EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Possibilité d'autoriser la transformation de bureaux en habitations
dans les zones où le document d'urbanisme s'y oppose

Cet article vise à permettre à l'autorité compétente en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme d'autoriser la transformation de bureaux et de locaux administratifs en habitations même lorsque les documents d'urbanisme en vigueur s'opposent à une telle transformation, sur avis conforme de l'autorité compétente en matière de documents d'urbanisme.

La commission a étendu le champ de l'articles aux opérations de transformations en habitations de tous types de bâtiments, et précisé que les opérations concernées pourraient comporter une part de locaux de destination autre qu'habitation, dans un objectif de mixité fonctionnelle et d'amélioration de leur équation économique. Elle a précisé la procédure pour la sécuriser et en accélérer la mise en oeuvre.

I. La situation actuelle - Les documents d'urbanisme limitent les possibilités de transformation des bureaux en habitations

A. Le changement de destination des locaux sont soumis à autorisation d'urbanisme

Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, un permis de construire (ou d'aménager) ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. Afin de pouvoir vérifier la conformité de la destination projetée aux règles applicables, la demande de permis de construire doit d'ailleurs préciser la destination des constructions projetées2(*). Il en va de même en cas de déclaration préalable3(*). Une construction peut néanmoins comprendre plusieurs destinations ou sous-destinations différentes.

La nomenclature des destinations et sous-destinations est fixée aux articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, qui mentionne notamment les destinations, en sus de la destination « exploitation agricole et forestière » :

- habitation, avec les sous-destinations logement et hébergement ;

- commerce et activités de service, avec les sous-destinations artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ;

- équipements d'intérêt collectif et services publics : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, lieux de culte, autres équipements recevant du public ;

- autres activités des secteurs primaires, secondaire ou tertiaire : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition, cuisine dédiée à la vente en ligne.

La définition de ces différentes destinations a été fixée par l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu, récemment modifié par l'arrêté du 22 mars 2023. Ainsi :

- la sous-destination « logement » recouvre les constructions destinées au logement principal, secondaire ou occasionnel des ménages (à l'exclusion des hébergements couverts par la sous-destination « hébergement »). Il s'agit notamment des maisons individuelles et des immeubles collectifs ;

- la sous-destination « hébergement » recouvre les constructions destinées à l'hébergement dans des résidences ou foyers avec service, notamment les maisons de retraite, les résidences universitaires, les foyers de travailleurs et les résidences autonomie ;

- la sous-destination « locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés » recouvre les constructions destinées à assurer une mission de service public dont une partie substantielle est dédiée à l'accueil du public (avant mars 2023, les bureaux de administrations publics sans accueil du public relevaient également de cette catégorie) ;

- la sous-destination « bureau » recouvre les constructions destinées aux activités de direction et de gestion des entreprises des secteurs primaire, secondaire et tertiaire ainsi que, depuis mars 2023, des administrations publiques et assimilées.

Changement de destination et changement d'usage

Pour rappel, aux termes du code des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation, dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans les communes des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable4(*), délivrée par le maire de la commune après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d'arrondissement concerné. Il peut être subordonné à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage5(*). Contrairement aux autorisations d'urbanisme, portant sur la destination d'un immeuble, l'autorisation de changement d'usage est accordée à titre personnel, sauf dans les cas où l'autorisation est subordonnée à une compensation, auquel cas le titre est attaché au local, et non à la personne6(*).

En outre, il est établi que l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale, est autorisée dans une partie d'un local à usage d'habitation, si cette activité est exercée par le ou les occupant(s) y ayant leur résidence principale, et si elle n'implique pas d'y recevoir de la clientèle ou des marchandises7(*). Dans le cas contraire, cette tolérance peut néanmoins être autorisée par le maire, sous réserve que l'activité professionnelle concernée n'induise aucune nuisance ni aucun danger pour le voisinage, et ne conduise à aucun désordre pour le bâti8(*). Enfin, l'exercice d'une activité professionnelle est autorisé dans une partie d'un local d'habitation situé au rez-de-chaussée, pourvu que l'activité considérée ne soit exercée que par le ou les occupant(s) ayant leur résidence principale dans ce local, qu'elle n'engendre ni nuisance ni danger pour le voisinage et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti9(*).

Dans les trois cas cependant, une telle activité professionnelle ne peut se dérouler ni être autorisée si une stipulation contractuelle contraire figure dans le bail ou le règlement de copropriété10(*).

Aux termes de l'art. R. 421-13 du code de l'urbanisme, les travaux exécutés sur des constructions existantes sont normalement dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme. Néanmoins, les changements de destination d'un bâtiment existant (mais non entre sous-destinations) doivent faire l'objet d'une déclaration préalable, y compris en l'absence de travaux11(*).

Doivent également être précédés d'une déclaration préalable12(*) les changements de destinations assortis de travaux :

- ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment, à l'exception des travaux de ravalement13(*) ;

- susceptibles de modifier l'état des éléments d'architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés au bâtiment, pour certains éléments protégés ;

- travaux aboutissant à la création d'une emprise au sol ou d'une surface de plancher réduite (habituellement moins de 20 m²).

Les changements de destination de bâtiments existants sont soumis, dans les zones couvertes par un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu, à permis de construire14(*) pour :

- les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à 40 m², ou ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol comprise entre 20 et 40 m² mais dont la réalisation a pour effet de porter la surface ou l'emprise totale de la construction au-delà de 150 m²15(*) ;

- les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment ;

- les travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière (ORI) ;

- les travaux (hors entretien et réparations ordinaires) concernant des immeubles inscrits au titre des monuments historiques16(*).

B. Les dispositions des documents d'urbanisme, notamment leurs zonages, peuvent faire obstacle à des changements de destination

Les plans locaux d'urbanisme (PLU(i)) peuvent préciser, dans le cadre du zonage prévu par l'article L. 151-9 dans le règlement, l'affectation des différentes zones : ce dernier « délimite les zones urbaines [U] ou à urbaniser [UA] et les zones naturelles [N] ou agricoles [A] et forestières [F] à protéger ». Il peut en outre « préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées » et peut, dans ce cadre, « définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées »17(*).

Il peut en outre, dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, désigner spécifiquement (hors secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées), les bâtiments pouvant faire l'objet d'un changement de destination (sous réserve que ce changement de destination ne compromette pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site), à l'exclusion donc des autres bâtiments18(*). Il peut également identifier des quartiers, îlots et voies dans lesquels doit être « préserv[ée ou] développ[ée] la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité » ainsi que des secteurs prioritairement dédiés à la préservation ou au développement d'infrastructures et équipement logistiques, et assortir cette sectorisation de prescriptions permettant d'assurer ces objectifs19(*).

Concrètement, le règlement du PLU peut, pour des raisons de sécurité ou de salubrité, ou en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) et dans le respect de la vocation générale des zones concernées, interdire « [l]es constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations »20(*). Ainsi, il n'est pas rare qu'à l'intérieur des zones U et UA, des zonages plus précis soient mis en place, prévoyant l'implantation préférentielle ou exclusive, selon les cas, de logements, d'activités commerciales et/ou de services ou industrielles21(*).

D'autres dispositions contenues dans les PLU peuvent empêcher ou rendre plus complexes les opérations de transformations de bureaux ou locaux administratifs en locaux d'habitations. Il peut s'agir par exemple :

- de dispositions différenciées selon les destinations des bâtiments, le règlement pouvant, aux termes de l'article R. 151-33 du code de l'urbanisme, soumettre à conditions particulières « en fonction des situations locales » les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations, par exemple :

o les possibilités de majorations de volume constructible dont peuvent bénéficier des bâtiments d'habitation22(*) ;

o les obligations minimales en matière de stationnement pour les véhicules motorisés ou non motorisés : l'article L. 151-47 du code de l'urbanisme dispose notamment que le PLU détermine des secteurs dans lesquels les obligations minimales en matière de réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés peuvent être réduites à un niveau qu'il fixe, voire supprimées, « notamment pour la construction d'immeubles de bureaux »23(*). En outre, le règlement peut fixer, pour les bâtiments à usage autre qu'habitation, un nombre maximal de places de stationnement, lorsque les conditions de desserte par des transports en commun le permettent24(*) ;

De manière plus générale, le règlement du PLU peut définir des règles « permettant d'imposer une mixité des destinations ou sous-destinations au sein d'une construction ou d'une unité foncière », y compris au moyen de règles différenciées entre le rez-de-chaussée et les étages supérieurs des constructions25(*) ;

- de dispositions visant spécifiquement à la mixité sociale et urbaine, comme la fixation, dans les zones urbaines ou à urbaniser, de secteurs dans lesquels les programmes de logements doivent comporter une proportion minimale de logements d'une taille minimale fixée par le règlement du PLU26(*), ou de logements affectés à certaines catégories de logements définis par le règlement du PLU, dans le respect des objectifs de mixité sociale27(*).

C. L'autorité compétente en matière d'urbanisme peut déjà déroger aux règles du PLU, dans le périmètre des GOU et des ORT

Au titre du droit commun de l'urbanisme, les règles de servitudes d'urbanisme peuvent déjà faire l'objet de dérogations de la part de l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme pour des adaptations mineures, pour des reconstructions à la suite de catastrophes naturelles, la restauration d'immeubles protégés au titre du patrimoine, ou pour des travaux nécessaires à l'accessibilité des personnes handicapées dans un logement existant, ainsi que pour des travaux d'isolation par l'extérieur ou de protection solaire ou pour l'installation de dispositifs de végétalisation des façades. Des dérogations peuvent également être accordées au cas par cas pour les constructions réalisées sur les friches, ou pour ce qui concerne les aires de stationnement, ou encore pour les constructions faisant preuve d'exemplarité environnementale28(*). Excepté la première (adaptations mineures) et la dernière (constructions faisant preuve d'exemplarité environnementale), ces dérogations doivent généralement faire l'objet d'une décision motivée.

