EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 30 AVRIL 2024

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Présidence de M. Max Brisson, vice-président -

M. Max Brisson, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi déposée par Cédric Vial et modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.

Mme Anne Ventalon, rapporteure. - Depuis près de vingt ans, les gouvernements successifs ont mis en place une politique volontariste d'inclusion scolaire. Le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé, passant de 118 000 en 2006 à 478 000 enfants en 2023. Cela pose mécaniquement la question de leur accompagnement sur le temps méridien. Comme je l'avais indiqué en première lecture, il n'existe actuellement pas de données précises sur le nombre d'enfants nécessitant un tel accompagnement. Selon les services du ministère de l'éducation nationale, qui soulignent la fragilité de cette estimation, environ 20 000 à 25 000 enfants sont concernés.

Je rappelle les motivations sous-tendues par ce texte. La décision du 20 novembre 2020 du Conseil d'État a dégagé l'éducation nationale de toute responsabilité dans la prise en charge financière des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) hors du temps scolaire. S'est alors ouverte une période de questionnement et d'incertitude, pour les familles comme pour les AESH. En effet, cette décision s'inscrivait à rebours de la pratique qui existait jusqu'à présent. Surtout, elle a ouvert la voie à une inégalité de traitement. Comme l'a rappelé Nicole Belloubet à l'Assemblée nationale lors de l'examen de ce texte, « l'État, dans 60 % des cas, a continué à prendre en charge et à rémunérer les AESH ». Qu'en est-il des 40 % restants ? Faute de moyens, certaines collectivités locales ne peuvent supporter la charge d'un accompagnement sur le temps méridien. L'enfant ne peut donc pas être accueilli à la cantine. Pour les familles, cela impose une contrainte d'organisation supplémentaire, avec parfois des conséquences lourdes sur la vie professionnelle. J'ai ainsi rencontré des parents, souvent des femmes, qui m'ont indiqué avoir dû se mettre à temps partiel, voire changer de travail. Dans certains cas, l'enfant n'est plus scolarisé l'après-midi. Ce sont ses apprentissages et son inclusion qui en pâtissent.

J'avais également évoqué, au cours de l'examen de ce texte, le cas des établissements scolaires privés sous contrat, qui ne peuvent utiliser les sommes qu'ils perçoivent au titre du forfait scolaire pour le temps périscolaire. Est donc mis en place un bricolage connu de tous, y compris du rectorat, et qui fonctionne tant qu'aucun problème ne survient... Dans certains cas, malheureusement, l'enfant est déscolarisé.

Ce texte, qui transfère à l'État la charge financière de l'accompagnement sur le temps méridien, est donc bienvenu et, je tiens à le souligner, il fait consensus au sein de nos familles politiques.

Je me félicite de l'évolution du Gouvernement, au départ réticent. Ainsi, lors des débats en séance au Sénat, Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et de la solidarité, a donné un « avis de sagesse bienveillante ». Quelques jours plus tard, dans son discours de politique générale, le Premier ministre a annoncé le transfert à l'État de la prise en charge des AESH sur le temps méridien, mentionnant le travail de Cédric Vial.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale comporte des modifications mineures : celles qui portent sur les articles 1er et 2 sont rédactionnelles.

L'Assemblée nationale a également ajouté deux articles. L'article 3 reporte l'entrée en vigueur de la loi à la rentrée de 2024, pour donner aux acteurs concernés le temps de procéder aux ajustements juridiques nécessaires sur les contrats des AESH. Ce texte sera examiné en séance mercredi 15 mai : il restera donc moins de deux mois d'école. Supprimer ce dispositif reviendrait à prolonger la navette parlementaire et ne conduirait - au mieux - qu'à avancer de quelques semaines l'entrée en vigueur du texte.

Reste enfin l'article 4, qui concerne une demande de rapport. Il me semble opportun d'infléchir la position traditionnelle du Sénat sur les suppressions de demande de rapport, afin de ne pas prolonger inutilement la navette. Par ailleurs, à titre personnel, j'avais constaté lors de mes auditions des différences de pratique entre les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) concernant les notifications sur le temps périscolaire, et nous connaissons tous le manque de données sur le nombre d'enfants nécessitant un accompagnement sur la pause méridienne. Des informations plus précises sur ces thématiques sont attendues et bienvenues.

Mes chers collègues, je vous propose donc d'adopter conforme ce texte, qui constitue une avancée majeure pour les familles et les élèves en situation de handicap, et je me réjouis de son aboutissement prochain.

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

Mme Annick Billon. - Depuis vingt ans, l'école inclusive ne l'est pas. L'arrêt du Conseil d'État de 2020 a tout reporté sur les collectivités qui, selon leurs moyens, ont pu, ou non, supporter le coût de cette pause, d'où de profondes inégalités entre les élèves.

Les données sont floues : il y a une différence entre 20 000 et 25 000 enfants. On voit aussi les différentes conséquences : bricolage, déscolarisation - avec des cas parfois dramatiques -, contrastes selon les régions - sept d'entre elles n'assurent pas la prise en charge de la pause méridienne pour le second degré.

Le groupe UC suivra la proposition de la rapporteure. Adapter le calendrier aux territoires ultramarins est de bon sens, et le manque de connaissances démontre l'intérêt d'un rapport. Par ailleurs, nous sommes favorables à un vote conforme. Je remercie Cédric Vial et la rapporteure, qui auront fait prospérer cette initiative dans un temps record.

Mme Colombe Brossel. - Au nom du groupe SER, j'exprime notre satisfaction de voir le processus aboutir. Merci à Cédric Vial et à Anne Ventalon pour leur travail.

