N° 44

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023,

Par Mme Élisabeth DOINEAU,
Rapporteure générale,
Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) :

4, 292, 317 et T.A. 4

Sénat :

35 et 37 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

En 2023, les deux chambres du Parlement ont rejeté le premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss 2022). Le 15 octobre 2024, l'Assemblée nationale a rejeté le Placss 2023. La commission propose de rejeter également le texte : malgré des améliorations, la fiabilité des comptes demeure insuffisante, de même que le contenu des annexes.

Le rapport de la commission a été enrichi cette année de contributions des rapporteurs de branche.

*

* *

I. LE DEUXIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. PERMETTRE UN « CHAÎNAGE VERTUEUX » ENTRE PLACSS ET PLFSS

La loi organique du 14 mars 2022, résultant d'une proposition de loi organique de Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, et s'inspirant largement sur ce point d'une proposition de loi organique du 26 mars 2021 de Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, a créé une nouvelle catégorie de lois de financement de la sécurité sociale : les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss).

Les Lacss correspondent, schématiquement, à l'ancienne première partie des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), examinée à l'automne. Le projet de Lacss (Placss) doit être déposé avant le 1er juin, afin de favoriser un « chaînage vertueux » avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) : il convient de tirer les enseignements de l'exécution d'une année n avant de discuter du PLFSS pour une année n+2.

B. POUR LA DEUXIÈME FOIS, UN EXAMEN DANS DES CONDITIONS NON OPTIMALES

L'année dernière, chacune des deux chambres du Parlement a rejeté le texte. La commission des affaires sociales du Sénat a adopté une motion tendant à opposer la question préalable, du fait notamment du refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2022 de la Cnaf et de la branche famille et de la non-conformité de plusieurs annexes à la loi organique.

Cette année, du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale, le Placss n'aura pu être examiné suffisamment en amont du PLFSS. L'examen du Placss juste avant le PLFSS constitue de facto un retour à la situation d'avant la réforme, où la première partie du PLFSS tenait lieu de Placss.

C. UNE CONFORMITÉ AUX OBLIGATIONS DE LA LOI ORGANIQUE TOUJOURS INSUFFISANTE

Malgré une amélioration par rapport au Placss 2022, la conformité aux obligations de la loi organique demeure insuffisante.

 

Placss 2022

Placss 2023

Exactitude des comptes

Refus de certification des comptes 2022 de la Cnaf et de la branche famille

Impossibilité de certifier les comptes 2023 de la Cnaf et de la branche famille

Absence de prise en compte dans le tableau patrimonial de la correction de 5 Md€ apportée par la LFSS 2023 sur les recettes 2021 à l'initiative du Sénat

 

Dernier indicateur renseigné des Repss (moyenne)

Année n-2 (2020)

Année n-1 (2022)

Évaluation des niches

Aucune

Lors du dépôt : 13 % des niches correspondant à 20 % du montant

II. UNE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES FINANCES SOCIALES EN TROMPE-L'oeIL

A. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE PUREMENT AUTOMATIQUE

La forte réduction du déficit en 2023, d'environ 10 milliards d'euros, résulte de deux phénomènes purement automatiques : la quasi-disparition des dépenses liés à la crise sanitaire et le contrecoup de l'anticipation au 1er juillet 2022 de diverses revalorisations, qui a augmenté le déficit de 2022.

En sens inverse, la croissance spontanée des recettes a été inférieure à celle du PIB, du fait d'un faible dynamisme de la masse salariale et de la forte inflation de 2022, qui a suscité une forte revalorisation du Smic, et donc une forte croissance des allégements généraux de cotisations patronales.

Décomposition indicative de l'évolution du solde de la sécurité sociale
entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

* Il s'agit pour 7 milliards d'euros de la revalorisation anticipée de diverses prestations au 1er juillet 2022.

Lecture : un montant positif (bâtons verts) correspond à une amélioration du solde, un montant négatif (bâtons rouges) à une dégradation du solde.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

B. UN DÉFICIT SUPÉRIEUR À LA PRÉVISION

Recettes et dépenses de la sécurité sociale (milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Le déficit a été supérieur de 3,7 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2023, le supplément de recettes n'ayant pas suffi à compenser le dérapage des dépenses.

Le déficit a en outre été supérieur de 2,1 milliards d'euros à la prévision pour 2023 de la LFSS 2024, ce qui est élevé s'agissant des prévisions de fin d'année pour l'année en cours.

Prévisions de croissance de la masse salariale du secteur privé pour 2023 (%)

Source : Commission des affaire sociales du Sénat

Le supplément de déficit par rapport à la LFSS 2024 s'explique par une surestimation à l'automne 2023 de la croissance de la masse salariale, soulignée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) lors du dépôt du PLFSS et qui est allé en s'aggravant, et une sous-estimation de la croissance des allégements généraux de cotisations patronales.

C. UNE ABSENCE DE MAÎTRISE DES COMPTES SOCIAUX

Solde des Robss et du FSV (2004-2028) (milliards d'euros)

Source : Lois de financement de la sécurité sociale 2006 à 2024, Placss 2023, PLFSS 2025

Le graphique ci-contre illustre l'absence de maîtrise des comptes sociaux du précédent Gouvernement.

Du fait du dérapage du déficit en 2024, les mesures de redressement considérables prévues par le PLFSS 2025 ne parviendraient qu'à stabiliser le déficit à un niveau légèrement supérieur à celui prévu par la programmation de la LFSS 2024.

III. ECLAIRAGES DES RAPPORTEURS DE BRANCHE

A. VIEILLESSE (PASCALE GRUNY) : LE NON-RECOURS AU MINIMUM VIEILLESSE

Plus ancien minimum social, instauré en 1956, le minimum vieillesse était initialement composé de plusieurs prestations qui ont été remplacées en 2006 par une seule et unique qu'est l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Les anciennes prestations continuent d'être versées aux bénéficiaires qui les percevaient avant 2006.

L'Aspa est une allocation ouverte aux personnes âgées de plus de 65 ans résidant en France, et dont l'intégralité des revenus est inférieure à un seuil fixé par décret. Allocation différentielle, son montant est déterminé par la différence entre les revenus du bénéficiaire et le plafond de l'Aspa. Les sommes perçues au titre de l'Aspa peuvent être recouvrées sur une partie saisissable de la succession du bénéficiaire, les seuils de recouvrement ayant été augmentés par le législateur aux termes de la loi du 14 avril 2023 réformant les retraites.

En 2016, 50 % des personnes éligibles au minimum vieillesse n'y recouraient pas. Le taux de non-recours est particulièrement élevé chez les personnes bénéficiant d'un patrimoine (propriétaires, non-salariés agricoles), ainsi que celles dont le revenu est inférieur de 100 euros au plafond de l'Aspa, mais également parmi les personnes âgées de plus de 85 ans et les titulaires d'une pension de réversion.

Depuis 2019, la lutte contre le non-recours compte parmi les missions des organismes nationaux de sécurité sociale du régime général. Les caisses nationales de la branche vieillesse mènent ainsi des actions d'informations auprès de l'ensemble de leurs pensionnés, et de démarchage auprès des seules personnes éligibles à l'Aspa.

La commission appelle de ses voeux une actualisation régulière du chiffrage du non-recours au minimum vieillesse, suggère de ne pas modifier le plafond de recouvrement sur succession avant d'avoir pu évaluer les effets du précédent relèvement intervenu en 2023, et salue les efforts d'information et d'accompagnement des caisses, qui doivent être poursuivis et dont les effets doivent être mieux évalués.

B. SANTÉ (CORINNE IMBERT)

1. Une exécution de l'Ondam très supérieure au montant initialement voté

Prévisions et exécution de l'Ondam 2023

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 3 au Placss

L'Ondam 2023 atteint 247,8 milliards d'euros, en léger dépassement par rapport à la dernière révision réalisée en LFSS pour 2024. Il est cependant nettement supérieur à la prévision initiale, de 3,7 milliards d'euros.

Le contexte inflationniste a particulièrement porté l'augmentation des dépenses, avec le soutien aux établissements de santé, le financement de revalorisations ou encore l'évolution des prestations.

Pour rappel, le Sénat avait rejeté l'Ondam 2023 à l'initiative de la commission, qui l'estimait alors « ni crédible, ni sincère ».

2. Les rendez-vous de prévention

Présentés comme une mesure phare du « virage de la prévention », les rendez-vous de prévention, créés par la LFSS pour 2023, ont pâti d'une mise en oeuvre tardive1(*). Le législateur ne dispose d'aucun recul sur cette mesure, près de deux ans après sa création.

Sa réussite est aujourd'hui conditionnée à l'adhésion des professionnels de santé et des usagers, qui ne peut faire l'objet d'aucune prévision fiable selon la DGS2(*). L'intérêt de ces rendez-vous dépend par ailleurs de la capacité à cibler les usagers les plus éloignés du soin, ainsi que de leur articulation avec un parcours de soins structuré en aval ; ce point a d'ailleurs été identifié comme une difficulté par les professionnels de santé engagés dans la phase pilote.

Pour mémoire, dans un rapport de 2021 sur la prévention en santé, la Cour des comptes relevait les « résultats médiocres » obtenus par la France en comparaison de ses voisins européens, « malgré un effort budgétaire comparable »3(*).

3. La quatrième année de médecine générale

Le troisième cycle de médecine générale a été allongé par la LFSS pour 2023, qui dédie la nouvelle quatrième année à la réalisation d'un stage en ambulatoire et en autonomie supervisée, en priorité dans les zones sous-denses. La loi prévoit également que la rémunération des étudiants peut faire l'objet d'aménagements tenant compte des conditions spécifiques d'exercice associées. Ces dispositions sont applicables aux étudiants qui intègrent le troisième cycle à la rentrée de l'année universitaire 2023 et qui atteindront, au mieux, la quatrième année en 2026.

La commission relève que, près de deux ans après la promulgation de la loi et plus d'un an après l'engagement dans le troisième cycle de la première promotion concernée, cette réforme demeure largement incomplète. La maquette a été tardivement mise à jour en août 2023, et fait encore l'objet de vifs débats portant sur la place réduite qu'y occuperait désormais la pédiatrie. Les conditions d'organisation de la quatrième année et d'appariement entre étudiants et terrains de stage demeurent incertaines. Le statut et les modalités de rémunération des étudiants concernés ne sont toujours pas définis. Ceux-ci sont pourtant susceptibles d'affecter la situation des praticiens maîtres de stage universitaires (MSU), dont le recrutement en nombre est pourtant indispensable au succès de la réforme.

En conséquence, la commission s'inquiète des conditions de mise en oeuvre de cette réforme, qu'elle a soutenue. Elle souligne le très haut niveau d'incertitude dans lequel les étudiants sont contraints de réaliser des choix d'orientation les engageant pour le reste de leur carrière. Elle regrette les multiples retards dans la parution des textes attendus, et appelle à engager au plus vite les dernières concertations nécessaires à leur finalisation.

4. La sécurisation des ressources des établissements de santé

La loi de financement pour 2023 a mis fin à la garantie de financement des établissements de santé initiée en 2020 face à la crise sanitaire. Un nouveau mécanisme de sécurisation modulée à l'activité a été décidé.

La sécurisation modulée à l'activité représente pour 2023 un coût de l'ordre d'1,4 milliard d'euros. Elle concerne principalement les établissements publics ou privés d'intérêt collectif.

Malgré ce mécanisme de sécurisation de ressources et les mesures décidées en fin de campagne budgétaire et tarifaire - dégel tarifaire, restitution de la sous-exécution -, la situation financière des établissements de santé est aujourd'hui toujours plus préoccupante. Le déficit des établissements publics pourrait ainsi atteindre 2 milliards d'euros en 2023.

C. FAMILLE (OLIVIER HENNO) : LES CONGÉS PATERNITÉ

La réforme du congé de naissance
et du congé de paternité en 2021

Source : Commission des affaires sociales

L'article 73 de la LFSS pour 2021 a allongé à compter du 1er juillet 2021 la durée du congé de paternité et d'accueil de l'enfant de 11 à 25 jours (et de 18 à 32 jours en cas de naissance multiple) et rendu obligatoire le congé de naissance de trois jours immédiatement après la naissance ainsi que les quatre premiers jours du congé de paternité. Les autres jours de congé de paternité sont pris à la discrétion du bénéficiaire dans les six mois qui suivent la naissance.

Cette réforme visait deux objectifs : accroître le taux de recours au congé de paternité (c'est-à-dire la part des pères, parmi ceux éligibles au dispositif, qui ont effectivement recours au dispositif) et améliorer le partage des tâches entre les deux parents et l'entrée dans la parentalité.

Après deux années pleines de mises en oeuvre, le principal effet de la réforme consiste en l'allongement de la durée moyenne du congé de paternité, qui est ainsi passée de 11 jours en 2020 à 23 jours en 2023. En effet, la commission constate que si le coût de la réforme s'inscrit dans les prévisions budgétaires initiales (env. 400 millions d'euros pour 2023), cela semble avant tout dû à une faible amélioration du taux de recours ainsi qu'à une diminution du nombre de pères bénéficiaires liée à la baisse la natalité. Ainsi, comme l'indique le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024, « l'allongement du congé de paternité en 2021 n'a pas conduit les pères qui ne recourent pas au congé de paternité à y recourir davantage ». Les pertes de revenus, notamment pour les indépendants et professions libérales, la précarité du statut professionnel ou encore la crainte d'être mal perçu restent des limites structurelles fortes au recours au congé de paternité.

Par ailleurs, la commission regrette le peu de données disponibles concernant les différents régimes (général, agricole, fonction publique...) ainsi que l'impossibilité de procéder à une analyse fine par catégorie socio-professionnelle ou statut d'emploi de l'évolution du recours au congé de paternité. Ces données sont pourtant essentielles au pilotage d'une telle réforme et à l'évaluation de son efficacité.

Dès lors, il apparaît nécessaire de poursuivre l'évaluation de l'impact de cette réforme sur les comportements au sein des différents régimes sans multiplier les adaptations législatives et réglementaires. Enfin, si la commission avait accueilli favorablement la réforme en 2021, elle avait regretté que cette évolution ne s'inscrive pas dans une réflexion plus large sur l'efficacité et la pertinence des congés parentaux dans leur ensemble. À ce titre, la commission apportera une attention particulière aux politiques mises en place et orientations prises par le Gouvernement dans ce domaine.

D. AUTONOMIE (CHANTAL DESEYNE) : LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE LA CNSA ET LES DÉPARTEMENTS

1. Le système des concours financiers de la CNSA aux départements est devenu illisible

Si la CNSA est l'organisme gestionnaire de la branche autonomie, le fonctionnement de cette branche est décentralisé et relève en partie de l'échelon départemental. Les départements financent les principales prestations individuelles de soutien à l'autonomie (APA, PCH), sont les autorités de tarification de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux, et se chargent de l'attribution des droits et prestations aux personnes en situation de handicap.

Cette répartition des compétences se traduit par des concours financiers de la CNSA aux départements pour un montant total de 5,5 milliards d'euros en 2024. Depuis la création de la CNSA, ces concours se sont multipliés et diversifiés au fil des réformes et il en existe aujourd'hui une douzaine.

La multiplication des canaux financiers a rendu l'architecture des concours de la CNSA illisible, et la CNSA considère que certains de ces instruments ne remplissent plus pleinement leur objectif initial.

2. Des instruments de compensation financière qui ont atteint leurs limites

D'une part, certains concours financiers sont aujourd'hui décorrélés des besoins réels. Par exemple, le concours « APA 2 » ne remplit plus son objectif de compensation financière de manière satisfaisante, ses critères de répartition n'ayant pas été actualisés depuis 2016. Le concours « MDPH » devrait également être réformé, ses critères de répartition ne reflétant plus suffisamment l'activité réelle des maisons départementales des personnes handicapées.

D'autre part, la couverture des dépenses des départements s'avère insuffisante, alors que ces derniers consacrent 20 % de leurs dépenses de fonctionnement à l'autonomie. Les départements demandent notamment qu'une couverture minimale de 50 % de leurs dépenses relatives à l'APA et à la PCH leur soit garantie (contre 41,5 % pour l'APA et 33,4 % pour la PCH en 2022).

Enfin, la cohérence d'ensemble des concours financiers n'a pas été préservée. Par exemple, les mécanismes de compensation des mesures financières et salariales introduites par les LFSS pour 2021 et 2022 n'ont pas été coordonnés avec les concours existants et il en résulte, pour la CNSA comme pour les départements, une charge de gestion disproportionnée.

3. Une réforme nécessaire des concours financiers

La CNSA et les départements estiment qu'une réforme des concours financiers est nécessaire pour améliorer la lisibilité de leurs relations financières. Cette réforme a fait l'objet de travaux entre l'État et les départements qui n'ont pas encore abouti ; deux grands scénarios ont notamment été proposés dans le cadre d'un « comité des financeurs », tous deux reposant sur une fusion des principaux concours.

Pour la commission, il est urgent de faire aboutir cette réforme, avec pour objectifs la simplification de l'architecture des concours, l'amélioration de leur lisibilité et de leur cohérence, et la réponse aux besoins territoriaux.

E. AT-MP (MARIE-PIERRE RICHER) : L'INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS EXPOSÉS À L'AMIANTE

Fruit d'une histoire particulière marquée par la carence fautive de l'État à prendre les mesures de prévention nécessaire, l'indemnisation des travailleurs exposés à l'amiante repose sur deux piliers.

Le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) finance des mécanismes de pré-retraite au bénéfice des victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante et des travailleurs ayant été exposés à ce matériau. Ces assurés peuvent cesser leur activité entre 50 ans et 60 ans selon leur durée d'exposition et leur statut, et bénéficient - jusqu'à liquidation de leurs droits - d'un revenu de remplacement correspondant à 65 % de leur salaire.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) a pour mission d'assurer l'indemnisation des victimes de l'amiante et de leurs ayants-droit, en complément ou en supplément des prestations de la branche AT-MP. La politique d'indemnisation du Fiva est plus protectrice que celle de la branche AT-MP : la réparation est intégrale et non forfaitaire, et les postes de préjudices indemnisables sont nettement plus étendus puisque le Fiva couvre non seulement le préjudice professionnel, mais aussi les préjudices fonctionnel, moral, physique, esthétique et d'agrément.

Les résultats obtenus sont remarquables : les victimes sont mieux indemnisées, et la rapidité de traitement des dossiers aussi bien que l'accompagnement proposé recueillent les louanges des associations de victimes.

Le Fiva doit tout de même répondre au défi du non-recours, qui concerne 35 % à 40 % des demandeurs potentiels. Le sujet est pris à bras-le-corps par le fonds, qui doit cependant attendre la publication des textes d'application de la LFSS pour 2024 afin de mettre en oeuvre sa politique d'aller-vers, et notamment son projet de recueillir auprès des pouvoirs publics les coordonnées des patients traités pour des pathologies caractéristiques de l'amiante (mésothéliome, épaississement pleural, etc...) afin de les contacter pour leur présenter l'action du fonds.

Réunie le mercredi 16 octobre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a examiné le rapport d'Élisabeth Doineau, rapporteure générale, sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023.

Elle a adopté une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.

PREMIÈRE PARTIE
UNE FIABILITÉ DES COMPTES ET UNE CONFORMITÉ DES ANNEXES À LA LOI ORGANIQUE TOUJOURS INSUFFISANTES (ELISABETH DOINEAU)

I. LE DEUXIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, DANS UN CALENDRIER BOULEVERSÉ

A. UN DEUXIÈME TRIMESTRE CENSÉ ÊTRE CONSACRÉ, DANS LE CAS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, À L'APPROBATION DES COMPTES ET À L'ÉVALUATION

La loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, résultant d'une proposition de loi organique de Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, et s'inspirant largement sur ce point de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) du 26 mars 2021 de Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, a créé une nouvelle catégorie de lois de financement de la sécurité sociale : les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss)4(*).

Le deuxième trimestre correspond désormais, non seulement pour l'État, mais aussi pour la sécurité sociale, à ce que l'on pourrait appeler un « trimestre de l'exécution et de l'évaluation ».

En effet, l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) ne peut se réduire à l'examen d'un texte comptable, mais doit permettre de s'appuyer sur l'exécution de l'exercice précédent pour se projeter vers l'exercice suivant. Ainsi, le Placss comprend sept annexes destinées à informer le Parlement, avec en particulier les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), qui en constituent l'annexe 1, et l'annexe 2, censée comprendre chaque année l'évaluation de l'efficacité d'un tiers des niches sociales. Par ailleurs, le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, l'est désormais obligatoirement avant le 1er juin.

Le régime des Placss, et la manière dont leur examen s'insère dans une série de rendez-vous au premier semestre relatifs aux finances publiques, sont synthétisés en annexe au présent rapport.

B. UNE INNOVATION DU PRÉSENT RAPPORT : UNE PARTIE RÉUNISSANT DES CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS DE BRANCHE

N'anticipant évidemment pas la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024, la commission s'est organisée de manière à ce qu'un débat aussi riche que possible puisse se tenir au Sénat lors de l'examen du Placss (dont l'examen en commission était envisagé le 26 juin).

Aussi, son rapport comprend cette année des contributions des rapporteurs de branche, réunies dans une troisième partie, et synthétisant les analyses et propositions de la commission dans les domaines suivants :

- vieillesse (Pascale Gruny) : le non-recours au minimum vieillesse ;

- santé (Corinne Imbert) : les rendez-vous de prévention, la quatrième année de médecine générale, la sécurisation des ressources des établissements de santé ;

- famille (Olivier Henno) : les congés paternité ;

- autonomie (Chantal Deseyne) : les relations financières entre la CNSA et les départements ;

- AT-MP (Marie-Pierre Richer) : l'indemnisation des victimes de l'amiante.

C. UN EXAMEN QUI, POUR LA DEUXIÈME FOIS, NE SURVIENT PAS DANS DES CONDITIONS OPTIMALES

1. Dans le cas du Placss 2022, un texte rejeté par le Sénat en raison d'erreurs dans les comptes et d'une non-conformité des rapports annexés à la loi organique

Le premier Placss, examiné l'année dernière, concernait l'exercice 2022.

Il a été rejeté par l'Assemblée nationale, puis, en raison d'erreurs dans les comptes5(*) et de non-conformité des rapports annexés à la loi organique6(*), par le Sénat.

Le rejet par le Parlement du projet de loi d'approbation
des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022

Le Placss 2022 a été déposé à l'Assemblée Nationale le 24 mai 2023.

Le 6 juin 2023, l'Assemblée nationale, après avoir adopté l'article liminaire et l'article premier7(*), rejeté l'article 2 (non adopté) et supprimé par amendements8(*) l'article 3, a rejeté l'ensemble du texte.

Le 3 juillet 2023, le Sénat a adopté une motion de sa commission des affaires sociales tendant à opposer la question préalable. En effet, les comptes qu'il était demandé d'approuver, que la Cour des comptes avait refusé de certifier, étaient manifestement erronés9(*), et les annexes au Placss n'étaient pas conformes à la loi organique, rendant de fait impossible le « chaînage vertueux » entre la discussion du Placss et le PLFSS que le Placss était censé promouvoir10(*).

2. Dans le cas du Placss 2023, un calendrier bouleversé par la dissolution de l'Assemblée nationale

La dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024 a bouleversé le calendrier des finances sociales de 2024, et en particulier les conditions d'examen du Placss.

a) Un premier dépôt le 31 mai 2024

Le Gouvernement a dû déposer une première fois le Placss 2023 le 31 mai 202411(*), conformément à l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que le Placss est déposé « avant le 1er juin ».

Le 5 juin 2024, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé ou rejeté l'ensemble des articles, rejetant de ce fait l'ensemble du projet de loi12(*).

En raison de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024, le texte n'a pu être examiné en séance publique par l'Assemblée nationale. De ce fait, il n'a pu être examiné au Sénat, que ce soit en commission ou en séance publique.

Le report de la publication par la commission de plusieurs rapports d'information

En conséquence de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024, la commission des affaires sociales du Sénat a repoussé la publication de divers rapports d'information, prévue avant la fin du mois de juillet 2024.

Ainsi, elle n'a publié au premier semestre 2024 que quatre rapports d'information (dont un de la Mecss)13(*) sur les huit prévus (dont un de la Mecss).

Les quatre rapports restants ont été adoptés (et publiés) fin septembre-début octobre 202414(*).

b) Un second dépôt le 19 juillet 2024

En application du principe dit de « table rase », les textes en cours d'examen à l'Assemblée nationale lors de la dissolution sont caducs.

Ainsi, le Gouvernement a déposé une seconde fois le Placss 2023, le 19 juillet 202415(*).

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a une seconde fois rejeté le texte, le 25 septembre 2024.

Le 15 octobre 2024, l'Assemblée nationale a rejeté le texte, par une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau front populaire.

II. UN TEXTE TOUJOURS INSUFFISAMMENT CONFORME AUX OBLIGATIONS ORGANIQUES

A. DANS LE CAS DE LA BRANCHE FAMILLE ET DE LA CNAF, LE PASSAGE D'UN REFUS DE CERTIFIER À UNE IMPOSSIBILITÉ DE CERTIFIER

Dans son rapport de certification des comptes 2023 de la sécurité sociale, la Cour des comptes a émis une impossibilité de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), en raison notamment du maintien d'un montant élevé de prestations erronées.

1. Un « progrès » par rapport au refus de certifier les comptes 2022

Il s'agit d'un « progrès » par rapport aux comptes 2022 de la branche famille et de la Cnaf, que la Cour avait refusé de certifier. On rappelle qu'un refus de certification se distingue d'une « simple » impossibilité de certifier en ceci qu'il correspond à l'affirmation, par le certificateur, de l'inexactitude des comptes.

Ce refus de certification provenait notamment de la forte augmentation de la proportion de paiements erronés depuis les comptes 2018. En effet, les comptes sont établis sur la base non des encaissements et des décaissements (qui peuvent ne pas correspondre aux sommes réellement dues), mais des dettes et des créances effectives, ce dont il résulte qu'un paiement erroné entraîne une fausseté des comptes. Cela explique que la Cour des comptes s'intéresse dans le cadre de la certification des comptes à ce qui pourrait a priori sembler relever de considérations de bonne gestion ou d'efficacité.

Par exemple, dans le cas de l'indicateur dit de « risque financier résiduel » à 24 mois16(*), les erreurs à la hausse ou à la baisse étaient dans le cas des comptes 2022 de 7,6 % du montant total des prestations (soit 5,8 milliards d'euros), contre 4,2 % (soit 2,9 milliards d'euros) dans le cas des comptes 2018.

2. Une situation préoccupante
a) Des versements erronés qui, après avoir fortement augmenté en 2020-2022, ne diminuent que faiblement selon l'indicateur à 24 mois et continuent d'augmenter selon l'indicateur à 9 mois

Le passage pour les comptes 2023 d'un refus de certifier à une « simple » impossibilité de certifier s'explique par les efforts engagés et la légère amélioration constatée, avec pour cet indicateur à 24 mois des erreurs de 7,4 % du montant total des prestations (soit 5,5 milliards d'euros).

Toutefois, dans le cas de l'indicateur à 24 mois la diminution des paiements erronés demeure très insuffisante, du fait de la forte dégradation constatée les années précédentes, comme le montre le graphique ci-après.

Branche famille
Incidence financière des erreurs résiduelles « données déclarées » à 9 et 24 mois

NB : dans le cas de l'indicateur à 24 mois, les prestations concernées sont celles de l'année antérieure.

Source : D'après les rapports de certification des comptes 2017, 2020 et 2023

Selon le rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) relatif à la branche « Famille » annexé au Placss 2023, le taux d'erreur à 24 mois de 7,4 % constaté en 2023 (portant sur les prestations versées en 2022) se répartit entre 6,3 points d'indus (c'est-à-dire de sommes payées à tort par la Cnaf) et 1,1 point de rappels (c'est-à-dire de sommes dues mais non payées par la Cnaf).

Par ailleurs, dans le cas de l'indicateur à 9 mois, les erreurs résiduelles sont en augmentation, passant de 9,9 % en 2022 à 10,9 % en 2023 (dont 8,1 points pour les indus et 2,8 points pour les rappels17(*)).

b) Une dégradation préoccupante de la qualité des comptes de la sécurité sociale depuis 2020

Le refus puis l'impossibilité de certifier les comptes 2022 et 2023 de la branche famille et de la Cnaf participent de la dégradation de la qualité des comptes de la sécurité sociale depuis l'exercice 2020, comme le montre le tableau ci-après.

Dans le cas de l'exercice 2021, ce refus de certifier venait du fait qu'en raison du principe des droits constatés18(*), un produit de 5 milliards d'euros, résultant de la régularisation de cotisations dues par les travailleurs indépendants, aurait dû être imputé sur 2020 (et non sur 2021). Un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat à la première partie du PLFSS 2023, maintenu dans le texte promulgué, a corrigé cette erreur. Toutefois, les caisses ont refusé de modifier leurs comptes en conséquence, et dans les LFSS suivantes le Gouvernement n'a tenu aucun compte de cette correction ; leurs données rétrospectives sont donc erronées.

Impossibilités et refus de la Cour des comptes de certifier
les différents comptes de la sécurité sociale

 

Comptes des branches

Comptes des organismes

Maladie

AT-MP

Famille

Vieillesse

Recouvrement

Cnam

Cnaf

Cnav

Acoss

2006

 

 

Impossibilité

 

 

 

Impossibilité

 

 

2007

 

 

Impossibilité

 

Refus

 

Impossibilité

 

Refus

2008

 

 

Refus

Refus

 

 

Refus

Refus

 

2009

 

 

 

Refus

 

 

 

Refus

 

2010

 

Refus

 

 

 

 

 

 

 

2011

 

Refus

Refus

 

 

 

Refus

 

 

2012

 

Impossibilité

 

 

 

 

 

 

 

2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2016

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2020

 

 

 

 

Impossibilité

 

 

 

 

2021

 

 

 

 

Refus

 

 

 

 

2022

 

 

Refus

 

 

 

Refus

 

 

2023

 

 

Impossibilité

 

 

 

Impossibilité

 

 

Une case verte indique une certification des comptes (avec ou sans réserve).

AT-MP : accidents du travail-maladies professionnelles. Cnam : caisse nationale de l'assurance maladie. Cnaf : caisse nationale des allocations familiales. Cnav : caisse nationale d'assurance vieillesse. Acoss : agence centrale des organismes de sécurité sociale (devenue Urssaf Caisse nationale).

Source : D'après la Cour des comptes

Si la fréquence élevée des refus et impossibilités de certification de 2006 à 2012 pouvait dans une certaine mesure sembler « normale », du fait de la nouveauté du processus de certification, la dégradation observée depuis les comptes 2020 est préoccupante.

Il importe donc que la sécurité sociale - en particulier la Cnaf - et le Gouvernement poursuivent leurs efforts, afin que la qualité des comptes figurant dans le Placss, de même que l'exactitude des versements de la branche famille, redeviennent conformes à ce que le Parlement et les citoyens sont en droit d'attendre.

B. MALGRÉ UNE AMÉLIORATION, DES ANNEXES TOUJOURS IMPARFAITEMENT CONFORMES AUX OBLIGATIONS ORGANIQUES

1. L'obligation organique d'évaluer chaque année un tiers des niches sociales n'est toujours pas respectée

L'article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale prévoit que l'annexe au Placss relative aux mesures d'exonérations de cotisations et contributions comprend une « évaluation de l'efficacité » des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale (pour un tiers des mesures, chacune devant faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans).

Article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale (extrait)

« Sont jointes au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :

[...]

3° Énumérant l'ensemble des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de l'assiette ou d'abattement sur l'assiette de ces cotisations et contributions, en vigueur au 31 décembre du dernier exercice clos. [...] Cette annexe présente l'évaluation de l'efficacité de ces mesures au regard des objectifs poursuivis, pour au moins le tiers d'entre elles. Chaque mesure doit faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans ;

[...] »

a) Une disposition pas du tout respectée dans le cas du Placss 2022

Dans le cas du Placss 2022, si cette annexe (l'annexe 2) a été enrichie, notamment de bibliographies des travaux d'évaluation existants, elle ne comprenait toujours pas d'évaluation des mesures concernées.

Pourtant, cette disposition organique datait du 14 mars 2022, ce qui laissait suffisamment de temps avant le dépôt du Placss 2022, le 24 mai 2023.

Les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) ont été missionnées par le Gouvernement pour faire un rapport méthodologique. La lettre de mission des trois ministres19(*) à l'IGF et à l'Igas a été tardive (27 septembre 2022). Par ailleurs, l'échéance de décembre 2022 fixé par la lettre de mission pour la remise du rapport n'a pas été tenue (le rapport datant de mars 2023).

Ce rapport méthodologique a été rendu public et accessible sur internet20(*). Ses principales propositions consistent schématiquement :

- à arrêter une liste de niches devant faire l'objet d'une évaluation approfondie (les autres faisant l'objet d'une évaluation plus sommaire) ;

- à faire réaliser autant que possible ces évaluations approfondies par des organismes indépendants, comme France Stratégie.

Par ailleurs, contrairement à ce que proposait ce rapport, l'annexe 2 au Placss 2022 ne comprenait pas de liste des niches devant faire l'objet d'une évaluation approfondie et n'indiquait pas de programme d'évaluation. Elle indiquait toutefois que « le Gouvernement entend[ait] [...] installer rapidement une gouvernance permettant de mettre en oeuvre les préconisations de la mission, et associant des parlementaires à l'ordonnancement et à la répartition de ces travaux » - promesse qui, malgré la réponse favorable de chacune des deux commissions des affaires sociales21(*), n'a pas été tenue.

b) Dans le cas du Placss 2023, une loi organique encore imparfaitement respectée
(1) La solution retenue : cinq pages recensant les évaluations existantes et de brèves synthèses de celles-ci dans le cas des fiches relatives aux différentes mesures

Dans le cas du Placss 2023, l'annexe relative aux niches sociale - l'annexe 2 - est enrichie :

- d'un « tome 3 », qui, bien qu'intitulé « Évaluation », comprend seulement cinq pages se bornant à recenser les principales évaluations réalisées ou en cours ;

- de présentations succinctes des principales évaluations existantes dans les fiches relatives aux différentes mesures.

Cette approche semble pertinente en son principe. Elle devrait en effet progressivement permettre d'enrichir l'annexe d'informations sur l'efficacité des niches.

(2) La nécessité de faire mieux apparaître l'efficacité relative des différentes niches

Toutefois la présentation retenue ne permet pas de faire clairement apparaître l'efficacité relative des différentes niches, ce qui risque de priver la mesure de l'essentiel de sa portée.

Un dispositif de notation, comme dans le cas du « rapport Guillaume » de 201122(*) (qui évaluait 470 dépenses fiscales et 68 niches sociales, auxquelles il attribuait une note de 0 à 3), semblerait pertinent. Les notes des différentes niches pourraient être récapitulées dans le « tome 3 » relatif à l'évaluation.

(3) Lors du dépôt du Placss, la commission disposait de 16 évaluations, correspondant à 13 % du nombre de niches et 20 % du coût total des niches

Dans son rapport sur le Placss 2022, la rapporteure générale écrivait que « le premier tiers de mesures devra[it] être évalué dans le prochain Placss ».

L'annexe relative aux niches reprend les indications du rapport de l'Igas et de l'IGF selon lesquelles il existe 142 niches sociales. Parmi ces 142 niches, ce rapport considère que 120 doivent être évaluées : 82 doivent faire l'objet d'une évaluation approfondie, 38 doivent faire l'objet d'une évaluation allégée et 22 ne nécessiteraient pas d'évaluation.

Selon l'annexe, aucune des 38 évaluations allégées n'a encore été réalisée. Elle souligne l'insuffisance des données disponibles et, s'agissant du prochain Placss, s'engage seulement à évaluer les niches relatives à l'apprentissage et au dispositif dit « Lodeom »23(*),24(*).

Dans le cas des 82 mesures devant faire l'objet d'une évaluation approfondie, l'annexe mentionne 19 évaluations réalisées (correspondant, selon les calculs de la commission, à environ 95 % du montant total des niches) et 3 évaluations en cours.

Toutefois, les trois niches au montant le plus important censées avoir été évaluées sont celles correspondant aux allégements généraux de cotisations patronales, dans le cadre de la mission « Bozio-Wasmer » mise en place par Elisabeth Borne, alors Première ministre.

Lors du dépôt du Placss, seul un rapport d'étape25(*) (sans préconisations) avait été publié, en avril 2024. En conséquence, la commission ne disposait alors que de 16 véritables évaluations, correspondant à environ 13 % du nombre de niches et 20 % du montant total des niches (soit 18 milliards d'euros).

La publication du rapport définitif26(*), prévue avant la dissolution pour fin juin 2024, a finalement eu lieu le 3 octobre 2024. Désormais, la commission dispose de 19 évaluations, correspondant à environ 16 % du nombre de niches et 95 % du montant total des niches (soit 84 milliards d'euros).

Coût des grands agrégats de niches sociales en 2023 (Robss) et état d'avancement des évaluations prévues par l'annexe 2 au Placss 2023

(en millions d'euros)

 

Montant*

Évaluations réalisées ou à faire selon le Placss 2023

 

Réalisées (toutes « approfondies »)

A faire

Allégements généraux

65 451

(Trois dispositifs : allégements dégressifs, bandeau maladie, bandeau famille)

Marc Ferracci, Jérôme Guedj, rapport de la Mecss de l'AN sur « le contrôle de l'efficacité des exonérations de cotisations sociales », n° 1685 (XVIe législature), 28 septembre 2023.

Antoine Bozio, Etienne Wasmer, mission confiée par la Première ministre sur l'articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d'activité (publication du rapport définitif différée du fait de la dissolution de l'AN)**

 

dont :

 

Allégements dégressifs

26 878

Bandeau maladie

28 363

Bandeau famille

10 210

Exonérations ciblées compensées

6 541

   

dont :

     

Entreprises implantées en outre mer

1 012

 

Ev. approf. en cours : dispositif « Lodeom »

Aide à domicile employée par un particulier fragile

996

Six dispositifs examinés par la Cour des comptes : Cour des comptes, Le soutien de l'État aux services à la personne, rapport public thématique, mars 2024

 

Aide à domicile employée par une assoc. ou une entreprise auprès d'une personne fragile

763

Apprentissage

974

 

Ev. approf. en cours : deux dispositifs

Déductions sur les heures supplémentaires (entreprises de moins 250 salariés)

845

   

Exonérations non compensées

2 563

   

dont :

     

Exonération sur les heures supplémentaires - part salariale

2 277

Trois dispositifs sur les heures supplémentaires examinés par la Cour des comptes dans le cadre du chapitre du Ralfss de mai 2024 sur les compléments de salaire

 

Exemptions d'assiette

14 100

Six dispositifs de partage de la valeur et un dispositif relevant de l'actionnariat salarié (actions gratuites) examinés par la Cour dans le cadre du chapitre du Ralfss de mai 2024 sur les compléments de salaire

 

dont :

 

Protection sociale complémentaire en entreprise

5 200

Aides directes consenties aux salariés (titres restaurant...)

4 000

Participation financière et actionnariat salarié

3 600

Indemnités de rupture

1 300

   

Total

88 655

   

Evaluations disponibles lors du dépôt du Placss**

     

Nombre de dispositifs

 

16 (13 %)

 

Montant

 

18 Md€ (20 %)

 

Evaluations disponibles depuis le 3 octobre 2024**

     

Nombre de dispositifs

 

19 (16 %)

101 (84 %)

Montant

 

84 Md€ (94 %)

5 Md€ (6 %)

* L'annexe 2 au Placss ne comprend pas de tableau synthétique, les exemptions d'assiette faisant l'objet d'un tableau séparé.

** L'annexe 2 au Placss classe les trois dispositifs d'allégements généraux de cotisations patronales parmi ceux « ayant fait l'objet d'une évaluation ». Le rapport d'étape (sans préconisations) et le rapport définitif d'Antoine Bozio et Etienne Wasmer ont été publiés, respectivement, le 25 avril 2024 et, après un report du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale (la publication étant initialement prévue en juin), le 3 octobre 2024. Lors du dépôt du Placss, la commission ne disposait donc d'évaluations que pour 16 niches (13 % des dispositifs) correspondant à environ 20 % du montant total des niches.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 2 au Placss 2023

(4) Depuis la publication du « rapport Bozio-Wasmer », la commission dispose d'évaluations pour plus de 90 % du montant total des niches

Les allégements généraux et les niches sociales relatives aux compléments de salaire correspondent à respectivement environ 75 % et 20 % du montant total des niches. Or, ces niches ont fait l'objet d'évaluations en 2024 (dans le cadre respectivement du rapport précité et d'un rapport public thématique de la Cour des comptes).

Ainsi, les niches restant à évaluer (correspondant à près de 85 % du nombre total des niches) ne représentent qu'environ 5 % du montant total des niches.

Évaluation des niches sociales : état des lieux

(1) Antoine Bozio, Etienne Wasmer, Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, 3 octobre 2024. La publication de ce rapport, prévue en juin, a été repoussée du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale. Un rapport d'étape (Mission sur l'articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d'activité : quels effets sur l'emploi, le niveau des salaires et l'activité économique ?), sans propositions, avait été publié le 25 avril 2024.

(2) Deux rapports de la Cour des comptes :

Le soutien de l'État aux services à la personne, rapport public thématique, mars 2024 (niches sociales de 1,6 Md€ en 2023) ;

- « Les niches sociales des compléments de salaire : un nécessaire rapprochement du droit commun », in Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024 (niches sociales de 16,4 Md€ en 2023).