Dans les communes situées en zone tendue en ce qui concerne l'offre de logements, des dérogations au document d'urbanisme peuvent en outre être autorisées, en ce qui concerne les règles de gabarit et de densité, y compris en matière d'aires de stationnement, mais également en matière de logement social29(*). La loi « ELAN » de 201830(*) a notamment, pour les opérations de transformation à usage principal d'habitation d'un immeuble existant, instauré un bonus de constructibilité pouvant aller jusqu'à 30 % du gabarit de l'immeuble existant31(*), et permis de déroger aux éventuelles proportions minimales de logement social par opération, dans les communes non carencées en logement social.

Enfin, l'article L. 152-6-4 du code de l'urbanisme, créé par la loi « 3DS » de 202232(*), prévoit, depuis cette date, que dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme ou d'une opération de revitalisation du territoire, des dérogations au règlement du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu peuvent être autorisées, dans l'optique de contribuer au développement ou à la revitalisation du territoire et de faciliter le renouvellement urbain et la maîtrise de l'étalement urbain.

Dans ce cadre, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut notamment, dans les zones urbaines, par décision motivée, autoriser une destination non autorisée par le document d'urbanisme, « dès lors qu'elle contribue à la diversification des fonctions urbaines du secteur concerné » (4°). L'autorisation est accordée par décision motivée, en tenant compte de la nature du projet, de la zone d'implantation, de son intégration harmonieuse dans le tissu urbain existant, de la contribution au développement, à la transformation ou à la revitalisation de la zone concernée et à la lutte contre la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers et dans le respect des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle.

Introduite dans le projet de loi « 3DS » par amendement gouvernemental en séance à l'Assemblée nationale, la mesure avait pour objet, selon l'exposé de l'amendement, de favoriser le recyclage des entrées de villes et des zones pavillonnaires, en facilitant la diversification des fonctions urbaines des zones définies par les PLU et en assouplissant les règles d'urbanisme applicables en fonction des besoins.

II. Le dispositif envisagé - La possibilité de déroger au cas par cas aux règles du PLU relatives aux destinations, pour la transformation de bureaux en logements

Le texte prévoit que l'autorité compétente en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme puisse, au cas par cas, autoriser le changement de destination d'un immeuble de bureaux pour les transformer en locaux d'habitation, y compris dans les zones où le document d'urbanisme en vigueur ne l'autorise pas.

Cette autorisation ne pourrait être accordée que sur avis conforme de l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme, lorsque cette dernière est distincte de l'autorité compétente en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme (avis réputé favorable en cas d'absence de délibération dans un délai de trois mois). Cet avis devrait être motivé au regard des risques de nuisances auxquelles le projet pourrait être exposé, de son accessibilité par des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile et des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont :

étendu la mesure à la transformation en habitations des locaux à des administrations publiques ;

précisé que le changement de destination accordé par l'autorité compétente devait tenir compte de la nature du projet et de son implantation ;

ajouté, comme critère devant être pris en compte dans l'avis de l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme, les effets du projet sur la démographie scolaire.

En séance :

- l'obligation de motivation de l'avis de l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme a été limitée aux refus de dérogation ;

- a été ajoutée l'obligation de recueillir l'accord de la commune d'implantation, même lorsque cette dernière ne dispose d'aucune compétence en matière d'urbanisme.

IV. La position de la commission - Une extension du champ d'application et une sécurisation juridique du dispositif, afin de le rendre plus opérationnel et de lever les réticences à son utilisation

La commission approuve la flexibilité introduite par cet article, qu'elle a cherché à rendre plus opérationnel, tout en conservant le droit de regard des collectivités, et en particulier de la commune, sur les projets concernés par la nouvelle dérogation.

A. Une extension du champ d'application de la dérogation à l'ensemble des locaux susceptibles de faire l'objet de transformation en habitations

Les acteurs interrogés par la rapporteure ont tous souligné la pertinence de l'extension du champ d'application de l'article 1er, effectué à l'Assemblée nationale, aux locaux affectés aux administrations publiques : la requalification de l'hôtel des Postes, à Metz, appelé à accueillir notamment, à l'issue de l'opération, une résidence service seniors et une résidence service jeunes, en est un exemple. De nombreux autres types de bâtiments peuvent toutefois se prêter à une transformation en locaux d'habitations. À titre d'exemple, le groupe Action Logement, dont la Foncière de transformation immobilière (FTI) est spécialisée dans la réalisation d'opérations de transformation de locaux d'activités en logements abordables, identifie comme potentiels actifs à transformer la liste suivante :

Source : Action Logement, contribution écrite

Selon les chiffres fournis par la Fédération nationale des agences d'urbanisme (Fnau), seuls 53 % des logements issus d'opérations de reconversion sur la période 2013-2021 en Île-de-France étaient issus de bureaux, les surfaces hôtelières et les anciens bâtiments publics représentant respectivement 15 % et 14 % de ce total.

Ainsi, si les surfaces de bureaux disponibles sont certes importantes (4,4 millions de m² en Île-de-France, dont 1,1 million de m² en situation de vacance durable)33(*), le gisement foncier représenté par les seules zones commerciales périurbaines représenterait environ 55 000 ha, représentant un potentiel théorique d'environ 70 millions de mètres carrés de densification à usages mixtes, soit plus d'un million de logements34(*). Même si ces chiffres englobent également les surfaces non encore bâties (parkings...), ils donnent un ordre de grandeur des possibilités ouvertes par la transformation en habitations de bâtiments autres que les seuls bureaux et locaux d'administration publique. La mise en oeuvre du plan gouvernemental de requalification des zones commerciales d'entrée de ville pourrait être l'occasion de procéder à de telles opérations de bâtiments commerciaux en habitations.

Pour cette raison, la commission a adopté un amendement  COM-10 de la rapporteure, visant à élargir le champ des opérations susceptibles de faire l'objet de la dérogation prévue par l'article aux transformations de tous types de bâtiments en bâtiments d'habitation.

Afin d'assurer à la fois la mixité fonctionnelle des opérations de transformation concernées, et un meilleur équilibre économique de ces opérations, cet amendement précise également que les projets pouvant faire l'objet de la dérogation devraient avoir une destination principale, et non pas exclusive, d'habitation, ce qui permettra d'intégrer dans les projets susceptibles d'en bénéficier des commerces de pied d'immeuble, mais également, dans certains cas, des locaux de bureaux, dont les conditions de commercialisation sont généralement plus avantageuses pour les promoteurs que celles des logements.

C'est également l'objet de l'amendement  COM-11 de la rapporteure, adopté par la commission, qui sécurise l'application de la dérogation accordée pour de telles opérations de transformation à l'ensemble de l'opération, y compris en cas de création de surface de plancher supplémentaire, notamment en cas de surélévation ou d'extension. Il s'agit non seulement de ne pas restreindre le champ d'application de la dérogation, mais également d'augmenter la surface commercialisable, alors que les promoteurs estiment que la création des parties communes, dans les locaux d'habitation, font perdre environ 5 % de la surface commercialisation, par rapport à une configuration « bureaux »35(*), et que certaines surfaces considérées comme utiles en configuration « bureaux », comme les espaces de stockage d'archives, ne sont pas valorisables dans des bâtiments d'habitation36(*).

Enfin, la commission a élargi, par l'adoption de l'amendement  COM-9 de la rapporteure, la possibilité d'accorder la dérogation aux cas de délivrance de permis de construire, mais également à toutes les autres autorisations d'urbanisme, et notamment la déclaration préalable, seule nécessaire lorsque le changement de destination ne nécessite pas de travaux modifiant les structures porteuses ou la façade.

En ce qui concerne la possibilité d'accorder, à l'occasion de ces opérations de transformation de bâtiments existants en habitations, d'autres dérogations aux documents d'urbanisme que celles portant sur les destinations, la commission n'a pas souhaité multiplier les nouvelles dérogations spécifiquement applicables à de telles opérations. La très grande majorité des opérations de transformation de locaux d'activités en habitations étaient déjà éligibles à la quasi-totalité des dérogations déjà existantes dans le code de l'urbanisme, notamment pour les zones tendues37(*). Les fédérations de promoteurs ont d'ailleurs souligné la très faible utilisation des dérogations au PLU permises par le code de l'urbanisme, et en particulier de celles visant plus spécifiquement la transformation de locaux d'activités en locaux d'habitation (notamment le bonus de constructibilité de 30 %). Par ailleurs, si elles sont parfois souhaitables les multiples dérogations aux PLU minent leur logique même, substituant de manière dommageable à un urbanisme planifié une logique de « coup par coup » dommageable à un aménagement harmonieux. La commission suggère donc de réfléchir à une refonte globale de ces dérogations prévues par le code de l'urbanisme. Dans l'attente de ce chantier, elle a créé, sur proposition de la rapporteure (amendement  COM-16) une unique dérogation spécifique aux opérations de transformations de bâtiments existant en habitations, permettant à l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme de déroger aux règles relatives aux tailles minimales des logements qui peuvent, de manière optionnelle, être fixées dans le PLU.

B. Une clarification et une accélération de la procédure

Plusieurs acteurs interrogés par la rapporteure ont souligné que la problématique des délais et de la sécurisation des autorisations d'urbanisme était à relativiser, au regard du manque d'acceptabilité de certains projets de transformation de locaux existants en habitations, dans certains territoires et certains contextes. Ainsi, pour la Fnau, les freins aux opérations de transformation de bureaux en logements sont « à rechercher plutôt du côté de la difficulté à convaincre certains élus de mener ce type d'opérations à bien, plutôt que dans la lenteur des procédures elles-mêmes »38(*). Beaucoup de collectivités seraient « frileuses » à l'idée de perdre des locaux d'entreprise au profit de logements39(*). La note de position transmise par l'Association des maires de France (AMF) confirme le scepticisme des élus face à ce type d'opérations, qui ne pourront « s'envisager [qu']à la marge dans des situations spécifiques à certaines communes », du fait des choix d'aménagement divergents des quartiers d'immobiliers tertiaires et des quartiers résidentiels, de la qualité des logements obtenus, mais aussi, du point de vue des élus, du manque d'opérateurs et d'ingénierie qualifiés pour mener à bien ce type d'opérations complexes, en particulier dans certaines communes et intercommunalités rurales, et des enjeux liés aux équipements publics, tant du point de vue du financement que des contraintes de disponibilités du foncier, pour les créations ou extensions d'équipements publics qui pourraient être occasionnés par l'arrivée de nouveaux habitants.

