N° 622

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre,

Par M. Alain MILON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Sénat :

435 et 623 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs fait l'objet de controverses médicales et de débats éthiques.

La proposition de loi, amendée par la commission, encadre la prescription de bloqueurs de puberté en la limitant aux centres de référence pluridisciplinaires. Elle interdit la prescription de traitements hormonaux et la réalisation de chirurgies de réassignation, difficilement réversibles.

I. LA PRISE EN CHARGE DE LA DYSPHORIE DE GENRE CHEZ LES MINEURS

A. LA DYSPHORIE DE GENRE

1. Définition internationale

La dysphorie de genre fait l'objet de plusieurs définitions internationales, qui ont évolué ces dernières années dans le sens d'une « dépsychiatrisation ».

La onzième révision de la classification internationale des maladies (CIM), publiée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a exclu l'incongruence de genre des troubles mentaux, de la personnalité et du comportement pour l'intégrer aux affections liées à la santé sexuelle. Elle la définit comme « une incongruité marquée et persistante entre le genre auquel une personne s'identifie et le sexe qui lui a été assigné. »

2. Prévalence en population générale et chez les mineurs

L'estimation de la prévalence de la dysphorie de genre est délicate. Toutefois, des données médico-administratives peuvent contribuer, en France, à une première évaluation. Elles font apparaître une forte croissance du nombre de personnes prises en charge depuis le début des années 2010 :

- le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) pour « transidentité » a été multiplié par près de dix entre 2013 et 2020, pour s'établir à 8 952 personnes ;

- le nombre annuel de séjours hospitaliers en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) avec le code diagnostique « transexualisme » a été multiplié par trois entre 2011 et 2020, pour s'établir à 1 615.

Parmi les personnes prises en charge médicalement et figurant dans les données médico-administratives disponibles, la part des mineurs apparaît fortement minoritaire : 3,3 % des bénéficiaires de l'ALD et 3 % des séjours MCO codés « transexualisme » en 2020. Toutefois, le nombre de mineurs concernés et la part de ceux-ci au sein de leur classe d'âge connaissent également une nette progression.

Prévalence des personnes en ALD « transidentités »
dans la classe d'âge 0-17 ans

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données de l'assurance maladie.

B. LE PARCOURS DES MINEURS CONCERNÉS

1. Transitions médicale, sociale et administrative

La prise en charge médicale ne constitue qu'un élément facultatif du parcours des mineurs présentant une dysphorie de genre.

La transition sociale recouvre le fait de vivre, au sein de son environnement familial, amical, affectif ou scolaire, dans un genre différent du genre de naissance. Celle-ci est d'ores et déjà protégée par la loi pénale, qui punit toute discrimination fondée sur l'identité de genre et toute pratique visant à modifier ou réprimer cette dernière. Une circulaire du ministre de l'éducation nationale de 2021 appelle, par ailleurs, les établissements scolaires à garantir les conditions d'une transition.

La transition administrative désigne les modifications de prénom et/ou du sexe à l'état civil, pour les faire correspondre au genre auquel la personne s'identifie. La loi de 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a entendu simplifier ces démarches en permettant :

- les changements de prénom sur simple demande à l'officier d'état civil ;

- à toute personne majeure ou mineure émancipée de démontrer au tribunal judiciaire la nécessité d'un changement de sexe à l'état civil, sans que l'absence de traitement médical de réassignation ne puisse y faire obstacle.

2. Modalités et contenu de la prise en charge médicale

La prise en charge médicale des mineurs présentant une dysphorie de genre est, principalement, le fait de services spécialisés hospitaliers. En 2018, neuf consultations spécialisées étaient recensées sur le territoire national, dont trois en région parisienne. La prise en charge des mineurs y est collégiale et fondée sur l'organisation régulière de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP), réunissant spécialistes du développement de l'enfant sur le plan psychoaffectif comme somatique et sollicitées avant toute décision thérapeutique importante.

Les mineurs peuvent également être pris en charge en ville, au sein des maisons des adolescents, des plannings familiaux ou auprès de professionnels libéraux.

La prise en charge médicale des mineurs est fondée principalement sur quatre éléments :

- un soutien psycho-social permettant de réduire les risques de souffrance ;

- des bloqueurs de puberté, prescrits à compter des premières manifestations pubertaires, pour suspendre le développement de caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) susceptibles d'accentuer les souffrances ressenties ;

- des traitements hormonaux (ou « hormones croisées »), permettant de développer des caractères sexuels secondaires du genre auquel le mineur s'identifie ;

- des actes chirurgicaux de réassignation : la chirurgie pelvienne n'est pas pratiquée avant 18 ans, mais des chirurgies mammaires (torsoplasties notamment) sont réalisées.

Traitements initiés par le service spécialisé de la Pitié-Salpêtrière
(sur 239 mineurs reçus entre 2012 et 2022)

C. L'ENCADREMENT PROPOSÉ DE LA PRISE EN CHARGE MÉDICALE

1. L'encadrement de la prescription des bloqueurs de puberté

L'article 1er de la proposition de loi déposée interdisait, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription de bloqueurs de puberté aux patients de moins de dix-huit ans. Toutefois, à l'initiative du rapporteur, la commission l'a amendé pour permettre de telles prescriptions par un médecin membre de centres de référence spécialisés listés par arrêté :

après évaluation par l'équipe médicale de l'absence de contre--indication comme de la capacité de discernement du mineur et examen du dossier dans une RCP ;

- dans le respect d'un délai minimal de deux ans séparant la prescription de la première consultation du patient dans un centre de référence.

La commission a amendé l'article 2 de la proposition de loi fixant les sanctions pénales associées pour les appliquer également aux cas de méconnaissance de ces conditions de prescription.

2. L'interdiction des hormones croisées et des chirurgies de réassignation chez les mineurs

La commission a adopté les dispositions de la proposition de loi visant à interdire la prescription d'hormones croisées et la réalisation de chirurgies de réassignation chez des patients mineurs.

Observant que des cas de « détransition » et de regrets sont désormais documentés, elle a jugé indispensable de laisser ainsi le temps aux mineurs de réfléchir à l'opportunité de traitements longs, lourds et difficilement réversibles.

Cet encadrement sera sans incidence sur la faculté, pour un mineur, d'entreprendre une transition administrative. Il ne doit, par ailleurs, pas empêcher la mise en place d'un suivi psycho-social, souvent nécessaire compte tenu des souffrances ressenties, ni celle d'un accompagnement du mineur dans son parcours de transition sociale.

La commission a, enfin, prévu que l'entrée en vigueur de l'encadrement ne devra pas interrompre les traitements engagés.

Elle a adopté un article additionnel prévoyant un réexamen du texte cinq ans après sa promulgation, pour tenir compte d'éventuelles avancées de la connaissance scientifique.

II. L'ÉTABLISEMMENT D'UNE STRATÉGIE NATIONALE POUR LA PÉDOPSYCHIATRIE

A. LA SANTÉ MENTALE DÉGRADÉE DES MINEURS ET LES DIFFICULTÉS DE LA PÉDOPSYCHIATRIE

1. La dégradation de la santé mentale des mineurs

Selon la Cour des comptes, aujourd'hui entre 750 000 et 850 000 jeunes bénéficient annuellement de soins en pédopsychiatrie. 190 000 d'entre eux seraient concernés les troubles les plus graves identifiés par des hospitalisations ou de prises en charge dans le cadre d'affections de longue durée (ALD).

L'enquête Escapad menée par l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, la prévalence des symptômes anxio-dépressifs chez les jeunes de 17 ans est passée de 4,5 % à près de 10 % entre 2017 et 2022. Chez les plus jeunes, l'enquête Enabee publiée l'année dernière et conduite par Santé Publique France indiquait que 13 % des enfants en élémentaire présentent un trouble probable de santé mentale.

2. La pédopsychiatrie en France : une profession en difficulté

La pédopsychiatrie connait, pourtant, une grave crise d'attractivité (-34 % de professionnels spécialisés entre 2010 et 2022) à laquelle des réponses doivent être apportées.

L'offre de soins est largement saturée et inégalement répartie sur le territoire. Le nombre d'enfants pris en charge en centre médico-psychologique de l'enfant et de l'adolescent (CMPEA), après avoir augmenté de 17 % entre 1997 et 2016, continue de progresser de plus de 1 % par an. Les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles sont largement concentrés en milieu urbain et dense. Selon la Cour des comptes, le délai moyen pour commencer une prise en charge était estimé en 2023 à plus de deux mois en Nouvelle-Aquitaine, quatre mois en Rhône-Alpes et huit mois en Seine-Saint-Denis.

B. LA MISE EN PLACE D'UNE STRATÉGIE NATIONALE

1. La nécessaire amélioration de l'offre de soins

La proposition de loi prévoit la mise en place en place dans les six mois suivant la promulgation du texte d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie révisable tous les 5 ans. Cette stratégie a pour objectif de permettre à tous les enfants d'avoir accès à une offre de soins adaptée au plus près de leur lieu de vie.

La commission a pleinement souscrit à cet objectif et a souhaité l'enrichir en ajoutant à cette stratégie un volet spécifique à la formation des professionnels de santé et à l'amélioration des conditions d'exercice de la pédopsychiatrie en France.

2. Une réponse aux enjeux d'accompagnement des mineurs en questionnement de genre

Si la proposition de loi ne vise pas à « repsychiatriser » la prise en charge de la dysphorie de genre, il est indéniable que les mineurs en questionnement de genre et en transition constituent une population particulièrement vulnérable dans le champ de la santé mentale. La commission a estimé que le développement sur l'ensemble du territoire de structures spécialisées et coordonnées dans le cadre d'une stratégie nationale permettra d'améliorer également le suivi et l'accompagnement de ces enfants et de leurs parents.

Réunie le mercredi 22 mai 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté la présente proposition de loi modifiée par neuf amendements du rapporteur.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1er et 2
Interdiction des traitements médicaux de transition
et chirurgies de réassignation pour les mineurs

L'article 1er vise à interdire la prescription, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, de bloqueurs de puberté ou de traitements hormonaux aux mineurs. Il vise également à interdire aux mineurs la réalisation d'opérations chirurgicales de réassignation sexuelle.

La commission a adopté cet article modifié par deux amendements visant, d'une part, à permettre, tout en l'encadrant, la prescription de bloqueurs de puberté aux personnes mineures et, d'autre part, à préciser le périmètre de l'interdiction des chirurgies de réassignation.

L'article 2 assortit ces interdictions de sanctions pénales à l'encontre des professionnels de santé qui les méconnaîtraient.

La commission a adopté cet article modifié par deux amendements visant, d'une part, à tenir compte des modifications apportées à l'article 1er et, d'autre part, à insérer ces dispositions dans un chapitre du code pénal dédié à la prise en charge de la dysphorie de genre chez les personnes mineurs.

I - Le dispositif proposé : interdire les bloqueurs de puberté, les traitements hormonaux et les chirurgies de réassignation aux mineurs

A. Les conditions de prise en charge médicale des mineurs en questionnement de genre

1. Les principes fondamentaux applicables à la prise en charge des mineurs

a) Le consentement préalable des mineurs et de leurs parents

· La prise en charge médicale des mineurs est soumise à l'exigence de consentement préalable du patient. Dans le cas des mineurs, elle est articulée avec la notion d'autorité parentale.

Celle-ci appartient aux parents, jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant. Elle vise à le protéger, notamment, dans sa santé et sa vie privée, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne1(*).

L'autorité parentale est, en principe, exercée conjointement par les deux parents2(*). Toutefois, à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant3(*).

Lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents. Dans ce cas, le parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant. Il est, à cet effet, informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier4(*).

· L'exigence de consentement préalable à tout acte médical a été affirmée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades5(*). Le code de la santé publique dispose, depuis, qu'« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »6(*)

En présence d'un mineur, le médecin doit, en conséquence, obtenir le consentement des titulaires de l'autorité parentale préalablement à toute décision médicale. La notion d'acte usuel recouvre, dans ce cadre, les actes qui ne portent pas atteinte à l'intégrité corporelle de l'enfant : pour ces derniers, chacun des deux parents est réputé agir conjointement avec l'autre.

Toutefois, le consentement du mineur « doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté ou à participer à la décision. »7(*) Ces dispositions font écho à celles, ajoutées au code civil par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale8(*), prévoyant que « Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »9(*)

· L'exigence de consentement préalable des parents d'un patient mineur connaît toutefois quatre principaux tempéraments.

D'abord, la loi de 2002 relative aux droits des malades a autorisé le médecin à délivrer les soins indispensables, lorsque le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur10(*).

Ensuite, le consentement du seul mineur est requis pour certains actes relevant de sa plus stricte intimité. Il en va ainsi, d'abord, de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), une femme mineure non émancipée pouvant recourir à une IVG et aux actes médicaux associés sans le consentement des titulaires de l'autorité parentale, en se faisant accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix11(*). Le consentement des titulaires de l'autorité parentale n'est pas davantage requis pour la prescription, la délivrance ou l'administration de contraceptifs12(*).

En outre, lorsqu'un mineur, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l'assurance maladie ou de la couverture maladie universelle, son seul consentement est requis13(*).

Enfin, et par dérogation aux dispositions applicables à l'autorité parentale, un médecin ou une sage-femme peut se dispenser d'obtenir le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque deux conditions cumulatives sont remplies :

- l'action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé de la personne mineure ;

- cette dernière s'oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé.

Dans ce cas, le médecin ou la sage-femme doit dans un premier temps s'efforcer d'obtenir le consentement du mineur à cette consultation des titulaires de l'autorité parentale. En cas de refus persistant, le médecin ou la sage-femme peut mettre en oeuvre l'action. Le mineur se fait accompagner d'une personne majeure de son choix14(*).

b) Le droit à l'information des mineurs et de leurs parents

Le droit à l'information des patients constitue le corollaire indispensable de l'exigence de consentement préalable. Ce droit a été consacré par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades15(*) dans le code de la santé publique, qui dispose désormais que « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. »16(*)

· En amont de l'acte médical, l'information du patient doit permettre l'expression de son consentement éclairé.

L'information porte sur la prestation de soins, soit les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, ainsi que les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent.

L'information porte également sur les autres solutions possibles, ainsi que les conséquences prévisibles en cas de refus de recevoir les soins proposés.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences. Seules peuvent l'en dispenser :

- l'urgence ou l'impossibilité d'informer ;

- la volonté du patient d'être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission17(*).

· En aval, dans les cas où des risques nouveaux sont identifiés postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, la personne concernée doit être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.

En cas de risque pour la santé publique ou pour la santé d'une personne dus à une anomalie survenue lors d'investigations, de traitements ou d'actions de prévention, l'autorité administrative peut mettre en demeure les professionnels ou les établissements qui ont effectué ces actes de procéder à l'information des personnes concernées, si ceux-ci ne se sont pas d'eux-mêmes conformés à cette obligation légale18(*).

· Une obligation d'information renforcée est prévue par le code de la santé publique dans les cas de prescription d'un médicament hors d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Dans ce cas, le prescripteur informe le patient ou, s'il est mineur, son représentant légal :

- que la prescription du médicament ne s'effectue pas dans le cadre d'une AMM mais de l'accès compassionnel ;

- le cas échéant, de l'absence d'alternative thérapeutique ;

- des risques encourus ainsi que des contraintes et des bénéfices susceptibles d'être apportés par le médicament.

Le médecin porte sur l'ordonnance la mention : « Prescription au titre d'un accès compassionnel en dehors du cadre d'une autorisation de mise sur le marché. »19(*)

· Dans le cas des patients mineurs, le droit à l'information est exercé par les titulaires de l'autorité parentale. Les mineurs ont, toutefois, le droit de recevoir également une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée à leur degré de maturité20(*).

Les conditions de délivrance de l'information aux mineurs et titulaires de l'autorité parentale sont précisées par des recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé. Celles-ci prévoient notamment que « Lorsqu'il existe deux titulaires de l'autorité parentale, dont un seul est présent, le professionnel de santé expose à celui-ci la nécessité d'informer l'autre titulaire. » 21(*)

Le principe d'exercice par les titulaires de l'autorité parentale du droit à l'information connaît les mêmes exceptions que l'exigence de consentement préalable. Les titulaires de l'autorité parentale ne sont pas informés d'une action de soins :

- lorsque celle-ci s'impose pour sauvegarder la santé d'une personne mineure s'opposant expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale22(*) ;

- pour certains actes relevant de la plus stricte intimité de la personne mineure, tels que la contraception23(*) ou l'IVG24(*).

c) Les autres droits et obligations applicables à la prise en charge médicale des mineurs

· Les mineurs et leurs parents bénéficient, par ailleurs, de l'ensemble des autres droits des patients dans la relation de soin consacrés par le code de la santé publique.

Ceux-ci comprennent, d'abord, le droit fondamental de toute personne à la protection de la santé25(*) et, corollairement, le principe de non-discrimination26(*).

La loi de 200227(*) a, par ailleurs, consacré le droit à la qualité des soins. Désormais, le code de la santé publique dispose que toute personne a le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitement et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté28(*).

Enfin, la même loi a consacré le droit du malade au libre choix de son praticien, de son établissement de santé et de son mode de prise en charge en « principe fondamental de la législation sanitaire »29(*). Les médecins doivent respecter et faciliter l'exercice de ce droit30(*).

· L'ensemble des obligations déontologiques des médecins encadrant la relation de soins s'appliquent par ailleurs à la prise en charge des mineurs.

Le code de déontologie médicale fait, ainsi, obligation aux médecins de prendre en charge toutes les personnes, sans discrimination, et de leur apporter en toutes circonstances son concours31(*). Si un médecin conserve, toutefois, hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, la continuité des soins aux malades doit être assurée. À cet effet, le médecin se dégageant de sa mission doit avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins32(*).

Plusieurs dispositions du code de déontologie médicale incitent, par ailleurs, le médecin à la prudence. Ainsi, le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié33(*). Aucune intervention mutilante ne peut, par ailleurs, être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement34(*).

Les médecins s'engagent, enfin, à assurer aux patients des soins fondés sur les données acquises de la science. Ils peuvent, à cet effet et s'il y a lieu, faire appel à l'aide de tiers compétents35(*). Cette obligation s'applique au diagnostic36(*) comme aux prescriptions. Le médecin n'est libre de ses prescriptions que dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles37(*).

2. Les conditions générales de prise en charge de la dysphorie de genre

a) La dysphorie de genre

(1) Définitions et prévalence

· La dysphorie de genre fait l'objet de plusieurs définitions internationales, qui ont évolué ces dernières années.

La cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux38(*), publiée en 2015 en langue française, définit la dysphorie de genre par deux critères diagnostiques cumulatifs :

- la non-congruence marquée entre le genre vécu ou exprimé par la personne et le « genre assigné », d'une durée minimale de six mois ;

- le trouble est accompagné d'une détresse cliniquement significative ou d'une altération du fonctionnement social, scolaire, professionnel ou dans d'autres domaines importants.

La Classification internationale des maladies (CIM), publiée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a fait évoluer la définition et la classification de l'incongruence de genre.

La onzième révision de la CIM, ou CIM-11, classe ainsi l'incongruence de genre non plus parmi les troubles de l'identité sexuelle, les troubles de la personnalité et du comportement et les troubles mentaux et du comportement, mais parmi les affections liées à la santé sexuelle. Elle la définit comme « une incongruité marquée et persistante entre le genre auquel une personne s'identifie et le sexe qui lui a été assigné. » Elle précise : « Les comportements et les préférences qui varient en fonction du sexe ne constituent pas à eux seuls une justification pour l'attribution des diagnostics dans ce groupe. »39(*)

La CIM-11 précise, s'agissant de l'incongruence de genre de l'adolescent ou de l'adulte, que celle-ci « conduit souvent à un désir de transition, afin de vivre et d'être accepté comme une personne du genre ressenti, par le biais d'un traitement hormonal, d'une intervention chirurgicale ou d'autres services sanitaires visant à faire correspondre le corps de la personne, autant que souhaité et dans la mesure du possible, au genre ressenti. »40(*)

· L'estimation de la prévalence de la dysphorie de genre apparaît difficile. Aucune étude ne permet, pour l'heure, de connaître avec précision le nombre et les caractéristiques des personnes concernées en France. Toutefois, des données médico-administratives, rendues publiques dans un rapport récent commandé par le ministre chargé des solidarités et de la santé au docteur Hervé Picard et à M. Simon Jutant41(*), peuvent contribuer à une première estimation.

Celles-ci font apparaître une forte croissance du nombre de personnes prises en charge ces dernières années, même si leur nombre demeure relativement limité. Ainsi, le nombre annuel de séjours hospitaliers en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) pour lesquels le code diagnostique est F64 (« transsexualisme ») est renseigné a été multiplié par trois entre 2011 et 2020.

Nombre de séjours hospitaliers en MCO avec le code diagnostique « transsexualisme », par année et secteur d'activité

Source : commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Cnam citées par Hervé Picard & Simon Jutant (2022)

Par ailleurs, le nombre de personnes reconnues comme atteintes d'une affection longue durée (ALD) pour « transidentité » a été multiplié par près de dix entre 2013 et 2020, pour s'établir cette dernière année à 8 952 personnes.

Ces indicateurs ne permettent que très imparfaitement d'estimer le nombre de personnes prises en charge pour dysphorie de genre et, moins encore, le nombre de personnes transgenres. Les auteurs du rapport mettent en avant que toutes les personnes concernées ne demandent pas à bénéficier de l'ALD, que les interventions chirurgicales réalisées à l'étranger ne sont pas prises en compte et que toutes les personnes transgenres42(*) ne recourent pas à une prise en charge médicale43(*).

· Parmi les personnes prises en charge et figurant dans les données médico-administratives disponibles, la part des mineurs apparaît très fortement minoritaire. En 2020, elle s'élève :

- à 3,3 % parmi les bénéficiaires d'une ALD pour « transidentité » (294 bénéficiaires sur 8 952) ;

- à 3 % parmi les patients concernés par un séjour hospitalier en MCO avec le code diagnostique « transsexualisme » (48 séjours sur 1 615).

Nombre de bénéficiaires de l'ALD pour « transidentité »
en 2020, par catégorie d'âge

Source : commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données Cnam citées par Hervé Picard & Simon Jutant (2022)

Dans un article publié en 2022 dans la revue Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, les docteurs Condat et Cohen, exerçant au sein du service spécialisé de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, et la plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île-de-France précisent que « dans [leurs] consultations spécialisées les jeunes en ALD représentent la quasi-totalité des jeunes en suppression de puberté (car ces traitements sont très coûteux et non pris en charge hors du cadre de cette ALD) et environ la moitié des jeunes ayant recours à une transition hormonale d'affirmation de genre. »44(*)

· Enfin, plusieurs publications font état d'un changement dans le profil des personnes prises en charge, tenant à l'augmentation de la part des hommes transgenres45(*) ces dernières années.

Selon la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), citée par le rapport de 2022, le nombre de demandes d'ALD et d'avis favorables concernant les hommes transgenres aurait, pour la première fois, rejoint en 2019 celui des femmes transgenres46(*).

Au sein du service spécialisé dans la prise en charge des enfants et adolescents transgenres de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 68 % des jeunes reçus entre juin 2012 et mars 202247(*) sont nés sous le sexe féminin48(*).

(2) La question du diagnostic

Les conditions de diagnostic et de prise en charge de la dysphorie de genre font l'objet d'incertitudes importantes. La place de la psychiatrie y est, en particulier, discutée.

· En France, les soins associés à la dysphorie de genre étaient historiquement pris en charge sur le fondement d'une ALD « affection psychiatrique de longue durée », dans des conditions prévues par un protocole de 1989, repris dans un rapport de 2009 de la Haute Autorité de santé49(*). Celui-ci conditionnait, notamment, la prise en charge à une évaluation préalable et pluridisciplinaire de deux ans faisant intervenir, notamment, un psychiatre.

Dans son rapport de 2009, la HAS formulait par ailleurs des propositions d'évolution du parcours de soins, qui recommandaient encore de respecter, avant tout traitement hormonal ou chirurgical irréversible :

- une phase diagnostique, d'une durée habituelle de six à neuf mois, comprenant deux à dix séances avec un psychiatre et/ou un psychologue ;

- une phase d'expérience en vie réelle d'une durée habituelle d'un an, destinée à « [étudier] la capacité à vivre dans le rôle désiré »50(*).

Si un décret de 201051(*) a exclu la dysphorie de genre des ALD « affection psychiatrique de longue durée » et permis la prise en charge des soins associés sur le fondement d'une l'ALD dite « hors liste », aucune recommandation de la HAS n'est pour le moment venue actualiser les propositions de 2009.

· Ce cadre de prise en charge apparaît désormais contesté par certains acteurs, qui mettent en avant les évolutions intervenues dans les classifications internationales et les recommandations les plus récentes de l'Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres (ou World Professionnal Association for Transgender Health, WPATH).

Le Défenseur des droits a recommandé, dans une décision-cadre de juin 2020, de « modifier le protocole de la Haute Autorité de santé concernant la prise en charge des parcours de transition » et insisté « sur la nécessité de mettre au coeur de ce parcours de soins les personnes transgenres, qui n'ont actuellement que peu de pouvoir décisionnel. »52(*)

Le rapport de 2022 du docteur Hervé Picard et de M. Simon Jutant relève que les propositions de la HAS prévoyaient « explicitement une première étape de nature diagnostique et fondamentalement psychiatrique » dans le parcours de soins des personnes transgenres. Il indique que « Les pratiques actuelles des professionnels de santé (...) interrogés et la réalité du vécu quotidien du parcours par les patients s'inscrivent de plus en plus en très profonde rupture par rapport aux propositions de 2009 et au protocole ancien. »53(*) Le rapport recommande de « reconnaître l'autodétermination des personnes » et « dépsychiatriser l'entrée dans les parcours, tout en permettant un accompagnement en santé mentale quand nécessaire. »54(*)

La HAS a été saisie en avril 2021 par le Gouvernement, afin notamment de « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », et d'« élaborer un nouveau protocole en lien avec les professionnels de santé et les associations communautaires »55(*). Interrogée par le rapporteur, elle a indiqué envisager une publication de recommandations visant la population âgée de plus de seize ans à la fin de l'année 2024 ou au début de l'année 2025.

· La question du diagnostic semble particulièrement sensible s'agissant de la prise en charge des mineurs.

Dans un communiqué adopté en février 2022, l'Académie nationale de médecine estimait, face à des patients mineurs, « essentiel d'assurer, dans un premier temps, un accompagnement médical et psychologique [des] enfants ou adolescents, mais aussi de leurs parents, d'autant qu'il n'existe aucun test permettant de distinguer une dysphorie de genre “structurelle” d'une dysphorie transitoire de l'adolescence. » Elle ajoutait : « De plus, le risque de surestimation diagnostique est réel, comme en atteste le nombre croissant de jeunes adultes transgenres souhaitant “détransitionner”. Il convient donc de prolonger autant que faire se peut la phase de prise en charge psychologique. »

En conséquence, l'Académie recommandait :

- un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition et de leurs parents ;

- en cas de persistance d'une volonté de transition, une prise de décision prudente quant au traitement médical par des bloqueurs d'hormones ou des hormones du sexe opposé dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaire56(*).

La HAS a indiqué souhaiter aborder la population des moins de seize ans, dans le cadre de la mise à jour des recommandations de bonne pratique, « dans un deuxième temps »57(*).

b) Le parcours des mineurs présentant une dysphorie de genre

(1) Les professionnels de santé et services impliqués dans la transition médicale

Les parcours de soins des mineurs présentant une dysphorie de genre apparaissent diversifiés.

· Des services spécialisés hospitaliers se sont, d'abord, développés. En 2018, neuf consultations spécialisées étaient recensées, dont trois en région parisienne58(*).

Dans ces services, la prise en charge des mineurs se veut pluridisciplinaire, faisant intervenir des professionnels disposant d'une expertise dans le développement de l'enfant et de l'adolescent tant sur le plan psychoaffectif (pédopsychiatres, psychologues) que somatique (endocrinologues).

Les décisions de mise en place d'un traitement hormonal ou d'intervention chirurgicale sont prises en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).

Les réunions de concertation pluridisciplinaires :
éléments de définition et déroulé

1. Définition

La HAS définit les RCP comme une méthode d'évaluation et d'amélioration des pratiques professionnelles. Elles regroupent des professionnels de santé de différentes disciplines dont les compétences sont jugées indispensables pour prendre une décision accordant aux patients la meilleure prise en charge en fonction de l'état de la science.

Au cours des RCP, les dossiers des patients sont discutés de façon collégiale. La décision est tracée, puis soumise et expliquée au patient59(*).

Les RCP ont été rendues obligatoires pour la définition du projet thérapeutique et les changements significatifs qui lui sont apportés, dont l'arrêt du traitement, dans le cadre de la prise en charge du cancer60(*).

2. Déroulé des RCP

Au cours de la RCP, le dossier de chaque patient est présenté et la prise en charge est définie collectivement sur la base de référentiels retenus. Un avis de la RCP est rédigé qui comporte notamment la proposition thérapeutique, la ou les alternatives possibles ainsi que les noms et qualifications des participants.

L'avis est intégré dans le dossier du patient. Si le traitement effectivement prescrit diffère de la proposition de la RCP, les raisons doivent être argumentées par le médecin et inscrites dans le dossier du patient61(*).

À Paris, une RCP trimestrielle puis mensuelle a été mise en place en 2015 afin de réunir les praticiens des équipes hospitalières et les praticiens libéraux impliqués dans la prise en charge des enfants et adolescents manifestant une dysphorie de genre. Une publication récente indique que :

- celle-ci a vocation à réunir pédopsychiatres, psychiatres d'adulte, psychologues, psychanalystes, psychomotriciens, endocrinologues, pédiatres, biologistes de la reproduction, infirmiers, éthiciens, juristes, représentants d'associations de personnes concernées et anthropologues ;

- ces RCP sont sollicitées pour des discussions avant toute décision à caractère d'hormonothérapie ou de chirurgie ;

- la discussion d'une situation clinique en RCP requiert l'accord préalable de la personne concernée et de ses parents s'il s'agit d'un mineur, lesquels ont la possibilité d'assister à la réunion et de s'y exprimer62(*).

· En ville, des mineurs sont également pris en charge dans les maisons des adolescents, plannings familiaux ou au sein de cabinets de praticiens libéraux.

Le rapport de 2022 du docteur Hervé Picard et de M. Simon Jutant fait état d'initiatives locales destinées à développer cette offre en ville, sans toutefois préciser dans quelle mesure celles-ci s'adressent aux mineurs. Il constate que les services spécialisés hospitaliers « sont saturés, avec souvent des listes d'attente et délais importants ». Soutenant que « Dans le cas des adolescents, le passage en RCP pour accéder aux traitements semble pertinent », le rapport recommande de consolider les équipes spécialisées tout en soutenant, en ville, la formation et le travail en réseau des autres professionnels impliqués63(*).

(2) La place de la transition médicale dans le parcours des mineurs

La prise en charge médicale ne constitue qu'un élément facultatif au sein des parcours des mineurs transgenres. Sont souvent distinguées, ainsi, transitions médicale, sociale et administrative.

· La transition sociale recouvre le fait de vivre, au sein de son environnement familial, amical, affectif ou scolaire, dans un genre différent du genre de naissance.

Une circulaire du ministre de l'Éducation nationale de septembre 2021 « pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l'identité de genre en milieu scolaire », dite « Blanquer »64(*), a entendu faciliter la transition sociale des élèves à l'école. Constatant que l'école est confrontée à des mineurs qui se questionnent sur leur identité de genre, elle invite les établissements scolaires à « garantir les conditions d'une transition revendiquée - c'est-à-dire la possibilité d'être et de demeurer identifié et visible comme une personne transgenre - ou d'une transition confidentielle », par le respect de trois principes : écouter, accompagner, protéger.

Les principales recommandations de la circulaire de 2021

1. En matière d'écoute, la circulaire recommande :

- une écoute active et bienveillante des interrogations et des besoins exprimés par l'élève ;

- le respect d'un principe de confidentialité, lorsque l'élève fait seul la démarche d'aborder la question de son identité de genre auprès d'un personnel de l'établissement ;

- lorsque l'élève le demande, la création des conditions d'un dialogue constructif, voire d'une médiation, avec les représentants légaux permettant de favoriser une meilleure prise en compte de la situation du mineur.

2. En matière d'accompagnement, il est demandé :

- lorsque la demande est faite avec l'accord des deux parents, de veiller à l'utilisation par l'ensemble de la communauté éducative et dans l'ensemble des documents d'organisation interne du prénom d'usage choisi ;

- de respecter les choix liés à l'habillement comme à l'apparence et de s'assurer que les règles de vie scolaire, en particulier celles relatives aux tenues vestimentaires, ne comportent pas de consignes différenciées selon le genre ;

- de rechercher avec l'élève et ses camarades des solutions adaptées en matière d'usage des espaces d'intimité (toilettes, vestiaires, dortoirs).

3. En matière de protection, enfin, constatant que les élèves transgenres sont particulièrement exposés aux risques de harcèlement et de cyberharcèlement, la circulaire appelle les établissements :

- à veiller aux manifestations de mal-être ou à toute évolution à la baisse des résultats scolaires, la mauvaise prise en compte de la transidentité pouvant provoquer phobie scolaire et décrochage ;

- à être attentifs à l'état de santé de ces jeunes et veiller à garantir, en interne, l'accès à des consultations assurées par des professionnels de l'enfance et de l'adolescence formés à ces problématiques.

La loi de 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne65(*) punit par ailleurs de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende :

- les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, d'une personne ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale66(*) ;

- pour un professionnel de santé, le fait de donner des consultations ou de prescrire des traitements en prétendant pouvoir modifier ou réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, d'une personne67(*).

Cette dernière infraction n'est pas constituée lorsque le professionnel de santé invite seulement à la réflexion et à la prudence, eu égard notamment à son jeune âge, la personne qui s'interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe.

· La transition administrative recouvre les modifications de prénom et/ou de la mention de sexe à l'état civil, pour les faire correspondre au genre auquel s'identifie la personne. Ces procédures ont été simplifiées ces dernières années.

La loi de 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a entendu simplifier, d'abord, la procédure de changement de prénom, en la confiant à l'officier d'état civil68(*). Désormais, toute personne peut demander à l'officier d'état civil de son lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé à changer de prénom. Le juge aux affaires familiales n'intervient plus que dans les cas où le procureur, saisi par l'officier d'état civil d'une demande ne revêtant pas, selon lui, un intérêt légitime, s'oppose au changement de prénom.

Lorsque l'intéressé est un mineur, la demande doit être remise à l'officier d'état civil par son représentant légal. Lorsque le mineur est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis69(*).

Revenant sur une jurisprudence établie par la Cour de cassation70(*), la loi de 2016 a également créé dans le code civil une section dédiée au changement de sexe et démédicalisant ce dernier.

Désormais, toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que son sexe à l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir modification. La loi mentionne, parmi les principaux faits dont la preuve peut être rapportée par tous moyens :

- le fait de se présenter publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;

- le fait d'être connu sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ;

- le fait d'avoir obtenu un changement de prénom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué71(*).

Si la demande doit toujours être présentée devant le tribunal judiciaire, le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut plus, en revanche, motiver le refus d'y faire droit72(*).

B. La mise en place de traitements hormonaux ou chirurgicaux et l'interdiction portée par la proposition de loi

1. Conditions de prescription de bloqueurs de puberté et d'hormones croisées et de réalisation d'actes de réassignation

La prise en charge médicale des mineurs présentant une dysphorie de genre est susceptible de donner lieu à la prescription de bloqueurs de puberté, visant à ralentir la progression pubertaire, ou d'hormones croisées permettant de développer les caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) attachés au genre auquel le mineur s'identifie.

a) Les bloqueurs de puberté

Les bloqueurs de puberté visent à ralentir voire suspendre le développement, durant la puberté, des caractères sexuels secondaires du genre auquel le mineur ne s'identifie pas.

· Ils sont généralement prescrits en début de puberté, à partir du stade dit « Tanner 2 »73(*) correspondant à l'apparition des premières manifestations pubertaires. Plusieurs objectifs sont affichés :

améliorer le fonctionnement global et l'état psychologique du patient en réduisant la souffrance et l'anxiété dues à l'incongruence de genre et pouvant être aggravées par le développement pubertaire ;

- réduire les co-occurrences psychiatriques, y compris suicidaires, et améliorer l'insertion scolaire avec une diminution du risque de décrochage ;

- se donner du temps pour apprécier la situation avant d'envisager un traitement hormonal de transition qui sera seulement partiellement réversible ou de laisser la puberté reprendre son cours physiologique74(*).

Dans une publication récente, le service spécialisé de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière indique que, sur 239 jeunes reçus entre juin 2012 et mars 2022, 26 ont bénéficié d'un blocage de puberté, soit 11 % de l'échantillon. L'âge moyen de première prescription est de 13,87 ans, le plus jeune ayant 10 ans et le plus âgé, 17 ans et demi. Le délai moyen entre la première consultation et la mise en place du traitement est de 10 mois75(*).

Les bloqueurs de puberté disposent d'une AMM dans d'autres indications mais sont, dans le cas de la prise en charge de la dysphorie de genre, prescrits hors AMM.

· Les effets des bloqueurs de puberté apparaissent, par ailleurs, largement réversibles.

Interrogée par le rapporteur, la Société française d'endocrinologie et diabétologie pédiatrique (SFEDP) a indiqué que ce traitement, très efficace dans l'arrêt de la progression pubertaire, est utilisé depuis 40 ans dans les situations de puberté précoce et administré pour une durée moyenne de 3-4 ans, pouvant aller jusqu'à 9-10 ans. Selon elle, les effets secondaires sont faibles et le traitement réversible :

- à court terme, des bouffées de chaleur, des céphalées, une fatigue sont rapportées, qui se réduisent après quelques mois de traitement ; un ralentissement de la vitesse de croissance et de la minéralisation osseuse sont par ailleurs observées, qui demeurent toutefois réversibles à l'arrêt du traitement ;

- à long terme, aucun effet secondaire n'a été identifié, notamment en matière de fertilité ou de risque de fracture osseuse à l'âge adulte76(*).

· Toutefois, l'opportunité de prescrire des bloqueurs de puberté aux patients mineurs dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre demeure discutée.

Le rapport Jutant-Picard de 2022 relève que les bloqueurs de puberté ne sont « pas anodins : il s'agit de vivre une adolescence sans les évolutions physiologiques, psychiques qui vont avec la puberté... »77(*).

Plusieurs questions médicales et éthiques semblent, par ailleurs, demeurer ouvertes :

- la prescription de bloqueurs aux jeunes nés de sexe masculin peut rendre plus délicate une vaginoplastie ultérieure en empêchant le développement du pénis, la vaginoplastie étant habituellement réalisée par inversion pelvienne ;

- l'utilisation de bloqueurs en amont d'un traitement hormonal peut avoir pour conséquence une perte de chance en termes de fertilité future, les bloqueurs maintenant les gamètes à un stade immature78(*).

Enfin, le niveau de preuve scientifique à l'appui de ces prescriptions apparaît contesté.

Un rapport britannique récent, commandé par le National Health Service, fait état, après revue systématique de la littérature, de la faible qualité des études existantes sur l'efficacité des bloqueurs de puberté pour améliorer le bien-être des jeunes présentant une dysphorie de genre79(*). En conséquence, il recommande de limiter ces prescriptions à un protocole de recherche clinique80(*).

En Suède, le Conseil national de la santé et du bien-être (National board of health and welfare) a observé, en 2022, que le niveau de preuve scientifique demeure insuffisant pour évaluer les effets des bloqueurs de puberté sur la dysphorie de genre, la santé psychosociale et la qualité de vie des adolescents concernés. Estimant que les risques pourraient se révéler supérieurs aux bénéfices attendus, il recommande de réserver la prescription de bloqueurs à des situations exceptionnelles, marquées notamment par une dysphorie de genre ancienne et stable dans le temps81(*).

b) Les hormones masculinisantes ou féminisantes

· Divers traitements hormonaux sont prescrits dans le cadre d'un parcours de transition pour développer, chez le patient mineur, les caractères sexuels secondaires attachés au genre auquel il s'identifie. D'après le rapport de M. Simon Jutant et du Dr Hervé Picard, sont ainsi prescrits :

- dans le cadre de parcours féminisants, des oestrogènes pour féminiser l'apparence physique (pousse de la poitrine, répartition des graisses corporelles, etc.) ; des anti-androgènes pour empêcher la sécrétion ou l'action des hormones masculines ; de la progestérone en anti-androgène ou pour compléter l'action des oestrogènes ;

- dans le cadre de parcours masculinisants, de la testostérone.

Ces hormones peuvent être prescrits par tout médecin, quelle que soit sa spécialité, à l'exception de la testostérone, réservée aux spécialistes en endocrinologie, diabétologie, nutrition, urologie, gynécologue, médecine ou biologie de la reproduction et andrologie82(*).

· Le plus souvent, chez les patients mineurs, ces traitements sont prescrits à un stade plus avancé de la puberté et, le cas échéant, après administration de bloqueurs de puberté. D'après le rapport Picard-Jutant, ils seraient « le plus souvent prescrits autour de 15 ans, à l'âge d'entrée au lycée. »83(*)

Cette affirmation est corroborée par les données publiées par le service spécialisé de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Sur 239 jeunes reçus entre juin 2012 et mars 2022, 105 ont bénéficié d'un traitement hormonal féminisant ou masculinisant, soit 44 % d'entre eux. L'âge moyen de première prescription est de 16,87 ans, le plus jeune ayant 13 ans et le plus âgé, 20 ans. Le délai moyen entre la première consultation et le début du traitement est de 1,2 année84(*).

· Les conséquences de ces traitements apparaissent plus lourdes. D'abord, parmi les modifications physiques recherchées, certaines peuvent se révéler irréversibles ou difficilement réversibles.

À ce sujet, le rapport de 2009 de la HAS soulignait que :

- dans le cas des traitements par oestrogènes, le développement mammaire et l'atrophie testiculaire peuvent avoir du mal à régresser à l'arrêt du traitement ;

- dans le cas de traitements par testostérone, les modifications de la voix, la pilosité faciale, la calvitie et l'hypertrophie clitoridienne sont irréversibles85(*).

Par ailleurs, plusieurs publications font état d'effets possiblement importants sur la fertilité du patient. Le rapport Jutant-Picard soulignait, ainsi, « un impact sur la fertilité des personnes, avec des réalités différenciées selon la nature des traitements (masculinisants ou féminisants). » Il jugeait nécessaire de délivrer une information adaptée et complète au patient, complétée d'informations concernant la possibilité de préservation de gamètes, et regrettait que cette information soit « souvent absente »86(*).

· Plusieurs études soulignent, en outre, l'insuffisance du niveau de preuve scientifique au soutien de l'efficacité de ces traitements sur le bien-être et la santé psychique des mineurs pris en charge.

Le rapport britannique précité indique ainsi que peu d'études permettent de dresser des conclusions sur le rôle des hormones sur la santé mentale et la propension au suicide des patients mineurs, ainsi que sur leurs effets à long terme87(*).

De la même manière, le rapport Jutant-Picard relève que « L'équilibre bénéfices/risques de traitements à vie, en partie irréversibles et qui, dans le cas des traitements hormonaux, n'ont pas fait l'objet d'études au long cours sur des cohortes importantes, fait débat. » Il appelle toutefois à prendre en compte « les risques du non accès au traitement, en termes de mal-être des jeunes concernés, de ruptures scolaire et sociale, de recours à l'automédication... »88(*).

· Enfin, l'existence de cas de « retransition », ou « détransition », et de regrets chez certains patients est parfois mise en avant.

Dans leur article récent précité, les docteurs Condat et Cohen, exerçant au sein du service spécialisé de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, et la plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île-de-France indiquent que, selon les études, entre 0,2 % et 7 % des personnes qui ont commencé un traitement hormonal décident de l'arrêter, ne souhaitant pas poursuivre une transition de genre.

Des regrets ne seraient pas systématiquement exprimés par ces patients : « Certaines de ces personnes regrettent leur première transition, d'autres non, considérant que c'était une étape nécessaire dans leur développement. » 89(*)

c) La réalisation d'opérations chirurgicales de réassignation

· Plusieurs types d'opérations chirurgicales peuvent être envisagés dans le cadre de parcours médicaux de transition chez l'adulte.

Dans le cadre d'un parcours féminisant, les actes chirurgicaux de réassignation peuvent notamment comprendre :

- des interventions pelviennes : création d'un néo-vagin par vaginoplastie ;

- des interventions mammaires : augmentation mammaire par la pose d'implants ;

- d'autres interventions de féminisation du visage, du cou - telles que l'ablation de la pomme d'Adam - ou de la silhouette.

Dans le cadre d'un parcours masculinisant, les interventions comportent principalement :

- des interventions pelviennes : hystérectomie pour retirer l'utérus, phalloplastie ou métaiodioplastie pour construire des organes génitaux d'apparence masculine ;

- des interventions mammaires : mastectomies pour viriliser le torse90(*).

· La plupart de ces interventions sont lourdes, irréversibles ou difficilement réversibles.

Les chirurgies pelviennes sont largement reconnues comme irréversibles dans la littérature. S'agissant de la torsoplastie, elle ne constituerait pas une intervention lourde - il est indiqué qu'elle est relativement brève et ne nécessite qu'une nuit d'hospitalisation, puis le port d'un mantelet pendant trois semaines - mais le retrait irréversible des glandes mammaires rend, en revanche, définitive l'impossibilité d'allaiter un enfant91(*).

· Le nombre d'opérations réalisées, leur nature et l'âge des patients ne sont pas précisément connus en France, mais peuvent être estimés au moyen de données médico-administratives.

Les auteurs s'accordent à dire que, conformément aux recommandations internationales, la chirurgie pelvienne n'est pas pratiquée avant dix-huit ans en France. Si le nombre de séjours en MCO avec le code diagnostique F64 « transsexualisme » a augmenté ces dernières années, y compris pour les personnes mineures, aucun des quarante-huit séjours de patients âgés de 17 ans et moins recensés en 2020 n'a concerné, selon le rapport de Simon Jutant et du docteur Picard, une chirurgie pelvienne92(*).

Nombre de séjours hospitaliers en MCO avec le code diagnostique « transsexualisme », par année et classe d'âge

Source : commission des affaires sociales du Sénat, d'après les données ATIH citées par Hervé Picard & Simon Jutant (2022).

Les données publiées par le service spécialisé de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière vont dans le même sens. Sur les 239 jeunes reçus entre juin 2012 et mars 2022, seuls des majeurs ont bénéficié d'interventions pelviennes : cinq jeunes ont bénéficié d'une hystérectomie à un âge moyen de 18,8 ans, un jeune a bénéficié une métoïdioplastie à 20 ans et demi, une jeune fille transgenre, enfin, a bénéficié d'une vaginoplastie.

Les chirurgies mammaires apparaissent plus courantes : 30 jeunes, soit 20 % de l'échantillon, ont bénéficié d'une torsoplastie, à un âge moyen de 18,44 ans. Certains d'entre eux étaient mineurs : le plus jeune avait 16 ans93(*).

· S'agissant des conditions d'intervention, le rapport Jutant-Picard fait état :

- de délais importants : de deux à cinq ans pour une vaginoplastie, à Paris ou à Lyon ;

- de recours possibles, pour ce motif, à des interventions chirurgicales à l'étranger ;

- de problèmes de qualité mis en avant par les associations, qui peuvent être liés à un faible niveau d'activité dans certains établissements94(*).

Une méta-analyse établit, par ailleurs, à environ 1 % la part de regrets chirurgicaux pour 7 928 patients95(*).

