II. POURQUOI CE TEXTE REVÊT-IL UNE PORTÉE MAJEURE ?
A. UN TEXTE FONDAMENTAL POUR APPROFONDIR LA RECONNAISSANCE ET LA RÉPARATION DE LA SHOAH
1. Une réparation encore incomplète
Même si les spoliations artistiques ne représentent qu'une part minoritaire des spoliations dont ont été victimes les Juifs pendant la période nazie (environ 10 % des spoliations selon la CIVS), elles ont été, qu'elles qu'en aient été leur forme (vol, pillage, confiscation, vente sous la contrainte), l'un des volets de la politique d'anéantissement des Juifs d'Europe conduite par le régime nazi . Sans en être l'instigateur, le régime de Vichy a également collaboré à ces crimes de manière active.
Malgré les mesures mises en place après la Libération pour permettre la réparation des spoliations de biens culturels commises pendant la période nazie, celle-ci est jusqu'ici restée incomplète . Non seulement l'ensemble des oeuvres spoliées n'a pas été récupéré après-guerre, mais l'ensemble des oeuvres récupérées n'a pas été restitué. Environ 25 % des oeuvres récupérées par la Commission de récupération artistique n'avaient pas retrouvé leurs propriétaires à sa dissolution à la fin de l'année 1950. Parmi les oeuvres non restituées, 2 000 furent sélectionnées pour former la catégorie des MNR, mais 85 % d'entre elles furent vendues par le service des Domaines, avec le risque de pouvoir refaire surface à tout moment.
Chiffres clés concernant les oeuvres spoliées récupérées par la France
61 000
45 500
13 500
2 000
178
2. Une reconnaissance symbolique des spoliations artistiques
La réparation constitue pourtant un enjeu essentiel, pour les familles comme pour la collectivité nationale . Comme le souligne Emmanuelle Polack, historienne de l'art, ces oeuvres sont des « témoins silencieux » des exactions qui ont été commises, susceptibles de prendre le relais des derniers témoins de la Shoah à mesure qu'ils disparaissent. Leur restitution dépasse le simple champ de l'objet matériel .
Pour les familles de victimes, pour lesquelles ces oeuvres sont parfois la seule trace matérielle qui subsiste de leurs ancêtres, la restitution est un moyen de recouvrer une mémoire et une identité et de restaurer la dignité de leurs ancêtres. Au-delà du retour de l'objet, leur quête a très largement pour but la reconnaissance symbolique de la spoliation dont a été victime leur famille .
Pour la collectivité, les restitutions sont au coeur du devoir de mémoire et de réparation qui lui incombe à l'égard des victimes de la barbarie nazie. Ce projet de loi doit donc être vu comme un prolongement de la reconnaissance par le Président de la République, Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, de la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs de France. Il reconnait la nécessité de réparer des spoliations dont le régime de Vichy s'est aussi rendu coupable. Il met par ailleurs en évidence le fait que des biens spoliés ou acquis dans des circonstances troubles n'auraient jamais dû entrer dans les collections publiques .