La commission s'est donc attachée à préciser la procédure, afin de l'accélérer et de favoriser les opérations visées, tout en laissant la main aux collectivités à toutes les étapes de la procédure. Pour cela, elle a :

- introduit un délai d'un mois pour la transmission de la demande de dérogation à l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme (amendement  COM-13 de la rapporteure), ainsi que pour la transmission de la demande d'avis à la commune, lorsque cette dernière ne dispose plus d'aucune compétence en matière d'autorisation d'urbanisme (amendement 1-6 de la rapporteure), cas au demeurant extrêmement rare ;

- par l'amendement  COM-14, rendu, dans ce rare cas, consultatif l'avis de la commune, et encadré le délai de réponse de la commune dans un délai d'un mois : il est en effet important que l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme puisse disposer, même dans ce cas, de l'avis de la commune, afin de prendre la décision finale sur l'octroi de l'autorisation d'urbanisme ;

- précisé que l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme devra motiver son refus d'accorder la dérogation aux règles du document d'urbanisme relatives aux destinations, ainsi que le texte en disposait déjà en cas de refus par l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme (amendement  COM-12 de la rapporteure).

Enfin, la commission a sécurisé, en adoptant l'amendement  COM-15 de la rapporteure, le cas des changements de destination en zone agricole, naturelle et forestière, en précisant que nonobstant l'accord des autorités compétentes en matière d'urbanisme (documents d'urbanisme et délivrance des autorisations) déjà requis par le texte, tout changement de destination d'un bâtiment existant en bâtiment d'habitation dans ces zones serait néanmoins, comme dans le droit commun, conditionné à un avis favorable : en zone agricole, de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (CDPENAF), et, en zone naturelle, de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er bis (non modifié)
Transmission des données sur la vacance des locaux commerciaux
et professionnels aux services déconcentrés de l'État compétents
en matière d'aménagement et d'environnement

Cet article vise à élargir la transmission par l'administration fiscale des locaux commerciaux et professionnels vacants, actuellement prévue à destination des seules collectivités locales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre, aux services déconcentrés de l'État compétents en matière d'aménagement et d'environnement.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Les collectivités locales et leurs groupements disposent de données sur les locaux d'activité vacants, transmis par l'administration fiscale

Aux termes de l'article L.135 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale transmet chaque année aux collectivités locales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre la liste des locaux commerciaux et professionnels vacants (entendus comme les locaux qui n'ont pas fait l'objet d'une imposition à la cotisation foncière des entreprises l'année précédente).

Cette disposition, introduite par amendement au Sénat dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 201640(*), visait à compléter la communication, faite de plus longue date, par l'administration fiscale aux collectivités, de la liste des logements vacants situés sur leurs territoires. Elle visait au premier chef à permettre aux collectivités d'avoir une vision plus précise des locaux susceptibles d'être soumis à la taxe sur les friches commerciales (TFC).

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Une obligation de transmission par l'administration fiscale aux services déconcentrés de l'État des données concernant les locaux commerciaux et professionnels vacants

L'article, introduit en séance à l'Assemblée nationale par amendement du rapporteur, prévoit que l'administration fiscale fournira également les données relatives aux locaux commerciaux et professionnels vacants aux services de l'État compétents en matière d'aménagement et d'environnement. Il s'agit en premier lieu, selon l'exposé des motifs de l'amendement, de permettre aux services compétents de l'État de mieux accompagner les collectivités dans la réalisation des inventaires de zones d'activités économiques (ZAE) rendus obligatoires par la loi « Climat et résilience » de 202141(*).

III. La position de la commission - Une mesure technique qui permettra une meilleure orientation des politiques publiques d'aménagement et d'urbanisme et un meilleur accompagnement des élus

S'il peut paraître à première vue étonnant qu'une disposition législative soit nécessaire pour organiser, au sein de l'administration, le partage d'informations nécessaire au bon exercice par les services déconcentrés de l'État chargés de la mise en oeuvre de la politique foncière, d'aménagement et d'urbanisme (directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Deal) dans les Outre-mer, et directions départementales des territoires et de la mer (DDT)) de leurs missions, l'instruction de cet article a fait apparaître que les dérogations au secret fiscal prévues à l'article L. 135 B du Livre des procédures fiscales s'interprètent strictement. Ainsi, seules les informations limitativement prévues par la loi peuvent être communiquées par l'administration fiscale, y compris à d'autres administrations.

Les bénéficiaires de telles dérogations étant eux-mêmes soumis au secret fiscal, en application de l'article L. 113 du même Livre des procédures fiscales, la commission approuve cette mesure, qui permettra aux services déconcentrés de l'État de disposer d'un meilleur diagnostic territorialisé des locaux d'activités vacants et, partant, des moyens de mieux accompagner les élus dans leurs politiques d'aménagement, notamment de recyclage foncier, tel que visé par la proposition de loi (même si la commission souligne cependant la portée limitée de cette disposition, qui ne concerne que les locaux commerciaux et professionnels sans imposition à la cotisation des entreprises (CFE) l'année précédente, ce qui signifie qu'ils peuvent en réalité être occupés par des entités non soumises à la CFE, par exemple des entreprises nouvellement créées, ou exonérées à titre permanent ou temporaire42(*)).

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 2
Assujettissement des opérations de transformation de bureaux
en logements à la taxe d'aménagement

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté l'amendement  COM-4 de son rapporteur M. Stéphane Sautarel.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 (supprimé)
Définition de l'assiette de la taxe d'aménagement
pour les opérations de transformation de bureaux en logements

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté l'amendement de suppression COM-5 de son rapporteur M. Stéphane Sautarel.

La commission a supprimé l'article.

Article 3 bis A
Exonération des locaux à usage de bureaux ayant fait l'objet d'un plan
de transformation en logements de la taxe sur les bureaux
et autres locaux professionnels (TSB) dans les régions
Île de France et Provence Alpes Côte d'Azur

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté l'amendement COM-6 de son rapporteur M. Stéphane Sautarel.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 bis B (supprimé)
Reversement facultatif de tout ou partie du produit de la taxe d'aménagement perçu sur les opérations de transformation des bureaux
en logements par un établissement public de coopération intercommunale à ses communes membres

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté l'amendement de suppression COM-7 de son rapporteur M. Stéphane Sautarel.

La commission a supprimé l'article.

Article 3 bis
Possibilité d'utiliser des projets urbains partenariaux
pour les opérations de transformation de locaux d'activités en habitations

Cet article vise à étendre aux opérations de transformation de bureaux ou autres locaux d'activité la possibilité de faire financer en tout ou partie par un porteur de projet, via une convention de projet urbain partenarial (PUP), certains équipements publics nécessaires à la réalisation du projet, ou pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions prévues par le projet.

En cohérence avec les modifications introduites à l'article 1er, la commission a étendu les possibilités de faire usage de PUP aux opérations de transformation en habitations de tous types de bâtiment existant.

I. La situation actuelle - Les projets urbains partenariaux permettent de mettre à la charge des porteurs de projet certains équipements publics nécessaires à la réalisation dudit projet

Définis à l'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme, les projets urbains partenariaux (PUP) permettent, dans le cadre d'une opération d'aménagement ou de construction, de mettre à la charge financière des porteurs de projet (propriétaires des terrains, aménageurs ou constructeurs) la réalisation de tout ou partie des équipements publics requis dans le cadre de cette opération - à l'exception des équipements propres à la zone concernée par l'opération (à savoir les travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain ou du lotissement projetés43(*)). Peuvent être ainsi pris en charge, en totalité ou en partie, les équipements publics nécessaires pour répondre « aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions » concernées par l'opération ou, si ces équipements ont vocation à bénéficier seulement en partie auxdits habitants ou usagers, la fraction du coût proportionnelle à leur usage44(*).

En contrepartie de la conclusion d'un PUP par le porteur de projet, les opérations concernées sont exemptées de la part communale (ou intercommunale) de taxe d'aménagement, pour une durée maximale de dix ans45(*).

Le dispositif, dont l'objectif est de faciliter le financement de certains équipements publics, notamment dans le cadre d'opérations d'aménagement ou de construction d'ampleur, permet donc aux collectivités concernées :

- de mettre à la charge des porteurs de projet des sommes plus importantes que celles qui résulteraient du paiement de la taxe d'aménagement, dès lors que ces sommes sont justifiées par les équipements à réaliser ;

- financer ces équipements en amont de leur réalisation.

Répondant à un principe d'urbanisme « négocié », la conclusion d'un PUP est aussi, pour les opérateurs comme pour les collectivités, l'occasion de « nourrir un dialogue constructif autour du projet de l'opérateur pour qu'il réponde au mieux aux attentes et besoins locaux »46(*).

Les PUP ne sont mobilisables que dans les zones urbaines et à urbaniser des plans locaux d'urbanisme (PLU(i)) ou documents en tenant lieu. Le périmètre couvert par le PUP est fixé par délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'EPCI concerné47(*). Il correspond au terrain d'assiette de l'opération de construction et d'aménagement rendant nécessaire la réalisation des équipements publics, et non au terrain d'assiette de ces seuls équipements publics. Les périmètres des PUP sont annexés aux plans locaux d'urbanisme (PLU(i)).