2. Les articles 1er et 2 visent à interdire la prescription de ces traitements et la réalisation de ces opérations chez les mineurs

· L'article 1er de la proposition de loi vise à interdire la prescription de bloqueurs de puberté et traitements hormonaux aux personnes mineures, ainsi que la réalisation de chirurgies de réassignation. Il reprend, en cela, les recommandations du rapport du groupe Les Républicains du Sénat relatif à la transidentification des mineurs96(*).

Pour ce faire, il insère dans le livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, relatif aux actions de prévention concernant l'enfant, l'adolescent et le jeune adulte, un nouveau titre relatif à la prise en charge de la dysphorie de genre chez les personnes mineures.

Ce titre comprendrait un article L. 2137-1 qui interdit de prescrire à un patient âgé de moins de dix-huit ans des bloqueurs de puberté ou des traitements hormonaux tendant à développer les caractéristiques sexuelles secondaires du genre auquel le mineur s'identifie. Il interdit également les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle.

· L'article 2 vise à assortir ces interdictions de sanctions pénales à l'encontre des professionnels de santé qui les méconnaîtraient.

À cet effet, il rétablit dans une nouvelle rédaction l'article 511-14 au sein de la section 2 « De la protection du corps humain », du chapitre Ier « Des infractions en matière d'éthique biomédicale » du titre Ier « Des infractions en matière de santé publique » du code pénal.

Cet article prévoirait, désormais, que le fait de méconnaître les interdictions prévues à l'article L. 2137-1 du code de la santé public relatif à la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

En application des articles 511-27 et 511-28 du code pénal qui portent les dispositions communes applicables aux peines prévues au sein du chapitre Ier susmentionné, ces sanctions peuvent être assorties d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercice de l'activité professionnelle au cours de laquelle l'infraction a été commise, pour une durée maximale de 10 ans.

Selon la pratique du « code suiveur », l'article 2 insère également, dans un nouveau chapitre III bis relatif à la dysphorie de genre chez les mineurs du titre VI du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, un nouvel article L. 2163-9 reproduisant les mêmes dispositions.

II - La position de la commission : recentrer l'interdiction sur les seuls traitements irréversibles

La commission a observé que la prise en charge médicale des mineurs présentant une dysphorie de genre faisait l'objet de controverses importantes, reflétées lors des auditions.

· De nombreux professionnels de santé entendus exerçant, notamment, au sein des services spécialisés hospitaliers ont mis en avant le sérieux des prises en charge, fondées sur la collégialité et la pluridisciplinarité, et l'intérêt de ces traitements.

Les services spécialisés de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont, ainsi, souligné que ces traitements répondent aux besoins de certains mineurs, parfois vitaux, et leur apportent un vrai soulagement. Ils ont plaidé pour qu'ils puissent être prescrits après avoir fait l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire spécifique et d'une RCP, évaluation du rapport bénéfices / risques et prise en compte de l'autorité parentale97(*).

Certaines associations de proches de mineurs en transition, auditionnées, ont également souligné l'effet positif de ces traitements sur la santé mentale et le bien-être général de mineurs « en grande souffrance »98(*), ou mis en avant que les bloqueurs de puberté pouvaient « donner à des pré-ados, rencontrant des situations particulières, un temps supplémentaire de réflexion, diminué de l'angoisse, voire du désespoir découlant de l'apparition de signes corporels de puberté, et [accompagner] possiblement une transition sociale. »99(*)

· À l'inverse, d'autres personnes auditionnées ont mis en avant l'intérêt d'un encadrement législatif.

L'audition de la Fédération française de psychiatrie a permis de mesurer l'ampleur des dissensus demeurant dans la communauté médicale. Le docteur Catherine Zittoun, auditionnée, a ainsi mis en avant que les conditions actuelles de prise en charge et de prescription ne paraissent pas assez prudentes, l'évaluation d'une demande explorant insuffisamment l'ensemble des facteurs pouvant pousser un mineur à formuler une demande de transition : antécédents psychiatriques et familiaux, pression par les pairs et les réseaux sociaux, etc. Pour elle, une prescription limitée aux adultes laisserait le temps à la réflexion et à l'élaboration100(*).

D'autres associations auditionnées soulignent que l'encadrement pourrait viser à empêcher la prescription aux mineurs de traitements irréversibles101(*).

· La commission a relevé, au surplus, que l'opportunité de ces prescriptions et les effets de ces traitements demeuraient discutés à l'échelle internationale.

Elle a constaté, notamment, que la faiblesse des preuves scientifiques à l'appui de leur efficacité, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs, avait conduit récemment :

- un rapport britannique, commandé par le NHS, à recommander de prescrire, désormais, les bloqueurs de puberté et les hormones masculinisantes ou féminisantes dans le cadre d'un programme de recherche clinique, destiné à améliorer le niveau de connaissance scientifique dans ce domaine, y compris sur l'effet à long terme des traitements102(*) ;

- le Conseil national de la santé et du bien-être suédois à revoir ses recommandations en matière de prescription de traitements hormonaux, dans le sens d'un plus grand encadrement des prescriptions chez les mineurs, destinées à devenir « exceptionnelles »103(*).

Enfin, la commission a constaté que des cas de retransition ou de regrets étaient désormais documentés, incitant à la prudence dans la prescription de traitements irréversibles ou difficilement réversibles.

· Pour l'ensemble de ces raisons, et dans la mesure où les travaux de la HAS relatifs aux mineurs de moins de seize ans ne devraient démarrer que l'année prochaine, la commission a jugé souhaitable un encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les moins de dix-huit ans.

À l'initiative de son rapporteur, elle a toutefois souhaité traiter différemment :

- les bloqueurs de puberté, d'une part, dont les effets sont largement présentés comme réversibles dans la littérature scientifique ; 

- les traitements hormonaux féminisants ou masculinisants, d'autre part, comportant plusieurs effets irréversibles ou difficilement réversibles, y compris sur la fertilité, susceptibles de rendre définitives des décisions prises à l'adolescence.

La commission a également entendu promouvoir la prise en charge pluridisciplinaire des mineurs présentant une dysphorie de genre, portée par les services spécialisés hospitaliers et fondée sur l'organisation régulière de RCP.

À cet effet, la commission a adopté un amendement COM-2 de son rapporteur apportant plusieurs modifications substantielles à l'article 1er.

L'amendement maintient, d'abord, l'interdiction de prescription aux patients de moins de dix-huit ans de traitements hormonaux destinés à développer les caractéristiques secondaires du genre auquel le patient mineur s'identifie. Il supprime, en revanche, cette interdiction pour la prescription de bloqueurs de puberté, tout en l'encadrant.

L'amendement insère, ainsi, un nouvel article L. 2137-2 dans le nouveau titre du code de la santé publique créé par la proposition de loi, pour confier le diagnostic et la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre à des centres de référence spécialisés, dont la liste serait fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Ces centres seraient appelés à contribuer à la recherche clinique en la matière, dans des conditions définies par décret pris après avis de la HAS.

L'amendement insère, en outre, un nouvel article L. 2137-3 dans le même titre, qui encadre la prescription initiale de bloqueurs de puberté aux patients mineurs en :

- réservant celle-ci aux médecins qui exercent dans l'un des centres de référence listés par arrêté ;

- prévoyant que la prescription ne peut être établie qu'après RCP et évaluation par l'équipe médicale de l'absence de contre-indication et de la capacité de discernement du mineur ;

- fixant à deux ans le délai minimal séparant la prescription de la première consultation du patient dans un centre de référence.

Le même article fixe, par ailleurs, la composition des RCP en prévoyant :

- la participation obligatoire d'au moins un médecin spécialiste en endocrinologie pédiatrique, d'un médecin spécialiste en pédiatrie et d'un médecin spécialiste en psychiatrie pédiatrique ;

- la participation facultative d'un psychologue, d'un assistant social et des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient ;

- la faculté, pour le patient et les titulaires de l'autorité parentale, d'y assister.

Enfin, l'amendement insère un nouveau paragraphe au sein de l'article 1er de la proposition de loi visant à prévoir que les traitements engagés avant sa promulgation ne seront pas interrompus par son entrée en vigueur. Cette disposition était préconisée, pour les bloqueurs de puberté, par le rapport du groupe Les Républicains du Sénat104(*).

· Le rapporteur a jugé indispensable de laisser ainsi le temps aux patients mineurs de réfléchir à l'opportunité d'un parcours de transition médicale comportant des traitements longs, lourds ou difficilement réversibles.

Il a insisté sur le fait qu'un tel encadrement ne devait empêcher ni un suivi psycho-social du mineur, souvent nécessaire compte tenu des souffrances ressenties, ni l'accompagnement du mineur dans un parcours de transition sociale et administrative, dans le respect du cadre légal et réglementaire en vigueur.

Le rapporteur souligne, en particulier, que l'encadrement de la prescription des traitements hormonaux sera sans incidence sur la faculté, pour un mineur, de demander avec l'accord de ses parents un changement de prénom et, pour un mineur émancipé ou un jeune majeur, de demander un changement de sexe à l'état civil. Aucune de ces procédures ne comporte plus, en effet, de condition tenant à l'existence d'une transition médicale105(*).

Il rappelle que la transition sociale précède, en outre, fréquemment la transition médicale106(*) et que diverses dispositions protègent les personnes contre toute discrimination fondée sur l'identité de genre107(*) et toute pratique visant à modifier ou réprimer l'identité de genre108(*).

Le rapporteur a également souligné être attaché au libre accès, pour les patients majeurs, aux traitements hormonaux et chirurgies de réassignation.

· À cet égard, la commission a adopté un amendement COM-3 du rapporteur visant à préciser l'interdiction de réaliser des opérations de réassignation portée par la présente proposition de loi.

L'amendement précise, d'une part, que cette interdiction ne s'applique qu'aux patients âgés de moins de dix-huit ans.

Il substitue, d'autre part, à la notion de réassignation sexuelle celle de réassignation de genre, pour inclure plus clairement dans le dispositif l'ensemble des actes chirurgicaux susceptibles d'être sollicités par un patient mineur dans le cadre d'un parcours de transition.

L'interdiction vise, ainsi, non pas seulement les opérations de chirurgie pelvienne, mais également les opérations de chirurgie mammaire (mastectomies, augmentations mammaires) et les autres actes chirurgicaux destinés à féminiser ou masculiniser le visage ou le corps du mineur dans l'objectif de les faire correspondre au genre auquel ce dernier s'identifie.

La plupart de ces actes chirurgicaux sont lourds et partiellement irréversibles. Les torsoplasties, par exemple, aujourd'hui réalisées sur des mineurs, sont susceptibles de faire perdre définitivement la faculté d'allaiter un enfant.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

À l'article 2, la commission a, d'une part, adopté un amendement COM-4 de son rapporteur visant à créer dans le code pénal une section spécifique relative aux sanctions applicables dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs.

Elle a, d'autre part, adopté un amendement COM-5 visant à tenir compte des modifications apportées à l'article 1er en étendant les sanctions prévues aux cas dans lesquels un professionnel de santé ne respecterait pas les règles encadrant la prescription de bloqueurs de puberté.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3
Mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie

Cet article prévoit la mise en place d'une stratégie nationale de soutien à la pédopsychiatrie afin d'assurer un accompagnement psychique de qualité aux mineurs présentant une dysphorie de genre. Cette stratégie doit être mise en place dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi et révisée au moins tous les cinq ans. Par ailleurs, cet article présente également les objectifs assignés à ladite stratégie ainsi que l'organisation de sa déclinaison territoriale.

La commission a adopté cet article avec des modifications visant d'une part, à intégrer le réseau territorial de structures pédopsychiatriques au projet territorial de santé mentale et, d'autre part, à inclure dans la stratégie nationale des volets relatifs à la formation des professionnels et à la revalorisation des conditions d'exercice de la pédopsychiatrie,

I - Le dispositif proposé

A. La situation de la pédopsychiatrie en France

1. Une profession en crise d'attractivité

La pédopsychiatrie s'entend comme l'ensemble des dispositifs de prévention et de prise en charge sanitaire et sociale des enfants et adolescents présentant un trouble psychique caractérisé. Elle connait, depuis plusieurs années, une grave crise d'attractivité. En 2016, la mission d'information sénatoriale sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France indiquait que le nombre de pédopsychiatres avait été divisé par deux entre 2007 et 2016109(*). Selon des chiffres cités par la Cour des comptes dans son rapport de mars 2023110(*), le conseil national de l'ordre des médecins estimait que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022, passant ainsi de 3 113 à 2 039 (activité libérale et salariée confondues).

Au 1er janvier 2024, selon les chiffres fournis par le Conseil national de l'ordre des médecins, le nombre de pédopsychiatres en France s'établit à 1 911.

Démographie médicale concernant la pédopsychiatrie
(selon la catégorie d'actifs)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les réponses écrites du Conseil national de l'ordre des médecins au questionnaire transmis par le rapporteur

Ces chiffres intègrent à la fois les psychiatres identifiés comme spécialistes de l'enfant et de l'adolescent mais également ceux ayant déclaré un savoir-faire en psychiatrie infanto-juvénile. En effet, comme l'avait déjà constaté la mission d'information sénatoriale précitée, il est difficile de dénombrer exactement le nombre de pédopsychiatres en France dans la mesure où la pédopsychiatrie ne constitue pas une spécialité médicale distincte. Il est à noter que la qualification de spécialiste en psychiatrie autorise l'exercice professionnel auprès des sujets de tous âges.

Enfin, concernant la formation, jusqu'à la réforme de mars 2022111(*) portant modification de l'organisation du troisième cycle des études de médecines, la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent est reconnue par un diplôme d'études spécialisées complémentaires (DESC) de type I, non qualifiant. Ainsi en 2021, on recensait seulement 545 psychiatres spécialistes de l'enfant et de l'adolescent112(*).

2. Une demande toujours plus forte pour une population fragilisée par la crise du covid-19

En juin 2023, les premiers résultats de la première étude nationale sur le bien-être des enfants (Enabee) conduite par Santé publique France indiquaient que 13 % des enfants en élémentaire présentent un trouble probable de santé mentale (trouble émotionnel probable, trouble oppositionnel probable ou trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité probable).

Une autre étude menée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) sur les difficultés psychosociales des enfants et des adolescents entre mars 2020 et juillet 2021 réalisée afin de mesure notamment l'impact de la crise du covid-19 sur la santé mentale des jeunes montrait que, parmi les 12 millions des 3-17 ans, 10 % des garçons et 7 % des filles présentaient des difficultés psychosociales.

Ces premiers chiffres, qui visent à fournir des indicateurs jusqu'ici manquants ou parcellaires sur la santé mentale et le bien-être des enfants et des adolescents en France, confirment toutefois que le taux de prévalence d'un trouble de santé mentale est du même ordre de grandeur que ceux observés dans d'autres pays en Europe. Toutefois, l'effet de la pandémie de covid-19 sur la santé mentale des jeunes n'est pas encore totalement analysé et évalué mais tous les travaux sur le sujet rapportent une forte augmentation des symptômes anxieux et dépressifs et de détresses psychologiques.

Au total, en 2023, la Cour des comptes estimait que les besoins de prise en charge spécialisée pour troubles psychiques concerneraient en France environ 600 000 à 800 000 enfants et adolescents de moins de 18 ans. 190 000 d'entre eux seraient concernés les troubles les plus graves identifiés par des hospitalisations ou de prises en charge dans le cadre d'affections de longue durée (ALD). Plusieurs études estiment que 35 % des pathologies psychiatriques adultes débuteraient avant 14 ans et 48 % avant 18 ans113(*). La santé mentale des enfants est donc un déterminant central de la santé mentale des adultes et constitue un véritable enjeu de santé publique.

3. L'organisation de la prise en charge des mineurs en France

La prise en charge en pédopsychiatrie est organisée en France autour de trois structures : les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et des centres médico-psychologiques de psychiatrie infanto-juvénile (CMP-IJ). L'IGAS estimait en 2018 que 700 000 enfants et adolescents se trouvaient dans la file active de ces structures pour un coût total de 1,1 milliard d'euros pour l'Assurance maladie114(*).

Si les CAMSP, qui prennent en charge les enfants de la naissance à 6 ans, et les CMPP, qui prennent en charge des enfants présentant des difficultés scolaires, de comportement ou de langage jusqu'à 20 ans, relèvent du secteur médico-social, les CMP-IJ sont quant à eux partie intégrante de la prise en charge psychiatrique. Ils constituent le principal lieu de prise en charge en pédopsychiatrie, notamment depuis le renforcement de la politique ambulatoire qui vise à supprimer des lits d'hospitalisation115(*) au profit d'une prise en charge par la psychiatrie de secteur.

Les CMP-IJ sont, au sein de l'hôpital, des « unités de coordination et d'accueil en milieu ouvert qui organisent des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile mises à la disposition de la population »116(*). Ces structures assurent une prise en charge pluridisciplinaire (pédopsychiatre, psychologue, infirmier, éducateur spécialisé, orthophoniste, psychomotricien, assistant de service social...), en réseau avec l'ensemble des acteurs sur le territoire (école, PMI, Maison de l'enfant et des adolescents...). En 2019, leur nombre était estimé à 1 336 en 2019, dont 82 % étaient ouvertes au moins cinq jours par semaine117(*) . En revanche, leur répartition territoriale restait très inégalitaire. Avec une moyenne de 10 CMP-IJ par département, les CMP-IJ sont largement concentrés en milieu urbain et dense (56 CMP-IJ dans le Rhône, entre 34-37 par département en région parisienne et seulement 3 en Haute-Loire ou dans le Cher)118(*).

Ces structures sont aujourd'hui saturées. Le nombre d'enfants pris en charge en CMPEA (centre médico-psychologique de l'enfant et de l'adolescent), après avoir augmenté de 17 % entre 1997 et 2016, continue à progresser de plus de 1 % par an. La Cour des comptes indiquait dans son rapport précité que le délai d'attente pour commencer une prise en charge s'établit à plus de deux mois en Nouvelle-Aquitaine, quatre mois en Rhône-Alpes et huit mois en Seine-Saint-Denis.

4. Les dispositifs déjà mis en place pour lutter contre les déserts pédopsychiatriques

Plusieurs dispositifs visant à améliorer la pédopsychiatrie en France ont été mise en place ces dernières années et notamment depuis la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » de juin 2018.

Dans le cadre du programme des « 1 000 premiers jours », une approche spécifique sur la prévention des troubles psychiques des parents et du nourrisson a été développée lors du suivi de la grossesse et des premiers mois de vie.

L'article 33 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, issue de la mesure n° 13 des Assises de la santé mentale, a permis le lancement d'une expérimentation, dans les départements volontaires, de maisons de l'enfant et de la famille visant à améliorer la prise en charge des enfants et des jeunes et à assurer une meilleure coordination des professionnels de santé notamment entre la ville et l'hôpital pour améliorer la gradation des prises en charge. Cette expérimentation est conduite sur une période de trois ans et cinq mois à compter du 1er juin 2023 dans quatre régions : en Nouvelle-Aquitaine, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Corse et en Normandie, au sein de structures déjà existantes.

Le décret n° 2022-1263 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions d'implantation de l'activité de psychiatrie vient quant à lui établir une distinction claire entre la prise en charge des mineurs et des majeurs. La dénomination « psychiatrie de l'adulte » vient se substituer à celle de « psychiatrie générale » et la dénomination « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent » vient se substituer à celle de « psychiatrie infanto-juvénile » avec la précision d'une prise en charge des personnes jusque 18 ans.

Plus récemment, dans le cadre des négociations conventionnelles, une majoration spécifique de 3 euros a été créée pour les consultations de psychiatres à destination de patients de moins de 16 ans et un objectif de recrutement complémentaire de 400 ETP sur trois ans pour les CMPEA a été engagé. Toutefois ces mesures n'ont pas été estimées suffisantes par la plupart des acteurs entendus par le rapporteur au cours des auditions.

Globalement, un cadre législatif dédié à la pédopsychiatrie semble faire défaut en France. Les dispositions applicables aujourd'hui à la pédopsychiatrie sont les même que celles de la psychiatrie générale, prévues par la loi du 26 janvier 2016. Les dispositions relevant spécifiquement de la pédopsychiatrie sont très rares. Seuls deux articles du code de la santé publique mentionnent spécifiquement les soins psychiques infanto-juvéniles119(*) et aucun ne développe une vision complète de l'organisation de l'offre de soin sur le territoire ni n'énonce des objectifs clairs de santé publique en la matière.

B. La mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie en France

Le présent article prévoit la mise en place, sous la responsabilité du ministre chargé de la santé, d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie. Sur le modèle des stratégies nationales et régionales pour la biodiversité mentionnée à l'article L. 110-3 du code de l'environnement ou de la stratégie nationale pour la santé inscrite à l'article L. 1411-1-1 du code de la santé publique, cet article fixe les objectifs assignés à ladite stratégie et les modalités du suivi de sa mise en place.

La présente stratégie nationale pour la pédopsychiatrie doit être mise en place dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi et révisée au moins tous les cinq ans.

Cet article fixe également l'organisation de sa déclinaison territoriale en un réseau territorial de pédopsychiatrie présent sur le territoire « de manière à garantir à chaque enfant ou adolescent en souffrance psychique d'être soigné au sein de son lieu de vie ou de son lieu de soin ». Ce réseau territorial de pédopsychiatrie pourrait s'intégrer dans le projet territorial de santé mentale (PTSM) mentionné à l'article L. 3221-2 du code de la santé publique qui vise à élaborer et mettre en oeuvre des projets partagés en réponse aux enjeux de santé mentale identifiés sur les territoires afin d'améliorer concrètement les parcours de santé des personnes concernées.

II - La position de la commission

La classification internationale des maladies (CIM) dans sa dernière mise à jour adoptée en 2019, classe l'incongruence de genre parmi les affections liées à la santé sexuelle et l'exclut, ainsi, des troubles mentaux. En France, depuis février 2010120(*), la prise en charge à 100 % des soins au titre des « troubles de l'identité de genre » ne relève plus de l'ALD 23 (classée dans les affections psychiatriques de longue durée) mais de l'ALD 31 (hors liste). Toutefois, comme évoqué précédemment, aucune recommandation n'est venue depuis actualiser le cadre de prise en charge fixé en 2009 par la HAS121(*).

La révision de la place « de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale » fait d'ailleurs partie des objectifs inscrits dans la saisine de la HAS par le Gouvernement en avril 2021 concernant le parcours de soin des personnes transgenres.

Dans ce contexte, la présence de cet article dans la proposition de loi a pu susciter des interrogations. Dans son avis du 6 mai 2024, la Défenseure des droits estime que si « l'objectif de permettre à tout enfant de bénéficier d'un accès aux soins psychiatriques [...] est à saluer. [...], la présence de cette proposition dans un texte restreint à la transidentité interroge »122(*). C'est pourquoi, la commission a souhaité rappeler que cet article ne vise à « repsychiatriser » la dysphorie de genre, à établir une autorisation psychiatrique préalable à sa prise en charge, ni à mettre en place des « thérapies de conversion » dissimulées et par ailleurs interdites depuis l'adoption de la loi n° 2022-92 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

Toutefois, la commission a souhaité maintenir cet article pour deux raisons.

· Premièrement, elle souscrit pleinement à l'objectif de l'auteure de la proposition de loi de faire de la pédopsychiatrie une priorité de santé publique et de permettre à tout enfant de bénéficier d'un accès aux soins psychiatriques. S'inscrivant ainsi dans la continuité des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales « Après le choc de la crise sanitaire, réinvestir la santé mentale », publié en décembre 2021123(*), et de la proposition de résolution présentée par Mme Nathalie Delattre et adoptée à l'unanimité par le Sénat en janvier 2024124(*), la commission a estimé indispensable au regard de la situation critique de la pédopsychiatrie en France de passer à l'étape suivante et d'amener le Gouvernement à mettre en place une grande stratégie nationale en faveur de la santé mentale des jeunes.

Par ailleurs, la mission d'information sénatoriale sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France125(*), que le rapporteur avait présidée, alertait déjà en 2017 sur le manque de lisibilité des politiques de santé publique en la matière. Ce constat a été récemment repris par la Cour des comptes dans son rapport de 2023 précité et reste toujours d'actualité aujourd'hui. Dans ce rapport, la Cour souligne le fait que, malgré la mise en oeuvre de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » qui a permis, depuis juin 2018, une mobilisation en faveur de la pédopsychiatrie, les politiques publiques en faveur de la pédopsychiatrie se traduisent encore par un « empilement de plans peu lisible » et une gouvernance toujours « peu efficiente ». Dès lors, il a semblé essentiel à la commission de mettre en place une rationalisation des actions en la matière plutôt que de multiplier les annonces sectorielles.

C'est pourquoi, la commission a souhaité conserver dans la loi la mise en oeuvre d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie afin de donner un objectif et un cadre clair au Gouvernement dans la mise en oeuvre de cette stratégie qui vise à rassembler tous les acteurs.

La commission estime, ainsi, que cet article apporte une première réponse au manque d'encadrement législatif de la pédopsychiatrie en France.

· Deuxièmement, et plus spécifiquement concernant les enfants concernés par la dysphorie de genre, il a paru important à la commission de rappeler le rôle essentiel de l'accompagnement psycho-social dont peuvent avoir besoin les enfants et leurs proches pendant un parcours de transition.

La santé mentale des mineurs transgenres ou en questionnement de genre est un enjeu essentiel. En effet, comme a pu l'entendre le rapporteur lors des auditions du docteur Jean Chambry, président de la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et disciplines associées, ou encore du professeur David Cohen, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, les mineurs concernés par la dysphorie de genre présentent davantage de trouble du neurodéveloppement qui doivent être diagnostiqués et pris en charge. Il s'agit d'une population particulièrement vulnérable dans le champ de la santé mentale.

Dans un article de la revue « Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence » publié en 2022, les professeurs Condat et Cohen expliquent que « des troubles psychiques en lien avec l'identité de genre trans et son vécu peuvent conduire à un état dépressif, et inversement un état dépressif peut conduire à des interrogations plus générales sur l'identité »126(*). Par ailleurs, la transidentité est associée à un risque accru de stigmatisation et de discrimination, à l'origine de troubles anxieux voire dépressifs qui doivent également faire l'objet d'un accompagnement et d'une prise en charge. Sur les 239 jeunes reçus à la consultation spécialisée de la Pitié-Salpêtrière en identité de genre enfants et adolescents en Île-de-France entre 2012 et 2022, 28 % présentaient des antécédents d'hospitalisation psychiatrique et 38 % rapportaient avoir été victimes de harcèlement avant la prise en charge127(*).

La « dépsychiatrisation » de la dysphorie de genre ne signifie pas, pour reprendre la formule des auteurs du rapport relatif à la santé et au parcours de soin des personnes trans128(*) remis en janvier 2022 à Olivier Véran, alors ministre des affaires sociales et de la santé, une « a-psychiatrisation » du parcours de soin et de l'accompagnement. Dès lors, le développement sur l'ensemble du territoire de structures spécialisées et coordonnées dans le cadre d'une stratégie nationale permettra d'améliorer également le suivi et l'accompagnement de l'enfant et des parents. Les mineurs doivent pouvoir recevoir un accompagnement global psychologique et psychiatrique afin d'évaluer leur développement, leur discernement, leur compréhension des conséquences des décisions et leurs besoins pour établir un parcours de soins personnalisé incluant le dépistage de co-occurrences psychiatriques.

Enfin, au cours des auditions menées par le rapporteur, de nombreux acteurs ont pu alerter sur l'importance de la formation des professionnels de santé sur les questions particulières d'accompagnement des mineurs en questionnement de genre ou transgenres et, plus généralement, sur les problématiques de santé mentale propres aux mineurs. Cet enjeu de formation est particulièrement prégnant dans le cadre du « premier niveau » de prise en charge qui reste bien souvent assuré par les médecins généralistes et les centres de santé de proximité. Les représentant de l'AP-HP ont pu d'ailleurs, dans leur réponse au questionnaire transmis par le rapporteur, évoquer les conditions d'exercice de la pédopsychiatrie en France et proposer plusieurs mesures destinées à renforcer l'attractivité de cette spécialisation. Parmi celles-ci figurent l'augmentation du nombre de professeurs des universités et praticiens hospitaliers en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ou encore une réflexion sur la mise en place d'un remboursement spécifique de l'acte de consultation en pédopsychiatrie.

C'est pourquoi la commission a souhaité intégrer au sein de la stratégie nationale un volet spécifique lié à la formation des professionnels de santé ainsi qu'aux conditions d'exercice du métier de pédopsychiatre.

· La commission a ainsi adopté, à l'initiative du rapporteur, deux amendements visant à préciser la structure du texte et deux amendements du rapporteur à l'article 3.

Tout d'abord, elle a souhaité marquer la distinction entre l'encadrement de la prise en charge de la dysphorie de genre et la mise en place d'une stratégie nationale pour a pédopsychiatrie. Les amendements COM-1 et COM-6 visent ainsi à créer, au sein de la proposition de loi, un chapitre Ier intitulé « Prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs » et un chapitre II intitulé « Mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie ».

Ensuite, elle a inscrit, par l'adoption de l'amendement COM-7, dans les objectifs de la stratégie nationale de pédopsychiatrie un volet lié à la formation des professionnels de santé aux enjeux de santé mentale des enfants et adolescents et un volet relatif à l'amélioration des conditions d'exercices de la pédopsychiatrie en France.

Enfin, elle a souhaité que le réseau de structures pédopsychiatriques soit développé dans le cadre des projets territoriaux de santé mentale déjà prévus par la loi afin d'améliorer la cohérence d'ensemble du système de soins en santé mentale sur l'ensemble du territoire (amendement COM-8).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 (nouveau)
Clause de révision

Cet article propose de fixer à cinq ans le délai dans lequel la présente loi devrait faire l'objet d'un nouvel examen.

La commission a adopté cet article additionnel.

Le présent article, inséré en commission des affaires sociales par un amendement COM-9 du rapporteur, prévoit, sur le modèle des « clauses de revoyure » inscrites dans les lois de bioéthique, un réexamen de la présente loi dans un délai de maximal de cinq ans à compter de sa promulgation.

Il entend permettre au législateur de vérifier, ainsi, que le cadre législatif prévu demeure pertinent compte tenu de l'avancée des connaissances scientifiques, notamment en matière de neuroscience, de diagnostic ou de prise en charge.

La commission a favorablement accueilli ces dispositions.

· Elle a observé, d'abord, que les connaissances scientifiques relatives aux effets des traitements prescrits et opérations chirurgicales de réassignation réalisées dans le cadre de la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre demeuraient, d'après plusieurs publications récentes, lacunaires.

Le rapport commandé par le NHS au Royaume-Uni et coordonné par le Dr Hilary Cass souligne, ainsi, après revue systématique de la littérature, la faible qualité des études existantes et le manque de données disponibles sur l'efficacité des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux sur la santé mentale des mineurs et leur bien-être à long terme. Il recommande que les prescriptions soient désormais réalisées dans le cadre d'un programme de recherche clinique, qui pourrait contribuer à compléter les connaissances scientifiques129(*).

· La commission a, par ailleurs, relevé que la Haute Autorité de santé travaille actuellement à une actualisation des recommandations de bonnes pratiques en matière de prise en charge des personnes transgenres. Ces recommandations, pour la population âgée de plus de seize ans, pourraient être publiées à la fin de l'année 2024 ou au début de l'année 2025. La HAS a, par ailleurs, indiqué souhaiter aborder les questions relatives à la population âgée de moins de seize ans « dans un deuxième temps »130(*).

Afin que le législateur puisse tenir compte de ces nouvelles publications et adapter, le cas échéant, le cadre légal de la prise en charge de la dysphorie de genre à l'avancée des connaissances scientifiques, la commission a jugé souhaitable l'adoption de cet amendement.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 mai 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de M. Alain Milon rapporteur, sur la proposition de loi (n° 435, 2023-2024) visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre.

M. Philippe Mouiller, président. - L'ordre du jour appelle maintenant l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, déposée par Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues. Ce texte sera examiné en séance, mardi 28 mai.

M. Alain Milon, rapporteur. - Cette proposition de loi, vous le savez, a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Elle comporte deux volets que nous devrons, il me semble, mieux distinguer : l'encadrement de la prise en charge médicale des mineurs présentant une dysphorie de genre, d'une part, l'amélioration de la situation délétère de la pédopsychiatrie dans notre pays, d'autre part.

Commençons par la prise en charge des mineurs, puisque ce sujet a concentré l'essentiel des débats. Qu'est-ce que la dysphorie de genre et pourquoi le législateur pourrait-il juger nécessaire d'en encadrer la prise en charge ?

Les définitions internationales de la dysphorie de genre ont évolué ces dernières années, dans le sens d'une progressive « dépsychiatrisation ». La onzième révision de la Classification internationale des maladies (CIM), publiée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a exclu l'incongruence de genre des troubles mentaux, de la personnalité et du comportement pour l'intégrer aux affections liées à la santé sexuelle. Elle la définit comme « une incongruité marquée et persistante entre le genre auquel une personne s'identifie et le sexe qui lui a été assigné » à la naissance. Lorsque cette incongruence de genre induit souffrance et détresse, une dysphorie de genre peut être diagnostiquée.

Il est difficile d'estimer la prévalence de la dysphorie de genre en France. Toutefois, des données médico-administratives existent et laissent apparaître une forte croissance du nombre de personnes prises en charge ces dernières années : entre 2013 et 2020, le nombre de personnes en affection de longue durée (ALD) pour « transidentité » a été multiplié par dix pour approcher, désormais, 9 000. Dans la même période, le nombre de séjours hospitaliers codés « transsexualisme » a été multiplié par plus de trois.

S'agissant des mineurs, toutes les données disponibles semblent indiquer que leur part demeure très minoritaire parmi les patients pris en charge - environ 3 % d'entre eux auraient moins de 18 ans. Toutefois, le nombre de mineurs concernés et la part qu'ils occupent dans leur classe d'âge progressent rapidement : 8 mineurs bénéficiaient de l'ALD en 2013, contre 294 en 2020.

Ces mineurs sont principalement suivis au sein de services hospitaliers spécialisés. La prise en charge y est collégiale, et fondée sur l'organisation régulière de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) réunissant des spécialistes du développement de l'enfant sur les plans psycho-affectif - pédopsychiatres ou psychologues - et somatique - pédiatres ou endocrinologues. Les RCP sont sollicitées avant toute décision thérapeutique importante.

Les mineurs peuvent également être suivis en ville, au sein des maisons des adolescents, des plannings familiaux ou auprès des professionnels libéraux. D'après plusieurs personnes que j'ai auditionnées, la prise en charge n'y est, toutefois, pas entourée des mêmes garanties.

S'agissant du contenu, quatre modalités de prise en charge pourraient schématiquement être distinguées : un soutien psychosocial afin de réduire les risques de souffrance, d'isolement et de décrochage scolaire ; des bloqueurs de puberté, prescrits à compter des premières manifestations pubertaires pour suspendre le développement des caractères sexuels secondaires, comme la poitrine, la voix ou la pilosité, qui peuvent accentuer les souffrances ressenties ; des traitements hormonaux, ou « hormones croisées », permettant de développer les caractères sexuels secondaires du genre auquel le mineur s'identifie ; enfin, les actes chirurgicaux de réassignation. Les opérations pelviennes ne sont pas pratiquées avant l'âge de 18 ans, mais des opérations mammaires et diverses opérations destinées à la féminisation ou la masculinisation du visage ou du corps peuvent l'être.

Il me faut préciser encore que la prise en charge médicale ne constitue qu'un élément, d'ailleurs facultatif, du parcours de transition que peuvent entreprendre les mineurs présentant une dysphorie de genre. Sont habituellement distinguées de la transition médicale les transitions sociale et administrative.

La première consiste, pour le mineur, à vivre au sein de son environnement familial, amical, affectif ou scolaire dans un genre différent de son genre de naissance. Elle est protégée par la loi pénale, qui punit toute discrimination fondée sur l'identité de genre et toute pratique visant à modifier ou réprimer cette dernière.

La transition administrative désigne les modifications de prénom ou de sexe à l'état civil, pour les faire correspondre au genre auquel la personne s'identifie. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a simplifié ces démarches. Depuis lors, toute personne majeure ou mineure émancipée peut démontrer par une réunion de faits que son sexe à l'état civil doit être changé, sans que l'absence de traitement médical de réassignation puisse lui être opposée.

Venons-en, maintenant, à l'épineuse question de l'encadrement. Le texte qui nous est soumis entend, dans son article 1er, interdire l'ensemble des traitements prescrits - bloqueurs de puberté, hormones croisées - et l'ensemble des interventions chirurgicales pratiquées dans le cadre des parcours de transition médicale des mineurs. L'article 2 assortit ces interdictions de sanctions pénales à l'encontre des praticiens qui les méconnaîtraient.

Il ne va pas de soi que le législateur doit intervenir ainsi dans la pratique médicale : il me semble qu'il ne peut le faire que guidé par d'impérieux motifs éthiques ou de santé publique. Or, dans le cas d'espèce, plusieurs éléments tendent à justifier cette intervention.

D'abord, plusieurs études internationales récentes remettent en cause la solidité des preuves scientifiques présentées à l'appui des traitements prescrits. La revue indépendante coordonnée par le Dr. Hilary Cass, au Royaume-Uni, souligne ainsi la faible qualité des études existantes sur l'efficacité des bloqueurs de puberté et des traitements par hormones croisées pour améliorer le bien-être et la santé psychique des jeunes présentant une dysphorie de genre, ainsi que sur les effets à long terme de ces médicaments. En Suède, le Conseil national de la santé et du bien-être a recommandé, pour les mêmes raisons, de réserver la prescription de tels traitements, chez les mineurs, à des situations exceptionnelles, marquées notamment par une dysphorie de genre ancienne et stable dans le temps.

En outre, il faut souligner le caractère irréversible de certains traitements. Si les bloqueurs de puberté permettent de ralentir le processus pubertaire et sont largement reconnus comme réversibles, les hormones croisées sont susceptibles, elles, d'entraîner des effets définitifs. Dans le cas de traitements par testostérone, ainsi, les modifications de la voix, de la pilosité faciale, l'apparition d'une calvitie et l'hypertrophie clitoridienne sont irréversibles. Par ailleurs, plusieurs publications font état d'effets importants, à terme, sur la fertilité du patient.

Enfin, il nous faut nous souvenir que nous parlons de mineurs, particulièrement fragiles dans la période de l'adolescence. La Fédération française de psychiatrie apparaît divisée sur la question, mais, pour l'une des deux pédopsychiatres que nous avons entendus, les demandes de réassignation peuvent être liées à un mal-être adolescent, à une histoire familiale ou des antécédents complexes qui justifient un examen psychologique approfondi avant toute prescription. L'Académie nationale de médecine elle-même a recommandé de prolonger, dans toute la mesure du possible, l'accompagnement psychologique des enfants et des adolescents se présentant en consultation et de ne prescrire des bloqueurs de puberté ou des traitements hormonaux qu'avec prudence.

Des cas de regrets et de « détransition » sont désormais documentés, et apparaissent particulièrement difficiles lorsque des traitements irréversibles ont été administrés. Leur existence incite à renforcer encore l'exigence de prudence dans la prescription.

Compte tenu de ces éléments, il me paraît nécessaire d'encadrer par la loi les modalités de prise en charge de ces jeunes. Celles-ci doivent concilier, à mon sens, deux impératifs. Il s'agit, d'une part, de soulager les souffrances des patients qui se présentent en consultation : c'est là une obligation déontologique des médecins, directement issue du serment d'Hippocrate, et, à vrai dire, du coeur même de leur utilité sociale. Il convient, d'autre part, de limiter autant que faire se peut le recours à des thérapies ou interventions irréversibles, sur des mineurs encore en développement et susceptibles de les regretter.

Les amendements que je vous présenterai, aux articles 1er et 2, viseront tous à ménager cet équilibre.

Je crois nécessaire, en particulier, de permettre la prescription de bloqueurs de puberté aux mineurs dans des services hospitaliers de référence assurant une prise en charge pluridisciplinaire des patients et dans des conditions permettant de s'assurer du consentement éclairé de ces derniers. S'ils ne sont pas dépourvus d'effets secondaires, ces traitements visent toutefois à améliorer l'état psychologique des patients en réduisant la souffrance et l'anxiété dues à la dysphorie et aggravées par le développement pubertaire. Largement reconnus comme réversibles, ils visent aussi à donner au mineur du temps pour apprécier la situation et réfléchir à ses besoins, avant d'envisager une éventuelle poursuite de son parcours de transition par des traitements plus lourds.

En revanche, je vous proposerai d'adopter et de préciser l'interdiction, portée par le texte, de prescrire des hormones croisées à des mineurs ou de réaliser, sur eux, des interventions de réassignation. Ces modalités de prise en charge, difficilement réversibles, voire définitives, doivent pouvoir être mûrement réfléchies.

Ces interdictions n'auront aucune incidence sur la faculté, pour un mineur, d'entreprendre une transition administrative, les procédures associées ne comportant plus de condition tenant à l'existence de traitements médicaux de réassignation.

Elles n'empêcheront pas davantage la mise en place d'un suivi psychosocial, souvent nécessaire compte tenu des souffrances ressenties, ni d'accompagner le mineur dans son questionnement et, le cas échéant, dans son parcours de transition sociale.

Enfin, parce que nous traitons ce matin d'un sujet délicat sur lequel les connaissances scientifiques sont susceptibles d'évoluer, je vous présenterai un amendement visant à inscrire dans ce texte une clause de revoyure d'ici à cinq ans, sur le modèle de celles qui figurent dans les lois de bioéthique.

Le législateur pourra, alors, tenir compte de l'avancée de la science comme des recommandations actualisées que la Haute Autorité de santé (HAS) doit produire ces prochaines années en matière de prise en charge des personnes transgenres. Les recommandations visant les mineurs de moins de seize ans ne sont pas attendues avant la fin de l'année prochaine.

J'en viens, enfin, à l'article 3, dont la présence au sein de cette proposition de loi a pu surprendre certains et susciter quelques interrogations.

Cet article prévoit la mise en place d'une stratégie nationale de soutien à la pédopsychiatrie. Cette stratégie doit être mise en place dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi et révisée au moins tous les cinq ans. L'article précise également les objectifs et l'organisation territoriale de cette stratégie nationale.

Alors que, comme je l'ai déjà souligné, la dysphorie de genre n'est plus considérée comme une maladie mentale et qu'il n'est à mon sens pas question ici de « repsychiatriser » la transidentité, je souhaite m'attarder un instant sur l'intérêt de cet article au sein du texte qui nous est soumis.

La dégradation de la santé mentale de nos jeunes est un véritable enjeu de santé publique. Selon l'enquête Escapad menée par l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, la prévalence des symptômes anxiodépressifs chez les jeunes de 17 ans est passée de 4,5 % à près de 10 % entre 2017 et 2022. Chez les plus jeunes, l'enquête Enabee publiée l'année dernière et conduite par Santé publique France indiquait que 13 % des enfants en élémentaire présentent un trouble probable de santé mentale.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes intitulé La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soins à réorganiser, paru en mars 2023, constatait l'absence d'une politique de soins adaptée aux besoins de la jeunesse, une offre de soins trop inégalement répartie sur le territoire et globalement saturée, ainsi qu'une grave crise d'attractivité touchant la pédopsychiatrie : le Conseil national de l'ordre des médecins fait état d'une diminution de 34 % des professionnels spécialisés entre 2010 et 2022. Ce constat a été confirmé lors des auditions que j'ai pu mener, notamment celle de la Société française de psychiatrie.

En conséquence, il me paraît important d'agir, et d'agir tout de suite, pour améliorer la prise en charge des enfants et des adolescents et de structurer cette offre de soins. C'est l'objectif visé par cet article au travers de la création d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie - j'y souscris pleinement.

Concernant plus spécifiquement les mineurs en questionnement de genre, la mise en place de cette stratégie ne pourra qu'être utile pour améliorer leur bien-être. Il s'agit, je le rappelle, d'une population particulièrement vulnérable dans le champ de la santé mentale. Les troubles psychiques en lien avec l'identité de genre peuvent conduire à un état dépressif, et, à l'inverse, un état dépressif peut conduire à des interrogations plus générales sur l'identité. Par ailleurs, la transidentité peut entraîner un risque de stigmatisation et de discrimination, à l'origine de troubles anxieux, voire dépressifs, qui doivent également faire l'objet d'un accompagnement et d'une prise en charge. Sur les 239 jeunes reçus à la consultation spécialisée de la Pitié-Salpêtrière entre 2012 et 2022, 28 % d'entre eux présentaient des antécédents d'hospitalisation psychiatrique et 38 % rapportaient avoir été victimes de harcèlement avant la prise en charge.

La « dépsychiatrisation » de la dysphorie de genre ne doit donc pas conduire, pour reprendre la formule des auteurs d'un rapport remis en janvier 2022 à Olivier Véran, à une « a-psychiatrisation » du parcours de soin et de l'accompagnement. Dès lors, le développement sur l'ensemble du territoire de structures spécialisées et coordonnées dans le cadre d'une stratégie nationale permettra d'améliorer également le suivi et l'accompagnement de l'enfant et des parents.

Je vous proposerai trois amendements sur cet article. Le premier visera à marquer dans la structure du texte la distinction entre l'encadrement de la prise en charge de la dysphorie de genre et la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie. Le deuxième tend à enrichir les objectifs de la stratégie nationale en y ajoutant un volet lié à la formation des professionnels de santé aux enjeux de santé mentale des enfants et des adolescents et un volet relatif à l'amélioration des conditions d'exercice de la pédopsychiatrie en France. Le dernier amendement, quant à lui, prévoit que le réseau de structures pédopsychiatriques est développé dans le cadre des projets territoriaux de santé mentale préexistants afin d'en renforcer la cohérence d'ensemble.

Vous l'aurez compris, ce texte me semble nécessaire pour mieux encadrer la prise en charge des mineurs présentant une dysphorie de genre et consacrer, en la matière, les meilleures pratiques des services spécialisés pluridisciplinaires. Il permettra, en outre, d'apporter une première réponse aux difficultés structurelles que connaît la pédopsychiatrie. C'est pourquoi je vous invite à l'adopter.

Il me revient, enfin, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives aux modalités de prise en charge médicale des mineurs en questionnement de genre, ainsi qu'à la protection de la santé mentale des mineurs et au développement d'une offre de soins pédopsychiatriques adaptée sur le territoire. En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux traitements et modalités de prise en charge des personnes transgenres majeures, aux questions relatives à la transition sociale ou administrative des majeurs comme des mineurs et aux études de médecine ou aux droits et obligations des médecins.

Il en est ainsi décidé.

Mme Laurence Rossignol. - Vous avez mentionné que les risques de stigmatisation étaient réels pour les mineurs en situation de dysphorie de genre. Je propose de préciser que la stigmatisation vient du regard que nous portons sur cette dysphorie de genre et de la manière dont nous en parlons sans forcément bien connaître le dossier.

Le sujet est sérieux et terriblement idéologique. Je ne crois pas que le « péril trans » soit ce qui menace notre civilisation aujourd'hui. L'angoisse de la fin de la civilisation occidentale, personne n'en parle mieux que Vladimir Poutine, dès lors qu'il s'agit de dire que nos sociétés sont rongées par l'homosexualité, la transidentité ou l'effondrement du patriarcat.

Le sujet est donc avant tout médical. Tout le monde conviendra que la chirurgie chez les mineurs n'est pas souhaitable - les cas sont d'ailleurs très rares.

L'idée originelle de cette proposition de loi, qui est d'interdire les bloqueurs de puberté et les hormones croisées, n'est pas sérieuse ni raisonnable. En effet, de nombreux adolescents ont besoin des bloqueurs de puberté, les pubertés précoces étant la conséquence de la dégradation environnementale et de la multiplication des perturbateurs endocriniens. Il en est de même pour les hormones croisées qui sauvent certains enfants. L'adolescence est une période de grande perturbation. En aucun cas, la loi ne doit décider à la place des médecins, car chaque cas médical est unique. Par ailleurs, il ne s'agit pas d'enfants qui seraient victimes d'une « mode » de la transition de genre. Nous devons donc faire confiance aux médecins.

