satisfaisante, le mécanisme proposé par le groupe RDSE tend ainsi à permettre une contestation beaucoup plus rapide d'une ordonnance ne respectant pas le champ de l'habilitation donnée, devant le juge administratif.
2. Une proposition de loi semblant conforme à la Constitution
Les modifications dans l'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif que tendrait à introduire ce texte ainsi que les réticences du juge administratif à reconnaître de lui-même un intérêt à agir aux parlementaires ont conduit la rapporteure à s'interroger sur la constitutionnalité de la proposition de loi. À ce titre, les auditions conduites ont été rassurantes.
Le principal grief porterait sur une éventuelle violation du principe de la séparation des pouvoirs. Or, la rapporteure souligne que certains mécanismes de contrôle de l'action du Gouvernement sont prévus par la loi ordinaire, sans base constitutionnelle. C'est le cas des offices et délégations, et ce fut longtemps celui des commissions d'enquête, avant leur consécration dans la Constitution en 2008.
Il convient également de constater que la présente proposition de loi ne crée pas de nouveaux recours mais aménage un recours existant, déjà largement ouvert par le juge (voir supra ) et parfois spécifiquement adapté par le législateur pour certaines catégories de requérants 24 ( * ) . Certaines dispositions existantes créent d'ailleurs des présomptions légales d'intérêt à agir en faveur des membres du Gouvernement. C'est notamment le cas de l'article L. 211-2 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que : « Outre toute personne justifiant d'un intérêt pour agir, le ministre chargé de la culture peut saisir l'autorité judiciaire, notamment s'il n'y a pas d'ayant droit connu, ou en cas de vacance ou déshérence ».
En outre, le recours pour excès de pouvoir conduit, par définition, le juge administratif à apprécier la conformité des actes réglementaires au corpus législatif et à apprécier la légalité des éventuels refus de prendre des instruments d'application. Ainsi, pour l'heure, cette voie de recours est déjà, de manière objective, un instrument de régulation des relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif en tant qu'elle permet de faire concrètement respecter la hiérarchie des normes .
De plus, la rapporteure constate que certaines lois ou certaines décisions juridictionnelles ont incidemment impacté les relations entre le juge administratif et les pouvoirs exécutif ou législatif sans que la constitutionnalité de ces dispositifs ait été remise en cause.
L'exemple le plus marquant est la loi du 8 février 1995
précitée offrant un droit d'injonction au juge administratif
à l'encontre du pouvoir réglementaire. Ces dispositions n'ont pas
été censurées par le Conseil constitutionnel
25
(
*
)
alors même qu'aucune
disposition constitutionnelle n'autorise de telles injonctions et que le
Conseil constitutionnel sanctionne habituellement les dispositions
législatives par lesquelles le Parlement
- pouvoir
législatif - formule des injonctions à l'endroit du
Gouvernement
- pouvoir exécutif, y voyant une atteinte au
principe de séparation des pouvoirs
26
(
*
)
.
Le même constat peut être formulé à la lecture de la décision du Conseil d'État « Président de l'Assemblée nationale » du 5 mars 1999 par laquelle le juge administratif s'est reconnu compétent, en certaines circonstances, pour connaître des actes émanant du pouvoir législatif et a ainsi « mis un terme à une jurisprudence par laquelle, par référence au principe de séparation des pouvoirs, le juge administratif ne s'estimait pas habilité à connaître de la légalité des décisions de passation des marchés conclus par les assemblées parlementaires » 27 ( * ) .
3. Une proposition de loi nécessitant des ajustements pour en assurer l'effectivité
La commission des lois est favorable au dispositif de la proposition sous réserve de deux types de modifications.
En premier lieu, elle a circonscrit le champ des bénéficiaires de cet intérêt à agir spécifique qui serait reconnu par la loi.
Elle a ainsi adopté l'amendement COM-1 de sa rapporteure tendant à de restreindre le champ de l'intérêt à agir aux seuls présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'aux présidents de leurs commissions permanentes .