Concrètement, le PUP prend la forme d'une convention conclue entre l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme (généralement la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale48(*)), qui précise la participation mise à la charge du cocontractant, et doit pour ce faire mentionner49(*) :

- la délimitation du périmètre ;

- une liste précise des équipements à financer, avec leur délai de réalisation et le coût prévisionnel de chacun d'entre eux ;

- le montant de la participation à la charge du porteur de projet, qui peut être acquittée sous forme de contribution financière ou d'apports de terrains (bâtis ou non bâtis)50(*) ;

- les modalités et délais de paiement des participations mises à la charge du porteur de projet (la collectivité pouvant exiger notamment ce paiement dès la délivrance de l'autorisation d'urbanisme) ;

- la durée d'exonération de la part communale de la taxe d'aménagement ;

- les modalités de règlement en cas de non-respect des engagements réciproques contenus dans la convention.

Hormis dans les grandes opérations d'urbanisme (GOU), la durée d'un PUP ne peut excéder 15 ans.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale - La possibilité de recourir au PUP pour les opérations de transformation de bureaux ou autres locaux d'activités en locaux d'habitation

Par amendement du rapporteur adopté en commission, l'Assemblée nationale a étendu la possibilité de recourir aux PUP pour les opérations de transformation en habitations de locaux de destination autre qu'habitation, dans l'optique de faciliter de telles opérations de transformation en fournissant aux collectivités locales les ressources financières nécessaires pour mettre en place les équipements publics nécessaires à l'accueil de nouvelles populations.

En séance, un amendement du Gouvernement a procédé à un toilettage rédactionnel de l'article du code de l'urbanisme relatif aux PUP51(*), notamment en mettant explicitement au nombre des personnes morales pouvant être parties prenantes à la signature d'un PUP les maîtres d'ouvrages (en plus des constructeurs, aménageurs et propriétaires des terrains concernés) et en incluant dans les autorisations d'urbanisme concernées les déclarations préalables, en plus des permis de construire et d'aménager, ce qui permet notamment d'inclure les changements de destination simple, sans création de surface de plancher ni modification des structures porteuses ou façades, qui ne nécessitent pas de permis de construire52(*).

III. La position de la commission - Un ajout bienvenu, qui devra être évalué finement par les collectivités locales

La mobilisation des PUP est d'autant plus pertinente que les opérations de transformation visées par l'article pourront, aux termes de l'article 1er, se faire y compris dans des zones fixées par les documents d'urbanisme non dédiées au logement, et présentant donc potentiellement des déficits d'équipements publics nécessaires à l'accueil des nouvelles populations. Cet outil, dont l'utilisation est souple et reste toujours optionnelle, est plébiscité tant par les promoteurs et aménageurs que par les associations d'élus. Il pourra donc être particulièrement utile pour financer les aménagements nécessités par ces opérations, en complément des mesures fiscales prévues par les articles 2 à 3 bis B, tels que modifiés par la commission des finances en habitations de bâtiments, même si, compte tenu du coût important des opérations de transformation et de la moindre rentabilité des locaux d'habitation par rapport aux locaux d'activité (notamment de bureaux), il n'est pas certain que le recours aux PUP, qui met à la charge des porteurs de projet des coûts supplémentaires, soit massif.

En cohérence avec les modifications introduites à l'article 1er, la commission a élargi le champ d'application du présent article aux opérations de transformation de bâtiments de destination autre qu'habitation en bâtiments à destination principale d'habitation (amendement  COM-17 de la rapporteure). Elle a également adopté un amendement  COM-18 de la rapporteure, rédactionnel.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4
Création d'un permis de construire à destinations multiples

Cet article vise à créer un permis de construire à destinations multiples, sans ordre de mise en oeuvre prédéterminé.

La commission a clarifié la procédure applicable, en prévoyant que le permis à destinations multiples sera délivré dans les conditions de droit commun, après délimitation par l'autorité compétente en matière de documents d'urbanisme de zones où sa délivrance est possible. Elle en a fixé la durée de validité à 10 ans, renouvelable deux fois pour une durée de 5 ans, et précisé que si, dans cette période, les modifications des règles d'urbanisme ne remettaient pas en cause le permis, les autorisations données par ce dernier demeuraient conditionnées aux règles de sécurité et salubrité publique en vigueur au moment de la réalisation effective des travaux.

I. La situation actuelle - Des dérogations très limitées à la nécessité d'obtenir une autorisation d'urbanisme à chaque changement de destination

A. Une autorisation d'urbanisme est normalement nécessaire à chaque fois qu'un bâtiment change de destination

Le droit commun des autorisations d'urbanisme ne permet pas qu'un permis de construire ou d'aménager porte sur un bâtiment appelé à avoir plusieurs destinations successives. L'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dispose d'ailleurs que le permis de construire ou d'aménager doit être conforme « aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords », la demande de permis devant, en conséquence, préciser la destination de la construction projetée53(*). Ainsi que le soulignait déjà en 2021 le rapport Rebsamen, « en son état actuel, le droit de l'urbanisme ne reconnaît pas [les] bâtiments réversibles [, q]uels que soient les efforts réalisés lors de la conception initiale du bâtiment pour qu'il soit compatible avec plusieurs destinations »54(*).

Aux termes de l'article R. 421-7 du code de l'urbanisme, tout changement de destination portant sur un bâtiment existant doit a minima être précédé d'une déclaration préalable, voire, dans certains cas (notamment lorsque le changement de destination s'accompagne d'une modification de la façade ou des structures porteuses du bâtiment), de l'obtention d'un permis de construire55(*).

Cette exigence d'obtenir une autorisation d'urbanisme pour chaque changement de destination d'un immeuble existant, y compris en l'absence de travaux, se justifie par des réglementations différenciées au titre du code de l'urbanisme56(*), mais aussi au titre du code de la construction et de l'habitation.

Les dispositions relatives à la sécurité incendie, par exemple, diffèrent selon que l'immeuble est à usage d'habitation ou non : sont par exemple considérés comme « immeubles de grande hauteur » (IGH) les immeubles dont le plancher bas du dernier niveau est situé à plus de 50 m pour les immeubles d'habitation, mais à plus de 28 m pour les autres immeubles57(*).

B. Plusieurs outils innovants, récemment introduits dans le droit de l'urbanisme et le droit de la construction, ont facilité les changements de destination ou d'usage, au bénéfice de l'habitation

Depuis 2016, l'article L. 631-7-1-B du code de la construction et de l'habitation prévoit, dans les communes de plus de 200 000 habitants et les communes d'Île-de-France, où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable, qu'une délibération du conseil municipal ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de document d'urbanisme peut définir un régime de déclaration préalable ad hoc permettant d'affecter temporairement à l'habitation des locaux destinés à un usage autre que d'habitation, pour une durée n'excédant pas quinze ans : dans ce délai, les locaux peuvent, par exception aux dispositions de l'article L. 631-7 du même code, être rendus à leur usage initial, sans compensation, lorsque celle-ci est prévue dans la délibération mentionnée dessus. La disposition, introduite par amendement en séance au Sénat, visait particulièrement, selon l'exposé des motifs de l'amendement, les opérations de transformations de bureaux en logements58(*).

Dans une logique similaire, l'article 29 de la loi « ELAN »59(*) a facilité l'occupation de locaux vacants à des fins de logement, d'hébergement, d'insertion et d'accompagnement social, permettant de dispenser l'opérateur de toute demande de changement de destination, que ce soit au début ou à la fin de l'installation60(*). Ces opérations ne peuvent être menées que par des opérateurs ou associations agréés par l'État, l'occupation temporaire faisant l'objet d'une convention entre le propriétaire et l'organisme ou association.

Créée d'abord à titre temporaire, jusqu'au 31 décembre 2023, la mesure a été pérennisée par l'article 8 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.

C. Plusieurs outils innovants, récemment introduits dans le droit de l'urbanisme, ont permis la mise en oeuvre, dans des contextes limités, de permis de construire à destination multiple

1) Le permis d'innover permet de très larges dérogations à la réglementation de l'urbanisme, notamment au caractère d'unicité du permis de construire

Créé à titre expérimental, pour une durée de sept ans (depuis porté à douze ans), par la loi « ELAN » de 201861(*), le permis d'innover permet de déroger à l'ensemble des règles applicables, à condition de démontrer « que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé »62(*). L'autorisation d'urbanisme délivrée ou la non-opposition à déclaration préalable tient alors lieu d'approbation des dérogations demandées par le maître d'ouvrage.

Le permis d'innover n'est applicable que dans le périmètre d'une opération d'intérêt national (OIN), d'une grande opération d'urbanisme (GOU), ou d'une opération de revitalisation de territoire (ORT).

Ce mécanisme a été notamment utilisé dans le cadre de l'OIN Euratlantique à Bordeaux, où un bâtiment a pu bénéficier, via le permis d'innover, de dérogations relatives à l'obligation de préciser la destination des surfaces créées, et aux normes de sécurité.

2) Un permis de construire « à double état » a été créé spécifiquement pour les infrastructures liées à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Dans le cadre de l'accueil par la France des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, l'article 15 de la loi « jeux Olympiques » de 201863(*), introduit par amendement à l'Assemblée nationale, a créé un permis de construire ou d'aménager « à double état », délivrant une autorisation simultanée pour l'état provisoire du projet, correspondant aux nécessités de la préparation, de l'organisation ou de déroulement des jeux Olympiques, et pour son état définitif ultérieur. L'objectif de la mesure était de faciliter la reconversion, à l'issue de la compétition, du village olympique et paralympique et du village des médias, appelés à être reconvertis en logements, établissements d'hébergements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), résidences étudiantes, mais aussi bureaux, commerces et autres activités économiques, en sécurisant leur changement de destination. 28 permis de construire à double état ont été délivrés à ce titre, dont 25 seront ensuite convertis en bâtiments à destination principale d'habitation et trois en hôtels ou immeubles de bureaux.