En réalité, vous proposez qu'il n'y ait plus de prescription en dehors des centres référencés et que ces prescriptions soient établies dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire et collégiale. Y a-t-il besoin de légiférer pour cela ? Je crois que le sujet relève du domaine non pas de la loi, mais de HAS et du Comité consultatif national d'éthique (CCNE).

M. Xavier Iacovelli. - Je veux remercier le rapporteur pour la qualité de son travail.

En 2020, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a recensé 8 952 personnes titulaires d'une affection de longue durée pour transidentité, dont 3,3 % de mineurs.

Les jeunes souffrant de dystrophie de genre peuvent, dans le cadre d'une procédure encadrée, recourir à des bloqueurs de puberté et à des traitements adaptés. Pour la plupart, ce sont des procédés réversibles, contrairement aux interventions chirurgicales de changement de genre - celles-ci sont de toute façon interdites pour les mineurs.

Cette proposition de loi tend à pénaliser très lourdement ce qui est aujourd'hui possible, alors même que nous n'avons pas de retour scientifique en la matière. J'entends que le rapporteur souhaite nous rassurer, mais je ne le suis pas du tout !

L'article 3 prévoit la mise en place d'un accompagnement thérapeutique, mais cette disposition est particulièrement floue et elle ne me semble pas nécessaire au regard de l'arsenal juridique existant.

Comment nos jeunes en situation de souffrance vont-ils vivre l'interdiction proposée, alors qu'il existe aujourd'hui une solution réversible pour résoudre leur détresse mentale et physique ? Nous parlons bien de mineurs qui souffrent, parce qu'ils ne sont pas en adéquation avec le corps que la nature leur a offert à la naissance.

Quelles actions les auteurs de cette proposition de loi envisagent-ils pour éviter que ces accompagnements dits thérapeutiques ne deviennent à terme l'équivalent des théories de conversion que nous avons interdites par la loi du 31 janvier 2022 ?

Le groupe RDPI a encore beaucoup trop d'interrogations à ce stade et, même si les amendements proposés par le rapporteur semblent aller dans le bon sens, votera contre ce texte. Nous préférons attendre les données chiffrées scientifiquement étayées que nous fournira la HAS dans ses avis.

M. Bernard Jomier. - Je remercie également Alain Milon pour les explications qu'il nous a fournies, mais de quel texte devons-nous parler ici ?

La proposition de loi ne contient rien, dans sa rédaction initiale, sur la prise en charge des jeunes en quête d'identité de genre. C'est un texte ultra-politique, ultra-idéologique et assez violent envers les personnes concernées. Il a ainsi pour prétention de « temporiser l'initiation de parcours médicaux » - je reprends son exposé des motifs. Est-ce à la loi de faire cela ? Qui plus est, son article 2 vise à sanctionner durement les professionnels de santé qui auraient l'outrecuidance de donner la priorité à l'intérêt de l'enfant ou de l'adolescent présentant un questionnement sur son identité de genre.

Il y a donc bien un contexte de politisation extrême. D'ailleurs, le débat public se fait l'écho de beaucoup de désinformation et de contre-vérités et il tend parfois à projeter en fait des fantasmes identitaires. Les responsables politiques ou associatifs qui tiennent ce type de propos ne prennent pas suffisamment en compte, à mon sens, l'intérêt de l'enfant ou de l'adolescent ; ils mènent un combat que je récuse. La loi ne doit pas être le lieu de ce combat, en particulier lorsqu'on parle d'enfants.

Aujourd'hui, la prise en charge de ces enfants ou adolescents est organisée, mais il est vrai qu'elle est de qualité variable : elle peut être faite par des équipes pluridisciplinaires de bonne qualité comme par des professionnels plus isolés et moins formés spécifiquement. Cela mérite effectivement, monsieur le rapporteur, d'être revu.

Pour le reste, il faut rappeler qu'il n'y a pas de réelle controverse médicale sur la question de la transidentité. Il existe des débats sur la prise en charge parce que celle-ci doit être individualisée : les parcours, l'accompagnement psychologique sont évidemment différents. En tout état de cause, aucune controverse médicale ne nécessite l'intervention du législateur.

La transidentité ne se combat pas, contrairement à ce qu'entend faire cette proposition de loi ; elle ne s'encourage pas non plus. Elle s'écoute et elle s'accompagne avec comme seule boussole le bien-être de l'enfant ou de l'adolescent. Je récuse les deux approches militantes et idéologiques : l'encouragement comme la répression.

Pour conclure, j'évoquerai deux points.

Tout d'abord, mêler la question générale de la pédopsychiatrie à la dysphorie de genre est au minimum une maladresse politique. Le rapporteur nous dit qu'il faut dissocier les deux choses, mais le fait est qu'elles sont inscrites dans le même texte ! Cela envoie un signal de retour à la psychiatrisation. Les jeunes en situation de transidentité doivent évidemment bénéficier d'un accompagnement psychologique, mais cela ne justifie pas de mêler les deux thématiques.

Ensuite' nous avons examiné la question des enfants présentant des troubles du développement génital lors de l'examen de la dernière loi de bioéthique. J'étais rapporteur du texte sur cette question et j'y ai passé beaucoup de temps. L'affrontement était vif, les points de vue très tranchés, même si cela transparaissait peu dans le débat public. Nous avons réussi à dépolitiser cette question et sommes parvenus à un accord avec l'Assemblée nationale pour que des équipes pluridisciplinaires prennent en charge les enfants dans des centres de référence. Pour autant, la loi n'est pas intervenue - et c'est heureux - dans la manière dont ces équipes doivent être composées.

Les enfants et les adolescents présentant une question de transidentité doivent en tout cas être pris en charge par des équipes pluridisciplinaires dans des centres de référence, au moins pour l'initialisation du parcours - pour la suite, notamment le renouvellement des prescriptions, on peut le cas échéant faire appel à d'autres professionnels. C'est l'objet d'un amendement du rapporteur et c'est le seul point qui pourrait justifier une disposition législative.

À l'exception de cette disposition proposée par le rapporteur, nous rejetons cette proposition de loi qui n'a pas lieu d'être.

Mme Silvana Silvani. - Cette proposition de loi m'inquiète et me préoccupe franchement, comme nombre de personnes concernées - professionnels de santé, parents, personnes trans, etc. Son point de départ est le rapport dont on a déjà parlé sur la transidentification des mineurs.

Sans ses annexes, le rapport fait 368 pages. Une petite dizaine de pages seulement est consacrée aux données chiffrées françaises ; pourtant, les partisans de cette proposition de loi évoquent une flambée exponentielle et un péril trans qui n'existent évidemment pas.

Ce rapport met clairement en cause des pratiques de professionnels de santé, alors que ceux-ci prescrivent sur la base de diagnostics, d'évaluations, de rencontres. Je trouve regrettable que des médecins, du fait de leurs positions idéologiques, mettent en cause l'intégrité de certains de leurs confrères.

Je trouve également regrettable de mettre en cause des parents qui entendent la détresse de leurs enfants et qui veulent simplement les accompagner.

Je trouve enfin regrettable de mettre en cause le corps enseignant, qui, prétendument, ferait tout et n'importe quoi. Je rappelle que le changement d'état civil ou les mesures mises en place par Jean-Michel Blanquer requièrent toujours l'accord des parents.

Le rapporteur a bien indiqué que nous disposions de très peu de données, mais c'est tout simplement parce que nous ne sommes pas face à une pandémie de la transition ! De plus, il s'agit principalement de données sur les adultes.

Le rapport de Mme Eustache-Brinio va même jusqu'à proposer d'étendre l'interdiction jusqu'à 25 ans sous prétexte que le cerveau n'est pas encore complètement formé avant cet âge. Peut-être faudrait-il alors s'interroger sur l'ensemble des décisions prises par les personnes de moins de 25 ans ?... Sous couvert de protéger les mineurs, on vise donc bien aussi la population adulte.

En 2020, environ 300 mineurs, bien évidemment accompagnés par leurs parents, ont demandé une consultation - je ne parle pas d'un traitement ou d'une opération, mais d'une simple consultation -, certains traversant toute la France pour cela...

La proposition de loi laisse très clairement entendre que le questionnement de genre est une anomalie, une pathologie, et qu'il nécessite des soins. En effet, elle parle uniquement de dysphorie de genre, pas de transition, ce qui suppose évidemment une psychiatrisation. Le questionnement de genre ne pourrait donc pas avoir d'issue positive !

Il s'agit d'un sujet méconnu parce que les recherches scientifiques sont encore limitées. Alors, comment trancher entre un médecin qui affirme que les bloqueurs de puberté ont des effets réversibles et d'autres qui affirment le contraire ?

Même s'il concerne finalement très peu de personnes, c'est un sujet important qui mérite mieux qu'une proposition de loi écrite de cette façon. J'ajoute que son article 3 sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie n'a pas sa place dans un tel texte.

Pour conclure, j'en viens aux amendements proposés par le rapporteur que je félicite pour son travail. Soulager les souffrances des patients ? Qui peut être contre ? Mais ce n'est pas le sujet du texte ! Limiter le recours à des thérapies irréversibles ? Je rappelle que ces thérapies ne sont quasiment pas pratiquées sur des mineurs. Interdire les opérations ? Les opérations de chirurgie pelvienne ne sont pas non plus pratiquées sur des mineurs. Une clause de revoyure ? Mais pour faire quoi ? S'il existe un doute sur la pertinence de la proposition de loi, ne la votons pas !

Mme Laurence Muller-Bronn. - J'ai participé au groupe de travail qui a travaillé sur ce sujet pendant huit mois. Avec Jacqueline Eustache-Brinio et Muriel Jourda, nous avons auditionné soixante-dix personnes - des parents, des enfants, etc. -, rencontré les représentants d'associations et d'institutions qui avaient des positions diverses. Nous voulions comprendre un sujet qui est très présent dans nos vies, en nous extrayant des idéologies. Les programmes scolaires ont évolué et beaucoup de parents sont venus nous en parler.

Loin de nous l'idée de défendre telle ou telle idéologie ! Au contraire, ce que nous vous proposons, comme ce que propose le rapporteur, correspond plutôt à une volonté de prudence au bénéfice des enfants. L'adulte fait ce qu'il veut de son corps et nous ne voulons pas que les gens souffrent. C'est pourquoi cette proposition de loi ne concerne que les enfants.

Je voudrais vous lire un propos que nous avons entendu durant nos auditions : « La demande de réassignation sexuelle est à la fois ce procès fait au corps hérité et détesté et l'expression d'une confiance sans borne dans le corps de l'autre sexe, doublée d'une confiance non moins démesurée dans les capacités de la médecine et de la chirurgie de le faire réel. »

Aujourd'hui, les enfants sont très vite pris en charge par des équipes pluridisciplinaires et une forte pression pèse sur eux. Sont-ils en capacité de gérer leurs émotions et cette pression ?

Les situations dans lesquelles un enfant ne naît pas dans le bon sexe existent, c'est la transsexualité, mais c'est une pathologie extrêmement rare qu'on détecte dans les deux premières années de la vie. Quelle est alors la différence entre un transsexuel et une dysphorie de genre ? Nous avons rencontré des personnes opérées qui ont témoigné de leur transsexualité de naissance. La transsexualité est reconnue médicalement, alors que la dysphorie de genre repose uniquement, de ce que nous avons entendu, sur des mots. Et ces mots accréditent une idéologie. La transsexualité autorise les bloqueurs de puberté ; une prise en charge médicale existe donc pour cette pathologie.

Pourquoi avons-nous déposé cette proposition de loi ?

Mme Silvani nous dit qu'il n'y a qu'une dizaine de pages sur la France dans notre rapport. Je peux vous dire que j'en suis heureuse ! Notre système nous a plutôt protégés jusqu'à présent de la tendance qui nous arrive des États-Unis ou des pays nordiques - la Norvège, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni.

Or, depuis quelques mois, plusieurs de ces pays ont appris de leur expérience et reculent. Ainsi, la Finlande a été la première à sonner l'alarme : en 2015, une étude a révélé une surreprésentation des filles parmi les jeunes qui voulaient changer de sexe et il est apparu que beaucoup présentaient d'autres troubles, notamment psychiatriques - dépression, anorexie, autisme... La même année, au Royaume-Uni, des lanceurs d'alerte ont révélé que le personnel soignant de la Tavistock Clinic s'étonnait que les patients mineurs soient systématiquement orientés vers des parcours de transition médicale, alors qu'ils estimaient que leur prise en charge devait être avant tout psychothérapeutique. De plus, le National Health Service (NHS) britannique a interdit, le 1er avril dernier, en raison de l'insuffisance des études, les traitements hormonaux et les bloqueurs de puberté pour les mineurs. En 2022, l'agence suédoise d'évaluation des technologies de santé a averti sur les risques de maladies cardio-vasculaires, de cancer et d'ostéoporose liés à la prise à vie de ces hormones.

Une pédopsychiatre belge que nous avons auditionnée s'est félicitée que son pays aille dans le même sens : elle estime que le consentement informé est très difficile à obtenir pour des enfants ou des adolescents.

On découvre peu à peu des effets secondaires de ces traitements.

Enfin, nous avons constaté que les personnes opérées n'avaient pas été suffisamment sensibilisées sur le fait qu'elles ne pourraient pas avoir d'enfant ni connaître de plaisir physique réel.

Il faut que les équipes pluridisciplinaires qui accompagnent les jeunes prennent tout cela en considération.

Mme Brigitte Devésa. - Je remercie le rapporteur pour son travail sur ce rapport qui fait polémique et je fais confiance à toutes celles et à tous ceux qui ont approfondi cette question. Je ne reviens pas sur l'exemple du Royaume-Uni qui vient d'être évoqué par Laurence Muller-Bronn.

Nous ne sommes pas là pour parler idéologie ; nous sommes là pour essayer de répondre aux questions qui se posent. Or il faut être prudent, parce que l'adolescence est une période à la fois cruciale et difficile : on se cherche, on se pose des questions, on est en conflit avec les parents...

Les enfants transgenres doivent faire face à des défis importants, notamment en termes d'acceptation sociale et familiale. Pour la dysphorie de genre, il faut tenir compte de la détresse liée à l'incongruence entre l'identité de genre ressentie et le sexe assigné à la naissance. Je ne parle même pas des risques accrus de troubles mentaux, comme l'anxiété et la dépression. Le plus important est de pouvoir soulager la souffrance des patients.

Le groupe Union Centriste est opposé aux interventions chirurgicales en la matière avant la majorité. En ce qui concerne les traitements hormonaux, nombre de médecins sérieux avertissent sur les problèmes de santé qu'ils peuvent entraîner. Nous suivrons aussi les propositions du rapporteur en ce qui concerne l'article 3 du texte sur la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie.

Par conséquent, sous réserve d'une discussion ultérieure, mon groupe votera ce texte.

Mme Anne Souyris. - Le rapport préparatoire à cette proposition de loi a été rédigé par plusieurs sénatrices, mais aussi par deux femmes- Caroline Éliacheff et Céline Masson -, dont le discours est pour le moins idéologique. Par exemple, quand on leur parle d'irréversibilité, elles parlent également du parcours à l'école et des aspects sociaux de la transition.

Ce rapport pose de nombreux problèmes de fond - cela a déjà été mentionné -, mais en plus il est tronqué. Plusieurs personnes auditionnées dans le cadre de ce rapport n'y ont pas retrouvé leurs propos et croyaient qu'il était préparé au nom du Sénat ; certaines ne voulaient même pas revenir en audition... Or, je le rappelle, la préparation de ce document n'a aucunement associé les autres groupes politiques du Sénat. Il y a eu une incompréhension totale quant au statut de ce rapport. C'est un problème démocratique.

Les auteurs de ce rapport et de la proposition de loi avancent un objectif de prudence et de protection des jeunes. Or seuls 10 % des jeunes suivis dans les services spécialisés prennent des bloqueurs de puberté. Les professionnels n'y font pas la promotion des bloqueurs de puberté, des hormones ou de la transidentité ; ils sont là pour accompagner les jeunes. J'ajoute que 24 % des jeunes arrivant dans un service spécialisé ont auparavant fait une tentative de suicide et qu'ils ne sont plus que 2,5 % à en faire une lorsqu'ils sont accompagnés. De même, un tiers des jeunes qui arrivent dans ces services sont déscolarisés à ce moment-là ; ils se sont tous rescolarisés. Ces chiffres montrent clairement la considérable baisse du nombre de jeunes qui vont mal à partir du moment où ils sont accompagnés.

Dire qu'il n'y a pas de chiffre, que tout va mal et qu'il faut tout interdire, alors que ces services sont un atout majeur dans la prise en charge des jeunes, ne peut que contribuer à l'augmentation des tentatives de suicide.

Nous avons auditionné des représentants de plusieurs associations de parents : l'une est favorable à une interdiction jusqu'à 25 ans ; toutes les autres vont dans le sens d'un meilleur accompagnement des jeunes. Personne n'a envie de donner à foison des bloqueurs de puberté ou des hormones et de faire moult réassignations de genre ! Les parents n'ont tout simplement pas envie de voir leur enfant aller très mal, voire mourir de ce fait. Les problèmes sociaux qu'un adulte qui n'a pas été accompagné peut connaître ne sont pas dus à une maladie mentale, mais au harcèlement et à la grave discrimination qu'il a subis.

Le rapporteur a fait un excellent travail et il a organisé de nombreuses auditions. L'Académie nationale de médecine, le Conseil national de l'ordre des médecins et tous les professionnels entendus, à l'exception de l'Observatoire de la petite sirène - autrement dit La Manif pour tous... - et une psychiatre, sont défavorables au fait d'interdire et se sont beaucoup inquiétés de cette proposition de loi, largement considérée comme inappropriée et dangereuse. J'ajoute qu'évidemment les médecins sont déjà prudents en la matière.

Vous nous dites que le sujet n'est pas idéologique. Alors, attendez les avis de la HAS ! L'un est attendu pour début 2025, l'autre pour fin 2025. Pourquoi ne pas attendre ces avis, si ce n'est pas pour des raisons idéologiques !

Mme Véronique Guillotin. - J'étais inquiète à la suite de la publication du rapport qui a précédé cette proposition de loi et je veux remercier le rapporteur pour son travail et l'équilibre qu'il propose d'apporter.

Les chiffres montrent que l'utilisation de la chirurgie est exceptionnelle. La seule technique qui est utilisée est la mammectomie ; avec les bloqueurs de puberté, il n'y en aura quasiment plus. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir rappelé le caractère exceptionnel de cet aspect de la question.

Je voterai certainement contre cette proposition de loi, le groupe du RDSE déterminera ultérieurement sa position. En effet, ce sujet est largement débattu dans la communauté médicale et des recommandations seront bientôt publiées par la HAS. Je ne suis donc pas certaine que ce soit le moment de légiférer et qu'il revienne de toute façon au législateur d'édicter des prescriptions médicales.

Pour autant, il est impératif de fixer un circuit de décision et d'affirmer l'importance des réunions de concertation pluridisciplinaire, car ce sont toujours des cas individuels et il serait dramatique de ne pas prendre en charge ces jeunes. Un psychologue doit juger de la maturité et du consentement de l'enfant et nous avons besoin d'autres spécialistes sur d'autres aspects.

M. Daniel Chasseing. - Actuellement, aucune disposition juridique n'interdit en France les opérations de changement de sexe sur les mineurs ; elles ne sont pas pratiquées du fait de recommandations internationales, mais elles ne sont pas interdites formellement.

Les mineurs peuvent aujourd'hui bénéficier d'un traitement réversible par bloqueurs de puberté visant à suspendre le développement des caractères sexuels en cas de dysphorie du genre. Cela est également possible en cas de puberté précoce. Il est aussi possible de prescrire des traitements hormonaux permettant de développer des caractéristiques physiques secondaires du sexe opposé dont les effets sont en partie irréversibles et qui ont un impact sur la fertilité. Il existe, comme l'a dit le rapporteur, des regrets. L'article 1er de ce texte édicte clairement l'interdiction des opérations chirurgicales et de tout traitement hormonal tendant à développer des caractères sexuels secondaires. Je n'ai rien vu d'idéologique dans cette proposition.

En ce qui concerne l'article 3 sur la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie, il faut que cela soit entendu de manière générale.

M. Alain Milon, rapporteur. - Beaucoup de collègues ont fait état de questionnements qui sont aussi les miens.

Pourquoi une proposition de loi maintenant ? Parce que la nature a horreur du vide. Or aucune loi ne prévoit comment les médecins doivent prendre en charge les mineurs transgenres et il n'est pas inutile de préciser les choses dans la loi.

Faut-il attendre les avis de la HAS ? Je rappelle tout de même que ce n'est pas la HAS qui écrit la loi. Elle édicte des recommandations de bonnes pratiques pour les médecins et les autres professionnels de santé. Nous avons auditionné ses représentants : la HAS travaille en ce moment sur les préconisations médicales à mettre en place pour les personnes de plus de 16 ans et elle les publiera uniquement à la fin de l'année 2024 ou au début de l'année 2025 ; elle travaillera ensuite sur les préconisations pour les moins de 16 ans et elle ne les publiera pas avant la fin de l'année 2025. Nous devons donc attendre au moins dix-huit mois pour disposer de ces recommandations, ce qui est long.

En ce qui concerne les positions idéologiques, on ne peut pas les nier, et il y en a de tout côté ! Je crois que les amendements que je vais vous proposer répondent en grande partie, voire en totalité, aux observations qui ont été faites. Mais il faut regarder ce qui se passe dans la société et ce qui se passe à l'Assemblée nationale : une proposition de loi sensiblement identique à celle-ci a été déposée par le Rassemblement national. De ce fait, si notre texte ne prospère pas dans le sens que je vous propose et si nous ne faisons rien pour encadrer le sujet, d'autres le feront à notre place et différemment ! Qui plus est, rappelez-vous que la loi s'imposera aux préconisations de la HAS.

Pourquoi prévoir une clause de revoyure ? Parce que la connaissance scientifique et les techniques évoluent. Ainsi, on ne sait pas ce que donneront dans quelques années les recherches en cours en matière de diagnostic ou de prise en charge de la dysphorie de genre. Certains professeurs de médecine estiment, par exemple, que l'imagerie fonctionnelle cérébrale pourrait contribuer au diagnostic, grâce à des stimuli filles ou garçons.

Mme Laurence Rossignol. - Je m'interroge sur la nature de ces stimuli.

M. Alain Milon, rapporteur. - Par ailleurs, il y a quelques années, une délégation de la commission s'est rendue en Espagne et a notamment rencontré le président de la Haute Autorité de santé espagnole. Il nous avait parlé du problème éthique de la conservation des gamètes : que faire des gamètes d'une fille qui est devenue garçon - c'est son droit - et qui a choisi de les faire conserver pour avoir un enfant par la suite ?

Vous le voyez, une clause de revoyure est importante.

J'ai essayé de ne pas faire d'idéologie ; je voulais surtout qu'on prenne en considération les mineurs - ce texte ne concerne qu'eux - pour qu'ils se sentent bien.

Je propose de donner un rôle particulier aux centres de référence spécialisés - il y en actuellement une quinzaine de services spécialisés. Ils ne sont pas reconnus en tant que tels par le ministère de la santé ; les reconnaître ici permettra de les faire connaître tant par les professionnels de santé que par les parents. Ces centres auront la responsabilité du diagnostic et de la primoprescription, la suite pouvant éventuellement être assurée par les médecins traitants.

Les amendements que je vous propose et que j'ai préparés avec le soutien du président de notre commission répondent à la plupart des observations qui ont été faites. Mon objectif était de répondre aux désirs des personnels soignants et d'assurer la prise en compte de l'intérêt des mineurs.

EXAMEN DES ARTICLES

Division additionnelle avant l'article 1er

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à inscrire formellement la distinction entre les deux sujets couverts par le texte : d'une part, la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs, d'autre part, la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie.

L'amendement COM-1 est adopté.

Une division additionnelle est ainsi insérée.

Article 1er

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-10 entend supprimer l'article 1er. Je ne peux qu'y être défavorable.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à permettre et à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté aux mineurs, en la réservant aux services hospitaliers spécialisés assurant une prise en charge pluridisciplinaire de ces patients.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à lever une ambiguïté sur le périmètre de l'interdiction de chirurgies de réassignation, en précisant que celle-ci n'a vocation à s'appliquer qu'aux patients âgés de moins de dix-huit ans.

J'ajoute que les chirurgiens ne font pas d'interventions pelviennes avant la majorité et qu'ils ne souhaitent pas pratiquer d'opérations faciales - masculinisation ou féminisation - avant cet âge. Pour les torsoplasties ou gynécomasties, certains souhaiteraient en faire, en arguant qu'on peut ajouter des prothèses ensuite si besoin ; mais dans ce cas, l'allaitement n'est plus possible. C'est pourquoi je préfère interdire aussi ces pratiques.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-11 vise à supprimer l'article 2. J'y suis défavorable.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-4 tend à créer, dans le code pénal, une section spécifique relative aux sanctions applicables en cas de méconnaissance des règles légales relatives à la prise en charge de la dysphorie de genre.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-5 assure une coordination.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Division additionnelle après l'article 2

M. Alain Milon, rapporteur. - Pendant de l'amendement COM-1, l'amendement COM-6 vise à inscrire dans le texte une division additionnelle relative à la mise en place d'une stratégie nationale de pédopsychiatrie.

L'amendement COM-6 est adopté.

Une division additionnelle est ainsi insérée.

Article 3

M. Alain Milon, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement COM-12 pour les raisons que je développerai en séance.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-13 vise à associer à l'établissement des stratégies de soins les associations d'usagers du système de santé. J'y suis défavorable.

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-14 a pour objet d'ajouter que la stratégie nationale vise à prévenir activement les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle. Avis défavorable.

L'amendement COM-14 n'est pas adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-7 prévoit que la stratégie nationale inclut un volet relatif à la formation de l'ensemble des professionnels de santé à la prise en charge des problématiques de santé mentale des enfants et des adolescents et un volet relatif à la revalorisation des conditions d'exercice de la pédopsychiatrie.

L'amendement COM-7 est adopté.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à intégrer le réseau territorial de structures pédopsychiatriques dans le cadre existant des projets territoriaux de santé mentale.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement COM-9 complète, sur le modèle des clauses de revoyure inscrites dans les lois de bioéthique, le texte par un article prévoyant le réexamen de la présente loi dans un délai de cinq ans.

L'amendement COM-9 est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Division(s) additionnelle(s) avant Article 1er

M. MILON, rapporteur

1

Ajout d'une nouvelle subdivision

Adopté

Article 1er
Interdiction des traitements médicaux de transition et chirurgies de réassignation pour les mineurs

Mme SOUYRIS

10 rect.

Suppression de l'article

Rejeté

M. MILON, rapporteur

2

Suppression de l'interdiction de prescrire des bloqueurs de puberté et encadrement de la prise en charge

Adopté

M. MILON, rapporteur

3

Interdiction des actes chirurgicaux de réassignation de genre

Adopté

Article 2
Interdiction des traitements médicaux de transition et chirurgies de réassignation pour les mineurs

Mme SOUYRIS

11 rect.

Suppression de l'article

Rejeté

M. MILON, rapporteur

4

Création d'une section dédiée dans le code pénal

Adopté

M. MILON, rapporteur

5

Amendement de coordination

Adopté

Division(s) additionnel(s) après Article 2

M. MILON, rapporteur

6

Ajout d'une nouvelle subdivision

Adopté

Article 3
Mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie

Mme SOUYRIS

12 rect.

Modification des objectifs de la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie afin de placer l'enfant au centre des décisions partagées relatives à son parcours de transition

Rejeté

Mme SOUYRIS

13 rect.

Intégration des associations agréées d'usagers du système de santé dans les acteurs établissant la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie

Rejeté

Mme SOUYRIS

14 rect.

Ajout de la lutte contre les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre dans les objectifs de la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie 

Rejeté

M. MILON, rapporteur

7

Ajout de volets relatifs à la formation et à la revalorisation de la pédopsychiatrie

Adopté

M. MILON, rapporteur

8

Intégration du réseau territorial dans le projet territorial de santé mentale 

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 3

M. MILON, rapporteur

9

Ajout d'une clause de révision

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 131(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie132(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte133(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial134(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 22 mai 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 435 (2023-2024) visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- aux modalités de prise en charge médicale des mineurs en questionnement de genre ;

- à la protection de la santé mentale des mineurs et au développement d'une offre de soins pédopsychiatriques adaptée sur le territoire.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- aux traitements et modalités de prise en charge des personnes transgenres majeures ;

- aux questions relatives à la transition sociale ou administrative des majeurs comme des mineurs ;

- aux études de médecine ou aux droits et obligations des médecins.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Auditions

· Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d'Oise et auteure de la proposition de loi

· Académie nationale de médecine

Pr David Cohen, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de la Pitié Salpêtrière

Pr Nathalie Chabbert Buffet, service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction - Hôpital Tenon

Pr Philippe Bouchard, endocrinologue - Groupe hospitalier Privé Ambroise Paré - Hartmann

Pr Xavier Bertagna, endocrinologue

· Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM)

Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section Éthique et Déontologie

Dr Christine Louis-Vahdat, membre de la section Éthique et Déontologie

· Collectif Ypomoni

· Haute Autorité de santé (HAS)

Pr Lionel Collet, président

Dr Pierre Gabach, adjoint à la direction de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et chef du service bonnes pratiques

· Fédération française de psychiatrie

Dr Catherine Zittoun, pédopsychiatre

Dr Jean Chambry, pédopsychiatre

· Trans-Santé France

Béatrice Denaes, co-présidente

· Grandir Trans

Maryse Rizza, présidente

Céline Horlaville, secrétaire

· Dr Hervé Picard et Simon Jutant, co-auteurs du rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans (janvier 2022)

· Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP)

Pr Laetitia Martinerie Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique -CHU Robert Debré

Dr Adur Jauregi, psychiatre à la consultation Diversité de Genre - GHU Pitié-Salpêtrière

Dr Julie Brunelle, praticien hospitalier - service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent - GHU Pitié-Salpêtrière

Dr Alexandre Michel, pédo-psychiatre - service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent - CHU Robert Debré

Charlotte Lebrun, psychologue - CHU Robert Debré

Céline Rogez, assistante sociale - CHU Robert Debré

· Association TRANSPARENTS

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS) 

Anne Hegoburu, sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital

Pauline Boillet, cheffe du bureau de la prise en charge des pathologies chroniques et du vieillissement

· Direction générale de la santé (DGS) 

Dr Olivier Scemama, chef de bureau Infections par le VIH, IST, hépatites et tuberculose (SP2), sous-direction de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques

· Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah).

Olivier Klein, délégué interministériel

Léovanie Das, chargée de mission lutte contre la haine anti-LGBT

· Association OUTrans

Anaïs Perrin-Prevelle, directrice

· Observatoire de La Petite Sirène

Dr Caroline Eliacheff, co-directrice de l'Observatoire de La Petite Sirène et pédopsychiatre, psychanalyste et essayiste

Dr Dominique Crestinu, endocrino-gynécologue, psychosomaticienne

· Société française d'endocrinologie

Dr Frédérique Albarel, endocrinologue

Dr Julie Sarfati, endocrinologue

· Académie Nationale de Chirurgie

Dr Hubert Johanet, secrétaire perpétuel

Pr Olivier Jardé, président

Pr Raphael Sinna, membre et chef du service de chirurgie plastique reconstructive et esthétique au CHU d'Amiens-Picardie

Pr Cécile Manaouil, médecin légiste

· Pr Jean Marc Ayoubi, chef du service de médecine de la reproduction et de gynécologie obstétrique de l'Hôpital Foch

Contributions écrites

· Réseau de santé trans « ReST »

· Espace Santé Trans (Paris)

· Société Française d'Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

M. Alain Milon, rapporteur pour la commission des affaires sociales, a souhaité permettre à l'ensemble des personnes entendues de faire figurer leur contribution écrite ou leurs réponses au questionnaire en annexe du présent rapport.

Ne figurent ci-après que les contributions dont les auteurs ont accepté la publication.

CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS (CNOM)

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.).

Le CNOM a constitué un groupe de travail sur la prise en charge des personnes transgenres, majeures comme mineures.

Concernant ces derniers, il a dans ce cadre auditionné des médecins prenant en charge des mineurs en questionnement de genre, endocrinopédiatres et pédopsychiatres. Ces professionnels ont expliqué les conditions de prise en charge de ces mineurs :

- prise en charge en service hospitalo-universitaire,

- réunion pluridisciplinaire,

- accord des parents préalable à toute décision de prise en charge,

- délai d'attente de 6 à 12 mois avant toute prescription

La Haute autorité de santé (HAS) s'est saisie de cette question, et doit publier prochainement les recommandations de bonne pratique concernant le parcours de transition des personnes transgenres (majeures et mineures de plus de 16 ans). Ces recommandations alimenteront les travaux du Conseil national sur ce sujet.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ?

Il ressort des auditions menées par le Conseil national que les conditions de prudence qui avaient été préconisées par l'Académie nationale de médecine paraissent actuellement être respectées.

3. Dans quelle mesure un suivi psychologique et médical vous paraît-il devoir précéder toute prescription de bloqueur de puberté ou d'hormones du sexe opposé ?

Le suivi psychologique et médical tel qu'il est réalisé dans les services prenant en charge des parcours de transition de mineurs, tel que les professionnels auditionnés l'ont décrit lors des auditions menées par le Conseil national, est effectivement aujourd'hui être un préalable à ces prescriptions. Ce cadre doit être préservé.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Les règles de bonne pratique sont définies par la HAS, les sociétés savantes, les collèges.

Nous émettons une crainte sur une interdiction législative des prescriptions des bloqueurs de la puberté et traitements hormonaux. Ces prescriptions engagent déjà la responsabilité déontologique des médecins qui se doivent de respecter les articles du code de déontologie (article R. 4127-32 du code de la santé publique, soins consciencieux).

Nous rappelons les chiffres de la CNAM : en 2022, 8 952 personnes sont titulaires d'une prise en charge en ALD pour transidentité, dont 3,3 % de mineurs (soit 294).

Pour l'ensemble de ces raisons, un encadrement législatif n'apparaît pas nécessaire.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

b. Des hormones du sexe opposé ?

Sous condition du respect du cadre de prescription décidé par les sociétés savantes et validé par la HAS, il ne semble pas judicieux de prévoir une telle interdiction.

Une distinction doit être faite en fonction de l'âge des mineurs, distinction introduite par les travaux actuels de la HAS portant sur les majeurs et les mineurs de plus de 16 ans.

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Il résulte des auditions conduites par le Conseil national que les traitements sont prescrits actuellement dans des services hospitalo-universitaires, après accord des parents, et que la décision est prise en réunion pluridisciplinaire.

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements, susceptibles de justifier la « prudence » recommandée par l'Académie ?

Le Conseil national de l'Ordre des médecins n'a pas qualité pour émettre un avis médical. Il revient aux professionnels concernés et aux collèges dont ils relèvent d'apprécier les effets des traitements.

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Idem

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

La définition des interventions, réversibles et irréversibles, relève de la compétence des professionnels concernés et des travaux de la HAS.

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Idem

11. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

À la connaissance du Conseil national, aucune intervention irréversible, autre que la torsoplastie, ne serait actuellement réalisée avant la majorité de la personne, en particulier sur les organes génitaux.

L'âge moyen des torsoplasties se situe entre 17 et 18 ans, selon les professionnels entendus par le Conseil national.

12. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Idem questions 9 et 10

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décision collégiale préalables, etc.) ?

Il ne semble pas nécessaire de prévoir des dispositions législatives encadrant ce type d'intervention, mais fondamental de définir un cadre de prise en charge, fixé par les sociétés savantes et la HAS, reposant sur des décisions pluridisciplinaires.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Suivant les réponses précédentes, dans la mesure où l'encadrement législatif et l'interdiction ne paraissent pas nécessaires, la question de la peine et de son quantum n'est pas discutée.

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Idem

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie est indispensable. La question des mineurs en questionnement de genre ne peut en être exclue.

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Idem

18. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Cette question relève de l'appréciation et de la compétence des professionnels concernés et de leurs collèges.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Démographie médicale concernant la pédopsychiatrie (chiffres CNOM, 2024) :

- Détail de la répartition selon la catégorie d'actifs :

Activité générale

Actifs (nombre)

Retraités actifs

725

Activité intermittente

50

Activité régulière

1136

- Âge moyen selon la catégorie d'actifs :

Activité générale

Actifs (âge moyen)

Retraités actifs

73

Activité intermittente

65,3

Activité régulière

54,8

Ces données concernent : Les données étudiées concernant la population des pédopsychiatres (cf. la spécialité des pédopsychiatres) au 1er janvier 2024.

Les actifs étant considérés comme la somme des actifs réguliers, des médecins exerçant en activité intermittente et de ceux retraités actifs.

Par convention le CNOM utilise la notion d'activité régulière en référence à l'activité qualifiée de pleine par les médecins (hors activité intermittente, sans condition de cumul emploi-retraite).

La spécialité de pédopsychiatrie

La spécialité de pédopsychiatrie a été supprimée par l'arrêté du 1er janvier 1991, et l'arrêté du 22 septembre 2004 modifié, fixant la liste et la réglementation des diplômes d'études spécialisées de médecine et des diplômes d'études spécialisées complémentaires de médecine (J.O du 6/10/2004), n'a pas repris cette discipline. Dès lors, il n'est plus possible de constituer une demande de qualification de spécialiste en pédopsychiatrie.

Il convient de distinguer deux situations :

- Les médecins relevant de l'ancien régime des études médicales ont obtenu le CES de psychiatrie option enfants et adolescents - qui leur a permis d'être inscrits, à leur demande, sur la liste des médecins qualifiés spécialistes en pédopsychiatrie. L'option enfants-adolescents du certificat consistait en une année de formation complémentaire, effectuée à la suite de la formation du CES de psychiatrie générale. C'est la raison pour laquelle il a toujours été admis qu'un médecin ayant obtenu le CES de psychiatrie option enfants-adolescents pouvait consulter indifféremment les adultes et les enfants, ou bien exercer exclusivement la pédopsychiatrie. Certains d'entre eux ont opté pour l'exercice de la psychiatrie adulte, ainsi que de la pédopsychiatrie, et sont actuellement inscrits sur la liste des médecins spécialistes en pédopsychiatrie. Cette double qualification n'a été réalisée que pour les médecins psychiatres qui ont cette double activité, et ayant bien entendu validé l'option enfants-adolescents.

- Pour les médecins du nouveau régime, la mention de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent n'est possible que pour les médecins titulaires du DESC du groupe I (non qualifiant).

Cependant, il convient de préciser qu'en plus des spécialistes en psychiatrie infantile, d'autres spécialistes peuvent assurer la prise en charge des enfants et des adolescents. Sont donc considérés ici :

- les pédopsychiatres spécialistes

- les spécialistes en neuropsychiatrie,

- les spécialistes en psychiatrie ou en en pédiatrie, titulaires de la compétence ou du DESC1 ou de la VAE ordinale en psychiatrie option enfant et adolescent.

Il est, par ailleurs, à noter que la qualification de spécialiste en psychiatrie autorise l'exercice professionnel auprès des sujets de tous âges.

HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ (HAS)

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

D'après le rapport IGAS, des consultations spécialisées en milieu hospitalier ont été développées (au total, 9 dans 6 régions en 2018).

Des praticiens formés aux problématiques trans (en ville, dans les maisons des adolescents) apportent des réponses, en dehors des consultations spécialisées. (chiffres non disponibles)

Nombre de personnes titulaires d'une ALD pour « transidentité » en 2020, selon la CNAM : 8 952 au total dont 3,3 % sont mineurs

Nombre de séjours hospitaliers pour transsexualisme, selon l'ATIH, le nombre de séjours est passé de 5 en 2011 à 48 en 2020 (chez les moins de 18 ans, il n'y a eu aucun séjour comprenant des actes de chirurgie pelvienne)

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ?

La HAS n'a pas connaissance des conditions actuelles de prise en charge de ces enfants et adolescents.

3. La HAS est appelée à se prononcer prochainement sur les parcours de transition des personnes transgenres, pour les plus de seize ans dans un premier temps, puis pour les moins de seize ans.

a. Pourriez-vous préciser l'état d'avancement de ces travaux ?

Voir 3.c

b. Pourriez-vous présenter la méthodologie suivie ?

La méthode est celle des recommandations pour la pratique clinique qui comporte : i) une analyse de la littérature scientifique (3 chargés de projet ont été recrutés) ; ii) la rédaction de la version initiale des recommandations au cours de plusieurs réunions d'un groupe de travail multidisciplinaire et pluriprofessionnel et incluant des représentants d'usagers du système de santé ;

iii) relecture externe du texte des recommandations et de l'argumentaire par un groupe de lecture constitué de professionnels et de représentants d'usagers du système de santé interrogés à titre individuel avec un questionnaire comportant une échelle de cotation de 1 à 9 et le recueil de commentaires libres pour chaque recommandation ; iv) analyse des cotations et des commentaires du groupe de lecture et rédaction de la version finale des recommandations par le groupe de travail.

v) validation de la recommandation de bonne pratique par les instances de la HAS (Commission CRPPI puis Collège de la HAS) puis diffusion.

Ainsi entre 60 et 80 personnes participent à l'élaboration de cette recommandation. L'ensemble des documents, les compostions des groupes de travail et de lecture seront publiés sur le site de la HAS après validation par le Collège de la HAS.

c. Êtes-vous en mesure de présenter, à ce stade, les principales questions soulevées par ces travaux ainsi que, le cas échéant, les principales difficultés rencontrées par le groupe de travail chargé de rédiger les recommandations ?

Le projet est en phase de rédaction de la version initiale des recommandations par le groupe de travail.

4. Un encadrement législatif de la prise en charge des mineurs en questionnement de genre vous semble-t-il, malgré tout, souhaitable ?

Ne fait pas partie des missions de la HAS.

Sur l'interdiction de prescription aux mineurs de bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. À votre connaissance, dans quelles conditions les bloqueurs de puberté et hormones sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Les prescriptions de ces médicaments sont hors AMM.

6. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

D'après le rapport de l'IGAS :

- les bloqueurs de puberté (analogues de l'hormone entrainent la libération de gonadotrophines (GnRH)) qui visent à suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) relevant du genre auquel le mineur ne s'identifie pas. Ces effets sont réversibles. Cependant en cas de poursuite du parcours de transition, à l'âge adulte le recours éventuel à certaines chirurgies pelviennes de réassignation (vaginoplastie) peut se révéler plus complexe à la suite de ces traitements.

- les traitements hormonaux permettent de développer des caractéristiques physiques secondaires en harmonie avec l'identité de genre du jeune. Ils sont le plus souvent prescrits autour de 15 ans, à l'âge d'entrée au lycée. Dans ce cas, il s'agit de traitements dont l'impact est en partie irréversible (pilosité, voix ...) et qui peuvent agir sur la fertilité.

7. Vous semble-t-il souhaitable d'encadrer, par la loi, ces prescriptions ? La limite d'âge est-elle un critère pertinent ? D'autres mesures législatives vous paraîtraient-elles souhaitables ?

Ne fait pas partie des missions de la HAS.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle pour les mineurs (article 1er)

8. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

La chirurgie de réassignation recouvre des interventions sur les organes génitaux (chirurgie pelvienne) et des interventions de chirurgie mammaire.

9. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

D'après le rapport IGAS, la chirurgie pelvienne de réassignation n'est pas pratiquée avant 18 ans. Des interventions mammaires sont pratiquées, après une période d'hormonothérapie parfois avant l'âge de la majorité.

10. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

D'après le rapport IGAS, la chirurgie pelvienne de réassignation n'est pas pratiquée avant 18 ans, compte tenu de son caractère irréversible et de son impact sur la fertilité.

Vous semble-t-il souhaitable d'encadrer, par la loi, ces interventions ? La limite d'âge est-elle un critère pertinent ? D'autres mesures législatives vous paraîtraient-elles souhaitables ?

Ne fait pas partie des missions de la HAS.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

11. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles proportionnées ?

Ne fait pas partie des missions de la HAS.

12. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Ne fait pas partie des missions de la HAS.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

13. Alors que la HAS conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale » et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Le rapport de l'IGAS cité précise que les parcours de soins doivent être dépsychiatrisés sans être « apsychiatrisés »135(*).

Ces réponses seront apportées dans la cadre de la recommandation en cours et à venir.

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Ces réponses seront apportées dans la cadre de la recommandation en cours et à venir.

14. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Ces réponses seront apportées dans la cadre de la recommandation en cours et à venir.

15. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress. Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Ces réponses seront apportées dans la cadre de la recommandation en cours et à venir.

16. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Ces réponses seront apportées dans la cadre de la recommandation en cours et à venir.

FÉDÉRATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE

Après discussions au sein du collège de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de la Fédération Française de psychiatrie, deux positions différentes parfois divergentes se dégagent, ce qui souligne la complexité de cette question. Aussi, il nous est apparu pertinent de vous présenter ces deux positions.

Position 1

La première position sera rédigée et présentée par le Dr Jean Chambry, président du collège de PEA de la FFP.

Rédigée et présentée par le Dr Jean Chambry

Psychiatre d'enfants et d'adolescents

Chef de pôle au Groupement Hospitalier Universitaire de Psychiatrie et Neurosciences de Paris

Président du collège de PEA de la FFP

Past-président de la Société française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

Pionnier des consultations pour l'accompagnement des mineurs trans avec création d'une consultation il y a 15 ans, un des fondateurs du réseau parisien à l'origine de la plateforme Trans santé Jeunes

Les réponses aux questions proposées sont issues

- De l'expérience du suivi de 200 patients depuis 15 ans

- De l'expérience issus du réseau de soin Trajectoire Jeune Trans réunissant les services de PEA de l'hôpital Robert Debré, de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et le GHU psychiatrie et neurosciences de Paris (Pole du Dr Chambry et du Dr Doyen)

- De l'article Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Ile de France Lagrange et all Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence

- De l'avis du défenseur des droits n 24-05 du 6 Mai 2024

- D'une revue de la littérature internationale scientifique sur le sujet (auteurs et années précisée dans le document)

Ces réponses ont été validées par les professeurs de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent suivant :

- Pr Olivier Bonnot, Pr David Cohen, Pr Ludovic Gicquel, Pr François Medjkane, Pr Jean Michel Pinois, Pr Jean-Phillipe Raynaud

- Dr Louis Tandonnet membre du conseil d'administration de la Société Française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

- Pr Mario Sperenza, président du conseil scientifique la Société Française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

- Catherine Lacour-Gonay Présidente élue de la Société Française de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et des disciplines associées

- Anne Vachez-Gatecel, Psychomotricienne, Psychologue clinicienne, Directrice de l'IFP-Sorbonne Université

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Il est important de différencier le questionnement de genre qui fait partie des dimensions interrogées au cours de l'adolescence. (Ces questionnements peuvent apparaitre dans tous les espaces qui reçoivent des adolescents et doivent pouvoir être accompagnés par les professionnels de santé, et du monde éducatif sensibilisés à ses questions) et le vécu de transidentité. Ce vécu repose sur un ressenti profond intrinsèque et non visible pour les autres d'une incongruence entre le sexe d'assignation à la naissance et le genre vécu. Chez certains adolescents trans ce vécu s'accompagne d'une souffrance importante en lien avec les caractères sexuels primaires et surtout secondaires source d'une demande de transition médicale voire chirurgicale. Par ailleurs il est important qu'il existe un accompagnement sociétal beaucoup plus large, notamment au niveau des protocoles scolaires et des stratégies de destigmatisation comme elles sont proposées dans d'autres pays. Cela devrait faire partie d'une stratégie d'amélioration générale de l'acceptation de la différence qui est un facteur de diminution de souffrance psychologique

Majoritairement les mineurs ayant une demande de transition médicale sont pris en charge dans des réseaux pluridisciplinaire dans lesquels sont associés des psychiatres d'enfants et d'adolescents, des psychologues, des psychomotriciens, des endocrinopédiatres, des médecins de la reproduction, des médecins généralistes. Ces réseaux accueillent tous les professionnels qui le souhaitent, à la fois des professionnels des services publics mais aussi libéraux. Ces réseaux sont coordonnés par des hôpitaux des services publiques. En Ile de France, ce réseau a fait l'objet d'un financement spécifique par l'ARS.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Dans les réseaux précédemment décrits, les mineurs font l'objet d'un accompagnement pluriprofessionnel (médecins, infirmiers, psychologues, ...), pluridisciplinaire (psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, endocrinopédiatre, médecin généraliste, médecin de la reproduction, ...) et associatif. Pour chaque situation, il est proposé un espace de parole pour les mineurs, pour les parents dans le respect de chacun sans position militante et sans exercer de pression. Il est possible d'étendre cet espace de parole à la fratrie, à la famille élargie (grands parents, ...) Ensuite des soins spécifiques sont proposés en fonction de chaque situation (découverte d'un TND, d'une pathologie psychiatrique, de difficultés dans la famille, dans le projet scolaire ou professionnel...). Enfin de la pair-aidance est proposée ainsi que du soutien associatif en fonction du souhait du mineurs et de ses parents.

