PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
SUR LE PROGRAMME D'ACTION NUMÉRIQUE
DE L'UNION
EUROPÉENNE À L'HORIZON 2030
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le traité sur l'Union européenne, en particulier ses articles 3 et 6,
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier ses articles 4, 6, 16, 145 à 147, 151 et 153, 165 et 166, 170 et 171, 173,
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 2000/C 364/01,
Vu la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données, et abrogeant la directive 95/46/CE, dit règlement général sur la protection des données - RGPD,
Vu le règlement (UE) 2019/881 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relatif à l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité et à la certification de cybersécurité des technologies de l'information et des communications, abrogeant le règlement (UE) 526/2013, dit règlement sur la cybersécurité ;
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 19 février 2020, intitulée « Façonner l'avenir numérique de l'Europe », COM(2020) 67 final,
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 27 mai 2020, intitulée « L'heure de l'Europe : réparer les dommages et préparer l'avenir pour la prochaine génération », COM(2020) 456 final,
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 30 septembre 2020, intitulée « Plan d'action en matière d'éducation numérique 2021-2027. Réinitialiser l'éducation et la formation à l'ère du numérique », COM(2020) 624 final,
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 9 mars 2021, intitulée « Une boussole numérique pour 2030 : l'Europe balise la décennie numérique », COM(2021) 118 final,
Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil du 15 septembre 2021 établissant le programme d'action à l'horizon 2030 « La voie à suivre pour la décennie numérique », COM(2021) 574 final,
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 26 janvier 2022 établissant une déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique, COM(2022) 27 final,
Vu ladite « Déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique », COM(2022) 28 final,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 8 février 2022, intitulée « Action européenne sur les semi-conducteurs », COM(2022) 45 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 8 février 2022 établissant un cadre de mesures pour renforcer l'écosystème européen des semi-conducteurs (règlement sur les semi-conducteurs), COM(2022) 46 final,
Vu la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France ;
Vu le rapport d'information du Sénat n° 443 (2012-2013) de Mme Catherine MORIN-DESAILLY, fait au nom de la commission des affaires européennes, intitulé « L'Union européenne, colonie du monde numérique ? », déposé le 20 mars 2013,
Vu le rapport d'information du Sénat n° 7 (2019-2021) de M. Gérard LONGUET, fait au nom de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique, intitulé « Le devoir de souveraineté numérique », déposé le 1 er octobre 2019,
Vu le rapport d'information du Sénat n° 755 (2021-2022) de Mme Sophie PRIMAS, Mme Amel GACQUERRE et de M. Franck MONTAUGÉ, fait au nom de la commission des affaires économiques, intitulé « Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique », déposé le 6 juillet 2022 ;
Considérant l'importance croissante des technologies numériques dans tous les aspects économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux, notamment pour la compétitivité des entreprises, l'efficacité des services publics, la sécurité et le bien-être de nos sociétés ;
Considérant la nécessité d'assurer à l'Union européenne et à ses États membres une totale souveraineté dans tous les aspects de son développement numérique ;
Considérant que la souveraineté numérique dépend tant de la maîtrise des infrastructures que de la maîtrise des applications et compétences numériques ;
Considérant qu'une approche par la régulation, bien qu'utile, est insuffisante pour assurer cette souveraineté numérique de l'Union européenne et pour en faire une puissance numérique ;
Considérant que, pour atteindre le double objectif de compétitivité et de souveraineté numérique, une stratégie globale est nécessaire ;
Considérant l'importance des investissements nécessaires pour mener à bien la transition numérique de l'Union européenne ;
Considérant que la numérisation de l'Europe ne doit en aucun cas amoindrir les droits fondamentaux des citoyens européens, dans quelque domaine que ce soit, y compris les droits sociaux ;
Considérant en particulier que les garanties de protection des droits fondamentaux des citoyens européens doivent être assurées en ligne comme dans le monde réel ;
Sur le principe du programme d'action :
Salue le changement d'approche de la Commission européenne, visant désormais à positionner l'Union européenne comme un offreur de services et un acteur industriel dans le secteur numérique, ainsi que l'affichage d'objectifs numériques ambitieux à l'horizon 2030 pour l'Union européenne ;
Soutient fermement l'affirmation explicite d'un objectif de « souveraineté » numérique européenne ;
Regrette que l'absence d'analyse d'impact formelle ne permette pas d'évaluer plus précisément les bénéfices attendus du programme, de mieux calibrer les objectifs affichés et de décliner en conséquence les objectifs chiffrés en objectifs opérationnels ;
Appelle la Commission, dans sa revue à mi-parcours du programme, à développer une approche plus prospective, pour prendre en compte les technologies et usages émergents et à venir, et élaborer des objectifs de moyen et long terme, visant à assurer une transition numérique européenne pérenne ; l'engage pour cela à solliciter l'expertise d'acteurs universitaires, dans une perspective pluridisciplinaire ;
Sur les compétences numériques :
Précise que la formation de spécialistes des technologies de l'information et de la communication concerne l'ensemble des emplois nécessaires pour assurer, à tous les niveaux, la transition numérique de l'Union européenne ;
Souligne la nécessité d'articuler les efforts de formation initiale et continue avec les grandes priorités technologiques, économiques et industrielles de l'Union en matière de numérique, notamment pour la formation aux différents métiers du cloud et de la cybersécurité ;
Sur les infrastructures numériques :
Souhaite remplacer l'objectif de couverture de toutes les zones habitées par la 5G par un objectif chiffré de qualité de service au bénéfice de la population européenne et conformément au principe de neutralité technologique ;