Source : Commission des affaires sociales, d'après les sources indiquées

2. Malgré une incontestable amélioration, l'obligation organique de fournir dans les Repss des indicateurs relatifs à l'exercice concerné est toujours insuffisamment respectée

L'article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale prévoit que les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) « s'appuient sur un diagnostic de situation fondé notamment sur [...] l'exposé des résultats atteints lors des trois dernières années ».

Les Repss ont désormais pour objet d'alimenter, chaque printemps, un débat relatif à l'efficacité et à l'efficience des dépenses de sécurité sociale. Il importe donc qu'ils soient à jour.

Or, tel n'est toujours pas le cas. Si l'on excepte ceux relatifs à l'exécution financière, en moyenne27(*) la dernière année couverte par le Placss était, dans le cas du Placss 2022, l'année 2020 et, dans le cas du Placss 2023, l'année 2022.

Toutefois la loi organique implique que l'indicateur soit renseigné pour les années n-2 à n. Malgré une nette amélioration, le renseignement des indicateurs a donc toujours, en moyenne, une année de retard.

Le tableau ci-après répartit les indicateurs des trois principales branches en fonction de la dernière année renseignée, dans le cas des Placss 2022 et 2023.

Répartition des indicateurs en fonction de la dernière année renseignée

(en %)

 

Année concernée

Famille

Maladie

Vieillesse

 

Placss 2022

Placss 2023

Placss
2022

Placss 2023

Placss 2022

Placss
2023

Placss 2022

Placss
2023

<n-3/ND

<2019/
ND

<2020/
ND

0,0

3,8

12,4

11,4

19,4

5,4

n-3

2019

2020

20,0

3,8

19,5

4,4

8,3

10,8

n-2

2020

2021

40,0

15,4

13,3

9,6

13,9

18,9

n-1

2021

2022

31,4

50,0

42,5

37,7

33,3

24,3

n

2022

2023

8,6

26,9

12,4

35,1

25,0

35,1

n+1

2023

2024

0,0

0,0

0,0

1,8

0,0

5,4

Total

   

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

 
 
 
 

L'année prise en compte par l'indicateur n'étant pas toujours explicitement indiquée, ce tableau doit être considéré comme indiquant des ordres de grandeur.

Année n : année 2022 dans le cas du Placss 2022 et 2023 dans le cas du Placss 2023.

Les graphiques synthétisent les chiffres des colonnes.

Lecture : dans le cas du Repss « famille », la proportion d'indicateurs dont la dernière année est l'année n-1 (soit celle précédant l'exercice couvert par le Placss) est passée de 31,4 % dans le cas du Placss 2022 à 50 % dans le cas du Placss 2023.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) annexés aux Placss 2022 et 2023

L'année n-1 (soit précédant l'exercice couvert par le Placss) correspond désormais à celle du plus grand nombre d'indicateurs (alors que dans le cas du Placss 2022 il s'agissait de l'année n-2).

Malgré cette amélioration, certains indicateurs sont très anciens :

- dans le cas de la branche « Famille », la dernière année renseignée pour le taux de non-recours moyen au RSA est 2018 ;

- dans le cas de la branche « Maladie », la dernière année renseignée pour certains indicateurs est 201728(*), ou même 201629(*) ;

- dans le cas de la branche « Vieillesse », la dernière année renseignée pour certains indicateurs concerne la génération née en 195030(*).

Dans le cas de la branche « Famille », il faut combiner le Repss 2022 et le Repss 2023 pour apprécier, à partir de l'indicateur « Créations nettes de places en EAJE », dans quelle mesure l'objectif de 30 000 places d'accueil supplémentaires nettes en établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE) fixé à la Cnaf par la convention d'objectif et de gestion (COG) 2018-2022 a été atteint. Il ne s'agit pourtant pas d'une volonté de dissimulation, la réalisation, d'environ 12 000 places, ayant été publiée dans un rapport de mars 2023 du Haut Conseil de la famille (cf. encadré).

On rappelle que la Première ministre a annoncé le 1er juin 2023 la création nette de 100 000 places d'accueil, collectif ou individuel, d'ici 2027, et 200 000 d'ici 2030. La COG 2023-2027 de la Cnaf fixe l'objectif de 35 000 créations nettes de places de crèche financées par la prestation de service unique (PSU).

Les créations de place en EAJE, selon l'indicateur des Placss 2022 et 2023

Dans le cas du Placss 2022, l'indicateur commence en 2017 mais il n'est renseigné que jusqu'en 2020 et l'objectif de 30 000 places est présenté comme correspondant aux places PSU et hors PSU (alors qu'en réalité cet objectif n'a été fixé que pour les places PSU). Dans le cas du Placss 2023, qui se limite bien aux places PSU, il est renseigné jusqu'en 2022, mais ne commence plus qu'en 2021.

Si on se limite au périmètre des places PSU, le nombre de places des EAJE serait passé de 408 740 places en 2017 (Repss 2022) à 420 944 places en 2022 (Repss 2023), ce qui correspond à une augmentation de 12 204 places (à comparer avec l'objectif de 30 000 places). Ce chiffre est légèrement supérieur à celui de 11 800 places mentionné dans un rapport de mars 2023 du Haut Conseil de la famille31(*).

3. L'absence de rétablissement des éléments d'information sur les tableaux d'équilibre et le tableau de situation patrimoniale disponibles avant la réforme organique, malgré une demande il y a un an de la Cour des comptes et de la commission des affaires sociales

Il y a un an, la Cour des comptes, dans son Ralfss de mai 2023, préconisait, dans sa recommandation 1, de « rétablir la production des éléments d'information, à joindre en annexe au Placss, détaillant, expliquant et comparant selon les exercices les tableaux d'équilibre et le tableau de situation patrimoniale ».

En effet, ces informations, figurant jusqu'alors en annexe au PLFSS, se trouvent désormais dans le rapport de mai de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) 32(*).

La Cour des comptes n'a pas reconduit cette recommandation dans son Ralfss de mai 2024. Il est vrai que cette recommandation se trouvait dans l'avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre et de la situation patrimoniale, qui n'était pas un examen de la gestion.

L'année dernière, la commission des affaires sociales a soutenu la recommandation de la Cour des comptes. Il s'agissait notamment d'éviter qu'en cas de réunion tardive de la CCSS, le Parlement ne dispose plus des informations concernées. Par ailleurs, le Gouvernement considérait explicitement, dans l'introduction de l'annexe 3 du PLFSS 2023, que les présentations devaient désormais être annexées aux Placss33(*).

Il s'agit toutefois d'un enjeu relativement mineur, comparé notamment à ceux de l'exactitude des comptes ou du respect des obligations explicites de la loi organique relatives aux annexes.

C. DES DÉLAIS À ANTICIPER

Le tableau ci-après synthétise les principales échéances en matière de finances sociales au premier semestre.

Les principales échéances en matière de finances sociales au premier semestre

 

2022

(exercice 2021)

2023

(exercice 2022)

2024

(exercice 2023)

Annexes définitives aux comptes (arrêté du 24 décembre 2014)

15-avr

15-avr

05-avr

Production des comptes (arrêté du 24 décembre 2014)

15-avr

15-avr

15-avr

Publication par la Cour du rapport de certification des comptes (art. L.O. 132-2-1 CJF : au plus tard le 30 juin)

24-mai

16-mai

17-mai

Réunion de la CCSS (art. D.114-3 CSS : entre le 15 avril et le 15 juin)

12-juil

25-mai

30-mai

Avis du comité d'alerte (art. L. 114-4-1 CSS : au plus tard le 1er juin)

30-mai

07-juin

26-juil

Dépôt du Placss (art. L.O. 111-6 CSS : avant le 1er juin)

-

24-mai

31-mai

Discussion du Placss en séance (AN)

-

06-juin

15-oct

AN : Assemblée nationale. CCSS : commission des comptes de la sécurité sociale. CJF : code des juridictions financières. CSS : code de la sécurité sociale. Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

1. Anticiper la production des comptes et la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale

Afin notamment de faciliter la certification des comptes de la sécurité sociale et, dans le cas des Placss, l'élaboration de l'avis (publié dans le Ralfss) sur le tableau d'équilibre et sur le tableau patrimonial, la Cour des comptes recommandait, dans le Ralfss de mai 2023, d'avancer de 15 jours la date de production des comptes et de réunir la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) la première quinzaine de mai34(*). Dans le Ralfss de mai 2024, elle ne demande plus que d'avancer de 10 jours la date de production des comptes (sans plus mentionner d'anticipation de la CCSS la première quinzaine de mai)35(*), « en cohérence avec le nouveau délai de production des annexes aux comptes »36(*).

Jusqu'à l'instauration des Placss, la CCSS se réunissait en juin sur les comptes du régime général, puis à l'automne sur ceux de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), les comptes arrêtés lors de cette seconde réunion servant de base à la première partie (sur l'exercice antérieur) du PLFSS adopté juste après par le conseil des ministres. Dans le cas des Placss sur 2022 et 2023, la CCSS a anticipé au 25 mai et au 30 mai sa réunion, qui portait par ailleurs sur l'ensemble des Robss.

Lors de son audition par la commission le 12 juin 2024, Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a jugé les perspectives de mise en oeuvre de la recommandation de la Cour « très ténues ». Il convient que la Cour des comptes et la DSS poursuivent leurs discussions afin de trouver le bon équilibre.

Par ailleurs, l'anticipation de la réunion de la CCSS rendrait possible le respect de l'échéance du 1er juin fixée pour le deuxième avis obligatoire du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie (cf.  ci-après).

2. Respecter en conséquence l'échéance du 1erjuin (fixée par la loi) pour la publication de l'avis du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie

Le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie est censé rendre au plus tard le 1er juin son deuxième avis37(*), sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour l'exercice en cours.

Ce délai du 1er juin correspond, à un jour près, à la date limite de dépôt du Placss38(*), que le Gouvernement semble considérer de fait comme la date limite pour la réunion de la CCSS39(*). Or, à moins de vider l'exercice de son sens, il est matériellement impossible à la direction de la sécurité sociale et au secrétaire général de la CCSS, par ailleurs chargé d'organiser les travaux du comité d'alerte, dont il est membre40(*), de faire en sorte que l'avis du comité d'alerte soit publié le lendemain de la réunion de la CCSS.

En 2023, l'avis, appelant à « une grande vigilance [...] pour respecter l'Ondam », a été publié avec près d'une semaine de retard41(*), le lendemain de l'examen du Placss en séance publique par l'Assemblée nationale. En 2024, l'avis n'avait toujours pas été adopté lors de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, qui a conduit à en reporter encore la publication, au 26 juillet42(*).

L'examen du Placss a pour objet non seulement d'approuver les comptes de l'année antérieure, mais aussi de permettre une réflexion sur les perspectives de la sécurité sociale, ce qui implique de disposer d'une information à jour sur l'année en cours.

DEUXIÈME PARTIE
UNE AMÉLIORATION DU SOLDE 2023 PUREMENT AUTOMATIQUE ET UNE EXÉCUTION PLUS DÉGRADÉE QUE PRÉVU À L'AUTOMNE 2023
(ELISABETH DOINEAU)

I. UNE EXÉCUTION PRÉOCCUPANTE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE AU SENS STRICT, MAIS AUSSI POUR LES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE DANS LEUR ENSEMBLE

A. DANS LE CAS DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ET DU FSV, UNE AMÉLIORATION EN TROMPE-L'oeIL

1. Une amélioration venant de la quasi-disparition des dépenses liées à la crise sanitaire et de l'anticipation de la revalorisation de certaines prestations au 1er juillet 2022

Le déficit de la sécurité sociale (Robss+FSV) est passé de 19,7 milliards d'euros en 2022 à 10,8 milliards d'euros en 2023, ce qui représente une amélioration de 8,9 milliards d'euros.

La commission s'est efforcée, à titre indicatif, de décomposer l'évolution du déficit entre ses différentes composantes, en s'appuyant sur les notions de solde structurel et d'effort structurel43(*), et en isolant l'impact de certaines mesures spécifiques.

Les résultats sont indiqués par le tableau et le graphique ci-après.

Décomposition indicative de l'évolution du solde de la sécurité sociale (Robss+FSV)

(en milliards d'euros)

 

2021

2022

2023

Solde conjoncturel (niveau)

-5,7

1,8

-0,6

Solde structurel (niveau)

-23,6

-21,5

-10,2

Solde effectif (niveau)

-29,3

-19,7

-10,8

  

Évolution du solde effectif

10,4

9,6

8,9

A. Évolution du solde conjoncturel

28,4

7,5

-2,4

B. Évolution du solde structurel

-18,0

2,1

11,3

dont :

 

 

 

B1. Effort structurel

-12,2

-2,9

24,1

Effort structurel sur les dépenses

-18,5

0,0

20,4

dont :

 

 

 

Dépenses covid

-6,1

6,6

10,6

Ségur

-8,4

-2,7

-0,7

Réforme des retraites de 2023

 

 

-0,4

Modification de pratiques comptables

 

 

0,5

Autres*

-4,0

-3,9

10,4

Effort structurel sur les recettes

6,3

-2,9

3,7

dont :

 

 

 

Mesures nouvelles sur les recettes

6,3

-2,9

2,7

Modification de pratiques comptables

 

 

1,0

B2. Différence entre la croissance spontanée**
des recettes et celle du PIB

-5,9

5,0

-12,9

 

Pour mémoire :

 

 

 

Dépenses covid (niveau)

18,3

11,7

1,1

Ségur (niveau)

9,9

12,6

13,3

* Il s'agit, pour 7 milliards d'euros, de la revalorisation anticipée de diverses prestations (en particulier les pensions de retraite) au 1er juillet 2022.

** La croissance spontanée des recettes correspond à la croissance des recettes avant mesures nouvelles.

Lecture : un montant positif correspond à une amélioration du solde, un montant négatif à une dégradation du solde.

Solde effectif : Placss 2023. Soldes conjoncturel et structurel calculés par la commission des affaires sociales d'après les estimations du PIB potentiel de la Commission européenne (15 mai 2024). Dépenses covid et Ségur : annexe 3 au Placss 2023. Impact de la réforme des retraites : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024. Modifications de pratiques comptables : Cour des comptes, rapport de certification des comptes de la sécurité sociale, mai 2024. Mesures nouvelles sur les recettes : rapports à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2022, septembre 2023 et mai 2024.

Robss : régimes obligatoires de base de sécurité sociale. FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées

Décomposition indicative de l'évolution du solde de la sécurité sociale
entre 2022 et 2023 (Robss+FSV)

(en milliards d'euros)

* Il s'agit, pour 7 milliards d'euros, de la revalorisation anticipée de diverses prestations (en particulier les pensions de retraite) au 1er juillet 2022.

Lecture : un montant positif (bâtons verts) correspond à une amélioration du solde, un montant négatif (bâtons rouges) à une dégradation du solde.

Solde effectif : Placss 2023. Soldes conjoncturel et structurel calculés par la commission des affaires sociales d'après les estimations du PIB potentiel de la Commission européenne (15 mai 2024). Dépenses covid et Ségur : annexe 3 au Placss 2023. Impact de la réforme des retraites : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024. Modifications de pratiques comptables : Cour des comptes, rapport de certification des comptes de la sécurité sociale, mai 2024. Mesures nouvelles sur les recettes : rapports à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023 et mai 2024.

Robss : régimes obligatoires de base de sécurité sociale. FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées

Le solde structurel et l'effort structurel

Le solde structurel

Le solde public structurel se définit comme ce que serait le solde des administrations publiques (APU) si le PIB était égal à son niveau potentiel, en supposant que les recettes rapportées au PIB tendent spontanément à rester stables (on dit que leur « élasticité » au PIB est égale à 1).

En pratique, le PIB est habituellement au-dessus ou en dessous de son niveau potentiel. Cet écart, dit « écart de production » (ou output gap), a pour effet de modifier le ratio dépenses/PIB. Comme on suppose que les recettes rapportées au PIB tendent spontanément à rester stables, cet écart du ratio dépenses/PIB correspond au solde dit conjoncturel, dépendant des fluctuations de l'activité économique. La différence entre le solde total et le solde conjoncturel est le solde structurel.

Au niveau de l'ensemble des administrations publiques, comme les dépenses sont de près de 60 points de PIB, le solde conjoncturel est égal à l'écart de production multiplié par environ 0,6.

Dans le cas des administrations de sécurité sociale, qui correspondent à environ la moitié des dépenses publiques, le solde conjoncturel est égal à l'écart de production multiplié par environ 0,3.

L'estimation du solde structurel dépend donc fortement de l'estimation de l'écart de production. Par exemple, dans le cas de l'année 2023, selon le programme de stabilité d'avril 2024, le PIB était inférieur de 1,1 point à son niveau potentiel, alors que selon les prévisions économiques du 15 mai 2024 de la Commission européenne, il lui était inférieur de seulement 0,1 point. Il en résulte, pour 2023, un déficit structurel des administrations publiques estimé à 4,8 points de PIB par le programme de stabilité et 5,4 points de PIB par la Commission européenne (pour un déficit effectif de 5,5 points de PIB)44(*).

L'effort structurel

L'effort structurel est une notion introduite par le ministère du budget au sujet du projet de loi de finances pour 2004. Il s'agit de l'évolution du solde structurel, corrigée de l'évolution spontanée du ratio recettes/PIB (découlant des fluctuations spontanées de l'élasticité des recettes au PIB).

Concrètement, il se définit comme la somme (en points de PIB) de la diminution du ratio dépenses/PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes.

a) Une dégradation du solde conjoncturel de 2,4 milliards d'euros, du fait du ralentissement économique

L'amélioration du solde, de 8,9 milliards d'euros, correspond en totalité à celle du solde structurel, l'apparition d'un léger déficit conjoncturel (du fait d'une croissance du PIB légèrement inférieure à son potentiel en 202345(*)) ayant aggravé le déficit d'environ 2,4 milliards d'euros.

b) Un effort de 20 milliards d'euros sur les dépenses, « automatique » et résultant de la fin de la crise sanitaire et de l'anticipation au 1er juillet 2022 des revalorisations de certaines prestations

Le solde structurel dépendant notamment de la fluctuation spontanée des recettes rapportées au PIB, indépendante de l'action du Gouvernement, on recourt parfois à la notion d'effort structurel, qui est l'évolution du solde structurel corrigée de ce phénomène46(*). L'effort structurel apparaît alors très important, d'environ 24 milliards d'euros.

Sur cet effort structurel de 24 milliards d'euros, 20 milliards d'euros concernent les dépenses.

Ces 20 milliards d'euros ne résultent pas d'une action résolue de réduction du déficit, mais sont la conséquence de phénomènes « automatiques » :

- 10,6 milliards résultent de la quasi-disparition des dépenses liées à la crise sanitaire (passage de 11,7 milliards d'euros à 1,1 milliard d'euros) ;

- 10 milliards d'euros ne correspondent pas à des mesures identifiées mais résultent du fait que les dépenses ont augmenté nettement moins rapidement que le PIB potentiel47(*) (en valeur, 3,1 %, contre 6,5 %48(*)), ce qui implique de prendre en compte un effort structurel supplémentaire. Toutefois celui-ci est essentiellement la conséquence de l'anticipation de la revalorisation de certaines prestations (en particulier des pensions de retraite) au 1er juillet 2022, ce qui a majoré les dépenses de 2022, réduisant d'autant l'augmentation des dépenses en 2023 (de 5 milliards d'euros pour les seules pensions de retraite49(*)).

Les mesures prises discrétionnairement sur les dépenses majorent au contraire celles-ci :

- les dépenses liées au « Ségur » ont augmenté de 0,7 milliard d'euros (passant de 12,6 milliards d'euros à 13,3 milliards d'euros) ;

- la majoration des dépenses résultant de la réforme des retraites de 2023 est estimée à 0,4 milliard d'euros50(*).

Comme le souligne la Cour des comptes, dans le cas de la branche vieillesse la modification de pratiques comptables améliore optiquement le solde de 0,5 milliard d'euros (cf. encadré infra).

c) Des mesures d'augmentation des recettes de près de 4 milliards d'euros

L'effort structurel comprend également près de 4 milliards d'euros sur les recettes :

- il s'agit majoritairement de mesures nouvelles, pour 2,7 milliards d'euros ;

- il convient en outre de prendre en compte des modifications de pratiques comptables, améliorant le solde d'un milliard d'euros, dans le cas des provisions pour litiges relatives aux recettes de la branche maladie. Contrairement à celles relatives aux dépenses de la branche vieillesse, elles ont fait l'objet d'une réserve de la Cour des comptes dans son rapport de certification des comptes (cf. encadré ci-après).

Un déficit artificiellement réduit de 1,5 milliard d'euros (dont 1 milliard d'euros sur les recettes et 0,5 milliard d'euros sur les dépenses) par des modifications de pratiques comptables

Dans le Ralfss de mai 2024, la Cour des comptes écrit que le déficit 2023 des Robss et du FSV « aurait atteint 12,3 Md€ en l'absence de deux mesures techniques portant sur le calcul des provisions, n'ayant d'effet qu'en 2023 : une dérogation aux règles de provisionnement pour risques de la branche maladie, améliorant le résultat de 1 Md€, et un changement de méthode d'estimation de la provision au titre des majorations de retraite de la branche vieillesse du régime général, améliorant le résultat de 0,5 Md€ ».

Comme le souligne le Ralfss, le rapport de certification des comptes de la sécurité sociale de mai 2024 « accepte l'évolution de la règle pour la branche vieillesse mais il émet une réserve pour la sous-évaluation des provisions pour risques de la branche maladie, contraire au principe de prudence et constitutive d'une anomalie significative dans les comptes ».

Dans le cas des dépenses de la branche vieillesse : une amélioration du solde de 0,5 milliard d'euros

Dans le cas de la branche vieillesse, la Cnav a modifié sa méthode d'estimation des provisions pour rappels de majorations de pension de réversion et de minimum contributif. Selon le rapport de certification, « sans cette opération non récurrente, le déficit de la branche aurait été de 1,8 Md€ et non de 1,3 Md€ ».

Dans le cas des recettes de la branche maladie : une amélioration du solde d'un milliard d'euros, qui fait l'objet d'une réserve de la Cour des comptes

Dans le cas de la branche maladie, la modification comptable concerne les provisions pour litiges relatives aux recettes (1,4 milliard d'euros en 2023). Selon la Cour, « l'évaluation incomplète du risque lié à des contentieux en cours conduit à sous-évaluer de façon trop significative les provisions, ce qui est contraire au principe de prudence. Ces contentieux portent sur des produits affectés à la branche maladie et en affectent le résultat. L'estimation, à fin 2023, du risque financier (fixé à 30 % à la demande de la direction de la sécurité sociale, au lieu de 90 %, selon les règles fixées pour déterminer la provision selon la procédure en vigueur depuis mars 2022), appliquée à l'ensemble des produits à risques de 2022, n'a pas été justifiée par des pièces probantes suffisantes. Elle n'a d'ailleurs et a contrario pas été appliquée à des contestations similaires portant sur des produits de 2021. Enfin, elle ne couvre pas les produits de l'exercice 2023 pourtant exposés au même risque. Au total, cette sous-évaluation des provisions par rapport à la méthode d'estimation utilisée en 2022 est estimée par la Cour à 1 Md€ ».

La Cour estime que cette modification de la pratique comptable constitue une « anomalie significative », qui fait l'objet d'une réserve.

d) Des recettes minorées de 13 milliards d'euros par une masse salariale moins dynamique que le PIB et l'augmentation des allégements généraux de cotisations patronales

La principale caractéristique de l'exécution 2023 pour ce qui concerne les recettes est qu'alors que le PIB a augmenté de 6,3 % en valeur, la croissance spontanée des recettes des Robss et du FSV a été de seulement 4,2 %.

Ce différentiel de croissance réduit les recettes d'environ 13 milliards d'euros.

Il s'explique par deux mécanismes ayant conduit à des croissances différenciées du PIB nominal, de la masse salariale et des recettes avant mesures nouvelles qui, pourtant, habituellement sont à peu près identiques.

Croissance du PIB, de la masse salariale et des recettes des Robss et du FSV

(croissance nominale, en %)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'Insee, les LFSS 2019 à 2024, le Placss 2023 et les rapports à la commission des comptes de la sécurité sociale

(1) Une masse salariale peu dynamique compte tenu de la croissance du PIB

Tout d'abord, la croissance de la masse salariale a été inférieure de 1 point à celle du PIB (croissance de 5,3 %, pour une croissance du PIB de 6,3 %).

Cela résulte notamment du ralentissement de l'économie au dernier trimestre, qui a suscité un recul de l'effectif salarié.

(2) Des recettes minorées par l'augmentation des allégements généraux

Ensuite, la croissance des recettes avant mesures nouvelles a été inférieure de 1,1 point à celle de la masse salariale (croissance de 4,2 %, pour une croissance de la masse salariale de 5,3 %).

Cela vient essentiellement du fait qu'en 2023 les allégements généraux de cotisations patronales ont augmenté de 9,7 %, soit nettement plus que les recettes servant à les compenser (par exemple, les recettes de TVA affectées à la sécurité sociale ont augmenté de 4,3 %).

Cette augmentation est la conséquence de la forte inflation, qui, du fait de l'indexation du Smic, augmente le nombre de salariés au Smic, pour lesquels les allégements généraux de cotisations sont maximaux.

Impact des allégements généraux de cotisations sociales patronales sur les comptes de la sécurité sociale

Les allégements généraux de cotisations sociales patronales, en forte augmentation depuis la crise sanitaire, ont atteint en 2023 un montant de 65,5 milliards d'euros, dont :

- 26,9 milliards d'euros pour les allégements dégressifs ;

- 28,4 milliards d'euros pour le « bandeau maladie » (ex-CICE) (jusqu'à 2,5 Smic) ;

- 10,2 milliards d'euros pour le « bandeau famille » (jusqu'à 3,5 Smic).

Les allégements généraux dégressifs

Les allégements généraux dégressifs étaient compensés jusqu'en 2010 par un panier de recettes fiscales (dont la composition a été modifiée par les lois de finances successives), évoluant selon sa dynamique propre et dont le produit était réparti entre les branches au prorata de leur poids dans les allégements généraux. Depuis la LFSS pour 2011, les recettes constituant ce panier sont définitivement affectées aux régimes de sécurité sociale selon des clés définies par arrêté.

La LFSS pour 2019, qui a élargi le champ des allégements généraux aux cotisations Agirc-Arrco et d'assurance chômage, a prévu une compensation à l'euro près à ces organismes via l'Urssaf caisse nationale, qui est désormais attributaire d'une fraction de TVA à ce titre. Le dispositif prévoit que tout déséquilibre de cette opération se répercute directement sur le solde des branches du régime général. Alors que jusqu'en 2021, le solde du dispositif était excédentaire, il a été déficitaire en 2022 (- 0,5 milliard d'euros) et 2023 (- 1,5 milliard d'euros), grevant d'autant le solde du régime général.

Le « bandeau maladie »

Le « bandeau maladie » a fait l'objet d'une compensation « pour solde de tout compte » en LFSS pour 2019, qui a affecté à la Cnam 23,13 % de TVA (cette recette évoluant indépendamment de la dynamique du bandeau).

Le « bandeau famille »

Le « bandeau famille » a fait l'objet d'une compensation à la Cnaf via un transfert en 2015 puis en 2016 des dépenses d'aides au logement au budget de l'État.

Source : D'après le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024

Du fait de sa nature indépendante de l'action du Gouvernement, cette moindre croissance des recettes n'est pas prise en compte pour le calcul de l'effort structurel. En revanche, elle entre bien dans le champ du solde structurel, dont l'amélioration en 2023 se trouve réduite d'environ 13 milliards d'euros (l'amélioration du solde structurel est de seulement 11,3 milliards d'euros, pour un effort structurel de 24,1 milliards d'euros).

2. Un déficit supérieur de 3,7 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2023 et de 2,1 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2024

Le déficit des Robss et du FSV a été en 2023 de 10,8 milliards d'euros, soit 2,1 milliards d'euros de plus que la prévision de la LFSS 2024 et 3,7 milliards d'euros de plus que la prévision de la LFSS 2023.

a) Une sous-estimation du déficit plutôt élevée, en particulier dans le cas de la LFSS 2024

Si l'on exclut les années 2020 et 2021, ces erreurs de prévision sont plutôt élevées, en particulier pour la prévision de fin d'année (associée à la LFSS pour l'année suivante), comme le montre le graphique ci-après.

Solde des Robss et du FSV : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

L'année n est l'année concernée par la LFSS.

Lecture : en 2023, le déficit (10,8 milliards d'euros) a été supérieur de 3,7 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2023 (7,1 milliards d'euros) et de 2,1 milliards d'euros à celle de la LFSS 2024 (8,7 milliards d'euros).

Remarque  : comme indiqué dans le rapport de la rapporteure générale sur le Placss 2022, les soldes pour 2020 et 2021 doivent être respectivement majoré et minoré de 5 milliards d'euros, conformément au montant figurant dans la LFSS 2023 (correction apportée par le Sénat pour prendre en compte le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2021 de la branche recouvrement, en raison d'une erreur sur l'exercice d'imputation de cotisations des indépendants). Le Gouvernement refusant de prendre en compte cette modification dans les textes ultérieurs, on retient dans le présent rapport les montants erronés figurant dans les documents annexés au PLFSS 2024 pour ne pas compliquer la comparaison des tableaux et graphiques.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les textes indiqués

Toutefois les erreurs de prévision relatives à 2023 ne sont pas d'ampleur historique (comme le montre par exemple le précédent de la prévision pour 2015 de la LFSS 2016).

Les Robss (et plus généralement les administrations de sécurité sociale) se démarquent sur ce point des administrations publiques considérées dans leur ensemble.

Les travaux de la commission des finances du Sénat sur les prévisions de finances publiques de l'automne 2023

Le 21 mars 2024, sur la base de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, s'est rendu au ministère des finances pour, selon les termes du communiqué de presse, « disposer d'informations officielles sur le déficit public de 2023, qui connaîtrait d'après des échos dans la presse une dégradation sans précédent puisqu'il serait prévu à 5,6 % du PIB au lieu des 4,9 % attendus ».

Lors d'une conférence de presse le 21 mars 2024, il a confirmé qu'une note du 16 février 2024 prévoyait bien 5,6 % de déficit en 2023. Il a considéré que le Gouvernement avait tardé à réagir, alors que fin octobre 2023 les services prévoyaient une croissance de - 0,1 % au troisième trimestre et que les recettes fiscales en octobre avaient marqué le pas.

Le supplément de déficit s'expliquait essentiellement par de moindres recettes (TVA et cotisations sociales en particulier).

Le 26 mars 2024, l'Insee a annoncé que le déficit 2023 avait été de 5,5 points de PIB.

Le 12 juin 2024, la commission des finances du Sénat a adopté un rapport d'information51(*) soulignant le niveau très élevé du déficit et le fait que cette augmentation entre 2017 et 2023 provenait très majoritairement du budget de l'État - et pas des administrations de sécurité sociale, dont l'excédent avait augmenté sur la période.

Comme le souligne ce rapport, l'écart de 0,6 point de PIB entre la prévision de déficit public de l'automne 2023 (4,9 points de PIB selon la LPFP de décembre 2023) et le déficit public finalement constaté (5,5 points de PIB) était « inédit », un tel écart n'ayant été observé, sur les 25 dernières années, qu'en 2008, lors de la crise financière.

Dans le cas des administrations de sécurité sociale, ce rapport indique : « Quant aux administrations de sécurité sociale, leur solde, qui avait été anticipé à + 0,7 % de PIB lors de l'examen du PLFFG 2023, s'est avéré en retrait, à + 0,5 % du PIB, principalement du fait d'une estimation trop optimiste de l'évolution de la masse salariale, à l'origine d'une surestimation des cotisations et contributions sociales. Dans la mesure où ces dernières représentent 28 % des recettes publiques, une erreur, même faible, de prévision sur cette masse salariale a en effet des conséquences importantes sur la prévision des recettes publiques ».

b) Un fort supplément de recettes qui n'a pu compenser le dérapage encore plus important des dépenses

En 2023, le supplément de déficit (de 3,7 milliards d'euros) par rapport à la prévision de la LFSS 2023 vient du fait que si les recettes ont été supérieures de 5,2 milliards d'euros aux prévisions (600 milliards d'euros au lieu de 594,8 milliards d'euros), le supplément de dépenses a été encore plus important, de 8,8 milliards d'euros (610,7 milliards d'euros au lieu de 601,9 milliards d'euros).

Recettes et dépenses de la sécurité sociale (Robss + FSV)

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Le graphique montre également que fin 2024, la LFSS 2024 a trop revu à la hausse ses prévisions de recettes, qui ont finalement été inférieures de 2,1 milliards d'euros à cette nouvelle prévision.

c) Des recettes supérieures de 5,1 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2023 mais inférieures de 2,1 milliards d'euros à celles de la LFSS 2024

Comme l'indique le tableau ci-après, la comparaison entre prévision et exécution est, dans le cas des recettes, sensiblement différente selon que l'on retient la prévision de la LFSS 2023 ou celle de la LFSS 2024 : alors que dans le premier cas les recettes sont supérieures de 5,1 milliards d'euros aux prévisions, dans le second cas elles leur sont inférieures de 2,1 milliards d'euros.

Produits nets de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du fonds de solidarité vieillesse : prévision et exécution (2023)

(en milliards d'euros)

 

Réalisé 2022

LFSS 2023

PLFSS 2024*

Réalisé 2023

Écart du réalisé 2023 par rapport à la LFSS 2023

Écart du réalisé 2023 par rapport au PLFSS 2024

Croissance entre les réalisés 2022 et 2023

Cotisations sociales

279,0

290,2

293,1

291,0

0,8

-2,1

4,3 %

Cotisations prises en charge par l'État

6,9

5,9

6,6

6,9

1,0

0,3

0,0 %

CSG brute

115,5

118,4

121,0

120,7

2,3

-0,3

4,5 %

Contribution employeur

44,6

46,5

46,3

46,3

-0,2

0,0

3,8 %

Impôts, taxes et autres contributions sociales

104,3

111,7

108,5

108,1

-3,6

-0,4

3,6 %

Charges de non recouvrement

-1,3

-2,1

-1,7

-1,9

0,2

-0,2

46,2 %

Transferts nets reçus

11,5

11,2

12,7

12,7

1,5

0,0

10,4 %

Autres produits nets

12,0

13,1

15,7

16,2

3,1

0,5

35,0 %

Total Robss + FSV

572,5

594,8

602,1

600,0

5,2

-2,1

4,8 %

Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023 (du fait de l'absence de mesures nouvelles sur les recettes 2023 dans le PLFSS 2024, les recettes prévues par le PLFSS 2024 sont également de 602,1 milliards d'euros). Les recettes prévues par la LFSS 2024 étaient de 602,2 milliards d'euros.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023 ; PLFSS 2024 ; Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024

(1) Un supplément de recettes de 5,2 milliards d'euros par rapport à la prévision de la LFSS 2023 venant de la forte croissance de la masse salariale aux trois premiers trimestres

Le supplément de recettes par rapport aux prévisions de la LFSS 2023 (+5,2 milliards d'euros) provient de la forte croissance des cotisations sociales (4,3 %) et de la CSG (4,5 %), du fait de la forte croissance de la masse salariale pendant les trois premiers trimestres.

Par ailleurs, la forte inflation s'est traduite par une augmentation de la proportion de salariés au Smic, et donc du montant des allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires.

(2) Des recettes inférieures de 2,1 milliards d'euros à celles de la LFSS 2024, la révision à la hausse des prévisions ayant coïncidé avec le ralentissement de l'économie

À l'automne 2023, le Gouvernement a revu à la hausse ses prévisions, estimant, dans les prévisions associées au PLFSS 2024, que les recettes seraient supérieures de 7,3 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2023 (la révision à la hausse concernant essentiellement les cotisations sociales et la CSG).

Cette révision à la hausse a toutefois coïncidé avec un ralentissement de l'économie au dernier trimestre, qui a notamment suscité, pour la première fois depuis trente ans, un recul de l'effectif salarié.

Cela explique qu'au total les recettes aient été inférieures de 2,1 milliards d'euros aux prévisions révisées du PLFSS 2024 (les cotisations sociales étant finalement supérieures de seulement 0,8 milliard d'euros, et non 2,9 milliards d'euros, à la prévision de la LFSS 2023).

Dans son rapport précité, Jean-François Husson indique que ces moindres recettes « s'explique[nt] principalement par une évolution moins favorable qu'anticipé de la masse salariale ». Il insiste en particulier sur l'absence de révision à la baisse des prévisions de croissance de la masse salariale à l'automne 2023.

De fait, les prévisions de croissance de la masse salariale du secteur privé du Gouvernement ont été figées à leur niveau d'octobre 2023, déjà un peu optimiste selon le Haut Conseil des finances publiques, et n'ont pas été révisées au dernier trimestre, alors que les perspectives se dégradaient, comme l'indique le graphique ci-après.

Prévisions de croissance de la masse salariale du secteur privé pour 2023

(en %)

Source : Commission des affaire sociales du Sénat, d'après les sources indiquées

d) Un dérapage des dépenses provenant très majoritairement de la branche maladie

Le supplément de dépenses, de 8,8 milliards d'euros, par rapport à la prévision de la LFSS 2023, provient pour 5,6 milliards d'euros de la branche maladie, conformément au tableau ci-après.

Dépenses des différentes branches (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

 

2022

2023

 

Exécution

Exécution

Prévision LFSS 2023

Supplément de dépenses par rapport à la prévision

Source :

LFSS 2024

Placss 2023

LFSS 2023

 

Maladie

242,2

243,9

238,3

5,6

Accidents du travail et maladies professionnelles

14,5

15,4

14,8

0,6

Vieillesse

263,3

275,1

273,3

1,8

Famille

51,4

55,7

55,3

0,4

Autonomie

35,2

37,6

37,4

0,2

Toutes branches (hors transferts entre branches)

591,8

610,4

601,6

8,8

Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse

592,1

610,7

601,9

8,8

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées

Ce dépassement s'explique essentiellement par celui de l'Ondam, systématique depuis la crise sanitaire, de 3,7 milliards d'euros (cf. ci-après le commentaire de l'article 2).

3. Un déficit qui devrait fortement repartir à la hausse en 2024

L'absence de maîtrise des comptes sociaux du précédent Gouvernement apparaît dans le fait que, du fait du dérapage du déficit en 2024, les mesures de redressement considérables prévues par le PLFSS 2025 ne parviendraient qu'à stabiliser le déficit à un niveau légèrement supérieur à celui prévu par la programmation de la LFSS 2024.

Ainsi, le déficit atteindrait 19,9 milliards d'euros en 2028 (cf. graphique).

Solde des Robss et du FSV (2004-2028)

(en milliards d'euros)

Robss : régime obligatoire de base de la sécurité sociale. FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

2004-2023 : exécution. 2024-2027 : prévisions de la LFSS 2024.

Source : Lois de financement de la sécurité sociale 2006 à 2024, Placss 2023, PLFSS 2025

B. DANS LE CAS DE L'ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE, UN EXCÉDENT EN LÉGÈRE AUGMENTATION MAIS NETTEMENT INFÉRIEUR AUX PRÉVISIONS

1. Un excédent des Asso de 11,5 milliards d'euros

Avec en 2023 un excédent de 11,5 milliards d'euros (0,4 point de PIB), les administrations de sécurité sociale, ou Asso (concept de comptabilité nationale, englobant notamment la Caisse d'amortissement de la dette sociale : cf. encadré ci-après) ont un solde comparable à celui d'avant la crise sanitaire.

Le rythme d'amélioration s'est considérablement réduit en 2023, comme le montre le graphique suivant.

Capacité de financement des administrations de sécurité sociale

Source : Insee (comptes nationaux base 2020)

Comme en 2022, ce retour apparent à la situation d'avant la crise sanitaire se traduit en réalité par de forts déséquilibres, l'ensemble constitué par les Robss et le FSV étant désormais très déficitaire (- 10,8 milliards d'euros, contre - 1,7 milliard d'euros en 2019). Si le solde des administrations publiques (APU) retrouve néanmoins un niveau comparable à celui d'avant-crise, c'est parce que celui des autres Asso s'améliore (par rapport à 2019, + 3,5 milliards d'euros pour l'Unédic, + 5,1 milliards d'euros pour l'Agirc-Arrco, + 2 milliards d'euros pour la Cades).

S'agissant plus précisément des Robss et du FSV, la quasi-totalité de l'augmentation du déficit depuis la crise sanitaire provient de l'assurance maladie. En effet, les dépenses d'assurance maladie, après avoir augmenté lors de la crise sanitaire, n'ont pas diminué depuis. Cette stabilisation des dépenses de la branche maladie autour de leur niveau de 2020 constitue un dérapage par rapport aux LFSS pour les années 2021 à 2023, qui toutes prévoient un retour des dépenses à leur trajectoire antérieure à la crise sanitaire. Ainsi, les dépenses de 2023 ont été supérieures de respectivement 4,3 milliards d'euros, 18 milliards d'euros, 14,1 milliards d'euros et 5,6 milliards d'euros aux prévisions des LFSS pour 2020, 2021, 2022 et 2023.

Les administrations de sécurité sociale (Asso)

Les administrations de sécurité sociale regroupent les régimes d'assurance sociale et les organismes dépendant des assurances sociales (principalement les hôpitaux à financement public) (Odass).

Les régimes d'assurance sociale comprennent principalement :

- le régime général ;

- divers fonds : Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais aussi Fonds commun pour les accidents du travail (FCAT), Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), Service social d'allocation aux personnes âgées (Saspa), Fonds de compensation des organismes de sécurité sociale (FCOSS), etc. ;

- les autres régimes de base des salariés (régimes spéciaux d'entreprises et d'établissements publics, salariés agricoles, etc.) ;

- les régimes des non-salariés (dont la mutualité sociale agricole) ;

- l'Unédic ;

- les régimes complémentaires d'assurance vieillesse des salariés (Agirc-Arrco...) ;

- depuis un reclassement effectué en 2011 par l'Insee, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve des retraites (FRR), jusqu'alors considérés comme des organismes divers d'administration centrale (Odac).