Avant tout traitement médical les professionnels qui connaissent et suivent le mineur et ses parents présentent la situation clinique en RCP.

Les RCP sont organisées par la coordination du réseau pluridisciplinaire selon les règles de l'HAS.

Les décisions sont prises dans le respect de l'autorité parentale et l'évaluation bénéfices/risques et en appui des données les plus récentes de la littérature scientifique.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

La transidentité s'inscrit dans une évolution de la notion d'identité de genre. L'identité de genre est une notion qui fait appel à des champs épistémologiques divers : sociétal, sociologique, anthropologique, psychologique, politique, .... Aussi la transidentité ne peut pas être identifiée comme une pathologie psychiatrique.

Quand les adultes souhaitent entrer dans un parcours de transition médico-chirurgicale, il est nécessaire que les professionnels de santé qui reçoivent ses demandes soit formés aux enjeux de santé mentale et en capacité d'orienter vers la psychiatrie quand il existe des co-occurences psychiatriques qui sont d'ailleurs plus fréquentes qu'en population générale notamment en raison du risque de stigmatisation (troubles anxieux, troubles dépressifs, ...).

L'accès au parcours de transition médico-chirurgicale ne doit pas dépendre de l'obligation d'une évaluation psychiatrique.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Une évaluation et un suivi psychologique pour les adultes ne doivent pas être obligatoire. Il doit être proposé dès qu'il est nécessaire par les professionnels de santé et être discuté avec le patient.

D'après le rapport final au NHS England du Dr Hilary Cass, les recommandations proposent une approche différente des soins de santé, plus étroitement alignée sur la pratique clinique habituelle du NHS, qui considère les mineurs de manière holistique et pas uniquement en termes de détresse liée au genre. L'objectif central de l'évaluation devrait être d'aider les jeunes à s'épanouir et à atteindre leurs objectifs de vie. Les mineurs doivent donc bénéficier d'un accompagnement pluriprofessionnel afin d'évaluer leur développement, leur discernement, leur compréhension des conséquences des décisions et d'accompagner les parents. Les enfants et les jeunes doivent recevoir une évaluation globale de leurs besoins pour éclairer un plan de soins individualisé. Cela devrait inclure le dépistage des troubles neurodéveloppementaux, y compris les troubles du spectre de l'autisme, et une évaluation de la santé mentale.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

L'encadrement législatif sur la transidentité doit se limiter aux aspects juridiques concernant la place des personnes trans dans la société (identité, accès aux droits, ...) mais comment des personnes non formées aux soins seraient plus pertinents que des professionnels de terrains. Si l'encadrement législatif peut tout fait porter sur les conditions de l'exercice médical, il apparaît donc surprenant que le législateur se positionne sur un acte médical en lui-même.

La pratique médicale doit faire l'objet de recommandations de bonnes pratiques qui sont produites soit par des sociétés savantes, soit par l'HAS.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Non.

b. Des hormones du sexe opposé ?

Non.

Ces traitements répondent aux besoins de certains mineurs et apportent un vrai soulagement. Ils doivent faire l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire spécifique et un passage en RCP avec évaluation des bénéfices/risques et prise en compte de l'autorité parentale.

Leur interdiction conduira à des pratiques non médicales comme la vente de produits sur internet par exemple. Aucun pays occidental n'en a envisagé l'interdiction. (En dehors de la Finlande).

Par ailleurs, cela ne permettra pas la poursuite des travaux de recherches scientifiques qui s'engagent actuellement en France (Lille, Paris) avec la mise en place de suivi de cohortes d'enfants et d'adolescents trans engagés dans une transition médicale.

Ce qui semble motiver cette interdiction est la crainte d'augmentation des situations de détransition. Or il n'existe pas à ce jour de chiffre clair. Ce phénomène est estimé aux alentours de 2%. Il n'a pas été démontré que la prise en charge des mineurs augmente ce phénomène de détransition qui est un phénomène complexe. En effet, l'identité de genre est un processus qui se poursuit tout au long de la vie. Il y a donc des possibilités de regret mais cela ne résume pas le phénomène de détransition. Il y a aussi un certain nombre de personnes qui souhaitent détransitionner en raison de la violence (enquête être trans dans l'UE, données de la DILCRAH) qu'elles subissent au quotidien en tant que personnes trans.

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Dans le cadre du réseau pluridisciplinaire avec la recherche des bénéfices/risques dans le cadre de la RCP.

Les prescriptions hors RCP sont à la marge d'après mon expérience au sein du réseau Trans Santé Jeunes et d'après les chiffres de la CNAM.

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Ces traitements sont bien connus. Ils sont utilisés depuis plus de 40 ans dans le cadre de la puberté précoce. Ils n'entrainent aucune séquelle malgré de la prise pendant plusieurs années dans cette indication (par exemple de 3 à 11 ans) Avis de la société Française d'endocrino-pédiatrique et avis de la société Européenne d'endocrino-pédiatrie.

Depuis plus de 20 ans dans le cadre du protocole d'Amsterdam ces traitements sont proposés dans le cadre de la transidentité des jeunes. Ces traitements sont réservés aux enfants présentant une souffrance psychique majeure (idées suicidaires, refus scolaire anxieux, scarifications) face aux transformations pubertaires. Ce traitement est totalement réversible et n'entraine pas de séquelles (pas de baisse du QI par exemple seulement un décalage dans la maturation cérébrale, comme on peut l'observer dans le retard pubertaire physiologique ou pathologique) Le retour clinique est aussi que cela n'induit pas de modification de trajectoire développementale sur le plan psycho-affectif et en termes d'entrée dans le processus psychique adolescent. Avis de la société Française d'endocrino-pédiatrique et avis de la société Européenne d'endocrino-pédiatrie.

Hormones du sexe opposé : traitement de virilisation ou de féminisation partiellement réversible. La prescription de ces. Traitements hormonaux développent des caractères sexuels secondaires (voix grave, pilosité, croissance mammaire) qui ne sont pas réversibles mais les modifications des cycles hormonaux sont réversibles. Il peut y avoir des conséquences sur la fertilité. (Recommandations de l'Endocrine Society Clinical practice Guideline 2017, European Society for sexual medicine 2020)

Ces traitements n'augmentent pas les risques carcinologiques ou cardiovasculaire si l'on compare aux personnes cis. En effet, une jeune femme trans qui prend des oestrogènes augmente son risque de cancer du sein mais pas plus qu'une femme cis. (Méta analyse Totaro 2021, Revues de littérature Mac Farlane 2018, Quintela-Castro 2023, Jackson 2023)

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non les propositions sont adaptées à chaque situation en prenant compte tous les facteurs de la vie de l'enfant et de l'adolescent en utilisation l'évaluation pluridisciplinaire des bénéfices/risques et un passage en RCP.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Non, il faut distinguer les différents types d'intervention chirurgicale participant à l'affirmation de genre. On distingue les interventions génitales (vaginoplastie, métapoiese, phalloplastie), la féminisation de visage, la torsoplastie.

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

La torsoplastie fait exception. En effet certains mineurs trans peuvent ressentir une souffrance profonde avec leurs seins, ce qui les amènent à se scarifier et porter un binder, ceinture compressive douloureuse qui a parfois des conséquences problématiques (scoliose, ...).

Après une évaluation pluridisciplinaire des bénéfices risques et passage en RCP il est possible de l'envisager, généralement à partir de 16 ans contrairement aux autres interventions.

11. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Seule la torsoplastie est parfois réalisée chez des mineurs et après discussion des bénéfices risques en RCP.

12. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Le seul risque véritable est le regret ressenti par la personne opérée. Il faudra accompagner cette demande de façon pluridisciplinaire et évaluer les facteurs participant à ce regret (évolution de l'identité de genre, victime de stigmatisation) Des opérations de reconstruction sont cependant possibles.

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non Il est étonnant qu'il faudrait interdire la torsoplastie alors même que les interventions de chirurgie esthétique sont possibles chez le mineur cis (implant mammaire, rhinoplastie, gynécomastie chez les garçons cis ...) avec l'accord des détenteurs de l'autorité parentale.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Impossible de répondre n'ayant pas les connaissances juridiques suffisantes.

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Impossible de répondre n'ayant pas les connaissances juridiques suffisantes.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Le termes dépsychiatrisation vise, dans la communauté médicale et scientifique sur cette thématique, à pouvoir affirmer qu'il n'y a pas de contre-indication psychiatrique à réaliser un parcours de transition et que toute personne peut bénéficier de soins psychiatriques qu'ils soient spécifiques ou en termes d'accompagnement la transition sociale s'il le nécessite.

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Oui c'est pertinent car il a été démontré que :

1. Les mineurs trans présentent davantage de TND que dans la population générale. Ces troubles doivent être diagnostiqués et pris en charge. (Lagrange 2023)

2. La transidentité est un facteur de risque de stigmatisation sources possibles de troubles anxieux et dépressifs, (James 2020)

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Il est important que l'ensemble des professionnels de santé et particulièrement de santé de mentale soient formés à l'accompagnement des questionnements de genre des mineurs.

18. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

L'accompagnement des parents et de l'ensemble des professionnels de l'enfance est très important à développer afin de soutenir le jeune dans tous les actes du quotidien.

Par ailleurs il est important d'accompagner le mineur dans toutes les dimensions de sa vie et le préparer à sa future vie d'adulte.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Augmenter les PUPH en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour faciliter l'attractivité de la discipline auprès des internes.

Développer une offre libérale de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent avec la reconnaissance d'un remboursement spécifique de l'acte de consultation et de thérapie (modèle Belge)

Modification des grilles salariales hospitalières dans la reconnaissance des niveaux de formation (orthophonistes, psychologues, ...)

Rembourser les prises en charges psychologiques et paramédicales (psychomotricité, ergothérapie,)

Créer une spécialisation en psychiatrie pour les infirmiers

Développer les possibilités de formation de l'ensemble des professionnels en veillant à ce que les formations puissent être délocalisées dans les territoires non universitaires

Position 2

La position 1 (Dr J Chambry) et la position 2 (Dr C Zittoun) divergent sur certains points. Reflets des positions de la communauté des pédopsychiatres, elles permettent, nous l'espérons de prendre la mesure de la complexité de cette question.

Rédigée et présentée par le Dr Catherine Zittoun

Psychiatre d'enfants et d'adolescents

Chef de pôle au Groupement Hospitalier Universitaire de Psychiatrie et Neurosciences de Paris

Présidente de collège de PEA de l'AFPP (association francilienne des pédopsychiatres)

Membre du CA de l'API (association des pédopsychiatres des intersecteurs et des CMPP)

Chevalier de l'Ordre National du Mérite

Les réponses aux questions proposées sont issues :

- de 30 ans d'expérience de pédopsychiatre spécialisée auprès des adolescents ;

- de l'expérience acquise de la consultation pour adolescents en demande de transition de genre et/ou en questionnement et en souffrance quant à leur identité sexuée (suivi de ces adolescents et de leurs familles). Cette consultation a été ouverte il y a 4 ans avec le Dr Anne Perret qui bénéficiait alors d'une expérience de plusieurs années dans ce domaine ;

- du séminaire clinique organisé depuis 4 ans par le pôle de PEA 75I11(GHU) ;

- de l'article paru dans le numéro 269 (juin 2022) de la Revue santé Mentale ;

- de l'article rédigé à la demande de la revue l'Evolution Psychiatrique à paraitre (Titre : De la demande de transition au passage adolescent, une proposition de dispositifs à l'ère des mutations sociétales) ;

- d'une revue régulièrement réactualisée de la littérature internationale sur le sujet.

La position 2 est, à bien des égards, conforme à la déclaration de la Société Européenne de psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent (ESCAP) sur la dysphorie de genre chez l'enfant et l'adolescent. L'ESCAP regroupe 36 sociétés de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent dont la liste est facilement consultable.

Cette déclaration appelle l'ensemble des professionnels de santé "à ne pas promouvoir des traitements expérimentaux et inutilement invasifs dont les effets psychosociaux n'ont pas été prouvés et, par conséquent, à adhérer au principe "primum-nil-nocere" (d'abord ne pas nuire)". L'ESCAP a souligné la faible fiabilité et l'instabilité d'un diagnostic de dysphorie de genre chez un enfant donné au fil du temps et les effets possibles des décisions visant à bloquer la puberté sur le développement psychosocial d'un enfant. 

L'ESCAP a formulé plusieurs recommandations clés axées sur la génération de recherches de qualité dans le domaine de la gestion de la dysphorie de genre chez le jeune.

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Les mineurs peuvent être pris en charge dans des réseaux pluridisciplinaires dans lesquels sont associés des psychiatres, des psychologues, des endocrinopédiatres, des médecins de la reproduction, des juristes (cf Position 1).

Les mineurs peuvent être également pris en charge par des consultations spécialisées sur les intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile, soit en première intention, soit quand les parents et/ou l'adolescent requièrent un deuxième avis. Ils peuvent également pris en charge par le secteur libéral.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription respectent insuffisamment ce principe de prudence. L'évaluation d'une demande explore insuffisamment l'ensemble des facteurs qui poussent un jeune à cette demande de transition.

D'une part, il y a une temporalité propre à l'adolescence (temps « compacté » de l'adolescent qui demande le plus souvent des solutions « urgentes »)

Par ailleurs, les problématiques transidentitaires qui émergent à l'adolescence s'inscrivent dans la psychodynamique propre à cet âge et recouvrent l'ensemble de la psychopathologie de l'adolescence.

Parmi les facteurs poussant un jeune à une demande de transition, figurent des facteurs cliniques que l'on retrouve souvent dans les dysphories de genre (antécédents de dépression dans l'enfance ou dépression actuelle, malaise % corps inhérent à l'adolescence, malaise face à une fréquente puberté précoce chez les filles, problématique familiale, liens mère-fille, antécédents d'abus sexuels, ..., pression par les pairs et les réseaux sociaux).

Par ailleurs, il y a lieu de différencier, sur ce sujet de la dysphorie de genre, la clinique des filles et la clinique des garçons.

Sur le plan de la clinique, il est également pertinent de différencier les problématiques transidentitaires fixées dans la petite enfance (très rares) et celles qui émergent au moment de la puberté.

Bon nombre de parents d'adolescents en demande de transition rapportent que, rapidement après de premières évaluations, il est souvent fait pression sur eux pour accéder à la demande du jeune (on leur met en avant le risque suicidaire si on n'accède pas à la demande du jeune alors même que dans certains cas le jeune n'a pas de velléités suicidaires). En outre, ceci discrédite et met en défaut l'autorité parentale.

Lors des réunions de concertations (RCP) qui sont censées élaborer une décision quant à la prescription de bloqueurs de puberté, les dossiers sont très vite passés en revue et ne font pas l'objet d'une réelle discussion clinique.

De plus, dans ces réunions de concertation (RCP), sont présents des membres représentants des associations Trans, militantes, et qui jugulent la parole des intervenants (c'est ce qui a, en tout cas, été rapporté par des collègues venus présenter des dossiers à ces RCP)

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

Cette problématique (demande de réassignation) en très forte augmentation résulte d'une interaction complexe entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociétaux. Les problématiques repérées chez les adolescentes en demande de transition ne sont pas différentes de celles observées il y a 30 ans chez les adolescentes avec anorexie mentale. Ce qui diffère aujourd'hui est la réponse apportée par la société, l'impact des réseaux sociaux sur les choix des adolescents, la détresse adolescente face aux enjeux actuels et les perspectives du monde.

Les demandes de réassignation ne s'inscrivent pas le plus souvent dans le cadre d'une pathologie psychiatrique. Cependant ces demandes de réassignation sont fréquemment liées, du moins à un mal-être adolescent, sinon à une dépression de la préadolescence, à une entrée dans la psychose, à des antécédents de maltraitance, d'abus sexuels, de trauma complexe, qui ont pu contribuer à un mal être et à des difficultés relationnelles avec les pairs, ou bien à des troubles du développement, ou encore à des troubles psychiatriques dans la famille ou un dysfonctionnement familial. Un examen psychologique approfondi et tenant compte de questions psychodynamiques et psychomotrices est nécessaire (avec l'aide de test projectifs, cognitifs...), associé à une évaluation familiale, qui devrait conduire au moindre doute à une évaluation psychiatrique.

Que la HAS demande de « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation », que les RCP soient organisées par la coordination du réseau pluridisciplinaire selon les règles de l'HAS (alors qu'elles comportent des représentants des associations Trans), ceci doit nous obliger à nous questionner. En effet, malgré les demandes de plusieurs d'entre nous, nous ne sommes pas arrivés à savoir quelles sont les personnes qui participent à cette commission HAS. Nous pouvons dès lors nous demander si elles représentent bien toutes les tendances et les courants professionnels oeuvrant dans ce domaine.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Oui, une évaluation et un suivi psychologique précédant toute transition médicale sont nécessaires : une évaluation afin d'exclure l'existence de troubles psychiatriques et/ou afin d'identifier l'existence éventuelle d'un mal-être adolescent ou de difficultés psychologiques le plus souvent associés au préjugé d'une causalité profane en cours parmi les pairs : « ton mal-être vient du fait que tu es né dans le mauvais corps ». 

Il est également important qu'un travail psychothérapique soit proposé et mis en place afin d'introduire un espace de questionnement et de réflexion. Cette transition médicale n'est pas un acte anodin, elle doit pouvoir être accompagnée et éclairée pour l'adolescent, qui au terme d'un travail psychothérapique pourrait, s'il persiste dans sa démarche, comprendre les facteurs qui président à son choix et donc se construire psychiquement et se positionner en tant que sujet de sa vie et de son désir.

Bon nombre de cliniciens ont accompagné ces adolescents et le travail par la parole a débouché sur d'autres questions et les adolescents ont, dans le cours de ce travail, abandonné leur demande initiale de réassignation.

Le travail clinique avec les parents est également fondamental via des consultations familiales voire des thérapies familiales (Le symptôme transidentitaire est souvent en lien avec des enjeux de filiation et à ce qui se transmet des identifications sexuées entre les générations).

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Idéalement, une pratique médicale devrait être encadrée par les recommandations de bonne pratique de l'HAS.

Mais en l'occurrence, et vues certaines dérives -composition énigmatique de la commission de l'HAS, doutes sur la représentation des différentes positions sur ce sujet, présence de représentants des associations Trans -non tenus par le secret médical- aux RCP,...-, il est prudent que ces pratiques médicales soient encadrées également sur le plan législatif, sans pour autant que cette législation ne soit sous-tendue par une quelconque idéologie (qui aboutirait à une réponse tranchée : oui ou non).

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Oui

b. Des hormones du sexe opposé ?

Oui

Des études mettent en avant des effets secondaires des bloqueurs de puberté. Quoique ces résultats ne soient pas partagés par toutes les études, et en attendant une étude qui fasse consensus, le devoir médical nous invite à adopter le principe de précaution.

De plus, la maturation du cerveau (cortex préfrontal) se termine en moyenne à l'âge de 25 ans et la modification du bain hormonal lié aux bloqueurs de puberté et aux hormones croisées pourrait avoir un impact sur ce développement. Dans l'attente d'études qui éloigneraient tout risques dans ce sens, nous nous devons d'adopter le principe de précaution.

Rappelons à ce sujet la déclaration de la Société Européenne de psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent (ESCAP) sur la dysphorie de genre chez l'enfant et l'adolescent. (cf introduction)

Un récent rapport commandé par la NHS England (système publique de santé) et rédigé par la pédiatre Hilary Cass conclut qu'on n'a aujourd'hui pas suffisamment de connaissance quant aux effets à long terme des bloqueurs de puberté sur les enfants ressentant ou présentant une dysphorie de genre. Il est donc impossible d'affirmer que ces traitements sont sûrs ou non, ni dans quels cas ils peuvent être bénéfiques pour les enfants.

De nombreux rapports indiquent que les bloqueurs de puberté sont efficaces pour réduire la détresse mentale de ces enfants, mais comme le montre le rapport récent de la NHS par une revue systématique de la littérature, la qualité de ces études est médiocre. La revue systématique de l'Université d'York n'a ainsi trouvé aucune preuve qui permettrait d'affirmer que ces traitements améliorent l'image corporelle ou la dysphorie. De plus il n'y a pas d'éléments suffisants pour affirmer qu'ils auraient un effet positif sur la santé mentale. Il existe quelques exemples qui pourraient le laisser penser. Mais encore faut-il le démontrer scientifiquement. Car sans groupe témoin fiable, ces cas pourraient relever d'un effet placébo ou d'un soutien psychologique concomitant.

Le rapport du Dr Cass pour la NHS conclut aussi que l'utilisation des hormones croisées (masculinisantes ou féminisantes) chez les moins de 18 ans, présente également de nombreuses inconnues malgré leur utilisation de longue date dans la population transgenre adulte. Le manque de données de suivi à long terme sur les personnes commençant un traitement à un âge plus précoce signifie que nous ne disposons pas d'informations adéquates sur l'éventail des résultats pour ce groupe

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Il n'est pas rare que ces traitements soient prescrits en dehors des RCP, qui sont, bien souvent et malheureusement, plus un passage en revue de dossiers que le lieu de réelles réflexions cliniques (cf réponses aux questions précédentes)

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Pour les bloqueurs de puberté : incidence sur la minéralisation osseuse et possiblement sur la fertilité. Les études montrent, par ailleurs, que la plupart des jeunes qui prennent des bloqueurs s'engagent dans une trajectoire de transition avec une prescription d'Hormones croisées après les bloqueurs, c'est à dire que les bloqueurs engagent très souvent dans une trajectoire de transition médicale. De plus, les bloqueurs arrêtent la puberté. On peut se demander aussi quelle incidence peut avoir l'absence de transformations corporelles pubertaires sur les processus psychiques propre à l'adolescence.

Quant aux effets secondaires des hormones croisées, des études ont montré des effets secondaires multiples (métaboliques, cardio-vasculaires, augmentation des risques cancérigène, effets sur la libido...). Ces résultats doivent être étayés par d'autres études.

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Oui (âge minimum 18 ans : ce qui laisse du temps à la réflexion et à l'élaboration - réelles RCP avec élaboration et discussions cliniques)

Question des jeunes majeurs qui s'engagent parfois très rapidement dans une transition médicale et chirurgicale sans avoir eu le temps de mûrir leurs décisions.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Non, il faut distinguer les interventions génitales des autres types d'intervention comme la torsoplastie ou la féminisation du visage

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Oui

Problème des jeunes majeurs qui s'engagent parfois très rapidement dans la chirurgie

Attention, toutes ces interventions sur le corps vont dans le sens des pratiques du corps augmenté, question sociétale et éthique majeure.

11. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Je ne sais pas

12. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Les torsoplasties ont un caractère irréversible.

Actuellement, nombre de cliniciens font état d'un nombre croissant de jeunes « détransitionneurs » qui regrettent ces interventions.

Il leur est dit alors que des opérations de reconstruction sont possibles. Mais on ne change pas de corps comme on change de chemise ! Le corps et les interventions chirurgicales ne devraient pas être un produit de consommation.

Ceci rejoint les pratiques de « corps augmenté » et la médicalisation de problématiques adolescentes.

Il serait par ailleurs pertinent de documenter les chiffres en santé publique. Quel est le coût de ces interventions ? A qui profitent-elles (secteur libéral ? cliniques ? endocrinologues ? Chirurgiens plasticiens ?)

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Oui : âge > 18 ans

Législation pour les torsoplasties pratiquées avant 18 ans

Réelles RCP avec élaborations cliniques et réflexions interdisciplinaires, entre médecins et en dehors des représentants des associations Trans.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Je ne suis pas légitime pour répondre à cette question

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Oui

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Non

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

La santé mentale de ces jeunes est insuffisamment prise en compte dans l'évaluation de la demande ; et les personnes qui ont détransitionné et témoigné mettent en évidence à quel point ces transitions peuvent avoir un impact négatif sur la santé mentale. Si ces personnes ne représentent qu'une petite partie, le principe de précaution s'impose.

Une fragilité psychique accompagne la période de l'adolescence et il y a lieu de resituer la problématique transidentitaire dans le cadre de la psychodynamique et de la psychopathologie adolescente.

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Il est important que l'ensemble des professionnels de santé et particulièrement de santé mentale soient formés à l'accompagnement des questionnements de genre des mineurs.

Et qu'ils soient formés par des équipes pouvant soutenir des points de vue et des approches complémentaires et potentiellement dissonantes.

18.La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Importance des consultations familiales voire de thérapies familiales. Resituer le symptôme transidentitaire dans les enjeux de transmission intergénérationnelle.

Soulignons enfin qu'en se limitant au seul recueil de données quantifiées puis à l'application de mesures centrées exclusivement sur les symptômes, on écarte la référence à l'éthique. Celle-ci se relie en effet à des interrogations permanentes sur ce qui constitue l'humanité du sujet, sa prise de conscience de ce qui l'anime, et sa clairvoyance psychique. Ces   interrogations excluent une réponse totalisante. Des territoires restent dans l'ombre, des incertitudes s'expriment dans le choix entre différentes options. Dès lors il importe de prendre le temps d'accompagner cette réflexion en laissant le processus ouvert et permettre qu'advienne éventuellement une réponse créative et pas trop amputante.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Augmenter les PUPH en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour faciliter l'attractivité de la discipline auprès des internes.

Augmenter le nombre de pédopsychiatres et créer les conditions d'une attractivité de cette profession

Modification des grilles salariales hospitalières dans la reconnaissance des niveaux de formation (orthophonistes, psychologues, ...)

Créer une spécialisation en psychiatrie pour les infirmiers

Concernant l'offre libérale en la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent :

- revalorisation par un doublement du CS psy enfant-ado autant pour l'acte de consultation que celui de thérapie (prise en compte des différents temps passés avec le jeune, sa famille, et des liens de coordination + reconnaissance -valorisation du temps de réunion- réseau à l'extérieur). Tout cela équivaut à se rapprocher du modèle belge qui comprend une grille tarifaire à la fois diversifiée en fonction de la nature de l'acte, et ajustée en termes de service rendu (certaines consultations complexes en plusieurs temps ont un remboursement sup à 200 euros)

- Conventionnement - remboursement des professionnels de la santé mentale (Psychomotricien, éducateur, ergothérapeute) sur prescription médicale sans que cela n'entame l'attractivité en secteur public Donc les grilles salariales hospitalières doivent avant toute chose être revues

Redonner du sens aux métiers de la pédopsychiatrie :

- meilleures conditions au quotidien (dont spatiales, foncières, l'hôpital public est dans un état déplorable à bien des endroits - ce n'est pas du tout le cas dans l'associatif, le libéral)

- Stop à la culpabilisation des équipes qui ne sauraient pas se réorganiser, s'adapter ; c'est l'offre de soin qui est sous-dimensionnée par l'absence de politique à la hauteur des besoins

- Tripler les budgets de formation pour tous les professionnels en pédopsychiatrie 

TRANS-SANTÉ FRANCE

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Aujourd'hui, les mineurs en questionnement de genre sont en règle générale écoutés, pris en charge et accompagnés (pas nécessairement vers une transition) par des structures spécialisées, comme, par exemple, au CHU de Lille, à l'AP-HP (Pitié-Salpêtrière, Robert Debré...), au CIAPA (Centre Intersectoriel d'Accueil pour Adolescent à Paris) ... Les Maisons de l'Adolescent, les maisons de santé, des médecins généralistes et quelques spécialistes compétents dans le domaine des variances de genre contribuent également à cette écoute et à cet accompagnement.

Il faut constater que ces structures sont trop peu nombreuses et que les délais de prise en charge sont très longs, ce qui représente une souffrance et un danger particuliers pour une population fragile et en quête d'écoute, de bienveillance et de reconnaissance.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

a. Quel regard portez-vous sur ces recommandations ?

Cette position de l'Académie de Médecine est légitime, mais a donné l'impression que les professionnels de santé ne respectaient pas cette « grande prudence médicale ». L'Académie de Médecine a également donné l'impression qu'elle répondait complaisamment à nombre d'associations radicales et de politiques véhiculant des contre-vérités à l'encontre de l'accompagnement des mineurs trans (ablation des testicules et des seins, traitement hormonal des enfants, selon l'Observatoire de la petite sirène et Ypomoni, ou prescription sans réserve des bloqueurs de puberté...).

b. Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ?

Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Ces mêmes associations et politiques veulent faire passer les professionnels de la santé, connaisseurs des transidentités, pour des irresponsables, des prosélytes, voire des monstres, comme Éric Zemmour a osé le faire en les qualifiant de « Docteur Mengele ».

Or, en France, ce principe de prudence est particulièrement respecté. Les bloqueurs de puberté sont prescrits dans des situations de grande détresse après un suivi pédopsychiatrique et avec un suivi post-prescription. Les hormones croisées peuvent être prescrites dès 15-16 ans, là encore dans des situations « extrêmes » (dépression sévère et/ou risques suicidaires), là encore avec un suivi post-prescription. Quant aux opérations chirurgicales, elles ne peuvent se pratiquer qu'à la majorité de 18 ans, exception faite de la torsoplastie, une fois encore dans des situations extrêmes.

Tout cela en accord avec les parents et l'équipe médicale qui aura informé clairement sur « les bénéfices et les risques », les effets secondaires éventuels, les contraintes et les irréversibilités possibles, en offrant aussi la possibilité de conservation des gamètes.

Il faut dire et redire que, contrairement à ce qu'affirment certaines et certains ignorants de la réalité humaine des enfants trans, les bloqueurs de puberté, les traitements hormonaux et les torsoplasties restent des interventions médicales peu prescrites, répondant simplement à une aide au bien-être du mineur concerné, selon la définition du terme « santé » par l'OMS. Les professionnels de santé sont pleinement dans leur responsabilité professionnelle.

La réalité des mineurs trans correspond majoritairement à une transition sociale, dans le vécu de leur genre ressenti. Les équipes médicales les aideront, ainsi que leurs parents, à comprendre cette situation, à la vivre au mieux et les accompagneront si nécessaire. Tout cela sans prosélytisme, certaines situations pouvant être simplement transitoires. Mais pourquoi interdirait-on à un enfant d'être heureux dans son esprit et sa vie ?

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

Globalement, nous ne pouvons que soutenir la dépsychiatrisation, puisque, depuis 2010 pour la France, précurseure avec Roseline Bachelot, ministre de la Santé, et depuis 2022 pour l'OMS, les transidentités ne sont plus considérées comme des troubles psychiatriques. En revanche, comme n'importe quel patient, une personne trans, souvent touchée par le stress des minorités ou en questionnement, peut souhaiter consulter un professionnel de la santé mentale. Ce qui est évident, c'est que ce n'est pas à un psychiatre de délivrer un « certificat de transidentité ». Nous défendons l'autodétermination éclairée.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ?

Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Pour les jeunes mineurs trans ou en questionnement, une évaluation ou un suivi psychologique ne sont bien évidemment pas nécessaires dans le cas d'une transition sociale. Dans le cas d'une demande d'accompagnement médical, dans les situations évoquées précédemment, un accompagnement et une prise en charge pédopsy sont assurés.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Plusieurs de ces décisions étrangères sont souvent interprétées de manière partiale et incomplète, en oubliant les paramètres locaux et la réalité française.

Une loi basée sur l'interdiction et la psychiatrisation, s'apparentant aux thérapies de conversion interdites en France, serait une réponse inhumaine et dangereuse. Elle reviendrait à nier la réalité et l'existence des mineurs trans. Elle reviendrait à ignorer l'extrême souffrance de ces jeunes à qui on interdirait d'être soi, de vivre leur vie telle qu'ils la ressentent. Les deux tiers des jeunes trans ont pensé au suicide et un tiers ont déjà fait au moins une tentative de suicide. Et contrairement à ce qu'affirment certains « ignorants », non pas à cause de leur transidentité, mais parce qu'être trans est très difficile dans une société encore transphobe avec ses rejets, ses incompréhensions, ses discriminations, ses moqueries... Alors, parler de « mode », de « lubie », de « choix », d' « épidémie » est d'une extrême violence face à ces jeunes qui peinent à pouvoir être simplement « soi-même».

Être un jeune trans serait-il un crime qui nécessite une loi l'interdisant et promouvant, sans le dire clairement, les thérapies de conversion pour le remettre « dans le droit chemin » ? Quel mal un jeune trans fait-il à la société ? Les homosexuels ont vécu ce même rejet législatif jusqu'en 1982.

5. L'existence de regrets, de mal-être persistant voire de « détransition » peut poser la question du consentement éclairé des jeunes s'engageant dans le traitement médical d'un changement de genre. Constatez-vous dans vos réseaux une hausse de ces cas ou de ces questionnements parmi les personnes accompagnées et si oui quelles réponses y apportez-vous ?

Toutes les études et les suivis de jeunes trans montrent un chiffre très réduit (1 à 2 %) de retransitions ou « détransitions », confirmés par nos membres au contact avec les jeunes concernés. Là encore, cette situation ultra-minoritaire, mais réelle et qu'il faut accompagner, est mise en avant comme argument pour vouloir interdire toute transition aux mineurs.

Devrait-on imposer à 98 ou 99% d'une population un terrible mal-être pour 1 à 2 % de « regrettants » ? À noter que nombre de retransitions sont souvent liées à des contextes de rejets familiaux ou professionnels.

Et quand bien même, un jeune trans retransitionnerait dans son genre de naissance, s'il a pu être heureux et vivre sa jeunesse dans le genre qui a semblé être le sien à un moment donné, pourquoi lui interdire ?

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

6. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

b. Des hormones du sexe opposé ?

Interdire les bloqueurs de puberté et les hormones de sexe opposé qui, rappelons-le, ne concernent qu'une petite partie des ados trans, signifierait leur mise en danger. Sans compter qu'une telle décision conduirait une partie de ceux-ci à se procurer leur traitement sur Internet, sans suivi médical, avec, évidemment, tous les dangers induits.

7. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ? Par quels professionnels de santé ?

La prescription de ces traitements répond à des besoins de santé, le plus souvent dans des situations d'urgence (dépression sévère, scarifications, déscolarisation, désocialisation, tentatives de suicide...). Ils sont prescrits par des endocrinologues pédiatriques.

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Comme tous traitements, ils peuvent, selon les patients, induire des effets secondaires. Ils sont discutés avec les jeunes concernés et leurs parents. Un suivi rigoureux du traitement est assuré. Les bloqueurs de puberté sont réversibles. Contrairement à ce qu'affirment les « ignorants », ils ne sont absolument pas expérimentaux et dangereux ; depuis des décennies, ils sont prescrits aux jeunes pré-pubères et tous leurs effets sont parfaitement documentés. Alors, pourquoi seraient-ils autorisés aux jeunes cis (non trans) et refusés aux jeunes trans ? Discrimination légale ?

Les hormones croisées peuvent présenter un caractère irréversible. Elles ne sont prescrites que dans des « situations de danger » du jeune trans, en règle générale pas avant 16 ans. Concomitamment, il lui est proposé une conservation de ses gamètes.

9. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Il ne faudrait aucune mesure législative sur cette question. La Haute Autorité de Santé (HAS), compétente dans ce domaine, est en train de travailler avec un groupe d'experts sur des recommandations en matière d'accompagnement et de prise en charge des personnes trans.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

10. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Aujourd'hui, on parle plutôt d' « opérations d'affirmation de genre ». Elles ne concernent pas les mineurs, sauf, comme expliqué précédemment, les torsoplastie (ablation des seins) dans des situations de mal-être devenu totalement insupportable pour le jeune trans qui ne supporte pas ses seins et s'impose de porter un binder (ceinture compressive des seins) avec d'importantes douleurs quotidiennes et des conséquences pour les glandes et les tissus mammaires.

11. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Les torsoplasties doivent rester accessibles aux plus de 16 ans dans les conditions déjà évoquées.

12. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ?

Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Voir réponses précédentes.

13. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

La cicatrisation est longue et contraignante. Une reconstruction mammaire est toujours possible.

14. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Aucune mesure législative n'est souhaitable.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

15. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus. Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Non. Cette loi représenterait un danger considérable pour les mineurs trans.

16. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Non. Cette loi représenterait un danger considérable pour les mineurs trans.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

17. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

La prise en compte de la santé mentale des jeunes en variance de genre est fondamentale. Leur mal-être et les souffrances engendrées par les difficultés à se vivre dans une société encore peu ouverte aux transidentités provoquent pour beaucoup d'entre eux des réactions à risques : déscolarisation, désocialisation, scarification, boulimie, anorexie, dépression, tentative de suicide... D'où l'importance d'un accompagnement et d'un suivi par des pédopsychiatres et des psychologues bienveillants.

Rappelons toutefois que la variance de genre des mineurs n'implique pas forcément un suivi psy. Il ne s'agit pas de repsychiatriser les transidentités. L'accompagnement psy doit répondre à un besoin ou une nécessité, selon le choix du jeune concerné et de ses parents.

18. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie, telle que souhaitée dans la PPL, n'est évidemment pas soutenable, car, réellement, elle reviendra à développer une forme de thérapie de conversion dans le sens de cette loi qui veut interdire l'existence des mineurs trans et les « rééduquer » pour une société normée. Rappelons-nous la lutte contre les homosexuels dans les années 70 et 80.

19. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

L'accompagnement actuel, tel que développé précédemment, bienveillant et respectueux, correspond aux attentes et aux besoins des mineurs en variance de genre. Toutefois, les structures et les spécialistes sont trop peu nombreux avec des délais de prises en charge inhumains et dangereux. Une stratégie de développement de la pédopsychiatrie est évidemment souhaitable, mais dans un esprit de bienveillance et de respect des différences.

20. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Il faudrait en effet un grand plan de formation et d'incitation en faveur de la pédopsychiatrie et de la psychologie, notamment avec une meilleure connaissance des transidentités. Il convient également d'associer les médecins généralistes, médecins de premier recours, proches de leurs jeunes patients et de leurs parents.

Conclusion : TRANS SANTÉ France, ses médecins et paramédicaux, ses personnes concernées et leurs proches, ses associations adhérentes, ses universitaires, chercheurs, juristes, alliés, s'inquiètent de cette proposition de loi sénatoriale et de ses conséquences incroyablement dangereuses et discriminatoires à l'égard d'une population fragile et vulnérable. Comment les valeurs de la République pourraient-elles être ainsi bafouées en rejetant l'existence et l'accompagnement des mineurs en questionnement et en variance de genre ? En quoi sont-ils dangereux au point de réclamer une loi ? Quant aux professionnels de santé qui les accompagnent seraient-ils des monstres irresponsables ?

Cette PPL, fortement teintée d'idéologie, très éloignée de la rigueur scientifique, de la réalité factuelle et des valeurs humanistes que notre association défend, intervient dans une période où nous constatons une forte et inquiétante montée de la transphobie. Elle contribue d'ailleurs à renforcer ce rejet, voire cette haine des personnes trans, en distillant des contrevérités et des messages de peur auprès d'une population majoritairement ignorante de la réalité et, par conséquent, facilement manipulable.

La République et ses élus devraient défendre le vivre-ensemble, le respect des différences, l'ouverture à l'autre, plutôt que d'imaginer une loi sans fondement, dangereuse pour la santé publique et discriminatoire à l'égard d'une partie de sa population, certes restreinte, mais réelle qui n'aspire - sans idéologie ni activisme - qu'à vivre sa vie, comme n'importe quel citoyen de ce pays.

GRANDIR TRANS

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

En préambule, il est important de ne pas confondre mineurs en questionnement de genre et mineurs transidentitaires.

Un mineur en questionnement de genre peut passer par une phase d'exploration et revenir à son genre assigné à la naissance, il peut également ne pas se sentir bien dans l'injonction sociétale des stéréotypes assignée à son genre. Le genre fait partie de la construction identitaire, il est tout à fait normal et sain d'ailleurs de pouvoir le questionner.

Les mineurs transidentitaires ne questionnent pas leur genre, ils ressentent un vécu dans le genre opposé de leur sexe de naissance. Ces enfants et adolescents sont donc en souffrance et finissent par dire à leurs parents ce qu'ils et elles ressentent.

Aujourd'hui nos familles sont prises en charge par des CHU où il existe des dispositifs pluridisciplinaires comme celui de la Pitié Salpêtrière ou celui de Lille ou dans des villes où des RCP existent (réunions de concertations pluridisciplinaires autour du jeune).

Lorsqu'une famille est prise en charge par le libéral, nous nous assurons que ce libéral ne pratique pas de thérapie de conversion et nous conseillons de se diriger tout de même vers des dispositifs de professionnels de santé spécialisés.

Une attente, aujourd'hui, de 18 mois est nécessaire pour avoir un RDV, ce qui pour un enfant en grande détresse de santé mentale peut s'avérer être dangereux.

Des consultations pédopsychiatriques sont effectuées avant de parler de transidentité. Selon l'état de santé mentale du mineur, ces consultations peuvent s'effectuer sur un laps de temps différent (1 an à 2 ans dans certains cas connus).

L'objectif pour le pédopsychiatre étant d'évacuer tout autre trouble de santé mentale. Lorsque c'est le cas et que la transidentité est posée, un parcours pluridisciplinaire est proposé (pédopsychiatre - endocrinologue - orthophoniste - et autres médecins spécialisés si nécessaires).

L'approche de ces équipes consiste à écouter le ressenti de l'enfant et à le laisser explorer son genre dans son milieu familial, social et scolaire et cela, à son rythme. Elle consiste également à aider l'enfant à mieux se percevoir et à mieux gérer ses émotions.

Seule la transition sociale est mise en place dans un premier temps et ce jusqu'en moyenne 16 ans.

Le seul traitement accordé, au cas par cas, dans une transition sociale sont les bloqueurs de puberté. Ceux-ci sont prescrits de manière très encadrée avec des prises de sang tous les 3 à 6 mois sur des mineurs qui ont des comportements autodestructeurs lors de leur puberté (tentative de suicide, scarification). Des examens de contrôle sont effectués avant la prise des bloqueurs (prise de sang, contrôle du coeur, de la densité osseuse) afin de vérifier qu'il n'y a pas de contre-indications. Les parents sont informés de manière détaillée des risques et du contrôle à effectuer sur l'enfant pour éviter les problèmes. Ces bloqueurs soulagent fortement le jeune dans une projection qui lui permet de traverser son adolescence plus sereinement. À l'approche des 16 ans et de manière collégiale avec les parents et les médecins, si l'enfant s'est senti soulagé en explorant le genre opposé (ce qui arrive souvent dans le cas d'une transidentité avérée), un traitement d'hormonothérapie est discuté. Lorsqu'il est prescrit, le mineur doit faire des prises de sang régulières pour vérifier le début de la transition et donc de la puberté dans le genre ressenti. Les consultations psychiatriques sont renforcées pour voir si la dysphorie de genre diminue.

Pour les opérations, le discours tenu par les médecins dans ses dispositifs est très clair, il est urgent d'attendre ! Seule la torsoplastie peut être réalisée autour des 17 ans.

Nous n'avons pas connaissance de mineurs opérés de chirurgie de réassignation de sexe. Ces opérations se font, à notre connaissance, à l'âge adulte.

Pour la plupart des enfants de notre association, celles-ci sont évoquées mais très rarement demandées par nos enfants. Ils souhaitent juste pouvoir avoir une puberté qui va dans le sens de leur genre ressenti pour avoir une vie comme tous les autres adolescents.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Les parents estiment que ce principe de prudence est parfaitement respecté. Les différents spécialistes écoutent le ressenti de l'enfant et ses besoins mais prennent également en compte son histoire, son environnement familial et l'évolution de son état psychologique dans la durée.

Avant d'accéder à une demande de traitement médical, d'autres solutions sont proposées pour atténuer la dysphorie (port de binders, orthophonie pour masculiniser/féminiser la voix, prescription d'une pilule pour interrompre les règles...).

Ce n'est que si la dysphorie est intense et persistante que des traitements médicaux sont envisagés. Ses antécédents médicaux sont alors pris en compte et des examens médicaux effectués (prises de sang, échographies...).

Qu'il s'agisse de bloqueurs de puberté, d'hormones croisées ou de torsoplastie, l'ensemble de ces soins sont discutés en réunion de concertation pluridisciplinaires et les décisions sont donc collégiales.

Les effets attendus, les éventuels effets secondaires et les effets irréversibles sont clairement présentés au mineur et à ses parents. Le sujet de la préservation de fertilité est également évoqué, avec une proposition de mise en relation avec un CECOS.

L'accord des représentants légaux est recueilli, ainsi que le consentement du mineur.

Les parents estiment que le cas de leur enfant est considéré dans son individualité et qu'ils ont été bien informés au cours des rendez-vous d'information, d'ailleurs assez longs. La prise des traitements s'accompagne toujours d'une surveillance régulière (notamment des prises de sang tous les 3 à 6 mois).

La disponibilité de certains spécialistes, notamment les psychologues, en dehors des rendez-vous est également appréciée.

3. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

Concernant les États américains, il s'agit de raisons avant tout idéologiques, ce sont d'ailleurs les mêmes qui remettent en question l'IVG.

Dans les pays européens cités, la prise en charge des mineurs n'était pas la même qu'en France, notamment concernant la collégialité des prises de décision. Pour notre part, nous estimons que l'accompagnement des mineurs transgenres s'est progressivement amélioré dans notre pays, et que même si des progrès restent encore à réaliser, le modèle français pourrait servir d'exemple.

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Dans la mesure où les thérapies de conversion sont déjà interdites par la loi depuis 2022, rien ne justifie à nos yeux une évolution de la législation sur cette question.

Les parents sont les premiers à souhaiter que le parcours d'affirmation de genre de leur enfant soit encadré, que ce soit au sein des unités spécialisées comme c'est déjà le cas ou dans le secteur libéral, mais cet encadrement doit répondre à des recommandations médicales émanant de professionnels de santé spécialisés et expérimentés dans les questions de transidentité.

Par ailleurs, il est intolérable pour les parents de voir que la situation de leur enfant puisse faire l'objet d'enjeux idéologiques ou politiques. La voie de l'encadrement législatif entraîne un débat d'opinions or nos enfants n'ont pas à subir un débat sur leur droit à exister.

4. Avez-vous eu connaissance, dans le cadre de vos activités associatives, de situations dans lesquelles des mineurs ont regretté d'avoir entamé une transition médicale et envisagé une détransition ? Ces situations vous paraissent-elles évitables ?