Il convient, en effet, de privilégier, en la matière, un droit d'agir « institutionnel » permettant au Sénat, en tant qu'institution, de faire assurer le respect de la volonté du législateur par le pouvoir réglementaire. Cette limite constitue une réponse aux interrogations formulées par le juge administratif quant à la remise en cause de l'indivisibilité de la souveraineté et de l'ouverture d'une forme d' actio popularis.
L'ouverture d'un intérêt à agir limité à ces organes est, en outre, cohérent avec l'article 19 bis A du Règlement du Sénat qui confie aux commissions permanentes le suivi de l'application des lois. L'intérêt à agir laissé aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat leur permettra, s'ils le jugent nécessaire, de faire droit à des demandes de recours n'émanant pas des présidents des commissions permanentes.
En second lieu, elle a précisé l'objet des recours pour lesquels cet intérêt à agir spécifique serait ouvert.
D'une part, elle a adopté l'amendement COM-2 de la rapporteure visant à permettre un recours contre tout refus de prendre une mesure réglementaire d'application d'une disposition législative et non contre les seuls refus du Premier ministre.
Cette précision permettra notamment les recours contre les refus de prendre des arrêtés ministériels rendus directement nécessaires par une disposition législative ou rendus nécessaires pour l'entrée en vigueur d'un décret d'application.
D'autre part, la commission des lois a adopté l'amendement COM-3 de sa rapporteure afin d'ouvrir le recours contre une ordonnance dès lors qu'un des moyens soulevés porte sur le non-respect du champ de l'habilitation donnée par le Parlement et non lorsqu'il s'agit de l'unique moyen soulevé.
Élargir le champ des moyens pouvant motiver la saisine réduira les cas dans lesquels le recours ultérieur d'une tierce personne sera nécessaire pour purger une ordonnance de l'ensemble de ses griefs.
La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN EN COMMISSION
__________
M. François-Noël Buffet , président . - Je laisse la parole à Maryse Carrère, rapporteure sur la proposition de loi tendant à reconnaître aux membres de l'Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir, déposée par notre collègue Jean-Claude Requier.
Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Mes chers collègues, nous avons tous connu la satisfaction de voir adopter un amendement auquel nous tenions particulièrement, mais combien d'entre nous se sont désespérés d'attendre la publication des règlements d'application nécessaires à son entrée en vigueur ?
C'est notamment contre cette situation frustrante que la présente proposition de loi, déposée par Jean-Claude Requier, président du groupe RDSE, et plusieurs de ses collègues, tend à lutter, puisqu'elle vise à reconnaître aux membres de l'Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.
Si, en vertu de l'article 24 de la Constitution, le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement », aucun mécanisme ad hoc de nature constitutionnelle ou législative ne lui permet d'obtenir la publication d'instruments d'application manquants. En effet, aucune règle ne fixe le délai maximum dont dispose le Gouvernement pour prendre ses décrets. Certes, la circulaire du Premier ministre du 29 février 2008 relative à l'application des lois fixe un délai de six mois, mais ce texte n'a pas de portée normative effective. Seule demeure, en théorie, la possibilité ouverte à l'Assemblée nationale de mettre en oeuvre la responsabilité du Gouvernement, en application de l'article 50 de la Constitution.
Face à cette absence de mécanisme institutionnel, le Sénat a choisi d'offrir un traitement politique à la question de l'application des lois, en publiant, depuis 1972, un bilan annuel ainsi que certains bilans exceptionnels et en organisant des débats en séance publique dédiés à cette question, en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement.
Il faut le reconnaître, les bilans d'application récents témoignent de taux d'application globalement satisfaisants, qui s'expliquent, notamment, par le réel travail de suivi du Secrétariat général du Gouvernement. Comme l'a confirmé Claire Landais lors de son audition, le Gouvernement n'utilise pas le veto implicite qui lui est offert par la Constitution, mais s'efforce, au contraire, de veiller à la publication des décrets d'application dans le délai indicatif de six mois que fixe la circulaire de 2008.