Afin de faciliter la mise en oeuvre du projet, l'article 61 de la loi « ELAN » a ouvert la possibilité de déroger aux règles d'urbanisme en vigueur (à l'exception toutefois des règles relatives à la sécurité ou à la salubrité publiques) afin d'autoriser l'état provisoire du projet, sous réserve toutefois que l'état définitif du projet soit, lui, conforme à l'ensemble des dispositions d'urbanisme applicables. Afin d'assurer l'effectivité de la reconversion, le même article a par ailleurs introduit un délai maximal de trois ans à compter de la fin des jeux Olympiques pour livrer les bâtiments reconvertis.

L'utilisation du permis à double état a par ailleurs été étendue par le même article de la loi « ELAN » aux championnats du monde de ski alpin de 2023, la reconversion devant être effective dans un délai maximal de trois ans.

II. Le dispositif envisagé - Une généralisation des permis de construire à double état

La proposition de loi initiale ouvre la possibilité de délivrer des permis de construire autorisant simultanément, au moment de la délivrance de l'autorisation, deux destinations successives.

La mise en oeuvre de cette possibilité serait limitée à des secteurs préalablement identifiés au sein du PLU, par délibération, par les communes ou établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme de déterminer, par délibération.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - Un dispositif assoupli, mais mieux encadré

A. En commission, le dispositif a été assoupli, tant en ce qui concerne le nombre de destinations que leur ordre de mise en oeuvre

En commission, les députés ont, à l'initiative du rapporteur, supprimé la notion de successivité des différentes destinations permises par le permis de construire et étendu le nombre de destinations possibles au-delà de deux, sans limitation.

B. En séance, le dispositif a été précisé et sécurisé

En séance, un amendement du Gouvernement a précisé que les changements de destination ultérieurs entre les destinations autorisées étaient autorisés sur le fondement des règles d'urbanisme applicables à la date de délivrance.

Enfin, un amendement de séance du rapporteur a précisé que le propriétaire du bâtiment concerné devait informer le maire de la commune et, le cas échéant, l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme de chaque changement de destination ultérieur à la délivrance de l'autorisation d'urbanisme.

IV. La position de la commission - Un outil innovant à mieux encadrer, afin que les collectivités puissent s'en emparer pleinement

L'association des maires de France et des présidents d'intercommunalités a fait part à la rapporteure des interrogations des élus quant à ce permis à destinations multiples, dont le principe est de cristalliser les règles applicables au projet au moment de la délivrance du permis, ce qui signifie que les autorités compétentes en matière d'urbanisme renoncent, pour un temps, dans le périmètre du projet, à leur capacité de faire appliquer les règles d'urbanisme qui seraient modifiées après la délivrance du permis. Si cela est déjà le cas pour la durée de validité d'un permis de construire classique, les enjeux peuvent être plus importants lorsque le permis autorise à mener des travaux ultérieurement, à l'occasion d'un changement de destination.

Le retour d'expérience tiré du permis « à double état » mis en place pour les jeux Olympiques et Paralympiques est très limité, d'une part du fait du calendrier, les restructurations prévues n'ayant pas encore été réalisées, et d'autre part, en raison de deux différences fondamentales avec le permis à destinations multiples tel que proposé par le texte :

- d'une part, dans le cas des permis « à double état », les différents états, limités au nombre de deux, sont connus à l'avance, avec un état transitoire et un état définitif ;

- d'autre part, l'état transitoire répond à des besoins spécifiques à l'organisation de compétitions sportives, qui n'ont pas vocation à être dupliqués, ni retrouvés dans un état ultérieur du bâtiment.

Pour autant, la commission, à la suite de la rapporteure, éclairée par les différentes auditions menées avec les professionnels de la construction, considère le permis de construire à destinations multiples comme un outil intéressant pour favoriser le recyclage urbain, dans un contexte de raréfaction du foncier et d'attention de plus en plus soutenue au coût environnemental des opérations de construction nouvelle et de démolition-reconstruction, par rapport à la réhabilitation.

La commission s'est donc attachée à sécuriser les conditions d'utilisation, afin de permettre aux collectivités de s'en emparer pleinement, sans devoir craindre de se voir ainsi déposséder de leurs prérogatives en matière d'urbanisme et d'aménagement.

La commission a tout d'abord adopté un amendement  COM-19 de la rapporteure visant à préciser la procédure applicable au nouveau permis à destinations multiples : celui-ci sera délivré par l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme dans les conditions de droit commun, dans les zones dans lesquelles cette faculté aura été ouverte par l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme, après avis conforme de la commune concernée. Est ainsi clarifié le fait que la commune n'aura pas à délibérer sur chaque demande de permis à destinations multiples.

Compte tenu du fait que, selon le Conseil supérieur du notariat (CSN), interrogé par la rapporteure, seuls quelque 20 % de la ville future resteraient à construire, les 80 % restant étant constitués de bâtiments déjà construits, qui devront faire l'objet de mutations, cet amendement étend la possibilité de recourir à de tels permis sur des constructions déjà existantes.

La commission a également précisé que les possibilités de dérogations au zonage du PLU prévues à l'article 1er du projet de loi seront applicables pour le permis à destinations multiples (amendement  COM-23 de la rapporteure), le cas échéant dans les conditions prévues par cet article (avis de l'ensemble des autorités compétentes en matière d'urbanisme ainsi que de la commune concernée).

La commission a également introduit la possibilité pour le permis de construire à destinations multiples de mentionner la première destination de la construction projetée (amendement  COM-22 de la rapporteure), considérant que les maires pouvaient légitimement souhaiter pouvoir se prononcer sur la demande de permis en toute connaissance de cause, pour évaluer l'impact du projet, par exemple, sur les besoins en infrastructures et équipements publics : la notion de destinations successives, présente dans le texte initial, pourrait ainsi être réintroduite au cas par cas. Pour autant, la commission n'a pas souhaité imposer la mention de cette première destination, afin de permettre l'utilisation du permis à destinations multiples pour les cas où la destination d'un bâtiment pourrait être modifiée en cours de construction, pour des motifs, par exemple, de difficultés de commercialisation des locaux avec la destination initialement envisagée par le constructeur : avec l'accord du maire, le permis pourrait alors ne pas faire mention de l'ordre de succession des destinations prévues.

Enfin, la commission a fixé la durée de validité du permis à destinations multiples à 10 ans, renouvelables deux fois pour une durée de 5 ans. Cette durée maximale de 20 ans rejoint une préconisation faite par le Conseil supérieur du notariat (CSN), considérant qu'elle correspond peu ou prou à la durée moyenne au bout de laquelle un bâtiment nécessite une requalification d'ampleur. En effet, la durée de validité d'un permis de construire est actuellement fixée à trois ans, prorogeable deux fois pour une durée d'un an. Cette durée maximale de cinq ans réduirait en pratique considérablement les cas d'usages de ce nouveau permis, pour les cas de changements de destination consécutifs à des opérations de réhabilitation après un premier usage.

Afin de permettre la prorogation à l'identique du permis, l'instruction de cette dernière se fera sur le fondement des règles applicables au moment de la délivrance du permis initial (contrairement aux prorogations de droit commun des permis de construire). Ainsi qu'en disposait déjà le texte soumis à l'examen de la commission, les règles d'urbanisme applicables au projet seront, pendant toute sa durée de validité, celles en vigueur au moment de la délivrance du permis. Une exception devra cependant être faite pour les règles relatives à la sécurité ou à la salubrité publique : même en cas de modification ultérieure à la délivrance du permis, ces dernières seront applicables aux travaux et changement de destination autorisés par le permis intervenant après leur adoption. Le décret en Conseil d'État prévu pour préciser les conditions d'application de l'article devrait alors préciser les modalités d'information du titulaire du permis, en cas de modification de ces règles, puisque la vérification du projet à leur conformité ne pourrait plus être faite par l'administration à l'occasion de l'instruction de l'autorisation d'urbanisme. Tel est l'objet de l'amendement  COM-25 de la rapporteure, adopté par la commission.

La commission a également adopté les amendements rédactionnels ou de coordination juridique  COM-20, COM-21, COM-24 et  COM-26 de la rapporteure.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 5 (non modifié)
Ouverture du recours au marché de conception-réalisation
pour les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires

Cet article vise à rouvrir aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) le droit de recourir, de façon pérenne, aux marchés publics de conception-réalisation.

Cette possibilité, ouverte à titre temporaire par la loi « ELAN » de 2018 afin de faciliter et accélérer la construction de résidences étudiantes, n'a pas été pérennisée à l'issue de l'expérimentation, le 31 décembre 2021.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La conception-réalisation, un outil temporairement ouvert aux opérations immobilières des Crous qui n'a pas été pérennisé

A. Les marchés de conception-réalisation, une procédure dérogatoire aux procédures de droit commun de passation des marchés publics

1. La séparation des marchés de conception et de réalisation, un principe général du droit des marchés publics

La loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite « loi MOP », impose la séparation de la mission de maîtrise d'oeuvre de celle de la mission de réalisation des ouvrages publics.

Pour rappel, le maître d'oeuvre est la personne à qui il appartient de matérialiser les décisions de la personne morale de droit public ou de délégataire de service public donneuse d'ordre (le maître d'ouvrage) qui l'a choisi. Il est chargé de la conception, et de veiller à la bonne exécution des travaux. Il doit, pour cela, détenir une compétence technique.

Afin d'éviter tout conflit d'intérêts du maître d'ouvrage, la loi « MOP » prévoit que c'est le maître d'ouvrage qui choisit les entreprises chargées de réaliser les travaux, et entre en relation contractuelle avec elles.

