EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Interdiction du port de signes religieux ostensibles
dans les compétitions sportives

Cet article prohibe le port de signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement tendant à préciser le champ de cette interdiction.

L'article 1er reprend une disposition adoptée par le Sénat en 2021, puis à nouveau en 2022. Il s'agit d'interdire le port de signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives.

Plusieurs fédérations sportives ont déjà pris des dispositions en ce sens : la Fédération française de football, la Fédération française de basket-ball et la Fédération française de volley.

Le Conseil d'État a validé cette approche dans sa décision précitée du 29 juin 2023 Association Alliance citoyenne et a. Cette décision permet aux fédérations d'interdire le port ostensible de signes religieux pour garantir le bon fonctionnement du service public ou la protection des droits et libertés d'autrui. Les mesures prises doivent être adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi, condition que le Conseil d'État juge remplie par la Fédération française de football lorsqu'elle interdit, à l'occasion de compétitions ou de manifestations « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ».

Les fédérations sportives ont donc la faculté de mettre en place de telles limitations mais elles n'en ont pas l'obligation.

Malgré la jurisprudence, des contestations subsistent. Les fédérations sont soumises à de multiples pressions. Les divergences d'approche entre elles suscitent l'incompréhension et la confusion.

Les principes fondamentaux de la République ne sauraient être interprétés différemment et donc s'appliquer de façon hétérogène sur le territoire, en fonction de la discipline pratiquée.

De nombreuses fédérations sont aujourd'hui demandeuses d'un cadre législatif qui les protège et conforte leurs décisions et celles de leurs intervenants, confrontés à de multiples pressions sur le terrain. Cette situation appelle une intervention du législateur.

Le rapporteur a proposé à la commission d'adopter cet article en le précisant.

L'amendement COM-2 précise le champ de l'interdiction, en s'inspirant des formulations retenues par les fédérations françaises de football et de basket-ball. La mesure s'appliquera lors des compétitions départementales, régionales et nationales. Il s'agit, ainsi, d'inclure tous les niveaux de compétition se déroulant sur le territoire national, tout en excluant les compétitions inscrites au calendrier des fédérations internationales, afin de ne pas nuire à l'attractivité de la France pour l'accueil d'événements sportifs internationaux.

Le même amendement précise que les fédérations concernées sont les 120 fédérations agréées. Ces fédérations participent en effet à l'exécution d'une mission de service public et à la mise en oeuvre de la politique publique du sport (article L131-8 du code du sport), ce qui justifie pleinement qu'elles appliquent le dispositif.

La mesure s'appliquera, en outre, aux organes déconcentrés de ces fédérations (comités départementaux ou régionaux, ligues, districts etc.), aux ligues professionnelles et aux associations affiliées.

Enfin, cet amendement étend l'interdiction au port de « tenues » (en plus des « signes ») de nature non seulement « religieuse » mais aussi « politique ».

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2

Interdiction des prières collectives dans les locaux mis à disposition
en vue d'une pratique sportive

Cet article interdit les prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d'une pratique sportive.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement qui précise :

- que les locaux attenant à l'équipement sportif sont également concernés ;

- qu'au-delà de la seule prière, tout usage de type religieux est interdit.

En application de l'article L2144-3 du code général des collectivités territoriales, « des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations ou partis politiques qui en font la demande.

Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public ».

La collectivité territoriale mettant des locaux à disposition fixe les conditions de leur utilisation.

Des locaux peuvent être mis à disposition d'une association à des fins cultuelles. Cette possibilité est maintenue par l'alinéa 3 de l'article 2.

Mais lorsque des locaux sont mis à disposition pour la pratique sportive, leur usage à des fins religieuses relève d'un détournement de finalité.

Un tel usage exclurait par définition un certain nombre d'adhérents.

Il est susceptible de heurter la conscience d'autrui. Il peut relever du prosélytisme, problématique en cas de fréquentation des locaux par des personnes vulnérables et notamment par un public jeune.

C'est pourquoi l'article 2 dispose que lorsqu'un équipement est mis à disposition d'une association pour la pratique sportive, il n'est pas possible d'y tenir des prières collectives.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-4 apportant deux précisions :

- d'une part, les locaux concernés sont non seulement l'équipement sportif lui-même mais aussi tous les locaux attenants, c'est-à-dire notamment les vestiaires, la buvette etc. ;

- d'autre part, au-delà de la seule prière, tout usage religieux et donc toute cérémonie de nature religieuse sont interdits.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 bis (nouveau)

Suspension de l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait
délibérément à ses obligations en matière de laïcité et de neutralité

Sur proposition du rapporteur, cet article additionnel prévoit la possibilité pour le préfet de suspendre l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait délibérément aux obligations mises en place par les articles 1er et 2 de la proposition de loi.

L'article 63 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a précisé les modalités d'octroi, de suspension et de retrait de l'agrément des associations sportives. 

Aux termes de cette loi, les associations sportives agréées sont tenues de souscrire un contrat d'engagement républicain. Si elles méconnaissent ce contrat, le préfet suspend ou retire leur agrément (article L121-4 du code du sport).

Un décret du 31 décembre 2021 détermine le contenu de ce contrat d'engagement républicain (CER) qui comporte sept engagements. La mise en oeuvre de ce dispositif est toutefois très hétérogène. Elle dépend du bon-vouloir des acteurs et se heurte à une insuffisance des moyens de prévention et de contrôle des atteintes à la laïcité. En pratique, la souscription du CER est trop souvent une simple formalité. L'une des mesures phare de la loi confortant le respect des principes de la République est ainsi dénuée d'une grande partie de sa portée.