Toutefois, malgré ces efforts, certains règlements manquent à l'appel et les parlementaires se trouvent désarmés pour réclamer leur publication. L'absence de mécanisme institutionnel permettant au Parlement d'obtenir la publication d'instruments d'application manquants est d'autant plus frustrante que le juge administratif a reconnu cette faculté aux justiciables, sous certaines conditions.
Ainsi, le Conseil d'État considère, depuis sa décision « Veuve Renard » de 1964, que l'absence de publication d'instruments d'application dans un délai raisonnable constitue la méconnaissance d'une obligation permettant d'engager la responsabilité de l'État. Le Conseil d'État a également jugé illégal le refus du Premier ministre de prendre un décret d'application qui n'était pas explicitement prévu par la loi, mais qui était, dans les faits, nécessaire à son entrée en vigueur. Dans ces circonstances, le juge administratif n'hésite pas à utiliser le pouvoir d'injonction qu'il détient depuis 1995 pour contraindre le pouvoir réglementaire à prendre les instruments manquants.
Alors que ce recours se montre efficace, le juge administratif s'est toujours montré frileux à l'ouvrir aux parlementaires, considérant qu'ils ne disposaient pas d'un intérêt à agir suffisant.
Dans certains cas, il a contourné le problème en se fondant sur une autre qualité du requérant-parlementaire pour ouvrir le recours. Dans d'autres cas, il a évité le problème en rejetant la requête au fond, sans se prononcer sur sa recevabilité. Puis, en 2011, à l'occasion d'une saisine de notre collègue Jean Louis Masson, le Conseil d'État a abandonné cette stratégie, en indiquant clairement que le requérant « qui se prévaut des qualités de citoyen, d'usager des services publics, d'élu et de parlementaire, ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir contre le refus de prendre [un] décret ».
Plusieurs raisons sont avancées par le juge administratif pour motiver ce refus. L'une d'elles tiendrait à l'indivisibilité de la souveraineté nationale, dont seul le Parlement, et non chacun de ses membres, est l'expression. Une autre raison serait une potentielle atteinte à la séparation des pouvoirs : ouvrir un intérêt à agir aux parlementaires placerait le juge administratif en arbitre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Face à ce constat, l'article unique de la présente proposition de loi tend à modifier l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires afin de créer une présomption irréfragable d'intérêt à agir au bénéfice des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat pour introduire un recours pour excès de pouvoir contre les principaux actes ayant fait l'objet de recours dans les affaires introduites par des parlementaires devant le juge administratif.
Le premier d'entre eux vise le refus du Premier ministre de prendre dans un délai raisonnable les mesures réglementaires d'application d'une disposition législative. Il s'agit, par exemple, de l'hypothèse rencontrée dans l'affaire, que j'évoquais tout à l'heure, portée devant le Conseil d'État par le sénateur Jean Louis Masson.
Cette proposition de loi tend également à reconnaître un intérêt à agir aux parlementaires pour introduire un recours pour excès de pouvoir contre une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution qui méconnaîtrait le champ d'habilitation fixé par le législateur. Notre collègue Jean-Pierre Sueur peut nous parler de ce cas de figure, puisqu'il correspond à un recours qu'il a introduit.
Enfin, la proposition de loi tend également à reconnaître un tel intérêt à agir pour contester « un acte réglementaire autorisant la ratification ou l'approbation d'un traité lorsque le moyen unique soulevé est tiré de ce que cette autorisation aurait dû être accordée par la loi en vertu de l'article 53 de la Constitution ».
La rédaction de cette proposition de loi reprend celle qui a été proposée en séance publique par Jean-René Lecerf, rapporteur au nom de la commission des lois d'une précédente proposition de loi qui avait le même objet, qui émanait également du groupe RDSE et qui avait été examinée au début de l'année 2011. Cette proposition de loi avait été rejetée, mais le contexte politique semble avoir changé, puisque le dépôt de la présente proposition de loi fait suite à une déclaration prononcée le 1 er octobre 2020 par le président du Sénat, dans laquelle il défendait la nécessité de « réfléchir à une procédure [...] qui permette au Parlement de saisir le juge administratif lorsqu'un décret d'application manque à l'appel ».