De plus, l'article L. 2113-10 du code de la commande publique pose le principe de l'allotissement des marchés publics. Ainsi « les marchés sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l'identification de prestations distinctes » (l'acheteur déterminant le nombre, la taille et l'objet des lots). Ce principe a été rendu obligatoire pour l'ensemble des acteurs au sein des marchés publics, sauf exception, depuis l'ordonnance du 23 juillet 201564(*) et son décret d'application du 25 mars 201665(*).

2) Les marchés de conception-réalisation, une procédure dérogatoire soumise à des conditions restrictives

Les marchés de conception-réalisation, prévus par l'article L. 2171-2 du code de la commande publique, dérogent à la fois aux principes de séparation de la conception et de la réalisation, et d'allotissement.

Ils permettent en effet à l'acheteur de confier à un unique opérateur économique l'ensemble des étapes de la réalisation d'un projet, des études préliminaires et conception du projet, à l'exécution des travaux. Relevant de la catégorie des marchés globaux, définis à l'article L. 2171-1 du code de la commande publique, les marchés de conception-réalisation dérogent à ce titre de plein droit au principe de l'allotissement. Ils doivent cependant, excepté pour les ouvrages d'infrastructures, être confiés à un groupement d'acteurs économiques, et non à un seul acteur66(*).

Le champ des marchés de conception-réalisation est toutefois très restreint. En règle générale, les acheteurs publics67(*) ne peuvent en effet recourir à ce type de marchés que si l'association de l'entrepreneur aux études est rendue nécessaire par des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel, portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique du bâtiment.

Ces restrictions, portant tant sur le type d'opérations éligibles que sur l'obligation de confier le marché à un groupe d'acteurs économiques, ne sont toutefois pas applicables aux bailleurs sociaux, qui peuvent donc recourir plus largement aux marchés de conception-réalisation, pour toutes opérations visant à la réalisation de logements locatifs sociaux68(*).

B. Les marchés de conception-réalisation ont été temporairement ouvert aux Crous, mais l'expérimentation n'a pas été pérennisée

La dérogation au bénéfice des bailleurs sociaux a été introduite par la loi « ELAN », qui a ainsi pérennisé une dérogation temporaire introduite par la loi « Molle » de 200969(*), qui visait alors à satisfaire plus facilement aux objectifs de production de logements fixés par le plan de cohésion sociale et aux demandes d'attribution générées par la mise en oeuvre du droit opposable au logement (« DALO »).

L'article 69 de la même loi « ELAN » a également accordé aux Crous le droit de recourir aux marchés de conception-réalisation pour leurs opérations immobilières à titre temporaire, jusqu'au 31 décembre 2021. Cette faculté ouverte à titre temporaire, afin d'accélérer, selon l'analyse partagée à la rapporteure par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous), la réalisation des projets financés et soutenus par le plan de relance, n'a pas été prolongée après cette date.

Selon les informations transmises par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous), 31 opérations dans 11 Crous auraient été menées pendant la durée de l'expérimentation entre le 23 novembre 2018 (promulgation de la loi ELAN) et le 31 décembre 2021. Ces opérations auraient représenté environ six projets d'un millier de logements neufs ainsi que près de 6 000 logements réhabilités, des nombres significatifs au vu du stock total de logements sociaux étudiants, et représentant environ deux tiers de la totalité des logements étudiants réhabilités par les Crous sur la période, et 10 % des logements étudiants nouvellement construits. Pour le réseau des Crous, le gain en chiffres d'affaires réalisé à la livraison est estimé à 3,6 M€ supplémentaires. Selon le Cnous, l'accès au mécanisme des marchés de conception-réalisation « a été décisif pour le respect du calendrier imposé pour les opérations du plan de relance »70(*).

C. Les Crous opèrent une montée en puissance dans la réalisation de résidences universitaires, dans un contexte de crise du logement étudiant

Les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) sont le levier d'intervention de l'État dans les différents aspects de la vie étudiante. Ils ont vocation à opérer « dans les domaines, notamment, de l'accompagnement social des études et de leur financement, de la restauration, du logement, de la santé, de la mobilité, de l'action culturelle, des pratiques sportives et du soutien aux initiatives des étudiants »71(*). Ils ont le statut d'établissements publics à caractère administratif (EPA).

Sur un total d'environ 240 000 logements sociaux étudiants, dont environ 175 000 gérés par le réseau Crous72(*), aux côtés des bailleurs sociaux et des associations déclarées (comme l'Aclef ou Fac-Habitat)73(*).

Concernant la construction de résidences universitaires, les Crous ont la possibilité de réaliser des opérations immobilières en maîtrise d'ouvrage directe, ou à la confier à un tiers comme des offices publics de l'habitat. En pratique, ce sont les bailleurs sociaux qui ont fourni en maîtrise d'ouvrage la majorité des opérations neuves, mais les Crous structurent depuis une dizaine d'années leurs savoir-faire en interne, notamment pour la transformation d'actifs immobiliers existants.

Dans un contexte de crise du logement en général, et de crise du logement étudiant en particulier, face à l'augmentation des demandes de logement Crous de la part des étudiants, le Gouvernement a fixé, en novembre 2023, un objectif de 35 000 nouveaux logements sociaux et intermédiaires étudiants d'ici la fin du quinquennat74(*). Afin de contribuer à l'atteinte de cet objectif, le Cnous a programmé la réhabilitation de 6 500 logements, et la construction de près de 10 000 logements sur la période75(*).

II. Le dispositif envisagé - Ouvrir de façon durable les marchés de conception-réalisation aux Crous

L'article propose d'ouvrir de façon durable la possibilité, pour les Crous, de faire usage des marchés de conception-réalisation.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'article n'a fait l'objet d'aucune modification de fond, ni en commission ni en séance, mais uniquement d'un amendement rédactionnel.

IV. La position de la commission - La pérennisation d'un dispositif utile au logement étudiant

Selon les projections figurant dans un récent rapport sénatorial la population étudiante devrait dépasser 2,8 millions de personnes en 202876(*). Cette croissance suppose donc un effort soutenu en matière de logement étudiant alors même que l'offre actuelle n'arrive pas à répondre à la demande puisque ce même rapport estime le nombre de logements sociaux étudiants nécessaires pour pallier le déficit actuel à 250 000.

La nécessité de créer de tels logements étudiants à coûts modérés est d'autant plus grande que selon l'Observatoire de la vie étudiante, le logement représenterait 552 euros mensuels en moyenne pour un étudiant, pour des ressources mensuelles moyennes de 919 euros77(*). L'accès à un logement social étudiant paraît par conséquent être un moyen de lutter contre la précarité étudiante.

En améliorant la capacité des Crous à construire et rénover des résidences étudiantes, cet article s'inscrit dans cet objectif.

Entendue par la rapporteure, le Cnous a souligné les avantages significatifs présentés par le recours aux marchés de conception-réalisation en termes de maîtrise des coûts78(*) et surtout de durée des opérations, le gain de temps sur l'ensemble de la procédure : de l'ordre de six mois à un an79(*), il est particulièrement utile pour bien calibrer la livraison des résidences concernées en vue d'une ouverture en septembre, afin de pouvoir les « commercialiser » immédiatement. Cette rentabilisation plus rapide permet en outre de dégager des financements pour le lancement d'autres opérations de construction ou réhabilitation.

La procédure de conception-réalisation permettrait aussi de se prémunir des défaillances d'entreprises, qui sont alors gérées par le titulaire du marché, et non par pouvoir adjudicateur comme dans des marchés de travaux classiques. Les provisions pour les aléas sont également deux fois moindres80(*).

La non-pérennisation de la possibilité, pour les Crous, de recourir aux marchés de conception-réalisation, n'avait pas fait l'objet d'interventions particulières dans la mesure où les Crous apparaissaient comme des acteurs mineurs de la production de logement - y compris de logements étudiants - et où les bailleurs sociaux, qui contribuent eux aussi très largement à la production de logements étudiants, conservaient pour leur part cette faculté.

Compte tenu de la crise générale du logement, et de la dynamique engagée par les Crous, conformément à la feuille de route gouvernementale précitée, de réhabilitation et de production de nouveaux logements étudiants, la commission approuve le renouvellement d'un dispositif éprouvé et utile.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 5 bis
Extension de la majoration du volume constructible prévu par le PLU
aux opérations de construction de logements étudiants par les Crous

Cet article vise à étendre la possibilité pour les PLU de délimiter des secteurs dans lesquels les logements locatifs sociaux bénéficient d'une majoration du volume constructible, au bénéfice des résidences universitaires gérées par le réseau des Crous.

La commission a étendu la disposition à l'ensemble des résidences étudiantes, et précisé qu'elle pouvait concerner tant les constructions nouvelles que la création de résidences étudiantes par transformation de bâti existant.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. Dans certains secteurs délimités par les documents d'urbanisme, certains types de logements peuvent bénéficier de majorations par rapport aux volumes constructibles fixés par les mêmes documents d'urbanisme

Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, le règlement du plan local d'urbanisme (PLU) « fixe [...] les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols » sur le territoire qu'il couvre, qui peuvent prendre notamment la forme d'interdictions de construire81(*), de règles concernant l'implantation des constructions82(*) et leurs dimensions (y compris, plus spécifiquement, les tailles minimales de logements83(*)), leurs conditions d'alignement et leur écartement84(*). La combinaison de ces différentes prescriptions aboutit de fait à une limitation du volume maximal constructible dans chaque secteur donné du PLU.

Afin de faciliter la construction de certains types de constructions - principalement les logements sociaux ou intermédiaires ou les bâtiments à haute performance environnementale -, et plus généralement à des fins de densification, l'article L. 151-28 du code de l'urbanisme dispose que le règlement du PLU peut prévoir, dans certains secteurs, et sous réserve du respect des autres règles établies par le PLU, une majoration du volume constructible maximal fixé, directement ou indirectement, par le même PLU.