Les organismes dépendant des assurances de sécurité sociale (Odass), qui dépendent des administrations de sécurité sociale, comprennent :

- les hôpitaux de l'assistance publique, ainsi que les hôpitaux privés financés par la dotation globale hospitalière (attribuée par les caisses de sécurité sociale) ;

- les oeuvres sociales intégrées aux organismes de sécurité sociale (oeuvres sociales de la Cnaf, écoles d'infirmiers) ;

- France travail.

L'Insee ne distingue, parmi les administrations de sécurité sociale, que les « régimes d'assurance sociale » et les Odass. Le Gouvernement distingue toutefois, selon les concepts de la comptabilité nationale, en prévision pour l'année en cours et pour l'année concernée par le projet de loi de finances, dans les rapports économiques, sociaux et financiers (Resf) associés aux projets de loi de finances, non seulement les Odass, mais aussi l'ensemble régime général-FSV, l'Unédic, les régimes complémentaires, la Cades et le FRR.

Le ralentissement de l'amélioration du solde des Asso en 2023 ne s'explique que pour 0,08 point de PIB par le passage de l'Insee à la « base 2020 » début 2024 (cf. encadré).

Le reclassement de l'Erafp en société financière dans la « base 2020 » des comptes nationaux (appliquée par l'Insee depuis le 1er janvier 2024)

Le passage de l'Insee à la « base 2020 » début 2024 l'a conduit à sortir du champ des administrations de sécurité sociale l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp), désormais reclassé parmi les sociétés financières, ce qui dégrade le solde des Asso de 0,08 point de PIB.

La Retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp) est un régime public de retraite additionnelle obligatoire institué par la réforme des retraites de 2003. Le régime est géré par un établissement public dénommé « établissement de retraite additionnelle de la fonction publique » (Erafp).

Dans la « base 2014 » des comptes nationaux, l'Erafp était enregistré dans le compte des administrations publiques, dans le sous-secteur des administrations de sécurité sociale.

Lors du passage à la « base 2020 », un réexamen par l'Insee des activités de l'Erafp au regard du règlement européen a conduit à son reclassement dans le secteur des institutions financières. En effet, le Rafp est un fonds de pension, pour lequel le Système européen des comptes (SEC 2010) précise explicitement le classement en société financière.

Ce reclassement réduit en 2019 les dépenses des Asso de 0,5 milliard d'euros et réduit leurs recettes de 2,7 milliards d'euros, d'où une réduction de l'excédent des Asso de 2,3 milliards d'euros.

Selon les estimations de la commission des affaires sociales, la totalité de l'excédent, représentant 0,4 point de PIB, serait structurel52(*).

2. Un excédent inférieur aux prévisions
a) Un excédent inférieur de 7,3 milliards d'euros à la prévision de l'automne 2022, le supplément de dépenses ayant été supérieur au supplément de recettes

Par rapport à la prévision53(*) du rapport économique, social et financier (Resf) annexé au PLF 2023, l'excédent des Asso est inférieur de 7,3 milliards d'euros aux prévisions.

Ce moindre excédent vient du fait que si les recettes ont été supérieures aux prévisions (+ 9,1 milliards d'euros), le supplément de dépenses a été encore plus important (+ 16,4 milliards d'euros).

Les données publiées par l'Insee ne sont pas suffisamment fines pour permettre de déterminer les causes du dérapage des dépenses (cf. infra commentaire de l'article liminaire).

Dépenses, recettes et solde des Asso en 2023 :
comparaison avec les prévisions de l'automne 2022

(en milliards d'euros)

 

Prévision de l'automne 20221

Exécution2

Écart

 

Base 2014

Base 20203

Base 2020

Base 2020

Recettes

742,6

739,9

749,0

9,1

Dépenses

721,5

721,1

737,5

16,4

Solde

21,1

18,8

11,5

-7,3

Asso : administrations de sécurité sociale.

NB : le passage de l'Insee à la « base 2020 » début 2024 l'a conduit à sortir du champ des administrations de sécurité sociale l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp), ce qui réduit en 2019 les dépenses des Asso de 0,5 milliard d'euros et réduit leurs recettes de 2,7 milliards d'euros, d'où une augmentation du déficit des Asso de 2,3 milliards d'euros. On suppose que l'impact est le même en 2023.

1 Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2023 (comptes nationaux base 2014).

2 Insee, 30 août 2024 (comptes nationaux base 2020).

3 Calcul par la commission des affaires sociales (prise en compte de la sortie de l'Erafp du champ des Asso, sur la base de l'exécution 2019).

Source : Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2023, Insee (comptes nationaux base 2020), calculs de la commission des affaires sociales

b) Un excédent inférieur de 7,0 milliards d'euros à la prévision de l'automne 2023, essentiellement du fait d'une plus forte croissance des dépenses

S'il n'est pas inhabituel que le solde des Asso s'écarte fortement de celui prévu à l'automne de l'année précédente, l'écart par rapport aux prévisions de l'automne de l'année en cours est habituellement modeste.

Aussi, le supplément de déficit par rapport aux prévisions de l'automne 2023, d'environ 7 milliards d'euros (0,2 point de PIB), est plutôt élevé.

Le dérapage provient très majoritairement des dépenses.

Dépenses, recettes et solde des Asso en 2023 :
comparaison avec les prévisions de l'automne 2023

 

Resf 2024, en milliards d'euros

LPFP de décembre 2023, en points de PIB

 

Prévision de l'automne 20231

Exécution2

Écart

Prévision de l'automne 20233

Exécution2

Écart

 

Base 2014

Base 20204

Base 2020

Base 2020

Base 2014

Base 20204

Base 2020

Base 2020

Recettes

750,9

748,2

749,0

0,8

26,6

26,5

26,5

0,0

Dépenses

730,1

729,7

737,5

7,8

25,9

25,9

26,1

0,2

Solde

20,8

18,5

11,5

-7,0

0,7

0,6

0,4

-0,2

Asso : administrations de sécurité sociale. LPFP : loi de programmation des finances publiques. Resf : rapport économique, social et financier.

NB : le passage de l'Insee à la « base 2020 » début 2024 l'a conduit à sortir du champ des administrations de sécurité sociale l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp), ce qui réduit en 2019 les dépenses des Asso de 0,5 milliards d'euros et réduit leurs recettes de 2,7 milliards d'euros, d'où une augmentation du déficit des Asso de 2,3 milliards d'euros (soit 0,08 point de PIB).

1 Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2024 (comptes nationaux base 2014).

2 Insee, 30 août 2024 (comptes nationaux base 2020).

3 LPFP de décembre 2023.

4 Calcul par la commission des affaires sociales (prise en compte de la sortie de l'Erafp du champ des Asso, sur la base de l'exécution 2019).

Source : Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2024, Insee (comptes nationaux base 2020), calculs de la commission des affaires sociales

Comme précédemment, les données publiées par l'Insee ne sont pas suffisamment fines pour permettre de déterminer les causes du dérapage des dépenses. Celui-ci ne semble pas provenir des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du FSV, dont les dépenses ont été supérieures de seulement 0,1 milliard d'euros aux prévisions de la LFSS 2024.

Dans le cas des recettes, inférieures d'environ 3 milliards d'euros aux prévisions de l'automne 2023, l'écart provient notamment de la forte inflation, qui a suscité des revalorisations du Smic plus fortes que celles des autres niveaux de salaire, et a accru les allégements généraux de cotisations sociales patronales rapportés aux recettes nettes (cf. supra).

II. UN DÉPASSEMENT DE L'ONDAM DE PRÈS DE 4 MILLIARDS D'EUROS

En 2023, l'Ondam a été supérieur de 3,7 milliards d'euros à l'objectif de la LFSS 2023 (cf. infra le commentaire de l'article 2).

TROISIÈME PARTIE
CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS DE BRANCHE

I. LE NON-RECOURS AU MINIMUM VIEILLESSE (PASCALE GRUNY)

A. PROFIL DES ALLOCATAIRES DU MINIMUM VIEILLESSE

1. Le recours au minimum vieillesse, en baisse depuis 1960, augmente depuis 2018

Le système de retraite assure une solidarité entre retraités à travers l'allocation de prestations dites du « minimum vieillesse », qui regroupent l'allocation supplémentaire du minimum vieillesse (ASV), qui n'est plus attribuée mais est toujours servie, et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Son financement est supporté par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

À la fin de l'année 2023, le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse s'élevait selon le FSV à 801 000 personnes, dont 594 000 au titre de l'Aspa et 117 000 au titre de l'ASV.

Détail des prestations du minimum vieillesse

Plus ancien minimum social, le minimum vieillesse a été instauré en 1956. Il était composé de huit prestations différentes, complétées par l'allocation supplémentaire du minimum vieillesse (ASV). Il a ensuite été réformé en 200654(*) et l'ensemble des prestations qu'il regroupait ont été remplacées en 2007 par une seule, l'allocation unique de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

Les deux systèmes coexistent depuis le 1er janvier 2006, l'Aspa n'étant ouverte qu'aux nouveaux bénéficiaires du minimum vieillesse à compter de cette date, tandis que les anciens conservent le bénéfice des anciennes prestations.

Contrairement aux minima de pension, le versement de l'Aspa n'est pas conditionné à l'obtention d'un taux plein ou à la justification d'une carrière complète. Pour y être éligible, le bénéficiaire doit résider en France et être âgé d'au moins 65 ans. Les personnes déclarées inaptes au travail, faisant l'objet d'un handicap, les anciens combattants, déportés, internés ou prisonniers de guerre peuvent solliciter l'Aspa à compter de l'âge légal d'ouverture du droit à la retraite, désormais repoussé à 64 ans.

L'Aspa est conçue comme une allocation différentielle, dont le montant est déterminé par la différence entre les ressources du bénéficiaire et le plafond de l'Aspa. Ce plafond a fait l'objet de nombreuses revalorisations successives et s'établit au 1er janvier 2024 à 1 571,16 euros brut par couple et à 1 012,02 euros brut par mois pour une personne seule. L'Aspa fait partie des prestations sociales récupérables sous conditions par l'État après le décès de l'allocataire.

Le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse a fortement chuté depuis 1960, du fait de l'augmentation générale du niveau des pensions. Le minimum contributif (MiCo), instauré en 1983, et la pension majorée de référence (PMR), instaurée en 2009, permettent ainsi respectivement aux salariés des régimes alignés et aux non-salariés agricoles d'augmenter leur retraite à taux plein à un montant qui était de 876 euros mensuels en 2024.

Cette tendance baissière s'inverse toutefois à compter de l'année 2018, qui marque le début de plusieurs hausses consécutives du montant de l'Aspa, entraînant une augmentation totale du minimum vieillesse à hauteur de 100 euros en trois ans. Cette revalorisation a élargi le spectre de bénéficiaires de l'Aspa, et s'est logiquement traduite par une augmentation de la part d'allocataires dans la population âgée de 65 ans et plus.

Recours au minimum vieillesse

Source : Les retraités et les retraites, édition 2023, Panoramas de la Drees, 16 juin 2023

2. Les bénéficiaires du minimum vieillesse sont majoritairement des femmes isolées

Selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère chargé de la sécurité sociale (Drees), les allocataires du minimum vieillesse sont à 76 % des personnes isolées, parmi lesquelles 67 % sont des femmes. La part des femmes parmi les allocataires progresse avec l'âge : elles sont 52,2 % parmi les bénéficiaires de 65 ans et 77,1 % parmi ceux de plus de 90 ans. Cette différence s'explique par leur plus grande longévité mais également par la faiblesse de leurs droits à retraite par rapport à ceux des hommes. Les hommes sont en revanche surreprésentés parmi les allocataires en couple dont le partenaire ne perçoit pas l'allocation (77 %). Il peut être déduit de ces données que parmi les personnes en couple, l'Aspa est ainsi plus souvent demandée par des hommes que par des femmes, et ceux-ci sont majoritairement en couple.

L'entrée tardive des générations de femmes sur le marché du travail se traduit par le fait qu'en 2016, elles comptaient pour 75 % des allocataires ne disposant d'aucun droit propre à la retraite, 5 % d'entre elles disposant d'un droit dérivé.

Répartition par sexe et situation conjugale des titulaires
de l'Aspa et de l'ASV, selon l'âge

Source : Drees, Les retraités et les retraites, édition 2023

Les allocataires du minimum vieillesse sont inéquitablement répartis sur le territoire. En métropole, 3,78 % des personnes âgées de plus de 62 ans bénéficient d'une allocation du minimum vieillesse. Elles sont 8,1 % en Corse et 7 % dans les Bouches-du-Rhône, 7,6 % en Seine Saint-Denis et 16 % en outre-mer, à l'exclusion de Mayotte.

B. LE NON-RECOURS AU MINIMUM VIEILLESSE EST UN PHÉNOMÈNE D'AMPLEUR AUX CAUSES COMPLEXES

1. En 2016, la moitié des personnes éligibles au minimum vieillesse n'y recouraient pas

Le non-recours aux droits désigne la situation dans laquelle une personne éligible à une prestation sociale ne la perçoit pas.

En 2022, la Drees évaluait le taux de non-recours au minimum vieillesse en 2016 (dernière année pour laquelle une estimation peut actuellement être réalisée55(*)) à 50 %56(*), ce qui représenterait 1 milliard d'euros de prestations non versées57(*). À titre de comparaison, la Drees estime le taux de non-recours au revenu de solidarité active (RSA) à 34 %, à la prime d'activité à 27 %, et à la complémentaire santé solidaire sans participation financière à 67 %58(*).

La Cour des comptes relève, dans son chapitre du Ralfss de mai 2024 sur la qualité des services rendus par les caisses de sécurité sociale du régime général59(*), que les principales causes de non-recours aux minima sociaux identifiées par la Drees sont les suivantes : le manque d'information pour 40 % des assurés, la complexité des démarches à accomplir pour 23 % d'entre eux, la crainte des conséquences négatives pour 18 % d'entre eux et le souhait de ne pas dépendre des aides sociales ni être considéré comme étant assisté pour 16 % d'entre eux. Elle précise qu'entre 2016 et 2021, la proportion d'usagers estimant manquer d'informations a reculé de 17 points, tandis que la proportion d'usagers craignant de subir des conséquences négatives a augmenté.

Selon le Dossier de la Drees de 2022 précité, il ressort de l'analyse des données fiscales des personnes se situant sous le plafond de ressources d'une personne seule et n'ayant pas recours à l'Aspa que le montant moyen de prestation auquel ces personnes auraient droit s'élèverait en 2016 à 250 euros par mois, contre 337 euros pour les bénéficiaires effectifs. 

Il apparaît que plus le montant théorique de la prestation non perçue est faible, plus le taux de non-recours est élevé. La répartition des personnes éligibles à l'Aspa et n'y recourant pas, par tranche de prestation à laquelle elles auraient théoriquement droit, renseigne ainsi que le taux de non-recours de prestations inférieures à 100 euros est de 77 %. Il convient toutefois de relever que ce taux remonte pour les montants de prestations les plus élevés, supérieurs à 700 euros.

Taux de non-recours selon la tranche de montant théorique (2016)

Source : Le non-recours au minimum vieillesse des personnes seules, Les dossiers de la Drees n° 97, mai 2022

En 2016, le taux de non-recours chez les femmes s'élevait à 52 %, contre 44 % chez les hommes. Il croissait avec l'âge du bénéficiaire potentiel : il était de 47 % pour la population âgée de 65 à 69, et de 56 % pour celle d'au moins 85 ans. La population des non-recourants avait en moyenne 78 ans, contre 75,8 ans pour les recourants. Le taux de non-recours des personnes ayant effectué une carrière complète était de 69 %, soit 20 points de plus que celui des personnes n'ayant pas effectué une carrière complète (49 %). Parmi les propriétaires, il s'élevait à 72 %, contre 36 % pour les locataires. Le taux de non-recours atteignait près de 95 % lorsque les nouveaux éligibles l'étaient après que leurs ressources avaient augmenté moins vite que le barème du minimum vieillesse. Il était également particulièrement élevé (81,8 %) chez les détenteurs d'un nouveau droit dérivé, ce qui explique qu'il ait été de 62 % parmi les titulaires d'une pension de réversion, contre 42 % pour la population n'étant pas titulaire d'un droit dérivé.

Selon la Cnav, les trois causes principales du non recours à l'Aspa seraient le manque d'information, la récupération sur succession d'une partie des sommes versées, ainsi que le refus d'une partie des bénéficiaires potentiels de faire appel à la solidarité nationale60(*).

2. Le non-recours à l'Aspa semble particulièrement important parmi les retraités non-salariés agricoles

Les retraités du régime agricole représentent 5 % des allocataires du minimum vieillesse, contre 85 % pour les allocataires du régime général, et 10 % pour les allocataires du service de solidarité aux personnes âgées (Saspa).

L'évolution du recours au minimum vieillesse parmi les retraités du régime agricole fait apparaître deux tendances très différentes entre les populations salariées et les non-salariés de ce régime.

Évolution du nombre de retraités agricoles bénéficiaires de l'Aspa et d'autres allocations du minimum vieillesse depuis 2012

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les informations transmises par la MSA

Si ces deux catégories se matérialisent par une grande différence de revenus entre d'une part, les salariés d'une exploitation, et d'autre part, les chefs d'exploitations ou d'entreprises agricoles, qui sont souvent propriétaires de leur capital d'exploitation agricole et de leur habitation, il n'en demeure pas moins que le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse (Aspa ou autre) parmi les personnes non-salariées du régime agricole61(*) fait l'objet d'une baisse continue depuis 2012. L'augmentation de 39,5 % des effectifs de non-salariés agricoles bénéficiaires de l'Aspa entre 2012 et 2023 ne permet pas d'inverser une tendance générale à la baisse, attestant du non-remplacement de l'ASV par l'Aspa.

À l'inverse, les effectifs de salariés agricoles bénéficiaires de l'Aspa ont pour leur part augmenté de plus de 335 % entre 2012 et 2023, passant de 4 014 à 17 484. La part des effectifs de salariés agricoles bénéficiaires de prestations de solidarité aux personnes âgées est donc revenue à son niveau de 2012, à savoir 1 %, attestant d'un remplacement des anciennes prestations du revenu minimum par l'Aspa.

Évolution des bénéficiaires de l'Aspa et des anciennes prestations du revenu minimum parmi les retraités agricoles

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les informations transmises par la MSA

Ces différences de tendance peuvent s'expliquer par les revalorisations successives dont les pensions de retraite agricoles ont fait l'objet. La baisse du nombre d'allocataires à l'Aspa parmi les non-salariés agricoles depuis 2020 pourrait s'expliquer par le rehaussement à 85 % du Smic62(*) du complément différentiel de points de retraite complémentaire (CDRCO), ouvert aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole ayant cotisé l'ensemble de leur carrière à ce titre et acquis une retraite à taux plein, ainsi que par l'unification du montant de la pension majorée de référence parmi les non-salariés agricoles, désormais portée au niveau du minimum contributif majoré.

Il n'en demeure pas moins que la faible proportion du recours à l'Aspa parmi les non-salariés agricoles atteste d'un taux de non-recours important, estimé par la Drees en 2016 à 63,2 %, contre 47,5 % pour les retraités salariés ayant eu pour régime de base principal la MSA.

C. MENER UNE POLITIQUE VOLONTARISTE POUR RÉDUIRE LE NON-RECOURS AU MINIMUM VIEILLESSE

1. Actualiser régulièrement l'estimation du non-recours au minimum vieillesse

L'estimation la plus récente du non-recours à l'Aspa, publiée en 2022 par la Drees, concerne l'année 2016. En effet, elle s'appuie notamment sur l'échantillon inter-régimes (EIR), dont la dernière vague date de 2016.

Or il n'est pas possible de mener une politique effective de lutte contre le non-recours sans disposer de chiffres à jour permettant d'apprécier l'efficacité des actions menées.

Dans le Ralfss de mai 2024, la Cour des comptes préconise d'actualiser les estimations du non-recours aux minima sociaux63(*).

De même, la commission considère que le non-recours à l'Aspa doit faire l'objet d'une estimation régulière portant sur des données récentes. On pourrait par exemple imaginer une estimation simplifiée, périodiquement « recalée » sur la base de l'EIR.

Cette estimation devrait en outre être incluse dans le rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) relatif à la branche vieillesse, annexé au Placss64(*).

2. La crainte du recouvrement sur les successions comme frein au recours au minimum vieillesse : un enjeu désormais marginal ?

Les statistiques du non-recours au minimum vieillesse établies par la Drees dans son rapport de 2022 précité, renseignent que les taux de non-recours pour l'année 2016 sont particulièrement élevés parmi les personnes disposant d'un revenu mensuel inférieur de moins de 100 euros du plafond de l'Aspa (77 %), les propriétaires (72 %), ainsi que ceux ayant effectué une carrière complète (69 %). Ces données permettent de dresser un premier profil-type du non-recourant au minimum vieillesse, possiblement mû par la crainte qu'une partie de son patrimoine ne soit pas transmissible à ses héritiers après recouvrement par l'État des sommes perçues au titre du minimum vieillesse sur son actif successoral.

Selon la MSA lors de son audition par la rapporteure, cette crainte est particulièrement présente parmi les chefs d'exploitation et d'entreprises agricoles, et persiste malgré le retrait en 2011 du capital d'exploitation agricole parmi l'actif net successoral saisissable des bénéficiaires du minimum vieillesse le capital.

Le législateur a récemment rehaussé le seuil de patrimoine permettant la récupération des sommes versées au titre de l'Aspa sur la succession des bénéficiaires. Ce rehaussement étant intervenu aux termes de la loi du 14 avril 2023 réformant les retraites, ses effets sur le non-recours à l'Aspa ne peuvent toutefois pas encore être quantifiés.

En 2021, le montant total des récupérations sur succession s'élevait à 92 millions d'euros, ce qui représente moins de 3 % des sommes versées au titre du minimum vieillesse.

Compte tenu du caractère récent du rehaussement du seuil, le rapporteur suggère de prendre le temps d'apprécier ses effets, avant de prendre, le cas échéant, d'autres mesures relatives au recouvrement sur les successions.

Les règles encadrant le recouvrement des sommes versées
au titre de l'Aspa sur la succession des bénéficiaires

Les sommes versées au titre de l'Aspa peuvent faire l'objet d'une récupération sur la succession du bénéficiaire à son décès, si l'actif net de la succession, à savoir le montant du patrimoine après déduction des dettes, excède un seuil de 105 300 euros pour les personnes résidant en métropole, et de 150 000 euros pour les personnes résidant dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte). Ces seuils ont été relevés par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023 réformant le système des retraites, mesure soutenue par la commission des affaires sociales du Sénat. Ils étaient auparavant de 39 000 euros pour les personnes résidant en métropole et de 100 000 euros pour celles résidant en outre-mer, ce dernier seuil ayant fait l'objet d'un rehaussement en 2017.

Les sommes versées au titre de l'Aspa qui peuvent être récupérées sur la succession font l'objet d'un plafond fixé par décret, qui s'élevait au 1er janvier 2024 à 8 207,37 euros par an pour une personne seule et 10 980,22 euros par an pour un couple65(*).

Le recouvrement sur la part de succession attribuée aux ayants-droits que sont le membre du couple survivant et les héritiers qui, à la date du décès de l'allocataire, étaient à sa charge et âgés de moins de 65 ans ou de 60 ans en cas d'inaptitude au travail ou d'un âge inférieur dans certains cas d'invalidité, peut être différé jusqu'à leur décès66(*).

Depuis 2011, sont exclus de l'actif successoral saisissable des agriculteurs, le capital d'exploitation agricole (à savoir les terres, le cheptel mort ou vif, les bâtiments d'exploitation ainsi que les éléments végétaux constituant le support permanent de la production que sont les arbres fruitiers ou les vignes) ainsi que les bâtiments indissociables ( soit les bâtiments d'habitation occupés à titre de résidence principale par le bénéficiaire de l'allocation et les membres de son foyer mitoyens des bâtiments d'exploitation, et autres bâtiments affectés à l'usage exclusif de l'exploitation et qui sont implantés sur les mêmes terres où dans une limite proche).

3. Les efforts d'information des assurés portant sur les droits qui leur sont ouverts doivent être poursuivis et mieux évalués

Depuis 2019, la lutte contre le non-recours figure dans les missions des organismes nationaux de sécurité sociale du régime général. Aux termes de l'article L. 261-1 du Code de la sécurité sociale, « les organismes de sécurité sociale [...] mènent toutes actions de nature à détecter les situations dans lesquelles des personnes sont susceptibles de bénéficier de droits ou de prestations et à accompagner ces personnes dans l'accès à leurs droits et au service des prestations auxquelles elles peuvent prétendre. Ils mènent ces actions, en tant que de besoin, en lien avec les autres administrations ou organismes disposant d'informations pouvant contribuer à identifier les situations de non-recours ».

Les caisses nationales de la branche vieillesse ont détaillé auprès de la rapporteure les actions de non-recours aux droits qu'elles mènent. Elles croisent ainsi des données des pensionnés relatives au montant de leurs droits ainsi qu'aux aides perçues, telles que l'aide à l'acquisition de la complémentaire santé, dont les conditions d'éligibilité sont presque identiques à celles de l'Aspa. Les caisses se heurtent cependant à l'impossibilité de connaître l'ensemble des ressources de personnes poly-pensionnées, ainsi que celles de leur foyer fiscal lorsqu'ils ne vivent pas seuls. Ces actions de ciblage se concentrent en conséquence sur des personnes seules et mono-pensionnées, dont le montant de la pension est inférieur au seuil de l'Aspa, et qui remplissent les conditions d'âge et de résidence pour y être éligibles. Une fois ces personnes identifiées, elles sont contactées par les caisses régionales qui leur proposent d'effectuer les démarches nécessaires afin de bénéficier de l'Aspa. Les démarches aboutissent à l'octroi de la prestation dans des proportions variables selon les caisses : entre 57 % des personnes éligibles pour la Carsat Nord et 29 % pour la Carsat Auvergne en 202067(*).

Les caisses mènent également des actions indirectes visant à mieux informer les usagers de leurs droits avant leur ouverture. En 2023, la MSA a ainsi mené sur les réseaux sociaux une campagne de sensibilisation à la hausse du seuil de l'actif net successoral recouvrable. Elle prend également l'attache de ses pensionnés l'année précédant leur éligibilité à l'Aspa afin de les informer de ce droit dont ils disposent. Les résultats de ces campagnes d'accès aux droits ne sont pas toujours évalués.

Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 202468(*), la Cour des comptes préconise de renforcer le suivi des campagnes nationales tendant à réduire le non-recours (que ce soit ou non dans le cas de l'Aspa) afin d'en améliorer les résultats. La commission ne peut qu'abonder en ce sens.

II. ASSURANCE MALADIE (CORINNE IMBERT)

A. LES RENDEZ-VOUS DE PRÉVENTION

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 a créé les « rendez-vous de prévention »69(*), donnant lieu à des « des entretiens de prévention, dont le contenu est adapté aux besoins des individus »70(*). Le dispositif est dénommé « Mon bilan prévention » dans la communication des pouvoirs publics.

Ces rendez-vous proposés à tous les Français à certains âges clés de la vie (18-25 ans ; 45-50 ans ; 60-65 ans ; 70-75 ans)71(*) ont pour objectif d'appréhender les déterminants de santé individuels dans une approche pluridimensionnelle. Réalisés par des médecins, des sages-femmes, des infirmiers et des pharmaciens, ils sont pris en charge à 100 % par l'assurance maladie sans avance de frais. Conçus comme des bilans à visée éducative, ils ne constituent pas une consultation de diagnostic.

Annoncé comme une mesure emblématique du virage de la prévention, ce dispositif représente une évolution de l'approche de la santé individuelle, tant pour les professionnels de santé que pour les usagers.

1. Un déploiement qui tarde à se concrétiser

Du fait d'un calendrier peu maîtrisé, le déploiement des rendez-vous de prévention tarde à se concrétiser.

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), saisi le 23 novembre 202272(*) par la direction générale de la santé (DGS), a rendu en mars 2023 un avis concernant les modalités de mise en oeuvre de ces rendez-vous. Afin de tenir compte de cet avis, les dispositions législatives de la LFSS pour 2023 ont fait l'objet d'aménagements par la LFSS pour 202473(*), et les textes réglementaires d'application ont finalement été publiés au printemps 202474(*).

Peu portée politiquement, la mesure a bénéficié d'une visibilité modeste au niveau national en raison d'une communication tardive. Elle est relayée auprès du grand public depuis le mois de septembre 2024 seulement.

Conformément à l'une des recommandations du HCSP76(*), une phase pilote a été conduite pour expérimenter le dispositif à l'échelle territoriale avant une mise en oeuvre nationale généralisée. Elle s'est déroulée dans la région des Hauts-de-France au cours des mois de novembre et décembre 2023. Plusieurs déterminants ont conduit à identifier la région des Hauts-de-France comme terrain d'expérimentation : cinquième région la plus peuplée de France, présentant des indicateurs de santé publique plus défavorables que la moyenne nationale, une diversité territoriale permettant de tester des dispositifs « d'aller vers » dans les zones rurales et les déserts médicaux, ainsi que l'adhésion des populations les plus vulnérables à ce type de dispositif. La phase pilote, déployée sur le territoire de cinq communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), a ciblé la seule population des 45-50 ans.

Si l'opportunité de cette expérimentation n'est pas contestée, on peut toutefois regretter les conditions de sa mise en oeuvre : restreinte à une durée de deux mois77(*) et à une seule région, ces conditions n'ont en effet pas permis de collecter des données quantitatives suffisantes pour apprécier de façon significative l'adhésion des usagers et des professionnels de santé78(*). La phase pilote a malgré tout permis de tester le dispositif et d'en tirer des conclusions utiles avant un déploiement généralisé, notamment concernant la pertinence des outils mis à la disposition des usagers et des professionnels de santé.

2. Cinq points d'attention qui conditionnent la réussite de la mesure

Dans la perspective de la généralisation des bilans de prévention, la phase pilote conduit donc à souligner cinq points d'attention qui pourront conditionner la réussite de la mesure.

En premier lieu, les CPTS peuvent jouer un rôle moteur pour soutenir la mise en oeuvre des rendez-vous de prévention, mais elles ne sont pas les seules. Les CPTS assurent une responsabilité populationnelle sur un territoire de proximité et ont vocation à déployer des actions de prévention sur ce territoire, au plus près des usagers. Regroupant des équipes de soins primaires et des acteurs du premier ou du second recours, elles sont un espace naturel de dialogue et de coordination des professionnels de santé et favorisent une approche pluridisciplinaire des parcours patients. Au cours de la phase pilote, la mobilisation des professionnels de santé a ainsi largement reposé sur les CPTS qui ont favorisé un accompagnement de proximité. Plus largement, le développement des structures d'exercice coordonné - dont les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) - et l'ancrage territorial dont elles bénéficient semblent constituer un levier tout aussi pertinent pour le déploiement des rendez-vous de prévention.

En deuxième lieu, la mise en oeuvre des rendez-vous de prévention renforce la nécessité de penser l'articulation des dispositifs de prévention avec le suivi « d'aval », c'est-à-dire d'organiser des parcours de santé structurés, en coordination avec le médecin traitant. L'objectif poursuivi de réinsertion des usagers les plus éloignés du soin dans un parcours de santé exige de pouvoir les orienter vers une structure adaptée. Cette capacité à orienter l'usager vers une offre adaptée et de proximité a d'ailleurs été identifiée comme une difficulté rencontrée par les professionnels de santé engagés dans la phase pilote.

En troisième lieu, la réussite des rendez-vous de prévention dépendra de l'adhésion des professionnels de santé. Il ressort de l'expérimentation menée dans les Hauts-de-France que les professionnels de santé ont exprimé un intérêt fort pour le dispositif, qui permet d'aborder différemment la relation avec le patient et de diversifier la pratique des professionnels. Toutefois, le caractère chronophage du bilan de prévention constitue un point de vigilance79(*). Le succès du dispositif pourrait être bridé par une tarification qui n'excède pas celle d'une consultation de médecine générale80(*) - l'arrêté du 28 mars 2024 a fixé le tarif de la consultation à 30 euros, sans possibilité de pratiquer de dépassement d'honoraire - alors qu'elle peut durer trois fois plus longtemps. L'arrêté précité autorise néanmoins la facturation en sus d'une consultation de base ou de certains actes techniques81(*), si le besoin en est identifié, dans la limite d'un seul acte ou consultation.

À la date du 12 juin 2024, au niveau national, 2 549 professionnels de santé s'étaient enregistrés sur l'annuaire en ligne pour réaliser des bilans de prévention (dont 50 % d'infirmiers, 35 % de pharmaciens, 8 % de médecins et 7 % de sage-femmes)82(*).

Sur la base d'un tarif unique de consultation fixé à 30 euros, le coût des rendez-vous de prévention avait été évalué par le Gouvernement à 7,6 millions d'euros en 2024 et à 11,4 millions d'euros à partir de 202583(*). Ce coût relativement modéré s'explique par une prévision fondée sur un taux d'adhésion limité à 10 % par tranche d'âge la première année de mise en oeuvre, et à 15 % par tranche d'âge les années suivantes.

La DGS souligne la difficulté à établir une prévision fiable du taux d'adhésion, aucun programme de prévention en santé aussi global - tant dans son contenu que s'agissant de la population visée - n'ayant jamais été mis en oeuvre dans un autre pays.

En quatrième lieu, l'adhésion de l'ensemble des usagers, et notamment des usagers les plus éloignés du soin, devra être recherchée. Ces-derniers présentent bien souvent des indicateurs de santé plus défavorables que la moyenne. Il est donc prioritaire de les rendre acteurs de leur propre santé en leur donnant des clés de compréhension et d'action au quotidien pour entretenir des comportements et des environnements favorables à leur santé, grâce à des actions « d'aller vers » portées par des acteurs de proximité. À cet égard, l'expérimentation a démontré que les bénéficiaires du programme sont majoritairement issus de catégories socioprofessionnelles favorisées, témoignant d'une inégale sensibilisation à l'intérêt de la prévention et d'un effet d'auto sélection des usagers qu'il conviendrait de corriger. L'allocation aux agences régionales de santé (ARS) de crédits dédiés à l'installation d'équipes mobiles de prévention devrait permettre d'y contribuer.

En cinquième lieu, l'accompagnement par l'information et la formation des professionnels de santé habilités à réaliser des rendez-vous de prévention doit être soutenu. Conformément aux annonces du Gouvernement, l'arrêté du 28 mars 2024 a autorisé les médecins, les sages-femmes, les infirmiers et les pharmaciens à réaliser ces entretiens. Au cours de la phase pilote, les principales thématiques abordées ont porté sur l'alimentation, l'activité physique et la sédentarité, la santé mentale, le dépistage des cancers et les vaccinations. Compte tenu de la diversité des thématiques abordées et du contenu motivationnel de l'entretien, il sera essentiel de demeurer attentif aux besoins exprimés par les professionnels eux-mêmes en termes de formation et d'appui au développement de certaines compétences (santé environnementale, santé sexuelle, santé mentale). L'hypothèse d'une formation qualifiante ou d'un dispositif de certification a été écartée par le ministère de la santé, pour ne pas alourdir le dispositif. Cette question méritera d'être suivie, de même que celle d'un élargissement éventuel de la compétence à d'autres professions. L'intégration des enjeux de prévention en santé dans la formation initiale des professionnels est par ailleurs une nécessité reconnue par tous les acteurs

En dernier lieu, alors que la prévention demeure un champ d'action sous-investi par les pouvoirs publics en France, le HCSP avait recommandé d'inscrire les rendez-vous prévention dans une stratégie globale de prévention et de promotion de la santé. Une nouvelle Stratégie nationale de santé (SNS) devrait être prochainement annoncée, la dernière s'étant achevée en 2022. La Cour des comptes avait eu l'occasion de souligner, dans un rapport de 2021 dédié à la politique de prévention en santé en France, les « résultats médiocres » obtenus par la France en comparaison de ses voisins européens, « malgré un effort budgétaire comparable »84(*). Les rendez-vous de prévention pourront contribuer à combler le retard français en la matière, à condition de bénéficier d'un environnement favorable à l'adhésion des professionnels de santé et des usagers.

B. LA QUATRIÈME ANNÉE DE MÉDECINE GÉNÉRALE

1. L'allongement du troisième cycle de médecine générale
a) La réforme du troisième cycle de médecine

· Depuis sa réforme en 2016 et 201785(*), le troisième cycle des études de médecine comprend 44 diplômes d'études spécialisées (DES).

L'étudiant obtient, après avoir soutenu avec succès une thèse de doctorat, le diplôme d'État de docteur en médecine86(*) et, après avoir validé l'ensemble de la formation, un DES permettant sa qualification et l'exercice dans la spécialité concernée87(*).

La durée du troisième cycle est comprise entre trois et six ans et fixée, pour chaque spécialité, par les maquettes de formation définies par arrêté88(*). Établies en 2017 et plusieurs fois révisées depuis89(*), les maquettes retiennent une durée de quatre ans, pour de nombreuses spécialités médicales90(*), et de six ans, pour la plupart des spécialités chirurgicales91(*).

· Depuis l'intervention de la réforme, le troisième cycle est organisé en trois phases successives :

- une phase « socle » visant l'acquisition des connaissances de base de la spécialité et des compétences transversales nécessaires à l'exercice de la profession ;

- une phase « d'approfondissement » visant l'acquisition approfondie des connaissances et des compétences nécessaires à l'exercice de la spécialité ;

- une phase « de consolidation », enfin, visant la consolidation de l'ensemble des connaissances et compétences nécessaires à l'exercice de la spécialité suivie92(*).

Sont associés à ces phases deux statuts successifs :

- le statut d'interne93(*), qui préexistait, s'applique toujours aux phases socle et d'approfondissement ;

- le « docteur junior »94(*), applicable depuis la réforme en phase de consolidation, permet aux étudiants de bénéficier d'un degré d'autonomie renforcé et d'une rémunération revalorisée.

b) L'allongement du troisième cycle de médecine générale

· Jusqu'en 2023, la médecine générale était la seule des 44 spécialités pour laquelle la durée minimale de trois ans avait été retenue.

En conséquence, le troisième cycle de médecine générale était également le seul à ne pas comprendre de phase de consolidation ni de statut de docteur junior, réservés aux spécialités dont le DES dure au moins quatre ans95(*). Son allongement avait été envisagé dès 2017, et recommandé par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas)96(*).

Une telle réforme supposait, toutefois, le recrutement de nombreux maîtres de stage universitaires (MSU) susceptibles d'accueillir les nouveaux docteurs juniors de médecine générale en ville. Selon le ministère de la santé, leur nombre a progressé ces dernières années de manière assez rapide : il serait passé de 11 805 en 2019 à 12 941 en 202197(*).

· Encouragé par l'augmentation du nombre de MSU, la nécessité de renforcer la professionnalisation des étudiants et l'opportunité de contribuer à la maîtrise des inégalités territoriales d'accès aux soins, le Sénat a adopté, en octobre 2022, une proposition de loi du président Bruno Retailleau allongeant le troisième cycle de médecine générale et dédiant la quatrième année à la réalisation de stages en ambulatoire, en autonomie supervisée et, en priorité, en zone sous-dense98(*).

Ce dispositif a été largement repris dans la LFSS pour 202399(*), qui modifie le code de l'éducation pour prévoir :

- que le DES de médecine générale dure quatre ans ;

- que la dernière année du DES est effectuée en stage, en autonomie supervisée par un ou plusieurs MSU, en pratique ambulatoire et, en priorité, dans les zones sous-denses ;

- que la rémunération des étudiants peut faire l'objet d'aménagements tenant compte des conditions spécifiques d'exercice de stage ;

- qu'à titre exceptionnel et dérogatoire, un stage peut être réalisé en milieu hospitalier ou extrahospitalier au cours de cette dernière année.

Ces dispositions sont applicables aux étudiants qui intègrent le troisième cycle à la rentrée de l'année universitaire 2023 et qui parviendront, au mieux, en quatrième année en 2026.

2. Des textes d'application tardifs, laissant les étudiants dans l'incertitude

La mise en oeuvre de la réforme se révèle difficile et la publication des textes d'application attendus, tardive. En conséquence, les étudiants soulignent devoir s'orienter, depuis la rentrée 2023, dans la spécialité sans disposer de l'ensemble des informations nécessaires à la formation de leur choix.

Si la mise à jour de la maquette du nouveau DES de médecine générale a été publiée en août 2023, la commission regrette toutefois qu'aucun des textes attendus relatifs aux modalités d'appariement entre les étudiants et les lieux de stage ou aux conditions de rémunération des étudiants n'ait encore été publié.

a) La mise à jour de la maquette et la fusion des stages de santé de la femme et de l'enfant

· La maquette de formation du nouveau DES de médecine générale n'a été rendue publique qu'en août 2023100(*). En conséquence et selon le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), la première promotion d'étudiants concernée par la réforme s'est engagée dans la spécialité « avec un niveau d'information minimal, la seule certitude au moment des choix de poste étant la mise en oeuvre de la 4e année »101(*).

Trois principales modifications sont soulignées par les personnes auditionnées :

- la nouvelle maquette mêle, en un stage unique de six mois, les stages en santé de la femme et de l'enfant auparavant distingués en deux stages de six mois ;

- à la faveur de cette évolution, la nouvelle maquette introduit, en troisième année, un stage libre accompli de préférence dans un lieu agréé en gériatrie, pédiatrie, psychiatrie, psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, gynécologie médicale ou obstétrique ;

- enfin, l'ajout d'une quatrième année permet la réalisation d'un stage long supplémentaire en ambulatoire, d'une durée d'une année en cas de reconduction après accord des deux parties à l'issue des six premiers mois, en priorité en zone sous-dense.