Je partage cette volonté du président du Sénat, à laquelle la présente proposition de loi peut répondre. En outre, le mécanisme proposé permettra une contestation efficace des ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. En l'état du droit, le législateur n'a en effet d'autre possibilité que de modifier le contenu des ordonnances qu'il juge contraires à l'habilitation donnée, par l'intermédiaire de dispositions modificatrices prises, le plus souvent, lorsque le texte de ratification de l'ordonnance en cause est soumis à son examen.
Par ailleurs, les travaux que j'ai conduits m'ont rassurée sur la constitutionnalité de cette proposition de loi.
En ce qui concerne une éventuelle violation du principe de la séparation des pouvoirs, rappelons-nous que certains mécanismes de contrôle de l'action du Gouvernement sont prévus par la loi « ordinaire », sans base constitutionnelle. C'est le cas des offices et délégations, et ce fut longtemps celui des commissions d'enquête, avant leur consécration dans la Constitution en 2008.
Il convient également de constater que la présente proposition de loi ne crée pas de nouveaux recours, mais aménage un recours existant, déjà largement ouvert par le juge. Certaines dispositions existantes créent d'ailleurs des présomptions légales d'intérêt à agir en faveur des membres du Gouvernement. C'est notamment le cas de l'article L. 211-2 du code de la propriété intellectuelle.
En outre, le recours pour excès de pouvoir conduit, par définition, le juge administratif à apprécier la conformité des actes réglementaires au corpus législatif et à apprécier la légalité des éventuels refus de prendre des instruments d'application. Ainsi, cette voie de recours est déjà, de manière objective, un instrument de régulation des relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif en tant qu'elle permet de faire concrètement respecter la hiérarchie des normes.
De plus, je souhaite rappeler que certaines lois ou certaines décisions juridictionnelles ont incidemment impacté les relations entre le juge administratif et les pouvoirs exécutif ou législatif sans que la constitutionnalité de ces dispositifs ait été remise en cause. L'exemple le plus marquant est la loi du 8 février 1995, qui a offert un droit d'injonction au juge administratif à l'encontre du pouvoir réglementaire. Le même constat peut être formulé à la lecture de la décision du Conseil d'État « Président de l'Assemblée nationale » du 5 mars 1999, par laquelle le juge administratif s'est reconnu compétent, en certaines circonstances, pour connaître des actes émanant du pouvoir législatif.
Aussi, je propose à la commission des lois de voter favorablement le dispositif de cette proposition de loi sous réserve de trois modifications.
En premier lieu, je vous propose, par un amendement, de restreindre le champ de l'intérêt à agir aux seuls présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'aux présidents de leurs commissions permanentes. Il convient, en effet, de privilégier, en la matière, un droit d'agir « institutionnel », permettant au Sénat, en tant qu'institution, de faire assurer le respect de la volonté du législateur par le pouvoir réglementaire.
L'ouverture d'un intérêt à agir limité à ces organes est, en outre, cohérente avec l'article 19 bis A du Règlement du Sénat, qui confie aux commissions permanentes le suivi de l'application des lois. L'intérêt à agir laissé aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat leur permettra, le cas échéant, de faire droit à des demandes de recours n'émanant pas des présidents des commissions permanentes.
En deuxième lieu, je vous propose de permettre un recours contre tout refus de prendre une mesure réglementaire d'application d'une disposition législative, et non contre les seuls refus du Premier ministre. Cette précision permettra notamment les recours contre les refus de prendre des arrêtés ministériels rendus directement nécessaires par une disposition législative ou rendus nécessaires pour l'entrée en vigueur d'un décret d'application.