Ainsi peuvent être autorisés de manière générale, dans les secteurs définis dans le règlement du PLU ou du document d'urbanisme en vigueur, des majorations des règles relatives au gabarit (hauteur autorisée en fonction de la largeur de la rue), à la hauteur et à l'emprise au sol, de 20 % maximum pour chacune des règles (1°).

Des dérogations en matière de volume constructible, tel qu'il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l'emprise au sol, sont également prévues, au bénéfice des programmes de logements comportant des logements intermédiaires (30 % maximum, 4°) et surtout des programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux (2°) : la majoration du volume constructible peut atteindre dans ce cas 50 % maximum85(*). Ces dérogations ne sont toutefois que partiellement cumulables entre elles, et ne peuvent conduire à autoriser in fine un dépassement de plus de 50 % du volume occupé par le gabarit de la construction86(*).

En vertu de l'article L. 151-29-1, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut en outre, par décision motivée et après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture87(*) accorder des dérogations supplémentaires pour les programmes comportant des logements sociaux présentant « un intérêt public du point de vue de la qualité ainsi que de l'innovation ou de la création architecturales », soit pour le volume constructible, soit pour les règles relatives au gabarit, dans la limite de 5 %.

Toutefois, la DHUP ne dispose pas d'éléments statistiques pouvant indiquer à quel point cette dérogation est utilisée par les bailleurs sociaux pour leurs opérations, ou dans quelles proportions il existe la possibilité au sein des PLU d'y recourir.

II. Le dispositif envisagé - Une extension des majorations de volume constructible aux résidences étudiantes gérées par les Crous

La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a étendu la majoration maximale de 50 % du volume constructible dont bénéficient les programmes de logements comportant des logements locatifs sociaux, lorsque le PLU a prévu une telle majoration, aux opérations de construction de résidences universitaires gérées par les Crous.

L'article n'a pas été modifié au fond en séance.

IV. La position de la commission - Une majoration du volume constructible qui répond à une problématique de densification et d'offre de logements

La commission des affaires économiques approuve cette mesure, qui lui paraît être un moyen utile de contribuer, au moins ponctuellement, à réduire le déficit de logements étudiants, en en augmentant le nombre. Elle pourrait également améliorer l'équilibre économique des opérations, en permettant la réalisation d'un plus grand nombre de logements au mètre carré au sol.

Ces dispositions sont d'autant plus importantes que les résidences étudiantes se trouvent généralement en centre-ville ou dans des zones urbaines déjà denses où le foncier disponible est limité, alors que les contraintes induites par les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols fixés de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 limitent en outre les possibilités d'artificialisation nouvelle88(*).

Considérant que l'application de ce bonus de constructibilité devait être accordé en fonction de la destination des bâtiments réalisés, et non de la qualité de leur gestionnaire, la commission a adopté un amendement  COM-27 de la rapporteure, l'élargissant à l'ensemble des résidences étudiantes, qu'elles soient ou non gérées par les Crous.

Afin d'en maximiser les cas d'usage, elle a également adopté un amendement  COM-28 de la rapporteure, afin d'étendre ce bonus à toutes les opérations de création de résidences étudiantes (constructions nouvelles, mais aussi transformations en résidences étudiantes de bâtiments déjà existants, et même de densification de résidences étudiantes existantes).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6
Faciliter le changement de destination d'un lot de copropriété
pour la transformation de locaux tertiaires en logement

Cet article vise à faciliter la transformation de locaux tertiaires en logement dans les copropriétés en abaissant la majorité nécessaire de l'unanimité à la majorité simple en assemblée générale.

La commission a adopté deux amendements, le premier élargissant le dispositif aux commerces, le second supprimant la servitude de résidence principale de trois ans, cette obligation relevant d'autres dispositifs légaux.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - Le changement de destination est régi par la loi qui renvoie au règlement de copropriété

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis détermine les principes généraux de l'usage des parties privatives par les propriétaires.

Selon l'article 8, c'est l'un des objets du règlement de copropriété : « Un règlement conventionnel de copropriété (...) détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance (...). Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».

L'article 9 précise en outre que : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».

Dès lors, deux cas se présentent. Soit le règlement de copropriété s'oppose à ce que le lot soit transformé en logement (immeuble à usage exclusif de bureau ou local commercial en rez-de-chaussée par exemple), soit il est muet.

Si le règlement de copropriété empêche la transformation, il sera nécessaire que l'assemblée générale l'autorise à l'unanimité. C'est ce qui ressort d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation interprétant a contrario l'alinéa de l'article 26 qui dispose que : « L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété ». Il peut également arriver que la transformation en logement d'un local commercial situé en rez-de-chaussée contrevienne à la destination de l'immeuble.

En revanche, sous réserve des dispositions d'urbanisme et des éventuelles autorisations de travaux, si le règlement de copropriété ne s'oppose pas à ce changement de destination, celui-ci est libre.

II. Le dispositif envisagé - La suppression de toute faculté d'opposition de la copropriété

 Les dispositions initiales de la proposition de loi prévoyaient de supprimer toute possibilité pour la copropriété de s'opposer à la transformation de locaux tertiaires en logement « à quelque majorité que ce soit », « y compris lorsque la destination d'habitation n'est pas conforme aux stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble ».

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

En commission, l'Assemblée nationale a estimé que ces dispositions étaient sans doute trop ambitieuses et présentaient des risques de conflits dans les copropriétés.

Elle a donc retenu que la décision relèverait de la majorité simple des copropriétaires présents et représentés, dite de l'article 24, ce qui éviterait qu'une minorité ou que la passivité du plus grand nombre empêche cette évolution.

En effet, il eût été possible de retenir la majorité dite absolue de tous les copropriétaires (article 25) ou celle de la majorité des deux tiers (article 26).

Par ailleurs, le rapporteur a substitué à la notion de « destination tertiaire », la notion de « bureau et de local professionnel ». En effet, la destination tertiaire inclut les locaux commerciaux dont la transformation lui est apparue moins pertinente au vu des objectifs de la présente proposition de loi, estimant que substituer des commerces pour créer des logements aurait un impact négatif sur la vitalité des coeurs de ville et des centres-bourgs, tout en diminuant la quantité et la qualité de services pourtant nécessaires à l'accueil de nouveaux habitants.

B. En séance

En séance, l'Assemblé nationale a adopté un amendement du député Inaki Echaniz et du groupe socialiste précisant qu'« à peine de nullité de l'approbation de l'assemblée générale, le bénéfice de cette dérogation est conditionné à une occupation du ou des logements ainsi créés à titre de résidence principale pour une durée d'au moins trois ans à compter de la livraison des travaux permettant le changement de destination des locaux concernés ».

Pour les auteurs, il s'agit d'exclure toute possibilité d'une exploitation en location de courte durée afin d'éviter que ce dispositif ne favorise la création de meublés de tourisme.

Leur souhait est également de favoriser le logement abordable là où la tension est la plus forte, c'est-à-dire dans les métropoles.

IV. La position de la commission - Faciliter sans mélanger les réglementations

La commission a approuvé l'objectif de faciliter la transformation de locaux tertiaires en logements dans les copropriétés.

Dans ce cadre, retenir la majorité de l'article 24 est le bon équilibre évitant à la fois une automaticité qui pourrait être conflictuelle et la possibilité d'un blocage en raison de l'absentéisme ou de l'opposition de quelques-uns.

En revanche, elle est revenue sur deux points, sur proposition de la rapporteure.

Elle a tout d'abord estimé que restreindre les transformations aux bureaux et aux locaux professionnels limiterait le potentiel de la proposition de loi en excluant les locaux commerciaux. En outre, juridiquement les locaux professionnels ne sont pas définis dans la loi de 1965 à la différence des bureaux et des commerces. La commission a donc adopté l'amendement COM-8 de la rapporteure remplaçant les mots « local professionnel » par « commerce ».

En revanche, sur proposition de la rapporteure, la commission n'a pas conservé la disposition imposant une durée minimale en résidence principale.

En effet, cet objectif sera atteint par les dispositions spécifiques permettant des zonages dédiés dans le cadre des PLU et qui sont prévues par la PPL relative aux meublés de tourisme. Il n'est donc pas nécessaire de l'imposer de manière générale là où cela ne serait pas nécessaire au regard de la situation locale.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirment les auteurs de la disposition, ce n'est qu'exceptionnellement que la transformation de bureaux pourra aboutir à des logements plus abordables en raison du coût élevé de l'opération. Cela dépendra de l'équilibre économique dont notamment le prix de vente des locaux à transformer, avec ou sans décote s'il s'agit d'une propriété publique, des conditions de financement (emprunt à long terme de la Banque des territoires par exemple, démembrement de propriété éventuel) et de l'ampleur des transformations et des aides.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 7 (non modifié)
Abaissement de la majorité nécessaire à l'adaptation
de la répartition des charges de copropriété
en cas de transformation de bureaux en logements

Cet article vise à faciliter la modification de la répartition des charges de copropriété en cas de transformation de bureaux en logements en retenant la majorité de l'article 24

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - La majorité qualifiée est nécessaire pour modifier la répartition des charges en cas de changement d'usage des parties privatives

L'article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis détermine les principes de la répartition des charges de l'immeuble entre les copropriétaires : « Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.

« Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales (...) proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots (...).

« Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.

« Lorsque le règlement de copropriété met à la seule charge de certains copropriétaires les dépenses d'entretien et de fonctionnement entraînées par certains services collectifs ou éléments d'équipements, il peut prévoir que ces copropriétaires prennent seuls part au vote sur les décisions qui concernent ces dépenses. Chacun d'eux dispose d'un nombre de voix proportionnel à sa participation auxdites dépenses ».

La loi opère donc une distinction entre :

- les charges générales de la copropriété qui sont généralement réparties en fonction des surfaces détenues par chaque copropriétaire ;

- et les charges spéciales qui sont réparties en fonction de l'usage de chacun. Le cas le plus fréquent est l'ascenseur qui n'implique aucune charge pour les habitants du rez-de-chaussée (sauf s'il dessert la cave et le parking) mais des charges croissantes en fonction de l'étage des logements.