La présidente de notre association a rencontré une seule fois la mère d'une personne transgenre qui avait entamé une transition médicale à l'âge de 17 ans puis qui avait décidé de détransitionner à 34 ans.

Au sein de notre groupe d'entraide, une maman a également témoigné avoir accompagné le questionnement de genre de son enfant pendant cinq ans avant que celui-ci ne s'affirme définitivement dans son genre de naissance à l'âge de 14 ans mais dans ce cas, aucune démarche médicale n'avait été entamée.

Au sein des groupes d'entraide entre parents, les risques de regrets et de détransition n'est pas un sujet tabou, c'est au contraire une question souvent évoquée et une question souvent posée aux spécialistes qui prennent en charge nos enfants. Nous savons donc que ces situations existent mais qu'elles sont extrêmement rares.

Concernant les détransitions liées aux pressions familiales et sociales, elles pourraient être évitées par une meilleure connaissance et acceptation de la transidentité au sein de notre société. Concernant les détransitions liées à « une évolution de l'être et du ressenti » de la personne, elles ne peuvent qu'être acceptées et également accompagnées. Dans tous les cas, il est nécessaire d'accompagner les familles vers une parentalité bienveillante qui aura pour objectif d'éviter des violences intrafamiliales et des thérapies de conversion.

5. Quelles sont les principales difficultés constatées dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ?

La principale difficulté rencontrée est clairement l'accès à des professionnels de santé formés aux questions de variation de genre. Il existe une importante disparité territoriale à ces professionnels de santé qui cause un problème d'équité dans l'accès des familles.

La qualité de l'accompagnement de ces unités pluridisciplinaires est saluée par les parents mais la disponibilité actuelle des dispositifs de soin est bien en-deçà de la demande constatée dans les familles. Elles ne sont pas présentes sur l'ensemble du territoire, ne sont pas assez dotées de moyens et les délais d'attente pour un premier rendez-vous sont souvent très longs (un an, voire plus), ce qui peut alimenter la détresse de jeunes déjà en souffrance.

Les médecins formés aux questions de transidentité ne sont pas aisément identifiables. Les associations et les groupes d'entraide permettent d'échanger des contacts mais il serait souhaitable que médecins formés, ou du moins sensibilisés, soient plus visibles afin d'éviter les prises en charge problématiques. Concernant le besoin de thérapeutes formés, celui-ci concerne évidemment le mineur, mais également parfois les parents qui sont désemparés, voire en détresse, face au questionnement ou aux demandes de leur enfant.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

6. Vous semble-t-il souhaitable d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Non, ça sauve la vie de nos enfants.

b.  Des hormones du sexe opposé ?

Non, Ils sont accordés en moyenne à l'âge de 16 ans après une exploration sociale de plus de deux ans.

Il y a un consensus scientifique et médical clair sur l'impact positif de ces traitements sur la santé mentale et le bien-être général de mineurs en grande souffrance (dépression, scarification, descolarisation, tentatives de suicides, suicides).

Les témoignages des parents de notre association vont également dans ce sens. Une interdiction de ces traitements serait donc dangereuse, pour ne pas dire criminelle. Elle les condamnerait à des années de mal-être et se traduirait par une augmentation des comportements autodestructeurs et des cas d'automédication.

Heureusement très minoritaires, ces situations hors cadre légal et surveillance médicale seraient inévitablement multipliées.

À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Ces traitements sont prescrits par des endocrinologues ou gynécologues, soit au sein d'équipes pluridisciplinaires, soit dans le secteur privé mais dans ce cas les médecins réclament une attestation d'un pédopsychiatre.

Concernant les bloqueurs de puberté, il faut pour des raisons médicales, que la puberté ait débuté. Chez les adolescents présentant une dysphorie de genre, cette période de changements provoque souvent une détresse intense et c'est donc en réponse à l'intensification de la dysphorie que ce traitement est proposé.

Les hormones croisées ne peuvent être prescrites qu'à la fin de la puberté, les questionnements de genre pouvant disparaître, ou se transformer, pendant cette période. Et là encore, elles sont prescrites en fonction de l'intensité de la dysphorie de genre de l'adolescent et de sa capacité à donner un consentement éclairé.

Dans les deux cas, l'autorisation des parents est indispensable.

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Sont-ils réversibles ?

Concernant les bloqueurs de puberté, dont on souligne le caractère réversible de leur action à leur arrêt, les effets secondaires sont la fatigue, l'irritabilité et un ralentissement du métabolisme. Le principal effet indésirable concerne la diminution de la densité osseuse. Celle-ci est non seulement surveillée pendant le traitement, mais revient à la normale quelques années après l'arrêt du traitement.

Ce traitement peut avoir un impact sur la fertilité, c'est pourquoi un protocole de conservation de fertilité est proposé.

Concernant la prise d'oestrogènes, les risques sont les mêmes que pour les femmes qui prennent une pilule (thrombose, prise de poids), tandis que pour la prise de testostérone, les effets secondaires sont les mêmes que ceux liés à la puberté masculine (irritabilité, acné...). Les effets irréversibles du traitement masculinisant sont l'augmentation de la pilosité (mais qui peut être traitée par une épilation au laser), la voix grave et l'augmentation du clitoris.

Une diminution de la fertilité future est également possible, d'où, là encore, une proposition de conservation des gamètes.

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non (voir question 3).

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Cette interdiction nous semble pertinente concernant l'hystérectomie, la vaginoplastie et la phalloplastie dans la mesure où ces opérations sont stérilisatrices, complexes et ont un risque élevé de complications. Ce qui n'est pas le cas de la torsoplastie, quelle que soit la méthode utilisée (péri aréolaire ou double incision).

Cette interdiction peut paraître plus discutable concernant les opérations de féminisation faciale ou d'augmentation mammaire qui peuvent être considérées comme des opérations de chirurgie esthétique.

10. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Dans le cadre d'un parcours d'affirmation de genre, seule la torsoplastie est autorisée sur des mineurs de plus de 16 ans. Dans les faits, très peu d'opérations sont réalisées et elles concernent des jeunes ayant plutôt 17-18 ans.

Elles sont réalisées dans les mêmes conditions que les prescriptions d'hormones, c'est-à-dire de façon très encadrée.

11. Quels sont, à votre connaissance, les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Il n'y a pas de risques particuliers attachés aux interventions de torsoplastie, outre ceux liés à toute intervention chirurgicale nécessitant une anesthésie générale.

La torsoplastie est irréversible à moins d'envisager une reconstruction mammaire.

Il est important de souligner que le taux de satisfaction de cette opération est proche de 100 %. Elle intervient après des années de port de binders et les témoignages de jeunes en ayant bénéficié sont éloquents.

12. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Comme répondu à la question 9, l'âge minimal pour les opérations de féminisation faciale ou d'augmentation mammaire pour les jeunes femmes transgenres pourrait être abaissé à 16 ans dans la mesure où elles peuvent être considérées comme des opérations de chirurgies esthétiques ou réparatrices, mais cette question doit être débattue, à notre sens, au sein des collèges de médecins, au cas par cas en fonction de l'état du mineur, et non dans un cadre législatif qui aurait pour répercussion de normer les individualités de santé mentale des mineurs par rapport à leur dysphorie. Or, il semble évident que chaque personne est différente devant un tel type de souffrance et nécessiterait une prise en charge différente. C'est le cas de nos enfants, des parcours similaires mais une prise en charge adaptée nécessaire et indispensable.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

13. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende ainsi que, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles proportionnées ?

Nous sommes opposés à l'idée de pénaliser les professionnels de santé. De telles sanctions priveraient les équipes spécialisées de la marge de manoeuvre leur permettant de prendre des décisions au cas par cas, et donc d'aider au mieux chaque mineur et en particulier ceux qui souffrent le plus.

Si les recommandations actuelles fixent l'âge minimum de 16 ans pour le début de l'hormonothérapie ou la réalisation d'une torsoplastie, c'est parce qu'il est présumé que les jeunes ne sont pas en mesure de donner leur consentement éclairé avant cet âge.

Or il est également admis qu'à âge égal, la maturité n'est pas la même d'un individu à un autre. Il est donc préférable de déterminer individuellement la capacité du jeune à donner son consentement éclairé, plutôt que de s'en tenir à un âge fixé par la loi.

14. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Clairement NON.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

15. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Nous condamnons vigoureusement cette initiative. Nos enfants ne souffrent pas d'une maladie mentale, ils et elles souffrent de dysphorie de leurs corps et d'incapacité à se projeter dans une société où la transphobie s'exprime dans les médias comme dans les projets de lois.

En l'inscrivant dans un projet de loi visant à interdire les transitions médicales aux mineurs, cette mesure nous paraît particulièrement dangereuse.

En ne proposant que la voie du soin psychiatrique pour accompagner les mineurs transgenres, elle ramène la transidentité dans le champ des maladies mentales, ce qu'elle n'est pas ! Nous rappelons qu'actuellement nos enfants sont encadrés dans un parcours de soins leur permettant de grandir normalement.

De plus, imposer « en première intention » une prise en charge psychiatrique aux mineurs transgenres présentant des troubles - et donc renvoyer la prise en compte de la question transidentitaire à un second temps - c'est chercher à nier leur ressenti et par là, contourner l'interdiction des thérapies de conversion.

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Soulignons d'abord que la plupart des mineurs transgenres vont bien et que leur transidentité n'est pas un problème lorsqu'ils sont dans un environnement familial et social bienveillant qui les laisse s'exprimer. Ce qui va leur poser problème, c'est le regard que la société va poser sur eux. Leurs troubles psychologiques sont alors directement liés à la transphobie et à la stigmatisation.

Il est évident que la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre est un enjeu important car celle-ci peut être la cause de graves dépressions, d'automutilations, d'idées suicidaires ou de tentatives de suicides et il est alors primordial que ces jeunes aient accès à un suivi adapté.

De même, la question de la dysphorie de genre peut s'ajouter à d'autres problématiques (TSA, phobies, anxiété, traumatismes...) qu'il faut alors évidemment prendre en charge mais de façon parallèle.

16. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Tous les mineurs en questionnement de genre ou transgenres n'ont pas besoin d'un suivi psychiatrique donc celui-ci ne doit pas être obligatoire.

En revanche, lorsque la dysphorie de genre entraîne des dépressions graves et des comportements dangereux, un accompagnement psychiatrique doit pouvoir être accessible, or cela est loin d'être le cas sur tout le territoire, et encore faut-il que cet accompagnement soit dispensé par des personnels formés aux questions de transidentité. Il est terrible de constater que des adolescents transgenres, hospitalisés dans des services de pédopsychiatrie après des tentatives de suicide s'y font encore mégenrer et appeler par leur prénom de naissance.

Mais surtout, la prise en charge psychiatrique ne doit pas être la seule réponse à apporter à la dysphonie des mineurs et la possibilité d'entamer un parcours de transition médicale doit être maintenue. Cela peut être salvateur !

Mettre en place une stratégie nationale de pédopsychiatrie pour le suivi des mineurs en dysphorie de genre est donc réducteur et témoigne à notre sens d'une incompréhension de ce que vivent nos enfants.

Une stratégie nationale de lutte contre la transphobie comprenant un parcours de soins pluridisciplinaires, une campagne d'information, une lutte contre les discriminations transphobes pour nos enfants, OUI mais la réduction à la pédopsychiatrie est rétrograde et remet la transidentité au champ des maladies mentales. De plus, psychiatriser la transidentité remet en cause les recherches scientifiques transdisciplinaires universitaires qui ont eu lieu et ont fait avancer la prise en charge de nos enfants.

17. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Les mineurs en souffrance devraient pouvoir être aidés au sein de leurs établissements scolaires par des personnels sensibilisés aux questions transidentitaires (médecins scolaires, infirmières...) et aux risques de harcèlement et de violence. Les programmes d'information scolaires type “Unplugged” réalisé en 6ème devrait avoir une séance dédiée à la transphobie et au harcèlement. Il est donc évident que la circulaire Blanquer doit être maintenue et respectée. Elle a été salvatrice pour beaucoup de nos familles qui passaient du temps dans les écoles pour que leur enfant puisse exister au même titre que les autres.

Les séances d'éducation à la vie affective et sexuelle, déjà prévues par la loi, doivent être effectivement dispensées afin que l'ensemble des enfants et adolescents soient sensibilisés à la diversité des identités de genre afin que ceux concernés soient mieux compris, respectés et normalisés. Cela réduirait le harcèlement de nos enfants.

Comme les personnels de l'Éducation nationale, les personnels encadrant les mineurs dans leurs activités de loisirs ou lors de séjours de vacances devraient être formés afin de mieux accueillir ces jeunes. Les mesures prévues par la circulaire Blanquer pour l'école devraient pouvoir être appliquées dans tout centre accueillant des mineurs (utilisation du prénom et pronoms demandés, accès aux espaces non mixtes en fonction de l'identité de genre...).

Les mineurs en difficulté doivent pouvoir bénéficier d'un soutien auprès d'un psychologue formé, au sein d'unités spécialisées, en libéral, ou au sein de structures sociales (CMP, planning familial, maison des adolescents...) sur l'ensemble du territoire.

La mise en relation au sein d'associations ou de groupes de parole avec d'autres jeunes en parcours d'affirmation de genre est également bénéfique. Les jeunes se sentent ainsi moins isolés, peuvent échanger sur des problématiques communes et se projeter. Le développement d'espaces d'échange, là encore sur l'ensemble du territoire, est donc à envisager.

Des campagnes d'information et de sensibilisation doivent être réalisées pour que familles et jeunes puissent réagir correctement devant la détresse d'un mineur en dysphorie de genre.

Les mineurs transgenres existent, ils sont aujourd'hui visibles, il faut pouvoir les protéger comme tout autre enfant de la République.

Il faut pouvoir former à la parentalité d'enfant transgenre. Aujourd'hui nous formons les parents, nous expliquons la transidentité comme étant une possibilité de la diversité humaine. Souvent les parents qui arrivent dans notre association sont très inquiets et ne connaissent pas les variations de la diversité humaine. Il est temps que nos institutions se mettent à la page de la science et des neurosciences, que nos institutions valorisent la recherche et respectent les lois. La transphobie est un délit, il faut tout faire pour respecter ce principe de lois. Nos enfants veulent être des enfants parmi tous les autres, ils doivent pouvoir exister, apprendre, jouer, partir en voyage de classe, faire du sport, vivre en société en toute sécurité.

Nous avons le devoir de faire d'eux des citoyens responsables mais nous nous heurtons sans cesse à la transphobie sociétale, éducationnelle et institutionnelle, comment faire pour leur donner confiance à ce titre, en notre République qui les rejette sans cesse ?

18. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Voir la réponse 17 - La prise en charge des mineurs transgenres doit avoir une réponse plurielle de la société qui permettra de lutter contre la transphobie. La société française lutte contre l'homophobie depuis des années, et il y a eu de réelles avancées sur ce point, il est temps pour La France de lutter contre la transphobie ; formations des adultes qui entourent le mineurs (enseignants, infirmière scolaires, éducateurs spécialisés, médecins, psychologues, endocrinologues, gynécologues, assistante sociale, aide à la parentalité), campagne national de sensibilisation, intervention des associations dans le milieu scolaire, respect des lois qui condamnent la transphobie.

Maryse Rizza, présidente de Grandir Trans

Céline Horlaville Leblond, membre de Grandir Trans

ASSISTANCE PUBLIQUE - HÔPITAUX DE PARIS (AP-HP)

Questions générales

1. Dans quelles conditions et par quels services les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge au sein de l'AP-HP ?

Actuellement, au sein de l'APHP, les mineur.e.s en questionnement de genre et leurs familles sont accompagné.e.s par les services suivants, organisés en réseau de soin :

- Services de pédopsychiatrie de l'hôpital Robert Debré, de l'hôpital Pitié Salpêtrière à Paris

- Services d'endocrinologie pédiatrique de l'hôpital Robert Debré, de l'hôpital Kremlin Bicêtre

- Service de médecine pour adolescents de l'hôpital Trousseau.

- Services de biologie de la reproduction de l'hôpital Jean Verdier à Bondy

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Dans quelle mesure les conditions actuelles de prise en charge et de prescription, au sein de l'AP-HP, vous paraissent-elles tenir compte de cette recommandation ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

La prise en soin des jeunes et de leurs familles au sein de l'APHP est assurée de manière pluridisciplinaire par des professionnel.le.s ayant une expertise dans le développement de l'enfant et de l'adolescent tant sur le plan psychoaffectif (psychologues, pédopsychiatres) que somatique (endocrinologues pédiatres). L'accompagnement, qui est toujours singulier, s'articule autour d'un temps exploratoire concernant l'identité de genre mais également de l'évaluation du développement du jeune dans ses différentes dimensions (cognitive, sociale, affective), de la dynamique familiale et des éventuelles co occurrences psychiatriques, dans une perspective intégrative. L'accompagnement intègre les médecins traitants de ville, les associations de personnes concernées grâce à de la paire aidance, et le lien avec les établissements scolaires, quand souhaités ou nécessaires.

Quand un traitement spécifique d'affirmation de genre est envisagé avec le jeune et ses parents, en fonction des besoins du jeune, d'une balance bénéfices/risques, de la compréhension des enjeux d'un traitement par le jeune, celui-ci est systématiquement discuté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire associant professionnel.les de santé mentale, endocrinologues pédiatres, médecins de la reproduction, juristes, travailleurs sociaux, chirurgiens et chirurgiennes, associations de personnes concernées, chercheurs et chercheuses.

Cet accompagnement pluridisciplinaire se déploie en amont, pendant et après la mise en place des éventuels traitements d'affirmation de genre afin d'en évaluer les bénéfices sur le fonctionnement du sujet et les éventuels effets non souhaités.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

La transidentité n'est pas une pathologie psychiatrique. C'est une construction singulière de l'identité qui s'inscrit au confins de champs épistémologiques divers : sociétal, sociologique, anthropologique, psychologique, politique, .... L'expression des caractéristiques de genre, identités incluses, qui ne sont pas stéréotypiquement associées au sexe d'assignation de naissance, est un phénomène humain commun et culturellement diversifié qui ne doit pas être considéré comme intrinsèquement pathologique ou négatif.

Quand les adultes souhaitent entrer dans un parcours de transition médicochirurgicale, il est nécessaire que les professionnel.le.s de santé qui reçoivent ses demandes soient formé.e.s aux enjeux de santé mentale et en capacité d'orienter vers la psychiatrie quand il existe des co-occurences psychiatriques qui sont d'ailleurs plus fréquentes qu'en population générale en raison du risque de stigmatisation (troubles anxieux, troubles dépressifs, ...). L'accès au parcours de transition médicochirurgicale ne doit pas dépendre de l'obligation d'une évaluation psychiatrique. Il s'agit donc de dépsychiatriser la transidentité sans « a -psychiatriser » les personnes qui en besoin, en grande partie, du fait de la stigmatisation et des discriminations.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

L'objectif central de l'évaluation devrait être d'aider les jeunes à s'épanouir et à atteindre leurs objectifs de vie. Les mineurs doivent donc bénéficier d'un accompagnement pluriprofessionnel afin d'évaluer leur développement, leur discernement, leur compréhension des conséquences des décisions et d'accompagner les parents. Les enfants et les jeunes doivent recevoir une évaluation globale de leurs besoins pour éclairer un plan de soins individualisé. Cela devrait inclure le dépistage des troubles neurodéveloppementaux, y compris les troubles du spectre de l'autisme, et une évaluation de la santé mentale.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

L'encadrement législatif sur la transidentité doit se limiter aux aspects juridiques concernant la place des personnes trans dans la société (identité, accès aux droits...) mais comment des personnes non formées aux soins seraient plus pertinentes que des professionnel.le.s de terrains. La pratique médicale doit faire l'objet de recommandations de bonnes pratiques qui sont produites soit par des sociétés savantes, soit par l'HAS.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Non

b. Des hormones du sexe opposé ?

Non

6. Dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Ces traitements répondent aux besoins de certain.e.s mineur.e.s et apportent un vrai soulagement, voire répondent à un besoin vital.

Ils doivent faire l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire spécifique et un passage en RCP avec évaluation des bénéfices/risques et prise en compte de l'autorité parentale Leur interdiction conduira à des pratiques non médicales comme la vente de produits sur internet par exemple et/ou à un vrai risque en terme de suicidalité, de troubles anxiodépressifs, de décrochage scolaire.... Aucun pays occidental n'a envisagé l'interdiction.

7. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

L'accompagnement des mineurs trans a fait l'objet de recommandations internationales notamment de l'Endocrine Society en 2017 (Hembree et al, JCEM, 2017) et de la WPATH en 2022 (Coleman et al, Int J Transgend Health, 2022).

Des recommandations européennes de l'European Society of Pediatric Endocrinology vont être soumises pour publication dans les prochaines semaines, et des recommandations françaises de la Société Françaises d'Endocrinologie et de Diabétologie Pédiatrique sont en cours de finalisation. Pour les plus de 16 ans, des travaux sont en cours à l'HAS.

L'accompagnement des mineur.e.s est pluridisciplinaire, comportant professionnel.e.s de santé mentale et endocrinologues pédiatres, qui font le lien avec l'environnement du/de la jeune : famille, école, médecin traitant, etc. ; mais aussi, en fonction des besoins : biologistes de la reproduction, assistantes sociales, associations d'auto-support, juristes, etc.

Tous les traitements hormonaux chez les mineur.e.s trans font l'objet de discussion en réunion collégiale pluridisciplinaire, à l'exception de la prescription des microprogestatifs dans le but d'arrêter les saignements menstruels, lorsque la puberté est terminée.

Analogues de la GnRH (freinateurs de l'axe gonadotrope)

Les analogues de la GnRH (aGnRH), sont des molécules de synthèse, analogues de la protéine GnRH (LHRH) qui est sécrétée physiologiquement de manière pulsatile.

L'abolition de cette pulsatilité par l'administration de cette molécule, à effet prolongé (28 jours, 3 mois ou 6 mois, selon la molécule), permet un arrêt de la sécrétion des gonadotrophines et de ce fait, des stéroïdes sexuels d'origine gonadique, très rapidement. Cet effet est totalement réversible à l'arrêt du traitement.

Ce traitement est très efficace dans l'arrêt de la progression pubertaire, comme en atteste les nombreuses publications dans les situations de puberté précoce, pour lesquelles ce traitement a une AMM (Carel & Leger, NEJM, 2008). Les aGnRH sont utilisés depuis 40 ans dans cette indication, et sont administrés pour une durée moyenne de 3-4 ans, pouvant aller jusqu'à 9-10 ans de traitement. Les effets secondaires à court terme rapportés dans cette population sont des bouffées de chaleur, des céphalées, une fatigue, qui s'amendent après quelques mois de traitement et un ralentissement de la vitesse de croissance et de la minéralisation osseuse, réversibles à l'arrêt du traitement. Aucun effet secondaire à long terme n'a été identifié, notamment il n'y a pas d'impact avéré de ce traitement sur la fertilité, le risque de fracture, ou sur le développement neurocognitif à l'âge adulte (Bertelloni et al ; EJE, 1998 ; Martinerie et al., Hor Res Pediatr, 2020 ; Carel et al., Pediatrics, 2009).

Dans la situation des jeunes trans, ce traitement peut être proposé, une fois la puberté démarrée (à partir du stade 2 de Tanner), lorsqu'il existe une souffrance en lien avec l'apparition des caractères sexuels secondaires. Le traitement par aGnRH dans cette indication a été initié pour la première fois il y a plus de 20 ans aux Pays Bas (Cohen- Kettenis et al, Eur Child Adolesc psychiatry, 1998), et continue d'y être proposé, sans remise en cause de son bénéfice (van der loos et al., J sex med, 2023). Les effets secondaires à court et moyen terme sont les mêmes que ceux existants dans le cadre de la puberté précoce.

Il existe à l'heure actuelle encore peu de données au long cours dans cette population, mais il n'a pas été rapporté d'augmentation d'incidence de fracture dans la littérature et la minéralisation osseuse s'améliore après le démarrage des traitements par stéroïdes sexuels (testostérone/oestrogènes) (van der loos et al., JAMA Pediatr, 2023). De même les aGnRH n'ont pas d'effet négatif sur l'association entre le quotient intellectuel avant traitement et la réussite scolaire après mise en route du traitement (Arnoldussen et al., Clin Child Psychol Psychiatry, 2022) ni sur les performances exécutives (Staphorsius et al., Psychoneuroendocrinology, 2015).

La surveillance régulière de la densité minérale osseuse est recommandée sous aGnRH, de même que le renforcement des apports en calcium alimentaires (produits laitiers), des apports en vitamine D et une bonne hygiène de vie.

Ce traitement est arrêté une fois le traitement par testostérone démarré et stabilisé à doses efficaces, en cas de transition hormonale masculinisante. Dans la situation d'un transition hormonale féminisante, les oestrogènes ne permettant pas, à doses physiologiques, la freination de l'axe gonadotrope, ils seront poursuivis jusqu'à une éventuelle chirurgie (orchidectomie) à l'âge adulte, ou pourront être remplacés par d'autres traitements antigonadotropes ou anti-androgéniques à l'âge adulte si cela est souhaité. Ainsi la durée du traitement par aGnRH chez les jeunes trans est en moyenne de 4-5 ans, exceptionnellement plus de 10 ans.

Testostérone et oestrogènes

Le traitement par testostérone ou oestrogène chez les mineur.e.s suit les mêmes modalités que chez l'adulte, mais est démarré à doses plus progressives, afin de mimer une puberté physiologique.

Selon les recommandations, cette prescription est possible à partir de l'âge où le/la jeune est capable de peser les bénéfices/ risques de ses traitements. Il n'est pas proposé d'âge limite minimum ou maximum. Classiquement ce traitement est proposé vers 15-16 ans.

8. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non les propositions sont adaptées à chaque situation en prenant en compte tous les facteurs de la vie de l'enfant et de l'adolescent.e en utilisation l'évaluation pluridisciplinaire des bénéfices/risques et un passage en RCP

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

9. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Non, il faut distinguer les différents types d'intervention chirurgicale participant à l'affirmation du genre. On distingue les interventions génitales (vaginoplastie, métapoiese, phalloplastie), la féminisation de visage, la torsoplastie.

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

La torsoplastie fait exception. En effet certains mineurs trans peuvent ressentir une souffrance profonde avec leurs seins, ce qui les amènent à se scarifier et porter un binder, ceinture compressive douloureuse qui a parfois des conséquences problématiques (scoliose, ...)

Après une évaluation pluridisciplinaire des bénéfices risques et passage en RCP il est possible de l'envisager.

Il n'y a pas de chirurgie pelvienne avant 18 ans en France.

11. Dans les faits et au sein de l'AP-HP, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Seule la torsoplastie est parfois réalisée chez des mineurs et après discussion des bénéfices/risques en RCP

12. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Concernant les risques péri et post opératoires liés à ces interventions, seul.e.s les chirurgien.ne.s peuvent répondre.

Le risque de regret est à prendre en compte même s'il est très rare d'après les études. De plus les regrets peuvent être liés à des insatisfactions quant aux résultats sans que la personne ne remette en question sa transidentité. Des regrets ou insatisfactions peuvent exister dans toute chirurgie chez des personnes cis genres également.

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non, en effet, il s'agirait de forme de discrimination car il existe des interventions de chirurgie possibles chez le mineur.e cis (implant mammaire, rhinoplastie, gynécomastie chez les garçons cis ...) avec l'accord des détenteurs de l'autorité parentale.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Cela ne relève pas de notre champ de compétence.

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Cela ne relève pas de notre champ de compétence.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

La santé mentale des jeunes est un enjeu de santé publique mais il ne me semble pas que cela soit lié à la question de l'accompagnement des mineurs trans.

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Oui c'est pertinent car il a été bien démontré que : La transidentité s'accompagne chez les jeunes de davantage de TND qui doivent être diagnostiqués et pris en charge et que la transidentité est un facteur de risque de stigmatisation sources de troubles anxieux, dépressif, de risque suicidaire accru...

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Il est important que l'ensemble des professionnel.le.s de santé et particulièrement de santé mentale soient formé.e.s à l'accompagnement des questionnements de genre des mineurs.

18. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

L'accompagnement doit être le plus holistique possible en accueillant les besoins exprimés par le jeune, en soutenant son épanouissement personnel, son développement identitaire, tenant compte de son environnement familial, social, scolaire... la paire aidance est particulièrement soutenante dans cet accompagnement.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Augmenter les PUPH en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour faciliter l'attractivité de la discipline auprès des internes.

Développer une offre libérale de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.e avec la reconnaissance d'un remboursement spécifique de l'acte de consultation et de thérapie (modèle Belge).

Modification des grilles salariales hospitalières dans la reconnaissance des niveaux de formation (orthophonistes, psychologues, ...).

Rembourser les prises en charges psychologiques et paramédicales (psychomotricité, ergothérapie, ...).

Créer une spécialisation en psychiatrie pour les infirmier.e.s.

Développer les possibilités de formation de l'ensemble des professionnel.le.s.

Dr Julie BRUNELLE

Dr Laetitia MARTINERIE

Dr Alexandre MICHEL

Mme Charlotte LEBRUN

Mme Céline ROGEZ

ASSOCIATION TRANSPARENTS

INTRODUCTION A LA REPONSE AU QUESTIONNAIRE

L'association TRANSPARENTS, déclarée en préfecture le 11 mai 2021, a pour objet d'informer, réunir et accompagner les familles et proches de personnes concernées par les transidentités (pair-aidance), et de mettre en oeuvre des actions au bénéfice de ces dernières, avec l'idée de développer la connaissance, le lien social et de contribuer au mieux-être de tous.

Le positionnement de l'association, son développement relativement rapide et constant sur un sujet complexe, et la reconnaissance dont elle fait l'objet, font qu'elle est considérée comme représentative de la situation actuelle du sujet des transidentités des mineurs, notamment.

Les réponses à ce questionnaire, entérinées en conseil d'administration, se fondant sur la situation de l'ensemble des familles membres de TRANSPARENTS, il nous paraît essentiel de les présenter au préalable.

Les familles membres de TRANSPARENTS sont représentatives de beaucoup d'autres familles de la société française :

ï Avant que leur enfant ou proche ne soit concerné par les transidentités (questionnement ou variance de genre avérée), ces familles méconnaissent ce sujet, très loin d'eux pour la plupart.

ï Parmi ces familles, toutes les catégories sociaux-professionnelles sont représentées. Les parents membres ont plusieurs enfants ou un seul. Il s'agit de couples ou de parent isolé, insérés dans la société, éloignés de l'idéologie de genre à 98 %.

ï Certains des enfants concernés suivent une scolarité, des études ou travaillent (design, art, numérique, informatique, ingénierie, médecine, social...). Certains autres, malheureusement, ont perdu pied lorsqu'ils se sont sentis concernés par la variance de genre (déscolarisation, comportements à risques, isolement social...), et/ou, aussi, à la suite de violences exogènes.

ï Ces familles prennent attache avec TRANSPARENTS en étant, au départ et pour la plupart, très déstabilisées, parfois effondrées.

ï Néanmoins, elles sont aux côtés de leurs enfant transgenre (comme de leurs autres enfants) - des mineurs et majeurs de 5 à 60 ans et + -, ce qui signifie les accompagner sans pour autant les devancer, et soutenir le lien et la relation familiale. Ces parents souhaitent avant tout veiller à la santé de leurs enfants, à favoriser leur mieux-être, leur intégration dans la société et la vie civile, comme tous les parents.

ï Les familles membres, et leurs enfants, ne cherchent pas l'exposition médiatique. Ces familles font partie, le plus souvent, de la majorité silencieuse, d'autant plus sous le poids de la souffrance.

ï Elles aspirent à vivre cette situation inédite avec le plus de tranquillité possible (rencontrer d'autres familles, écouter, observer, réfléchir), à guider leur enfant en demande, avec les moyens dont elles disposent aujourd'hui, aidées de professionnels de santé qualifiés.

ï Ces familles, responsables, manifestent le besoin d'obtenir des informations objectives sur le sujet trans, des études et des recherches scientifiques notamment, pour prendre du recul, sans précipitation ou décisions hâtives. Elles sont étonnées du débat idéologique qui entoure le sujet, alors qu'elles sont dans des situations concrètes, factuelles, qui ont surtout besoin de solutions.

ï En tant que parents et familles de personnes concernées (mineures et majeures), elles se questionnent beaucoup, régulièrement à divers titres : parce qu'il s'agit toujours d'un sujet incompris et méprisé - bien que très ancien - dont nous ne parlions pas il y a trois ans encore. Parce que la variance de genre bénéficie, de ce fait, de peu de recul et d'études approfondies en France, notamment concernant les mineurs. Parce qu'aujourd'hui, les débats d'opinions divers explosent, activent des peurs plus ou moins réelles et, bien évidemment, désorientent les familles et leurs enfants/proches, augmentent leur désarroi et font plus de mal que de bien. Plus globalement encore, parce qu'elles savent bien, aussi, que la jeunesse s'interroge beaucoup face à un avenir décrit comme morose, et peut dériver. Pour toutes ces raisons, les familles de TRANSPARENTS sont demandeuses d'un accompagnement soutenant et sécuritaire s'agissant des mineurs en questionnement/variance de genre (et jeunes majeurs notamment).

ï Ces familles aspirent aussi à trouver un lieu de ressourcement pour elles-mêmes en contactant TRANSPARENTS.

En effet, grâce à la pair-aidance proposée par TRANSPARENTS, ces familles accompagnées, mieux informées et soutenues, reprennent peu à peu confiance dans la relation à leur enfant (ou proche) et en elles-mêmes dans leur rôle de parents par exemple, se sentent moins isolées. Une action de proximité personnalisée, qui accorde beaucoup de temps à chacun, dans le respect de son rythme et de sa position à l'égard de ce sujet qui s'impose dans leur vie. Aussi, pour permettre l'accueil de toutes les paroles, TRANSPARENTS n'affiche pas de valeur militante, politique ou religieuse, chacun étant libre de porter celles désirées à titre personnel. L'association se fait connaitre en priorité des professionnels et des entités de la santé et du social (ex. mailing, congrès, colloques, formations etc), et directement des familles (bouche-à-oreille, site web, flyers etc).

Afin de ne pas rester dans l'entre-soi des familles membres, il est également proposé aux personnes concernées par la variance de genre, de bénéficier d'actions ouvrant sur le lien et le soutien (cf TRANS-SOUTIEN - site web).

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Face au questionnement/dysphorie de genre de leur enfant/ado (et jeune majeur), les familles - membres de TRANSPARENTS -, sont dans la plupart des cas complètement démunies.

Souvent, leur premier réflexe est de se tourner vers un ou plusieurs des contacts suivants :

· un CMP

· un planning familial

· un psychologue choisi aléatoirement

· un pédiatre ou médecin généraliste

· une association dédiée au soutien des familles, comme TRANSPARENTS, et d'autres (association LGBT+)

Lorsqu'elles réussissent à être suffisamment informées sur le sujet, ces familles recherchent des lieux adaptés, avec des équipes pluridisciplinaires si possible, spécifiquement formées, en mesure de déployer un accompagnement puis un suivi dans la durée (pédiatre, pédopsychiatre, psychologues, endocrinologue au besoin).

Lorsque ces professionnels de santé, formés et disponibles sont trouvés, le mineur est accompagné dans sa réflexion, le temps nécessaire, afin d'évaluer la teneur et la persistance de son questionnement/dysphorie de genre, sa maturité psychique, et d'être en mesure de préciser son aboutissement.

Lorsque des professionnels de santé groupés et formés n'ont pas pu être trouvés ou lorsque ces équipes sont bien trop éloignées ou avec de longs délais de prise en charge, par défaut, ces familles recherchent un ou plusieurs professionnels de santé compétents pour accompagner leur enfant, au plus près de chez eux. Cette recherche peut s'avérer compliquée, et les conduire à s'éloigner de nouveau significativement, notamment en zone rurale. Des refus de prise en charge sont essuyés.

Il arrive que le mineur en questionnement ou dysphorie de genre soit également concerné par d'autres sujets et situations (dyslexie, dysphasie, TSA, HPI, comportements à risques, relations sociales violentes, harcèlement etc) ce qui amplifie la nécessité d'une approche globale, avec plus de temps, d'attention et, parfois, d'autres compétences encore.

Les cas d'hospitalisations existent pour des mineurs en extrêmes souffrances (causes endogènes et/ou exogènes), avec mises en danger (scarifications multiples, TS, violences physiques ou morales, isolement social etc). A la suite, un suivi en hospitalisation de jour peut être proposé.

Il y a sans doute aussi, malheureusement, le cas des mineurs en questionnement/dysphorie de genre n'osant pas s'exprimer auprès de leur entourage, du coup non accompagnés, livrés à eux-mêmes, en situation de grande vulnérabilité sur divers plans. L'association, du fait de son positionnement auprès des familles et proches, a moins l'occasion de rencontrer cette population, mais entend régulièrement parler du fait de ses liens avec les associations positionnées sur le soutien de ces populations (Exemple : Le Refuge, Jardin des T...).

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Il est naturel et sain de se questionner sur un sujet mettant en jeu la santé humaine, celle d'enfants en particulier.

À ce jour, notre association n'a pas noté ou été interpellée sur des dérives par ses membres. À sa connaissance, les professionnels de santé, accueillant des personnes en questionnement/dysphorie de genre, appliquent les standards de soins de la World Professional Association for Transgender Health (WPATH) pour établir le format de prise en charge des personnes transgenres (ex. opération chirurgicale à partir de 18 ans - sauf une exception concernant la torsoplastie à partir de 16 ans, sous certaines conditions. Hormonothérapie croisée à partir de 16 ans dans certains cas particuliers, et si les conditions de prescriptions sont réunies, avec un suivi de proximité. Des bloqueurs de puberté pour les enfants prépubères sous certaines conditions et seulement dans des cas particuliers cf question 6).

Néanmoins, il semble que ce standard de soins WPATH s'applique de façon volontaire, à défaut de recommandations actualisées de la HAS. Il pourrait être rassurant et légitime qu'un protocole spécifique à la population française soit la référence principale, s'agissant des mineurs en priorité, voire des jeunes majeurs. Probablement, aussi, que les professionnels de santé, eux-mêmes, seraient plus légitimes et motivés à engager leur responsabilité en recevant et en accompagnant la population trans, et à se former également.

Ce protocole serait à définir par les autorités de santé compétentes et habilitées à cet effet.

3. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Des pays prennent certaines dispositions et nous nous y référons, peut-être hâtivement parfois (?). Par exemple, lorsqu'il est dit que « la Suède accompagne depuis longtemps la dysphorie de genre et que ce pays revient en arrière », est-ce vraiment la réalité ? Nous savons que la Suède fut un des premiers pays à accompagner les personnes en variance de genre. Mais cela n'a jamais été sans être encadré, voire très encadré contrairement à des informations qui circulent (exemples : la chirurgie de transition de genre n'a toujours été autorisée qu'à partir de 18 ans, avec la nécessité d'un accord de la Direction nationale de la santé, et l'ablation des ovaires ou des testicules n'a jamais été autorisée avant 23 ans etc). La loi récemment votée en Suède ne vient pas contraindre d'avantage mais vise au contraire semble-t-il à alléger les contraintes du parcours de changement de genre. Tout dépend donc de la lecture que nous avons des choses.

Si, comme dit précédemment, il est légitime d'être prudent, notamment concernant les mineurs, une proposition de loi basée sur l'interdiction et la psychiatrie ne nous semble pas du tout adaptée, et serait très inquiétante. Elle serait un retour en arrière, une manière de nier le sujet trans, la souffrance des personnes concernées et de leurs familles, sans autre solution satisfaisante, en ne pouvant pas compter - parallèlement - sur un système de santé devenu aujourd'hui dans l'impossibilité de faire face aux besoins de santé de la population générale dans de bonnes conditions de prise en charge ?

De notre point de vue, une telle interdiction mettrait ces jeunes en danger d'une autre manière, certainement plus extrême et immédiate ! Avec le poids d'un questionnement transidentitaire sur leurs épaules, sans accompagnement capable de les accompagner dans cette situation, face à la frustration et au sentiment d'injustice d'un statut quo obligatoire, rien de pire, nous semble-t-il, pour que cette jeunesse parte en vrille plus encore, s'auto-médicamente sans suivi du coup (ce qui semblerait pouvoir être encore le cas aujourd'hui pour des jeunes non accompagnés). A sa majorité, en colère et plus pressée encore, nous pouvons penser qu'elle mettrait tout en oeuvre pour rattraper rapidement le temps perdu, peut-être pas de la meilleure manière, légalement légitime à laisser l'entourage sur la touche.

Trop de décisions politiques prises en France semblent déjà relever du tout ou rien : laisser faire/interdire - interdire, sans autre solution concrète. Cela est souvent difficilement entendable. S'agissant de la variance de genre, le cadre doit pouvoir être ajusté à la situation de la personne concernée, par les professionnels de santé compétents, en toute sécurité bien évidemment, sur la base d'un protocole concernant les mineurs (et jeunes majeurs) défini par les autorités compétentes et de façon concertée, et avec l'accord des parents bien informés des possibilités mais aussi des risques.

De plus, la voix législative est-elle la priorité immédiate ? En l'état, le vote d'une loi nous paraît précipité, basé sur trop peu d'éléments objectifs, insuffisamment concertée, notamment avec les familles (par exemple : ont-elles toutes eu l'occasion de donner leur avis via un questionnaire diligenté par une entité neutre, sans étiquette politique ?). Pourquoi un tel niveau d'urgence d'un coup ? Une loi désavouerait ouvertement la compétence médicale, alors que dans le même temps, la HAS planche sur des recommandations pour accompagner les personnes en questionnement/dysphorie de genre à partir de 16 ans et a annoncé s'intéresser bientôt au plus jeunes.

En résumé : un cadre adapté pourrait être nécessaire pour clarifier, améliorer et sécuriser les parcours de questionnement et de confirmation de genre des mineurs. Il ne doit pas s'agir d'une loi, tout du moins pas immédiatement. Notre association est convaincue de l'intérêt d'un protocole défini par les autorités de santé, - jusqu'à nouvel ordre légitimes et compétentes pour faire des propositions équilibrées et responsables, après une large consultation en parallèle des parties prenantes (personnes concernées, familles, professionnels de santé et du social notamment), ce protocole devant couvrir 2 objectifs :

- Objectif 1 : accompagner les mineurs en questionnement/dysphorie de genre (cf. travaux actuels et annoncés de la HAS)

o Moins de 16 ans

o 16 à 18 ans

- Objectif 2 : améliorer l'accompagnement des adultes (voir notamment réponse à la question 5)

o 18 à 21 ans

o + 21 ans

4. Avez-vous eu connaissance, dans le cadre de vos activités associatives, de situations dans lesquelles des mineurs ont regretté d'avoir entamé une transition médicale et envisagé une détransition ? Ces situations vous paraissent-elles évitables ?

Le conseil d'administration de TRANSPARENTS, ainsi que ses membres, n'ont jamais eu connaissance de situations où un mineur (et majeur) aurait regretté d'avoir commencé une transition ou souhaité une détransition, ou tout autre retour arrière.

Les personnes de notre connaissance, qui ont engagé ou engagent un parcours de transition, sont déterminées à le poursuivre, avec des objectifs possiblement différents (certains se limitent à l'hormonothérapie, d'autres recours à la chirurgie etc.).

Il semble à notre association, au vu de sa connaissance du sujet, que s'il y a des cas de détransition, ils sont peu nombreux et sans doute liés à un déficit d'accompagnement.

Le critère important pour éviter les possibles erreurs, nous semble donc la qualité de l'accompagnement dispensé auprès de ce public (mineurs et majeurs), au plus tôt, avant, pendant et après une transition.

5. Quelles sont les principales difficultés constatées dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre ?

Notre association a identifié de nombreuses difficultés, la plupart liées à l'accès au parcours d'accompagnement :

ï Pour les parents de mineurs (et de jeunes majeurs également), la difficulté des familles est de pouvoir identifier des professionnels qualifiés sur le sujet pour les accompagner avec pertinence.

Cela concerne en premier lieu les professionnels de la santé (médical et para-médical), mais aussi du social pour un soutien de proximité (écoles, rue, tous lieux où évolue cette jeunesse) car la violence est très présente à l'encontre de la population en questionnement/variance de genre, la précarité existe toujours : fugues, drogues, mises en danger diverses.

Elles peuvent être amenés à se rendre très loin de leur domicile pour trouver ces compétences médicales, et bénéficier d'un accompagnement.

ï Pour obtenir un premier rendez-vous, les délais sont souvent très longs. Les structures médicales publiques concernées font état, auprès des familles et des associations, d'un manque cruel de professionnels de santé, pénalisant leur capacité de prise en charge de l'ensemble des besoins de santé. L'accompagnement du questionnement/dysphorie de genre n'échappe pas à ce constat. Dans certaines grandes villes, des pédiatres et pédopsychiatres tentent cependant de s'organiser pour accueillir ces jeunes mineurs, bien péniblement par manque d'effectifs.

ï Les carnets de consultations de certaines spécialités (endocrinologue, urologue, gynécologue, psychiatres/psychologues...) sont généralement complets.

ï Entre 16 et 18 ans, il est encore plus compliqué - pour les parents de ces mineurs - de trouver un accompagnement médical. Et cela s'aggrave à l'approche de la majorité, faute de professionnels qualifiés, dédiés, disponibles, la priorité étant souvent donnée aux plus jeunes.

ï À 18 ans, le parcours de transition d'un jeune majeur est très dépendant de ses propres recherches. Les parents/familles sont encore plus démunis. Beaucoup de jeunes ne commencent pas leur transition en étant mineurs !

ï Globalement, les parents ne sont pas associés autant qu'ils le souhaiteraient, la durée des consultations étant limitées, leur fréquence aussi du fait d'un nombre de spécialistes insuffisants (tous besoins de santé confondus).

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

6. Vous semble-t-il souhaitable d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Si les inhibiteurs de puberté sont dangereux ou nuisibles, alors ne le sont-ils pas pour tous les cas pour lesquels ils sont prescrits pour d'autres motifs médicaux ? S'ils devaient être interdits du fait de leur dangerosité, cela nous semble devoir être le cas pour l'ensemble des situations, et c'est dans tous les cas de la compétence des autorités de santé françaises d'en décider.

Ces bloqueurs sont-ils autant administrés que cela ? Probablement pas ! Dans le cas des familles adhérentes ou en contact avec notre association, le sujet des bloqueurs de puberté ne s'est posé que pour un seul enfant à ce jour. Cet enfant fait l'objet d'un accompagnement et d'un suivi par un binôme de professionnels de santé (pédopsychiatre, pédiatre endocrinologue). Les parents ont accepté, malgré leurs réserves initiales (« effets secondaires possibles, camisole chimique du corps  » etc), intimement convaincus que cela était nécessaire dans le cas de leur enfant.

b. Des hormones du sexe opposé ?

Pour rappel, comme indiqué précédemment, selon les recommandations de la WPATH, les hormones croisées sont prescrites, à notre connaissance, qu'à des mineurs âgés de plus de 16 ans, dans des cas jugés comme le nécessitant.

Depuis la nuit des temps, les hormones croisées ont été utilisées par les personnes transgenres en automédication, sans suivi, exposant leur santé à de nombreux risques et effets secondaires. Pour elles, l'hormonothérapie est un mal pour un bien dans leur parcours de vie. Contrairement à ce qu'il est volontiers dit, les personnes transgenres ont avant tout une force vitale de vivre, pas de mourir, au point d'avoir la capacité de faire face et d'endurer des situations terriblement éprouvantes, avec courage, y compris de supporter l'hormonothérapie sans discontinuer. Certaines personnes trans recourent seulement aux hormones croisées d'ailleurs, laissant de côté tout ou partie de la chirurgie possible.

Aujourd'hui, cette hormonothérapie croisée semble plus sécurisée (produits connus, administration contrôlée, suivi mis en place).