Par dérogation et conformément à la loi, un étudiant pourra demander à accomplir son stage de quatrième année dans le secteur hospitalier, en lien avec son projet professionnel. Cette demande devra être validée par le coordonnateur local du DES de médecine générale, la commission locale de coordination de la médecine générale et le directeur de l'unité de formation et de recherche (UFR).

· La fusion des stages en santé de la femme et de l'enfant et l'introduction, en conséquence, d'une période de stage libre ont suscité de vives réactions.

Dans un communiqué de mars 2024, les conférences nationales des présidents de commission médicale d'établissement (CME) des centres hospitaliers universitaires (CHU) et des centres hospitaliers (CH) ont, ainsi, regretté « les conséquences délétères de la diminution de six à trois mois de la durée de formation en stage en pédiatrie » et souligné que les « futurs médecins généralistes doivent bénéficier d'une formation solide à la pédiatrie »102(*).

Cette évolution correspond, toutefois à une demande ancienne des étudiants, soutenue par le Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Auditionné, ce dernier souligne que :

- la nouvelle maquette augmente la part des terrains de stage103(*) de médecine générale, qui atteindrait désormais 50 %, conformément aux recommandations internationales ;

- l'introduction d'un stage libre permettra d'augmenter le temps de formation en ambulatoire et de faciliter les parcours individualisés ;

- la majorité des problèmes de santé pour lesquels un contact médical est nécessaire relèvent d'une prise en charge en médecine générale, y compris en santé de l'enfant : les médecins généralistes réaliseraient, aujourd'hui, plus de 60 % des actes de consultation visant des enfants ;

- la nécessité de maintenir les effectifs d'internes affectés dans les services hospitaliers de pédiatrie ne constitue pas un critère pédagogique pertinent susceptible de justifier le maintien d'un stage distinct104(*).

La rapporteure observe que ces débats persistants tendent à renforcer l'incertitude entourant le contenu et le déroulement du troisième cycle, et à complexifier encore les choix d'orientation des étudiants. Ces derniers jugent, à cet égard, la réforme « précipitée »105(*). Cette situation est encore aggravée par le retard constaté dans la publication de plusieurs textes d'application.

b) Les textes d'application demeurant attendus et les questions en suspens

Près de deux ans après la promulgation de la LFSS pour 2023, de nombreux textes d'application demeurent attendus et des incertitudes demeurent sur le contenu et le déroulement du nouveau DES. Le CNGE souligne qu'il est, à cet égard, « urgent que l'ensemble des textes (...) soient écrits et publiés », pour permettre aux équipes pédagogiques comme aux étudiants de « préparer avec sérénité cette nouvelle phase du DES »106(*).

· Les conditions d'organisation des stages de quatrième année demeurent, d'abord, encore largement inconnues.

Si la loi dispose que ceux-ci doivent être réalisés « en priorité » dans les zones sous-denses107(*), les modalités d'appariement entre les étudiants et les lieux de stage agréés ne sont pas encore définies. Interrogés par la rapporteure, les ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur soulignent que « le choix des étudiants devra être priorisé informatiquement sur les zones sous-denses », et indique que les terrains de stage hors de ces zones « ne seraient donc accessibles que lorsque les terrains de stage en zone sous-dense seraient tous occupés »108(*). Ils ne précisent pas, toutefois, selon quels critères les étudiants devant réaliser leur stage en zone sous-dense seront, dans un tel cas, sélectionnés parmi tous.

La capacité de l'université à proposer suffisamment de terrains de stage en zone sous-dense apparaît également, à ce stade, incertaine. Si le nombre de MSU semble continuer d'augmenter109(*), le CNGE observe toutefois que « le retard majeur de publication des textes statutaires relatifs à la phase de consolidation constitue un frein majeur au recrutement anticipé de maîtres de stage pour la phase de consolidation »110(*). Une révision du référentiel de formation des MSU, intervenue en juillet 2024111(*), vise à améliorer l'attractivité de la maîtrise de stage universitaire en favorisant, notamment, les formations en distanciel permettant la participation des médecins installés à distance des grands centres universitaires.

· Le statut des docteurs juniors en médecine générale et les conditions de rémunération des stages de quatrième année restent, eux aussi, indéfinis. Cette question a également suscité de vifs débats.

Alors que la LFSS pour 2023 prévoit que « la rémunération des étudiants peut faire l'objet d'aménagements spécifiques, lesquels sont déterminés par décret »112(*), le rapport113(*) remis au ministre chargé de la santé et de la prévention par quatre personnalités qualifiées, en juin 2023, recommandait que les docteurs juniors en médecine générale soient partiellement rémunérés à l'acte, soulignant qu'« une rétrocession sur honoraires perçus [leur] permettrait, avec l'aide des praticiens qui les encadrent, de comprendre les règles régissant l'installation en secteur libéral... ».

Cette hypothèse apparaît soutenue par la majorité des étudiants de médecine générale comme par le CNGE. Interrogé par la rapporteure, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) souligne l'intérêt de ce mode de rémunération, qui permettrait de former les étudiants aux conditions d'exercice en libéral : « La quatrième année se veut professionnalisante, alors la rémunération à l'acte, la comptabilité, les liens avec les CPAM doivent avoir lieu »114(*). Le CNGE souligne, de la même manière, que la quatrième année doit permettre « l'appropriation des spécificités de la rémunération dans le cadre de l'exercice libéral, actuellement majoritaire au sein de la profession. La rétrocession d'une partie des honoraires participera au développement de ces compétences. » Afin de maintenir la qualité pédagogique du stage et d'éviter les dérives, il propose la fixation d'un nombre maximal d'actes quotidiens115(*).

À l'inverse, plusieurs acteurs ont souligné les difficultés soulevées par une telle exception aux règles entourant la rémunération des docteurs juniors. La Conférence des doyens des facultés de médecine se dit ainsi « formellement opposée à l'introduction d'une rémunération à l'acte pour les étudiants, (...) quelle que soit la spécialité », considérant que celle-ci est « contraire à l'éthique pédagogique » et introduirait « un conflit d'intérêts »116(*). La Conférence se fonde, notamment, sur les observations communiquées par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qu'elle a interrogé : « Sur un plan éthique, il y aurait une forme d'iniquité ou d'injustice à rémunérer différemment des internes au même niveau de formation selon qu'ils sont de telle ou telle spécialité médicale »117(*). L'Intersyndicale nationale des internes (ISNI), auditionnée par la rapporteure, souligne s'opposer à tout « écart significatif de salaire et de mode de rémunération entre internes » et appelle « à une augmentation globale de la rémunération des docteurs juniors dans le cas où la tarification à l'acte ne pourrait pas s'appliquer pour toutes les spécialités à exercice ambulatoire »118(*).

Conscients de ce dissensus, le ministère demeure prudent et semble avoir revu, récemment, sa position initiale : « Les annonces initiales du ministre chargé de la santé le 12 juin 2023 proposaient une part de rémunération à l'acte. Cependant, au regard des nombreuses réactions des acteurs, ainsi que de l'avis formulé par le conseil consultatif national d'éthique à la demande de la conférence des doyens des facultés de médecine, des alternatives sont à l'étude. » Il indique être conscient du risque d'« effet reconventionnel » pour d'autres spécialités119(*).

La rapporteure regrette le très haut niveau d'incertitude entourant encore, près de deux ans après la promulgation de la loi, les conditions de rémunération des docteurs juniors de médecine générale. Ce paramètre apparaît, pourtant, central dans la réforme envisagée en 2022 et touche les étudiants engagés dans la spécialité comme les praticiens appelés à les accueillir.

La rapporteure appelle à engager rapidement les dernières concertations nécessaires à la finalisation de cette réforme, et souligne qu'une prise de décision rapide apparaît désormais indispensable à son succès.

C. LA SÉCURISATION DES RESSOURCES DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ POUR 2023

1. Un dispositif mis en place en urgence en mars 2020 et prolongé jusqu'en 2022

Dans le contexte de la survenue de l'épidémie de covid-19 et pour prévenir une perturbation majeure des ressources des établissements de santé, le Gouvernement avait prévu à partir de 2020 une « garantie de financement ».

Sur la base de l'habilitation donnée par le Parlement en mars 2020120(*) l'autorisant à prendre « toute mesure dérogeant aux règles de financement de ces établissements », le Gouvernement a mis en oeuvre cette garantie de financement par une ordonnance, complétée de mesures réglementaires prises par arrêté ministériel121(*). Pour 2020, cette garantie a porté sur la période allant du 1er mars au 31 décembre 2020.

Article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020122(*)

« Pendant une période d'au moins trois mois et qui ne peut excéder un an, se terminant au plus tard en 2021, les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique bénéficient, par dérogation aux articles L. 162-22-1, L. 162-22-6 et L. 162-23-1 du code de la sécurité sociale, d'une garantie de financement pour faire face à l'épidémie de covid-19. Le niveau mensuel de cette garantie est déterminé en tenant compte du volume d'activité et des recettes perçues antérieurement par l'établissement, notamment au titre de ses activités.

Pendant la période concernée, lorsque les recettes issues de leur activité sont inférieures au montant du niveau de cette garantie pour une période d'un mois, les établissements bénéficient du versement d'un complément de recettes leur permettant d'atteindre ce niveau.

Les dispositions de droit commun relatives à la tarification des établissements de santé s'appliquent sous réserve, le cas échéant, de l'adaptation des modalités de leur versement et des dispositions du premier alinéa.

Les modalités de détermination du niveau de la garantie, des dates et de sa durée de mise en oeuvre ainsi que les modalités de son versement et de la répartition entre les régimes des sommes versées aux établissements de santé par les régimes obligatoires d'assurance maladie sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. »

Cette garantie permettait d'assurer aux établissements un niveau de ressources correspondant à leur activité pré-crise et de ne pas pénaliser les établissements qui, du fait de déprogrammations nombreuses en raison de la crise épidémique, n'auraient pu avoir de recettes viables assises sur leur activité.

La garantie de financement concernait initialement :

- l'activité MCO (y compris HAD123(*)) des établissements de santé (ex- DG, HProx hors ACE, ex-OQN124(*)) ;

- l'activité de psychiatrie facturée directement à l'assurance maladie par les établissements OQN ;

- l'activité de SSR125(*) facturée directement à l'assurance maladie par les établissements OQN ;

- la dotation modulée à l'activité pour les SSR.

Initialement décidée dans la période de crise, la garantie de financement a ensuite été plusieurs fois prolongée :

- l'ordonnance126(*) du 9 décembre 2020 a supprimé la durée limite d'un an prévue dans l'ordonnance du 25 mars 2020. Cependant, l'extinction de la garantie au plus tard en 2021 demeurait bien inscrite127(*) ;

- alors que le projet de loi de financement pour 2022 ne prévoyait pas de reconduite de la garantie de financement, le Gouvernement a, dans le contexte de la reprise épidémique très forte à la fin de l'année 2021 et au début de l'année 2022, du fait de la reprise de la vague liée au variant Delta et à l'arrivée du variant Omicron, prévu par la loi du 22 janvier 2022 une reconduction de la garantie de financement, une limite étant fixée au 30 juin 2022 ;

- alors que le Gouvernement a prolongé au second semestre 2022 la garantie de financement, le dispositif a été sécurisé juridiquement pour l'année 2022 en prévoyant une prolongation expresse en loi de financement de la sécurité sociale128(*) à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat.

· Sur trois exercices, le dispositif de garantie de financement a mobilisé des montants massifs, particulièrement pour les établissements publics. Après avoir représenté en 2021 2,3 milliards d'euros, la garantie de financement a coûté, tous établissements confondus, 2,5 milliards d'euros en 2022.

2. Un dispositif transformé pour l'exercice 2023 en une sécurisation modulée à l'activité

Lors de l'examen en nouvelle lecture du PLFSS 2023, le Gouvernement a choisi de compléter la prolongation expresse de la garantie de financement pour 2022 par un nouveau dispositif de « sécurisation modulée à l'activité » (SMA) pour l'année 2023. Ce dispositif répond également à une préoccupation du Sénat qui s'interrogeait, au-delà de la seule prolongation pour 2022, de la sécurisation des ressources des établissements dont le niveau d'activité apparaissait encore très fragile.

Aux termes du même article 44, les établissements de santé peuvent bénéficier, « à titre transitoire, d'un mécanisme de soutien de leurs recettes », lequel est « déterminé en tenant notamment compte du volume d'activité et des recettes perçues antérieurement par l'établissement ».

Les paramètres de la sécurisation modulée à l'activité en 2023 sont les suivants :

- base de sécurisation correspondant à 70 % de la garantie de financement de 2022 pour les activités d'hospitalisation, avec l'application de l'effet prix de la campagne 2023 ;

- part de sécurisation indexée sur l'activité, correspondant à 30 % de l'activité valorisée ou facturée.

Le périmètre, le niveau et les modalités de ce soutien ont été précisés par l'arrêté du 3 juin 2023 concernant les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) et par l'arrêté du 28 décembre 2023 concernant les activités de soins médicaux et de réadaptation (SMR). La psychiatrie et les SMR ont fait l'objet d'arrêts des dispositifs de sécurisation en 2022 puis 2023 du fait des réformes en cours du financement de ces activités.

3. Un dispositif engageant des montants encore substantiels en 2023

· La sécurisation modulée à l'activité représente pour 2023 un coût de l'ordre d'1,4 milliard d'euros.

Ce coût représente l'écart entre les produits de l'assurance maladie des établissements de santé réellement perçus au titre des tarifs et les produits qui auraient été perçus par la seule application de la tarification à l'activité sur l'activité effectivement constatée.

La mobilisation du dispositif est particulièrement inégale selon les catégories d'établissements, comme l'état déjà celle de la garantie de financement au cours des exercices précédents.

Bilan des dispositifs de sécurisation des ressources
des établissements ex-DG depuis 2020

Champ d'activité

Nombre total

Nombre bénéficiant de la SMA

% d'ES à la SMA

Montant de valorisation perçu au-delà de la SMA

Montant complémentaire versé au titre de la SMA

MCO

522

332

64 %

520 millions d'euros

1 197 millions d'euros

HAD

140

44

31 %

76 millions d'euros

17 millions d'euros

Source : Réponses de la DSS à la rapporteure, données Cnam

Note : le dispositif SMA est hors ACE

Bilan des dispositifs de sécurisation des ressources
des établissements ex-OQN depuis 2020

Champ d'activité

% d'ES à la SMA

Montant complémentaire versé au titre de la SMA

MCO

40 %

175 millions d'euros

HAD

19 %

13 millions d'euros

Source : Réponses de la DSS à la rapporteure, données Cnam

Note : le dispositif SMA est hors ACE

Ainsi, selon la fédération hospitalière de France (FHF), en 2023, 69 % des établissements publics MCO bénéficient de la SMA.

Pour ces bénéficiaires, la SMA a permis de préserver 1,02 milliard d'euros de recettes par rapport à un financement assis sur la seule application de la valorisation T2A. En revanche, la fédération souligne que le dispositif est moins protecteur que la garantie de financement, à hauteur de 438 millions d'euros en moins.

Enfin, concernant les centres de lutte contre le cancer (CLCC), Unicancer a indiqué que quatre centres ont bénéficié en 2023 de la sécurisation modulée à l'activité, sur cinq sites. La SMA ne représente ainsi qu'1 % de la valorisation de l'activité pour l'ensemble des CLCC, allant de 1,3 % à 25,9 % sur les sites concernés.

4. Une évolution du recours et des modalités dans le contexte de la réforme du financement des établissements de santé

La loi de financement pour 2024, à son article 49, a porté une réforme du modèle de financement des établissements de santé sur les activités de médecine, chirurgie et obstétrique. Traduisant une promesse du président de la République en janvier 2023, le nouveau modèle proposé entend à terme réduire la part de tarification à l'activité au sein des ressources des établissements.

Si la commission et le Sénat ont soutenu le principe d'un objectif de réduction de la part des ressources liées à l'activité, ils ont émis des réserves substantielles sur le calendrier et les modalités de mise en oeuvre de cette réforme.

· Dans le cadre de cette réforme, le Gouvernement a choisi de prolonger le mécanisme de sécurisation modulée à l'activité jusqu'au 31 décembre 2025129(*) « dans l'attente de l'entrée en vigueur et de la montée en charge du nouveau modèle de financement du champ MCO »130(*).

Cependant, il convient d'anticiper des évolutions possibles des contours du dispositif jusqu'en 2026 avec les modifications progressivement décidées dans les différents secteurs d'activité.

Alors qu'aucune simulation des effets de la réforme ni des besoins d'accompagnement financier n'a été mise à disposition du Parlement, il n'est pas possible à ce stade d'anticiper les montants envisagés au titre de ce dispositif pour l'exercice en cours et pour 2025.

Soulignant que l'ensemble des paramètres n'étaient pas encore déterminés, la commission a notamment insisté sur le besoin d'affiner le champ des activités concernées par des dotations socles. Surtout, la commission a interpelé sur le contexte dans lequel la réforme intervenait, avec une activité dynamique dans les établissements privés mais encore particulièrement fragile dans les établissements publics qui ont difficilement retrouvés les niveaux de 2019.

4. Malgré une sécurisation des ressources, une situation préoccupante

Face à une dégradation continue depuis plusieurs années, la commission marque sa forte préoccupation concernant la situation financière des établissements de santé, particulièrement les établissements publics et privés d'intérêt collectif.

Ainsi, après un déficit des établissements de santé évalué à 415 millions d'euros en 2021 qui s'est creusé à 1,3 milliard d'euros en 2022, la situation s'est encore dégradée en 2023. Le déficit des établissements publics atteindrait 2 milliards d'euros sur l'année, les projections reposant cependant sur un échantillon encore restreint. Cette situation financière constitue pour le comité d'alerte un « point de fuite majeur »131(*) de l'Ondam.

Force est ainsi de constater que si les dispositifs de sécurisation ont mobilisé des montants importants, ils n'ont qu'au mieux limité un décrochage financier profond.

Enfin, il convient de souligner que depuis 2023, la fragilité financière des établissements concerne maintenant également une part non négligeable d'établissements privés lucratifs.

III. LES CONGÉS PATERNITÉ (OLIVIER HENNO)

A. LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DU CONGÉ PATERNITÉ PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2021

1. Une réforme législative récente

Instauré à compter du 1er janvier 2002, le congé de paternité et d'accueil de l'enfant permettait initialement aux pères, à la naissance ou à l'adoption de leur enfant, de prendre un congé de 11 jours calendaires consécutifs ou 18 jours en cas de naissances multiples. Versé sous forme d'indemnités journalières par l'assurance maladie, ou par un autre organisme de sécurité sociale pour les bénéficiaires ne relevant pas du régime général, il est fonction du salaire journalier de base du bénéficiaire.

L'article 73 de la LFSS pour 2021 allonge, à compter du 1er juillet 2021, la durée du congé de paternité et d'accueil de l'enfant, quelque soit le régime d'affiliation du père, de 11 à 25 jours et de 18 à 32 jours en cas de naissance multiple. Ce congé se compose d'une première période obligatoire de quatre jours, immédiatement consécutive au congé de naissance, lors de laquelle les salariés ne peuvent travailler132(*). Le congé de naissance de trois jours est également rendu obligatoire. Les autres jours du congé de paternité sont pris à la discrétion du bénéficiaire dans les six mois qui suivent la naissance.

Le décret du 10 mai 2021133(*) précise que la période facultative du congé de paternité peut être fractionnée en deux périodes d'une durée de cinq jours minimum chacune.

La réforme du congé de naissance et du congé de paternité en 2021

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Les dispositions de l'article 73 de la LFSS pour 2021 harmonisent également les dispositions relatives au père, au concubin ou à la personne liée par un pacte civil de solidarité à la mère relevant du régime des travailleurs indépendants134(*) ou du régime agricole135(*) concernant leur droit à congé en cas de naissance d'un enfant. Il est ainsi prévu que pour bénéficier d'indemnités journalières, s'agissant des travailleurs indépendants, ou d'une allocation de remplacement, s'agissant des ressortissants du régime agricole, les demandeurs doivent cesser leur activité professionnelle pendant une durée minimale fixée par décret et ne pas reprendre cette activité pendant la durée d'indemnisation.

Le dispositif, représentant une dépense de 333 millions d'euros en 2021136(*) et de 603 millions d'euros en 2023137(*), est in fine financé par la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) dans le cadre des transferts vers les autres branches138(*). En 2021, 310 000 pères affiliés au régime général ont bénéficié d'un congé de paternité. Ils étaient 11 800 au sein du régime agricole et 15 627 indépendants139(*). Ainsi, hors fonction publique, d'après la Cour des Comptes, la quasi-totalité des recourants au congé paternité sont affiliés au régime général (98 %)140(*).

Par ailleurs, l'article 96 de la LFSS pour 2022141(*) a étendu le congé de paternité et d'accueil de l'enfant aux collaborateurs des professions libérales. Enfin, l'article 110 de la LFSS pour 2024 a assoupli, conformément aux recommandations de la commission des affaires sociales, les règles de prise du congé de paternité pour les non-salariés agricoles afin de mieux répondre aux difficultés de remplacement dans les exploitations agricoles.

2. Les effets attendus lors de la mise en oeuvre de la réforme
a) L'ambition initiale de la réforme du congé de paternité

La réforme du congé de paternité poursuivait initialement une double ambition.

· La première était d'accroître le taux de recours au congé de paternité (c'est-à-dire la part des pères, parmi ceux éligibles au dispositif, qui ont recours au congé de paternité). Ce dernier n'avait en effet quasiment pas évolué depuis sa mise en place, s'établissant, tous régimes confondus, à 67 % en 2019, contre 66 % en 2003142(*). Ce taux par ailleurs masquait de nombreuses inégalités :

- tout d'abord, le non-recours au congé était en grande partie subi plutôt que choisi. L'étude d'impact du PLFSS pour 2021 notait que les raisons étaient surtout d'ordre professionnel : 40 % trouvaient racine dans une charge de travail trop importante pour bénéficier du congé et 24 % dans la crainte de la réaction de l'employeur. Seuls 13% ne l'avaient pas pris parce qu'ils le jugeaint inutiles et 4% ne l'avaient pas pris par défaut d'information ;

- ensuite, le taux de recours cachait une grande hétérogénéité selon la situation socio-professionnelle des pères. Une étude de 2022 du Cereq, sur les données antérieures à la réforme de 2021, montre que, si 87 % des pères en contrat en durée indéterminée (CDI) avaient recours au congé, seuls 65 % des pères en contrat court et un tiers des indépendants bénéficiaient du dispositif143(*). De même, le taux de recours chutait aux deux extrémités de la distribution des revenus professionnels.

· La seconde ambition était d'améliorer le partage entre les deux parents des tâches domestiques pour l'éducation de l'enfant et ainsi de favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes.

b) Les prévisions établies avant l'entrée en vigueur de la mesure

L'étude d'impact prévoyait que l'instauration de la période de sept jours de congé obligatoire porterait le taux de recours à cette première période à 80 % en 2021 et 2022 avant une montée en force à 90 % en 2023. Il était estimé que le coût d'une journée de congé, tous régimes confondus, était de 35 millions d'euros pour un taux de recours à 67 %, 43 millions d'euros à 80 % et enfin 49 millions d'euros à 90 %.

Le coût de la réforme (congé obligatoire de sept jours après la naissance et allongement de la durée du congé de paternité) quant à lui avait été estimé, dans l'étude d'impact annexée au PLFSS, à 260 millions d'euros pour 2021, se décomposant en 75 millions d'euros de perte de recettes et 185 millions d'euros de dépenses. En année pleine pour 2023, ce coût était estimé à 546 millions d'euros, dont 388 millions d'euros de prestations supplémentaires versées par la branche famille et 158 millions d'euros de perte de cotisations. Cette estimation se basait sur une hausse du recours au congé paternité de 67 % à 90 % pour sa part obligatoire et d'un maintien du taux de recours à 67 % pour sa partie facultative.

Le montant total des indemnités versées au titre du congé de paternité, de 236 millions d'euros en 2020, devait donc atteindre environ 420 millions d'euros en 2021 et 625 millions d'euros en 2023.

B. UN COÛT RELATIVEMENT MAÎTRISÉ, QUI SEMBLE S'EXPLIQUER AVANT TOUT PAR UNE FAIBLE ÉVOLUTION DU TAUX DE RECOURS

1. Un coût qui s'inscrit dans les prévisions budgétaires initiales

Le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2023 montrait que les dépenses d'indemnités journalières liées au congé de paternité et d'accueil de l'enfant avaient augmenté de 41 % en 2021 par rapport à 2020 pour s'établir à 333 millions d'euros au total. Cette hausse de 95 millions d'euros, à laquelle s'ajoutent les pertes de recettes, qui se chiffreraient entre 50 et 100 millions d'euros pour 2021, révèle un coût moindre au regard de l'incidence budgétaire estimée a priori.

Lors de l'année 2022, première année pleine de mise en oeuvre du dispositif, les dépenses du congé paternité ont augmenté de plus de 74 % par rapport à 2021, pour s'élever à 582 millions d'euros144(*) en raison de la montée en charge du dispositif et de l'extension de cette mesure aux collaborateurs des professions libérales (article 96 de la LFSS pour 2022). Toutefois, il convient de noter que les prévisions budgétaires présentées en septembre 2022 à la commission des comptes de la sécurité sociale prévoyaient une dépense de 514 millions d'euros, soit une différence de 68 millions d'euros par rapport aux dépenses effectivement constatées.

Pour l'année 2023, le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale indique une relative stabilisation autour de 600 millions d'euros au total, ce qui est proche de la prévision initiale. Ces dépenses devraient continuer d'augmenter légèrement en 2024, « tirées notamment par une évolution du salaire moyen qui demeurerait élevée (+2,9 %) et surtout par une baisse de la natalité moins forte qu'en 2023 »145(*).

Évolution du montant des indemnités journalières
de paternité et d'accueil du jeune enfant

(en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les chiffres du rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024

Pour estimer précisément l'impact budgétaire de la réforme du congé paternité, il convient d'estimer ce qui relève spécifiquement des 14 jours supplémentaires ainsi que du caractère obligatoire des sept premiers jours du congé de naissance puis de paternité. Dans sa réponse au questionnaire transmis par le rapporteur, la direction de la sécurité sociale (DSS) indique qu'en 2023 « l'allongement de la durée du congé paternité de 14 jours représenterait un coût en prestations (hors effets en cotisation) de l'ordre de 0,4 milliard d'euros », soit un coût relativement proche des 388 millions d'euros estimés en 2021. La DSS ne semble toutefois pas inclure le coût spécifique du caractère obligatoire des premiers jours de congé suivant la naissance dans cette estimation.

2. Une réforme qui tarde cependant à produire ses effets
a) Une faible augmentation du taux de recours

Dans sa réponse au questionnaire transmis par le rapporteur, la DSS indique que 46 % des pères ayant eu un enfant au cours de l'année 2023 ont entamé un congé paternité au cours de l'année. Elle indique que, depuis 2021, cette part est stable, tout en précisant « que les parents relevant de la fonction publique ou de régimes spéciaux ne sont pas comptabilisés ».

Concernant précisément l'évolution du taux de recours, c'est-à-dire la part des pères, parmi ceux éligibles au dispositif, qui ont recours au congé de paternité, le rapporteur déplore l'absence de chiffres actualisés ainsi que l'impossibilité de disposer, autrement que par le moyen d'enquêtes statistiques ponctuelles, d'une ventilation fine par catégorie socio-professionnelle et statut d'emploi. En effet, les derniers chiffres disponibles, issus de l'enquête de la Drees publiée en juillet 2023, portent sur l'année 2021, soit avant la mise en oeuvre de la réforme. Le taux de recours au congé de paternité était alors estimé en moyenne à 71 % (avec des variations importantes, selon la situation dans l'emploi notamment, passant de 46 % pour les indépendants à 91 % pour les fonctionnaires ou agents en CDI du secteur public)146(*).

Une étude de la Drees réalisée dans la continuité de l'enquête Mode de garde et d'accueil des jeunes enfants 2021 et menée entre avril et septembre 2022147(*) permet de livrer quelques éléments sur l'appropriation de cette réforme. Elle montre que si le congé paternité est perçu comme une évidence par la plupart des parents interrogés, les contraintes professionnelles pèsent toujours fortement sur la prise effective de celui-ci. Par ailleurs, cette enquête laisse apparaître notamment une confusion entre les différents dispositifs (congé de naissance / congé de paternité), qui pourrait avoir un impact sur le déploiement de la mesure.

D'après l'étude de la Dress de juillet 2023 précitée, parmi les pères ayant bénéficié d'un congé paternité post-réforme, seulement 20 % déclarent avoir eu recours au fractionnement de leur jours de congé de paternité permis par la réforme et entre 25 et 35 % des pères n'auraient pris que partiellement leurs jours de congés (contre 8 % avant la réforme). Chez les pères ayant pris leurs jours de congés de paternité de manière fractionnée, les motivations sont principalement de deux ordres : ne pas s'absenter trop longtemps de leur travail, notamment chez les cadre et ouvriers qualifiés, et répondre aux contraintes organisationnelles familiales liées principalement au mode de garde de l'enfant. Ainsi, comme l'indique la Drees, « certains pères utilisent leurs jours de congés pour relayer la mère, après sa reprise d'activité professionnelle et en attendant d'obtenir une place »148(*).

Toutefois, ces éléments ne permettent pas de mesurer de manière fiable les effets réels de la réforme, en raison du manque de recul et de la trop faible appropriation par les pères au moment de l'enquête des nouvelles possibilités offertes par la réforme. Les informations transmises par la DSS au rapporteur permettent cependant d'identifier que les dépenses de congé de paternité qui n'ont été versées ni par le régime général (en intégrant le RSI), ni par les autres régimes, et qui relèvent donc de la fonction publique très largement, ont été très dynamiques entre 2021 et 2022, ce « qui pourrait être lié à l'allongement de la durée du congé de paternité et à une maximisation immédiate de la durée du congé par les pères fonctionnaires »149(*).

b) Le principal effet de la réforme : l'allongement de la durée du congé paternité

Enfin, s'il n'est possible à ce stade d'apprécier finement l'évolution du taux de recours, l'évolution du nombre de jours indemnisés par la Sécurité sociale peut quant à elle être analysée. Ainsi, d'après les données issues du système national des données de santé (SNDS) et analysées par la DSS, en 2023, 60 % des pères ont pris l'intégralité de leurs jours de congés de paternité (25 jours) et 4 % seulement se limitent aux quatre jours obligatoires à la suite du congé de naissance.

La durée moyenne du congé de paternité a ainsi augmenté de 12 jours entre 2020 (11 jours) et 2023 (23 jours). Pour mémoire, la durée maximale du congé paternité (hors naissances multiples) était alors de respectivement 11 jours et 25 jours.

Le montant moyen des indemnités journalières des salariés du secteur privé s'élève, selon les chiffres transmis par la DSS, à 70 euros en 2023, soit un coût moyen de 20 millions d'euros par journée de congé de paternité.

Nombre de jours moyen du congé maternité / paternité

Source : Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024

Inversement, on constate une baisse du nombre de pères bénéficiaires liée à la baisse de la natalité. En effet, le nombre de pères bénéficiaires a quant à lui diminué, passant ainsi de 340 000 en 2016 à 310 000 en 2023 (- 9 %).

La hausse des dépenses relatives au congé de paternité observée sur la période est donc en lien avec l'allongement de la durée moyenne de congé (+ 106 % de jours de congés de paternité indemnisé au régime général entre 2016 et 2023) et la hausse de l'indemnité journalière moyenne des pères (+ 9 % sur la même période), ce qui laisse à penser, comme l'indique le rapport de mai 2024 à la commission des comptes de la sécurité sociale, que « l'allongement du congé paternité en 2021 n'a pas conduit les pères qui ne recourent pas au congé paternité à y recourir davantage »150(*). Cependant, ces effets prix et durée d'indemnisation du régime général ne permettent pas d'expliquer l'ensemble de la hausse des dépenses de congé paternité (et maternité) constatée tous régimes confondus. Ainsi, l'alignement des modalités d'indemnisation des indépendants sur le régime général, l'allongement de la durée du congé de paternité et l'obligation de prendre les quatre premiers jours semblent bien avoir accru le recours et les durées de congés dans les autres régimes et particulièrement chez les indépendants.

C. LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE L'ÉVALUATION DE LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DU CONGÉ PATERNITÉ QUI DOIT ÉGALEMENT S'INSCRIRE DANS UNE RÉFLEXION PLUS LARGE SUR LES CONGÉS PARENTAUX

1. Stabiliser le dispositif afin de mieux l'évaluer

Le rapporteur regrette, qu'à ce stade, la direction de la sécurité sociale n'ait pas été en mesure de fournir des données détaillées sur l'évolution du taux de recours pour les personnes ne relevant pas du régime général (salariés agricoles, professions libérales, fonction publique). Ces données sont pourtant essentielles au pilotage d'une telle réforme et l'évaluation de son efficacité.

Il estime préférable, après les évolutions adoptées en 2021, concernant les indépendants, et 2023, concernant les exploitants agricoles, de ne pas multiplier les adaptations législatives mais poursuivre avec attention le suivi de la mise en oeuvre de la réforme du congé paternité. Ceci afin notamment d'obtenir des éléments plus précis qui permettraient de mieux connaître l'impact à moyen terme de la réforme au sein des différents régimes, mais aussi ses effets sur les comportements et l'amélioration de l'égalité femmes-hommes dans la parentalité. Ainsi, les pouvoirs publics pourront, le cas échéant, apporter les mesures législatives et réglementaires nécessaires à son amélioration.

2. Relancer la communication sur le dispositif, afin d'augmenter le taux de recours

Toutefois, le rapporteur constate qu'après deux années pleines de mise en oeuvre de la réforme (2022 et 2023), l'impact sur le taux de recours ainsi que sur l'évolution du profil des pères ayant recours à un congés paternité ne semble pas être substantiel. En effet, les pertes de revenus, souvent significatives pour les indépendants et professions libérales, la précarité du statut professionnel ou encore la crainte d'être mal perçu restent des limites structurelles fortes au recours au congé de paternité.

Si l'allongement du congé de paternité avait bénéficié d'une large médiatisation en 2021, il apparaît pertinent d'en relancer la communication afin, d'une part, de cibler les publics les plus en difficulté (certains parents au chômage indemnisés par exemple se pensant à tort inéligibles du fait des restrictions pouvant être associées à leur statut) et, d'autre part, d'insister sur la souplesse du dispositif qui permet de s'adapter aux contraintes professionnelles mais également de « favoriser l'entrée du couple dans la parentalité »151(*).

3. Inscrire le congé de paternité dans une réflexion plus large sur les congés parentaux

À ce titre, dans son rapport sur le projet de LFSS pour 2021, Elisabeth Doineau, alors rapporteure pour le Sénat pour la branche famille, avait accueilli « favorablement la mesure proposée qui contribuera[it] au développement des jeunes enfants ainsi qu'à l'égalité entre les femmes et les hommes ».

Toutefois, elle regrettait que cette évolution ne s'inscrive pas dans une réflexion plus large sur l'efficacité et la pertinence des congés parentaux. C'est également le sens des conclusions du rapport d'information de la commission des affaires sociales « Réformer l'indemnisation des congés parentaux pour donner un vrai choix aux familles » publié en juin 2023152(*).

À cet égard, le rapporteur s'interroge sur la position du nouveau Gouvernement concernant la réforme des congés parentaux annoncée en début d'année 2024 par le Président de la République.

IV. LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE LA CNSA ET LES DÉPARTEMENTS (CHANTAL DESEYNE)

A. UN SYSTÈME DE CONCOURS FINANCIERS DEVENU ILLISIBLE

Contrairement aux autres caisses de sécurité sociale, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ne dispose pas d'un réseau propre de caisses locales. En outre, le fonctionnement de la branche autonomie est décentralisé et relève en partie de l'échelon départemental. Ainsi, la CNSA doit notamment prendre appui sur les conseils départementaux et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) afin d'atteindre les objectifs de la branche.

Les départements sont en effet les financeurs de prestations individuelles qui jouent un rôle central dans la politique de soutien à l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap : l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), ainsi que de l'aide à la vie partagée (AVP) destinée à soutenir l'habitat inclusif. Ils sont les autorités de tarification de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux, notamment des services autonomie à domicile (SAD). Le président du conseil départemental préside la conférence des financeurs de la perte d'autonomie et, à partir de 2025, le département pilotera le service public départemental de l'autonomie (SPDA). Par ailleurs, l'évaluation des demandes et l'attribution des droits et prestations aux personnes en situation de handicap relève de la compétence des MDPH.

Cette articulation complexe entre la branche autonomie et les départements se traduit par des concours financiers de la CNSA, représentant un montant total de 5,5 milliards d'euros en 2024. Ce montant a fortement augmenté au cours des dernières années et particulièrement depuis 2021.

Évolution du montant global des concours de la CNSA

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales / données CNSA

Ces concours se sont multipliés depuis la création de la CNSA : alors qu'ils n'étaient que trois à l'origine (un concours APA, un concours PCH, un concours MDPH), de nouveaux concours ont été créés au fil des années et des réformes successives, si bien qu'il existe une douzaine d'instruments aujourd'hui :

- trois concours ont été créés par la loi « ASV » en 2016153(*) : un concours « APA 2 », visant à compenser les effets de la revalorisation des plans d'aide de l'APA à domicile et de la prise en charge de l'aide au répit pour les proches aidants, ainsi que deux concours destinés à contribuer aux programmes des conférences des financeurs de la perte d'autonomie (l'un relatif au forfait autonomie, l'autre au développement d'autres actions de prévention) ;

- deux concours ont été créés par la LFSS pour 2021 : un concours au titre de l'aide à la vie partagée154(*) et un concours relatif au soutien des revalorisations salariales dans la branche de l'aide à domicile (BAD)155(*) ;

- trois concours ont été créés par la LFSS pour 2022 : deux concours visant à soutenir les services d'aide et d'accompagnement à domicile, relatifs respectivement à la création d'un tarif plancher et à la mise en place d'une dotation complémentaire156(*), et un concours destiné à soutenir la revalorisation salariale des personnels des ESMS tarifés par les départements à la suite des accords « Laforcade »157(*) ; en outre, le concours PCH a été augmenté d'une part forfaitaire de 200 millions d'euros en compensation de la mise en oeuvre de la PCH « parentalité » ;

- enfin, la loi « bien-vieillir » du 8 avril 2024 a créé une aide financière visant à contribuer au soutien à la mobilité des professionnels de l'aide à domicile ainsi qu'à l'organisation de temps d'échange et de partage de bonnes pratiques158(*).

À court terme, la mise en place d'un « geste financier » pour compléter le financement de l'APA à hauteur de 150 millions d'euros en 2024, prévu par la LFSS pour 2024, vient encore complexifier ce paysage159(*).

Du fait de cet enchevêtrement de canaux financiers, l'architecture des concours de la CNSA est aujourd'hui illisible. En outre, la CNSA considère que certains de ces instruments ne remplissent plus pleinement leur objectif initial. Enfin, l'introduction de nouveaux concours en réponse aux réformes récentes a été réalisée dans un contexte d'urgence et sans réflexion sur la cohérence d'ensemble des financements.

Source : Commission des affaires sociales / données CNSA

B. DES INSTRUMENTS QUI ONT ATTEINT LEURS LIMITES

1. APA et PCH : des concours décorrélés des besoins réels
a) L'obsolescence des concours APA

Les dépenses d'APA des départements - y compris l'APA à domicile - s'élevaient, en 2022, à 6,3 milliards d'euros.

Ces dépenses sont partiellement couvertes par les deux concours APA de la CNSA, dont l'enveloppe globale est limitée en fonction des recettes de la branche :

- le concours « APA 1 » s'élève globalement à 7,7 % des produits de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) et de la fraction du produit de la CSG affectée à la CNSA ;

- le concours « APA 2 » est financé à hauteur de 61,4 % du produit de la Casa.

Ces enveloppes sont réparties entre les départements suivant des critères spécifiques à chaque concours.

Les mécanismes de répartition des concours APA

• Le mécanisme de répartition du concours « APA 1 » entre les départements repose sur la prise en compte des critères suivants : 

- le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, pour 50 % ;

- la dépense d'APA du département, pour 20 % ;

- le potentiel fiscal, pour 25 % ;

- le nombre de foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) résidant dans le département, à l'exception de ceux ayant droit au RSA majoré, pour 5 %160(*).

• La répartition du concours « APA 2 » est déterminée par la part de chaque département dans la charge nouvelle résultant de la création de l'aide au répit pour les proches aidants et de la revalorisation des plans d'aide APA par la loi « ASV »161(*).

Comme le relève la CNSA, les critères de répartition du concours « APA 2 » ne sont pas actualisés : son montant reste calculé en fonction d'un écart de dépenses par rapport à l'année 2015 et sa répartition a été figée par décret en 2016162(*). Ainsi, l'objectif initial de compensation pour chaque département des dépenses nouvelles résultant de la loi « ASV » n'est plus rempli par ce mode de calcul.

Au total, les deux concours APA sont aujourd'hui calculés et répartis suivant des logiques différentes, alors qu'ils contribuent au financement de dépenses strictement identiques. Il en résulte un dispositif globalement illisible.

b) Une couverture insuffisante des dépenses des départements
(1) APA : une progression masquant d'importantes disparités

Si la part des dépenses d'APA couverte par les concours de la CNSA a augmenté depuis 2010, cette couverture n'est que de 41,5 % en moyenne en 2022.

