LA MISE EN oeUVRE DU BREXIT ET DU PROTOCOLE NORD-IRLANDAIS A RAVIVÉ LES TENSIONS EN IRLANDE DU NORD
Si l'accord du Vendredi Saint a permis de mettre fin aux violences, subsistent au sein de la population de profondes divisions et tensions, que le Brexit a fait ressurgir.
La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne a ainsi ravivé - au moment des négociations - la crainte, chez les unionistes, d'une frontière terrestre entre les deux Irlande mais également celle - avec la mise en oeuvre du protocole nord-irlandais - d'un éloignement entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni.
UN BLOCAGE DES INSTITUTIONS NORD-IRLANDAISES PAR LE DEMOCRATIC UNIONIST PARTY, DEPUIS LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DE MAI 2022, DÉNONCÉ PAR LES AUTEURS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE...
Les élections législatives de mai 2022 ont, pour la première fois depuis la création de l'Irlande du Nord, placé les nationalistes du Sinn Fein en première place en voix et en sièges. Arrivés en seconde place du scrutin régional, les unionistes du Democratic Unionist Party (DUP) refusent, depuis cette date, de participer aux institutions aux côtés du Sinn Fein, en raison notamment de leur opposition au protocole nord-irlandais, et ce contrairement aux dispositions de l'accord de paix - prévoyant un partage du pouvoir entre unionistes et nationalistes (cf. encadré infra).
L'ACCORD DU VENDREDI SAINT, UN ACCORD DE
PAIX
APRÈS TROIS DÉCENNIES DE VIOLENCE
L'accord du Vendredi Saint fut signé le 10 avril 1998 à Belfast, par le Premier ministre britannique Tony Blair et son homologue irlandais Bertie Ahern, ainsi que par les responsables des principaux partis unionistes et nationalistes, sous l'égide de George Mitchell, émissaire de Bill Clinton, président des États-Unis.
Cet accord a mis fin à trois décennies de violences et de divisions entre les nationalistes catholiques, favorables à une réunification de l'Irlande, et les unionistes protestants, partisans du maintien de l'Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Ces affrontements - qualifiés de « troubles » - avaient débuté à la fin des années 1960 ; les attentats à la bombe, les assassinats et les émeutes se sont poursuivis jusqu'au début des années 1990. Un cessez-le-feu provisoire a été décrété en 1994, mais les conflits se sont poursuivis.
L'accord du Vendredi Saint a ainsi mis un terme à ces violences, par le partage du pouvoir entre nationalistes et unionistes au sein d'institutions démocratiques semi-autonomes, dont une assemblée, un gouvernement et des organes de coopération avec la République d'Irlande ainsi qu'avec les autres « régions » du Royaume-Uni.
L'accord a été approuvé par des référendums simultanés en Irlande du Nord et en Irlande en mai 1998 et a ensuite été incorporé dans le droit constitutionnel britannique et irlandais et dans d'autres domaines de la législation. La dévolution des pouvoirs de Westminster à la nouvelle assemblée et au nouvel exécutif d'Irlande du Nord en juin 1998 a marqué la mise en oeuvre officielle de l'accord.
Le parti unioniste du DUP s'oppose, depuis son adoption, au protocole nord-irlandais, qu'il considère comme une atteinte à l'appartenance de l'Irlande du Nord au Royaume-Uni. Après des mois de négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, la signature en février 2023 du cadre de Windsor, allégeant drastiquement les contrôles pour les biens circulant entre le Royaume-Uni et l'Irlande du Nord, aurait pu apaiser les tensions et faire évoluer la position du DUP. Cela n'a pas été le cas.
En effet, malgré l'adoption du cadre de Windsor et les assouplissements qu'il contient, le blocage politique en Irlande du Nord persiste. Le 22 mars dernier, les huit députés du DUP ont voté contre le frein de Stormont, mécanisme clé de l'accord renforçant le rôle du Parlement nord-irlandais. Pour le parti unioniste, le « Stormont brake » ne garantit pas la souveraineté britannique sur l'Irlande du Nord.
Toutefois, le DUP apparaît aujourd'hui comme un parti fragilisé, et divisé. Les récentes élections régionales de mai 2023 ont confirmé une perte de vitesse du parti unioniste, le Sinn Fein étant à nouveau sorti premier des urnes, avec 30,9 % des voix et un gain de 39 sièges dans les conseils locaux.
C'est dans ce contexte de blocage politique des institutions nord-irlandaises et à l'occasion du 25e anniversaire de l'accord du Vendredi Saint, qu'a été déposée le 31 mai 2023, par le groupe CRCE du Sénat, la proposition de résolution européenne (PPRE) n° 657, soumise à l'examen de la commission des affaires européennes.