Certes, il existe des effets secondaires, comme tout traitement médicamenteux. Mais ces personnes ont-elles d'autres choix ? Plutôt que l'âge, l'important n'est-il pas que l'adolescent, dont la dysphorie de genre est reconnue persistante, soit accompagné et ce, au plus tôt avant le démarrage d'un traitement hormonal ?

Des médicaments ou des hormones, ce n'est bien évidemment pas ce que nous souhaiterions d'emblée pour nos enfants. Sur ce sujet, comme pour d'autres, la balance bénéfices/risques est à interroger. N'oublions pas que ces inhibiteurs de puberté peuvent donner à des pré-ados, rencontrant des situations particulières, un temps supplémentaire de réflexion, diminué de l'angoisse, voire du désespoir découlant de l'apparition des signes corporels de puberté, et accompagnent possiblement une transition sociale.

En leur absence, les corps se développent. Autant de signes, aussi, à effacer une fois jeune majeur en transition avec, possiblement, un recours accru à la chirurgie, un « passing » moins satisfaisant, une intégration sociale plus compliquée encore, un mal-être possiblement plus persistant et durable.

Pour finir sur le sujet de ces traitements, un parallèle nous interpelle : il pourrait paraître incongru de s'inquiéter des bloqueurs de puberté et des hormones croisées administrées à quelques pré-adolescents et adolescents, alors que la question de légaliser l'usage du cannabis revient régulièrement (« l'encadrer » dit-on de mauvaise foi), sans faire siller beaucoup de monde, bien que les effets sur la santé des jeunes, en particulier, soient largement prouvés. Devrions-nous suivre aussi les pays du nord de l'Europe sur ce point ?

7. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

1/ A notre connaissance, selon les recommandations de la WPATH, les inhibiteurs de puberté ne sont prescrits à un enfant prépubère que s'il présente une dysphorie de genre ou un questionnement persistant sur son identité genre, seulement sur indication du pédiatre endocrinologue, pédopsychiatre et autres professionnels qui le suivent, avec l'accord des personnes ayant l'autorité parentale, et après divers examens spécifiques. La prescription apparaît avant tout liée au cas de l'enfant (selon si le questionnement/dysphorie de genre sont aigus ou pas ou assumés, selon aussi son état de santé général, et également du stade de prépuberté : classification de Tanner). Recourir aux bloqueurs de puberté ne semble donc pas systématique, comme cela peut être entendu, loin de là.

Les parents, avant de donner leur accord, sont informés des risques connus inhérents à la prise d'inhibiteurs de puberté. Une balance « bénéfices/risques » propre à de nombreux autres traitements médicamenteux.

2/ L'hormonothérapie croisée, toujours selon les recommandations de la WPATH, peut être prescrite à des mineurs à partir de 16 ans, pour lesquels une dysphorie de genre persistante et aigue a été clairement identifiée dans le cadre du suivi dont il bénéficie. Des examens spécifiques préalables sont nécessaires. L'accord des personnes ayant l'autorité parentale est requis, en plus de celui du mineur. Les parents, et le mineur, avant de donner leur accord, sont informés des risques connus inhérents à la l'hormonothérapie. Par la suite, le mineur bénéficie d'un suivi médical régulier.

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Sont-ils réversibles ?

Les professionnels de santé qui proposent ces « traitements » ont la connaissance pour informer des effets indésirables avérés ou potentiels. Cette information ne manque pas, d'ailleurs, sur internet : HAS, associations trans et autres... sans être édulcorée nous semble-t-il.

Les risques sont différents selon la nature des hormones prises (féminisation ou masculinisation). Certains sont légers, d'autres potentiellement graves. Certains sont avérés, d'autres supposés.

Concernant les inhibiteurs de puberté, exemples d'effets secondaires possibles :

ï Prise de poids, bouffées de chaleur, Maux de tête. Densité osseuse et croissance moindre. Fertilité possiblement perturbée après l'arrêt du traitement.

ï Et bien sûr les effets recherchés : diminuer la croissance de la pilosité faciale et corporelle, empêcher la mue de la voix, limiter la croissance des organes génitaux, limiter ou retarder le développement des seins, retarder ou arrêter les menstruations etc.

Concernant l'hormonothérapie croisée, exemples d'effets secondaires possibles :

ï Chez les personnes trans-masculines, la testostérone peut entraîner de l'acné, un gain de poids, une augmentation des globules rouges, une augmentation du cholestérol et aussi une élévation des enzymes du foie. Elle peut également contribuer à l'apparition d'hypertension, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires.

ï Chez les personnes trans-féminines, les hormones peuvent entraîner une augmentation du risque de faire des caillots sanguins ou de faire des pierres dans la vésicule biliaire. Elles peuvent causer une élévation des enzymes du foie, contribuer à un gain de poids et à une augmentation du cholestérol. Il y a également un risque de maladie cardiovasculaire, d'hypertension et de diabète de type 2.

Des possibles troubles de l'humeur concerne les deux genres. Le risque d'une population plus sujette au cancer est également étudié.

Exemples d'effets indésirables irréversibles : calvitie, infertilité, atrophie vaginale éventuelle, méningiome cérébral etc.

Cela dit, comme précisé précédemment, il existe des effets secondaires à tous les traitements médicamenteux. Ces traitements hormonaux n'échappent pas à la règle malheureusement, et sont à mettre en rapport avec les bénéfices recherchés. En connaissant mieux la variance de genre et les personnes concernées, nous comprenons la logique médicale de leur prescription à des mineurs, et probablement l'impossibilité de faire parfois autrement lorsque ce mineur est estimé en grand danger. Aussi, les « traitements » hormonaux nous semblent pouvoir être effectivement administrés à des mineurs à partir de 16 ans dans certains cas, de façon précautionneuse, en étant encadré par un protocole à définir « francisant » les recommandations de la WPATH (dosage, suivi...).

9. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Comme abordé précédemment, les conditions d'administration des « traitements » hormonaux nous semblent satisfaisantes actuellement, mais nous serions favorables à ce que cela soit encadré par un protocole officiel défini par les autorités de santé, françaises (dose, surveillance ...).

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

10. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

À notre connaissance, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle, ou dites aussi de confirmation de genre, ne sont pratiquées, en France, qu'à partir de 18 ans.

Si par « opération de réassignation sexuelle » il est fait référence à la torsoplastie concernant des mineurs allant vers le genre masculin (FTM), alors il conviendrait de préciser le vocabulaire employé. Dans cette hypothèse, une exception au principe ci-dessus est admise à partir de 16 ans, si l'équipe médicale qui suit le mineur, avec l'accord du jeune et de ses parents, estime ainsi réduire/limiter les risques de mise en danger et le mal-être important et persistant de l'adolescent concerné. Parmi les familles de l'association TRANSPARENTS : 1 seul mineur, suivi par une équipe médicale, a fait l'objet d'une torsoplastie à 17 ans. D'autres enfants concernés ont été opérés adultes (entre 19/25 ans). Dans les deux cas, les parents attestent d'un mieux-être réel pour ces jeunes majeurs depuis l'opération. Il ne nous a pas été rapporté d'effet secondaire ou de complication à ce jour. Ce qui fait dire à TRANSPARENTS, continuons ainsi, tout en rappelant le respect des conditions inhérentes à cette exception, s'agissant des torsoplasties sur mineurs. Il nous paraîtrait censé que le professionnel de santé pratiquant la torsoplastie, appartienne à l'équipe pluridisciplinaire qui suit ce mineur.

Concernant les actes esthétiques FFS souhaités par les personnes en variance de genre adultes, nous n'avons pas connaissance d'intervention réalisée sur des mineurs. Par contre, pour les jeunes majeurs et adultes concernés, les tarifs pratiqués sont généralement très élevés, tout autant qu'une chirurgie plastique de confort. Or, une opération esthétique liée à une dysphorie n'est pas un choix. La population concernée est précaire souvent, sans ressources suffisante. L'association considère que le manque d'argent ne devrait pas pénaliser les personnes concernées en les poussant vers des praticiens aux gestes peu sûrs, s'improvisant chirurgien FFS, ou amener la personne concernée à obtenir suffisamment d'argent de toutes les façons possibles.

11. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Voir notre réponse à la question précédente. Les opérations chirurgicales de réassignation/confirmation de genre (génitales) sont pratiquées, à notre connaissance, que sur des personnes adultes, en dysphorie de genre avérée et persistante.

12. Quels sont, à votre connaissance, les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Les chirurgiens qui pratiquent les interventions fonctionnelles et esthétiques inhérentes à un parcours de transition sont mieux placés pour décrire ces effets secondaires. Cependant, nous savons tous qu'un acte de chirurgie est irréversible.

Les adultes récemment opérés connus de TRANSPARENTS (réassignation de genre, torsoplastie) vont plutôt bien, avec de la fatigue un certain temps après l'intervention, la contrainte de soins tout au long de la vie, puis le retour à la vie de tous les jours qu'il convient souvent de reconstruire, une fois l'euphorie d'une opération désirée passée. Proposer un accompagnement moral et social nous apparaîtrait à ce titre fondamental.

13. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Comme dit précédemment, un protocole de santé adapté, intégrant dans la pratique françaises les recommandations de la WPATH, nous semblerait suffisant.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

14. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende ainsi que, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus. Ces peines vous semblent-elles proportionnées ?

Les membres de TRANSPARENTS considèrent qu'une interdiction serait autant dangereuse que le danger présupposé, dénoncé ! Le sujet d'une sanction n'est donc pas d'actualité.

15. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Les membres de TRANSPARENTS considèrent qu'une interdiction serait autant dangereuse que le danger présupposé, dénoncé ! Le sujet d'une sanction n'est donc pas d'actualité.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

16. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Concernant la variance de genre plus précisément, la santé mentale des mineurs en questionnement de genre ou concernés (non pas « atteints ») par la variance de genre est bien évidemment très importante, comme pour les jeunes majeurs et adultes. Le parcours de ces personnes est fondamentalement éprouvant (médical, social, administratif). Il est important qu'elles y soient préparées, qu'elles soient soutenues pour bien le vivre et le supporter, s'accepter et, également, d'accompagner l'après transition, y compris en termes d'insertion sociale, de formation, de logement au besoin etc. Nous pensons aussi fondamental qu'un soutien psychologique puisse être systématiquement proposé avant et après une intervention chirurgicale, y compris esthétique d'ampleur.

Il nous semble, en revanche, qu'une obligation de suivi psychiatrique, doublée d'une interdiction de transitionner avant 18 ans, ne ferait que renforcer le clivage existant entre la psychiatrie et la communauté trans. L'obligation passée reste prégnante, au point de dissuader des personnes concernées de se faire soutenir par un professionnel de la santé mentale (psychologue et autres professionnels du para-médical). Il importe donc de ne pas accroître ce clivage par l'insertion d'un tel article dans une loi. Par ailleurs, former les professionnels de la santé mentale à un diplôme complémentaire paraîtrait intéressant ex. DU. Il arrive que certains d'entre eux contactent TRANSPARENTS (des psychologues) pour entendre parler du sujet, de manière à soutenir cette patientèle mieux à propos.

Être psychologiquement soutenu nécessite de pouvoir l'assumer financièrement. C'est difficile pour beaucoup de personnes concernées et leurs familles. Aussi, il semblerait à notre association qu'une prise en charge élargie au titre de l'ALD serait à réfléchir.

17. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Il est bien évidemment indispensable que les jeunes en souffrance, quels qu'ils soient, puissent bénéficier d'un soutien, d'une écoute et d'un accompagnement psychologique et/ou psychique. Si notre système de santé ne le permet plus, en considérant l'état progressivement dégradé du système de santé français, alors il convient de le reconsidérer. Et aussi, d'agir sur les problématiques sociétales qui nécessitent un recours accru à ces professionnels (ex. éducation, intégration, sanctions etc).

Concernant la population en questionnement/dysphorie de genre, si un soutien psychologique est souhaitable, il est rarement suffisant malheureusement. Il ne peut donc pas être envisagé comme la seule réponse apportée aux mineurs et aux parents jusqu'à la majorité (cf réponses suivante).

18. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Le mineur en souffrance doit pouvoir espérer : avoir un horizon, des étapes intermédiaires clairement identifiées auxquelles s'accrocher, des personnes qualifiées et soutenantes autour de lui, un/des projets possibles (formation en présentiel ou à distance, emplois temporaires via les missions locales, et d'autres solutions à inventer probablement), qui le prépare à la suite de sa vie, quelle qu'elle soit (trans ou pas). Rien de pire que le repli sur soi et l'isolement qui, malheureusement, à défaut de prise en charge correcte, touche de nombreux mineurs et jeunes adultes. Cela suppose, là encore, un effort de formation envers les professionnels (travailleurs sociaux, personnel des missions locales et autres lieux accompagnants l'emploi et la formation etc).

Si le mineur est accompagné comme il se devrait, par une équipe pluridisciplinaire qualifiée (groupée ou pas), alors son accompagnement psychologique fait partie de la prise en charge. Il convient de veiller qu'il en soit de même dans l'éventualité d'un parcours « à la carte » accompagné par différents professionnels de santé du secteur privé (ex. concertation de ces professionnels, lettre de suivi au médecin généraliste référent).

En parallèle, ces mineurs pourraient bénéficier du suivi et de l'expérience d'un parrain/marraine, formé.e, pour les accompagner, ainsi que leurs familles, dans les démarches d'un parcours - médical, social, administratif - exemple TransRubisGard - association ARAP Rubis Nîmes, et d'autres solutions à inventer.

Des groupes de parole pourraient aussi leur être proposés par les équipes en charge de leur suivi, à l'instar de ce que TRANSPARENTS propose déjà aux familles. Ils permettraient à ces mineurs de nouer des relations physiques, d'être moins isolés, de trouver dans le groupe de la confiance pour nourrir l'estime d'eux-mêmes, de mieux faire face aux difficultés.

Pour apporter des solutions aux éventuelles relations familiales dégradées, des médiateurs familiaux pourraient être formés, référencés et proposés par les équipes de santé et accompagnantes. Avec, aussi, la création de binômes « travailleur social et médiateur familial » pouvant se mobiliser au domicile des familles concernées lors de situations graves et urgentes.

De façon générale, bien au-delà du sujet trans, les éducateurs de rue devraient être bien plus nombreux. Leur présence au plus près des personnes est un avantage indéniable sur les éducateurs de « bureau ». Notre jeunesse semble avoir besoin de référents, de soutien, de repères, et de limites dont on s'assure de l'application - idem envers les parents (non pas d'un couvre-feu - sauf urgence grave et très exceptionnelle - qui reviendrait à mettre un couvercle sur une marmite en pleine ébullition, donc à sur-aggraver le problème !). Les valeurs du pays, éducatives et comportementales entre autres, doivent être enseignées, leur respect non négociable, trop de permissivité pouvant aller à l'encontre de ce que l'on pense défendre : les libertés individuelles et les valeurs citoyennes.

Pour les mineurs en questionnement/variance de genre, en précarité car isolés ou sous mesure de placement, il conviendrait de définir des lieux d'accueils spécifiques. La plupart du temps, ils ne font de mal à personne sauf à eux-mêmes. Les établissements de placement actuels ne répondent pas à leurs profils et à leurs besoins. Ils peuvent au contraire contribuer à aggraver leur détresse. Exemples de solutions : familles d'accueil déjà concernées par le questionnement ou la dysphorie de genre, faire évoluer les conditions d'hébergement de l'association Refuge principalement dans l'accueil de majeurs etc.

19. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Cette diminution d'effectif, réelle et inquiétante, semble commune a beaucoup d'autres spécialités médicales. Les solutions sont entre les mains du gouvernement et du législateur, en concertation avec les instances de santé. Elles sont essentielles pour permettre, aussi, la mise en oeuvre de solutions adaptées à l'accompagnement des mineurs en questionnement/variance de genre (et des adultes).

En attendant la formation de plus de professionnels de santé en France, ci-après, quelques propositions de TRANSPARENTS à propos d'un parcours de transition type, pour un mineur :

ï Comme pour tout autre sujet de santé, une consultation avec un pédiatre qualifié* (pour un mineur en questionnement de genre < 16 ans) ou avec un médecin généraliste qualifié* (> 16 ans) pourrait être le point de départ d'une prise en charge et d'un accompagnement médical.

ï Cette consultation permettrait de diriger le mineur et sa famille vers une équipe pluridisciplinaire dédiée lorsqu'elle existe (mineur jusqu'à 18 ans, avec la possibilité d'un suivi jusqu'à 21 ans). Car la majorité ne doit pas être pénalisante. Les jeunes majeurs (18/21 ans), questionnés/déclarés tardivement, devraient aussi pouvoir bénéficier d'un suivi par ces mêmes équipes compétentes.

ï L'idéal, pour commencer, serait de s'assurer de la présence d'une équipe pluridisciplinaire dédiée par région (pédiatre, pédopsychiatre, psychologue, endocrinologue) bien que certaines soient vastes. Mais les parents sont prêts à faire beaucoup de kilomètres pour que leur enfant bénéficie d'un suivi adapté.

ï Ces équipes pourraient être localisées dans ou à proximité d'un centre hospitalier ou d'un pôle de santé. Il ne nous semblerait pas nécessaire que ces médecins soient présents à temps plein. Ils pourraient être plusieurs par spécialité à tenir des permanences régulières à tour de rôle, y compris des professionnels du secteur privé.

ï En parallèle, ces équipes pourraient s'entourer de renforts, préalablement et spécifiquement formés* :

o d'autres professionnels du para-médical (infirmier.ère.s, thérapeutes, assistants sociaux etc), pour assurer un premier niveau d'information, et un suivi individuel entre les consultations avec les médecins.

o des bénévoles : associations, professionnels de santé ou du para-médical retraités, autres volontaires pourraient aussi venir en soutien. Par exemple, auprès des familles comme le fait déjà TRANSPARENTS (entretiens individuels, échanges groupales, mise à disposition d'informations, webinaires, médiation, méditation etc). Ces familles, aussi, ont un parcours à faire qu'il convient d'accompagner (parents, fratrie etc). Les effets positifs d'un entourage soutenant (accompagner, non pas freiner ou devancer) ont été valorisés par diverses études récentes ex. sources TRANS SANTE France & INSERM.

En résumé, il convient d'être créatif et d'inventer de nouvelles solutions afin d'être en mesure d'accompagner ces mineurs, et pallier le manque de professionnels de santé en France. Un large besoin de formation est mis en avant à de nombreuses reprises dans les réponses à ce questionnaire.

Encore une fois, n'oublions pas les jeunes majeurs et adultes qui doivent, eux aussi, pouvoir se tourner vers des lieux d'accueil qualifiés, identifiables, soutenants.

Il conviendrait, également, de favoriser les études et recherches sur le sujet de la variance de genre (nous ne parlons pas là de l'idéologie de genre !). En tant que familles, nous constatons que la génétique est absente des débats ! Pourquoi donc ? Amorçons, par exemple, une large étude auprès des familles concernées pour commencer, diligentée par la HAS par exemple (questionnaire/entretiens). TRANSPARENTS et ses membres se tiennent à disposition.

Conclusion

Pour nos enfants & proches transgenres, nous pouvons espérer un avenir meilleur demain. Aujourd'hui, à la différence d'hier, les familles sont présentes et soutenantes en grande majorité.

Tous, faisons preuve d'humanité et d'humilité face à un sujet au combien complexe. Soyons constructifs du mieux que nous puissions aujourd'hui. Les personnes transgenres n'ont pas demandé à vivre cela, elles sont ainsi, ce n'est pas un choix, leur parcours étant clairement dissuasif, non pas l'inverse ! Si, néanmoins, elles sont prêtes à faire face à de telles épreuves, c'est parce que leur pulsion de vie est plus forte que celle de mourir. Elles méritent respect et soutien.

DIRECTION GÉNÉRALE DE L'OFFRE DE SOINS (DGOS)

Questions générales

1. Dans la mesure du possible, transmettre les données suivantes au rapporteur :

- nombre de mineurs pris en charge pour dysphorie de genre ou transition de genre ;

Les données disponibles côté DGOS, se limitent aux données hospitalières, c'est-à-dire le nombre de séjours en établissement de santé ayant pour motif la dysphorie ou la transition de genre.

- nombre de professions et spécialités des professionnels de santé impliqués dans ces parcours ;

Ces données ne sont pas disponibles.

- nombre de prescriptions de bloqueurs de puberté, chaque année, dans le cadre de la prise en charge d'une dysphorie de genre ;

- nombre de prescriptions d'hormones, chaque année, dans le cadre de la prise en charge d'une transition de genre ;

Les médicaments en lien avec ces prescriptions ont fait l'objet d'une identification par la DGOS. Il s'agit de médicaments principalement délivrés en ville. Toutefois, une partie des médicaments ainsi identifiés peuvent être prescrits pour d'autres motifs de prises en charge que la dysphorie de genre et la transition de genre. Aussi, nous ne sommes pas en capacité, à ce jour, de fournir précisément les données demandées.

- nombre de personnes reconnues atteintes d'une ALD au titre de la transidentité ou de la dysphorie de genre, par année depuis 2010 ;

Les données d'ALD sont fournies par la CNAM, (cf PJ qui comporte des données, assez détaillées, jusqu'en 2020).

Par ailleurs, la note de cadrage de la HAS « Parcours de transition des personnes transgenres » de septembre 2022 (Parcours de transition des personnes transgenres (has-sante.fr)) citant les données CNAM suivantes :

- Au total, 8 952 personnes sont titulaires d'une ALD pour « transidentité » en 2020 (dont 294 âgées de 17 ans et moins). Les mineurs représentent 3,3 % des titulaires d'une ALD et près de 70 % des bénéficiaires ont entre 18 et 35 ans.

- Le nombre de demandes (accord et refus) de prise en charge de chirurgie mammaire et pelvienne de réassignation ont été multipliées par quatre entre 2012 (n = 113) et 2020 (n = 462).

- nombre de séjours en établissements pour lesquels le code diagnostique est F64, par année depuis 2010.

Données extraites du PMSI - MCO, année 2023 :

Nombre de séjours en établissements (France entière, tous secteurs confondus) pour lesquels le code diagnostique est F64, par année depuis 2010.

Sélection des séjours codés en F64 en diagnostic principal ou relié 

Ces chiffres sont à prendre avec prudence car des écarts pourraient exister entre les différents traitements réalisés à partir du PMSI, selon les choix méthodologiques appliqués.

2. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales impliquées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Comme exposé dans le récent rapport « relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans »136(*), les parcours de transition des mineurs sont adaptés à chaque situation :

. Pour les enfants « créatifs dans le genre », la priorité est d'abord de leur permettre d'explorer leur identité de genre dans un environnement de vie bienveillant (famille, école ...), avec un soutien psycho-social de l'enfant et de la famille permettant de réduire les risques de souffrance, de décrochage.

i. Des bloqueurs de puberté peuvent être prescrits en particulier au début de la puberté (stade Tanner 241). Ces traitements visent à suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) relevant du genre auquel le mineur ne s'identifie pas. Certes réversibles, ils ne sont toutefois pas anodins : il s'agit de vivre une adolescence sans les évolutions physiologiques, psychiques qui vont avec la puberté.; en cas de poursuite du parcours de transition, le recours éventuel à certaines chirurgies pelviennes de réassignation (vaginoplastie) à l'âge adulte peut se révéler plus complexe.

ii. Les traitements hormonaux permettant de développer des caractéristiques physiques secondaires en harmonie avec l'identité de genre du jeune sont le plus souvent prescrits autour de 15 ans, à l'âge d'entrée au lycée. Dans ce cas, il s'agit de traitements dont l'impact est en partie irréversible (pilosité, voix ...) et qui peuvent agir sur la fertilité.

iii. La chirurgie pelvienne d'affirmation n'est pas pratiquée avant 18 ans, compte-tenu de son caractère irréversible et de son impact sur la fertilité. Toutefois des interventions mammaires sont pratiquées, après une période d'hormonothérapie et souvent quelques mois avant la majorité, comme en témoignent les données du PMSI.

iv. Les actes du parcours de transition d'un mineur nécessitent le consentement éclairé de ce dernier et l'accord des deux parents.

3. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Dans quelle mesure les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Dans le cadre de l'action 20 (« Améliorer le parcours de prise en charge des personnes Transgenres dans une démarche de santé globale ») de la feuille de route santé sexuelle 2021-2024, le ministère de la santé et de la prévention a saisi la Haute Autorité de santé (HAS) qui conduit actuellement des travaux sur les parcours de transition, en vue :

- D'évaluer les conséquences en termes de parcours de soins de la décision de l'OMS en 2018 ;

- De revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale ;

- D'élaborer un nouveau protocole en lien avec les professionnels de santé et les associations communautaires dans le but d'améliorer l'organisation des soins afin d'assurer la qualité et la sécurité de la prise en charge de ce public ;

- De structurer la prise en charge médicale du parcours de transition, en promouvant une articulation entre médecin de premier recours et spécialités médicales (endocrinologie, chirurgie, psychiatrie) ;

- De statuer sur la place de la médecine de ville dans le parcours de soins et ses modalités (notamment place de l'hormonothérapie) ;

- De structurer la prise en charge de la transidentité pour les mineurs (médecine de premier recours, pédopsychiatrie et accompagnement psychologique) ;

- De répondre aux attentes des usagers, dont la place doit être centrale dans la définition des parcours et de l'offre de soins.

Le ministère se saisira de ces recommandations, afin de structurer le parcours de soins des personnes transgenres. Selon la HAS, le calendrier prévisionnel à date est une publication fin 2024 début 2025

4. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces questions ?

Pour rappel, il y a une distinction entre l'évaluation et l'accompagnement psychiatrique versus psychologique. Les travaux de la HAS s'inscrivent dans un cadre conforme à la dernière classification de l'OMS, laquelle ne considère plus la dysphorie de genre comme une pathologie psychiatrique.

La HAS étudie donc la nécessité d'une évaluation psychiatrique pour amorcer un accompagnement psychologique de la transition de genre.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

La Haute autorité de santé est en cours de travail sur ces questions afin de proposer des recommandations de parcours de transition des personnes transgenres, incluant un volet concernant les mineurs. Il convient d'attendre ses conclusions avant de se positionner sur le suivi nécessaire.

5. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Comme exposé ci-dessus, la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux sur les parcours de transition. Cette proposition d'encadrement par la loi nous parait donc prématurée.

6. Dans leur rapport sur la santé et le parcours de soins des personnes trans remis en janvier 2022 au ministre des affaires sociales et de la santé, le Dr Hervé Picard et Simon Jutant formulaient vingt propositions pour améliorer la prise en charge et l'accompagnement des personnes trans.

Certaines de ces propositions ont-elles déjà été mises en oeuvre ? Le Gouvernement a-t-il engagé des travaux ou des réflexions à la suite de la remise de ce rapport ?

La publication du rapport Jutant-Picard en janvier 2022 s'inscrit dans la dynamique de la feuille de route santé sexuelle 2021-2024 et notamment son action 20 : Améliorer le parcours de prise en charge des personnes Transgenres dans une démarche de santé globale.

La mise en oeuvre des différentes recommandations sera étudiée à la suite de la publication des futures recommandations de la HAS qui donneront un cadre scientifique rénové pour organiser la mise en oeuvre du parcours de soin des personnes trans. Cela devra être fait en associant sécurité de la prise en charge et respect des recommandations scientifiques internationales et nationales.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

7. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

b. Des hormones du sexe opposé ?

Comme exposé ci-dessus, la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux sur les parcours de transition. Cette proposition d'encadrement par la loi nous parait donc prématurée.

Sur la base de ces recommandations, l'ANSM pourra élaborer, en lien avec les parties prenantes, les conditions pour sécuriser l'accès aux médicaments utilisés dans les parcours de transition.

8. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Voir question 2

Selon le Rapport Jutant- Picard, des bloqueurs de puberté peuvent être prescrits en particulier au début de la puberté (stade Tanner 241). Ces traitements visent à suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voie, pilosité) relevant du genre auquel le mineur ne s'identifie pas. Certes réversibles, ils ne sont toutefois pas anodins : il s'agit de vivre une adolescence sans les évolutions physiologiques, psychiques qui vont avec la puberté ; en cas de poursuite du parcours de transition, le recours éventuel à certaines chirurgies pelviennes de réassignation (vaginoplastie) à l'âge adulte peut se révéler plus complexe.

Les traitements hormonaux permettant de développer des caractéristiques physiques secondaires en harmonie avec l'identité de genre du jeune, sont le plus souvent prescrits autour de 15 ans, à l'âge d'entrée au lycée. Dans ce cas, il s'agit de traitements dont l'impact est en partie irréversible (pilosité, voix ...) et qui peuvent agir sur la fertilité.

9. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Comme exposé dans le rapport Jutant-Picard, ces traitements peuvent avoir pour effet d'éventuelles difficultés de chirurgie de réassignation ultérieurement pour ce qui concerne les bloqueurs de puberté. Les traitements hormonaux pourraient, quant à eux, comporter un risque sur la fertilité. Il est nécessaire d'attendre les recommandations de la HAS qui donneront des données plus précises sur ces sujets.

10. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

La Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux sur les parcours de transition. Ce n'est qu'à l'issue de ces travaux et des recommandations qu'ils vont générer, qu'un éventuel encadrement de la prescription de ces traitements pourra être envisagé, le cas échéant.

Sur la base de ces recommandations, l'ANSM pourra élaborer, en lien avec les parties prenantes, les conditions pour sécuriser l'accès des médicaments utilisés dans les parcours de transition.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

11. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

N.B : selon le rapport Jutant-Picard, les termes de « chirurgie d'affirmation de genre » sont à privilégier.

Les chirurgies ou le parcours chirurgical recouvrent des interventions différentes selon les objectifs de féminisation ou de masculinisation.

Pour les parcours féminisants : interventions de chirurgie pelvienne (création d'un néo-vagin : vaginoplastie), des interventions sur la poitrine (plasties d'augmentation mammaire), des interventions de féminisation du visage, du cou ou de la silhouette.

Pour les parcours masculinisant : interventions sur les organes génitaux (phalloplastie, métaiodioplastie, hystérectomie) ainsi que des mastectomies pour viriliser le torse.

NB : pour ces questions il faut considérer les limites liées à la fiabilité du codage dans les SI (PMSI).

12. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Sous réserve d'actualisation des chiffres et en considérant les limites du cadrage évoquées à la Q11, l'interdiction ne concernerait de fait que les torsoplasties, les chirurgies pelviennes n'étant pas pratiquées avant 18 ans.

Comme pour les médicaments, une interdiction emporte des risques de contournement et ses conséquences. On peut citer en particulier les soins qui seront réalisés à l'étranger qui posent la question de leur suivi et de la nécessité de reprises chirurgicales ou des pratiques en dehors du cadre sanitaire (injections de silicone).

La réponse peut ne pas être univoque et considérer les différentes chirurgies :

· Torsoplasties

· Chirurgies de l'appareil génital

· Chirurgies de conservation de la fertilité (avec un questionnement différent pour les hommes et les femmes)

L'appréciation du caractère réversible est aussi un paramètre à considérer. Sur ce sujet, les différentes sociétés savantes impliquées pourraient utilement préciser le degré de réversibilité de chaque intervention ainsi que les réelles possibilités de préservation de la fertilité après chirurgie.

Par ailleurs, La Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux sur les parcours de transition. Ce n'est qu'à l'issue de ces travaux et des recommandations qu'ils vont générer qu'un éventuel encadrement de la prescription de ces traitements pourra être envisagé, le cas échéant.

13. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Avec les précautions sur les limites du codage déjà rappelées et selon l'ATIH, le nombre de séjours en MCO codés F64 (transsexualisme) durant lesquels au moins un acte de chirurgie pelvienne a été réalisé est passé de 210 en 2011 à 411 en 2020. La part des séjours effectués pour ce motif dans les établissements du secteur privé est passée de 7 % en 2011 à 35 % en 2020. Chez les moins de 18 ans, il n'y a eu aucun séjour comprenant des actes de chirurgie pelvienne.

La chirurgie pelvienne de réassignation n'est pas pratiquée avant 18 ans, compte-tenu de son caractère irréversible et de son impact sur la fertilité. Seules des interventions mammaires sont pratiquées, après une période d'hormonothérapie parfois avant la majorité.

14. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Les principaux effets indésirables sont les risques liés à toute chirurgie, les risques de complications post opératoires, cicatrisation, insatisfaction esthétique ou fonctionnelle, les nécessités de reprise chirurgicale, l'inefficacité de la préservation de la fertilité. Ces effets indésirables concernent principalement les actes de chirurgie pelvienne.

15. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

La Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux sur les parcours de transition.

D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle pourront être étudiées après publication de ce rapport et sur la base de ses recommandations.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

16. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

La question de la juste proportionnalité des peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs ne relève pas de la compétence de la DGS et de la DGOS.

17. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Cette question ne relève pas de la compétence de la DGS et de la DGOS.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

18. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dès lors que la dysphorie de genre n'est plus une pathologie psychiatrique conformément à la classification de l'OMS, il ne semble pas pertinent d'insérer des dispositions relatives à la pédo-psychiatrie dans une proposition de loi portant sur la transition des mineurs.

De plus, la pédopsychiatrie fait déjà l'objet de plans nationaux, notamment via la FDR santé mentale et la FDR issue des assises de la santé de l'enfant qui dispose d'un axe complet sur la pédopsychiatrie. :

« Améliorer plus spécifiquement la prise en charge et la réponse en matière de santé mentale des enfants et adolescents.

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Comme l'ensemble des problématiques de santé relatives aux mineurs, la santé mentale est une priorité du Gouvernement, notamment les adolescents, en raison de leur particulière vulnérabilité. En outre, le questionnement autour de l'identité de genre représente un facteur de vulnérabilité supplémentaire. La DGOS, en lien avec les différents acteurs concernés travaille dans une perspective d'amélioration de la prise en charge des jeunes dans toutes ses composantes.

19. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Si une prise en charge et un accompagnement de ces jeunes est nécessaire et doit être proposée, il convient, conformément à la classification OMS, de ne pas l'intégrer, à une stratégie pédopsychiatrique (enjeu de dé psychiatriser ce sujet) mais plutôt d'organiser un portage pluriprofessionnel de quelques unités spécialisées. En effet, l'accompagnement de la santé mentale ne se réduit pas à l'accompagnement psychiatrique.

20. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

La Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux sur les parcours de transition.

L'opportunité d'un accompagnement psychologique tout au long du parcours de transition, renforcé pour le cas des mineurs semble faire consensus et pourra être étudiée après publication de ce rapport, sur la base de ses recommandations.

21. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

De nombreux travaux et mesures ont déjà été prises ou sont en cours, et ceux dans le cadre de réformes générales de la formation des professionnels de santé ou bien dans le cadre de travaux spécifiques liés à divers plans de santé publique.

On pourra notamment citer les appels à projets annuels depuis 2018 pour l'attribution temporaire de postes de chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux (CCU-AH ou CCA) en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Ce sont ainsi 46 postes qui ont été financés auprès de 22 UFR différentes et qui ont permis aux équipes concernées de développer et de mieux structurer leur activité de recherche, de mettre en place de nouveaux outils et méthodes de travail et de sensibiliser les équipes soignantes à la recherche clinique.

Cet appel à projet est renouvelé pour l'année à venir avec le financement d'un poste de CCA (orienté sur la recherche des troubles autistiques et du neurodéveloppement) avec, en plus, la possibilité pour les lauréats des années précédente de demander le renouvellement de leur financement.

Depuis 2020, 13 nouveaux praticiens HU permanents ont été nommés - dont 8 PU-PH et 5 MCU-PH.

De plus, des travaux annuels sont menés avec l'ONDPS afin d'assurer l'augmentation du nombre de poste ouverts en psychiatrie au ECN chaque année. Si bien que ce sont 552 postes qui ont été ouverts pour l'année 2023 - 2024 contre 539 l'année précédente - soit une augmentation de 13 postes.

- Également, la réforme dite du « 2ème DES » a permis via son arrêté d'avril 2023 fixant au titre de l'année universitaire 2023-2024 d'ouvrir 20 postes au total pour le DES de psychiatrie, ce qui représente 18 % des postes ouverts sur un total de 111 postes en DES dont 4 en « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ».

- Il convient enfin de souligner que, dans le cadre du dispositif de la prime d'engagement dans la carrière hospitalière (PECH) -visant à fidéliser et inciter les jeunes praticiens à s'inscrire dans une carrière hospitalière en tant que PH titulaire-, la psychiatrie a été inscrite parmi les spécialités identifiées au niveau national comme présentant des difficultés importantes de recrutement. Trois spécialités sont donc désormais identifiées comme tel : la psychiatrie, la radiologie et l'anesthésie-réanimation, ouvrant droit, sous réserve de leur indentification au niveau local également, à une prime d'un montant de 30 000€ bruts (versée en deux fois), pour le praticien.

- De façon plus générale, la pédopsychiatrie fait l'objet depuis 2019 d'une attention particulière du gouvernement, avec un AAP annuel doté de 20 M€ de crédits pérennes destinés à renforcer les moyens de ces équipes. Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie de septembre 2021 tout comme les Assises de la santé de l'enfant qui auront lieu fin mai ont conduit à proposer des mesures complémentaires pour permettre aux équipes de mieux prendre en charge les mineurs qui le nécessitent.

DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À LA LUTTE CONTRE
LE RACISME, L'ANTISÉMITISME ET LA HAINE ANTI-LGBT (DILCRAH).

Questions générales

1. Dans la mesure du possible, transmettre les données suivantes au rapporteur :

- nombre de mineurs pris en charge pour dysphorie de genre ou transition de genre ;

- nombre de professions et spécialités des professionnels de santé impliqués dans ces parcours ;

- nombre de prescriptions de bloqueurs de puberté, chaque année, dans le cadre de la prise en charge d'une dysphorie de genre ;

- nombre de prescriptions d'hormones, chaque année, dans le cadre de la prise en charge d'une transition de genre ;

- nombre de personnes reconnues atteintes d'une ALD au titre de la transidentité ou de la dysphorie de genre, par année depuis 2010 ;

- nombre de séjours en établissements pour lesquels le code diagnostique est F64, par année depuis 2010.

2. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales impliquées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

3. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles. Dans quelle mesure les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

4. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces questions ?

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

La DILCRAH n'a pas la compétence pour se prononcer sur un protocole médical. Toutefois elle peut appeler à la vigilance de ne pas replacer la psychiatrisation comme élément déterminant et central dans le parcours des mineurs trans (notamment comme condition pour accéder au parcours de transition).

1. Importance de la vigilance à ne pas re-placer la psychiatrisation au coeur des parcours des mineurs trans (comme pourrait le faire cette loi). Pour rappel, la dépsychiatrisation a permis de ne plus exiger un certificat d'un psychiatre diagnostiquant « une dysphorie de genre » pour entamer une transition. Cela s'est fait dans la logique d'auto-détermination des personnes.

2. Rappeler toutefois que la dépsychiatrisation des parcours n'est pas synonyme d'absence de psychiatres.

o Comme le rappel le Rapport Jutant et Picard : « Les parcours de soins doivent être dépsychiatrisés sans être « apsychiatrisés ». » La présence de psychologues et psychiatres est nécessaire pour accompagner le mineur (santé mentale, prévention au suicide etc.).

o Comme le rappel M. Olivier VERAN dans son courrier adressé à MM JUTANT et PICARD, comandant le rapport : « de nombreuses études ont en effet montré que la souffrance psychique et le handicap fonctionnel ne sont pas présents chez toutes les personnes trans et, lorsqu'ils sont présents, relèvent de facteurs sociaux et environnementaux, concluant que les problématiques psychologiques ou psychiatriques liées à la transition ne sont pas dues au changement de genre en lui-même mais au rejet social, aux violences et aux discriminations liés à la transition ».

5. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Il est préférable d'attendre les conclusions et les recommandations de la HAS avant de faire une loi à ce sujet. L'accompagnement des mineurs appelle des réponses fines, globales et réactives, adossées à des recommandations scientifiquement étayées.

6. Dans leur rapport sur la santé et le parcours de soins des personnes trans remis en janvier 2022 au ministre des affaires sociales et de la santé, le Dr Hervé Picard et Simon Jutant formulaient vingt propositions pour améliorer la prise en charge et l'accompagnement des personnes trans.

Certaines de ces propositions ont-elles déjà été mises en oeuvre ? Le Gouvernement a-t-il engagé des travaux ou des réflexions à la suite de la remise de ce rapport ?

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

7. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

1. Attendre l'avis de la HAS ;

2. Importance d'apporter des solutions à ces enfants avec des risques de suicides et de grand mal-être.

8. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

9. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

10. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

11. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

12. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

13. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

14. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

15. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

16. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

17. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

18. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

La santé mentale des mineurs trans est un enjeu très important. La DILCRAH recommande d'accompagner les mineurs trans dans le but de répondre le mieux à leurs attentes et besoins, notamment pour prévenir les risques de suicide. Il s'agit aussi de prendre en compte les facteurs de vulnérabilité qui concernent certains mineurs trans (déscolarisation, comportements suicidaires par exemple).

À ce titre, la DILCRAH insiste sur l'importance de rappeler que « les problématiques psychologiques ou psychiatriques liées à la transition ne sont pas dues au changement de genre en lui-même mais au rejet social, aux violences et aux discriminations liés à la transition »137(*).

Quelques chiffres :

o Au Danemark, le risque de faire une tentative de suicide est près de huit fois plus important pour les personnes transgenres que pour le reste de la population138(*).

o Aux Etats-Unis, selon l'Académie américaine de pédiatrie, plus de 56 % des jeunes transgenres ont eu des idées suicidaires au cours de leur vie et 31 % ont fait au moins une tentative de suicide.

Point sémantique : la DILCRAH réprouve l'utilisation des termes « atteints de dysphorie de genre » (mentionné dans la question) puisque la transidentité n'est pas considéré comme une maladie. La DILCRAH rappelle donc l'importance de :

o Clarifier l'objectif de cet article : plusieurs associations craignent que cet article soit « une thérapie de conversion dissimulée », notamment parce qu'il place le soin au coeur de la prise en charge des mineurs trans. La DILCRAH recommande donc de préciser que la « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » a un but affiché et clair d'accompagner au mieux le mineur, selon ses besoins et dans le respect d'un consentement libre et éclairé.

o Champ lexical dépsychiatrisé : À ce titre, la DILCRAH recommande une rédaction de l'article 3 de la PPL appuyant sur la dépsychiatrisation et employant un champ lexical concordant (ne pas utiliser « atteints », « soins » etc).

19. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

La réponse la plus adéquate est celle d'offrir une offre adaptée avec des personnels formés

C'est pour cela que la DILCRAH appelle à une bonne prise en charge, respectueuse des besoins des mineurs trans, c'est-à-dire des personnels médicaux formés (écoute bienveillante, protocole adapté) dans un but affiché et clair de bonne prise en charge des mineurs. Elle recommande de :

a. Garantir un primo-accueil adéquat : il est important de former les médecins généralistes et plus largement le personnel médical « en première ligne » pour un primo-accueil réussi et si besoin, une redirection efficace vers des spécialistes.

b. Offrir un accueil spécialisé : Selon le rapport Jutant-Picard, « les consultations spécialisées sont saturées et dans de nombreuses régions, les jeunes et leurs parents peinent à trouver une maison des adolescents ou des professionnels libéraux (psychiatres, psychologues, endocrinologues) accueillants et sensibilisés aux recommandations internationales de bonnes pratiques ».

20. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

21. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

OBSERVATOIRE DE LA PETITE SIRÈNE

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

De manière privilégiée, les mineurs sont actuellement orientés, vers les consultations spécialisées. Les praticiens (pédiatres, généralistes, endocrinologues, psychiatres, chirurgiens) exerçant en libéral reçoivent également ces patients.

a. La prise en charge hospitalie`re

Les consultations spécialisées centralisent les demandes concernant la « dysphorie de genre » des mineurs. Elles sont adossées a` des établissements hospitalo-universitaires dont les pratiques répondent aux recommandations internationales notamment le « Dutch Protocol ». Elles sont constituées d'équipes pluridisciplinaires associant psychiatre, psychologue, endocrinologue, chirurgien, équipes des CECOS (centre d'étude et de conservation du sperme humain), juristes. Elles mettent en place depuis 2015 des RCP (réunions de concertation pluridisciplinaire) qui associent professionnels et associations de personnes trans notamment Trans Sante' France (FPATH) (a` l'initiative de celles-ci et conformément aux recommandations actuelles de la Haute Autorité' de Sante'). Au cours de ces réunions, les indications médico-chirurgicales sont posées, et les décisions sont prises collectivement. Si une prise en charge hormonale est proposée a` l'adolescent, son consentement et celui de ses deux parents sont recueillis après une reprise des explications concernant les effets attendus réversibles ou non des traitements hormonaux, les effets secondaires potentiels a` surveiller ainsi que le suivi médical et biologique nécessaire. Le suivi psychothérapeutique n'est pas systématique.

Par ailleurs, ces jeunes et leurs familles sont souvent orientés vers des associations militantes. Elles les conseillent, donnent des adresses de médecins « transfriendly », organisent des groupes de paroles de jeunes sans la présence de leurs parents.

b. Le planning familial

Il applique l'auto-détermination et l'affirmation de genre et prescrit rapidement des hormones (bloqueurs de puberté' et hormones antagonistes) a` la demande des adolescents sans évaluation ni prise en charge psychologique.

c. Les consultations privées

Les pratiques se divisent en 3 catégories :

· Les médecins (pe'dopsychiatres, psychiatres, endocrinologues, chirurgiens...) et psychologues transaffirmatifs inscrits sur les listes de diffusion (sites, etc..) créées par les associations militantes trans ou de parents de jeunes trans. Les traitements peuvent être délivrés a` la demande en une a` deux consultations,

· Les médecins et psychologues qui renvoient leurs patients vers les consultations dédiées,

· Les médecins et psychologues prudents considérant que ces adolescents nécessitent une prise en charge holistique.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

a. Quel regard portez-vous sur ces recommandations ?

b. Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

L'Académie de médecine est la seule instance officielle à avoir appelé assez prudemment (car la recommandation n'a pas été votée à l'unanimité) à la prudence en matière de prise en charge médico-chirurgicale des jeunes qui se déclarent trans. À notre connaissance, cela n'a eu aucun effet en France. En revanche à l`étranger, cette recommandation est souvent citée comme étant le signe que la France a modifié ses pratiques ce qui n'est pas le cas.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions. Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

L'Académie de médecine a défendu une position médicale (après examen des études scientifiques sur les traitements) tandis que la HAS prend préférentiellement en compte les exigences des mouvements transactivistes.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Nous n'avons aucun avis à émettre concernant les adultes. Pour les mineurs, on sait aujourd'hui que 60 à 80% d'entre eux selon les études, présentent des troubles psychopathologiques voire psychiatriques (diagnostiqués ou pas encore diagnostiqués) qui précèdent leur demande de transition. D'autres ont subi des agressions sexuelles ou s'interrogent sur leur orientation sexuelle. L'évaluation psycho-sociale du jeune et de son entourage est indispensable et devrait être suivie d'une indication de prise en charge adaptée au cas par cas.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment encadré ou limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

Quel regard portez-vous sur ces évolutions à l'international ?

Ces évolutions vont toutes dans le même sens. Après examen de toutes les études scientifiques (fiables ou pas), aucune des promesses de ces traitements n'ont été confirmées scientifiquement à moyen et à long terme (amélioration psychique, diminution du risque suicidaire, réversibilité totale des bloqueurs de puberté etc.).

L'attitude actuelle est donc :

- De limiter l'usage des bloqueurs de puberté dans le cadre d'un protocole de recherche approprié.