Évolution des dépenses d'APA des départements
et de la part financée par la CNSA

(en millions d'euros)

Source : Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale - Autonomie, édition 2024

Ce taux de couverture moyen masque de surcroît des disparités importantes entre les départements : en 2022, le taux de couverture des dépenses d'APA par département variait de 14 % (pour Paris) à 59 % (Saint-Barthélemy). Dans 25 départements, ce taux est inférieur à 40 %163(*).

(2) PCH : un taux de couverture en chute libre

Entre 2009 et 2022, le taux de couverture des dépenses de PCH des départements par le concours de la CNSA a chuté de 60,4 % à 33,4 %. En effet, l'augmentation de ce concours est loin d'avoir accompagné la montée en charge de la prestation.

Évolution des dépenses de PCH des départements et de la part financée par la CNSA

(en millions d'euros)

Source : Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale - Autonomie, édition 2024

Là encore, il existe de grandes disparités entre départements : le taux de couverture des dépenses de PCH par la CNSA variait en 2022 de 20 % (Corse) à 72 % (Haute-Saône).

Le calcul et la répartition du concours PCH

Le concours PCH est financé à hauteur de 2 % des recettes de la CSA, de la Casa et de la fraction du produit de la CSG dévolue à la CNSA.

Le mécanisme de répartition du concours entre les départements repose sur la prise en compte des critères suivants164(*) :

- le nombre de personnes âgées de 20 à 59 ans du département (variable pondérée pour 60 % dans le calcul de la dotation du département) ;

- le nombre cumulé de personnes bénéficiaires de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), de l'allocation pour adultes handicapés (AAH) et d'une pension d'invalidité dans le département (30 %) ;

- le nombre de bénéficiaires de la PCH augmenté du nombre de bénéficiaires de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) dans le département (30 %) ;

- le potentiel fiscal corrigé du département (- 20 %).

Le concours a été augmenté, en 2022, d'un montant forfaitaire de 200 millions d'euros en compensation de la mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2021 du volet « parentalité » de la PCH. Au regard de l'impact encore limité de cette réforme, cette revalorisation forfaitaire n'a pas été révisée pour prendre en compte l'impact financier, lui-même encore incertain, de l'introduction au 1er janvier 2023 d'un volet « soutien à l'autonomie » pour les personnes présentant des altérations des fonctions mentales, cognitives ou psychiques.

(3) La demande des départements d'une garantie de couverture minimale

Selon Départements de France, les dépenses liées à l'autonomie représentent près de 20 % des dépenses de fonctionnement des départements. Ces dépenses progressent à un rythme supérieur à l'inflation et à la moyenne des dépenses de fonctionnement des départements.

Compte tenu des projections d'augmentation de la population âgée dépendante, le reste à charge des départements sur les dépenses d'APA et de PCH pourrait se révéler insoutenable. Aussi, les départements demandent la garantie d'une couverture minimale de 50 % de leurs dépenses relatives à chacune de ces prestations.

Pour 2024, les modalités de mise en oeuvre du « geste financier » de 150 millions d'euros aux départements prévu par la LFSS pour 2024 ont été précisées par un décret du 6 juillet 2024165(*).

Ce complément doit être réparti entre les départements en prenant notamment en compte le niveau du financement attribué en 2023 au titre des concours APA : l'objectif est d'atteindre un taux de couverture minimal fixé par arrêté ministériel. N'y seront pas éligibles les départements ayant un potentiel fiscal par habitant trois fois supérieur à la moyenne de l'ensemble des départements, ni ceux pour lesquels la CNSA n'a pas constaté de dépenses au titre de la « dotation qualité » accordée aux services autonomie à domicile. D'après les estimations de Départements de France, ce dispositif devrait permettre de faire remonter au-dessus de 40 % la compensation APA des départements pour lesquels elle est la plus faible.

Le versement de ce « geste financier » devrait intervenir en octobre 2024.

c) Des mécanismes de compensation mis en place sans cohérence d'ensemble

Si les mesures financières et salariales introduites par les LFSS pour 2021 et 2022 répondent à des besoins structurels du secteur, les mécanismes de compensation qui ont été mis en place n'ont pas été conçus en cohérence avec les concours financiers existants.

Pour la CNSA comme pour les départements, ces nouveaux concours sont générateurs d'une charge de gestion disproportionnée. Les départements doivent en effet assurer des remontées d'information spécifiques en justification des compensations accordées.

En outre, selon la CNSA, ces instruments sont susceptibles de générer des doubles financements. En effet, les dépenses comptabilisées au titre du tarif plancher national, de la « dotation qualité » ou des revalorisations salariales peuvent inclure des dépenses d'APA et de PCH. Bien qu'il soit demandé aux départements de corriger de ces dernières les remontées à la CNSA au titre de ces concours, il leur est difficile d'opérer un suivi aussi fin en pratique et les possibilités de contrôle restent limitées.

Enfin, la compensation de la mise en place du tarif plancher a eu des effets ambivalents. Dans les départements qui pratiquaient des tarifs inférieurs au tarif plancher, cette mesure a permis une mise à niveau minimale, sans toutefois permettre de couvrir le coût revient des services d'aide et d'accompagnement à domicile dans un contexte inflationniste. En revanche, les départements qui pratiquaient une politique volontariste n'ont bénéficié d'aucun financement au titre de cette mesure, alors que ceux dont les efforts étaient moindres ont bénéficié d'une compensation à 100 % du surcoût lié à l'atteinte du tarif plancher, ce qui soulève une question d'équité et a pu générer des effets d'aubaine. Selon l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), cette réforme aurait également entraîné des effets pervers en incitant à la « détarification » des services, avec des conséquences potentiellement négatives sur le reste à charge pour les usagers166(*).

2. Une réforme du concours MDPH à ajuster
a) Une contribution importante au financement des MDPH

Les concours de la CNSA au titre des MDPH se composent de deux enveloppes financières.

D'une part, la subvention de fonctionnement de l'État, fixée par la convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens de chaque MDPH, est versée par la CNSA167(*). Cette contribution représenterait au total 82 millions d'euros en 2024.

D'autre part, la CNSA verse aux départements un concours relatif aux coûts d'installation ou de fonctionnement des MDPH168(*) dont le montant est déterminé par des critères paramétriques fixés par voie réglementaire. À la suite d'une augmentation destinée à compenser certaines revalorisations salariales, le montant de ce concours s'élèverait à 100 millions d'euros en 2024169(*).

D'après la CNSA, sur la base des informations communiquées par les MDPH, ces financements représentent un peu plus de 70 % de leurs recettes.

Toutefois, pour Départements de France, le montant de ces concours ne correspond plus aux besoins identifiés. Par exemple, le non-remplacement des personnels mis à disposition par l'État est désormais compensé par des montants inférieurs aux dépenses qu'il occasionne pour les départements.

b) Des critères de répartition à actualiser

Les règles de répartition des financements au titre du concours MDPH ont fait l'objet d'une révision à la suite de la LFSS pour 2021 puis des décrets du 29 juin 2021 et du 15 avril 2022170(*). Cette réforme s'est attachée à mieux refléter les coûts de fonctionnement des MDPH au prix d'une complexification notable des modalités de répartition du concours.

L'enveloppe affectée au concours MDPH comporte désormais deux parts :

- une part forfaitaire définie en fonction de tranches démographiques dans lesquelles sont classés les départements et prenant en compte le montant des dotations versées au nom de l'État (qui vient en déduction de la formule de calcul) ; un mécanisme de garantie permet à chaque MDPH de percevoir une part forfaitaire au moins égale à celle qu'elle a perçue en 2021 ;

- une part variable ayant vocation à adapter le montant du concours au volume d'activité de la MDPH, mesuré en fonction du nombre de bénéficiaires de prestations et du nombre de décisions d'orientation rendues dans le département. L'objectif est d'améliorer l'équité de répartition du concours en prenant en compte l'activité réelle de chaque MDPH. Cette part variable représente, au plus, 25 % du concours global.

Le calcul de la part variable du concours MDPH171(*)

La part variable attribuée à chaque département est déterminée selon la formule suivante :

PVd = (C-? PFd) × [(PAEEHd/ ? PAEEHd) × 30 % + (PPCHd/ ? PPCHd) × 30 % + (POMSd/ ? POMSd) × 40 %]

dans laquelle :

a) PVd représente la part variable perçue par chaque département ;

b) C représente le montant total du concours MDPH ;

c) PFd représente la part forfaitaire du concours ;

d) PAEEHd représente le nombre de personnes bénéficiaires de l'AEEH dans le département ;

e) PPCHd représente le nombre de personnes bénéficiaires de la PCH dans le département ;

f) POMSd représente le nombre annuel de décisions d'orientation vers un établissement ou un service médico-social prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du département.

Selon la CNSA, bien qu'ils aient été élaborés conjointement avec les MDPH et les départements, ces critères de répartition ne font aujourd'hui plus consensus, certaines MDPH considérant qu'ils ne traduisent pas correctement leur niveau d'activité relatif.

Il est donc envisagé de tenir compte d'autres indicateurs de l'activité des MDPH et des charges qu'elles doivent assumer pour l'exercice de leurs missions.

C. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE

Tant la CNSA que les départements estiment qu'une réforme des concours est nécessaire pour améliorer la lisibilité de leurs relations financières.

Cette réforme a fait l'objet de travaux entre l'État et les départements, qui n'ont pas encore abouti. Les revendications des départements portent à la fois sur l'architecture des concours, avec des objectifs de simplification et de mise en cohérence, et sur la trajectoire des moyens alloués par la CNSA.

D'après les informations transmises au rapporteur par la CNSA, deux grands scénarios ont été proposés dans le cadre d'un « comité des financeurs », qui reposent tous deux sur une fusion des principaux concours : APA 1 et 2, PCH, tarif plancher, revalorisations « article 47 BAD » et « article 43 Laforcade ». Les concours MDPH ne seraient pas intégrés à cette fusion à ce stade en raison de leur nature différente : ceux-ci contribuent en effet au financement des charges de fonctionnement des MDPH et non au financement de droits ouverts aux personnes et des services assurant leur mise en oeuvre.

Un premier scénario repose sur la conservation de la logique des concours historiques, répartis selon des critères de population, de dépenses et de péréquation (sur la base du potentiel fiscal) mais en améliorant ces critères pour adapter les concours aux besoins des départements en fonction de leurs dépenses réelles. Toutefois, pour Départements de France, la couverture des dépenses des départements en matière d'autonomie ne doit plus tenir compte de leur situation financière, laquelle devrait être traitée dans un cadre plus large.

Un second scénario s'appuie sur la « cristallisation » des montants des concours versés aujourd'hui, complétée d'une enveloppe particulière « déplafonnée », c'est-à-dire sans lien avec les recettes de la CNSA ou la situation des autres départements, visant à la couverture à 50 % de la hausse des dépenses d'APA et de PCH de chaque département. Pour rappel, Départements de France revendique une couverture à un minimum de 50 % de l'ensemble de ces dépenses.

L'éventualité d'une modulation sur objectif d'une partie des concours, en fonction d'indicateurs de qualité des services rendus et des accompagnements proposés, a également été évoquée.

Pour le rapporteur, il est urgent de faire aboutir cette réforme déterminante, avec pour objectifs principaux la simplification de l'architecture des concours, l'amélioration de leur lisibilité et de leur cohérence et la réponse aux besoins territoriaux. À défaut, la construction de la cinquième branche resterait inaboutie.

V. LE DISPOSITIF D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (MARIE-PIERRE RICHER)

A. LA RÉPARATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE RÉPOND À UNE LOGIQUE QUI DIFFÈRE À LA FOIS DE L'INDEMNISATION AT-MP ET DE L'INDEMNISATION DE DROIT COMMUN

1. De l'insuffisante prise en considération de la toxicité de l'amiante pour les personnes qui y sont exposées au « scandale de l'amiante »

L'amiante désigne une variété de silicates formés naturellement et transformés en fibres minérales en vue d'une utilisation industrielle. Ses propriétés physiques exceptionnelles - résistance à la chaleur et au feu, faible conductivité thermique, résistance mécanique et chimique, élasticité - combinées à son coût de production modique ont justifié son surnom de « magic mineral » et expliquent son utilisation intensive au cours du XIXe et du XXe siècles dans divers secteurs, sous des formes très différentes.

L'usage industriel de l'amiante

L'amiante a principalement été utilisée comme amiante-ciment dans la construction, mais elle a également servi comme matériau d'isolation sous forme de papier ou de carton, ou encore pour renforcer la résistance de l'asphalte routier, par incorporation au bitume.

Le champ d'exposition professionnelle à l'amiante a donc été large : il concernait à la fois les professionnels participant à l'extraction et à la production d'amiante et ceux qui utilisaient ce matériau dans le cadre de leur activité, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, du textile ou des chantiers navals.

Ces propriétés industrielles avantageuses s'accompagnent, malheureusement, de conséquences néfastes sur la santé, qui ont été très tôt identifiées.

Dès 1906, un rapport de l'inspection du travail rédigé par Denis Auribault avait relevé que l'absence d'évacuation des poussières d'amiante au sein d'une usine de filature et de tissage d'amiante était la cause de décès au sein du personnel.

L'intégration des maladies professionnelles à la réparation AT-MP, après la Seconde Guerre mondiale, a permis en 1950172(*) la création d'un tableau dédié aux maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante - le tableau n° 30. Deux nouveaux tableaux ont été créés par la suite : le tableau n° 30 bis173(*) sur le cancer broncho-pulmonaire primitif et, très récemment, le tableau n° 30 ter174(*) sur les cancers de l'ovaire et du larynx.

Par la suite, différents travaux ont concordé à alerter sur la dangerosité de l'amiante : les risques de fibrose pulmonaire sont documentés depuis 1930, le lien entre exposition à l'amiante et cancer du poumon a été mis en lumière dès 1935 par Lynch, et des mésothéliomes sont observés chez des mineurs d'amiante en 1960.

Les pathologies de l'amiante

L'amiante est à l'origine de nombreuses pathologies, aux degrés de sévérité divers. Certaines, comme le mésothéliome, sont quasiment spécifiques à l'exposition à l'amiante. La région pulmonaire est la plus touchée par les pathologies de l'amiante. On distingue :

• des pathologies bénignes, représentant 54,8 % des demandes d'indemnisation en 2016 : plaques pleurales (dépôts souvent calcifiés sur la plèvre), épaississements pleuraux (pouvant provoquer des douleurs et difficultés respiratoires), asbestose (fibrose interstitielle s'étendant des régions péribronchiolaires aux espaces sous-pleuraux) ;

• des pathologies malignes, représentant 45,2 % des demandes d'indemnisation en 2016 : mésothéliome (tumeur maligne des surfaces mésothéliales touchant principalement la plèvre), cancers broncho-pulmonaires, cancer de l'ovaire, cancer du larynx.

En 1965, un congrès à New York aboutit à la publication d'un rapport de 732 pages sur les risques de l'amiante.

Si le rapport175(*) de la mission commune d'information sénatoriale sur l'amiante, présidée par le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe et rédigée par les anciens sénateurs Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, indique qu'« on en savait assez pour gérer le risque amiante en 1965 », le recours à ce matériau s'est pourtant intensifié en France dans le troisième quart du XXe siècle, passant de 49 455 tonnes par an entre 1951 et 1955 à 142 733 tonnes par an entre 1971 et 1975.

L'utilisation croissante de l'amiante s'est nourrie d'une carence d'agir des industries transformatrices et utilisatrices d'amiante ainsi que des pouvoirs publics, qui n'ont pas toujours pris à temps les mesures qui auraient dû s'imposer et ont semblé en tout temps se contenter de réagir aux scandales médiatiques provoqués par chaque nouvelle affaire révélant la toxicité de l'amiante ou chaque nouveau rapport à charge sur la dangerosité de ce matériau. Le rôle du lobby de l'amiante, qui aurait « anesthésié » l'État selon le rapport précité, est particulièrement pointé du doigt.

Malgré l'ensemble des alertes lancées, il faudra donc attendre 1977 pour une première règlementation de l'usage de l'amiante, et 1996176(*) pour que l'usage de l'amiante soit définitivement interdit en France.

En conséquence, le 3 mars 2004, quatre décisions du Conseil d'État ont reconnu « la responsabilité de l'État du fait de sa carence fautive à prendre les mesures de prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante ». La responsabilité de l'État régulateur a à la fois été reconnue au titre de l'absence de réglementation de l'amiante jusqu'en 1977, et au titre d'une réglementation insuffisante à compter de cette date et jusqu'à l'interdiction de l'amiante.

L'étendue de la responsabilité de l'État dans le scandale de l'amiante a par la suite été confirmée et renforcée par un arrêt de 9 novembre 2015177(*), par lequel le Conseil d'État a pour la première fois reconnu qu'un employeur condamné en faute inexcusable au titre de l'amiante pouvait se retourner contre l'État afin que la charge de l'indemnisation soit partagée. La responsabilité de l'État peut donc désormais non seulement être engagée par les victimes, mais aussi par l'employeur fautif co-auteur du dommage.

2. L'émergence d'une réparation dont la nature diffère à la fois du droit commun et de l'indemnisation AT-MP
a) Amiante : une politique à deux étages

En prenant la mesure du nombre de victimes, le législateur a entendu créer un régime d'indemnisation et de prise en charge dédié. Celui-ci s'appuie sur deux piliers, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) et le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata). Ces deux fonds sont essentiellement financés par la branche AT-MP du régime général.

Le Fcaata et la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999178(*), le Fcaata est un fonds sans personnalité juridique, qui finance des dispositifs dérogatoires de retraite au bénéfice des anciens travailleurs de l'amiante.

Des dispositifs de préretraite distincts existent, en fonction du contexte d'exposition à l'amiante.

Les travailleurs reconnus atteints d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante peuvent cesser leur activité dès 50 ans.

Certains travailleurs exposés à l'amiante dans le cadre de leur activité professionnelle peuvent également bénéficier d'une préretraite. Les personnes ayant travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, dans un établissement de flocage ou de calorifugeage à l'amiante peuvent arrêter leur activité à 60 ans moins le tiers de la durée d'exposition, et au plus tôt à 50 ans. Les dockers et personnels portuaires en contact avec l'amiante et les travailleurs des chantiers navals exposés sont soumis aux mêmes conditions, tandis que les marins exposés bénéficient d'un dispositif spécifique, géré par leur organisme de sécurité sociale - l'Enim.

Ainsi, un ouvrier d'un établissement d'un chantier naval exposé à l'amiante pendant 15 ans peut cesser son activité dès 55 ans, soit 60 ans auxquels on déduit le tiers de la durée d'exposition.

La cessation d'activité s'accompagne, pour les bénéficiaires, du versement par le Fcaata de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata), qui constitue un revenu de remplacement pour les travailleurs de l'amiante en préretraite. Son montant est compris entre 1 260 et 4 443 euros brut par mois et dépend du salaire brut sur les douze derniers mois. Pour les assurés gagnant entre 1 938 et 3 864 euros brut par mois, l'Acaata est égale à 65 % du salaire de référence.

Le Fcaata finance, en sus, la prise en charge de cotisations d'assurance vieillesse volontaire et complémentaire, et verse une compensation à la Cnav au titre du maintien à 60 ans de l'âge légal du départ en retraite pour les travailleurs de l'amiante.

Le départ à la retraite, concomitant à la cessation du versement de l'Acaata, se fait dès lors que l'assuré a cotisé le nombre de trimestres suffisant pour bénéficier d'une retraite à taux plein, au plus tôt à 60 ans et au plus tard à 65 ans. Sur option, l'assuré peut partir à la retraite dès 60 ans sans avoir validé l'ensemble des trimestres requis s'il accepte une décote.

Le Fiva, créé par la LFSS pour 2001179(*), est un établissement public administratif « dont la mission est d'assurer la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis par les victimes de pathologie(s) en lien avec l'amiante, exposées sur le territoire français, et leurs ayants droit »180(*). L'indemnisation « constitue le coeur du métier du Fiva », qui se charge à la fois de l'instruction des demandes, du paiement des offres et des éventuels contentieux qui peuvent émerger, notamment dans le cas de faute inexcusable de l'employeur.

b) La politique d'indemnisation du Fiva : une politique ambitieuse et de nature différente de la réparation AT-MP
(1) Une indemnisation intégrale des préjudices

Le caractère intégral de l'indemnisation constitue une différence notable par rapport à l'indemnisation AT-MP de droit commun, qui ne présente qu'un caractère forfaitaire en vertu du compromis historique de la loi du 5 avril 1898.

(2) Des postes de préjudices indemnisables plus larges qu'en AT-MP

Le Fiva répare à la fois les préjudices économiques, également appelés préjudices patrimoniaux, et les préjudices personnels, aussi désignés sous le nom de préjudices extrapatrimoniaux.

Les préjudices économiques recouvrent les postes de préjudice représentant un coût financier ou un manque à gagner pour les victimes. Ils se décomposent en :

- un préjudice professionnel, défini comme la perte de la capacité de gain ou la perte de salaire futur ;

- des postes de préjudice économique extraprofessionnel, lié aux frais encourus : frais de soins, frais d'aide humaine, frais d'adaptation de l'environnement de la victime rendus nécessaires par la pathologie...

Les préjudices personnels ou extrapatrimoniaux constituent l'ensemble des préjudices dépourvus de nature économique subis par la victime. Il peut s'agir :

- de l'incapacité fonctionnelle, c'est-à-dire la perte de potentiel physique, intellectuel ou psychosensoriel ;

- du préjudice moral, c'est-à-dire de l'impact psychologique lié à la survenue de la pathologie et à ses conséquences ;

- du préjudice physique, c'est-à-dire de la souffrance physique ressentie ;

- du préjudice d'agrément, c'est-à-dire les répercussions de la pathologie sur le loisir ou la qualité de vie de la victime ;

- du préjudice esthétique, lié aux effets de la pathologie sur l'apparence de la victime : cicatrices, appareillage respiratoire, perte de cheveux par exemple.

Le champ de l'indemnisation proposée aux victimes de l'amiante excède donc largement le champ de la réparation AT-MP de droit commun, réputée ne couvrir que le préjudice professionnel depuis le revirement de jurisprudence en la matière de la Cour de cassation, en date du 20 janvier 2023.

La forme prise par l'indemnisation varie en fonction de la nature du préjudice indemnisé. L'incapacité fonctionnelle est indemnisée par une rente viagère181(*), de même que le préjudice économique si la situation financière du foyer est stabilisée182(*). Les rentes ont représenté 10 % des dépenses d'indemnisation du Fiva en 2023, soit 34 millions d'euros.

Pour les autres postes de préjudice, la réparation se fait en principe par un versement en capital unique.

Si chaque dossier fait l'objet d'un examen particulier par le Fiva visant à garantir le caractère intégral de l'indemnisation versée, le montant d'indemnisation perçu dépend notamment du barème indicatif du Fiva et du taux d'incapacité de la victime.

Indemnisation de l'incapacité fonctionnelle par le Fiva

Taux d'incapacité

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Rente Fiva

1151

2534

4146

5988

8060

10363

12897

15660

18653

21877

Source : Fiva

(3) Une indemnisation des victimes ayant subi une exposition professionnelle à l'amiante, mais pas seulement

Le Fiva ne répare pas uniquement les dommages subis par les victimes d'une exposition professionnelle à l'amiante et par leurs ayants droit, puisqu'il couvre également les victimes environnementales, exposées sur leur lieu de résidence ou dans leur environnement. La population couverte excède donc le seul champ des risques professionnels, d'autant que les victimes exposées professionnellement mais non obligatoirement couvertes par l'assurance AT-MP comme les artisans peuvent également bénéficier d'une indemnisation.

Dès lors, il est évident que « la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie n'est ainsi pas une condition exclusive d'indemnisation, pas plus donc que ne l'est la perception d'une indemnisation par la branche AT-MP »183(*).

Il existe tout de même une articulation de l'indemnisation du Fiva avec celle provenant, le cas échéant, de la branche AT-MP. En effet, « en application du principe de réparation intégrale, l'indemnisation du Fiva vient en complément des indemnisations déjà servies par la branche AT-MP de la sécurité sociale sur les mêmes postes de préjudice. Ce même principe interdit toute double indemnisation »184(*) : c'est pourquoi le préjudice économique à verser par le Fiva est calculé en déduisant la totalité de la rente AT-MP, qui vise à indemniser un préjudice de même nature depuis les arrêts de la Cour de cassation en date du 20 janvier 2023.

Les ayants droit peuvent quant à eux être indemnisés par le Fiva en cas de décès reconnu en lien avec l'amiante d'un conjoint, d'un parent, d'un frère, d'une soeur, d'un enfant ou de toute autre personne présentant une proximité affective. Il est remarquable que cette dernière catégorie d'ayant droit ne peut pas prétendre à une indemnisation auprès de la branche AT-MP en cas de décès lié à un sinistre professionnel sans lien avec l'amiante.

(4) Une politique d'indemnisation innovante et conçue comme protectrice pour les victimes

Au total, la réparation proposée aux victimes de l'amiante par le biais du Fiva est globalement plus protectrice que la réparation AT-MP : les conditions d'éligibilité y sont moins restrictives puisqu'une exposition non professionnelle ouvre droit à indemnisation, le champ des préjudices indemnisés, incluant notamment de nombreux préjudices extrapatrimoniaux, est élargi, et la réparation est intégrale et non forfaitaire.

La politique d'indemnisation du Fiva repose sur des modalités de charge de la preuve aménagées pour les victimes : le fait de présenter certaines pathologies comme le mésothéliome vaut par exemple exposition à l'amiante185(*). En ce sens, elle est également plus protectrice que le droit commun de la réparation corporelle, dans lequel il est exigé du demandeur d'apporter la preuve d'une faute pour obtenir réparation.

Pour le Fiva, « ce sont l'existence de textes distincts, les circonstances historiques différentes, et notamment le compromis de 1898, ainsi que le champ de la réparation de l'amiante (qui ne se limite pas au secteur professionnel) qui expliquent les différences des modes de réparation »186(*).

c) Le Fiva a indemnisé plus de 110 000 victimes en vingt ans, pour un total de plus 7 milliards d'euros d'indemnisation

Depuis 2003, le Fiva a indemnisé plus de 110 000 victimes et 370 000 demandes ont été enregistrées, pour un montant total d'indemnisation versé autour de 7,3 milliards d'euros.

Près de trente ans après l'interdiction de l'amiante, la trajectoire du flux de bénéficiaires tend à diminuer puisque de moins en moins de travailleurs ont connu une exposition professionnelle lors de leur carrière. Toutefois, le nombre de demandes d'indemnisation semble se stabiliser depuis 2021 - désormais, on compte environ 17 000 nouveaux dossiers déposés chaque année.

B. LE FIVA, OPÉRATEUR EN CHARGE DE LA RÉPARATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, PROPOSE UNE QUALITÉ DE SERVICES SATISFAISANTE, MAIS DOIT AFFRONTER LE DÉFI DU NON-RECOURS ET D'UNE SITUATION FINANCIÈRE TENDUE

1. Une politique d'indemnisation ambitieuse auréolée d'une qualité de service reconnue

La politique d'indemnisation du Fiva, plus protectrice que celle qui a cours pour les autres AT-MP, se double d'une qualité de service qui fait aujourd'hui figure d'exemple.

a) Des délais d'indemnisation maîtrisés

Le Fiva est soumis à des délais réglementaires d'instruction et de paiement des offres : le fonds dispose de six mois pour instruire les demandes et, le cas échéant, présenter une offre à la victime, puis de deux mois pour payer l'offre187(*).

Il convient de se féliciter de ce que les délais s'imposant au Fiva soient aujourd'hui en moyenne respectés : les décisions de prise en charge ont été prises en moyenne en 3 mois et 3 semaines en 2023, soit un progrès de presque un mois par rapport à 2022. Ce progrès est notamment imputable au revirement de jurisprudence de la Cour de cassation concernant la dualité de la rente AT-MP. Initialement, le Fiva devait en effet retrancher de la rente qu'il verse au titre de l'incapacité fonctionnelle le montant de rente AT-MP correspondant à ce poste de préjudice, dès lors que la rente AT-MP était réputée couvrir à la fois le déficit professionnel et le déficit fonctionnel. Or la Cour de cassation estime désormais que la rente AT-MP n'indemnise que le déficit professionnel, et pas le déficit fonctionnel. Par conséquent, le Fiva n'a plus à retrancher de la rente qu'il verse au titre du déficit fonctionnel le montant de la rente correspondant à l'indemnisation de ce même poste de préjudices, ce qui accélère les procédures.

Sur les cinq dernières années, seule l'année 2020, particulière à bien des égards, avait donné lieu à un délai moyen de présentation des décisions excédant les exigences réglementaires.

Le Fiva satisfait également aux exigences réglementaires en ce qui concerne le délai de paiement : le délai moyen d'un mois et deux semaines en 2023 demeure bien inférieur au seuil des deux mois figurant dans le décret.

b) La satisfaction affichée par les victimes accompagnées par le Fiva

Le Fiva est, en outre, réputé pour la qualité de son service auprès des victimes. Le fonds met ainsi en avant un taux de satisfaction globale des victimes et ayants droit de 94,4 % en 2023 sur la qualité du service rendu par le Fiva.

Ces données sont étayées par les auditions conduites par la rapporteure sur la mission d'information « Branche AT-MP : vers un juste équilibre entre réparation et prévention des risques professionnels ». La fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath) estime ainsi que « les relations sont plus fluides » avec le Fiva qu'avec les caisses de sécurité sociale. Le rôle du Fiva dans la diffusion et la transmission d'informations sur les pathologies subies et sur la procédure à suivre a notamment été souligné par l'association de victimes.

2. Deux défis pour l'avenir : le non-recours et l'équilibre financier
a) Le non-recours : une problématique désormais centrale pour le Fiva

Malgré une qualité de services satisfaisante, le Fiva déplore un taux de non-recours important, évalué autour de 35 % à 40 % des demandeurs. Ce taux de non-recours élevé réduit la portée de la politique en faveur des victimes de l'amiante et diminue les ressources des foyers des victimes de l'amiante.

Interrogé sur les causes de ce non-recours, le Fiva évoque « le manque d'information, le manque d'accompagnement et le manque d'intérêt »188(*) pour les prestations du fonds.

La lutte contre le non-recours est un des défis principaux auxquels le Fiva est aujourd'hui confronté. Symboliquement, la mission d' « identifier »189(*) les bénéficiaires potentiels fait, depuis la LFSS pour 2024190(*), pleinement partie des missions du fonds.

(1) Des stratégies déjà mises en oeuvre

Afin de diminuer le taux de non-recours, le Fiva s'est lancé, ces dernières années, dans différents chantiers visant à répondre au manque d'information des victimes. Un outil de saisine en ligne spécifique « Fiva demandeur » a ainsi été lancé en juin 2023. Il s'appuie sur le site internet du fonds, qui a été modernisé pour bénéficier d'un meilleur référencement en septembre 2023.

En outre, avec le concours du réseau Netmeso, le fonds a lancé une campagne d'information ciblée sur les victimes du mésothéliome, pathologie caractéristique de l'amiante : un flyer faisant figurer « les montants en euros [...] auxquels [elle]s peuvent avoir droit » est désormais remis « aux victimes de mésothéliomes lors de la consultation de diagnostic de la pathologie »191(*). Il s'agit là de lutter contre le défaut d'information, mais aussi de susciter l'intérêt des victimes en communiquant sur les moyens dont dispose le fonds pour les indemniser.

Enfin, le Fiva indique avoir « renforcé sa plateforme d'accueil téléphonique, et entend développer le "dispositif de suivi personnalisé" (DSP) qui accompagne dans leurs démarches via cette plateforme les victimes de cancers broncho-pulmonaires opérés et de mésothéliomes à d'autres victimes et ayants droit en situation difficile (objectif du COP 2024-2026) »192(*).

(2) Avec la LFSS pour 2024, l'espoir d'un passage à la vitesse supérieure dans la lutte contre le non-recours

Dans ces conditions, le Fiva « a oeuvré pour qu'une évolution législative importante lui permette d'obtenir des autres administrations et organismes de sécurité sociale les informations nécessaires afin de contacter de potentielles victimes qui n'ont pas encore réalisé de demande auprès du [fonds] »193(*).

C'est ainsi que l'article 89 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit, dans une logique d'aller-vers, que le Fiva puisse désormais contacter des potentiels bénéficiaires. Dans le détail, les administrations et organismes de sécurité sociale devront fournir au Fiva certaines données personnelles sur des potentiels bénéficiaires, par exemple sur des personnes traitées pour des pathologies caractéristiques de l'amiante.

Le Fiva indique souhaiter « que le décret lui permette d'obtenir adresse postale, numéro de téléphone, adresse mail, afin de pouvoir envoyer un courrier informatif mettant en avant l'intérêt d'engager des démarches auprès du Fonds et l'accompagnement possible ; les personnes concernées seraient contactées par téléphone une semaine après, comme dans le cas du DSP, pour les accompagner dans les démarches et répondre à leurs questions éventuelles »194(*). Sous réserve de la compatibilité de ces transferts avec le droit de la protection des données, la rapporteure pour la branche AT-MP soutient pleinement cette initiative, qu'elle avait déjà accueillie favorablement lors de l'examen du projet de loi à l'automne 2023.

À ce stade, un système sécurisé d'échanges de données entre la Cnam et le Fiva est déjà prêt : il pourra être déployé dès lors que le décret en Conseil d'État après avis de la Cnil sera pris. Si la transmission du projet de décret au Conseil d'État était initialement prévue dans le courant de l'été, la dissolution de l'Assemblée nationale a conduit à retarder ce calendrier, sans que le Fiva dispose « à ce jour d'une visibilité sur le calendrier de publication »195(*). La rapporteure pour la branche AT-MP appelle le Gouvernement à prendre les mesures d'application de l'article 89 de la LFSS pour 2024 afin de permettre au plus vite l'identification des potentiels bénéficiaires.

La rapporteure soutient également un autre projet mené par le Fiva en lien avec la DSS et les ARS afin de faire évoluer le formulaire de déclaration obligatoire des mésothéliomes afin que ceux-ci contiennent désormais des données qui pourraient être utilisées par le Fiva pour contacter les patients et faire connaître ses prestations.

b) Une situation budgétaire préoccupante

Il est également à noter que la situation financière du fonds est, par certains aspects, préoccupante.

Le fonds est en effet confronté à un « effet ciseaux » avec une baisse de ses recettes, et une augmentation de ses dépenses.

En recettes, comme le note le récent rapport de la Mecss sur les dotations de la sécurité sociale196(*), une politique de prélèvement sur fonds de roulement a été mise en oeuvre « afin d'apurer les excédents passés du fonds. Ainsi, en 2017, la dotation de la branche AT-MP a été diminuée en gestion de 400 M€ à 250 M€, dans un contexte où le fonds de roulement du fonds dépassait 150 M€ ». La dotation est ensuite restée structurellement insuffisante pour couvrir les dépenses du fonds, afin de consommer les réserves financières du fonds.

En parallèle, si la trajectoire tendancielle des dépenses du Fiva est décroissante du fait de la diminution du nombre de nouvelles personnes à indemniser, deux éléments récents ont entraîné un rebond des dépenses.

D'une part, le Conseil d'administration du Fiva a adopté, le 15 juin 2023, une revalorisation de 10,5 % du barème déterminant l'indemnisation des postes de préjudices extrapatrimoniaux pour les demandes reçues à compter du 1er octobre.

D'autre part, le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation précité implique que le Fiva ne peut plus déduire tout ou partie de la rente AT-MP du montant de rente versé par le fonds au titre de la réparation de l'incapacité fonctionnelle. Cela a induit une hausse importante du nombre de rentes à gérer, de l'ordre de 30 % sur un an.

Ainsi, en 2023, le Fiva a signé un résultat comptable déficitaire de plus de 80 millions d'euros, réduisant le fonds de roulement à 22,7 millions d'euros, soit moins d'un mois de dépenses. Ce niveau est désormais dangereusement bas et en tout état de cause inférieur au niveau de précaution visé pour le fonds, soit deux mois de dépenses - près de 60 millions d'euros.

Dans cette situation, il devenait urgent de rebaser les ressources du Fiva. La LFSS pour 2024197(*) s'est attelée à le faire, avec une augmentation de près de 50 % du montant de la dotation de la branche AT-MP au fonds pour la porter à 353 millions d'euros. Malgré cette trajectoire, la participation de l'État est restée constante et modeste, à 7 millions d'euros.

Cette situation appelle l'État, reconnu responsable du scandale de l'amiante, à intensifier son effort financier en faveur du Fiva. Le rapport de la Mecss coécrit par la rapporteure pour la branche AT-MP précité, insiste en ce sens : « alors que le Fiva ne s'adresse pas uniquement à des victimes qui relèveraient, en droit commun, de la branche AT-MP, il est permis de s'étonner que la branche finance 98 % des ressources publiques du fonds. Il conviendrait, là encore, que l'État renforce son engagement financier ».

EXAMEN DES ARTICLES (ELISABETH DOINEAU)

Article liminaire
Approbation des recettes, des dépenses et du solde
des administrations de sécurité sociale

Cet article présente, pour l'exercice auquel la loi d'approbation des comptes se rapporte, les dépenses, les recettes et le solde des administrations de sécurité sociale.

I - Le dispositif proposé

Cet article, qui jusqu'à la réforme organique de 2022 ne figurait pas dans les premières parties des LFSS, résulte du 1° de l'article L.O. 111 3-13 du code de la sécurité sociale (inséré par la loi organique du 14 mars 2022).

Cette disposition résulte d'une modification apportée par le Sénat en première lecture à la future loi organique du 14 mars 2022.

En effet, si le Parlement, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne peut se prononcer, pour l'essentiel, que sur les mesures ayant un effet sur les régimes obligatoires de base (Robss), les organismes ou des organismes concourant à leur financement (FSV), à l'amortissement de leur dette (Cades) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit (FRR), c'est bien le champ plus large des administrations de sécurité sociale (Asso) qui est considéré par l'Insee dans le calcul des comptes des administrations publiques (selon les concepts de la comptabilité nationale).

Au demeurant, l'État accorde sa garantie de droit ou de fait à plusieurs organismes et régimes situés en dehors du périmètre des Robss.

C'est pourquoi, à défaut d'élargir formellement le périmètre des LFSS, comme l'avait proposé le Sénat198(*), le législateur organique a au moins souhaité que le Parlement dispose d'une vision financière globale des administrations de sécurité sociale au moment de l'examen des lois de financement, tant par la création de nouvelles annexes relatives à l'assurance chômage, aux régimes complémentaires de retraite et aux établissements de santé que par la création de cet article liminaire.

A. Un excédent des administrations de sécurité sociale de 0,4 point de PIB en 2023

Les chiffres du présent article sont retracés dans le tableau ci-après.

Dans le cas des Lacss, cette information qui porte sur l'exercice précédent est moins utile que dans le cas des LFSS, les données relatives à l'exercice précédent étant depuis longtemps publiées par l'Insee fin mars et précisées à la fin du mois de mai199(*).

L'année dernière le Placss a été déposé le 16 mai, soit avant la publication par l'Insee des comptes des administrations publiques, le 31 mai. Le Gouvernement a donc dû actualiser l'article liminaire par voie d'amendement à l'Assemblée nationale.

Tel a également été le cas cette année, bien que le dépôt du présent projet de loi (le 31 mai 2024) ait coïncidé avec la publication le même jour par l'Insee des comptes des administrations publiques en 2023.

S'il résulte bien des données publiées par l'Insee le 31 mai 2024 un solde de 0,5 point de PIB (comme dans la rédaction du présent article), les données publiées le 30 août 2024 indiquent un excédent de 0,4 point de PIB. Elles conduisent en outre à des montants légèrement différents pour les recettes et les dépenses (cf. tableau ci-après).

Recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale pour les années 2020 à 2023 au sens de la comptabilité nationale

 

Données historiques (Insee)

Présent article

Insee, 30 août 2024 (comptes nationaux)

Points de PIB

milliards d'euros

Points de PIB (calculs commission*)

2020

2021

2022

2023

2023

2023

Recettes

26,5

26,6

26,9

26,7

749,0

26,5

Dépenses

28,5

27,3

26,6

26,2

737,5

26,1

Solde

-2,1

-0,8

0,3

0,5

11,5

0,4

* Sur la base du PIB en valeur (2 822,455 milliards d'euros).

Source : Insee, projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023, calculs de la commission des affaires sociales

B. Analyse de l'excédent des administrations de sécurité sociale en 2023

1. Un retour du solde des administrations de sécurité sociale à leur niveau antérieur à la crise sanitaire

Avec en 2023 un excédent de 11,5 milliards d'euros (0,4 point de PIB), les administrations de sécurité sociale, ou Asso (concept de comptabilité nationale, englobant notamment l'assurance chômage et les hôpitaux) ont un solde comparable à celui d'avant la crise sanitaire.

Le rythme d'amélioration s'est considérablement réduit en 2023, comme le montre le graphique ci-après.

Capacité de financement des administrations de sécurité sociale (Asso)

Source : Insee (comptes nationaux base 2020)

2. Un excédent qui ne traduit pas d'anomalie manifeste par rapport aux programmations qui se sont succédé depuis 2021

Le tableau et le graphique ci-après montrent l'évolution des objectifs de solde effectif et structurel pour 2023 prévus par les programmations successives.