Nous souscrivons à votre analyse : il faut un vote conforme, même si cela nous conduit à certains compromis - même si je n'ai pas le même avis sur l'inutilité des rapports... Le texte résout des difficultés concrètes en vue de la rentrée prochaine.

Marie-Pierre Monier le disait en première lecture en séance, nous simplifierons la vie des élèves en situation de handicap, des AESH et des familles, qui jonglent pour scolariser leurs enfants, sans oublier les collectivités et les écoles, plongées dans une incertitude néfaste.

C'est une belle avancée, mais il reste fort à faire pour que l'école soit vraiment inclusive. Après le quantitatif, il faut agir sur le qualitatif pour que l'inclusion soit bien vécue. Il reste des chantiers : le cadre d'emploi des AESH, les crédits de formation - en baisse en 2024 - et les revalorisations salariales.

Ce texte simplifiera la vie de ceux qui forment la communauté éducative.

Mme Laure Darcos. - Je me joins aux louages de chacun et remercie Cédric Vial et Anne Ventalon. Voir son texte modifié est parfois décevant, mais c'est la sagesse que de le voter conforme - les Indépendants le voteront.

Nous l'avons vu lors des dernières sénatoriales, les maires sont en demande d'une solution. Il est logique que l'État rémunère le temps complet, car ces enfants font des journées complètes, quelles que soient leurs activités.

M. Gérard Lahellec. - Je souligne à mon tour à quel point ces dispositions sont attendues par nos collectivités. L'article 3 est de bon aloi - dont acte. Certes, s'agissant de l'article 4, nous ne sommes guère enclins à accepter des rapports, même si ces indicateurs sont parfois utiles. En outre, quand bien même ce rapport ne serait pas produit, cela ne changerait pas l'esprit du texte.

Parce que ce texte est une avancée, le groupe CRCE votera également ce texte conforme.

M. Bernard Fialaire. - Tout le monde attend ces mesures depuis longtemps. Nous avons une culture du consensus : nous acceptons le vote conforme.

Sur la demande de rapport, nous aurions même souhaité aller plus loin et demander une expérimentation de la prise en charge par les départements, financée par l'État. Il faudra clarifier les choses, alors que la protection maternelle et infantile (PMI) se charge déjà du dépistage du handicap et que la médecine scolaire sera peut-être concernée, que les MDPH relèvent de cette collectivité... Notre rôle est de donner de la cohérence à la communauté éducative. Les communes prennent bien en charge les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) et le périscolaire. Au département d'assumer tout le médico-social, à la région les stages et l'orientation. Si tout le monde fait bien son travail, ce sera plus efficace.

Mme Mathilde Ollivier. - Le GEST votera aussi ce texte conforme. Dès la rentrée 2024, il faut pouvoir mettre en oeuvre ces mesures, car les AESH sont souvent dans des situations complexes, avec des contrats partagés entre plusieurs employeurs.

Sénatrice des Français de l'étranger, je pose la question de l'adaptation de la mesure aux lycées français.

M. Max Brisson. - Même si le groupe Les Républicains aurait préféré la pureté légistique du texte de Cédric Vial et d'Anne Ventalon, par responsabilité, nous voterons ce texte conforme. Je relève la citation par le Premier ministre, au sein de sa déclaration de politique générale, de Cédric Vial...

La réalité de l'école inclusive et de la prise en charge du handicap est devant nous. Nous devrons l'aborder sans dogmatisme, mais avec pragmatisme. Certains, par posture, chargent beaucoup la barque de l'école. Laure Darcos avait tenté de faire adopter des amendements de bon sens dans le cadre du projet de loi pour une école de la confiance, mais avait dû reculer faute de débats sereins.

M. Laurent Lafon, président. - Je remercie à mon tour Cédric Vial, cité par le Premier ministre lui-même. L'aboutissement de ce texte n'était pas une évidence, a priori. Merci également à Anne Ventalon, qui l'a fait aboutir.

M. Cédric Vial, auteur de la proposition de loi. - Je remercie le président Lafon, qui, après mes questions au ministre sur les AESH lors d'une audition, m'avait confié une mission flash à l'origine de ces travaux. C'est un travail de fond : en tirant la pelote de laine, j'ai constaté dans le cadre de cette mission que se posaient d'importants problèmes d'organisation du service public de l'école inclusive, qui ne mérite pas son nom malgré d'importants moyens. J'avais alors identifié une mesure législative, qui fait l'objet de nos travaux aujourd'hui, mais aussi bien d'autres, réglementaires, voire en matière d'organisation des ministères, qui demeurent d'actualité. Nous ne réglons donc pas tous les problèmes.

Néanmoins, ce petit texte apporte d'importantes réponses. Je remercie les membres de mon groupe, dont Max Brisson, ainsi que la rapporteure Anne Ventalon, pour son travail de consensus. Cela nous permet d'aboutir à une unanimité au Sénat et à une très large majorité à l'Assemblée nationale, les députés du groupe La France Insoumise-NUPES s'étant abstenus en séance.

Je note aussi l'évolution des positions du Gouvernement, avec Jean-Michel Blanquer, que nous avons saisi du problème, puis Pap Ndiaye, qui semblait intéressé par notre proposition, mais ne l'avait pas acceptée pour des raisons budgétaires, et enfin Gabriel Attal qui, devenu Premier ministre, a arbitré en ce sens - je nous en félicite.

Le vote conforme permettra l'applicabilité du texte à la rentrée de septembre. Je n'ai aucun état d'âme sur l'ajout de la date de septembre par l'Assemblée nationale, car il était prématuré de prévoir une date lors du dépôt du texte. Cette date permettra de laisser aux rectorats le temps de s'organiser.

Ce texte est attendu dans les territoires, par les familles, les établissements publics comme privés et les élus.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3 (nouveau)

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4 (nouveau)

L'article 4 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

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