Enfin, je vous propose d'ouvrir les recours contre une ordonnance dès lors qu'un des moyens soulevés porte sur le non-respect du champ de l'habilitation donnée par le Parlement, et non lorsqu'il s'agit de l'unique moyen soulevé. Élargir le champ des moyens pouvant motiver la saisine réduira les cas dans lesquels le recours ultérieur d'une tierce personne sera nécessaire pour purger une ordonnance de l'ensemble de ses griefs.
Pour terminer, je précise que la modification apportée à l'article 1 er a été faite avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi.
Mme Nathalie Goulet . - Je veux remercier la rapporteure de son travail. Nous sommes dans l'ensemble très favorables à cette proposition de loi, dont l'objet recouvre d'ailleurs le problème des ordonnances. Il y a une vraie connexité entre ce texte et celui que Patrick Kanner vient d'évoquer.
Le suivi de l'application des textes était jadis confié à une délégation spéciale, que présidait notre collègue David Assouline. La réforme du Sénat a conduit à la supprimer, pour conférer à chaque commission le suivi des textes qui la concernent.
Cette proposition de loi résulte d'une très bonne initiative. Cependant, restreindre le champ de l'intérêt à agir aux seuls présidents des assemblées parlementaires et présidents des commissions permanentes laissera peu de chances de saisine aux groupes minoritaires et d'opposition. Nous risquons de rencontrer les mêmes déboires que pour les levées d'immunité parlementaire. Il faut protéger les droits des minorités et de l'opposition et, peut-être, ouvrir la possibilité de faire un recours aux présidents des groupes politiques. Sinon, nous nous retrouverons dans une équation qui ne me semble pas acceptable démocratiquement.
M. Jean-Pierre Sueur . - Je tiens d'abord à souligner le grand intérêt de cette proposition de loi et à remercier son auteur, Jean-Claude Requier, ainsi que la rapporteure.
C'est un vrai problème qui est posé. J'ai eu l'occasion de le vérifier en 2004, où j'ai eu l'honneur de me transporter au Conseil d'État pour présenter un recours, au nom de 60 sénateurs, contre une ordonnance sur les partenariats public-privé qui, à notre sens, ne respectait pas les termes de la loi d'habilitation. Dans sa décision, le Conseil d'État a décidé que cette ordonnance, étant citée dans une disposition tout à fait secondaire d'une loi relative à la santé adoptée par voie d'amendement, était ratifiée automatiquement, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité d'un parlementaire à effectuer une saisine devant le Conseil d'État.
Le Conseil d'État a ensuite reçu diverses saisines de parlementaires, à d'autres titres. Ainsi, Didier Migaud a été reconnu comme pouvant faire un recours en sa qualité de consommateur de produits pétroliers - il dispose d'une voiture et peut acheter de l'essence... M. François Bayrou a également été considéré comme légitime à déposer un recours en tant qu'actionnaire d'une société d'autoroute. Le comble a été le recours contre la publicité sur les chaînes de télévision de notre ancienne collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, qu'elle a pu faire en tant qu'usagère des services de télévision... Il y a là quelque chose d'assez grotesque.
Il est donc très bienvenu de prévoir que les parlementaires sont susceptibles, comme tous les citoyens, de saisir le Conseil d'État sur le défaut de publication des décrets ou de ratification des ordonnances, qui, à ce titre, ont un statut de texte à caractère administratif ou réglementaire.
Cependant, comme Nathalie Goulet, je déplore, madame la rapporteure, alors que le texte initial de la proposition de loi conférait cette possibilité de saisine à tous les parlementaires, que vous reveniez en arrière. Pourquoi la limiterait-on aux seuls présidents de commission et présidents des assemblées parlementaires ? Je ne le comprends pas, dès lors que tous les citoyens peuvent exercer un recours. Déposer un amendement de repli visant à ajouter les présidents de groupe réglerait la question des minorités et des oppositions.
Pour ma part, je voterai contre votre amendement. Je pense qu'il faut revenir à la rédaction initiale, qui était excellente.
Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Monsieur Sueur, nous nous sommes aussi posé la question. Nous avons également beaucoup réfléchi avec l'auteur du texte sur l'opportunité d'ouvrir ce droit de recours à près de 1 000 nouveaux requérants. Certes, le citoyen peut déjà saisir le Conseil d'État, mais il s'agit ici d'institutionnaliser le droit au recours des parlementaires.
Après une longue réflexion, nous avons fait le choix de restreindre ce droit aux présidents des deux assemblées et aux présidents des commissions permanentes, ce qui laisse une porte ouverte aux droits de l'opposition et des minorités, par le biais de la commission des finances, qui est systématiquement présidée par un parlementaire de l'opposition. En effet, nous avons fait le choix de ne pas restreindre au périmètre de chaque commission la possibilité de recours : n'importe quelle commission pourrait se saisir d'un recours sur n'importe quel sujet. Au reste, les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale pourront profiter de leur position pour porter certains recours, à l'initiative d'autres parlementaires, s'ils les jugent pertinents.
Cet amendement a aussi pour objet de limiter les recours abusifs : nous ne voudrions pas que cet outil devienne une tribune politique sur tous les sujets, au profit de quelques parlementaires en mal d'audience.
Enfin, la nécessité d'appliquer la loi n'est pas un sujet au Sénat : je vois mal le président de la commission des lois refuser d'utiliser une prérogative allant dans le sens de l'application de la loi !
M. François-Noël Buffet , président . - Aujourd'hui, le président de la commission des finances est toujours un élu de l'opposition sénatoriale, ce qui répond à la préoccupation de certains sur la dimension partisane.
Par ailleurs, le recours pour excès de pouvoir que vise la proposition de loi n'est pas une action politique au sens premier du terme. C'est un geste technique : il s'agit de faire constater qu'une carence existe et, ainsi, de faire respecter les droits du Parlement, en permettant que celui-ci aille au bout des choses.
M. Guy Benarroche . - Pour désamorcer cette critique, on pourrait envisager que les présidents de groupes politiques puissent aussi déposer un recours pour excès de pouvoir. De fait, le président de la commission des finances ne représente qu'un des groupes de l'opposition !
Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Nous nous sommes posé la question, mais les présidents de groupe ne sont pas chargés de l'application des lois qui est l'objet essentiel du droit d'agir qui serait ouvert par cette proposition de loi : c'est la commission qui joue ce rôle.
M. François-Noël Buffet , président . - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives à l'intérêt à agir des membres du Parlement devant le juge administratif.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Nous avons déjà débattu de l'amendement COM-1 .
M. Jean-Pierre Sueur . - La première intention du texte était que tous les parlementaires disposent de cette prérogative. Il n'y a pas de risque d'encombrement : aujourd'hui, 40 millions de personnes peuvent d'ores et déjà saisir le Conseil d'État !
Si cet amendement est adopté, je déposerai un amendement pour revenir au texte initial, qui était excellent. Je suis également disposé à déposer un amendement de repli pour que les présidents de groupe puissent eux aussi agir.
L'amendement COM-1 est adopté.
Mme Maryse Carrère , rapporteure . - L'amendement COM-2 précise que le recours est possible contre tout refus de prendre une mesure réglementaire, et non contre les seuls refus du Premier ministre. C'est un élargissement.
L'amendement COM-2 est adopté.
Mme Maryse Carrère , rapporteure . - L'amendement COM-3 vise également à élargir le champ de la mesure, en tendant à permettre les recours contre une ordonnance dès lors que l'un des moyens soulevés porte sur le non-respect du champ de l'habilitation, et non lorsqu'il s'agit de l'unique moyen soulevé.
L'amendement COM-3 est adopté.