Les objectifs de solde effectif et structurel pour 2023

1. Catégories d'administrations publiques

 

Solde effectif 2023

(en points de PIB)

Solde structurel 2023

(en points de PIB potentiel)

APU

Apuc

Apul

Asso

APU

Apuc

Apul

Asso

PS avril 2021

-4,4

-4,9

0,1

0,3

-4,1

-4,8*

0,2*

0,4*

PS juillet 2022

-5

-5,6

-0,1

0,6

-4,1

-5,3*

0,1*

1,0*

PLPFP septembre 2022 texte initial

-5

-5,6

-0,1

0,8

-4,0

-5,0

0,0

1,1

PLPFP septembre 2022 texte Sénat

-4,6

-5,5

-0,1

0,8

-3,6

-5,0

0,0

1,1

LPFP décembre 2023

-4,9

-5,4

-0,3

0,7

-4,0

-5,0

0,0

1,1

PS avril 2023

-4,9

-5,6

-0,1

0,7

-4,0

-5,3*

0,1*

1,1*

PS avril 2024

-5,5

-5,6

-0,4

0,5

-4,8

-5,4*

-0,3*

0,8*

Exécution

               

Présent article

-

-

-

0,5

-

-

-

0,7*

Insee (30 août 2024)

-5,5

-5,5

-0,4

0,4

-4,8*

-5,3*

-0,2*

0,7*

2. Administrations de sécurité sociale (Asso)

(en points de PIB et en
points de PIB potentiel)

AN : Assemblée nationale. APU : administrations publiques. Apuc : administrations publiques centrales. Apul : administrations publiques locales. Asso : administrations de sécurité sociale. LPFP : loi de programmation des finances publiques. PLPFP : projet de loi de programmation des finances publiques (modifié par le Sénat) PS : programme de stabilité. RESF : rapport économique, social et financier. PLF : projet de loi de finances.

NB : pour ne pas compliquer inutilement le tableau, les programmations des RESF annexés aux PLF ne sont pas indiquées.

* Estimation indicative réalisée par la commission des affaires sociales sur la base du PIB potentiel tel qu'estimé par le Gouvernement (retenir le PIB potentiel tel qu'estimé par la Commission européenne conduirait à un excédent structurel plus faible).

Source : Commission des affaires sociales, d'après les textes mentionnés

Comme le montre ce tableau, si l'on considère l'ensemble des administrations publiques (APU), le déficit effectif pour 2023 prévu en avril 2021 était inférieur de 1,1 point de PIB au déficit constaté (respectivement 4,4 et 5,5 points de PIB). Ce qui est plus inhabituel, le déficit a en outre été considérablement plus dégradé que prévu à l'automne de l'année concernée (4,9 points de PIB selon la LPFP de décembre 2023).

Dans le cas des administrations de sécurité sociale, le solde effectif (0,4 point de PIB) est en revanche plus excédentaire que celui prévu en avril 2021 (0,3 point de PIB). Il est toutefois moins excédentaire que celui prévu par toutes les programmations qui ont suivi, qui prévoyaient pour certaines un excédent de 0,8 point de PIB. Les prévisions ont ensuite toujours été revues à la baisse, l'excédent finalement constaté étant de seulement 0,4 point de PIB.

La commission des affaires sociales s'est efforcée, à titre indicatif, de reconstituer les hypothèses de solde structurel des administrations de sécurité sociale retenues par les programmes de stabilité200(*), et de convertir les soldes constatés en soldes structurels201(*). Comme dans le cas du solde effectif, l'excédent structurel des administrations de sécurité sociale finalement constaté (0,7 point de PIB potentiel selon l'estimation de la commission des affaires sociales, en s'appuyant sur l'estimation de PIB potentiel du Gouvernement) est en effet supérieur à celui prévu en avril 2021 (0,4 point de PIB potentiel). Il est en revanche nettement plus faible que celui des programmations qui ont suivi. En particulier, de septembre 2022 à avril 2023, les programmations du Gouvernement prévoyaient un excédent structurel de 1,1 point de PIB potentiel.

3. L'excédent est très majoritairement structurel

Le Gouvernement ne publiant pas de décomposition de l'évolution du solde des administrations de sécurité sociale en termes de soldes structurel et conjoncturel, la commission des affaires sociales s'est livrée à cet exercice. Les résultats, indicatifs, et dépendant de l'estimation du PIB potentiel (contrairement au tableau précédent, on retient par prudence l'estimation de la Commission européenne, correspondant à un PIB potentiel moins élevé202(*)), sont présentés dans le tableau ci-après.

Décomposition indicative des facteurs d'évolution du solde
des administrations de sécurité sociale de 2021 à 2023

(en points de produit intérieur brut
et de produit intérieur brut potentiel)

 

2021

2022

2023

Solde conjoncturel (niveau)

-0,3

0,1

0,0

Solde structurel (niveau)

-0,5

0,2

0,4

Total (niveau)

-0,8

0,3

0,4*

 

 

 

 

Écart par rapport à l'année précédente

1,3

1,1

0,1

Solde conjoncturel (écart)

1,4

0,4

-0,1

Solde structurel (écart)

-0,1

0,7

0,2

dont :

 

 

 

Effort structurel

-0,4

0,3

0,6

Effort structurel sur les dépenses

-0,3

0,3

0,6

Effort structurel sur les recettes

-0,1

-0,1

0,1

Évolution spontanée des recettes

0,3

0,5

-0,4

* Solde corrigé pour prendre en compte les dernières données publiées par l'Insee (le solde des Asso en 2023 est de 0,5 point de PIB selon le présent article).

NB : le solde structurel pour 2023 (0,2 point de PIB potentiel) est différent de celui indiqué par le tableau précédent (0,7 point de PIB potentiel) parce qu'on retient ici l'hypothèse d'écart de production de la Commission européenne (PIB inférieur de 0,1 point à son niveau potentiel) et non celui du programme de stabilité d'avril 2024 (PIB inférieur de 1,1 point à son niveau potentiel).

Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il en résulte que le montant arrondi d'un solde peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'Insee (exécution), les prévisions économiques d'avril 2024 de la Commission européenne (écart de production) et les rapports économiques, sociaux et financiers (Resf) pour 2022, 2023 et 2024 (mesures nouvelles sur les recettes)

Il en ressort que, sur la base de l'estimation de PIB potentiel de la Commission européenne, l'excédent de 0,4 point de PIB constaté en 2023 est de nature totalement structurelle (en retenant l'estimation de l'écart de production du programme de stabilité d'avril 2024, on aurait même un excédent structurel de 0,7 point de PIB).

Si l'on raisonne en écart par rapport à 2022, l'amélioration du solde, quasi nulle (0,1 point de PIB), résulterait de phénomènes en sens contraire :

o dans le sens d'une amélioration, l'effort structurel (correspondant à l'évolution du solde structurel dépendant de l'action du Gouvernement)203(*) serait de 0,6 point de PIB, du fait d'une croissance en valeur des dépenses (4,3 %) inférieure à la croissance en valeur du PIB potentiel (6,5 %) et de la quasi-absence de mesures sur les recettes ;

o dans le sens d'une dégradation du solde :

o les recettes rapportées au PIB diminueraient spontanément de 0,4 point de PIB (de sorte que l'effort structurel de 0,6 point de PIB correspondrait à une amélioration du solde structurel de seulement 0,2 point de PIB) ;

o l'excédent conjoncturel diminuerait de 0,1 point de PIB (passant de 0,1 point de PIB à l'équilibre), le PIB, jusqu'alors légèrement au-dessus de son niveau potentiel selon la Commission européenne, passant légèrement en dessous.

4. Un retour en trompe-l'oeil à la situation d'avant la crise sanitaire

a. Un excédent qui, comme avant la crise sanitaire, provient du solde excédentaire de la Cades

Il serait intéressant de disposer, en exécution, d'une décomposition des recettes, des dépenses et du solde des administrations de sécurité sociale (par définition au sens de la comptabilité nationale et publiés par l'Insee) entre leurs différents constituants : le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), l'Unédic, les régimes complémentaires, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), le Fonds de réserve des retraites (FRR), les organismes dépendant des administrations de sécurité sociale (Odass).

Le Sénat avait proposé, dans le cadre de l'examen de la loi organique, que telle soit la forme de l'article liminaire. Toutefois cette proposition n'a pas été retenue204(*).

On se trouve donc dans la situation paradoxale où la décomposition la plus « fine » au sens de la comptabilité nationale du solde des administrations de sécurité sociale en 2023 se trouve dans un document purement prévisionnel, le rapport économique, social et financier (Resf) annexé au projet de loi de finances pour 2024.

L'Insee publie toutefois un tableau indiquant la clé de passage du solde du régime général au solde des administrations de sécurité sociale, avec une granularité moins fine.

Les déterminants de l'évolution du solde des administrations
de sécurité sociale de 2009 à 2024

(en milliards d'euros)

Le « solde » est ici la capacité de financement au sens de la comptabilité nationale (il ne s'agit donc pas du résultat comptable ou du solde au sens des LFSS).

Dans le cas de la sécurité sociale, le périmètre retenu par l'Insee est le régime général (et non l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale).

Asso : administrations de sécurité sociale ; Cades : Caisse d'amortissement de la dette sociale ; Cnaf : Caisse nationale des allocations familiales ; Cnam : Caisse nationale de l'assurance maladie ; Cnam : Caisse nationale d'assurance vieillesse ; FRR : Fonds de réserve des retraites ; FSV : Fonds de solidarité vieillesse ; LFSS : loi de financement de la sécurité sociale ; Odass : organismes dépendant des administrations de sécurité sociale.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'Insee (comptes nationaux base 2020)

Il ressort du graphique que le solde des administrations de sécurité sociale (+ 11,5 milliards d'euros, contre + 8,2 milliards d'euros en 2022 et - 19,7 milliards d'euros en 2021) aurait été négatif sans la Cades (dont le solde a été de + 18,0 milliards d'euros205(*)). Le fort excédent de la Cades, structurel, vient du fait que les remboursements de dette ne sont considérés comme des dépenses ni par la comptabilité générale ni par la comptabilité nationale.

Les concepts utilisés pour les comptes des administrations
de sécurité sociale (Asso) et de leurs entités constitutives

Les comptes du régime général sont exprimés au sens de la comptabilité publique, similaire à une comptabilité générale d'entreprise. Ceux des autres organismes le sont habituellement au sens de la comptabilité générale.

L'Insee exprime quant à lui les comptes des administrations de sécurité sociale (Asso) selon les concepts de la comptabilité nationale (utilisée pour la mesure de l'ensemble de l'activité économique et utilisée notamment pour l'application du pacte de stabilité et de croissance). Bien qu'également en droits constatés, celle-ci implique de réaliser diverses corrections (absence de dotations aux amortissements, traitement en dépense ou en recette de certaines opérations apparaissant au bilan, correction des éventuelles incohérences relatives aux transferts entre administrations publiques, modalités différentes de prise en compte des impôts et des droits constatés...).

b. Une amélioration du solde des Asso provenant en quasi-totalité de la sécurité sociale

Le graphique ci-après, réalisé à partir du précédent, indique la contribution des différentes administrations de sécurité sociale à l'évolution du solde des administrations de sécurité sociale (Asso).

Entre 2022 et 2023, l'excédent des Asso est passé de 8,2 milliards d'euros à 11,5 milliards d'euros, ce qui représente une amélioration de 3,3 milliards d'euros.

Cette amélioration résulte de deux phénomènes en sens inverse, dont les principaux sont :

- d'une part, l'amélioration du solde de la sécurité sociale, qui dans le cas du régime général s'améliore de 8,6 milliards d'euros (le déficit passant de 18,6 à 10 milliards d'euros206(*)) ;

- d'autre part, la dégradation de 4 milliards d'euros du solde des autres assurances sociales, dont l'assurance chômage (dont l'excédent est ramené de 10,5 milliards d'euros à 6,5 milliards d'euros). L'Insee ne répartit pas cette ligne entre ses différentes composantes. Toutefois selon l'annexe 4 au Placss, le compte simplifié de l'Unédic en trésorerie se serait dégradé de 2,7 milliards d'euros (passage d'un excédent de 4,3 milliards d'euros à un excédent de 1,6 milliard d'euros).

Contribution des différentes administrations de sécurité sociale à l'évolution du solde des Asso entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Le « solde » est ici la capacité de financement au sens de la comptabilité nationale (il ne s'agit donc pas du résultat comptable ou du solde au sens des LFSS).

Dans le cas de la sécurité sociale, le périmètre retenu par l'Insee est le régime général (et non l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale).

Asso : administrations de sécurité sociale ; Cades : Caisse d'amortissement de la dette sociale ; Cnaf : Caisse nationale des allocations familiales ; Cnam : Caisse nationale de l'assurance maladie ; Cnam : Caisse nationale d'assurance vieillesse ; FRR : Fonds de réserve des retraites ; FSV : Fonds de solidarité vieillesse ; LFSS : loi de financement de la sécurité sociale ; Odass : organismes dépendant des administrations de sécurité sociale.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'Insee (comptes nationaux base 2020)

c. Une différence majeure par rapport à avant la crise sanitaire : un déficit des Robss et du FSV qui, alors presque nul, approche désormais les 10 milliards d'euros

Toutefois le retour du solde de l'ensemble des Asso à la situation d'avant la crise sanitaire ne doit pas dissimuler que la répartition des déficits et des excédents est très différente de ce qu'elle était avant la crise sanitaire.

Avant la crise sanitaire, la sécurité sociale était en léger déficit, l'excédent provenant en quasi-totalité de la Cades. Ainsi, en 2019, le régime général avait un déficit de seulement 2 milliards d'euros207(*), pour un excédent de la Cades de 15,8 milliards d'euros208(*).

Désormais, la sécurité sociale est en fort déficit, l'excédent global venant non seulement de la Cades, mais aussi - ce qui est nouveau - des autres assurances sociales. Ainsi, selon l'Insee, la ligne « Autres régimes de sécurité sociale, dont assurance chômage » a été excédentaire de 6,5 milliards d'euros en 2023209(*).

II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale

Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a rejeté le projet de loi, par une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau front populaire.

Article 1er
Approbation des tableaux d'équilibre des Robss et du FSV

Cet article a pour objet d'approuver les tableaux définitifs des Robss et du FSV de l'année 2023, dernier exercice clos.

I - Le dispositif proposé

Conformément aux dispositions du 2° de l'article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, inséré par la loi organique du 14 mars 2022, cet article tend à approuver les tableaux d'équilibre des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Il s'agit de dispositions figurant précédemment dans la première partie des LFSS (relative au dernier exercice clos), dont elles constituaient une partie de l'article premier210(*), et qui sont désormais du seul domaine des Lacss.

L'article L.O. 111-3-13 précité reprend presque intégralement les dispositions de l'article L.O. 111-3 du même code, dans sa rédaction antérieure au 1er septembre 2022. La seule différence est que désormais, il n'est plus prévu de tableaux spécifiques pour le régime général (cf. encadré).

Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale
(inséré par la loi organique du 14 mars 2022)

(extrait)

« La loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale :

[...]

2° approuve les tableaux d'équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie constatées lors de cet exercice ;

[...] ».

Pour mémoire : Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale
dans sa version antérieure au 1er septembre 2022 (extrait du A du I)

« A - Dans sa partie comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos, la loi de financement de la sécurité sociale :

1º approuve les tableaux d'équilibre par branche du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie constatées lors de cet exercice ;

[...] ».

En application de ces dispositions, le présent article prévoit l'approbation de deux tableaux d'équilibre distincts relatifs au dernier exercice clos :

- le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) ;

- le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale, cette catégorie ne comportant que le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

A. L'approbation des tableaux d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Le 1° du présent article présente le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

Celui-ci est reproduit ci-après, ainsi que les prévisions des LFSS 2023 et LFSS 2024.

Tableau d'équilibre 2023 de l'ensemble des régimes obligatoires
de base et du fonds de solidarité vieillesse : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

 

Montants

Écarts du Placss 2023 par rapport à la LFSS concernée

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

 

Placss 2023 (présent article)

     

Maladie

232,8

243,9

-11,1

 

 

 

Accidents du travail et maladies professionnelles

16,8

15,4

1,4

 

 

 

Vieillesse

272,5

275,1

-2,6

 

 

 

Famille

56,8

55,7

1,0

 

 

 

Autonomie

37,0

37,6

-0,6

 

 

 

Toutes branches (hors transferts entre branches)

598,5

610,4

-11,9

 

 

 

Toutes branches y compris Fonds de solidarité vieillesse (hors transferts entre branches ou fonds)

600,0

610,7

-10,8

 

 

 

LFSS 2024 (prévisions pour 2023)

Maladie

234,2

243,7

-9,4

-1,4

0,2

-1,7

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,2

15,3

1,9

-0,4

0,1

-0,5

Vieillesse

273,1

275,0

-1,9

-0,6

0,1

-0,7

Famille

57,0

56,0

1,0

-0,2

-0,3

0,0

Autonomie

36,8

37,9

-1,1

0,2

-0,3

0,5

Toutes branches (hors transferts entre branches)

601,0

610,5

-9,5

-2,5

-0,1

-2,4

Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse

602,2

610,9

-8,7

-2,2

-0,2

-2,1

LFSS 2023 (prévisions pour 2023)

Maladie

231,2

238,3

-7,1

1,6

5,6

-4,0

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,0

14,8

2,2

-0,2

0,6

-0,8

Vieillesse

269,7

273,3

-3,6

2,8

1,8

1,0

Famille

56,7

55,3

1,3

0,1

0,4

-0,3

Autonomie

36,2

37,4

-1,2

0,8

0,2

0,6

Toutes branches (hors transferts entre branches)

593,2

601,6

-8,4

5,3

8,8

-3,5

Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse

594,8

601,9

-7,1

5,2

8,8

-3,7

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les Placss 2023, LFSS 2023, LFSS 2024

En 2023, le déficit des Robss et du FSV a été supérieur de 3,7 milliards d'euros par rapport à la prévision de la LFSS 2023 (10,8 milliards d'euros au lieu de 7,1 milliards d'euros).

Ce supplément de déficit vient du fait que si les recettes ont été supérieures de 5,2 milliards d'euros aux prévisions (600 milliards d'euros au lieu de 594,8 milliards d'euros), le supplément de dépenses a été encore plus important, de 8,8 milliards d'euros (610,7 milliards d'euros au lieu de 601,9 milliards d'euros).

Recettes et dépenses de la sécurité sociale (Robss + FSV)

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Les principales caractéristiques de l'exécution 2023 ont été présentées supra.

Dans une perspective de plus long terme, les Robss et le FSV n'ont toujours pas retrouvé leur équilibre antérieur à la crise sanitaire (avec un déficit de seulement 1,4 milliards d'euros en 2018 et 1,7 milliards d'euros en 2019), ce qui contraste avec la situation des administrations de sécurité sociale considérées dans leur ensemble (cf. commentaire de l'article liminaire).

Recettes des Robss et du FSV : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

Dépenses des Robss et du FSV : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

Solde des Robss et du FSV : prévision et exécution

(en milliards d'euros)

Remarque : comme indiqué dans le rapport de la rapporteure générale sur le Placss 2022, les soldes pour 2020 et 2021 doivent être respectivement majoré et minoré de 5 milliards d'euros, conformément au montant figurant dans la LFSS 2023 (correction apportée par le Sénat pour prendre en compte le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2021 de la branche recouvrement, en raison d'une erreur sur l'exercice d'imputation de cotisations des indépendants). Le Gouvernement refusant de prendre en compte cette modification dans les textes ultérieurs, on retient dans le présent rapport les montants erronés figurant dans les documents annexés au PLFSS 2024 pour ne pas compliquer la comparaison des tableaux et graphiques.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les LFSS 2018 à 2024 et le Placss 2023

La quasi-totalité de l'augmentation du déficit depuis la crise sanitaire provient de l'assurance maladie, comme le montre le graphique ci-après.

Solde des différentes branches des régimes obligatoires de base

(en milliards d'euros)

Remarque : comme indiqué dans le rapport de la rapporteure générale sur le Placss 2022, les soldes pour 2020 et 2021 doivent être respectivement majoré et minoré de 5 milliards d'euros, conformément au montant figurant dans la LFSS 2023 (correction apportée par le Sénat pour prendre en compte le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2021 de la branche recouvrement, en raison d'une erreur sur l'exercice d'imputation de cotisations des indépendants). Le Gouvernement refusant de prendre en compte cette modification dans les textes ultérieurs, on retient dans le présent rapport les montants erronés figurant dans les documents annexés au PLFSS 2024 pour ne pas compliquer la comparaison des tableaux et graphiques.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les LFSS 2018 à 2024 et le Placss 2023

En effet, les dépenses de santé, après avoir augmenté lors de la crise sanitaire, n'ont pas diminué depuis211(*).

Recettes et dépenses de la branche maladie (régimes obligatoires de base)

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les LFSS 2018 à 2024 et le Placss 2023

Cette stabilisation des dépenses de la branche maladie autour de leur niveau de 2020 constitue un dérapage par rapport aux LFSS pour les années 2021 à 2024, qui toutes prévoyaient un retour des dépenses à leur trajectoire antérieure à la crise sanitaire. Ainsi, les dépenses de 2023 ont été supérieures de respectivement 4,3 milliards d'euros, 18 milliards d'euros, 14,1 milliards d'euros et 5,6 milliards d'euros aux prévisions des LFSS pour 2020, 2021, 2022 et 2023.

Les dépenses de la branche maladie (régimes obligatoires de base) :
prévision et exécution

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après LFSS 2018 à 2024 et le Placss 2023

B. Une impossibilité de certifier les comptes 2023 de la branche famille et de la Cnaf

1. Une dégradation de la qualité des comptes depuis 2020

Alors que les refus ou impossibilités de la Cour des comptes de certifier les comptes212(*) de la sécurité sociale, fréquents les premières années de la procédure de certification (mise en place en 2006), pouvaient sembler appartenir au passé, on assiste depuis l'exercice 2020 à de nouveaux refus ou impossibilités de certifier les comptes, comme le montre le tableau ci-après.

Impossibilités et refus de la Cour des comptes de certifier
les différents comptes de la sécurité sociale

 

Comptes des branches

Comptes des organismes

Maladie

AT-MP

Famille

Vieillesse

Recouvrement

Cnam

Cnaf

Cnav

Acoss

2006

 

 

Impossibilité

 

 

 

Impossibilité

 

 

2007

 

 

Impossibilité

 

Refus

 

Impossibilité

 

Refus

2008

 

 

Refus

Refus

 

 

Refus

Refus

 

2009

 

 

 

Refus

 

 

 

Refus

 

2010

 

Refus

 

 

 

 

 

 

 

2011

 

Refus

Refus

 

 

 

Refus

 

 

2012

 

Impossibilité

 

 

 

 

 

 

 

2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2016

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2020

 

 

 

 

Impossibilité

 

 

 

 

2021

 

 

 

 

Refus

 

 

 

 

2022

 

 

Refus

 

 

 

Refus

 

 

2023

 

 

Impossibilité

 

 

 

Impossibilité

 

 

Une case verte indique une certification des comptes (avec ou sans réserve).

AT-MP : accidents du travail-maladies professionnelles. Cnam : caisse nationale de l'assurance maladie. Cnaf : caisse nationale des allocations familiales. Cnav : caisse nationale d'assurance vieillesse. Acoss : agence centrale des organismes de sécurité sociale (devenue Urssaf Caisse nationale).

Source : D'après la Cour des comptes

Si la fréquence élevée des refus et impossibilités de certification de 2006 à 2012 pouvait dans une certaine mesure sembler « normale », du fait de la nouveauté du processus de certification, la dégradation observée depuis les comptes 2020 est préoccupante.

2. Les refus de certification des comptes 2021 et 2022

a. Dans le cas de l'exercice 2021, le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de l'activité de recouvrement

Dans le cas de l'exercice 2021 (faisant l'objet de la première partie de la LFSS 2023), la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de l'activité de recouvrement.

Elle a en effet considéré que, du fait des règles alors applicables en matière de droits constatés, environ 5 milliards d'euros de produits de la branche, résultant de la régularisation des cotisations dues par les travailleurs indépendants au regard des revenus 2020 qu'ils avaient déclarés en 2021, auraient dû être imputées sur 2020, et non sur 2021.

En conséquence de ce refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2021 de l'activité de recouvrement, le Parlement, à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, a modifié les tableaux d'équilibre 2021 des Robss et du régime général213(*) dans la LFSS 2023. Les produits des branches du régime général et de l'ensemble des régimes obligatoires de base ont été réduits de 5 milliards d'euros, et le déficit a été porté de 22,7 milliards d'euros à 27,7 milliards d'euros.

Le Sénat, considérant qu'il appartenait au Gouvernement d'effectuer les coordinations dans le cadre de la navette214(*), n'a pas effectué les coordinations nécessaires, consistant à majorer les recettes, produits, soldes et résultats de 5 milliards d'euros en 2020 et à les minorer de 5 milliards d'euros en 2021. Le Gouvernement, opposé à la correction demandée par la Cour des comptes, n'a pas réalisé ces coordinations. Par ailleurs, la LFRSS 2023 reprend les soldes non corrigés.

Comme le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans sa décision n° 2022-845 DC, le « vrai » déficit est celui figurant à l'article 1er (corrigé par le Parlement) de la LFSS 2023, et non celui figurant à l'annexe A de cette même LFSS.

Les résultats de l'exercice 2020 n'ont été modifiés dans aucun document législatif ou comptable.

Comme la Cour des comptes le déplore dans son rapport de certification des comptes 2022, les organismes nationaux du régime général et leurs tutelles n'ont pas accédé à sa demande d'établir, dans le cadre des comptes 2022, des comptes pro forma de l'exercice 2021 prenant en compte cette correction215(*).

En outre, bien que l'Assemblée nationale ait voté le PLFSS 2023 avec son article 1er tel que modifié par le Sénat, la rapporteure générale de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, dans son rapport sur le Placss 2022, évoquait des « divergences d'interprétation avec l'Assemblée nationale, qui n'avait pas fait cette modification en première lecture ».

La rapporteure générale prend acte de cette position. Elle persiste toutefois à considérer que l'analyse de la Cour des comptes est fondée. Au-delà du cas d'espèce, elle estime qu'il serait de bonne pratique que le Parlement considère que la Cour des comptes dispose de l'expertise en matière de certification comptable, et effectue les corrections nécessaires lors de l'approbation des comptes.

b. Dans le cas de l'année 2022, le refus de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf

Dans le cas de l'exercice 2022, qui fait l'objet du Placss 2022, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf.

Elle justifie ce refus par les insuffisances en matière de maîtrise des risques, c'est-à-dire en particulier de paiement aux assurés des montants qui leur sont effectivement dus (ce qu'on appelle le « paiement à bon droit »).

Ce refus de certification provenait notamment de la forte augmentation de la proportion de paiements erronés depuis les comptes 2018. En effet, les comptes sont établis sur la base non des encaissements et des décaissements (qui peuvent ne pas correspondre aux sommes réellement dues), mais des dettes et des créances effectives, ce dont il résulte qu'un paiement erroné entraîne une fausseté des comptes. Cela explique que la Cour des comptes s'intéresse dans le cadre de la certification des comptes à ce qui pourrait a priori sembler relever de considérations de bonne gestion ou d'efficacité.

En conséquence notamment de ce refus de certification, le 3 juillet 2023, le Sénat a adopté une motion de sa commission des affaires sociales tendant à opposer la question préalable.

3. L'impossibilité de certifier les comptes 2023 de la branche famille et de la Cnaf, un « progrès » par rapport au refus de certifier les comptes 2022

Dans son rapport de certification des comptes 2023 de la sécurité sociale, la Cour des comptes a émis une impossibilité de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), en raison notamment du maintien d'un montant élevé de prestations erronées216(*).

Il s'agit d'un « progrès » par rapport aux comptes 2022 de la branche famille et de la Cnaf, que la Cour avait refusé de certifier. On rappelle qu'un refus de certification se distingue d'une « simple » impossibilité de certifier en ceci qu'il correspond à l'affirmation, par le certificateur, de l'inexactitude des comptes.

Cette impossibilité de certifier est présentée plus en détails supra.

C. L'avis de la Cour des comptes sur les tableaux d'équilibre

En application de l'article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes a émis un avis (comme d'habitude publié dans le Ralfss) sur les tableaux d'équilibre figurant au présent article.

Cet avis comprend deux observations (cf. encadré) :

- l'observation 1, relative à la fiabilité des comptes, concerne notamment l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille (cf. supra, première partie, II. A) ;

- l'observation 2, relative aux contractions de produits et de charges, est reconduite chaque année par la Cour.

Par rapport à l'avis sur les comptes de 2022, deux observations ont été supprimées :

- l'ex-observation 1, relative aux délais de production des comptes ;

- l'ex-observation 2, relative à la réduction de l'information du Parlement.

La suppression de ces deux observations ne signifie pas que les problèmes correspondants ont été résolus.

L'ex-observation 1 constituait un doublon avec la recommandation correspondante du Ralfss. Ainsi, la recommandation n° 1 du Ralfss de mai 2024 consiste à « avancer de dix jours la date de production des comptes provisoires et définitifs » (cf. supra, première partie, II.C.).

La suppression de l'ex-observation 2 correspond à un abandon de sa demande par la Cour des comptes. On rappelle qu'il s'agit de rétablir en annexe au Placss des informations sur les tableaux d'équilibre et la situation patrimoniale, qui désormais ne figurent plus qu'en annexe au rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Comme indiqué supra (première partie, II.B.3), la commission des affaires sociales, tout en soutenant la préconisation faite il y a un an, prend acte de cette non-reconduction par la Cour des comptes, considérant que c'est un enjeu relativement mineur.

Avis de la Cour des comptes sur les tableaux d'équilibre
au 31 décembre 2023

« En application de l'article LO. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, auquel renvoie l'article LO. 132-3 du code des juridictions financières, la Cour a procédé à des vérifications sur les tableaux d'équilibre de l'exercice 2023 établis par la DSS, qui seront soumis à l'approbation du Parlement dans le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité et sociale pour l'année 2023.

À l'issue de ces vérifications dans les délais contraints d'examen des comptes et sur le fondement des éléments d'information qui lui ont été communiqués par la direction de la sécurité sociale, la Cour estime que les tableaux d'équilibre précités fournissent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde qui en découle au regard des comptes arrêtés par les entités relevant de leurs périmètres respectifs. Elle formule néanmoins les observations suivantes :

1. des faiblesses persistantes des dispositifs de contrôle interne et des difficultés comptables continuent à affecter la fiabilité des comptes retracés dans les tableaux d'équilibre pour l'exercice 2023, comme le soulignent le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour l'exercice 2023 et les rapports d'opinion des commissaires aux comptes de la Mutualité sociale agricole (MSA), du FSV et de l'établissement national des invalides de la marine (Énim) pour ce même exercice [...] ;

2. les tableaux d'équilibre sont établis en procédant à des contractions de produits et de charges non conformes au cadre fixé par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale pour l'établissement des comptes annuels [...]. »

Source : Cour des comptes, Ralfss de mai 2024

II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale

Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a rejeté le projet de loi, par une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau front populaire.

Article 2
Approbation des dépenses constatées relevant de l'Ondam,
des recettes affectées au FRR, des recettes mises en réserve par le FSV
et du montant de la dette amortie par la Cades

Cet article propose d'approuver les dépenses constatées relevant de l'Ondam, les recettes affectées au FRR, les recettes mises en réserve par le FSV et le montant de la dette amortie par la Cades.

I - Le dispositif proposé

Conformément aux dispositions des 2° et 3° de l'article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, inséré par la loi organique du 14 mars 2022, cet article tend à approuver les dépenses constatées relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), les recettes affectées au Fonds de réserve des retraites (FRR), les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

Ces dispositions figuraient jusqu'alors dans les premières parties des PLFSS, dont elles constituaient une partie de l'article premier217(*).

Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale

(inséré par la loi organique du 14 mars 2022)

(extrait)

« La loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale :

[...]

2° approuve les tableaux d'équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie constatées lors de cet exercice ;

3° approuve, pour ce même exercice, les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base [le Fonds de réserve des retraites (FRR)] et aux organismes concourant au financement de ces régimes [le Fonds de réserve des retraites] et les montants correspondant à l'amortissement de leur dette [la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)] ;

[...] ».

A. Les dépenses relevant du champ de l'Ondam

Le 1° du présent article indique le montant en 2023 des dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), soit 247,8 milliards d'euros.

1. En 2023, un nouveau dépassement de l'Ondam initial, à hauteur de 3,7 milliards d'euros

a) Malgré des révisions par deux fois au cours de l'année 2023...

La loi de financement pour 2023218(*) a fixé l'Ondam 2023 à 244,1 milliards d'euros.

Après une prévision en loi de financement à hauteur de 244,1 milliards d'euros confirmée, la loi de financement rectificative pour 2023219(*) a révisé l'Ondam 2023 à 244,8 milliards d'euros au printemps 2023, soit une augmentation de 700 millions d'euros.

Le Gouvernement a procédé à une seconde révision à l'automne, par la loi de financement pour 2024220(*), relevant l'Ondam de 2,8 milliards d'euros, à 247,6 milliards d'euros.

Au total, la révision aura été sur l'année de 3,5 milliards d'euros, soit 1,4 %.

b) ... Un dépassement à l'exécution à hauteur de 200 millions d'euros à la dernière révision

Le projet de loi d'approbation des comptes présente une exécution de l'Ondam à hauteur de 247,8 milliards d'euros.

Malgré deux révisions dont une en fin d'exercice, l'Ondam exécuté montre donc un dépassement de 200 millions d'euros au montant voté en LFSS 2024 et 3,7 milliards d'euros à la prévision initialement votée en LFSS 2023.

Prévisions et exécution de l'Ondam 2023

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 3 au Placss

En outre, il convient de signaler que l'Ondam 2023, qui était en LFSS 2023 attendu inférieur d'1,8 milliard d'euros à l'Ondam 2022 du fait de l'extinction de dépenses de crise, a finalement montré une exécution supérieure de 600 millions d'euros à l'Ondam 2022.

Ainsi, comme l'indique l'annexe 3, si l'Ondam a progressé en 2023 de 0,3 %, la progression est sur l'année de 4,8 % hors effets de la crise sanitaire.

Pour rappel, la commission avait estimé lors du PLFSS 2023 le respect de l'Ondam « très compromis »221(*). Surtout, à l'initiative de la commission, qui considérait l'Ondam 2023 « ni crédible, ni sincère »222(*), le Sénat avait, en séance publique, rejeté l'article fixant l'Ondam 2023. Force est malheureusement de constater que les réserves de la commission étaient fondées.

L'exercice 2023 marque ainsi la quatrième année consécutive de dépassement de l'Ondam, tant initial que révisé en LFSS de l'année suivante, après un dépassement de 10,4 milliards d'euros en 2022 par rapport à la prévision initiale.

Si ce dépassement est bien inférieur aux dépassements constatés lors des derniers exercices, il convient de rappeler que l'Ondam a été, sur plus d'une décennie, un instrument de régulation respecté.

c) Un rythme de progression particulièrement élevé

Comme cela avait déjà été souligné l'an passé, les dépassements successifs conjugués à des trajectoires initiales déjà dynamiques ont produit un effet d'emballement de l'Ondam sur les dernières années.

Surtout, il apparaît particulièrement important de souligner le cumul de facteurs de progression non maîtrisés, avec la comparaison des différentes trajectoires présentées par le Gouvernement en annexe au Placss.

Ainsi, la trajectoire « hors Ségur, hors crise, hors point d'indice, hors inflation exceptionnelle » montre un écart de 21,8 milliards d'euros en 2023, soit 8,8 %, par rapport à l'exécution réelle.

Taux d'évolution de l'Ondam en 2021, 2022 et 2023

Source : Annexe 3 au Placss 2023.

Aussi, s'il peut être théoriquement intéressant d'analyser des trajectoires hypothétiques qu'aurait pu connaître l'Ondam sans les circonstances réelles, le seul sujet pertinent est bien celui des dépenses effectivement constatées. En définitive, le Gouvernement semble s'être résigné à ce que l'Ondam ne suive plus de trajectoire maîtrisée et cherche, année après année, à présenter une hypothèse montrant un taux d'évolution acceptable. Cette présentation devient difficilement tenable avec de tels écarts entre les trajectoires réelles et hors facteurs.

Surtout, il convient de constater le rythme d'évolution particulièrement soutenu de l'Ondam, y compris sur la trajectoire « tous effets retranchés », avec une moyenne sur 2019-2023 à 2,8 % de progression annuelle, soit supérieure au rythme ciblé sur la décennie passée autour de 2,3 % annuels.

Enfin, tous facteurs retenus, la trajectoire de l'Ondam représente une progression annuelle de 5,2 % sur la période, conduisant entre 2019 et 2023 à une augmentation de 47,5 milliards d'euros du montant de l'Ondam.

2. Un dépassement principalement lié au contexte inflationniste

Le dépassement de l'Ondam 2023 se constate sur les deux plus gros sous-objectifs, relatifs aux soins de ville et aux établissements de santé, ainsi que, pour un montant bien moindre, sur le sous-objectif relatif au fonds d'intervention régionale.

Les deux sous-objectifs médico-sociaux sont eux en sous-exécution par rapport à la dernière révision en LFSS 2024.

Ondam 2023 initial, révisé et constaté, par sous-objectifs

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 3 au Placss.

a) Une majoration des dépenses globalement portées par le contexte inflationniste

Le Gouvernement estime à 4,8 milliards d'euros l'augmentation des dépenses liée à l'inflation exceptionnelle constatée depuis 2022.

Le soutien aux établissements sanitaires et médico-sociaux face aux charges non salariales liées à l'inflation a ainsi fait l'objet d'une enveloppe nouvelle de 0,8 milliard d'euros, s'ajoutant au même montant financé en 2022. Cette enveloppe vise ainsi à couvrir l'augmentation des dépenses d'énergie, de restauration et de produits de santé notamment.

Les dépenses majorées intègrent en outre la prise en charge des revalorisations des personnels avec :

- l'extension en année pleine de la hausse du point d'indice du 1er juillet 2022, pour 1,4 milliard d'euros de plus en 2023 ;

- de nouvelles mesures prises en juin 2023 avec une hausse du point d'indice et l'attribution de points supplémentaires ou encore des hausses pour les bas salaires ou primes de pouvoir d'achat, l'ensemble représentant 1,6 milliard d'euros.

Un soutien supplémentaire a été apporté en fin d'exercice aux établissements à l'activité en progression en 2023, pour 0,5 milliard d'euros.

Enfin, le contexte inflationniste a conduit à une hausse sensible des indemnités journalières, de 4,5 % en 2023 contre 1 % par an avant 2022, pour un coût de 0,5 milliard d'euros.

b) Des dépassements sensibles des prévisions initiales pour les soins de ville et l'hôpital

Le sous-objectif relatif aux soins de ville a été supérieur d'1,4 milliard d'euros en exécution par rapport à la prévision initiale. Les dépenses sont en progression de 3,8 % par rapport à 2022.

Il montre un léger dépassement à la prévision de fin d'année. Alors que la dynamique relative aux indemnités journalières est finalement moindre qu'attendu, les dépenses de prestations sont, elles, plus fortes que plus fortes, principalement du fait d'une évolution conjoncturelle.

Le sous-objectif relatif aux établissements de santé a lui été supérieur de 2,2 milliards d'euros en exécution par rapport à la prévision initiale. Les dépenses sont en progression de 5,6 % par rapport à 2022.

En fin d'exercice, le sous-objectif a été dépassé à hauteur de 0,4 milliard d'euros.

La situation du sous-objectif s'inscrit dans le contexte particulier de la fin d'année 2023 avec une sous-consommation marquée des crédits au titre des tarifs - et donc de l'activité hospitalière.

Si l'activité dans le champ « médecine, chirurgie, obstétrique » (MCO) a dépassé en 2023 le niveau de 2019, cette trajectoire cache en réalité des dynamiques très différentes entre établissements.

Les établissements publics et privés d'intérêt collectif conservent ainsi un niveau inférieur à l'activité constatée avant la crise sanitaire et une progression de 2,3 %, bien en-deçà de la progression des établissements privés lucratifs à 4,6 %.

Évolution de l'activité hospitalière entre 2017 et 2023

Source : Direction de la sécurité sociale, en réponse au questionnaire de la rapporteure

Ainsi, face à cette situation, après le dégel des mises en réserve décidé en décembre 2023 et évalué à 0,2 milliard d'euros, il a été décidé en fin de campagne tarifaire et budgétaire des aides exceptionnelles de soutien à l'activité, à hauteur de 0,5 milliard d'euros, lesquelles se sont ajoutées à la restitution de la sous-exécution de la part tarif, représentant également 0,5 milliard d'euros.

c) Des dépenses maîtrisées sous la prévision pour le médico-social, le FIR et les autres prises en charge

Les dépenses des deux sous-objectifs médico-sociaux sont en très légère sous-exécution en fin d'exercice par rapport à une prévision rehaussée en LFSS 2024, et sensiblement conformes à la prévision initiale.

De leur côté, les sous-objectifs relatifs au FIR, à l'investissement ou à d'autres prises en charge et au financement d'opérateurs, sont conformes à la prévision de la LFSS 2024. Le Gouvernement signale cependant un léger dépassement lié aux dotations aux fonds du fait d'une dynamique de dépenses des projets innovants au titre de « l'article 51 ».

d) Une dynamique des dépenses de produits de santé

En 2023 encore, les produits de santé conservent une dynamique particulièrement soutenue : les dépenses remboursées brutes progressent ainsi de 7,8 % et, après déduction des remises et de la clause de sauvegarde, suivent, nettes, une augmentation de 2,4 %.

Ce taux d'évolution des dépenses nettes est, souligne le Gouvernement, conforme aux engagements pris dans le cadre du conseil stratégique des industries de santé (CSIS).

La dynamique propre aux médicaments est de 1,5 % après déduction des remises et de la clause de sauvegarde, soit un rythme inférieur à la moyenne 2019-2023 mais s'inscrivant dans les taux de croissance constatés depuis 2017 avec l'entrée sur le marché de nouvelles molécules innovantes.