- De retarder la prise d'hormones croisées à 16 ou 18 ans selon les pays

- D'interdire les mastectomies (ablation des seins) avant la majorité

Les choses bougeant très vite, le 6 mai La Société européenne de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (le CESAP regroupant 36 sociétés de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent dont la France) a publié une déclaration de politique générale sur la dysphorie de genre de l'enfant et de l'adolescent. L'idée maîtresse de la déclaration de la CESAP est l'appel lancé aux prestataires de soins de santé « de ne pas promouvoir des traitements expérimentaux et inutilement invasifs dont les effets psychosociaux ne sont pas prouvés et, par conséquent, d'adhérer au principe du « primum-nil-nocere » (d'abord, ne pas nuire).

Et le 10 mai 2024, les médecins allemands viennent d'adopter lors du 128e Congrès médical allemand deux résolutions visant à limiter les bloqueurs de puberté, les hormones de sexe opposé et les interventions chirurgicales pour les jeunes dysphoriques de moins de 18 ans à des essais cliniques contrôlés ; d'autre part, ils demandent de limiter la Loi sur l'autodétermination aux personnes de plus de 18 ans.

L'avenir des "traitements de genre" des jeunes allemands est désormais remis en question, car ces résolutions vont à l'encontre du projet de directive entièrement « trans affirmative » publié fin mars 2024.

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Généralement les médecins n'aiment pas que le législateur se mêle de prescription médicale et ils ont bien souvent raison. La codification des protocoles existe néanmoins soit par consensus comme par exemple pour les vaccins, soit par la législation comme par exemple pour les conditions de l'interruption volontaire de grossesse.

Dans le cas qui nous occupe, on aurait pu penser que les médecins concernés auraient suivi la même voie que leurs collègues européens. Il n'en est rien. Les chefs de service des grands services parisiens ont un discours officiel rassurant : longue attente pour le premier RV, prudence, prise de décision collective. Mais d'abord tous les jeunes ne vont pas dans ces services. Dans l'ensemble (et notamment dans les fameuses réunions de concertation pluridisciplinaire RCP) tous ces professionnels ont la même conception concernant ces jeunes : il faut les accompagner sans interroger leur demande. La présence des associations militantes (recommandée par la HAS) ne favorise pas la prise de parole de ceux qui auraient un avis un tant soit peu divergeant.

La HAS ne produira pas de recommandation pour les mineurs avant 12 à 18 mois au mieux. Il y a donc urgence à encadrer ces pratiques d'où la nécessité d'une loi par défaut.

Dans les pays européens, les médecins qui ont tiré la sonnette d'alarme ont mis un certain temps à convaincre leur ministère de la santé (ou équivalent) pour qu'il impose des recommandations contraignantes et il n'y a donc pas de loi.

Rien de tel ne s'est passé en France. Pas plus d'ailleurs qu'aux USA. Ce sont les politiques qui ont fait voter les lois principalement dans les États Républicains (24 à l'heure actuelle) pour réguler les pratiques. Il est inhabituel que des prescriptions médicales (polluées par l'idéologie) deviennent des sujets politiques.

5. Avez-vous eu connaissance, dans le cadre de vos activités associatives, de situations dans lesquelles des mineurs ont regretté d'avoir entamé une transition médicale et envisagé une détransition ? Quelles réponses appellent, selon vous, ces situations ?

Oui bien sûr. Nous connaissons plusieurs détransitionneuses (uniquement des filles qui ont arrêté leur traitement hormonal) et plus encore de « désisteuses » (jeunes filles qui ont fait leur transition sociale : changement de prénom et de pronom).

Ces jeunes filles ont énormément de courage pour reconnaître qu'elles ont fait fausse route car elles sont vilipendées sur les réseaux sociaux lorsqu'elles se sont connaître. En France, il n'existe aucune structure spécifique pour les recevoir (elles sont encore peu nombreuses et probablement sous-estimées), il n'y a pas d'études à leur sujet ni d'association contrairement à plusieurs pays comme la Belgique ou le Canada.

Il est surprenant d'entendre certains médecins (homme) dire qu'une mastectomie n'est pas si grave « puisqu'on peut implanter des seins ».

Les jeunes filles que nous connaissons (qui ont demandé et obtenu une double mastectomie en étant mineures et avec l'accord de leurs parents) veulent au contraire s'assumer comme elles sont pour reconstruire leur féminité.

Côté médical : il y a eu une erreur de diagnostic : ces jeunes filles n'étaient pas trans.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

6. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

b. Des hormones du sexe opposé ?

Le problème de l'interdiction est qu'elle est vécue comme une restriction de liberté voire comme une impossibilité de faire une transition. Le but n'est absolument pas celui-là mais au contraire de laisser à un jeune toutes les possibilités ouvertes avant de s'engager où il le souhaitera.

À ce jour, aucune étude ne permet de certifier que les avantages des bloqueurs de puberté sont supérieurs aux inconvénients. Or, leur prescription est en augmentation et la majorité de ceux qui reçoivent des bloqueurs de puberté prendront des hormones croisées. Il n'y a pas d'autre domaine en médecine où on élargit les prescriptions sans certitude d'efficacité. Il y a de nombreuses façons de gérer les problèmes de ces jeunes sans recourir aux bloqueurs de puberté.

Pour les hormones croisées, l'âge peut varier selon les pays entre 16 et 18 ans. L'interdiction vise à laisser toutes les options à un mineur avant de s'engager dans des traitements à vie et dont certains effets sont irréversibles alors qu'il n'a aucune expérience sexuelle et que les risques d'infertilité sont considérables.

L'autre problème de l'interdiction légale est qu'elle ne permet pas la nuance ni le cas particulier qui, en médecine, existe toujours.

Rappelons que les lois de bioéthiques sont révisables tous les 5 ans en fonction de l'avancée des recherches. Dans le domaine qui nous occupe, compte tenu de recherches en cours, la loi devrait également être révisable tous les cinq ans.

7. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ? Par quels professionnels de santé ?

La réponse à cette question est la même que pour la question 1.

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Le cerveau de l'adolescent présente un développement dissocié entre le système qui gère les émotions (limbique) et le cortex régulant le comportement (pré-frontal), on ne sait ce qu'induisent ces molécules au niveau cérébral.

Les hormones masculinisantes :

La non réversibilité concerne la voix, la pilosité, les modifications des organes génitaux sont souvent acquises, ce d'autant plus après bloqueurs de puberté.

Les hormones féminisantes :

Les anti androgènes : l'Androcur dont la responsabilité dans la survenue de tumeurs cérébrales a été démontré. Le Bicalutamide qui empêche la sécrétion d'hormones mâles (utilisé dans le cancer de la prostate). Ces produits sont dangereux et à ne pas utiliser. Ils sont prescrits en milieu hospitalier ou par des médecins libéraux non obligatoirement endocrinologues.

9. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Il nous semble difficile mais peut-être pas impossible que la loi soit plus précise. Le principe est que les jeunes aient accès à des interventions non médicales fondées sur des données probantes répondant à l'ensemble de leurs difficultés. L'autre principe est que rien d'irréversible ne puisse être prescrit à des mineurs. Il s'agirait alors de s'entendre sur ce que signifie « irréversible ».

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

10. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Les interventions de réassignation sexuelle englobent plusieurs types de chirurgie. Le vocable est imprécis. Pour les mineures, dans le vocabulaire trans, on appelle « torsoplastie » des mammectomies bilatérales (ablation des seins). Il s'agit d'une mutilation d'organes sains.

Toutes les autres interventions chirurgicales concernent des majeurs

11. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

OUI. Il s'agit de laisser toutes les options ouvertes. Une intervention irréversible sur des organes sains n'est pas aussi urgente qu'il peut y paraître. Il y a d'autres moyens de soulager la souffrance exprimée.

12. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

Les mastectomies sont peu fréquentes en France mais on ne dispose pas de chiffres nationaux car certaines opérations sont qualifiées de réduction mammaire.

Elles se pratiquent en privé et à l'hôpital public (remboursé par SS ou pas). La plus jeune opérée de France a 14 ans. Sur les réseaux sociaux, la « torsoplastie » est vantée comme une opération « esthétique », appréciée et le nom des chirurgiens qui la pratiquent à Paris et en province est donné.

13. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Une mastectomie n'est pas réversible. Une réparation esthétique artificielle ne redonne aux seins ni leurs fonctions ni leur sensibilité.

14. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

L'interdiction de toute chirurgie mutilante chez les mineurs ne devrait pas souffrir d'exception.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

15. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Nous n'avons pas de compétence particulière dans ce domaine. Nous nous permettons de rappeler que pour la loi sur l'interdiction des thérapies de conversion les peines prévues sont de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Une interdiction d'exercer la profession de médecin peut également être prononcée, pour une durée ne pouvant excéder dix ans.

16. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Oui

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

17. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Non

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Les jeunes atteints de « dysphorie de genre » sont avant tout des jeunes. S'ils souffrent, ils doivent avoir accès en première intention à des interventions non médicamenteuses répondant à l'ensemble de leurs difficultés. Ils n'ont pas à être « dirigés » d'emblée vers des services dits spécialisés sur leur « ressenti » qui est un auto-diagnostic.

18. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

La refonte de la pédopsychiatrie est une urgence et englobera le suivi de ces mineurs. Il est inadmissible qu'une demande de RV pour un jeune puisse prendre plusieurs mois.

Actuellement en France, les mineurs que nous appelons « transidentifés » ne bénéficient pas de soins ayant des preuves suffisantes concernant leur efficacité. Le protocole doit être revu comme il l'est déjà dans plusieurs pays européens.

19. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Ces jeunes ne sont pas différents des autres jeunes. Ils doivent bénéficier d'une prise en charge globale (holistique).

20. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être apportées ?

Le rapport de la cour des comptes est accablant.

Nous nous referrons à ce qu'a écrit Bernard Golse, pédopsychiatre-psychanalyste, ancien Chef du service de Pédopsychiatrie de l'Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), Professeur émérite de Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'Université Paris Cité, conseiller expert auprès de la Cour des comptes dans un article pour l'Agora du COPES (2023) dont voici un extrait :

« Les chiffres parlent d'eux-mêmes : on estime la population de mineurs (moins de 18 ans) dans notre pays à 14 millions d'enfants et d'adolescents dont 1,6 million souffrent d'un trouble psychique alors que 750.000 à 850.000 seulement bénéficient de soins psychiatriques. En contraste avec ces chiffres impressionnants, le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34% entre 2010 et 2022, passant de 3113 en 2010 à 2019 en 2022 tandis que 58% des lits de pédopsychiatrie ont été supprimés. Les soins sont donnés essentiellement sur un mode ambulatoire : consultations, séances thérapeutiques diverses, hospitalisation de jour. Il y a eu, dit la Cour des comptes, un « virage ambulatoire ». La prévalence des troubles psychiques chez les enfants et adolescents européens est estimée à 13% selon une méta-analyse faite en 2022. Elle est mal connue pour la population française : la seule donnée épidémiologique remonte à 1981 et porte sur un échantillon limité aux enfants de 6 à 11 ans, pour aboutir à un taux de prévalence de 12,4%, donc proche de la moyenne européenne. On peut craindre que ce taux n'ait augmenté au cours des dernières années, si l'on en juge par l'accroissement des troubles suicidaires et des troubles de l'humeur chez les adolescents pendant la période COVID. Quant aux troubles les plus sévères, le rapport en estime le nombre à 190.000 enfants et adolescents compte tenu des dépenses de soins de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM). Au total, si l'on compare le nombre d'enfants et d'adolescents souffrant de troubles psychiques et le nombre d'entre eux qui bénéficient d'une prise en charge pédopsychiatrique, seul 1 enfant ou adolescent sur 2 bénéficie des soins dont il a besoin. Encore faut-il évaluer la qualité et l'adéquation de ces soins. À cet égard le rapport est sévère si l'on en juge par les sous-titres du rapport et les recommandations qui sont faites : « Une offre de soins de pédopsychiatrie mal adaptée aux besoins - Une offre de soins qui ne tient pas suffisamment compte de la diversité des troubles et des facteurs de risques - Un parcours de soins inadapté faute d'une gradation cohérente de l'offre de soins - Une politique de l'offre de soins de pédopsychiatrie plus lisible mais peu efficiente - Une lisibilité de l'action administrative à renforcer pour améliorer l'offre de soins de pédopsychiatrie ». 

En conclusion de ce chapitre sur l'organisation des soins, le rapport souligne que : « Plus de 60 ans après la mise en place des secteurs de pédopsychiatrie, le parcours de soins des enfants et jeunes souffrant de troubles psychiques reste peu lisible et confronté à de multiples acteurs, la famille restant encore trop souvent en charge de la coordination des interventions ». 

Le bilan étant fait et depuis plusieurs années, nous attendons avec impatience des mesures structurelles.

RÉSEAU DE SANTÉ TRANS « REST »

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

La prise en charge en santé des mineurs trans en France est très variée, allant des thérapies de conversion, pourtant interdites, aux approches affirmatives de genre, en passant - et c'est le cas le plus général - par le refus de soins. S'agissant plus spécifiquement des mineurs en questionnement de genre, c'est-à-dire de mineurs qui ne s'affirment pas dans un genre particulier mais sont justement en questionnement sur leur genre, ils peuvent, dans le cadre des approches affirmatives de genre, bénéficier de soins pédopsychiatriques ou psychologiques, ainsi que leurs familles, pour les aider à naviguer dans leur compréhension de leur genre, explorer leur rapport au genre au moyen de changements vestimentaires, de coupes de cheveux, de pronoms et de prénom, d'utilisation de cosmétiques, etc. en permettant une certaine souplesse et une totale réversibilité. Lorsque le questionnement de genre s'accompagne d'une souffrance psychique au démarrage de la puberté, des retardateurs de puberté peuvent être prescrits par un endocrinologue, en milieu hospitalier, avec le double accord parental, et pour une durée limitée dans le temps. Le questionnement de genre ne justifie pas la prescription d'hormones sexuelles, puisque celles-ci modifiant le corps dans une apparence genrée particulière, elles ne se destinent qu'aux mineurs adolescents (en moyenne à partir de 16 ans) qui s'affirment dans ce genre particulier, et ne sont donc pas ou plus en questionnement de genre.

La proposition de loi dans son intitulé ne semble pas prendre en compte l'existence de mineurs affirmés dans un genre qui n'est pas celui dans lequel ils ont été élevés (mineurs transgenres), mais seulement de mineurs en questionnement de genre. C'est le produit me semble-t-il davantage d'une dérive idéologique de la part de leurs auteurs refusant obsessionnellement l'existence de mineurs trans que d'une volonté de réduire le périmètre de la loi aux seuls mineurs en questionnement de genre.

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

a. Quel regard portez-vous sur ces recommandations ?

Il s'agit d'une recommandation de prudence, pas d'interdiction, à la différence de ce que préconise cette proposition de loi. À mon sens, la prudence est exigible tant à propos des conditions de prescription des traitements trans-spécifiques qu'à l'endroit des personnes visant leur interdiction.

Par ailleurs, si nul ne conteste que les personnes trans adolescentes sont souvent en situation de vulnérabilité psychologique, notamment en raison du stress minoritaire qui altère leurs conditions de vie et assombrit leurs perspectives de bien-être futur et leurs possibilités d'être, on ne peut pas en dresser une généralité : certains adolescents trans ne sont pas en vulnérabilité psychologique. D'expérience, il s'agit très généralement de jeunes dont les parents et toute la famille sont soutenants de leurs démarches de transition, quelle qu'elle soit (sociale, administrative, médicale), dont l'inclusion à l'école se déroule bien (adoption des nouveaux prénom et pronom par la communauté éducative et les pairs, respect des choix vestimentaires et des lieux non-mixtes). Cette hétérogénéité de la population sur le plan psychologique justifie une place des professionnels de la santé mentale dans les parcours de vie des mineurs trans qui ne soit ni centrale, ni inexistante, mais déployable rapidement sur des points d'appel psychiatriques par des endocrinopédiatres, médecins de premiers recours, infirmières scolaires, etc. En ligne avec la dépsychopathologisation des transidentités depuis le vote, notamment par la France, à l'Assemblée Mondiale de la Santé, en 2019, de la CIM-11, il s'agit de dépsychiatriser l'accès aux soins trans-spécifiques pour tous, sans apsychiatriser cette offre de soins.

Enfin, s'agissant des effets indésirables des traitements, ils doivent être systématiquement mis en balance avec les bienfaits attendus de ceux-ci, en termes d'amélioration de la santé mentale des adolescents, amélioration du bien-être social (considéré comme un déterminant de la santé d'après la constitution de l'OMS de 1948), insertion sociale, scolarisation, etc. Comme les bienfaits attendus sont susceptibles de varier d'un adolescent à l'autre, il s'agit d'être à l'écoute des paroles du jeune quant aux bienfaits qu'il anticipe des traitements, tout en l'informant, dans un langage clair et adapté, des effets potentiellement indésirables, et du caractère potentiellement évolutif de l'identité de genre, afin d'obtenir le consentement réellement éclairé ou l'assentiment de la personne concernée, ainsi que des parents.

b. Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Comme indiqué en réponse à la première question, cela dépend de la prise en charge. S'agissant des thérapies de conversion, dont j'insiste à rappeler qu'elles continuent d'être pratiquées en France, y compris dans des consultations publiques, y compris par des médecins, le principe de prudence n'est pas appliqué : ces « thérapies » ne se fondent pas sur les données acquises de la science, n'ont jamais apporté la preuve de leur bienfait, ne sont pas éthiques, et sont mêmes illégales.

S'agissant des approches affirmatives de genre, le principe de prudence est systématique, mais doit être interprété avec discernement selon la situation de l'individu. Il devrait aller de soi par exemple, qu'on agit avec prudence tout autant lorsqu'on s'abstient de prescrire des bloqueurs de puberté à des adolescents trans bien dans leur peau en dépit d'une puberté endogène débutante, que lorsqu'on prescrit ces mêmes bloqueurs de puberté à un adolescent trans auto-agressif ayant fait plusieurs tentatives de suicides et dont la dysphorie de genre en lien avec la puberté aggrave la santé mentale et augmente le risque de suicide.

En d'autres termes, « Primum non nocere » doit s'appliquer tout autant à la décision médicale de prescription, qu'à la décision médicale de non-prescription : le statu quo n'est pas une position neutre médicalement dès lors qu'il a une incidence sur la santé mentale des jeunes trans. Cette proposition de loi, en forçant les professionnels de santé à adopter un statu quo prohibitif sur les traitements trans-spécifiques, va aggraver l'état de santé des jeunes qui en ont besoin. Elle se rapproche ainsi d'une position idéologique sur ces traitements, qui fait l'impasse sur l'apport en santé que peuvent représenter ces traitements pour certains jeunes, ce qui explique l'adoption de législations pareillement prohibitives dans des États fortement imprégnés idéologiquement par les mouvements anti-trans (23 États américains gouvernés par des proches de Donald Trump, ainsi que la Russie de Vladimir Poutine).

En termes de prudence, les dispositifs médicaux ouvrant l'accès aux traitements trans-spécifiques ont publié leurs chiffres et font clairement preuve d'une retenue dans la prescription. Lagrange et collègues (2023) par exemple évoquent les chiffres de la Pitié-Salpêtrière : 11 % seulement des jeunes admis ont bénéficié de bloqueurs de puberté, en moyenne à 14 ans, après en moyenne 10 mois de consultations par l'équipe pluridisciplinaire (professionnels de santé mentale, endocrinopédiatres, biologistes de la reproduction). Les hormones sexuelles ont été prescrites pour moins de la moitié des jeunes trans admis, en moyenne à 17 ans, après 14 mois de consultations par l'équipe pluridisciplinaire. Seuls 30 jeunes transmasculins admis, sur la période 2012-2022, ont bénéficié de torsoplastie, en moyenne à 18 ans et demi.

En outre, il faut rappeler que les adolescents trans bénéficiant de soins trans-spécifiques constituent une infime minorité de la population trans adolescente : 2 % des répondants trans français de 15-17 ans à l'étude de l'Agence européenne des droits fondamentaux (2019) bénéficient ou ont bénéficié de soins trans-spécifiques. J'avais trouvé une estimation plus basse, de 0.8 %, en m'appuyant sur les 294 mineurs bénéficiant d'ALD 31 au titre de la transidentité en 2020. Les soins trans-spécifiques chez les mineurs trans sont rares, très rares, mais de mon humble expérience de terrain, tant les personnes concernées que les parents et le personnel médical les jugent nécessaires. Cette proposition de loi, en souhaitant interdire ces traitements pour tout le monde, y compris pour ceux pour qui ils sont nécessaires, fait preuve d'un flagrant manque de prudence.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions. Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

On peut s'interroger sur ce qui motive intellectuellement l'Académie Nationale de Médecine dans cet avis, et ses propres biais idéologiques, en ligne de sa déclaration menaçant la « PMA pour toutes » de provoquer une « rupture anthropologique majeure ».

L'Académie motive ce suivi psychologique obligatoire pour tous (donc y compris en l'absence de détresse psychologique) par une « demande croissante des soins » trans-spécifiques. Or, toutes les données épidémiologiques des unités spécialisées dans le monde montrent un plateau des demandes de soins après une première période de croissance. Les données françaises, tant dans l'admission des soins que dans le nombre de bénéficiaires mineurs d'ALD 31, témoignent du même plateau des demandes de soins depuis 2020, qui ne peut plus être attribué à la séquence Covid.

En outre, dans ces mêmes avis de l'Académie, on peut lire une recommandation pour « la vigilance des parents face aux questions de leurs enfants sur la transidentité ou leur mal-être, en soulignant le caractère addictif de la consultation excessive des réseaux sociaux qui est, à la fois, néfaste au développement psychologique des jeunes et responsable d'une part très importante de la croissance du sentiment d'incongruence de genre. ». Cette recommandation incriminant l'usage des réseaux sociaux dans la croissance du sentiment d'incongruence de genre se fonde sur une seule étude, celle de Lisa Littman (2018), citée par l'Académie. Pourtant, cette étude, réalisée auprès de parents d'adolescents trans sélectionnés sur la base de leur croyance que leur enfant est victime d'une « dysphorie de genre d'apparition rapide », n'a aucune validité, faute d'avoir pu interroger les jeunes concernés et leurs éventuels cliniciens. Lisa Littman affirme elle-même, dans une correction publiée en 2019, que son étude ne valide pas le phénomène suggéré de « dysphorie de genre d'apparition rapide ». De même, elle affirme dans cette correction qu'en raison du design de son étude, descriptif, aucune affirmation sur des associations causales ne peut être faite. Dans une étude de 2022 publiée par Greta Bauer et ses collègues, portant sur un échantillon clinique d'adolescents trans, l'hypothèse de la dysphorie de genre d'apparition rapide a pu être testée : non seulement les réseaux de pairs en ligne favorisaient plus qu'ils ne défavorisaient la santé mentale des jeunes trans, mais ils ne favorisaient pas l'apparition plus rapide d'une identité transgenre à l'adolescence. En somme, l'usage des réseaux sociaux n'est pas, comme le clame sans prudence l'Académie, « responsable d'une part très importante de la croissance du sentiment d'incongruence de genre ». Il apparaît que l'Académie est contrevenue à la règle déontologique de prudence, encadrant l'information au public : « Lorsque ses propos ne sont pas étayés sur des données confirmées et relèvent d'incertitudes ou d'hypothèses, le médecin doit être d'autant plus prudent.

Cette attitude s'impose tout particulièrement en cas de controverse existant dans les milieux scientifiques ou médicaux. Le médecin doit intervenir avec pondération lorsqu'il s'exprime publiquement. » (Commentaire au Code de Déontontologie Médicale)

Le contexte des soins trans-spécifiques des mineurs sont le lieu de nombreuses désinformations, c'est peu de le dire. L'Académie Nationale de Médecine s'est fourvoyée de façon pseudoscientifique dans une recommandation fondée sur une étude unique de niveau de preuve nulle, en raison de ses propres biais idéologiques. La recommandation d'un suivi psychologique obligatoire le plus long possible ne se fonde elle aussi sur aucune étude. Une revue systématique récente (Heathcote et collègues, 2024) des interventions psychologiques sur les enfants et adolescents trans a révélé que la plupart des études étaient de bas niveau de preuve, limitant la portée des recommandations qui peuvent être faites à leur sujet.

La dépsychiatrisation des transidentités quant à elle, s'inscrit dans une évolution du consensus scientifique, entérinée par l'OMS en 2019, appliquée en France depuis janvier 2022. Comme dit précédemment, cette dépsychiatrisation n'est pas synonyme d'apsychiatrisation, en raison notamment de la vulnérabilité psychosociale des populations trans, particulièrement jeunes. Là encore, la Pitié-Salpêtrière a pu révéler les profils cliniques des jeunes admis sur une décennie : « Les co-occurrences de troubles psychiatriques (28 % d'antécédents d'hospitalisation en psychiatrie) sont dominées par la dépression (60 % des jeunes avant leur prise en charge) et les comportements suicidaires (46 % d'antécédents de suicidalité, 24 % de tentatives de suicides avant la prise en charge), sur un terrain social fortement marqué par les discriminations, outrages, harcèlements, violences, et rejet scolaire. Un quart des jeunes étaient déscolarisé·es depuis au moins 3 mois au premier rendez-vous, et la quasi-totalité (97 %) ont pu être rescolarisé·es au cours de la prise en charge. Les troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité concernent 6 % des jeunes, les traits autistiques sont observés chez 9 %, et l'anorexie mentale chez 7 %. »

Il s'agit donc d'organiser un système de soins trans-spécifiques où le point d'entrée n'est pas nécessairement pédopsychiatrique, mais où un pédopsychiatre ou a minima un psychologue puisse être déployé rapidement sur un point d'appel psychiatrique qui aurait été détecté par le médecin auquel la famille a recours pour des soins trans-spécifiques. Ceci plaide en faveur d'un travail en réseau pluridisciplinaire, incluant des professionnels de santé mentale sensibilisés aux spécificités de l'accompagnement des mineurs trans ou en questionnement de genre, et fonctionnant sur la base des recommandations internationales de bonnes pratiques (WPATH 2022, Endocrine Society 2017, futures recommandations de la HAS). C'est le modèle de soins trans-spécifiques pour mineurs trans tel qu'il est déployé en Île-de-France dans le cadre de la plateforme Trajectoires Jeunes Trans (Condat, Cohen et TJT, 2022), financée et soutenue par l'ARS Île-de-France, l'AP-HP, la Ville de Paris, la Fondation de France et la DILCRAH.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Comme dit précédemment, la dépsychiatrisation sans apsychiatrisation requiert l'organisation d'un système de soins n'imposant pas d'évaluation et de suivi psychologique avant une transition médicale chez un patient majeur. Néanmoins, au vu des vulnérabilités psychosociales souvent associées au fait d'évoluer dans des environnements hostiles à la transidentité, des professionnels de santé mentale fonctionnant selon les recommandations internationales de bonnes pratiques doivent pouvoir être mobilisables par le médecin auquel a fait appel le patient. Ce modèle de soins doit pouvoir être adapté aux patients mineurs.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Il y a de très grandes différences entre les cadres législatifs des Etats américains Trumpistes cités ici, qui relèvent tous de la prohibition des traitements trans-spécifiques et de la pénalisation de leurs soignants, auquel il faut rajouter la Russie, des trois pays européens mentionnés (Finlande, Suède, Royaume-Uni), qui suivent un modèle non pas prohibitionniste mais régulationniste.

Comme précisé plus haut, l'interdiction législative répond à une demande idéologique plus qu'à un besoin de santé : elle ignore l'hétérogénéité des niveaux de détresse psychologique des adolescents trans justifiant pour certains (0.8 à 2 %) la prescription de traitements trans-spécifiques et pour d'autres non.

S'agissant des recommandations finlandaises (2020) pour les mineurs, une intervention hormonale éventuelle doit être précédée par la confirmation que l'identification au sexe opposé est permanente et cause une dysphorie sévère. L'évaluation du patient mineur doit éloigner l'hypothèse selon laquelle la variance de genre et la souffrance associée d'un adolescent ne résultent pas d'une recherche transitoire de l'identité propre à l'adolescence mais qu'il s'agit bien de traits stables. La détection de troubles psychiatriques doit donner lieu à un traitement en première intention pour ces troubles s'ils sont constatés. Les recommandations finlandaises n'interdisent pas les soins trans-spécifiques chez les mineurs.

S'agissant des recommandations suédoises (2022) pour les mineurs, elles proposent une évaluation et un soutien psychosocial. L'évaluation doit retracer le parcours de vie du jeune au moyen par exemple de témoignages et détecter des troubles psychiatriques, ainsi que des traits autistiques et TDAH. Les recommandations suédoises n'interdisent pas les soins trans-spécifiques chez les mineurs.

S'agissant du Royaume-Uni, le rapport final d'Hilary Cass (2024) préconise un modèle régulationniste régionalisé conditionnant la prescription de soins trans-spécifiques à une évaluation holistique diagnostique et fonctionnelle, une anamnèse de la dysphorie de genre, ainsi qu'un dépistage de troubles neuro-développementaux (dont traits autistiques). Le rapport Cass n'interdit pas les soins trans-spécifiques chez les mineurs.

La France suit un modèle régulationniste de facto : les transitions des mineurs sont encadrées par des professionnels de soins travaillant en réseau selon des recommandations internationales de bonnes pratiques strictes et fondées sur les données acquises de la science. L'étude précitée de Lagrange et collègues (2023), situant autour d'un an en moyenne le délai entre la première consultation de la famille et la prescription (lorsqu'elle se fait) de bloqueurs de puberté ou hormones témoigne du rythme lent des consultations nécessaires à l'évaluation et l'information la plus complète de la famille.

Par ailleurs, à ce délai d'un an doit se rajouter un délai d'un an en moyenne pour accéder à la première consultation, période pendant laquelle le jeune est out auprès de ses parents (c'est-à-dire leur a informé de sa transidentité ou son questionnement de genre), ce qui plonge de nombreuses familles dans un grand désarroi et rend d'autant plus nécessaire un soutien psychosocial. L'étude Trans PULSE en Ontario a permis d'identifier que la période entourant le coming out (révélation de la transidentité d'une personne) était la plus propice aux risques suicidaires, en raison de l'incompréhension et/ou du rejet que subissent les personnes trans faisant leur coming out de la part de leur entourage. Il est donc d'autant plus nécessaire qu'un soutien psychosocial se mette en place dès le coming out, ce qui est possible en Île-de-France en dépit de délais d'attente d'un an en moyenne avant le premier rendez-vous, par la disponibilité d'espaces de paroles pour les parents et les enfants mis à disposition des associations partenaires de la plateforme Trajectoires Jeunes Trans.

5. L'existence de regrets, de mal-être persistant voire de « détransition » peut poser la question du consentement éclairé des jeunes s'engageant dans le traitement médical d'un changement de genre. Constatez-vous dans vos réseaux une hausse de ces cas ou de ces questionnements parmi les personnes accompagnées et si oui quelles réponses y apportez-vous ?

Conceptuellement, seule l'existence de regrets pourrait a priori poser la question du consentement éclairé des personnes, car la détransition n'est pas forcément un résultat négatif. En effet, comme l'ont démontré les travaux d'Annie Pullen Sansfaçon et collègues (2023), les détransitions peuvent s'accompagner de regrets, mais aussi - ou à la place d'eux - de sentiments positifs tels que la gratitude, ou ambivalents, et peuvent évoluer avec le temps. Les taux de regrets sont mal connus car peu mesurés, on a toutefois plus de recul sur les discontinuités d'identification transgenre. Chez les enfants trans qui ont transitionné socialement, 97.5 % d'entre eux continuaient d'exprimer une identité trans ou non-binaire à l'adolescence, cinq ans plus tard (Olson et collègues, 2022), situant le taux de détransition à 2.5 %.

Une étude néerlandaise ayant 20 ans de recul sur l'accompagnement de 1 766 enfants et adolescents trans a révélé des détransitions « très rares » (van der Loos et collègues, 2023). Sur Paris, avec une décennie de recul, sur 239 jeunes admis à la Pitié-Salpêtrière, seule une situation de cessation de transition a été enregistrée (Lagrange et collègues, 2023). Des taux similaires sont évoqués par les autres unités de soins de Trajectoires Jeunes Trans (CIAPA et Hôpital Robert Debré notamment).

Par le passé, des taux extrêmement importants de détransition chez les jeunes ont pu être publiés, avoisinant les 80 %, voire 100 % chez Colette Chiland (Vandendriessche et Larrieu, 2023). Mais il s'agissait d'études cliniques dont le type de soins de l'unité clinique en question relevait de la thérapie de conversion, comme le rappelle d'ailleurs justement la Défenseure des Droits dans son avis sur cette proposition de loi. Ces taux de détransition ne relèvent donc pas d'une « désistance spontanée », ou « naturelle », comme on peut le lire assez régulièrement dans la presse, mais plus vraisemblablement d'un retour « dans le placard » d'enfants traumatisés par des soignants qui s'ignorent pratiquer une forme de torture.

Ces taux de détransition ont fait l'objet d'une revue critique de littérature par Temple Newhook et collègues (2018) : les études de détransition exploitant les données de la clinique d'identité de genre du CAMH de Toronto dirigée par Kenneth Zucker y sont particulièrement critiquées, cette clinique ayant été fermée par le CAMH pour faits de thérapies de conversion.

Il faut aussi distinguer les discontinuités de transition médicale des détransitions : beaucoup d'adultes trans interrompent, voire cessent complètement, par exemple, de prendre des hormones sexuelles, sitôt qu'ils en ont bénéficié des effets désirés, et qu'ils ne souhaitent plus subir les effets indésirés (ceux-cis peuvent inclure la réduction de la libido pour les femmes trans ; ou l'alopécie pour les hommes trans). Ces situations sont très fréquentes. On estime qu'après 4 ans d'hormones, 30 % des personnes trans interrompent celle-ci (Roberts et collègues, 2023). Cela ne signifie pas qu'elles ne sont plus trans. Juste que, contrairement aux affirmations souvent entendues, les traitements hormonaux ne sont pas des traitements « à vie » (sauf s'il y a eu une gonadectomie), et que les transitions ne sont pas systématiquement linéaires.

Sachant les taux de détransition en réalité extrêmement bas, dès lors qu'on accompagne positivement les jeunes trans, on peut supposer raisonnablement que les taux de regrets le sont aussi. Toutefois, comme le démontrent Florence Ashley et collègues (2023), aucun dispositif d'évaluation, aucun cadre diagnostique n'a pu prouver avoir la capacité de minimiser le regret éventuel d'une personne amenée à bénéficier de soins trans-spécifiques : on ne peut pas prédire le regret futur. Or, celui-ci existe, pour tous types de soins, pas spécialement les soins trans-spécifiques ; on n'interdit pas pour autant ces soins, qui sont prescrits en définitive en dépit du risque de regret mais en connaissance de son éventuelle apparition. Faute d'avoir une justification éthique à l'interdiction de ces soins trans-spécifiques, on retombe nécessairement sur le modèle du consentement éclairé : celui-ci, pour les auteurs précités, dès lors que l'information médicale est complète et honnête, est suffisant pour minimiser le regret futur.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

6. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

b. Des hormones du sexe opposé ?

C'est une préconisation qui ne fait aucun sens d'un point de vue médical, proposée d'ailleurs par des personnes n'ayant aucune expertise sur le sujet, puisque n'ayant pas l'expérience de l'accompagnement des mineurs trans. Cette proposition de loi, si elle était adoptée, ferait de la France le 2e pays au monde après la Russie à interdire dans la loi les transitions médicales des mineurs trans et à pénaliser leurs soignants. Les conséquences sur la santé publique seraient désastreuses, avec une hausse vertigineuse de la suicidalité des jeunes trans, et des variables associées à l'absence de soutien des transitions : hausse des signes dépressifs / anxieux, de la phobie scolaire et la déscolarisation, des comportements auto-agressifs, etc.

L'étude de l'USTS sur plus de 27.000 personnes trans a permis d'identifier que la catégorie d'âge la plus jeune était la plus à risque suicidaire (42 % de tentatives de suicides chez les 18-25 ans). D'après la même étude, les taux d'idéations suicidaires et de tentatives de suicides sont 600 % de fois plus fréquents chez les jeunes trans que chez les jeunes non-trans. La vague 2022 de cette même étude, sur plus de 92.000 personnes trans, permet d'évaluer que 94% des personnes qui entament une transition de genre sont plus satisfaites de leur vie depuis qu'elles transitionnent. 98 % des personnes trans qui bénéficient d'hormones sont plus satisfaites de leur vie depuis qu'elles en prennent. Que l'on ignore ces faits ne relève plus de la négligence scientifique, c'est du dénialisme.

7. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ? Par quels professionnels de santé ?

Ils sont délivrés par des endocrino-pédiatres, très majoritairement, avec double accord parental, sur avis favorable psychologique/psychiatrique, après proposition d'une consultation de préservation de fertilité, et après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire. Cette organisation des soins ne me paraît pour autant satisfaisante, car pas adaptée aux situations nombreuses où les vulnérabilités psychosociales sont minimes, et la capacité de la personne concernée à consentir aux soins plus marquée, par exemple s'agissant de grands adolescents (16-17 ans), sans troubles psychiatriques co-occurrents, bien insérés socialement et scolairement, soutenus par leurs parents et la communauté éducative.

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Le fait qu'il soit demandé dans ce questionnaire de lister des effets indésirables aux traitements sans mentionner les bienfaits attendus de ceux-ci témoigne d'une incompréhension des fonctionnements éthiques de base de la médecine : la balance bénéfices-risques. Celle-ci doit être discutée avec la personne concernée et les parents, soupesée par eux et le médecin. À ma connaissance, s'agissant des bloqueurs de puberté, le principal effet indésirable concerne la diminution de la densité minérale osseuse, et donc le risque fracturaire. Toutefois, un suivi régulier et une supplémentation en vitamines, ainsi que l'exercice permettent de diminuer voire d'anéantir le risque fracturaire : la littérature et la pratique médicale à Paris ne recense aucune fracture osseuse sous ce traitement.

Par ailleurs, la densité minérale osseuse se restaure peu à peu avec l'arrêt du traitement. S'agissant des hormones sexuelles, le principal risque est la réduction, mal connue, de la fertilité, surtout constatée chez les jeunes transféminines (assignées garçon à la naissance mais ne s'identifiant pas ainsi) que chez les jeunes transmasculins (assignés fille à la naissance mais ne s'identifiant pas ainsi). Cette fertilité diminuée est grandement restaurée à l'arrêt des hormones, pourvu qu'il n'y ait pas eu de gonadectomie (impossible avant 18 ans), l'impact sur la qualité future des gamètes n'étant pas garanti, particulièrement pour les jeunes transféminines.

Il y a donc un intérêt à proposer des consultations de préservation de fertilité dans un CECOS, en amont de la prescription d'hormones, en vue d'une autopréservation de gamètes. Par ailleurs, l'interdiction de ces traitements introduirait une discrimination sur la base de l'identité de genre, discrimination pénalisée par la loi elle-même, puisque les bloqueurs de puberté sont prescrits de façon routinière sur des mineurs ayant souvent moins de 8 ans, dans l'indication de puberté précoce, et engagent les mêmes effets indésirables sur la santé que pour les jeunes trans. Les hormones sexuelles sont également prescrites chez des mineurs non-trans en cas d'insuffisance gonadique.

9. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Le cadre législatif actuel de liberté de prescription du médecin limitée par les données acquises de la science est suffisante pour assurer un cadre régulationniste tel qu'il existe en France. Toutefois, au vu de la confusion actuelle agitée par des idéologues « anti-genre » autour de ces soins trans-spécifiques, une clarification professionnelle de ce que sont les « données acquises de la science » doit avoir lieu. La traduction en français à venir du consensus de la WPATH (2022), la publication prévue en 2024 des recommandations de la société française d'endocrinopédiatrie et de la société européenne d'endocrinopédiatrie, ainsi que la publication à venir des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé, et d'un nouvel avis plus complet de l'Académie Nationale de Médecine, devraient combler les lacunes existantes.

À noter aussi que le Comité Consultatif National d'Ethique n'a jamais été sollicité sur ces questions, alors même qu'il est mobilisable par le Président du Sénat, lequel a mis à l'agenda cette proposition de loi.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

10. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Les opérations de réassignation sexuelle désignent communément les opérations génitales, dont aucune n'est pratiquée en France sur les mineurs trans.

11. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

En supposant que les auteurs de cette proposition de loi aient eu en tête d'interdire les torsoplasties (seules opérations réalisées en France sur des mineurs trans), celles-ci sont anecdotiques chez les mineurs : la Sécurité Sociale en décomptait 40 sur tout le territoire en 2020 ; la Pitié-Salpêtrière en décomptait 30 sur sa patientèle sur une décennie (2012-2022), à l'âge moyen de 18 ans et demi.

Tout comme pour les bloqueurs de puberté et les hormones, les chirurgies du torse doivent faire l'objet d'une évaluation bénéfices-risques dans le cadre de la décision médicale partagée entre la personne concernée, ses parents et les médecins. Il ne me paraît pas pertinent d'interdire une option de soins dès lors qu'elle peut faire partie d'un outillage thérapeutique ayant pour but d'améliorer la santé d'une personne. Cette préconisation d'interdiction là encore est ancrée dans un rejet des transitions qui relève davantage de l'idéologie que de la médecine.

À noter, comme le rappelle très justement là encore la Défenseure des droits dans son avis (précédemment cité) sur cette proposition de loi, les mineurs non-trans peuvent bénéficier de réduction mammaire voire de mastectomie complète, sur indication médicale. En quoi refuser aux uns ce que l'on accepte pour les autres remplit le principe d'une législation juste ?

12. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

À nouveau, aucune option de soins ayant des effets partiellement irréversibles ou irréversibles n'est proposée à des mineurs en questionnement de genre. Seuls des jeunes affirmés dans un genre sont susceptibles de se voir proposer des soins, sous indication médicale. Dans le cas des chirurgies de torsoplastie chez les mineurs, avec avis favorable d'un psychologue/psychiatre, du chirurgien, du double accord parental, et après discussion de réunion de concertation pluridisciplinaire.

13. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

À nouveau, l'absence de questions sur les bienfaits attendus d'un traitement, quel qu'il soit, témoigne d'un biais dans la conception de ce questionnaire. On ne peut évaluer médicalement la pertinence d'un traitement sans mis en balance des effets indésirables et risques avec les bienfaits attendus. S'agissant des torsoplasties, l'irréversibilité du geste entraîne la perte de fonctionnalité de lactation, qui est désirée par fort peu de personnes transmasculines. On ne peut donc que rarement parler d'effet à proprement parler « indésirable ». Les cicatrices et la baisse temporaire de sensibilité sont généralement bien supportées par les personnes concernées, qui leurs préfèrent les avantages en termes de bien-être et réduction de la dysphorie de genre.

14. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Même réponse qu'à la question 9.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

15. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Il s'agit des mêmes peines que celles prévues par l'interdiction des thérapies de conversion, qui sont des actes de tortures. L'instigatrice principale de cette proposition de loi, Mme Eustache-Brinio, a l'esprit de vengeance, elle qui a voté contre l'interdiction de ces thérapies de conversion.

Pour répondre simplement à votre question, l'interdiction des thérapies de conversion est complètement contradictoire avec la direction de cette proposition de loi. D'ailleurs, aucun pays, aucune région, n'a imposé une interdiction des thérapies de conversion anti-trans et une interdiction des transitions médicales des mineurs. Il y a une cohérence des législations en ce sens, qui prédit à mon avis le destin de cette proposition de loi.

16. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Pas davantage que la proposition de loi en elle-même.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

17. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

Non, la référence à la pédopsychiatrie dans le contexte qui est le nôtre n'est effectivement pas pertinente, pour des raisons déjà évoquées plus haut. La santé mentale des jeunes trans est un enjeu important, je l'ai évoqué, qu'il s'agit de saisir dans un parcours de soins à paniers de soins le plus ouvert possible, incluant des soins en santé mentale, pas uniquement circonscrits à la pédopsychiatrie, mobilisables sur points d'appel psychiatriques sans pour autant être obligatoires (cela confinerait à l'obligation de soins).

18. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Je crois en effet que la pédopsychiatrie a beaucoup à faire pour les jeunes trans, et surtout beaucoup à défaire. Je rappelle que la norme dans les « soins » visant les mineurs trans, dans ce pays, a été la thérapie de conversion (Vandendriessche et Larrieu, 2023), professée par la pédopsychiatre Colette Chiland. L'influence de la psychanalyse française sur le maintien des thérapies de conversion est patente : l'Ecole de la Cause Freudienne, principale école de psychanalyse en France, n'a-t-elle pas distribué à tous les sénateurs un document souhaitant le rejet des protections visant les personnes trans dans la loi interdisant les thérapies de conversion, au motif que cela les empêcherait de travailler ? L'Observatoire de la Petite Sirène, réel auteur du « rapport Eustache-Brinio », dont toutes les associations LGBT dénoncent la proximité avec la Manif pour Tous et l'extrême droite, et la promotion des thérapies de conversion, n'a-t-il pas fait de même ? En France, la plupart des familles que je rencontre me font état des mêmes difficultés de parcours : ici des refus de prise en charge de la part de pédopsychiatres, au motif que « tu es né garçon, tu resteras garçon », là des pédopsychiatres interdisant le port de la jupe à des petites filles trans au motif que cela l'empêcherait d'exprimer sa fluidité de genre, là encore des projets thérapeutiques de pédopsychiatres visant à rétablir l'enfant dans son sexe de naissance, là aussi des ados trans dont la famille a été explosée par des signalements d'inceste par la pédopsychiatre parce qu'il lui semblait inconcevable après avoir parlé 15 minutes au gamin et en dépit de son démenti qu'une transidentité puisse être autre chose que le résultat d'un trauma sexuel, encore là des pédopsychiatres pensant comme Chiland qu'untel ou untelle « se déclare trans » parce que le père n'est pas assez viril, ou parce que la mère est n'est pas assez féminine.

Bien souvent dans cette profession les idées reçues, les théories hasardeuses hors-sol et le manque d'attention aux preuves médicales. Alors oui, je crois qu'une stratégie nationale de la pédopsychiatrie serait nécessaire, et la première chose à exiger de cette profession, s'agissant des mineurs trans, est la condamnation univoque des thérapies de conversion anti-trans.

19. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Un accompagnement psychologique et/ou pédopsychiatrique soutenant de la transidentité du mineur trans, ou soutenant de l'exploration de genre du mineur en questionnement, sont des réponses suffisantes mais pas nécessaires. En l'absence de professionnels de santé mentale qui ne soient pas répressifs de leur transidentité, les communautés trans se sont organisées pour développer l'auto-support.

Le soutien des pairs est ainsi devenu un vecteur indispensable de sociabilisation pour les personnes trans qui craignent, malheureusement souvent à raison, l'environnement social autrement transphobe qui les poursuit au travail, à l'école, à l'université, dans la rue, dans le milieu médical, et tristement, dans le foyer familial : 60 % des jeunes trans sont victimes de violences intrafamiliales (Enquête Virage, Ined, 2020).

20. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Je crains qu'aucune hausse des budgets en pédopsychiatrie dans les hôpitaux ou les CMP ne soit suffisante pour adresser les défis en santé mentale de la population trans sans qu'il y ait un réel aggiornamento de cette profession vis-à-vis de la psychopathologisation des transidentités et de la pratique instituée et rationalisée des thérapies de conversion dans ce pays, qui concourent toutes deux à devoir examiner aujourd'hui cette lamentable proposition de loi.