Appelle la Commission à assurer la bonne articulation entre les objectifs de couverture réseau et les exigences du service universel des communications électroniques en matière d'accès Internet ;
Souligne la nécessité pour l'Union européenne d'être en capacité de répondre prioritairement à ses besoins de production et d'approvisionnement en semi-conducteurs, au besoin par la constitution de stocks stratégiques de matériaux et composants électroniques indispensables à la réalisation de la transition numérique des États membres ;
Sur la transformation numérique des entreprises :
Approuve la mise en oeuvre d'objectifs ambitieux visant à accélérer la numérisation des entreprises européennes ;
Précise que l'amélioration du financement des entreprises innovantes en expansion s'effectue à tous les niveaux de leur développement et poursuit un objectif de souveraineté économique et numérique ;
Sur la numérisation des services publics :
Approuve la mise en oeuvre d'objectifs ambitieux visant à accélérer la numérisation des services publics ;
Appelle la Commission, dans le cadre du mécanisme de suivi et de coopération, à prendre en compte les efforts des États membres pour favoriser l'inclusion numérique et la lutte contre l'illectronisme afin d'améliorer l'accès de tous aux services publics ;
Sur l'empreinte environnementale du numérique :
Insiste sur la nécessité de considérer la transition numérique de l'Union européenne et des États membres comme une transition énergétique et environnementale ;
Souhaite l'inclusion d'objectifs chiffrés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de réduction de la consommation énergétique des infrastructures numériques afin de mieux prendre en compte les impacts écologiques du numérique et sa contribution à la transition verte ;
Appelle la Commission, dans le cadre du mécanisme de suivi et de coopération, à prendre en compte les efforts des États membres pour favoriser le recyclage, le réemploi, la réparation et la durabilité des biens numériques ;
Sur la cybersécurité :
Estime que la transition numérique de l'Union européenne et des États membres ne saurait ignorer les enjeux de sécurisation des réseaux et des systèmes d'information ainsi que de prévention des cyber-menaces ;
Souhaite l'inclusion d'un objectif chiffré en matière de cybersécurité afin de renforcer la sécurisation des données et des communications des citoyens, des entreprises et des administrations au sein de l'Union ;
Appelle la Commission, dans le cadre du mécanisme de suivi et de coopération, à prendre en compte les efforts des États membres pour favoriser la structuration d'une filière industrielle européenne, compétitive et souveraine en matière de cybersécurité ;
Sur la déclaration des droits et principes :
Approuve la mise en oeuvre d'une déclaration interinstitutionnelle des droits et principes numériques, visant à promouvoir une transition numérique conforme aux valeurs européennes ;
Souligne la nécessité de porter, dans ce cadre, une attention particulière aux droits des enfants, tant en ce qui concerne l'égalité envers les opportunités offertes par le numérique que leur protection en ligne ;
Souhaite que sa mise en oeuvre soit endossée de manière ambitieuse tant par les institutions de l'Union que par les États membres ;
Sur une stratégie numérique globale pour la compétitivité et la souveraineté européenne :
Appelle à la mise en oeuvre, à moyen et long terme, d'une stratégie numérique globale, cohérente et offensive, incluant un soutien affirmé au développement des compétences numériques et à la mise à disposition d'outils neutres de formation, mais aussi à la recherche et à l'innovation, accompagné d'une véritable politique industrielle, dans une dynamique de mise en place d'écosystèmes industriels locaux ;
Veille à ce que cette stratégie intègre les enjeux de cohésion des territoires pour éviter que la transition numérique ne crée ni des fractures nouvelles ni des inégalités de développement entre les territoires ;
Appelle à mobiliser, aux niveaux de l'Union européenne et des États membres, des moyens supplémentaires, à la hauteur des objectifs affichés au service de l'ambition numérique de l'Union ;
Déplore en particulier l'absence, dans la proposition, d'un objectif de mise en oeuvre de clouds européens souverains ;
Souhaite un investissement ciblé permettant aux États de l'Union européenne de disposer d'une capacité suffisante et autonome d'hébergement et de traitement de données avec un effort particulier en faveur de solutions logicielles et de centres de données européens, condition majeure de souveraineté, d'attractivité économique et de compétitivité industrielle ;
Invite à mobiliser le levier de la commande publique en faveur des acteurs européens du numérique, afin de stimuler la mise en place d'un écosystème numérique européen compétitif et, à terme, souverain ;
Souhaite en particulier une évolution du droit européen de la commande publique afin de mieux prendre en compte les capacités et spécificités des petites et moyennes entreprises, en vue de leur garantir un meilleur accès aux marchés publics européens et dans les États membres ;
Appelle à tirer toutes les conséquences de la nécessité d'assurer la souveraineté numérique de l'Union européenne dans ses relations avec ses partenaires extra-européens, notamment pour assurer la pleine effectivité de la réglementation européenne en matière de protection des données à caractère personnel ;
Souhaite en outre que l'Union européenne promeuve auprès de ces partenaires les principes énoncés dans la déclaration, y compris dans les instances internationales de normalisation ;
Sur la gouvernance et le rôle des États membres :
Appelle à clarifier les modalités de déclinaison nationale des objectifs fixés par le programme à l'échelon européen, à alléger les mécanismes prévus de reporting à la Commission et à confirmer le caractère non-contraignant des recommandations émises par la Commission aux États membres ;
Demande que soient précisées les modalités de financement des investissements nécessaires, au niveau national, pour atteindre les objectifs définis dans le programme ;
Souhaite une prise de conscience, de la part du Gouvernement, de la nécessité d'accompagner les déclarations d'intention sur la souveraineté numérique d'actions concrètes et souhaite que la feuille de route stratégique et les objectifs qui en résultent relatifs à la décennie numérique se traduise par des évaluations factuelles périodiques et par un débat devant la représentation nationale ;
Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.