Les dispositifs médicaux connaissent eux une croissance en rebond à 4,8 %, avec une moyenne 2019-2023 à 3,7 %.

e) Un dépassement de fin d'exercice expliqué en partie par des dépenses liées à la crise sanitaire

Les dépenses issues de l'épidémie de covid-19 ou « surcoûts bruts » liés à la crise sanitaire et analysés depuis 2020 se sont élevées en 2023 à 1,1 milliard d'euros, soit un montant substantiellement inférieur aux précédents exercices - encore 11,7 milliards d'euros en 2022.

Pour l'essentiel, ces dépenses portent sur le financement à Santé publique France des vaccins et traitements (0,4 milliard d'euros) ou la réalisation de tests diagnostiques (0,4 milliard d'euros également) en ville.

Le montant constaté dépasse de 100 millions d'euros la prévision.

Constatant les lacunes persistantes d'information du Parlement concernant le suivi des dépenses au cours de l'exécution budgétaire, la commission insiste sur l'importance d'une information infra-annuelle régulière et fiable.

La capacité du comité d'alerte à évaluer de manière fine les risques de dérapages est cruciale, de même que la possibilité pour l'instance d'accéder aux données en temps réel et à signaler, y compris hors des avis périodiques prévus, les conséquences de mesures nouvelles ou les effets inattendus d'un contexte économique ou social changé.

Enfin, comme elle le fait depuis 2020, la commission estime indispensable la transmission d'information en cours d'exercice voire, dans certains cas, le dépôt de textes rectificatifs en cours d'exercice, sans attendre le PLFSS de l'année suivante lorsque que les conditions de l'équilibre général sont appelées à être remises en cause.

En tout état de cause, un rehaussement sensible de l'Ondam anticipé avant la fin du premier semestre de l'année appelle à un dialogue renforcé entre le Gouvernement et les commissions des affaires sociales

B. Les autres montants indiqués par le présent article

1. Les recettes (nulles) affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

Le 2° du présent article indique le montant (nul) des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour 2023. Ce montant est nul chaque année depuis 2011.

Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

Le FRR a été créé par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

L'objectif initial, affirmé par l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, était de « contribuer à la pérennité des régimes de retraite » (régime général et FSV). Ses ressources affectées (prévues par l'article L. 135-7 du même code) et divers abondements ont permis aux réserves d'atteindre le montant de 31,38 milliards d'euros en 2010.

La crise des dettes souveraines a toutefois conduit la LFSS 2011 à réaffecter ces ressources à la Cades et au FSV et à modifier l'article L. 135-6 précité, pour prévoir que de 2011 à 2024, « le fonds verse chaque année, au plus tard le 31 octobre, 2,1 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale afin de participer au financement des déficits, au titre des exercices 2011 à 2018, [de la Cnav et du FSV] ».

En conséquence de la crise sanitaire, la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a à nouveau modifié l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, qui prévoit désormais que de 2025 à 2033, le FRR versera chaque année à la Cades, dans la limite de ses réserves et de la durée nécessaire à l'apurement de la dette afférente aux déficits de la branche vieillesse du régime général, 1,45 milliards d'euros au titre du financement de l'amortissement de cette dette résultant des exercices postérieurs à 2018.

2. Les recettes (nulles) mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Le 3° du présent article indique le montant (nul) des recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

L'exercice 2022 a vu le retour à une situation d'excédent du FSV (ce qui ne s'était pas produit depuis 2009), avec un résultat net de 1,3 milliard d'euros (contre - 1,5 milliard d'euros en 2021, - 2,5 milliards d'euros en 2020 et - 1,6 milliards d'euros en 2019).

Un excédent a de nouveau été observé en 2023, de 1,1 milliard d'euros.

Ce résultat s'explique par la baisse du nombre de chômeurs (les prises en charge de cotisations au titre des périodes assimilées de chômage constituant près des deux tiers des charges de l'établissement223(*)) et la dynamique des recettes.

3. Le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

Le 4° du présent article propose l'approbation du montant de la dette amortie par la Cades en 2022, soit 18,3 milliards d'euros.

L'amortissement est égal à la différence entre le produit net des ressources affectées et le montant de ses frais financiers nets.

Il correspond au résultat de la Cades. En effet, les achats de dette ne constituent pas des dépenses au sens de la comptabilité générale (ni de la comptabilité nationale).

Montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les LFSS et le présent projet de Lacss

Les produits et les charges de la caisse se sont élevés à respectivement 21,3 milliards d'euros et 3,0 milliards d'euros, d'où un bénéfice de 18,3 milliards d'euros.

II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale

Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a rejeté le projet de loi, par une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau front populaire.

Article 3
Approbation du rapport annexé sur les excédents ou déficits
de l'exercice 2023 et le tableau patrimonial (annexe)

Cet article propose d'approuver le rapport annexé à la future Lacss sur la situation patrimoniale et les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits.

I - Le dispositif proposé

A. Un rapport qui, selon la lettre de la loi organique, devrait constituer une annexe au Placss (et non à la future Lacss)

Conformément aux dispositions du 4° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, cet article approuve le rapport sur la situation patrimoniale (c'est-à-dire le bilan) des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), du Fonds de réserve des retraites (FRR) et de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), et sur les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits.

Ces dispositions figuraient jusqu'alors dans la première partie des PLFSS, dont elles constituaient l'article 2 et l'annexe A (correspondant au rapport).

Il faut toutefois souligner que, d'un point de vue formel, selon la lettre des articles L.O. 111-4-4 et L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale (cf. encadré), le rapport devrait être annexé non à la future loi (comme le prévoit le présent article), mais au projet de loi lui-même (comme les sept annexes actuelles au projet de loi).

Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale

(inséré par la loi organique du 14 mars 2022)

(extrait)

« La loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale :

[...]

4° approuve le rapport mentionné au 2° de l'article L.O. 111-4-4. »

Article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale

« Sont jointes au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :

[...]

2° comportant un rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation des tableaux d'équilibre relatifs au dernier exercice clos. Ce rapport présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;

[...]. »

B. La situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2023

1. Vue d'ensemble

Le tableau patrimonial consolide l'ensemble des bilans des régimes et organismes compris dans son périmètre, qui comprend le régime général et quinze autres régimes, les organismes concourant à leur financement (FSV), à l'amortissement de leur dette (Cades) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit (FRR).

Le tableau ci-dessous synthétise les principales lignes du bilan.

Principales lignes du bilan des Robss, du FSV, de la Cades et du FRR

(en milliards d'euros)

Actif

2023

2022

2021

2020

Passif

2023

2022

2021

2020

Immobilisations

7,3

7,3

7,3

7,3

Fonds propres

-92,2

-99,2

-93,5

-86,7

Actif financier

60,6

57,1

63,9

68,1

Passif financier

174,0

179,8

179,2

178,8

Actif circulant

109,3

106,9

108

101,6

Passif circulant

78,1

73,7

72

64,1

Total de l'actif

177,2

171,3

179,2

177

Total du passif

177,2

171,3

179,2

177

NB : Les comptes 2020 et 2021 ne tirent pas les conséquences de la correction apportée par le Parlement aux comptes 2021 dans le cadre de l'examen du PLFSS 2023 (cf. commentaire de l'article 2).

Source : D'après le présent article et l'article 3 du Placss 2022

Ainsi, le bilan de la sécurité sociale en 2023 est de 177,2  milliards d'euros (à comparer à 1 294 milliards d'euros pour l'État).

Du côté de l'actif, l'actif financier consiste essentiellement en des valeurs mobilières (majoritairement détenues par le FRR) et en des encours bancaires ; l'actif circulant correspond essentiellement à des produits à recevoir de cotisations et contributions sociales.

Du côté du passif, le passif financier correspond très majoritairement à la dette de la Cades (150,9 milliards d'euros) ; et le passif circulant, aux dettes et charges à payer à l'égard des bénéficiaires des prestations.

Le passif net (ou « dette ») de la sécurité sociale, mesuré par ses fonds propres négatifs, et qui recouvre pour l'essentiel le cumul des déficits passés restant à financer, était de 92,9 milliards d'euros au 31 décembre 2023, en légère diminution par rapport à 2022 (99,2 milliards d'euros).

2. L'avis de la Cour des comptes sur la cohérence du tableau patrimonial

En application du 2° de l'article LO. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes a émis un avis sur « la cohérence du tableau patrimonial du dernier exercice clos » dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Cet avis comprend une unique observation, relative à la fiabilité des comptes. Elle concerne notamment l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille (cf. supra, première partie, II.A). Cette observation figurait également dans l'avis relatif au tableau patrimonial de 2022.

Les deux autres observations de l'avis sur le tableau relatif à 2022 ont été supprimées, par cohérence avec les observations analogues relatives aux tableaux d'équilibre (cf. supra le commentaire d'article 1er, I.C) :

- l'ex-observation 1, relative aux délais de production des comptes ;

- l'ex-observation 2, relative à la réduction de l'information du Parlement.

Avis de la Cour des comptes sur la cohérence
du tableau patrimonial au 31 décembre 2023

« En application du 2° de l'article LO. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, auquel renvoie l'article LO. 132-3 du code des juridictions financières, la Cour a procédé à des vérifications sur le projet de tableau de situation patrimoniale au 31 décembre 2023 établi par la DSS, qui figurera dans le rapport soumis à l'approbation du Parlement dans le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023, ainsi que sur les éléments d'information qui lui ont été transmis.

À l'issue de ses vérifications, la Cour estime que le tableau de situation patrimoniale précité fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2023 qui en découle au regard des comptes arrêtés par les entités dans leurs périmètres respectifs. Elle formule à cet égard l'observation suivante :

1. la fiabilité des données comptables intégrées au tableau de situation patrimoniale au 31 décembre 2023 a un caractère variable et présente dans certains cas des insuffisances, comme le soulignent les opinions exprimées par la Cour sur les comptes de l'activité de recouvrement et des branches du régime général de sécurité sociale et celles des commissaires aux comptes de la Cades, de la MSA, du FSV, de la CNAVPL et de l'Énim. [...] »

Source : Cour des comptes, Ralfss de mai 2023

C. La couverture des déficits constatés sur l'exercice 2023

L'annexe au texte du Placss224(*) décrit « les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation des tableaux d'équilibre relatifs au dernier exercice clos ».

Comme le souligne cette annexe, certains régimes présentent par construction des résultats annuels équilibrés ou très proches de l'équilibre et n'appellent par construction aucune mesure de ce type225(*).

S'agissant des déficits, l'annexe indique que le décret n° 2024-176 du 6 mars 2024 a organisé des versements de la Cades, intervenus en 2024, au bénéfice de la branche maladie du régime général, à hauteur de 8,8 milliards d'euros.

Comme la commission a eu maintes fois l'occasion de le souligner, en l'état actuel du droit aucun nouveau transfert de dette à la Cades n'est possible, ce qui pose la question des modalités de financement de la dette sociale. Il ne paraît en effet pas envisageable de laisser la dette sociale s'accumuler à l'Acoss, qui ne peut s'endetter qu'à court terme.

II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale

Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a rejeté le projet de loi, par une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau front populaire.

LEXIQUE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES

ACE

Actes et consultations externes

Acoss

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (devenue Urssaf Caisse nationale)

Agirc

Association générale des institutions de retraite des cadres

APA

Allocation personnalisée d'autonomie

APU

Administrations publiques

Apuc

Administrations publiques centrales

Apul

Administrations publiques locales

Arrco

Association des régimes de retraite complémentaire

ARS

Agence régionale de santé

Aspa

Allocation de solidarité aux personnes âgées

Aspa

Allocation de solidarité aux personnes âgées

Asso

Administrations de sécurité sociale

ASV

Allocation supplémentaire du minimum vieillesse

AT-MP

Accidents du travail - Maladies professionnelles

AVP

Aide à la vie partagée

BAD

Branche de l'aide à domicile

CAS

Commission des affaires sociales

Casa

Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie

CCNE

Comité consultatif national d'éthique

CCSS

Commission des comptes de la sécurité sociale

CDAPH

Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées

CDI

Contrat en durée indéterminée

CDRCO

Complément différentiel de points de retraite complémentaire

CH

Centre hospitalier

CHU

Centre hospitalier universitaire

CJF

Code des juridictions financières

CLCC

Centre de lutte contre le cancer

CME

Commission médicale d'établissement

Cnaf

Caisse nationale des allocations familiales

Cnaf

Caisse nationale des allocations familiales

Cnam

Caisse nationale d'assurance maladie

Cnav

Caisse nationale d'assurance vieillesse

CNGE

Collège national des généralistes enseignants

Cnil

Commission nationale de l'informatique et des libertés

CNSA

Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

CNSA

Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

CPAM

Caisse primaire d'assurance maladie

CPTS

Communautés professionnelles territoriales de santé

CSA

Contribution de solidarité pour l'autonomie

CSG

Contribution sociale généralisée

CSS

Code de la sécurité sociale

DES

Diplôme d'études spécialisées

DG

Dotation générale

DGESIP

Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle

DGOS

Direction générale de l'offre de soins

DGS

Direction générale de la santé

Dares

Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques

Drees

Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques

DSP

Dispositif de suivi personnalisé

DSS

Direction de la sécurité sociale

EAJE

Établissement d'accueil du jeune enfant

EIR

Échantillon inter-régimes

Fcaata

Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante

FHF

Fédération hospitalière de France

Fiva

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

FRR

Fonds de réserve des retraites

FSV

Fonds de solidarité vieillesse

FSV

Fonds de solidarité

HAD

Hospitalisation à domicile

HCFP

Haut Conseil des finances publiques

HCSP

Haut Conseil de la santé publique

HProx

Hôpitaux de proximité

Igas

Inspection générale des affaires sociales

IGF

Inspection générale des finances

Insee

Institut national de la statistique et des études économiques

ISNI

Intersyndicale nationale des internes

ISNAR-IMG

Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale

Lacss

Loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale

LFRSS

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale

LFSS

Loi de financement de la sécurité sociale

LO

Loi organique

LOLF

Loi organique relative aux lois de finances

LPFP

Loi de programmation des finances publiques

LRG

Loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes

M€

Million d'euros

MCO

Médecine, chirurgie, obstétrique

Md€

Milliard d'euros

MDPH

Maison départementale des personnes handicapées

Mecss

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale
(au sein de chacune des deux commissions des affaires sociales)

Mico

Minimum contributif

MSP

Maisons de santé pluriprofessionnelles

MSU

Maître de stage universitaire

Odac

Organismes divers d'administration centrale

Odass

Organismes dépendant des assurances de sécurité sociale

Ondam

Objectif national de dépense d'assurance maladie

PCH

Prestation de compensation du handicap

PIB

Produit intérieur brut

Placss

Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale

PLF

Projet de loi de finances

PLFRSS

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale

PLFSS

Projet de loi de financement de la sécurité sociale

PLPFP

Projet de loi de programmation des finances publiques

PLRG

Projet de LRG

PMR

Pension majorée de référence

Ralfss

Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (rapport annuel de la Cour des comptes)

Repss

Rapport d'évaluation de politiques de sécurité sociale (annexés au Placss)

Resf

Rapport économique, social et financier (annexé au PLF)

Robss

Régimes obligatoires de base de sécurité sociale

RSA

Revenu de solidarité active

RSA

Revenu de solidarité active

SAD

Services autonomie à domicile

Saspa

Service de solidarité aux personnes âgées

SMR

Soins médicaux et de réadaptation

SMA

Sécurisation modulée à l'activité

SNDS

Système national des données de santé

SPDA

Service public départemental de l'autonomie

SSR

Soins de suite et de réadaptation

T2A

Tarification à l'activité

UFR

Unité de formation et de recherche

UNA

Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles

Unédic

Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce

Urssaf

Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales

ANNEXE : LES PROJETS DE LOI D'APPROBATION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

La loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, résultant d'une proposition de loi organique de Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, et s'inspirant largement sur ce point de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) du 26 mars 2021 de Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, a créé une nouvelle catégorie de lois de financement de la sécurité sociale : les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss)226(*).

L'instauration d'une « loi de résultats pour la sécurité sociale » était également préconisée en 2021 par le rapport227(*) de la commission pour l'avenir de nos finances publiques, présidée par l'ancien sénateur Jean Arthuis.

Les Lacss correspondent, schématiquement, à l'ancienne première partie des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), examinée à l'automne.

I. L'OBLIGATION DE DÉPÔT DU PLACSS AVANT LE 1ER JUIN

En application de l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale, le projet de Lacss (Placss) est déposé « avant le 1er juin ».

Il s'agit d'une évolution majeure du calendrier des LFSS. En effet, jusqu'à l'exercice 2021, les comptes d'une année n étaient approuvés par le Parlement en même temps que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l'année n+2, examiné à l'automne, dont ils constituaient la première partie.

II. INSTAURER UN « CHAÎNAGE VERTUEUX » ENTRE PLACSS ET PLFSS

L'instauration des Lacss doit permettre un « chaînage vertueux » entre le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) sur l'année n-1, examiné au printemps, et le PLFSS pour l'année n+2, examiné à l'automne228(*). Il s'agit en effet d'examiner non seulement les comptes, mais aussi l'efficacité et l'efficience des politiques, dans la perspective de l'examen du prochain PLFSS.

A. UN EXAMEN DU PLACSS JURIDIQUEMENT NÉCESSAIRE À LA MISE EN DISCUSSION DU PLFSS SUIVANT

C'est pour favoriser ce « chaînage vertueux » que, selon l'article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale, « le projet de loi de financement de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant l'adoption de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale afférente à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de financement ».

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2022-836 DC du 10 mars 2022 sur la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, a précisé qu'il suffisait, pour que cette disposition soit satisfaite, que le Placss ait été examiné par l'assemblée concernée229(*).

B. UNE ANTICIPATION DE LA PUBLICATION DU RAPPORT SUR L'APPLICATION DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DE LA COUR DES COMPTES

Toujours pour permettre un « chaînage vertueux » entre Placss et PLFSS, le code des juridictions financières, dans sa rédaction issue de la loi organique du 14 mars 2022, prévoit que le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, quand les commissions des affaires sociales étaient fortement sollicitées par l'examen du PLFSS, est désormais « conjoint au dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale »230(*).

Le Parlement pourra ainsi interroger les ministres et les autres responsables publics sur les analyses et recommandations de la Cour, en amont de l'examen du PLFSS.

III. LA SÉCURITÉ SOCIALE DANS LE PROCESSUS D'APPROBATION DES COMPTES PUBLICS ET D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Le deuxième trimestre correspond désormais, non seulement pour l'État, mais aussi pour la sécurité sociale, à ce que l'on pourrait appeler un « trimestre de l'exécution et de l'évaluation ».

La séquence commence par l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) relatif au solde structurel des administrations publiques (APU) présenté dans le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (PLRG)231(*). Selon l'article 62 de la LOLF232(*), si ce solde structurel est supérieur de plus de 0,5 point de PIB potentiel233(*) à celui prévu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), le Gouvernement en « tient compte » au plus tard dans le prochain PLF ou PLFSS. Ces dispositions ne s'appliquent pas en cas de « circonstances exceptionnelles ». Dans le cas de l'exercice 2022, la LPFP qui s'applique est celle du 22 janvier 2018, antérieure à la crise sanitaire. Bien que le déficit structurel ait été supérieur en 2022 de 2,6 points à la prévision de la LPFP, le HCFP a considéré que, du fait des circonstances exceptionnelles que représentait la crise sanitaire, il n'y avait pas lieu de déclencher le mécanisme de correction.

La séquence se poursuit, avec le dépôt et l'examen du PLRG, et désormais du Placss. L'enjeu est de profiter de l'exercice, en lui-même habituellement formel, d'approbation des comptes, pour examiner l'efficacité et l'efficience des politiques, et d'en tirer des conséquences pour le prochain PLFSS.

Le tableau ci-après permet de situer le Placss et les modifications liées (anticipation de la publication du Ralfss...) dans le processus d'approbation des comptes publics et d'évaluation des politiques publiques au deuxième trimestre.

Le processus d'approbation des comptes et d'évaluation au deuxième trimestre
(État et sécurité sociale)

Date limite

2023

2024

Ensemble des administrations publiques

Budget de l'État

Sécurité sociale

Échéances

Nouveauté liée au Placss

22 février (arrêté du 24 décembre 2014)

       

Comptes provisoires

Non

Fin mars

28 mars 2023

26 mars 2024

« Informations rapides » de l'Insee sur les comptes des APU

   

Non
Données déjà publiées fin mars)

Avis joint au PLRG
(art. 62 LOLF)

11 avril 2023

17 avril 2024

Avis du HCFP relatif au solde structurel des APU présenté dans le PLRG

     

Avant le 1er mai
(art. 58 LOLF)

13 avril 2023

17 avril 2024

 

Dépôt du PLRG

   

Resp. conjoint au dépôt du PLRG et annexé au PLRG
(art. 58 LOLF)

13 avril 2023

17 avril 2024

 

Publication par la Cour des comptes du rapport sur le budget de l'État et de l'acte de certification des comptes de l'État

   

2003 : 15 avril (arrêté du 24 décembre 2014)

2004 : 5 avril (arrêté du 2 février 2024)

       

Annexes définitives et états financiers

Oui (2024)

Avril (règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil)

26 avril 2023

17 avril 2024

Envoi du programme de stabilité à la Commission européenne

     

30 juin (art. 48 LOLF)

29 juin 2023

15 juillet 2024

C. Cptes : rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques

     

Au plus tard le 30 juin (art. L.O. 132-2-1 CJF)

16 mai 2023

17 mai 2024

   

Publication par la Cour des comptes du rapport de certification des comptes

Non

Avant le 1er juin
(art. L.O. 111-6 CSS)

24 mai 2023

31 mai 2024

   

Dépôt du Placss

Oui

Pub. Ralfss :
conjoint au Placss
(art. L. O. 132-3 CJF)

24 mai 2023

29 mai 2024

 

CF AN : examen du PLRG

Publication par la Cour des comptes du Ralfss

Oui (Ralfss jusqu'alors publié début octobre)

Entre le 15 avril et le 15 juin et entre le 15 septembre et le 15 octobre
(art. D. 114-3 CSS)

25 mai 2023

30 mai 2024

   

Réunion de la CCSS

Oui (réunion habituellement en juin), mais la Cour des comptes recommande une réunion la 1re quinzaine de mai (Ralfss 2023, reco. n° 3)

Fin mai

31 mai 2023

31 mai 2023

Publication par l'Insee des comptes des APU

   

Non (données déjà publiées fin mai)

 

30 et 31 mai 2023

5 juin 2024

   

CAS AN : examen du Placss

Oui

   

Dissolu-tion AN du 9 juin

       
 

5 juin 2023

14 octobre 2024

 

AN : examen du PLRG en séance

   
 

6 juin 2023

15 octobre 2024

   

AN : examen du Placss en séance

Oui

1er juin (art. L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale)

7 juin 2023

26 juillet 2024

   

Avis du comité d'alerte sur l'exécution de l'Ondam de l'année en cours

Oui (l'échéance du 1er juin n'est plus tenable, la DSS étant jusqu'à fin mai accaparée par le Placss)

 

28 juin 2023

16 octobre 2024

 

CF Sénat : examen du PLRG

CAS Sénat : examen du Placss

Oui

 

3 juillet 2023

22 octobre 2024

 

Sénat : examen du PLRG en séance

Sénat : examen du Placss en séance

Oui

AN : Assemblée nationale. CAS : commission des affaires sociales. CCSS : commission des comptes de la sécurité sociale. CF : commission des finances. CJF : code des juridictions financières. CSS : code de la sécurité sociale. HCFP : Haut Conseil des finances publiques. LOLF : loi organique relative aux lois de finances. Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. PLRG : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année. Ralfss : rapport (de la Cour des comptes) sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Le Placss et ses conséquences sont en grisé. Les échéances relatives aux années en cours et suivantes sont en italiques.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

A. AUDITION DE M. PIERRE PRIBILE, DIRECTEUR DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (2 OCTOBRE 2024)

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous commençons nos travaux par l'audition du directeur de la sécurité sociale, M. Pierre Pribile.

Je précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et est retransmise en direct sur le site du Sénat. Elle sera disponible en vidéo à la demande.

Monsieur le directeur, nous sommes heureux de vous accueillir à l'aube d'une session budgétaire qui s'annonce particulièrement dense.

Comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 n'a pas encore été adopté par le Conseil des ministres, je suppose qu'il vous sera difficile de nous en parler.

Nous nous concentrerons donc sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023, qui devrait être prochainement inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Plus généralement, la situation financière de la sécurité sociale est un souci constant pour notre commission. Notre rapporteure générale, Élisabeth Doineau, et les autres rapporteurs ont souvent exprimé leur préoccupation face à un niveau de déficit désormais proche du niveau de remboursement annuel de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et qui ne semble pas présenter de perspective d'amélioration pour les prochaines années.

Nous espérons que vous pourrez nous apporter des motifs d'espérer un tableau moins sombre à l'avenir.

M. Pierre Pribile, directeur de la sécurité sociale- La présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ayant été retardée, j'évoquerai rapidement le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023.

Ce projet de loi présente la situation des comptes sociaux à l'issue du choc historique qu'a constitué la crise covid. Ce choc ayant considérablement alourdi la dette sociale, il a été décidé d'allonger la durée d'amortissement de celle-ci.

Le choc économique lié à la crise de l'inflation n'apparaît quant à lui pas encore dans ce Placss. Il a de lourdes conséquences sur les comptes sociaux, du fait notamment d'un écart entre la dynamique d'indexation d'un grand nombre de prestations et la dynamique spontanée des recettes, qui dépend de l'évolution des salaires. Au mois de mai dernier, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoyait en conséquence une dégradation du déficit des comptes sociaux en 2024, celui-ci étant estimé à 16,6 milliards d'euros.

Il y a toutefois des raisons d'espérer, monsieur le président. Ce n'est d'abord pas la première fois que les comptes sociaux connaissent une dégradation de cette ampleur. Ce fut déjà le cas en 2008, après la crise des subprimes. Après une décennie d'efforts et à la veille de la crise covid, les comptes sociaux étaient quasiment revenus à l'équilibre, et la dette était quasiment amortie.

Si la situation des comptes sociaux appelle un discours de gravité, notre histoire récente montre que des solutions existent. La dégradation de nos comptes sociaux et l'allongement de l'amortissement de notre dette sociale ne sont pas des fatalités.

Je ne doute pas que le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous sera présenté sera une première étape de ce chemin long mais nécessaire.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le directeur. Au regard de votre bilan d'ancien président de l'agence régionale de santé (ARS) de la région Bourgogne-Franche-Comté, je ne doute pas que vous saurez retrousser vos manches.

Je souhaiterais vous interroger sur trois sujets.

Le premier est celui des perspectives de déficit de la sécurité sociale pour 2024. Le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024 prévoyait un déficit de 16,6 milliards d'euros. Ce chiffre est-il toujours d'actualité ? Des mesures correctrices sont-elles envisagées ou prévues ?

Le deuxième sujet sur lequel je souhaiterais vous interroger est l'article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que l'annexe au Placss relative aux niches sociales comprend une « évaluation de l'efficacité » de ces niches pour un tiers des mesures, chacune devant faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans. Dans le cas du Placss 2022, cette disposition n'a pas du tout été respectée. Dans le cas du Placss 2023, l'annexe sur les niches a été enrichie d'un « tome III » de seulement quatre pages, renvoyant à des évaluations existantes.

J'aurais trois questions à ce sujet.

Tout d'abord, l'annexe présente comme « ayant fait l'objet d'une évaluation » les allègements généraux de cotisations patronales, qui représentent les trois quarts du coût total des niches. Nous souhaiterions vivement avoir connaissance du rapport définitif de la mission sur les allègements généraux confiée par Élisabeth Borne à Antoine Bozio et Étienne Wasmer, seul le rapport d'étape ayant été publié en avril. Quand le rapport définitif sera-t-il publié, et pourrions-nous en être destinataires ?

Ensuite, serait-il envisageable de synthétiser clairement l'efficacité des différentes niches dans l'annexe, par exemple via un système de notation des niches, comme celui mis en place dans le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, remis par Henri Guillaume en juin 2011 ?

Enfin, quels sont vos objectifs pour le prochain Placss ? Prévoyez-vous d'évaluer au moins un tiers des niches, conformément à l'obligation organique ?

Je souhaiterais vous interroger sur un dernier point. Après avoir refusé de certifier les comptes 2022 de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Cour des comptes s'est déclarée dans l'impossibilité de certifier les comptes 2023. Les indicateurs de « risques financiers résiduels », relatifs aux prestations dont le montant est erroné, continuent pourtant de se dégrader à 9 mois, et ils ne s'améliorent que légèrement à 24 mois.

Quelle appréciation portez-vous sur cette impossibilité de certification ? Pouvez-vous faire le point sur les actions en cours ? Êtes-vous confiant sur la certification des comptes 2024 ?

M. Pierre Pribile. - Le déficit des comptes sociaux devrait être légèrement supérieur à 16,6 milliards d'euros. Autrement dit, nous ne constatons pas de dérive par rapport à la prévision de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui était déjà assez inquiétante.

Dans un avis rendu en juillet dernier, le comité d'alerte sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) faisait état d'un dépassement de l'objectif de dépenses de l'ordre de 1 milliard d'euros. Ce dépassement se confirmant de mois en mois, il emporte naturellement des effets sur les comptes sociaux, même si cela ne bouleverse pas l'estimation du déficit.

Vous avez raison de souligner que nous ne sommes pas encore au niveau des exigences de la loi organique en termes d'évaluation des niches sociales. Toutefois, si les allègements généraux ne sont qu'un dispositif parmi 120, ils représentent la quasi-totalité de la masse financière.

Le rapport définitif de la mission Bozio-Wasmer sera présenté au Premier ministre cette semaine. Il devrait donc être disponible dans les jours qui viennent. Le rapport d'étape permet toutefois de se faire une idée assez juste de la conclusion vers laquelle se dirigent les économistes sur le triangle d'incompatibilité constitué par les trois objectifs que sont l'emploi, le dynamisme de la masse salariale et la maîtrise des comptes publics. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a indiqué qu'il souhaitait faire évoluer ce dispositif pour favoriser la dynamique des salaires.

D'autres évaluations sont en cours. Nous n'en mènerons peut-être pas 40 par an, mais nous commençons par les plus importantes. Nous procédons non pas au copier-coller d'évaluations conduites par d'autres organismes de contrôle ou d'évaluation, mais plutôt à la mise en perspective d'évaluations existantes, en renvoyant à celles-ci. Cela explique la concision de l'annexe. De fait, mes équipes ne sont pas taillées pour prendre en charge l'ensemble des évaluations.

Compte tenu des montants engagés au travers du dispositif des allègements généraux, nous couvrons 90 % du montant total des niches sociales. L'année prochaine, ce taux passera à 95 %.

L'année dernière, la Cour des comptes a effectivement refusé de certifier les comptes sociaux. Cette année, elle se déclare dans l'impossibilité de le faire. J'y vois une évolution favorable !

À la fin de l'année 2023, la branche famille a mis en place un plan d'action assez lourd pour améliorer son contrôle interne. La Cour estime à juste titre que ce plan d'action est trop récent pour pouvoir en tirer des conclusions en matière de certification des comptes, mais il en ira sans doute autrement l'année prochaine.

Nous sommes par ailleurs en train de mettre en place le pré-remplissage de certaines déclarations de ressources des allocataires des caisses d'allocations familiales (CAF). Cette réforme est actuellement expérimentée dans cinq départements, avant sa généralisation l'année prochaine. Il s'agit d'un pas majeur vers la sécurisation du calcul à juste droit de prestations telles que le revenu de solidarité active (RSA) ou la prime d'activité.

La Cour des comptes estime enfin que le tableau d'équilibre et le tableau de la situation patrimoniale de la sécurité sociale qui figurent dans ce projet de loi sont cohérents. Le fait que la Cour se déclare dans l'impossibilité de certifier les comptes ne doit donc pas jeter un soupçon sur la sincérité de la présentation de la situation comptable de la sécurité sociale dans son ensemble ni de la branche famille en particulier.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie- La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a fixé l'Ondam à 244,1 milliards d'euros, avant que les lois de financement rectificative pour 2023 et initiale pour 2024 ne viennent le porter à 247,6 milliards d'euros.

Je ne reviendrai pas sur les réserves maintes fois exprimées par notre commission sur la cohérence et la crédibilité des montants présentés, jusqu'à nous faire douter de la sincérité des Ondam sur lesquels nous avons eu à nous prononcer. Je constate que, sur un même exercice, la prévision a varié de 3,3 milliards d'euros, sans contexte épidémique particulier et avec des effets de l'inflation somme toute anticipables. Je constate surtout que l'exécution constatée est présentée à 247,8 milliards d'euros, en dépassement par rapport à la dernière révision faite en novembre 2023. J'insiste régulièrement sur le caractère vertigineux de l'Ondam, un agrégat de 250 milliards d'euros que l'on vote en quelques minutes : je tiens à insister une nouvelle fois sur le fait que nous devons aujourd'hui constater un écart de 3,8 milliards d'euros avec la prévision initiale votée en loi de financement de la sécurité sociale.

Comment expliquez-vous que nous n'ayons pas pu retrouver, malgré la fin de la crise sanitaire, un pilotage effectif des dépenses de santé ? Comment garantir un Ondam initial crédible et mettre fin aux révisions substantielles en cours d'exercice et, encore davantage, aux dépassements lors de l'exécution ?

Enfin, pour 2024, il semble que le dépassement à venir soit supérieur à ce que le comité d'alerte anticipait durant l'été. Comment l'expliquer ? À quel ordre de grandeur devons-nous nous attendre pour la révision de l'Ondam 2024 ?

Parmi les facteurs expliquant le dépassement régulier de l'Ondam, le dynamisme des dépenses de soins de ville figure en bonne place. À plusieurs reprises au cours des dernières années, la Cour des comptes a souligné le caractère lacunaire des outils de régulation. La commission a formulé plusieurs propositions pour améliorer le pilotage des dépenses de soins de ville et l'information du Parlement sur l'effet financier des conventions professionnelles. Celles-ci ont systématiquement été refusées par le Gouvernement.

Comment les dépenses conventionnelles de soins de ville, c'est-à-dire pour l'essentiel les honoraires des professionnels de santé, pourraient-elles selon vous être mieux suivies et régulées en cours d'année ? La direction de la sécurité sociale (DSS) travaille-t-elle à faire évoluer l'exercice conventionnel et à améliorer l'information du Parlement sur les effets financiers des conventions conclues par l'assurance maladie ?

Dans son dernier rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes consacre un chapitre aux médicaments anti-cancéreux. Elle souligne que les dépenses de médicaments innovants anti-cancéreux, délivrés à l'hôpital et inscrits sur la liste en sus, ont fortement augmenté.

Pour mieux réguler ces dépenses, la Cour propose dans son rapport d'envisager, dès la première négociation du prix de certaines molécules avec les entreprises du médicament, de fixer une trajectoire pluriannuelle de baisse des prix, afin de planifier leur sortie de la liste en sus.

Quel regard portez-vous sur cette proposition ? Des réflexions sont-elles en cours ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - Le chiffrage du déficit de la branche vieillesse pour l'année 2023 a fait l'objet de plusieurs révisions. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 l'estimait initialement à 3,6 milliards d'euros. Cette prévision a ensuite été corrigée à 3,8 milliards d'euros par la loi de financement rectificative du 14 avril 2023. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 l'a ensuite porté à 1,9 milliard d'euros. Enfin, selon le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023, il s'élèverait finalement à 2,6 milliards d'euros.

Pouvez-vous expliquer ces différences ?

La réforme des retraites de 2023 prévoit le retour à l'équilibre du système de retraites en 2030. Avez-vous effectué le chiffrage des revalorisations de pensions intervenues en juillet 2022 et aux 1er janvier 2023 et 2024 ? Cet équilibre vous paraît-il tenable dans le contexte inflationniste actuel ?

M. Pierre Pribile. - L'Ondam a démontré par le passé qu'il était un outil de pilotage efficace - certains diraient même trop efficace. S'il a été moins efficace récemment, c'est en raison du choc inflationniste et des décisions, notamment les revalorisations salariales dans la fonction publique, en particulier hospitalière, qu'il a rendues nécessaires. Une grande partie des révisions que vous avez signalées sont l'effet des revalorisations décidées en cours d'exercice - de l'ordre de 1,6 milliard d'euros pour les hôpitaux et les services sociaux.

Par ailleurs, la crise covid a contribué à brouiller les prévisions, car celles-ci se fondent en général sur les événements passés. Ce phénomène va s'estomper, car les courbes de 2023 et 2024 nous permettent de prévoir le dynamisme spontané des dépenses pour l'année future avec plus de clarté. L'Ondam devrait donc de nouveau nous permettre d'assurer un pilotage effectif de nos dépenses.

Pour l'année 2024, le dépassement de l'ordre de 1 milliard d'euros identifié par le comité d'alerte de l'Ondam en juillet dernier se confirme. Le seuil d'alerte étant fixé à 0,5 % de l'Ondam, celui-ci n'a pas été dépassé, mais nous n'en sommes pas loin. La première cause de ce dépassement est le dynamisme des indemnités journalières, pour des raisons qui ne sont pas simples à déterminer. L'activité hospitalière semble en revanche plus dynamique qu'escompté, ce qui serait une bonne nouvelle si cela se confirmait.

La régulation en cours d'exercice des dépenses de soins de ville supposerait la régulation du revenu de milliers d'individus. De fait, comment expliquer à une infirmière libérale que son revenu est susceptible d'évoluer en cours d'année du fait du rythme de consommation des dépenses de soins de l'ensemble du système de santé ?

Les conventions sont prises en compte avec sincérité dans nos prévisions d'évolution des dépenses, d'autant qu'elles n'entrent en vigueur que six mois après leur signature, ce qui nous laisse le temps d'intégrer finement leurs effets.

La négociation à l'entrée des prix des médicaments anti-cancéreux que vous pointez est souvent difficile, car si ces médicaments sont onéreux, ils apportent également un bénéfice majeur. Si nous négocions en même temps une trajectoire de baisses de prix futures, nous risquons d'allonger encore des négociations qui sont déjà considérées comme trop longues en raison de certaines demandes déraisonnables.

M. Harry Partouche, sous-directeur des études et prévisions financières, direction de la sécurité sociale. - Entre la LFSS 2023 et la LFRSS 2023 portant réforme des retraites, nous avons enregistré les effets des premières mesures d'âge, notamment la revalorisation du minimum contributif (Mico), qui ont fait passer le déficit de la branche vieillesse de 3,6 à 3,8 milliards d'euros. Par ailleurs, la prévision de progression de la masse salariale du secteur privé, initialement fixée à 4,8 % en septembre 2022, a été revue à 6,3 % en septembre 2023, alors qu'elle n'a finalement été que de 5,7 %. C'est ce qui explique les variations de déficit prévisionnel, puis l'écart avec le déficit constaté.

D'autres facteurs, notamment les recettes qui sont affectées à la branche, le forfait social ou la taxe sur les salaires ont également pesé à la marge, mais la cause principale est l'incertitude très forte qui caractérisait le contexte macroéconomique en septembre 2022.

M. Pierre Pribile. - La perspective d'un retour à l'équilibre à l'horizon 2030 est hélas ! derrière nous. La revalorisation des pensions réalisée au 1er janvier 2024 représente une dépense supplémentaire de l'ordre de 15 milliards d'euros pour les finances publiques. Une telle dépense n'était pas prévue lors de l'examen du projet de loi portant réforme des retraites.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie- Notre commission avait souligné que la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui est entrée en vigueur il y a tout juste un an, pourrait avoir des conséquences à la fois sur les montants versés et sur le nombre de bénéficiaires. Disposez-vous de données permettant de mesurer les effets de cette réforme ? Des difficultés ont-elles été rencontrées lors de sa mise en oeuvre ?

Par ailleurs, avec mes collègues Solanges Nadille et Anne Souyris, nous venons de rendre un rapport préoccupant sur la situation des Ehpad. Quelque 66 % de ces établissements se trouvent en grande difficulté. L'an passé au PLFSS, un fonds d'urgence de 100 millions d'euros avait été débloqué pour venir en aide à ces établissements en difficulté. Estimez-vous judicieux de reconduire cette aide d'urgence en 2025 ? Quelles mesures préconisez-vous à long terme ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Dans le cadre du comité de suivi de l'accord national interprofessionnel pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) en date du 15 mai 2023, les partenaires sociaux ont abouti à une proposition ambitieuse pour refonder et moderniser le mode de calcul de la rente AT-MP, avec la création d'une part fonctionnelle dépendant d'un taux d'incapacité spécifique. Quel regard la DSS porte-t-elle sur la proposition des partenaires sociaux ? Celle-ci vous paraît-elle finançable et techniquement réalisable ?

D'après nos informations, le dernier rapport sur la sous-déclaration des AT-MP doublerait ses précédentes estimations concernant le montant de prestations liées à des AT-MP indûment prises en charge par la branche maladie. Il est difficile de comprendre comment, malgré tous les efforts mis en oeuvre par les entreprises, les professionnels de santé et les caisses, la sous-déclaration ait pu doubler en trois ans. Comment expliquer cette dynamique ?

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Les indemnités journalières au titre du congé maternité post-natal ont été transférées à la branche famille, pour un coût estimé à 2,1 milliards d'euros en 2023. Selon le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, l'excédent de la branche famille a de ce fait été réduit de 1 milliard d'euros en 2022, puis de 0,9 milliard d'euros en 2023, de sorte qu'il ne devrait plus s'élever qu'à 0,2 milliard d'euros en 2024. Confirmez-vous ces chiffres ? Ces indemnités journalières ayant augmenté de 19 % entre 2015 et 2023, quelles sont vos prévisions ? Quelles seront les conséquences financières sur la branche famille ? Estimez-vous que celle-ci conserve des capacités suffisantes ?