M. François-Noël Buffet , président . - Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur . - Nous nous abstenons !
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
Mme Maryse CARRÈRE, rapporteure |
1 |
Limitation de l'intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et présidents de leurs commissions permanentes |
Adopté |
Mme Maryse CARRÈRE, rapporteure |
2 |
Ouverture du champ de la saisine en matière d'application des lois |
Adopté |
Mme Maryse CARRÈRE, rapporteure |
3 |
Assouplissement des conditions de recours contre une ordonnance |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À
L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44
BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
(« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 28 ( * ) .
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 29 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 30 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 31 ( * ) .
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 6 octobre 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 696 (2020-2021) tendant à reconnaître aux membres de l'Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir .
Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives à l'intérêt à agir des membres du Parlement devant le juge administratif.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
M. Jean-Claude Requier, sénateur, premier signataire de la proposition de loi
Mme Claire Landais , Secrétaire générale du Gouvernement
M. Rémy Schwartz , président adjoint à la section du contentieux du Conseil d'État
M. Fabrice Melleray , professeur de droit administratif à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne
M. Guillaume Drago , professeur de droit constitutionnel à l'université Paris II Panthéon-Assas
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-696.html
* 1 Une partie de la doctrine conteste la notion de règlement autonome dans la mesure où le juge administratif en contrôle la légalité, au même titre que les règlements d'application. Ils ne sont donc pas placés au même niveau que la loi dans la hiérarchie des normes mais constituent, avec les règlements d'application, une catégorie de norme homogène inférieure à la loi.
* 2 Voir, notamment, le rapport d'information n° 396 (2016-2017) de M. Claude Bérit-Débat sur le bilan de l'application des lois significatives du quinquennat au 31 décembre 2016.
* 3 La date du 31 mars est choisie car elle correspond à l'écoulement d'un délai de 6 mois à l'issue d'une éventuelle session extraordinaire précédant l'ouverture de la session ordinaire en cours. À cette date, les instruments d'application des lois votées lors des précédentes sessions ordinaires et extraordinaires doivent donc être théoriquement publiés, en application de la circulaire du premier ministre du 29 février 2008 relative à l'application des lois.
* 4 Rapport d'information n° 645 (2020-2021) sur le bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2021, fait par Pascale Gruny, page 15.
* 5 Le bilan de l'application des lois aux 31 mars 2021 indique que le taux d'application des lois, pour la session 2019-2020, est de 62%.
* 6 Extrait de la communication de la commission des lois du mercredi 29 avril 2020.
* 7 CE, 27 novembre 1964, Dame veuve Renard. En l'espèce, l'absence d'application concernait un décret et non une loi.
* 8 CE, 13 juillet 1962, Sieur Kevers-Pascalis.
* 9 CE, 28 juillet 2000, France nature environnement.
* 10 Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
* 11 Exemple de la décision du Conseil d'État du 25 octobre 2017 n° 405239.
* 12 Voir, notamment, la décision du Conseil d'État Casanova du 29 mars 1901.
* 13 CE, ass., 19 oct. 1962, Brocas.
* 14 CE, ass., 9 nov. 1988, Fourcade et a.
* 15 CE 14 mars 2003, M. Migaud.
* 16 CE 27 sept. 2006, Bayrou et autres.
* 17 Conclusions du rapporteur public Rémi Keller.
* 18 CE, 29 octobre 2004 : Sueur et autres
* 19 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
* 20 Olivier Renaudie, « Permettre au Parlement de saisir le juge administratif ? Une mise en perspective, » : Revue générale du droit on line, 2020, numéro 53074 ( www.revuegeneraledudroit.eu/?p=53074 )
* 21 Ibidem.
* 22 CE, 22 février 1987, Noir.
* 23 Proposition de loi n° 203 (2010-2011) de M. Yvon COLLIN et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 23 décembre 2010.
* 24 Voir, par exemple, l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
* 25 Décision n° 95-360 DC du 2 février 1995.
* 26 Voir, par exemple, les paragraphes 49 et 50 de la décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
* 27 Extrait du commentaire de la décision disponible sur le site internet du Conseil d'État, à l'adresse suivante :
* 28 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 29 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 30 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 31 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.