En application de l'article 11, « la répartition des charges ne peut être modifiée qu'à l'unanimité des copropriétaires » sauf exception.

L'une d'entre elles est justement leur modification à la majorité de l'article 25 (e de l'article) lorsqu'elle est rendue nécessaire par le changement d'usage d'une ou plusieurs parties privatives.

II. Le dispositif envisagé - Abaissement de la majorité requise

La proposition de loi prévoit d'abaisser la majorité nécessaire à la modification de la répartition des charges en cas de transformation de bureaux en logement en retenant la majorité de l'article 24, soit la majorité simple des copropriétaires présents ou représentés lors de l'assemblée générale.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

Les rapporteurs ont proposé un amendement de coordination juridique.

B. En séance

L'article 7 a été adopté sans modification.

IV. La position de la commission - Adoption conforme

Le rapporteur de l'Assemblée nationale a souligné que cet article était un article de « précaution » dans la mesure où dans la plupart des cas, la transformation n'emportera aucune modification des charges.

Une telle disposition est néanmoins logique afin de parer à toute éventualité et l'adoption de la majorité de l'article 24 est cohérente avec celle retenue pour le changement de destination du lot lui-même. Les deux décisions se prendront à la même majorité.

La commission a adopté l'article sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

En adoptant un amendement COM-29 de la rapporteure. La commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi pour le mettre en cohérence avec les termes employés dans les différents articles de la proposition de loi, tels que modifiés par la commission pour en élargir le champ d'application à l'ensemble des bâtiments susceptibles de faire l'objet d'une transformation en habitation, et la destination finale au logement et à l'hébergement, et non plus aux seuls logements.

La commission a adopté l'intitulé de la proposition de loi ainsi modifié.


* 2 e) de l'art. R. 431-5 du code de l'urbanisme.

* 3 c) de l'art. R. 431-35 du code de l'urbanisme.

* 4 Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

* 5 Article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation.

* 6 Article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation.

* 7 Article L. 631-7-3 du code de la construction et de l'habitation.

* 8 Article L. 631-7-2 du code de la construction et de l'habitation.

* 9 Article L. 631-7-4 du code de la construction et de l'habitation.

* 10 Articles L. 631-7-2, 3 et 4 du code de la construction et de l'habitation.

* 11 Art. L. 321-13 et b) de l'art. R. 421-17 du code de l'urbanisme, depuis le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme.

* 12 Art. R. 421-17 du code de l'urbanisme.

* 13 Sauf exceptions listées à l'art. R. 421-17-1 du code de l'urbanisme.

* 14 Art. L. 421-1 et R. 421-14 du code de l'urbanisme.

* 15 A) et b) de l'art. R. 421-14 et a) de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme.

* 16 Art. R. 421-16 du code de l'urbanisme.

* 17 Art. L. 151-9 du code de l'urbanisme.

* 18 2° du I de l'art. L. 151-11 et R. 151-35 du code de l'urbanisme.

* 19 Art. L. 151-16 et R. 151-37 du code de l'urbanisme.

* 20 Art. R. 151-30 du code de l'urbanisme.

* 21 Par exemple, l'article L. 151 616 du code de l'urbanisme prévoit que le règlement peut identifier et délimiter des quartiers, îlots et voies dans lesquels est préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer cet objectif, ou bien délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels la préservation ou le développement d'infrastructures et d'équipements logistiques est nécessaire et définir, le cas échéant, la nature de ces équipements ainsi que les prescriptions permettant d'assurer cet objectif.

* 22 Art. L. 151-28 et 2° et 5° à 7° de l'art. R. 151-37 du code de l'urbanisme.

* 23 Art. L. 151-47 du code de l'urbanisme.

Le règlement du PLU peut également minorer les obligations d'aires de stationnement lorsque des projets comportent plusieurs destinations ou sous-destinations permettant la mutualisation de tout ou partie de ces aires de stationnement (art. R. 151-45 du code de l'urbanisme).

* 24 Art. L. 151-32 du code de l'urbanisme.

* 25 1° et 3° de l'art. R. 151-37 du code de l'urbanisme.

* 26 Art. L. 151-14 et R. 151-38 du code de l'urbanisme.

* 27 Art. L. 151-15 et R. 151-38 du code de l'urbanisme.

* 28 Art. L. 152-3 à 5-2 et L. 152-6-1 et 2 du code de l'urbanisme.

* 29 Art. L. 152-6 du code de l'urbanisme.

* 30 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 31 3° de l'article L. 152-6 du code de l'urbanisme, tel que modifié par l'article 28 de la loi « ELAN ».

* 32 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 33 Chiffres concordants fournis par les différents acteurs interrogés par la rapporteure.

* 34 Chiffres fournis par la Fédération des entreprises immobilières (FEI), contribution écrite.

* 35 Réponses écrites de la Fédération des entreprises immobilières (FEI) et de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

* 36 Contribution écrite du président d'Emerige.

* 37 Cf. ci-dessus.

* 38 Fnau, réponses écrites aux questions adressées par la rapporteure.

* 39 Idem.

* 40 In fine art. 76 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 41 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, et actuel article L. 318-8-1 du code de l'urbanisme.

* 42 Art. 1149 et 1466F du Code général des impôts.

* 43 Art. L. 332-15 du code de l'urbanisme.

* 44 Art. L. 332-11-3 du code de l'urbanisme.

* 45 Article L. 332-11-4 du code de l'urbanisme. La durée d'exonération dans chaque cas d'espèce est fixée par la convention de PUP.

* 46 Fnau, réponses écrites aux questions adressées par la rapporteure.

* 47 Ou le représentant de l'État, dans le périmètre d'une opération d'intérêt national, ou la collectivité territoriale ou l'établissement public cocontractant dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme.

* 48 Ou le représentant de l'État, dans le périmètre d'une opération d'intérêt national, ou la collectivité territoriale ou l'établissement public cocontractant dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme.

* 49 Réponse ministérielle publiée au Journal officiel le 11 septembre 2014 (question écrite n° 12 746, Sénat).

* 50 Article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme.

* 51 Art. L. 332-11-3.

* 52 Cf. commentaire de l'article 1er dans le présent rapport.

* 53 e) de l'art. R. 431-5 du code de l'urbanisme.

* 54 Rapport Rebsamen - Commission pour la relance durable de la construction de logements, t. II. - Approfondissement du contrat local et autres mesures nationales, sept. 2021.

* 55 Cf. commentaire de l'article 1er du projet de loi, dans le présent rapport.

* 56 Cf. commentaire de l'article 1er du projet de loi, dans le présent rapport.

* 57 Art. R. 146-3 du code de la construction et de l'habitation.

* 58 https://www.senat.fr/amendements/2014-2015/371/Amdt_397.html.

* 59 À la suite d'un dispositif similaire mis en place en 2009, à titre expérimental, par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite « loi Molle ».

* 60 Selon l'article 10 du décret n° 2019-497 du 22 mai 2019 relatif à l'occupation par des résidents temporaires de locaux vacants en vue de leur protection et préservation en application de l'article 29 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, « la seule circonstance que les locaux font l'objet d'une occupation temporaire [en vertu de ce dispositif] ne constitue pas un changement de destination de ces logements au sens de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme ».

* 61 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 62 Art. 88 de la loi ° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, tel que modifié par la loi « ELAN » susmentionnée.

* 63 Loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

* 64 Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

* 65 Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

* 66 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.

* 67 L'État et ses établissements publics, collectivités territoriales et leurs établissements publics, offices publics de l'habitat, organismes de protection sociale, organismes privés d'habitation à loyers modérés et sociétés d'économie mixte, pour les logements sociaux (article L. 2411-1 du code de la commande publique).

* 68 Cette dérogation est également accordée au bénéfice de SNCF Réseau par l'article L. 2111-11 du code des transports.

* 69 Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

* 70 Note de position transmise par le Cnous.

* 71 Article R. 822-1 du code de l'éducation, tel qu'issu du décret n° 2016-1042 du 29 juillet 2016 relatif aux missions et à l'organisation des oeuvres universitaires.

* 72 Feuille de route gouvernementale en matière de Logement Étudiant, novembre 2023.

* 73 Toutefois, ces chiffres sont à contextualiser avec les ordres de grandeur : selon un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), les Crous logent un peu moins de 6 % de la population étudiante totale et les boursiers représentent 51,1 % des étudiants logés (Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, Le réseau Cnous-Crous : points forts, points faibles et évolution possible du modèle, n° 22-23 OO2B, avril 2023).

* 74 Feuille de route gouvernementale en matière de Logement Étudiant, novembre 2023.

* 75 Note de position transmise à la rapporteure.

* 76 Rapport d'information n° 742 (2020-2021) de M. Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France, déposé le 6 juillet 2021.

* 77 Observatoire de la vie étudiante, Enquête sur les conditions de vie des étudiants, 2020.

* 78 Le maître d'ouvrage gère alors un seul marché au lieu de 15 à 20 marchés différents (en raison de l'allotissement) en procédure classique - même si les phases initiales de la procédure requièrent des moyens plus importants, afin de bien calibrer le marché.

* 79 Similaire à celui observé pour les bailleurs sociaux.

* 80 7 % en conception réalisation et 15 % en loi MOP, selon les données transmises par le Cnous à la rapporteure.

* 81 Art. L. 151-9 du code de l'urbanisme.

* 82 Art. L. 151-17 du code de l'urbanisme.

* 83 Art. L. 151-14 du code de l'urbanisme.

* 84 Art. L. 151-19 du code de l'urbanisme.

* 85 Depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (20 % auparavant).

* 86 Article L. 151-29 du code de l'urbanisme.

* 87 Article. L. 611-2 du code du patrimoine.

* 88 Loi n° 2021-1104 du 22 août portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

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