Sur proposition du rapporteur, l'amendement COM-1 propose d'écrire explicitement que le préfet pourra suspendre ou retirer l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait délibérément aux obligations instituées par les articles 1er et 2 de la présente proposition de loi. 

Cette disposition permettra de conforter la position des fédérations sportives face à d'éventuelles associations contestataires.

Le retrait de l'agrément signifie, en outre, que l'association sportive ne pourra plus bénéficier de l'aide de l'État

La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.

Article 3

Respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines

Cet article impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les espaces de baignade artificiels publics.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement précisant la portée de cet article.

En mai 2022, le conseil municipal de la ville Grenoble a adopté une délibération autorisant de facto le port du « burkini » dans les piscines municipales. Le « burkini » est une tenue longue dont le haut est ample et qui couvre la totalité du corps, à l'exception du visage.

Suite à cette délibération, le préfet de l'Isère a introduit un déféré-suspension, dit aussi déféré-laïcité, conformément à la procédure mise en place par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Le Conseil d'État lui a donné raison dans une ordonnance du 21 juin 2022. Auparavant, la haute juridiction administrative avait annulé un arrêté municipal interdisant le port du « burkini » sur les plages (dans une ordonnance du 26 août 2016).

Dans le cadre de l'examen de la future loi confortant le respect des principes de la République, le Sénat a adopté une disposition proposée par notre collègue Michel Savin afin d'interdire le port du « burkini » dans les piscines. Le gouvernement s'était alors opposé à cette disposition. Sa position a, depuis lors, changé. En effet, suite à l'ordonnance du Conseil d'État, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré à la presse : « C'est une victoire de la République, de la laïcité et du droit ».

Le présent article propose d'inscrire dans la loi le nécessaire respect des principes de laïcité et de neutralité par les usagers des piscines et des espaces de baignade artificiels publics.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-5 précisant la portée de cet article, afin de clarifier la notion d'égalité de traitement des usagers qui, en l'espèce, peut paraître ambiguë.

L'égalité de traitement des usagers implique en effet que le règlement d'une piscine ou baignade artificielle publique ne puisse pas prévoir d'adaptation susceptible de nuire au bon fonctionnement du service ou de porter atteinte à l'ordre public. Le gestionnaire d'un service public ne peut pas procéder à des adaptations tenant compte des convictions religieuses de certains usagers si, par leur caractère fortement dérogatoire, ces dérogations rendraient plus difficile le respect des règles de droit commun par les autres usagers.

Cet amendement se fonde sur la jurisprudence du Conseil d'État, dans son ordonnance du 21 juin 2022 Commune de Grenoble, aux termes de laquelle :

« Le gestionnaire d'un service public est tenu, lorsqu'il définit ou redéfinit les règles d'organisation et de fonctionnement de ce service, de veiller au respect de la neutralité du service et notamment de l'égalité de traitement des usagers (...) le gestionnaire de ce service ne peut procéder à des adaptations qui porteraient atteinte à l'ordre public ou qui nuiraient au bon fonctionnement du service, notamment en ce que, par leur caractère fortement dérogatoire par rapport aux règles de droit commun et sans réelle justification, elles rendraient plus difficile le respect de ces règles par les usagers ne bénéficiant pas de la dérogation ou se traduiraient par une rupture caractérisée de l'égalité de traitement des usagers, et donc méconnaîtraient l'obligation de neutralité du service public. » 

Le même amendement précise qu'il s'agit, en particulier, de prohiber le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau)

Extension du criblage aux éducateurs sportifs

Sur proposition du rapporteur, cet article additionnel vise à permettre la réalisation d'enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif.

Le décret du 27 avril 2017 a créé un service à compétence nationale dénommé « service national des enquêtes administratives de sécurité » (SNEAS), qui est le service interministériel chargé des enquêtes administratives.

Ce service a pour mission de prévenir le terrorisme, les atteintes à la sécurité, à l'ordre public et à la sûreté de l'État par la réalisation d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement de personnes physiques ou morales n'est pas incompatible avec l'autorisation d'accès à des sites sensibles ou l'exercice de missions ou fonctions sensibles.

Ce service exerce une mission de criblage pour le recrutement aux emplois dans les domaines de la sécurité et de la souveraineté ou pour l'accès à des sites et événements particulièrement sensibles. Il traite environ un million d'enquêtes de sécurité par an.

L'amendement COM-6, proposé par le rapporteur, vise à permettre la réalisation d'enquêtes administratives, confiées au SNEAS, sur des candidats à la fonction d'éducateur sportif, avant délivrance de la carte professionnelle.

Le contrôle de l'honorabilité a progressé, notamment grâce à la loi du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport. Issue d'une proposition de notre collègue Sébastien Pla, cette loi renforce le contrôle de l'honorabilité des éducateurs sportifs. Elle transpose dans le champ sportif les dispositions applicables aux acteurs du secteur social et médico-social. Le contrôle consiste dans la consultation systématique, par les autorités administratives, du bulletin n° 2 du casier judiciaire (B2) et du fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), fichier qui recense les personnes condamnées ou mises en cause pour certaines infractions sexuelles ou violentes.

Si le contrôle de l'honorabilité a progressé en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, il demeure insuffisant dans le domaine de la lutte contre la radicalisation.

Il s'agit ici de remédier à une faille inacceptable : aujourd'hui, en effet, un individu fiché par les services de renseignement au titre des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) peut tout à fait se voir délivrer une carte professionnelle d'éducateur sportif.

Cet article additionnel reprend une proposition du rapport précité des députés Éric Diard et Éric Poulliat sur les services publics face à la radicalisation en date du 27 juin 2019. D'après ce rapport, Laurent Nuñez, alors secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, s'était déclaré favorable à une extension du criblage vers les personnels en contact avec les publics jeunes ou vulnérables.

La commission a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé.

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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

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