ESPACE SANTÉ TRANS (PARIS)

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Pour ce qui concerne les mineurs en questionnement de genre à proprement parler, ils et elles n'ont pas vocation à être pris en charge : le questionnement de genre en tant que tel n'appelle en effet aucune intervention systématique. La terminologie employée dans le rapport du groupe de travail mené par la sénatrice Eustache-Brinio et dans le texte de la proposition de loi entretient en ce sens une confusion : il faut en effet distinguer les personnes en questionnement de genre des personnes trans. Dans la majorité des cas, les mineurs trans ne font pas non plus l'objet d'une prise en charge spécifique, dans la mesure où la grande majorité d'entre elles et eux réalisent des transitions sociales : exploration cosmétique, vestimentaire, changement éventuel de prénoms et pronoms, qui ne demandent pas d'intervention médicale ou thérapeutique. Il est estimé en France qu'entre 0.8 et 2 % des mineurs trans bénéficient d'un accès effectif au soin, principalement auprès d'unités spécialisées et via la plateforme Trajectoires Jeunes Trans

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

a. Quel regard portez-vous sur ces recommandations ?

L'Académie suppose dans son texte l'existence de formes “transitoires” de dysphorie de genre. Elle se base sur ce point sur une hypothèse non-documentée d'une médecin américaine, sur la base d'un sondage d'opinions auprès d'une organisation anti-trans. Notre expérience sur le terrain, ainsi que l'écrasante majorité des données scientifiques, vont à l'encontre de cette hypothèse. La prudence incite à la rejeter, dans la mesure où elle n'a pas été documentée.

Pour ce qui concerne le sujet des vulnérabilités psychologique, nous ne pouvons pas cautionner les postulats de l'Académie nationale de médecine sur ce sujet. Le document de l'Académie nationale de médecine réalisait cet appel sur la base de ce qui nous apparaît comme une confusion entre comorbidité et causalité. Depuis de nombreuses années, les organisations et experts de la santé trans ont rappelé l'existence de comorbidités entre plusieurs formes de neuroatypie et de problèmes liés à la santé mentale d'une part, et de transidentité de l'autre. Dans le premier cas, le lien entre autisme, parmi d'autres formes de neuroatypie, et transidentité, est publiquement décrit par les associations et experts depuis longtemps.

Dans d'autres cas, contrairement à ce que laissait entendre l'Académie, c'est bien par l'effet de maltraitances envers les personnes trans que se développent certaines pathologies, comme la dépression, l'angoisse, etc. Nous ne voyons pas en quoi prévenir la transition fait autre chose dans ces cas-là que de rajouter de la répression à de la répression, et donc du trauma au trauma. La prudence inciterait dès lors à ne pas rejeter la transition par principe, comme le fait le texte.

Les textes cités par l'Académie se basent ici sur une autre mécompréhension, issu notamment de la psychanalyse : l'autisme, comme d'autres formes de neuroatypie, n'est pas une “pathologie” à “soigner”, c'est une forme de la cognition, qui ne devrait pas intrinsèquement être utilisé comme prétexte à une mise sous tutelle des personnes concernées. Les thérapies dites “exploratoires”, qui visent à promouvoir le fait d'identifier et déconstruire le “trauma” supposé à l'origine de l'incongruence de genre, n'ont jamais fait leurs preuves, contrairement aux thérapies consistant à accompagner les personnes trans dans la détermination de leurs identités, souffrances et besoins, tout en accompagnant et en traitant leurs traumas et problèmes existants. La prudence incite ici encore à rejeter les méthodes expérimentales au profit de méthodes ayant fait leurs preuves empiriquement. Ces dernières sont généralement comprises sous l'étiquette “méthodes affirmatives”.

b. Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

Des conditions basées sur le principe de prudence seraient fixées sur plusieurs critères minimaux : le respect du consentement éclairé et de la bonne information des patients, un suivi individualisé, une exclusion de considérations idéologiques dans la décision de prescription, une formation et des ressources suffisantes de la part des médecins. En ce qui concerne le consentement, la bonne information, et le suivi individualisé, nous observons sur le terrain des progrès notables, via notamment la compréhension des diversités de besoins et de profils de personnes trans. Les deux derniers points nous semblent cependant compromis : d'abord la multiplication de groupes de pression directe et indirecte sur les médecins conduit à un risque d'idéologisation de leurs pratiques. Grâce au travail des organisations trans et de journaux comme Mediapart, il est documenté que des groupes comme Ypomoni ou l'Observatoire de la Petite Sirène mobilisent des méthodes proches de celles des mouvements anti-avortement pour mettre publiquement et en privé les praticiens sous pression, afin de les contraindre à rediriger les personnes vers des thérapies expérimentales, dites “exploratoires”, proches ou assimilables aux pratiques de conversion interdites par la loi. En ce qui concerne la formation et les ressources, nous constatons un risque de dérive proche de celui existant par exemple au Royaume-Uni : actuellement la durée d'attente pour une première consultation à la Pitié-Salpêtrière est d'un an et demi, que le traitement recherché soit hormonal ou psychologique. La réalité de la prise en charge ne peut pas dans de telles conditions être déterminée par les besoins individuels des patients, mais aussi par le manque de ressources.

Nous ne sommes pas aux niveaux de dérives existantes chez nos voisins britanniques (où elles peuvent en certains endroits atteindre vingt ans d'attente estimée), mais la situation est préoccupante dans la mesure où des cas de suicide de mineurs en situation d'attente ont été rapportés dans ce pays dès avant que la situation n'y atteigne ses niveaux actuels. De ce fait, il nous semble que les conditions de prise en charge et de prescription ne remplissent pas le principe de prudence actuellement. Nous rappelons que la Haute Autorité de Santé, comme le Défenseur des Droits, ont déjà alerté sur le fait que de nombreuses personnes trans étaient victimes de déni de soin ou en rupture avec le système de santé, entre autres de ce fait.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

En ce qui concerne l'Espace Santé Trans, il ne peut pas y avoir de “débat”, dans la mesure où le niveau de sérieux des travaux menés au sein des deux positions ne saurait être comparable. La note rendue par l'Académie nationale de médecine a été le résultat d'un travail rapide et, si l'on en croit la revue de la littérature citée par ce document, à la fois mal mené et biaisé : le manque de prise en compte des études scientifiques et l'incorporation sans regard critique de travaux comme celui de la Dr Littman, largement critiqués par la communauté scientifique, nous alertent. Par contraste, la Haute autorité de santé travaille au long cours avec une variété d'experts du sujet.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

Le suivi psychologique est utile et bénéfique aux patients trans de tout âge, comme à tout groupe social minoritaire et ayant tendance à être marqué par des expériences traumatiques. Il est essentiel que cette option soit accessible à tous et toutes. Il est non seulement superflu, mais contraire à cet objectif d'accès, que ce suivi soit une condition d'accès aux soins de transition, ne serait-ce que parce qu'historiquement les situations dans lesquelles cela a été le cas ont conduit à des pratiques de dissimulation des traumas de la part des patients trans vis-à-vis de leurs thérapeutes.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

Il est factuellement incorrect de considérer que les restrictions britanniques, suédoise, et finlandaise n'ont pas été influencées par des considérations au moins aussi idéologiques que celles prises aux Etats-Unis, et nous rejetons cette distinction. Le législateur a vocation à être présent dans les questions de santé, mais nous craignons que ce fait soit prétexte à une politisation de la santé : le politique ne peut pas déterminer ce qui est scientifiquement vrai ou faux. Il ne peut pas, dès lors, supprimer l'existence des mineurs trans. L'intervention proposée par ce texte ne conduirait qu'à réprimer leurs droits, créant ainsi de nombreux effets pervers : incitation au développement de marchés noirs porteurs de risque, à la dissimulation de comorbidités et de pathologies, maintien au placard et développement des risques, notamment suicidaires, accompagnant une telle situation. Ce faisant, pour résoudre un problème imaginaire (une “épidémie sociale” de transitions non-documentée), cette décision reviendrait à en créer un réel. Par respect du principe de prudence, cette solution n'est pas souhaitable.

5. L'existence de regrets, de mal-être persistant voire de « détransition » peut poser la question du consentement éclairé des jeunes s'engageant dans le traitement médical d'un changement de genre. Constatez-vous dans vos réseaux une hausse de ces cas ou de ces questionnements parmi les personnes accompagnées et si oui quelles réponses y apportez-vous ?

La prise en compte des personnes en détransition est inscrite dans les statuts de l'EST depuis sa création, et nous avons récemment entrepris de renforcer nos actions et travaillons à créer des groupes de parole et de suivi spécifiques aux personnes détransitionneuses. Nous ne constatons cependant pas d'augmentation notable du nombre de détransitions chez les mineurs, pas plus que chez les majeurs, et constatons que la quasi-totalité des cas ne concerne pas des regrets, mais l'effet de pressions sociales. Ces considérations ne sont pas propres à l'EST : elles sont confirmées par les équipes de la Pitié Salpêtrière, qui n'ont enregistré qu'une détransition sur 239 cas suivis en trois ans, et par les études qui établissent entre 0.2 et 1 % de détransitions, majoritairement causées par des pressions et pas par des regrets. Nous constatons que les organisations anti-trans partagent, même si elles n'en parlent pas publiquement, notre constat : d'après les informations révélées par Mediapart, le groupe Ypomoni n'est par exemple en contact avec aucune personne en détransition en France.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

6. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

Non. Cette décision serait contre-productive, irait contre le principe de prudence, et créerait comme l'a rappelé le Défenseur des droits une inégalité de traitement injustifiable vis-à-vis de la majorité des personnes à qui ces traitements sont prescrits (c'est-à-dire des mineurs cisgenres).

b. Des hormones du sexe opposé ?

Non. Cette décision serait contre-productive, irait contre le principe de prudence, et créerait comme l'a rappelé le Défenseur des droits une inégalité de traitement injustifiable vis-à-vis de la majorité des personnes à qui ces traitements sont prescrits (c'est-à-dire des mineurs cisgenres).

7. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ? Par quels professionnels de santé ?

À notre connaissance, ces traitements ne sont pas prescrits aux mineurs en questionnement de genre, dans la mesure où comme nous l'indiquions plus haut ces mineurs ne nécessitent aucun suivi spécifique. Ils peuvent être prescrits aux mineurs trans, par les mêmes endocrinologues qui prescrivent ces mêmes traitements aux mineurs cisgenres qui en ont besoin dans le cadre par exemple d'une puberté précoce, et pour les mêmes raisons : éviter à un enfant de vivre une puberté endogène à un moment indésiré.

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

Les effets secondaires varient selon les traitements. Dans le cadre des traitements de suspension de la puberté, l'effet indésirable principal peut être un léger changement dans le développement de l'ossature, nécessitant des apports alimentaires en calcium, une pratique régulière du sport, et un suivi médical de contrôle. Les publics concernés par ces traitements ne souffrent d'ailleurs pas d'un taux de fractures supérieur à la moyenne des mineurs. Dans le cadre des traitements hormonaux, l'effet principal concerne la fertilité, qui peut aisément être mis sous contrôle grâce aux méthodes de préservation de la fertilité existantes. Un effet présenté comme “indésiré” des traitements de suspension de la puberté souvent cité est qu'ils conduiraient majoritairement à une transition. C'est une incompréhension de la situation : prescrits à des enfants trans, ces enfants réalisent en majorité une transition hormonale par la suite.

Nous constatons que dans les cas où ces traitements sont prescrits à des enfants cis (dans le cadre d'une puberté précoce) ils ne conduisent à aucune transition hormonale. Rien dans la prise de ces traitements n'encourage à la transition intrinsèquement.

Nous souhaitons rappeler que ces effets secondaires sont connus des médecins qui les prescrivent, et mis dans la balance avec les effets indésirables d'une puberté endogénique chez une personne trans, qui sont bien connus : augmentation des besoins d'intervention médicale en aval (par exemple, nécessité de réaliser une torsoplastie sur des garçons trans ayant vécu un développement mammaire du fait d'une puberté endogénique, opérations de féminisation du visage, de la silhouette, augmentation mammaire chez les - - 7 filles), des besoins de suivi en orthophonie, en épilation définitive, pour les filles trans, et poids de l'angoisse causée par les nombreux aspects ne pouvant être changés par des interventions médicales plus tard dans la vie. Ces éléments s'ajoutent aux problèmes liés au fait de refuser une enfance et une adolescence dans le genre de destination aux enfants ayant exprimé un besoin de transition : multiplication des problèmes psychologiques, plus grande fréquence des pratiques d'automutilation et des troubles du comportement alimentaire, plus grande suicidalité, etc.

Nous constatons enfin que les effets désirés de certains traitements hormonaux sont régulièrement cités comme des effets secondaires : la pousse des poils, la mue de la voix, le changement de répartition des graisses, par exemple, ne sont pas des effets indésirables d'une thérapie à la testostérone, mais ses effets recherchés par les personnes qui réalisent une telle thérapie.

9. D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraientelles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

L'accès à ces traitements doit être le même entre les enfants cis et enfants trans.

Sur l'interdiction des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle (article 1er)

10. L'expression « opérations chirurgicales de réassignation sexuelle » vous paraît-t-elle suffisamment précise ? Selon vous, quelles interventions vise-t-elle ?

Nous ne savons pas à quelle catégorie spécifique le législateur fait référence quand il évoque cette expression, et nous ne pensons pas que les professionnels de santé le sauront non plus. Nous pensons que les textes ne devraient pas être aussi interprétables. Parle-t-on de torsoplastie, de vaginoplastie, de frontoplastie, de phalloplastie, de métoidioplastie, d'augmentation mammaire... ? Ultimement, un tel flou ne peut conduire qu'à une judiciarisation de la santé et à des réponses déterminées par autre chose que l'intérêt et le bénéfice des patients.

Si l'on prend toutes les opérations d'affirmation de genre réalisées sur des mineurs en France, il s'agit d'opérations de torsoplastie, estimées à une quarantaine par an, sur des personnes ayant 17 ans. Le Défenseur des droits alerte d'ailleurs sur les risques qu'une loi de ce type soit un texte d'exception.

11. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle aux moins de 18 ans ?

Nous ne comprenons pas l'intérêt d'interdire des opérations qui n'ont, à notre connaissance, pas lieu. Il faudrait que le législateur documente de quelle façon ces opérations ont été réalisées de manière abusive pour que nous puissions donner un avis sur la nécessité de se doter d'un texte les interdisant. Une piste envisageable concerne les enfants intersexes, qui sont effectivement d'après les organisations les représentant, régulièrement soumis à des interventions chirurgicales à des âges où le consentement éclairé ne peut pas être garanti.

12. Dans les faits et à votre connaissance, ces opérations sont-elles aujourd'hui réalisées sur des mineurs en questionnement de genre ? Le cas échéant, dans quelles conditions le sont-elles ?

À notre connaissance, le questionnement de genre n'est pas en tant que tel une situation conduisant à des interventions chirurgicales.

13. Quels sont les principaux effets indésirables et risques attachés à ces interventions ? Dans quelle mesure sont-elles réversibles ?

Pour les personnes cis comme trans, les effets indésirables principaux concernent un manque de formation et de présence des équipes chirugicales sur le territoire. Cela peut dans de rares cas conduire à un regret concernant le mauvais déroulement d'une opération. Des hommes trans en surpoids ont par exemple rapporté une déception quant aux standards esthétiques imposés par certains praticiens, ainsi que par des refus de soins. Pour pallier ces risques, il semble nécessaire de mieux former les équipes et de se doter aux échelles nationales et locales de davantage de praticiens. Cependant, nous rappelons que les opérations chirurgicales réalisées dans le cadre d'une transition sont parmi celles comptant d'après les statistiques disponibles le plus haut taux de satisfaction, comparées à d'autres chirurgies électives.

14. D'autres mesures législatives visant à encadrer les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle vous semblent-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non.

Sur le régime de sanction associé à ces interdictions (article 2)

15. Les peines prévues en cas de violation des dispositions encadrant la prise en charge des mineurs s'élèvent à deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, une interdiction d'exercice de dix ans au plus.

Ces peines vous semblent-elles justement proportionnées ?

Sur le plan matériel, nous constatons qu'aucune justification de la proportionnalité de ces sanctions n'a été fournie par le législateur. Nous constatons que ces sanctions sont symboliquement similaires à celles sanctionnant les pratiques dites de conversion. Il s'agit ici d'un parallèle erroné et dangereux, porté par une sénatrice qui s'est d'ailleurs opposée à l'interdiction des pratiques de conversion en 2022.

16. L'insertion de ces peines dans le chapitre du code pénal relatif à l'éthique biomédicale vous semble-t-elle pertinente ?

Non.

Sur la mise en place d'une stratégie nationale pour la pédopsychiatrie (article 3)

17. Alors que la dernière mise à jour de la classification internationale des maladies (CIM) exclut l'incongruence de genre des troubles mentaux et qu'un récent rapport de l'Igas sur la santé et le parcours des personnes trans préconisait une « dépsychiatrisation » de la prise en charge, l'insertion de cet article au sein de cette proposition de loi vous semble-t-elle pertinente ?

Dans quelle mesure la santé mentale des jeunes atteints de dysphorie de genre vous paraît-elle constituer un enjeu important ?

La terminologie employée par le législateur nous semble peu claire : le terme de “dysphorie” relève en effet du langage commun, et plus médical. Les transitions, de mineurs comme de majeurs, ne constituent pas un problème psychiatrique. Dans le cadre d'une loi portant sur les mineurs trans, il ne nous semble dès lors pas adéquat de développer une stratégie de soutien à la pédopsychiatrie, indépendamment de la nécessité ou non d'une telle stratégie.

18. La mise en place d'une « stratégie nationale pour la pédopsychiatrie » vous parait-elle constituer une réponse adéquate dans le suivi des mineurs souffrant de dysphorie de genre ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'accompagnement et la prise en charge de ces mineurs ?

Les enjeux qui concernent les transitions ne sont pas des enjeux psychiatriques. Toutefois, un certain nombre de personnes trans bénéficieraient d'un accompagnement psychiatrique adapté et personnalisé, se basant sur leurs besoins réels.

Tout en saluant la dépsychiatrisation de la transidentité, nous alertons sur le fait que les enjeux provoqués par la transphobie et le climat de militantisme anti-trans actuel, notamment sur le développement non seulement de stress minoritaire, c'est-à-dire les pathologies causées par une situation de marginalisation sociale, mais aussi par les agressions et discriminations transphobes qui se multiplient à mesure que la transidentité fait l'objet de stigmatisation, vont certainement à terme nécessiter des suivis accrus.

19. La dysphorie de genre s'accompagne fréquemment de souffrances psychiques qui peuvent être liées à l'environnement social et aux difficultés associées à un processus de transition générateur de stress.

Dans ce cadre, quel accompagnement proposer aux mineurs dans cette situation ?

Le travail des association comme l'EST est basé sur la nécessité d'une prise en charge et d'une accompagnement holistique : nous avons travaillé à développer des permanences d'écoute psychologique, de médiation auprès des professionnels de santé, de formation et de suivi auprès des professionnels de santé, d'alerte sur les situation de discrimination, de prévention en matière de santé mentale, reproductive, sexuelle, de contact avec les familles, les environnements scolaires et professionnels, d'activités de groupe permettant une sociabilité saine et un effacement des stigmates liés à la transidentité, d'activités sportives, festives, et artistiques, qui contribuent au bien-être de nos bénéficiaires... Nous pensons qu'un environnement compréhensif, transparent, formé, permettant l'autonomie des prises de décision et la déstigmatisation des identités quelles qu'elles soient sont les fondements nécessaires des actions envers ces publics. S'il faut le préciser, nous ne pensons pas que la valorisation de pratiques de conversion permette un tel environnement.

20. Le Conseil national de l'ordre des médecins estime que le nombre de pédopsychiatres avait diminué de 34 % entre 2010 et 2022 passant ainsi de 3 113 à 2 039 sur tout le territoire. Dans un rapport de mars 2023, la Cour des comptes alertait sur les difficultés du secteur et les inégalités de prise en charge des mineurs sur le territoire.

Quelles réponses pourraient être, selon vous, apportées pour remédier à ces difficultés ?

Nous ne pensons pas qu'il soit de notre mandat de répondre à cette question. Notre priorité concerne en effet les personnes trans, indépendamment de leurs éventuels besoins en matière de suivi psychiatrique. Si le législateur constate un déficit en matière de couverture sanitaire dans ce domaine, il est de son domaine d'arbitrer les décisions permettant d'y pallier.

SOCIÉTÉ FRANÇAISE D'ENDOCRINOLOGIE
ET DIABÉTOLOGIE PÉDIATRIQUE

Questions générales

1. À votre connaissance, dans quelles conditions les mineurs en questionnement de genre sont-ils aujourd'hui pris en charge (en établissement de santé ou en ambulatoire, spécialités médicales consultées, thérapies prescrites, conditions d'accès aux soins, etc.) ?

Les mineur.e.s en questionnement de genre et leurs familles sont accompagné.e.s par les centres hospitaliers suivants, organisés en réseau de soin, pour une prise en charge pluridisciplinaire :

Au sein de l'AP-HP :

- Hôpital Robert Debré à Paris (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

- Hôpital Pitié Salpêtrière à Paris (services de pédo-psychiatrie)

- Hôpital Bicêtre au Kremlin Bicêtre (services d'endocrinologie pédiatrique)

- Hôpital Trousseau (service de médecine pour adolescents)

Au CHU de Lille (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Marseille (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Montpellier (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Strasbourg (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Bordeaux (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Nantes (maison des adolescents)

Au CHU de Tours (maison des adolescents)

Au CHU d'Angers (maison des adolescents)

Au CHU de Toulouse (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Lyon (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie adulte)

Au CHU de Dijon (service d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de Rouen (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Au CHU de la Réunion Saint Pierre et Saint Denis (services de pédo-psychiatrie et d'endocrinologie pédiatrique)

Tous ces services travaillent en réseau de soin pluridisciplinaire et au sein du groupe de travail de la SFEDP (RCP régionale, RCP nationale de recours pour les situations les plus complexes)

2. L'Académie nationale de médecine appelait, en 2022, à une « grande prudence médicale » dans la prise en charge des enfants et adolescents, compte tenu de leur vulnérabilité psychologique et des effets indésirables importants des traitements disponibles.

Les conditions actuelles de prise en charge et de prescription vous paraissent-elles respecter ce principe de prudence ? Pourriez-vous détailler votre réponse ?

La prise en soin des jeunes et de leurs familles est assurée de manière pluridisciplinaire par des professionnel.le.s ayant une expertise dans le développement de l'enfant et de l'adolescent.e tant sur le plan psychoaffectif (psychologues, pédopsychiatres) que somatique (endocrinologues pédiatres).

L'accompagnement, qui est toujours singulier, s'articule autour d'un temps exploratoire concernant l'identité de genre mais également de l'évaluation du développement du jeune dans ses différentes dimensions (cognitive, sociale, affective), de la dynamique familiale et des éventuelles co-occurrences psychiatriques, dans une perspective intégrative. L'accompagnement intègre les médecins traitants de ville, les associations de personnes concernées grâce à de la pair aidance, et le lien avec les établissements scolaires, quand souhaités ou nécessaires.

Quand un traitement spécifique d'affirmation de genre est envisagé avec le jeune et ses parents, en fonction des besoins du jeune, d'une balance bénéfices/risques, de la compréhension des enjeux d'un traitement par le jeune, celui-ci est systématiquement discuté en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire associant professionnel.les de santé mentale, endocrinologues pédiatres, médecins de la reproduction, juristes, travailleurs sociaux, chirurgiens et chirurgiennes, associations de personnes concernées, chercheurs et chercheuses.

Cet accompagnement pluridisciplinaire se déploie en amont, pendant et après la mise en place des éventuels traitements d'affirmation de genre afin d'en évaluer les bénéfices sur le fonctionnement du sujet et les éventuels effets non souhaités.

3. La place de l'évaluation psychiatrique dans la prise en charge des personnes en questionnement de genre semble soulever des questions.

Alors que l'Académie recommande « un accompagnement psychologique aussi long que possible des enfants et adolescents exprimant un désir de transition », la Haute Autorité de santé (HAS) conduit actuellement des travaux destinés à « revoir la place de l'évaluation psychiatrique dans le processus de la réassignation sexuelle hormono-chirurgicale », pour tenir compte de sa « dépsychiatrisation ».

a. Quel regard portez-vous sur ces débats ?

La transidentité n'est pas une pathologie psychiatrique. C'est une construction singulière de l'identité qui s'inscrit dans différents champs : sociétal, sociologique, anthropologique, psychologique, politique, ....

L'expression des caractéristiques de genre, identités incluses, qui ne sont pas stéréotypiquement associées au sexe d'assignation de naissance, est un phénomène humain commun et culturellement diversifié qui ne doit pas être considéré comme intrinsèquement pathologique ou négatif.

Quand les adultes souhaitent entrer dans un parcours de transition médico-chirurgicale, il est nécessaire que les professionnel.le.s de santé qui reçoivent ces demandes soient formés aux enjeux de santé mentale et en capacité d'orienter vers la psychiatrie quand il existe des co-occurences psychiatriques qui sont plus fréquentes qu'en population générale en raison du risque de stigmatisation (troubles anxieux, troubles dépressifs, ...). L'accès au parcours de transition médico-chirurgicale ne doit pas dépendre de l'obligation d'une évaluation psychiatrique.

Il s'agit donc de dépsychiatriser la transidentité sans « a -psychiatriser » les personnes qui en besoin, en grande partie, du fait de la stigmatisation et des discriminations.

b. Une évaluation et un suivi psychologiques vous paraissent-ils devoir précéder toute transition médicale ? Leur importance vous semble-t-elle renforcée face à un patient mineur ?

L'objectif central de l'évaluation devrait être d'aider les jeunes à s'épanouir et à atteindre leurs objectifs de vie. Les mineurs doivent donc bénéficier d'un accompagnement pluriprofessionnel afin d'évaluer leur développement, leur discernement, leur compréhension des conséquences des décisions et d'accompagner les parents. Les enfants et les jeunes doivent recevoir une évaluation globale de leurs besoins pour éclairer un plan de soins individualisé. Cela devrait inclure le repérage des troubles neurodéveloppementaux, y compris les troubles du spectre de l'autisme, et une évaluation de la santé mentale.

4. Plusieurs pays occidentaux ont récemment limité l'accès à l'hormonothérapie pour les mineurs, à l'initiative de leurs autorités sanitaires (Finlande, Suède, Royaume-Uni...) ou du législateur (nombreux États américains).

La voie de l'encadrement législatif de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les mineurs vous semble-t-elle souhaitable ?

L'encadrement législatif sur la transidentité doit se limiter aux aspects juridiques concernant la place des personnes trans dans la société (identité, accès aux droits...). La pratique médicale doit faire l'objet de recommandations de bonnes pratiques qui sont produites soit par des sociétés savantes, soit par l'HAS.

Sur l'interdiction de prescription des bloqueurs de puberté et traitements hormonaux (article 1er)

5. Vous semble-t-il pertinent d'interdire, dans le cadre de la prise en charge de la dysphorie de genre, la prescription aux patients de moins de 18 ans :

a. De bloqueurs de puberté ?

NON

b. Des hormones du sexe opposé ?

NON

6. À votre connaissance, dans quelles conditions ces traitements sont-ils prescrits aujourd'hui aux mineurs en questionnement de genre ?

Ces traitements répondent aux besoins de certains mineurs et apportent un vrai soulagement, voire répondent à un besoin vital.

Ils doivent faire l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire spécifique et un passage en RCP avec évaluation des bénéfices/risques et prise en compte de l'autorité parentale. Leur interdiction conduira à des pratiques non médicales comme la vente de produits sur internet par exemple et/ou à un vrai risque en termes de suicidalité, de troubles anxiodépressifs, de décrochage scolaire.... Aucun pays occidental n'en a envisagé l'interdiction.

7. Pourquoi ces traitements sont-ils prescrits ? Quels sont les effets recherchés par les prescripteurs ?

8. Quels sont les principaux effets indésirables de chacun de ces traitements ? Dans quelle mesure leurs effets sont-ils réversibles ?

L'accompagnement des mineurs trans a fait l'objet de recommandations internationales notamment de l'Endocrine Society en 2017 (Hembree et al, JCEM, 2017) et de la WPATH en 2022 (Coleman et al, Int J Transgend Health, 2022). Des recommandations européennes de l'European Society of Pediatric Endocrinology vont être soumises pour publication dans les prochaines semaines, et des recommandations françaises de la Société Françaises d'Endocrinologie et de Diabétologie Pédiatrique sont en cours de finalisation. Pour les plus de 16 ans, des travaux sont en cours à l'HAS.

L'accompagnement des mineurs est pluridisciplinaire, comportant professionnels de santé mentale et endocrinologues pédiatres, qui font le lien avec l'environnement du/de la jeune : famille, école, médecin traitant, etc. ; mais aussi, en fonction des besoins : biologistes de la reproduction, assistantes sociales, associations d'auto-support, juristes, etc.

Tous les traitements hormonaux chez les mineurs trans font l'objet de discussion en réunion collégiale pluridisciplinaire, à l'exception de la prescription des microprogestatifs dans le but d'arrêter les saignements menstruels, lorsque la puberté est terminée.

Analogues de la GnRH (freinateurs de l'axe gonadotrope)

Les analogues de la GnRH (aGnRH), sont des molécules de synthèse, analogues de la protéine GnRH (autre dénomination : LHRH) qui est sécrétée physiologiquement de manière pulsatile. L'abolition de cette pulsatilité par l'administration de cette molécule, à effet prolongé (28 jours, 3 mois ou 6 mois, selon la molécule), permet un arrêt de la sécrétion des gonadotrophines et de ce fait, des stéroïdes sexuels d'origine gonadique, très rapidement. Cet effet est totalement réversible à l'arrêt du traitement.

Ce traitement est très efficace dans l'arrêt de la progression pubertaire, comme en atteste les nombreuses publications dans les situations de puberté précoce, pour lesquelles ce traitement a une AMM (Carel & Leger, NEJM, 2008). Les aGnRH sont utilisés depuis 40 ans dans cette indication, et sont administrés pour une durée moyenne de 3-4 ans, pouvant aller jusqu'à 9-10 ans de traitement. Les effets secondaires à court terme rapportés dans cette population sont des bouffées de chaleur, des céphalées, une fatigue, qui s'amendent après quelques mois de traitement et un ralentissement de la vitesse de croissance et de la minéralisation osseuse, réversibles à l'arrêt du traitement. Aucun effet secondaire à long terme n'a été identifié, notamment il n'y a pas d'impact avéré de ce traitement sur la fertilité ou le risque de fracture à l'âge adulte (Bertelloni et al ; EJE, 1998 ; Martinerie et al., Hor Res Pediatr, 2020 ; Carel et al., Pediatrics, 2009).

Dans la situation des jeunes trans, ce traitement peut être proposé, une fois la puberté démarrée (à partir du stade 2 de Tanner), lorsqu'il existe une souffrance en lien avec l'apparition des caractères sexuels secondaires. Le traitement par aGnRH dans cette indication a été initié pour la première fois il y a plus de 20 ans aux Pays Bas (Cohen-Kettenis et al, Eur Child Adolesc psychiatry, 1998), et continue d'y être proposé, sans remise en cause de son bénéfice (van der loos et al., J sex med, 2023).

Les effets secondaires à court et moyen terme sont les mêmes que ceux existants dans le cadre de la puberté précoce. Il existe à l'heure actuelle encore peu de données au long cours dans cette population, mais il n'a pas été rapporté d'augmentation d'incidence de fracture dans la littérature et la minéralisation osseuse s'améliore après le démarrage des traitements par stéroïdes sexuels (testostérone/oestrogènes) (van der loos et al., JAMA Pediatr, 2023). De même les aGnRH n'ont pas d'effet négatif sur l'association entre le quotient intellectuel avant traitement et la réussite scolaire après mise en route du traitement (Arnoldussen et al., Clin Child Psychol Psychiatry, 2022) ni sur les performances exécutives (Staphorsius et al., Psychoneuroendocrinology, 2015).

La surveillance régulière de la densité minérale osseuse est recommandée sous aGnRH, de même que le renforcement des apports en calcium alimentaires (produits laitiers), des apports en vitamine D et une bonne hygiène de vie.

Ce traitement est arrêté une fois le traitement par testostérone démarré et stabilisé à doses efficaces, en cas de transition hormonale masculinisante. Dans la situation d'un transition hormonale féminisante, les oestrogènes ne permettant pas, à doses physiologiques, la freination de l'axe gonadotrope, ils seront poursuivis jusqu'à une éventuelle chirurgie (orchidectomie) à l'âge adulte, ou pourront être remplacés par d'autres traitements antigonadotropes ou anti-androgéniques à l'âge adulte si cela est souhaité. Ainsi la durée du traitement par aGnRH chez les jeunes trans est en moyenne de 4-5 ans, très exceptionnellement plus de 10 ans.

Testostérone et oestrogènes

Le traitement par testostérone ou oestrogène chez les mineurs suit les mêmes modalités que chez l'adulte, mais est démarré à doses plus progressives, afin de mimer une puberté physiologique.

Selon les recommandations, cette prescription est possible à partir de l'âge où le/la jeune est capable de peser les bénéfices/ risques de ses traitements. Il n'est pas proposé d'âge limite minimum ou maximum. Classiquement ce traitement est proposé vers 15-16 ans.

9.D'autres mesures législatives visant à encadrer la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux vous paraîtraient-elles souhaitables (âge minimal du patient différent de celui actuellement prévu par la proposition de loi, conditions tenant à l'existence de consultations ou de décisions collégiales préalables, etc.) ?

Non les propositions sont adaptées à chaque situation en prenant en compte tous les facteurs de la vie de l'enfant et de l'adolescent.e en utilisation l'évaluation pluridisciplinaire des bénéfices/risques et un passage en RCP

Signatures

La SFEDP - Société affiliée à la Société Française de Pédiatrie

Pr Sylvie Rossignol, Présidente de la SFEDP

Pr Pascal Barat, Vice-Président de la SFEDP

Dr Cyril Amouroux, Secrétaire général de la SFEDP et membre du groupe de travail accompagnement des transidentités de la SFEDP

Les membres du groupe de travail accompagnement des transidentités de la SFEDP :

Pr Laetitia Martinerie

Dr François Brezin

Dr Clara Leroy

Dr Elodie Fiot

Dr Anne-Sophie Lambert

Dr Marie-Agathe Trouvin

Dr Vanessa Vautier

Dr Marylène Caquard

Dr Audrey Cartault

Dr Candace Bensignor

Dr Stephanie Rouleau

Dr Marie Devernay

Dr Marie Hoarau

Dr Claire Gayet

Dr Nathalie Magontier

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-435.html


* 1 Article 371-1 du code civil.

* 2 Article 372 du code civil.

* 3 Article 372-2 du code civil.

* 4 Article 373-2-1 du code civil.

* 5 Article 11 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 6 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

* 7 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

* 8 Article 2 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

* 9 Article 371-1 du code civil.

* 10 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

* 11 Article L. 2212-7 du code de la santé publique.

* 12 Article L. 5134-1 du code de la santé publique.

* 13 Ibid.

* 14 Article L. 1111-5 du code de la santé publique.

* 15 Article 11 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 16 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.

* 17 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.

* 18 Article L. 1413-3 du code de la santé publique.

* 19 Article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

* 20 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.

* 21 HAS, recommandation de bonne pratique « Délivrance de l'information à la personne sur son état de santé », mai 2012.

* 22 Articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1 du code de la santé publique.

* 23 Article L. 5134-1 du code de la santé publique.

* 24 Article L. 2212-7 du code de la santé publique.

* 25 Article L. 1110-1 du code de la santé publique.

* 26 Article L. 1110-3 du code de la santé publique.

* 27 Article 3 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 28 Article L. 1110-5 du code de la santé publique.

* 29 Article L. 1110-8 du code de la santé publique.

* 30 Article R. 4127-6 du code de la santé publique.

* 31 Article R. 4127-7 du code de la santé publique.

* 32 Article R. 4127-47 du code de la santé publique.

* 33 Article R. 4127-40 du code de la santé publique.

* 34 Article R. 4127-41 du code de la santé publique.

* 35 Article R. 4127-32 du code de la santé publique.

* 36 Article R. 4127-33 du code de la santé publique.

* 37 Article R. 4127-8 du code de la santé publique.

* 38 American Psychiatric Association, « DSM-5. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux », 2015.

* 39 OMS, « International statistical classification of diseases and related health problems », 11e révision adoptée en 2019 et entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

* 40 Ibid.

* 41 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », janvier 2022.

* 42 Les auteurs définissent les personnes transgenres comme « des personnes qui s'identifient à un genre différent de celui correspondant à leur sexe de naissance. »

* 43 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 22.

* 44 A. Condat, D. Cohen, Plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île de France, « La prise en charge des enfants, adolescentes et adolescents transgenres en France : controverses récentes et enjeux éthiques », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 70 (2022), pp. 408-426.

* 45 Soit des personnes nées sous le sexe féminin qui s'identifient au genre masculin. À l'inverse, l'expression « femme transgenre » vise les personnes nées sous le sexe masculin qui s'identifient au genre féminin.

* 46 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 21.

* 47 Soit 162 personnes sur les 239 enfants et adolescents reçus sur la période.

* 48 C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Île-de-France », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 71 (2023), pp. 270-280.

* 49 HAS, « Situation actuelle et perspectives d'évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France », novembre 2009.

* 50 Ibid., pp. 150-152.

* 51 Décret n° 2010-125 du 8 février 2010 portant modification de l'annexe figurant à l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale relative aux critères médicaux utilisés pour la définition de l'affection de longue durée « affections psychiatriques de longue durée ».

* 52 Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2020-136 du 18 juin 2020.

* 53 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 28.

* 54 Ibid., recommandation n° 2 : « Fonder les parcours de transition sur les principes cardinaux suivants : reconnaitre l'autodétermination des personnes, permettre un choix éclairé en améliorant l'accès à l'information, rendre possibles des parcours de transition médicale diversifiés dans leur contenu et leurs modalités en faisant une plus grande place à la médecine de 1er recours et au travail en réseau, dépsychiatriser l'entrée dans les parcours, tout en permettant un accompagnement en santé mentale quand nécessaire. »

* 55 HAS, note de cadrage « Parcours de transition des personnes transgenres », validée par le Collège le 7 septembre 2022.

* 56 Académie nationale de médecine, communiqué « La médecine face à la transidentité de genre chez les enfants et les adolescents », adopté le 25 février 2022.

* 57 HAS, note de cadrage « Parcours de transition des personnes transgenres », op. cit.

* 58 Comptaient une consultation spécialisée : Lille, Rouen, Tours, Bordeaux, Toulouse et Marseille. En région parisienne, des consultations spécialisées étaient proposées par l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, l'hôpital Robert Debré et le Centre intersectoriel d'accueil pour adolescent du GHU Paris.

* 59 HAS, « Réunion de concertation pluridisciplinaire », fiche mise en ligne le 21 novembre 2017.

* 60 Article D. 6124-131 du code de la santé publique.

* 61 HAS, « Réunion de concertation pluridisciplinaire », op. cit.

* 62 A. Condat, D. Cohen, Plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île de France, « La prise en charge des enfants, adolescentes et adolescents transgenres en France : controverses récentes et enjeux éthiques », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., p. 414.

* 63 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., pp. 75 et 76.

* 64 Circulaire du 29 septembre 2021 « Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l'identité de genre en milieu scolaire », bulletin officiel n° 36 du 30 septembre 2021.

* 65 Loi n° 2022-92 du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

* 66 Article 225-4-13 du code pénal.

* 67 Article L. 4163-11 du code de la santé publique.

* 68 Article 56 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

* 69 Article 60 du code civil.

* 70 Cour de cassation, Assemblée plénière, 11 décembre 1992, n° 91-11900.

* 71 Article 61-5 du code civil.

* 72 Article 61-6 du code civil.

* 73 La classification de Tanner, établie par James Mourilyan Tanner en 1969 et 1970, permet d'évaluer cliniquement l'évolution pubertaire par la distinction de cinq stades, chez les filles, de développement mammaire et de pilosité pubienne et, chez les garçons, de développement des organes génitaux et de pilosité pubienne. La classification fait l'objet d'une entrée au dictionnaire médical de l'Académie de médecine, disponible en ligne : https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=Tanner%20%28stades%20du%20d%C3%A9veloppement%20pubertaire%20de%29.

* 74 A. Condat, D. Cohen, Plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île de France, « La prise en charge des enfants, adolescentes et adolescents transgenres en France : controverses récentes et enjeux éthiques », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., p. 416.

* 75 C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Île-de-France », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., p. 276.

* 76 Réponses de la SFEDP au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 77 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 42.

* 78 A. Condat, D. Cohen, Plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île de France, « La prise en charge des enfants, adolescentes et adolescents transgenres en France : controverses récentes et enjeux éthiques », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., pp. 416 et 417.

* 79 Hilary Cass, « Independant review of gender identity services for children and young people : final report. », avril 2024, pp. 172-180.

* 80 Ibid., p. 196.

* 81 National Board of Health and Welfare, « Care of children and adolescents with gender dysphoria. Summary of national guidelines. », décembre 2022.

* 82 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 30.

* 83 Ibid., p. 42.

* 84 C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Île-de-France », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., p. 276.

* 85 HAS, « Situation actuelle et perspectives d'évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France », novembre 2009, pp. 104 et 105.

* 86 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., pp. 38 et 39.

* 87 Hilary Cass, « Independant review of gender identity services for children and young people : final report », avril 2024, pp. 182-190.

* 88 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 42.

* 89 A. Condat, D. Cohen, Plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île de France, « La prise en charge des enfants, adolescentes et adolescents transgenres en France : controverses récentes et enjeux éthiques », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., p. 418.

* 90 Voir notamment Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., pp. 31 et 31 et HAS, « Situation actuelle et perspectives d'évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France », op. cit., pp. 125 à 138.

* 91 A. Condat, D. Cohen, Plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île de France, « La prise en charge des enfants, adolescentes et adolescents transgenres en France : controverses récentes et enjeux éthiques », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., p. 418.

* 92 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 42.

* 93 C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Île-de-France », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, op. cit., p. 277.

* 94 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit., p. 37.

* 95 V.P. Bustos, S.S. Bustos, et. al., « Regret after Gender-affirmation Surgery : A Systematic Review and Meta-analysis of Prevalence », Plastic and Reconstructive Surgery - Global Open, mars 2021.

* 96 Groupe Les Républicains du Sénat, « La Transidentification des mineurs », mars 2024, recommandations 4, 5 et 6.

* 97 Réponses des services spécialisés de l'AP-HP au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 98 Réponses de l'association Grandir Trans au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 99 Réponses de l'association TRANSPARENTS au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 100 Réponses du Dr Catherine Zittoun, cheffe de pôle au Groupement hospitalier universitaire de psychiatrie et neurosciences de Paris, au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 101 Réponses de l'Observatoire de la Petite sirène et du collectif Ypomoni au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 102 Hilary Cass, « Independant review of gender identity services for children and young people : final report », avril 2024.

* 103 National Board of Health and Welfare, « Care of children and adolescents with gender dysphoria. Summary of national guidelines », décembre 2022.

* 104 Groupe Les Républicains du Sénat, « La Transidentification des mineurs », mars 2024, recommandation 4.

* 105 Articles 60 et 61-6 du code civil.

* 106 Parmi les patients reçus par le service spécialité de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière entre 2012 et 2022, 40 % avaient entamé leur transition sociale avant la première consultation (famille, groupes de pairs, école). Voir, à ce sujet, C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Île-de-France », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 71 (2023), p. 276.

* 107 Article 225-1 du code pénal.

* 108 Loi n° 2022-92 du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

* 109 Rapport d'information n° 494 (2016-2017) relatif à la situation de la psychiatrie des mineurs en France, déposé le 4 avril 2017 au Sénat.

* 110 « La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soin à réorganiser », rapport de la Cour des comptes fait en application de l'article LO 132-3-1 du code des juridictions financières, mars 2023.

* 111 Arrêté du 3 mars 2022 portant modification de l'organisation du troisième cycle des études de médecine, de maquettes de formation de diplômes d'études spécialisées et création d'option et de formations spécialisées transversales qui permet de choisir une « option précoce » de spécialisation en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent au sein du DES en psychiatrie.

* 112 « La pédopsychiatrie, un accès et une offre de soin à réorganiser », rapport de la Cour des comptes fait en application de l'article LO 132-3-1 du code des juridictions financières, mars 2023.

* 113 Marco Solmi, Joaquim Radua, Miriam Olivola, Enrico Croce, Livia Soardo, Gonzalo Salazar de Pablo, Jae Il Shin, James B. Kirkbride, Peter Jones, Jae Han Kim, Jong Yeob Kim, Andrè F. Carvalho, Mary V. Seeman, Christoph U. Correll, Paolo Fusar-Poli, « Age at onset of mental disorders worldwide: large-scale metaanalysis of 192 epidemiological studies », Molecular Psychiatry (2022) 27:281-295.

* 114 Mission relative à l'évaluation du fonctionnement des Centres d'Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP), des Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP) et des Centres Médico-Psychologiques de psychiatrie infanto-juvénile (CMP-IJ). IGAS - Septembre 2018.

* 115 Selon la Cour des comptes dans son rapport précité, le nombre de lits d'hospitalisation a diminué de 58 % entre 1986 et 2013.

* 116 Arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales, comportant ou non des possibilités d'hébergement.

* 117 L. Cacheux « Dernières données sur la prise en charge des enfants en CMP-IJ en France métropolitaine : augmentation des recours aux soins et intensité des prises en charge » 2020.

* 118 Selon les chiffres fournis par la Cour des comptes dans son rapport précité.

* 119 Articles L. 3221-3 et L. 3221-4 du code de la santé publique.

* 120 Décret n° 2010-125 du 8 février 2010 portant modification de l'annexe figurant à l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale relative aux critères médicaux utilisés pour la définition de l'affection de longue durée « affections psychiatriques de longue durée ».

* 121 Voir, à ce sujet, le commentaire des articles 1er et 2 de la présente proposition de loi.

* 122 Avis du Défenseur des droits n° 24-05 du 6 mai 2024 sur la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre

* 123 « Après le choc de la crise sanitaire, réinvestir la santé mentale », rapport d'information n° 304 (2021-2022 présenté par M. Jean Sol et Mme Victoire Jasmin, déposé le 15 décembre 2021.

* 124  Proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale,(n° 602, 2022-2023)

* 125 Rapport d'information fait au nom de la mission d'information sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France (n° 494, 2016-2017)

* 126 A. Condat, D. Cohen, Plateforme Trajectoires Jeunes Trans d'Île de France, « La prise en charge des enfants, adolescentes et adolescents transgenres en France : controverses récentes et enjeux éthiques », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 70 (2022).

* 127 C. Lagrange, J. Brunelle, F. Poirier, H. Pellerin, N. Mendes, G. Mamou, N. Forno, L. Woestelandt, D. Cohen, A. Condat, « Profils cliniques et prise en charge des enfants et adolescents transgenres dans une consultation spécialisée d'Île-de-France », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 71 (2023).

* 128 Dr Hervé Picard et Simon Jutant, « rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans », op. cit.

* 129 Hilary Cass, « Independant review of gender identity services for children and young people : final report », avril 2024.

* 130 HAS, note de cadrage « Parcours de transition des personnes transgenres », validée par le Collège le 7 septembre 2022.

* 131 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 132 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 133 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 134 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

* 135 https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_sante_des_personnes_trans_2022.pdf

* 136 Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans, Dr Hervé PICARD Simon JUTANT. Avec l'appui de Geneviève GUEYDAN de l'Inspection Générale des Affaires Sociales, 2021-081R

* 137 Comme le rappel M. Olivier VERAN dans son courrier adressé à MM JUTANT et PICARD, commandant le rapport

* 138 Selon la première étude nationale sur le sujet, publiée mardi 27 juin dans la revue scientifique Journal of the American Medical Association Cette étude est la première au monde à présenter des statistiques nationales. Jusqu'à présent, seules des données partielles étaient disponibles, mais elles montraient déjà que suicide et tentatives de suicide étaient beaucoup plus fréquents chez les personnes transgenres.

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