La Cour des comptes estime par ailleurs qu'il convient de repenser les allocations aux familles nombreuses et mieux analyser le montant des économies réalisées par la modulation des conditions de ressources des prestations familiales. Quel est votre regard sur cette question ? Avez-vous engagé une réflexion sur l'amélioration de l'efficacité et de la cohérence des prestations en faveur des familles nombreuses - je pense notamment à l'articulation du complément familial avec les autres prestations ?

Les dépenses de prévention en matière de santé sont-elles en augmentation ? J'estime qu'il s'agit de dépenses utiles, qui nous permettront de réaliser des économies demain.

M. Pierre Pribile. - L'AAH relève non pas de la DSS, mais de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Je ne puis donc vous répondre sur ce point.

Le fonds d'urgence pour les Ehpad est l'un des facteurs qui expliquent le relèvement de l'Ondam. En ce qui concerne l'année en cours, les perspectives dépendront de décisions politiques.

Nous sommes effectivement en mesure de mettre en oeuvre l'accord national interprofessionnel pour la branche AT-MP que vous évoquez. La question qu'il nous faudra dénouer avec le Parlement dans les semaines à venir est celle de la place de ce nouveau calcul de la rente dans l'équilibre de la branche.

Le montant de la prise en charge d'accidents du travail par la branche maladie du fait de sous-déclarations s'élèverait en fourchette basse à plus de 800 millions d'euros, mais ce montant aurait sans doute été plus important encore sans les efforts des partenaires sociaux pour remédier aux sous-déclarations.

Toutefois, l'effet prix qu'emporte la revalorisation des salaires hospitaliers et le prix des consultations, ainsi que des effets épidémiologiques expliquent les deux tiers de l'évolution de l'évaluation du montant des sous-déclarations.

En ce qui concerne la branche famille, la dynamique des dépenses est ralentie par la trop faible dynamique de la natalité dans notre pays. Notre prisme d'analyse, notamment grâce aux missions parlementaires qui ont été menées, s'est concentré dernièrement sur le soutien apporté aux familles monoparentales, quel que soit leur nombre. Je ne dispose donc pas d'évaluations récentes des prestations familiales pour les familles nombreuses à vous communiquer.

Les dépenses de prévention sont effectivement des dépenses d'investissement ! Elles ont des effets à moyen terme, mais parfois aussi à court terme. L'admission au remboursement à un prix élevé d'un traitement préventif contre la bronchiolite a par exemple permis, dès l'hiver suivant, d'éviter la saturation des services de réanimation pédiatrique.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Le solde des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) fait apparaître un déficit de 10,8 milliards en 2023 et continue de se creuser jusqu'à atteindre le montant prévu initialement pour 2027. Entendez-vous retenir les préconisations de la Cour des comptes, laquelle mentionne des pistes intéressantes visant, par exemple, à maîtriser des dépenses liées à l'indemnisation des arrêts de travail pour maladie et à simplifier la réglementation en la matière ? Je rappelle qu'en 2022, les arrêts de travail ont augmenté de 8,2 %.

L'Allemagne prévoit de rembourser la dette de la covid en 7 ans. Je n'ose indiquer la durée de ce remboursement pour la France... Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?

Mme Raymonde Poncet Monge- Vous notez que le choc inflationniste a emporté une diminution des recettes. Cela s'explique par le fait que les salaires ne suivent pas, mais aussi par le fait que depuis 2017, les exonérations de cotisations non compensées ont explosé. La Cour des comptes souligne en effet qu'entre 2018 et 2022, les exonérations non compensées, qui sont une perte sèche pour la sécurité sociale, ont augmenté de 9 milliards d'euros. Dans le même temps, le déficit de la sécurité sociale a augmenté de 6 milliards d'euros.

Qu'en est-il pour 2023 ? Pouvez-vous nous indiquer le montant des exonérations non compensées depuis 2017 ? En 2022, le manque à gagner était déjà de 18,8 milliards d'euros pour la sécurité sociale. Pourriez-vous nous donner le détail de ces exonérations non compensées pour chacune de nos cinq branches ?

L'Insee estime qu'un tiers au moins de ces primes non compensées se substituent à des augmentations de salaire qui, elles, contribueraient à alimenter les recettes de la sécurité sociale. Combien ces exonérations coûtent-elles pour les salaires supérieurs à 1,6 Smic ?

Mme Florence Lassarade. - En tant que présidente du groupe d'étude sur le cancer, je suis préoccupée par la question de l'accès aux tests de diagnostic moléculaire pour les patients. La réalisation de ces tests est recommandée par les sociétés savantes, car ils permettent de déterminer quelle thérapie ciblée pourra convenir à un patient souffrant d'un cancer.

Mais ces tests sont coûteux, et leur prise en charge n'est que partielle dans le cadre du RIHN (référentiel des actes innovants hors nomenclature). Les établissements de santé doivent supporter un important reste à charge pour pouvoir en réaliser, ce qui freine leur utilisation.

Dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes a questionné la pertinence du modèle de financement actuel et suggéré de le revoir.

La question d'un meilleur accès à ces tests moléculaires, en réévaluant le modèle de leur prise en charge, est-elle étudiée par la DSS ?

Je souhaite également vous interroger sur la question de l'aide médicale d'État (AME). Le projet de transformation de l'AME en AMU (aide médicale d'urgence), qui relève de la loi, a été abandonné l'an dernier lors de l'examen du projet de loi Immigration.

Des réflexions pour faire évoluer l'AME semblent être envisagées par le Gouvernement, sachant que la précédente Première ministre, Mme Élisabeth Borne, avait déjà indiqué au président du Sénat, dans un courrier de décembre 2023, avoir demandé aux ministres concernés de préparer des modifications réglementaires et législatives du dispositif de l'AME.

À ce stade, et sans préjuger des arbitrages du Gouvernement, quelles vous semblent être les évolutions envisageables par voie réglementaire - sans passer, donc, par le Parlement ?

M. Bernard Jomier. - Nous vous rejoignons sur la nécessité d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale, un objectif que nous avons porté à l'occasion de chaque LFSS. Le fait de placer la sécurité sociale dans une situation de déficit résulte selon nous d'un choix politique et je constate que la Cour des comptes - sans évoquer un choix politique - juge qu'une telle situation est contraire aux principes fondamentaux de la sécurité sociale, tout en pointant un défaut de volonté politique pour ce qui est du retour à l'équilibre des comptes sociaux. Si la méthode pour revenir à l'équilibre ne fera pas l'unanimité, il faut souligner que la sécurité sociale n'a pas vocation à être en déficit.

En l'absence de PLFSS, nous allons devoir débattre d'un Placss via un mode d'examen extrêmement dégradé : ledit projet de loi aurait dû être examiné au printemps, mais le gouvernement de Gabriel Attal l'a transmis en retard, d'où une inscription tardive à l'ordre du jour, au mois de mai, le processus ayant ensuite été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale. Par conséquent, nous débattrons au mois d'octobre du Placss 2023, le principe et la lettre de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale n'étant pas respectés. Nous sommes donc confrontés à un désordre dans les comptes sociaux qui résulte lui-même d'un désordre politique et d'une absence de pilotage.

Par ailleurs, vous avez souligné que l'inflation avait eu un effet sur les dépenses et les coûts. Or, depuis quelques mois, les salaires progressent désormais plus vite que l'inflation, ce qui devrait entraîner une augmentation des recettes. La progression relativement forte du salaire moyen par tête (SMPT) est ainsi un facteur d'accroissement des recettes : êtes-vous en mesure d'évaluer l'impact de cette deuxième phase de la crise inflationniste sur les comptes sociaux ?

S'agissant des indemnités journalières (IJ), les comptes mensuels de la sécurité sociale publiés à la fin du mois de juin montrent une progression de 4,3 %, ces documents l'expliquant par la hausse du SMPT et par une progression du volume, en particulier sur les arrêts de plus de trois mois. Avez-vous mené une analyse plus précise de la tranche d'âge concernée et des causes de ce phénomène ? Cela nous permettrait d'éviter le refrain sur la responsabilité des médecins et les contrôles qu'il faudrait mettre en place pour améliorer la situation.

Enfin, vous avez mentionné le dynamisme de l'activité hospitalière comme un élément positif. Pour faire le lien avec l'intervention d'Olivier Henno relative à la prévention, ce type d'analyse ne traduit-il pas le fait que la sécurité sociale s'écarte de ses objectifs fondamentaux, à savoir une réflexion autour de la socialisation et de la prévention des risques ? Le virage de la prévention, amorcé par François Braun, n'a pas été mené à bien : où en sont les réflexions de la sécurité sociale sur cette question ? Votre discours n'a pas mentionné ce point, alors que l'exemple de l'Australie montre que le recrutement de nombreuses infirmières et un investissement à hauteur de 80 millions d'euros permettent de récupérer 110 millions d'euros au bout de trois ans. Ce type d'investissement est quasiment toujours rentable, mais il reste à savoir si un pilotage à moyen terme est envisageable dans les conditions politiques actuelles.

M. Pierre Pribile. - S'agissant des arrêts de travail, je ne suis pas en mesure de vous faire part d'éventuelles décisions à la suite des recommandations de la Cour des comptes. La dynamique des dépenses doit effectivement être appréciée en tenant compte de l'effet « prix » et des évolutions liées à la revalorisation du Smic et des salaires, ainsi que des effets d'âge dans la mesure où la progression du taux d'emploi des seniors renforce la fréquence des arrêts maladie. Cela étant dit, une fois ces retraitements effectués, le « recours » aux arrêts de travail reste plus élevé et nous ne sommes pas encore en mesure de l'expliquer. En tout état de cause, cet effet de volume explique la dynamique assez atypique de ces dépenses.

Concernant la dette covid, le terme du remboursement est désormais fixé à 2033. Ce dernier s'effectue à un rythme légèrement plus rapide que prévu, ce qui laisse entrevoir une fin du remboursement par la Cades dès 2032.

Pour ce qui est des exonérations non compensées et du rapport de la Cour des comptes, nous ne contestons aucun des chiffres présentés. S'agissant du coût des allègements généraux, je vous renvoie à un éclairage figurant dans le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 2024, qui détaille à la fois le coût de ces allègements et leur évolution, marquée par une forte dynamique. Basées sur le Smic, les revalorisations de ce dernier et le tassement des salaires qui en a résulté ont eu des impacts considérables sur leur coût. En outre, l'annexe 2 du Placss détaille assez précisément le coût de ces exonérations, sans cependant présenter un historique, mais nous pourrons vous le transmettre.

Mme Delphine Champetier, cheffe de service, adjointe au directeur de la sécurité sociale. - Les tests de diagnostic moléculaire en oncologie et les recherches sur les biomarqueurs sont des actes financés par un dispositif spécifique, le RIHN, au moyen d'une enveloppe fixe. Au fur et à mesure du développement de ces tests, l'objectif consiste à passer à un financement via les dépenses générales de ville, mais tout ceci nécessite une réévaluation par la Haute Autorité de santé (HAS).

M. Pierre Pribile. - J'insiste sur le fait que les fonds alloués aux dépistages des cancers n'ont pas diminué. Certes, une réorganisation est intervenue puisque les caisses primaire d'assurance maladie (CPAM) assurent désormais une partie des missions auparavant confiées aux centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC). Si une réallocation des moyens a donc eu lieu, aucune mesure d'économies n'a été mise en oeuvre. Au contraire, nous devons améliorer la dynamique de dépistages afin de prévenir davantage les cancers, améliorer la santé de la population et réduire les dépenses liées à la prise en charge de ces maladies.

Enfin, l'AME ne relève pas du champ des PLFSS. Pour autant, notre référence en la matière reste le rapport publié par Claude Évin et Patrick Stefanini, qui constate que ce dispositif est utile et n'encourage pas massivement l'immigration illégale, contrairement à ce que l'on entend parfois dans le débat public.

M. Harry Partouche. - Concernant l'évolution des comptes sociaux, le véritable sujet a trait à l'évolution différenciée des salaires et de l'inflation, dans le cadre d'un choc d'inflation, pour l'essentiel importé depuis 2022. Les salaires ont augmenté moins vite que l'inflation : le salaire économique - c'est-à-dire corrigé des effets de l'activité partielle - a progressé de 3,5 % pour une inflation à 5,3 % en 2022 ; en 2023, le salaire économique a augmenté de 4,4 % pour une inflation à 4,8 %, ce retard des salaires ayant eu un impact sur les recettes de la sécurité sociale.

Dans le même temps, les dépenses de la sécurité sociale ont été affectées, soit en temps réel par la revalorisation anticipée des prestations sociales en juillet 2022, soit avec un effet de décalage de l'ordre d'une année s'agissant de l'Ondam, très sensible à l'inflation, notamment au titre des rémunérations en établissement et en ville, ou encore au titre des IJ. Le prochain rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale mettra davantage l'accent sur l'analyse économique des conséquences de l'inflation.

M. Pierre Pribile. - J'en viens à votre commentaire sur le fait d'avoir présenté la dynamique d'activité de l'hôpital comme un facteur positif, en précisant qu'il s'agissait d'une réflexion d'ordre plus sanitaire que comptable. Sur ce dernier plan, une dynamique supérieure aux prévisions est en effet davantage source de dépenses supplémentaires et imprévues pour les comptes sociaux. Je ne me réjouissais pas du fait que les gens aient besoin de l'hôpital, les dépenses de prévention étant éminemment utiles, mais exprimais le souhait de voir l'hôpital retrouver un niveau d'activité d'avant-crise, en cohérence avec les besoins de la population. N'y voyez en tout cas aucune remise en cause des politiques de prévention.

Mme Jocelyne Guidez. - Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de simplification des normes - en cours ou à venir -, notamment dans des secteurs identifiés comme étant à risques, à l'instar des audioprothèses ou des centres dentaires ?

Par ailleurs, le rapport insiste sur la distinction entre fraudes, abus et erreurs. Comment la sécurité sociale adapte-t-elle ses dispositifs pour mieux identifier et traiter ces trois situations distinctes, tout en évitant de pénaliser les usagers de bonne foi ?

M. Khalifé Khalifé. - Le Sénat a récemment publié un rapport sur la financiarisation de la santé. Avez-vous identifié des éléments comptables qui pourraient compléter l'analyse du Sénat ?

Mme Céline Brulin. - Vous avez indiqué qu'il était impossible d'absorber l'inflation et les revalorisations salariales dans le cadre de l'Ondam d'une seule année. Nous pourrions adopter le même raisonnement pour d'autres sujets, l'inflation n'ayant pas impacté que les salaires. Comment pourrions-nous prendre en compte ce paramètre de l'absorption dans le temps, alors qu'il semble manquer dans les objectifs tels qu'ils sont actuellement fixés ?

Sur un autre point, vous avez mis en exergue la difficulté à identifier les causes de la progression des IJ. Ce manque de précision - qui n'est pas de votre fait - me semble contredire un argument souvent employé dans le débat public selon lequel la réduction des IJ représenterait l'un des principaux leviers d'économies pour les comptes sociaux. À quelle échéance des précisions pourraient-elles être apportées ?

M. Dominique Théophile. - L'élargissement de la vente des médicaments à l'unité reste malaisé. Avez-vous déjà évalué l'effet de cette solution dans la réduction des dépenses ?

M. Philippe Mouiller, président. - Le directeur de la sécurité sociale ayant à nous quitter, il apportera une réponse par écrit à cette dernière série de questions. Je vous remercie.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

B. EXAMEN DU RAPPORT (16 OCTOBRE 2024)

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour l'année 2023.

Ce texte, rejeté hier par l'Assemblée nationale en première lecture, sera examiné en séance, mardi 22 octobre, en fin d'après-midi ou en soirée.

Le calendrier d'examen du Placss a été bouleversé par la dissolution de l'Assemblée nationale. Les députés n'ayant pas achevé l'examen du projet de loi le 9 juin dernier, le texte a dû être de nouveau déposé par le Gouvernement et la procédure a dû repartir de zéro.

Ainsi, au lieu de l'examiner à la fin du printemps ou au début de l'été, selon le calendrier annuel prévu, le Sénat devra procéder à l'examen du Placss juste avant celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.

Avant de laisser la parole à nos rapporteurs, je précise que, si la rapporteure générale est, formellement, rapporteure de droit de ce texte, chaque rapporteur de branche du PLFSS a néanmoins souhaité présenter le bilan d'une mesure issue d'une récente loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ayant trait à sa branche.

Cette démarche s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss) et de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss).

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous examinons, pour la deuxième fois, un Placss. Comme vous le savez, les Placss sont issus d'une initiative de mon prédécesseur Jean-Marie Vanlerenberghe, reprise par Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de la loi du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. (Mme la rappporteure générale projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.)

Le Placss doit être déposé au printemps, afin de permettre son examen, en principe, en juin ou en juillet. Il s'agit de profiter de l'approbation des comptes pour susciter un « chaînage vertueux » entre le Placss et le PLFSS, en s'interrogeant sur l'efficacité de la dépense. Pour cette raison, le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, l'est désormais lors du dépôt du Placss.

En termes de calendrier, le Placss doit être déposé avant le 1er juin. Aucune date limite n'est fixée pour son examen, mais une assemblée ne peut examiner le PLFSS avant de s'être prononcée sur le Placss. L'examen du Placss suffit ; il n'est pas nécessaire de l'adopter. Ainsi le Parlement a-t-il rejeté le Placss l'année dernière. Pour ce qui concerne le calendrier du Placss 2023, celui-ci est évidemment bouleversé par la dissolution, qui a imposé un second dépôt du projet de loi, en juillet, en raison du principe dit de la « table rase ».

S'agissant des questions de calendrier, j'attire votre attention sur le fait que la date de production des comptes par les caisses d'assurance maladie ne permet pas au comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie de rendre son avis sur l'exécution de l'année en cours avant le 1er juin, comme il est censé le faire.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les deux sujets sont liés, car la date de production des comptes conditionne celle de certification de ces comptes par la Cour des comptes et, par conséquent, celle de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).

Or le rapport à la CCSS et l'avis du comité d'alerte mettent à contribution les mêmes personnes ou services : le secrétaire général de la CCSS, un magistrat de la Cour des comptes qui est, de droit, l'un des trois membres du comité d'alerte et qui est chargé d'organiser les travaux de celui-ci ; et, bien sûr, la direction de la sécurité sociale (DSS).

Pour toutes ces raisons, le comité d'alerte ne peut pas respecter, dans les faits, l'échéance du 1er juin et le Parlement, ou, comme l'année dernière, à tout le moins, l'Assemblée nationale, peut donc ne pas être informé des perspectives d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) lors de l'examen du Placss, qui est censé être l'occasion de se projeter vers l'avenir. Dans le Ralfss 2023 puis Ralfss 2024, la Cour des comptes demandait d'anticiper la production des comptes de quinze jours, selon le premier rapport, ou de dix jours, pour le second.

Afin que la discussion du Placss ne se réduise pas à l'approbation des comptes, nous sommes convenus cette année que les rapporteurs de branche présenteraient des contributions sur divers sujets. Toutefois, on peut craindre - c'est un euphémisme - que celles-ci ne suscitent pas un écho similaire à celui qu'elles auraient obtenu si le Placss avait été examiné dans des circonstances normales.

Cette année, examiner le Placss juste avant le PLFSS constitue de facto un retour à la situation d'avant la réforme, où la première partie du PLFSS tenait lieu de Placss. Dans ces conditions, il est difficile de percevoir comment un « chaînage vertueux » entre le Placss et le PLFSS serait possible. Mais nous connaissons un contexte particulier, je l'entends.

J'en viens à l'exécution pour l'année 2023. Le déficit a été réduit à 10,8 milliards d'euros. Au regard des quelque 20 milliards d'euros en 2022, on pourrait se dire que c'est encourageant. Toutefois, le PLFSS pour 2025 ne prévoit pas d'amélioration par rapport à la trajectoire définie par la LFSS 2024, en dépit de l'importance des mesures de redressement qu'il comprend, la nouvelle trajectoire étant même un peu plus dégradée. En effet, le dérapage du déficit pour l'année 2024 par rapport à la LFSS est tel que les mesures de redressement ne parviendraient pas à compenser complètement cette dégradation.

On remarque aussi que, par une curieuse coïncidence ou, peut-être aussi, pour éviter d'afficher une dégradation par rapport à la LFSS 2024, le déficit de 17,2 milliards d'euros prévu pour l'année 2027 est identique à celui qui a été défini par la LFSS 2024 - nous y reviendrons dans les prochaines semaines.

Le projet de rapport comprend un graphique décomposant, pour 2023, l'évolution du solde des Robss et du FSV entre ses différents facteurs. Il repose sur une analyse du solde structurel et de l'effort structurel et s'appuie sur le PIB potentiel tel que l'évalue la Commission européenne. De façon schématique, l'amélioration du solde de quelque 10 milliards d'euros entre 2022 et 2023 est due à trois principaux facteurs (deux dans le sens d'une amélioration, un dans celui d'une dégradation), représentant chacun une dizaine de milliards d'euros et qui montrent l'absence d'effort particulier réalisé par le Gouvernement.

En premier lieu, les dépenses liées au covid ont mécaniquement diminué de 10,6 milliards d'euros.

En deuxième lieu, diverses prestations, en particulier les retraites, ont été revalorisées le 1er juillet 2022, au lieu du 1er janvier 2023. Pour le seul cas des retraites, les dépenses de 2022 ont ainsi été majorées de 5 milliards d'euros, réduisant à due concurrence l'augmentation en 2023.

En troisième lieu, à l'inverse, la croissance spontanée des recettes a été inférieure à celle du PIB, ce qui a majoré le déficit de 13 milliards d'euros. Cette situation résulte d'un double phénomène, qui contribue à expliquer l'erreur de prévision de la fin de l'année 2024, sur laquelle je reviendrai. Tout d'abord, alors que la masse salariale augmente d'habitude selon un taux similaire à celui du PIB, celle-ci a progressé nettement moins rapidement. Ensuite, les cotisations sociales ont crû moins vite que la masse salariale, alors que, en principe, elles augmentent à peu près à la même vitesse. En effet, la forte inflation en 2022 a provoqué une importante revalorisation du Smic. Aussi nombre de salariés ont-ils vu leur rémunération « rattrapée » par le Smic, alors qu'elle était jusqu'alors supérieure à ce dernier. Une forte croissance des allégements dégressifs de cotisations patronales en a résulté.

Pour ce qui concerne, non pas les déterminants de l'évolution du solde, mais la comparaison entre prévision et exécution, le déficit s'élevait à 10,8 milliards d'euros en 2023, soit 3,7 milliards d'euros de plus que la prévision de la LFSS 2023. En effet, si les recettes ont été supérieures de 5,2 milliards d'euros aux prévisions, le dérapage des dépenses a été encore plus important et atteint 8,8 milliards d'euros.

À la fin de l'année 2023, la LFSS 2024 a revu trop à la hausse les prévisions de recettes pour 2023, qui se sont révélées finalement inférieures de plus de 2 milliards d'euros à ces dernières prévisions - j'y reviendrai.

Le dérapage des dépenses provient essentiellement de la branche maladie, en particulier de l'Ondam. Pour ce qui concerne les recettes, le supplément de 5,2 milliards d'euros par rapport à la LFSS 2023 est lié à la forte croissance de la masse salariale pendant les trois premiers trimestres. Vous vous en souvenez, au premier semestre 2024, les prévisions de finances publiques de l'automne 2023 ont fait l'objet d'une polémique, le déficit de l'ensemble des administrations publiques ayant finalement été en 2023 de 5,5 points de PIB, alors qu'à l'automne 2023 le Gouvernement prévoyait un déficit de 4,9 points. Notre collègue Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, a exercé un contrôle sur pièces et sur place à Bercy en mars dernier, avant de publier un rapport en juin. Le supplément de déficit s'expliquait essentiellement par de moindres recettes, en particulier de TVA et de cotisations sociales.

S'agissant des administrations de sécurité sociale, Jean-François Husson soulignait, dans son rapport, l'optimisme des prévisions de masse salariale. En effet, le Gouvernement a revu à la hausse sa prévision de masse salariale à l'automne 2023, alors que l'Insee revoyait la sienne à la baisse. Par conséquent, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a souligné l'optimisme de la prévision de masse salariale pour l'année 2023 du PLFSS pour 2024.

Le Gouvernement a, par ailleurs, sous-estimé le dynamisme des allégements généraux de cotisations patronales.

J'en viens au respect des obligations organiques.

L'an passé, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette année, on peut constater un « progrès », puisque la Cour des comptes s'est déclarée seulement dans l'impossibilité de le faire. Ce changement terminologique signifie que, désormais, la Cour ne déclare plus que les comptes sont faux, mais qu'elle n'est pas en mesure d'affirmer qu'ils sont justes. Le principal motif de ce refus, puis de cette impossibilité de certifier, correspond aux erreurs de paiement. En effet, neuf mois après le paiement, les erreurs, qui sont essentiellement à la hausse, représentent 10,9 % du montant des prestations et encore 7,4 % de ce montant vingt-quatre mois après le paiement. Par rapport à 2022, la situation s'améliore dans le cas de l'indicateur à vingt-quatre mois, ce qui contribue à expliquer la moindre sévérité de la Cour, mais elle se dégrade dans le cas de l'indicateur à neuf mois.

La qualité des comptes sociaux se dégrade depuis plusieurs années, avec chaque année depuis 2020 au moins une impossibilité ou un refus de certifier.

L'an passé, l'actualisation des indicateurs des rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), relatifs aux objectifs et aux résultats des politiques menées par les différentes branches, était très insuffisante. En effet, ceux-ci n'allaient pas au-delà, en moyenne, de l'année 2020, soit deux ans avant l'exercice 2022. Cette année, la situation n'est toujours pas optimale, mais elle s'améliore : les indicateurs sont valables, en moyenne, jusqu'à l'année 2022, soit une année avant l'exercice concerné. À mon sens, s'il est compréhensible que certains indicateurs ne soient actualisés que de manière périodique, à l'instar des données épidémiologiques, il est légitime de s'interroger sur la signification d'indicateurs datant de 2016 ou 2018.

Par ailleurs, l'indicateur sur les créations de places en établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) ne permet toujours pas de déterminer si l'objectif de 30 000 places supplémentaires de la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour la période 2018-2022 a été atteint. On le sait, c'est loin d'être le cas selon la synthèse du Repss « Famille », selon laquelle « environ la moitié de l'objectif de la précédente COG était atteint à fin 2022 ».

Enfin, j'en viens à l'« arlésienne » qu'est l'évaluation de l'efficacité des niches sociales.

Selon la Lolfss, l'annexe sur les niches devrait comprendre chaque année l'évaluation d'un tiers, en nombre, des 120 niches, soit 40 niches. L'année dernière, aucune niche n'était évaluée. Cette année, lors du dépôt du Placss, seules 16 niches l'étaient, soit 13 % d'entre elles. Il s'agit, pour la quasi-totalité d'entre elles, des niches relatives aux compléments de salaire, qui ont fait l'objet d'un chapitre du Ralfss de la Cour des comptes cette année.

Ce constat doit toutefois être relativisé. En effet, le 3 octobre dernier, le rapport de la mission conduite par Antoine Bozio et Étienne Wasmer, intitulé Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, a enfin été publié. Je vous le rappelle, j'avais interrogé à ce sujet le directeur de la DSS, lors de son audition par la commission le 2 octobre dernier. En effet, seul un rapport d'étape, sans propositions, avait été publié en avril et la publication du rapport définitif, prévue en juin, avait été reportée en raison de la dissolution. Après prise en compte des trois niches correspondant aux allègements généraux, les évaluations réalisées en 2024 correspondent à environ 95 % du montant total des niches, pour 16 % du nombre de niches.

Au total, si par rapport au précédent Placss la situation s'améliore dans tous les domaines - qualité des comptes, actualisation des indicateurs, évaluation des niches -, il reste encore une importante marge de progression. Par ailleurs, le Gouvernement précédent lègue une situation des comptes sociaux très dégradée. C'est pourquoi je vous propose de rejeter le Placss, comme l'année dernière par une motion tendant à opposer la question préalable.

Mme Corinne Imbert, pour la branche maladie. - En complément de l'analyse que vient de nous livrer Mme la rapporteure générale sur l'exécution de l'exercice 2023, j'interviendrai au titre de la branche maladie.

Concernant l'Ondam, je souligne à mon tour le montant de 247,8 milliards d'euros atteint en 2023. Je constate que si le dépassement de fin d'exercice est cette année limité, l'Ondam voté en LFSS a été une fois encore, et malgré deux révisions en cours d'année, substantiellement dépassé.

Nous avions refusé de voter l'Ondam 2023, l'estimant ni crédible ni sincère. Force est de constater que nous avions raison : l'Ondam exécuté est supérieur de 3,7 milliards d'euros à l'Ondam initial, principalement du fait du contexte inflationniste. En outre, l'Ondam 2023, qui devait être inférieur à l'Ondam 2022 du fait de la résorption des dépenses de crise, est finalement supérieur. À mon sens, il nous faut disposer de prévisions plus solides et, avec l'appui du comité d'alerte, renforcer les mécanismes de suivi infra-annuel.

J'appelle plus particulièrement votre attention sur trois politiques rattachées à la branche maladie par les dernières LFSS.

Affiché comme une priorité d'action, le « virage de la prévention » devait trouver à s'incarner dans les rendez-vous de prévention. Que dire de cette mesure, près de deux ans après leur création dans la LFSS pour 2023 ? Nous ne disposons que de peu de recul sur sa mise en oeuvre, et pour cause : après une publication tardive des textes d'application réglementaires, le dispositif entre tout juste dans sa phase de généralisation.

Le Sénat avait soutenu le principe de cette mesure tout en alertant sur certains prérequis : tout d'abord, l'importance d'associer les professionnels de santé à sa déclinaison opérationnelle pour garantir leur adhésion au dispositif ; ensuite, la nécessité de penser l'articulation de ces rendez-vous avec un suivi d'aval structuré et de cibler les personnes les plus éloignées du soin. C'est à ces conditions que les rendez-vous de prévention pourront, à leur modeste mesure, contribuer à améliorer les résultats de la France en matière de prévention, que la Cour des comptes qualifiait de médiocres en 2021.

Par ailleurs, le Sénat avait soutenu l'allongement du troisième cycle de médecine générale par la LFSS pour 2023, laquelle reprenait à ce titre une proposition de loi de Bruno Retailleau. Applicable aux étudiants entrant en troisième cycle à compter de la rentrée universitaire 2023, l'ajout d'une quatrième année devait améliorer la formation des étudiants, grâce à la réalisation d'un stage long en ambulatoire et en autonomie supervisée, prioritairement dans les zones sous-denses.

Or, près de deux ans après la promulgation de la loi, cette réforme demeure largement incomplète. La maquette a été tardivement mise à jour, en août 2023, et fait encore l'objet de vifs débats. Les conditions d'appariement entre étudiants et terrains de stage, comme le statut et les modalités de rémunération des docteurs juniors, ne sont toujours pas définies. Il faut souligner le très haut niveau d'incertitude avec lequel les étudiants se trouvent contraints de réaliser un choix de spécialité qui les engagera pour le reste de leur carrière. Les multiples retards subis par la parution des textes deviennent alarmants : c'est pourquoi nous appelons à engager les dernières concertations nécessaires et à conclure au plus vite ces travaux.

Enfin, la LFSS pour 2023 avait prévu la fin de la garantie de financement des établissements de santé au profit d'un nouveau dispositif de sécurisation des ressources, modulé à l'activité. En 2023, une sécurisation de base était ainsi appliquée sur 70 % du financement de 2022 ; 30 % étaient valorisés sur l'activité 2023.

Presque exclusivement sur le champ « médecine, chirurgie, obstétrique », la sécurisation modulée à l'activité représente pour 2023 un coût de l'ordre de 1,4 milliard d'euros par rapport à une valorisation de la seule activité réalisée. Pour un montant substantiel, ce mécanisme d'appui aux ressources n'a pas permis d'assurer aux hôpitaux une situation financière saine. Ainsi, dans un contexte de reprise encore difficile de l'activité, ont été décidés à la fin de l'exercice et de la campagne budgétaire 2023 des dégels tarifaires et de dotations, ainsi qu'une restitution de la sous-exécution tarifaire. Cet ensemble de mesures ne permet pourtant pas d'éviter des montants records de déficits.

Ces observations permettront, je l'espère, de préparer notre grille de lecture du PLFSS pour 2025.

Mme Pascale Gruny, pour la branche vieillesse. - Je me suis intéressée, pour ma part, au non-recours au minimum vieillesse.

Le minimum vieillesse est le plus ancien minimum social : il a été instauré en 1956 afin de garantir un socle de ressources aux personnes âgées de plus de 65 ans percevant de faibles revenus. Initialement, il était composé de huit allocations, mais ces dernières ont été fusionnées à des fins de lisibilité pour former l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) au 1er janvier 2006. Il s'agit d'une allocation différentielle, ce qui signifie que le montant auquel a droit le bénéficiaire est déterminé par la différence entre le plafond de la prestation, aujourd'hui fixé à 1 571 euros, et les revenus de l'assuré.

Alors même que la fusion visait à faciliter les démarches des bénéficiaires potentiels, le taux de non-recours à l'Aspa s'élève à 50 %. Concrètement, cela signifie qu'un assuré éligible sur deux ne perçoit pas l'Aspa, souvent parce qu'il n'en a pas fait la demande.

Cette situation s'explique en partie par la hausse des minima de pensions de retraite que sont le minimum contributif pour les salariés des régimes alignés et la pension majorée de référence pour les non-salariés agricoles.

On peut se féliciter de ces revalorisations, qui, en augmentant le niveau de vie des retraités à taux plein, ont rendu moins nécessaire le recours au minimum vieillesse, en recul depuis les années 1960. Néanmoins, l'Aspa a fait l'objet de plusieurs revalorisations entre 2018 et 2021, lesquelles se sont traduites par une hausse de son montant de 100 euros par mois, ce qui n'est pas négligeable. Le spectre des assurés éligibles s'en est trouvé élargi ; pour autant, le taux de non-recours à l'Aspa est toujours estimé à 50 %.

Comment l'expliquer ? Les analyses statistiques menées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) sur des données de 2016 ont dressé des portraits types de non-recourants.

La première catégorie est constituée de pensionnés propriétaires, dont les revenus sont proches du seuil d'éligibilité et qui percevraient donc un montant d'Aspa inférieur à 100 euros. Ces personnes n'ont peut-être pas connaissance de la revalorisation du plafond de l'Aspa, ou alors ne souhaitent pas y recourir, car elles savent que les sommes qu'elles toucheront à ce titre pourront être récupérées sur leur succession.

Lors de la réforme des retraites de 2023, le législateur a souhaité faciliter le recours au minimum vieillesse en portant à 105 300 euros le seuil au-delà duquel les actifs successoraux sont saisissables. Toutefois, la crainte que le patrimoine soit saisi et ne puisse dès lors être transmis constitue un frein important au recours à l'Aspa, notamment chez les non-salariés agricoles, comme nous l'a indiqué la Mutualité sociale agricole (MSA). Si le législateur a exclu de l'actif successoral saisissable tous les biens mobiliers et immobiliers servant l'activité agricole, notamment les bâtiments d'exploitation et les vignes, les agriculteurs sont aussi propriétaires d'autres terrains et ont, à ce titre, un patrimoine à transmettre.

La seconde catégorie est constituée de femmes seules, âgées de plus de 85 ans et titulaires d'une pension de réversion. Nous pouvons aisément imaginer qu'elles n'ont pas toujours connaissance de leur droit à l'Aspa et que les démarches administratives requises sont rendues complexes par leur grand âge, sans parler de la fracture numérique. Le taux de non-recours pour les personnes qui bénéficieraient d'une allocation supérieure à 700 euros par mois est de 43 %. Ce taux n'est pas négligeable. Il faut s'efforcer, par tous les moyens, d'aller vers ces bénéficiaires potentiels.

À cet égard, je me dois de saluer les démarches accomplies par les caisses nationales des différents régimes. Ces dernières mettent en oeuvre des campagnes d'information de plus en plus fournies auprès de leurs assurés pour leur faire connaître leurs droits, avant même qu'ils n'y soient éligibles. La MSA appelle ainsi ses pensionnés l'année précédant celle au cours de laquelle ils seraient éligibles à l'Aspa. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) procède à des analyses poussées pour identifier, parmi ses pensionnés, ceux qui seraient susceptibles de remplir les conditions d'ouverture du droit à l'Aspa. Les caisses régionales les contactent ensuite et leur proposent de les accompagner dans leurs démarches.

Ces efforts sont salutaires, mais la lutte contre le non-recours au minimum vieillesse doit être intensifiée, car nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un taux de 50 %.

Il faudrait tout d'abord recenser régulièrement le taux de non-recours au minimum vieillesse pour mieux comprendre encore ce phénomène et toujours mieux identifier les personnes qu'il touche. J'y insiste, les données statistiques les plus pertinentes que nous ayons portent sur l'année 2016. Elles commencent donc à dater.

Je ne pense pas en revanche qu'il faille encore augmenter le seuil de récupération sur succession. Le législateur l'a fait récemment : attendons de mesurer les effets de cette mesure.

Enfin, il me semble nécessaire d'intensifier les actions d'information et de démarchage menées par les caisses de retraite. En effet, si nous comprenons que certaines personnes refusent d'elles-mêmes de demander une allocation à laquelle elles ont droit, il n'est pas acceptable que d'autres n'y recourent pas au motif qu'elles n'en ont pas connaissance. C'est pourquoi je fais mienne la préconisation de la Cour des comptes qui incite à renforcer le suivi des campagnes nationales tendant à réduire le non-recours et à en mesurer l'efficacité. Cela étant, j'observe que la prolifération des démarchages téléphoniques en tout genre peut constituer un frein.

Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - L'examen du présent texte m'a conduit à étudier les relations financières entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les départements, lesquelles sont pour le moins complexes.

Comme vous le savez, la CNSA est l'organisme gestionnaire de la branche autonomie, mais le fonctionnement de cette branche est décentralisé et relève en grande partie de l'échelon départemental.

Cette large compétence se traduit par un certain nombre de concours financiers versés par la CNSA aux départements pour garantir une compensation financière. Les plus importants, en termes financiers, compensent notamment les dépenses relatives à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), à la prestation de compensation du handicap (PCH), à la dotation qualité et au tarif plancher des services à domicile. Aujourd'hui, on dénombre une douzaine de concours financiers pour un montant total de 5,5 milliards d'euros. Au fil des réformes, ces concours se sont en effet multipliés et diversifiés, dégradant peu à peu la lisibilité de leur architecture globale.

Au-delà de la multiplication des concours financiers versés par la CNSA aux départements, l'objectif de compensation financière n'est plus rempli de manière satisfaisante.

Tout d'abord, certains concours sont aujourd'hui déconnectés des besoins réels. C'est par exemple le cas du concours APA 2, dont les critères de répartition n'ont pas été actualisés depuis 2016, ou encore des concours MDPH - maisons départementales des personnes handicapées -, qui ne reflètent plus que partiellement l'activité réelle des structures.

Ensuite, la couverture des dépenses des départements est insuffisante. Ces derniers demandent une couverture minimale de 50 % de leurs dépenses relatives à l'APA et à la PCH. Or, en 2022, le taux n'atteignait que 41,5 % pour l'APA et 33,4 % pour la PCH, avec d'importantes disparités entre départements.

Enfin, au cours de mes travaux, j'ai pu constater que les concours financiers récemment créés l'ont été sans garantir la cohérence d'ensemble.

Par exemple, les mécanismes de compensation des mesures financières et salariales introduites par les LFSS 2021 et 2022 n'ont pas été coordonnés avec les concours existants. En résulte, pour la CNSA comme pour les départements, une charge de gestion disproportionnée pour éviter les doubles financements.

La mise en place du tarif plancher pour les services d'aide à domicile constitue un autre exemple. Les départements qui pratiquaient volontairement des tarifs plus élevés n'ont bénéficié d'aucun financement au titre de cette mesure. À l'inverse, ceux dont les efforts étaient moindres ont bénéficié d'une compensation à 100 % des dépenses liées à l'atteinte du tarif plancher. Cette situation pose une vraie question d'équité.

Vous l'avez compris, dans ce contexte, une réforme des concours financiers s'impose. Elle est d'ailleurs défendue tant par les départements que par la CNSA. Un comité des financeurs s'est récemment tenu et, selon les informations qui m'ont été transmises par la CNSA, deux grands scénarios ont été proposés. Ils reposent tous deux sur une fusion des principaux concours.

Dans le premier scénario, la logique des concours historiques serait conservée, avec une répartition selon des critères de population, de dépenses et de péréquation. Ces critères seraient toutefois améliorés pour adapter les concours aux besoins des départements en fonction de leurs dépenses réelles.

Dans le second scénario, les montants des concours versés aujourd'hui seraient « cristallisés » et complétés d'une enveloppe particulière pour couvrir à 50 % la hausse des dépenses d'APA et de PCH. Pour rappel, les départements revendiquent plus généralement une couverture minimale de 50 % de l'ensemble de ces dépenses.

Une modulation sur objectif d'une partie des concours, en fonction d'indicateurs de qualité des services rendus, a également été évoquée.

En tant que rapporteur, je ne peux qu'encourager la CNSA et les départements à poursuivre leurs concertations pour aboutir à une réforme. Cette dernière doit impérativement viser des objectifs de simplification, de lisibilité et de cohérence, tout en répondant aux besoins territoriaux. Il y va du bon fonctionnement de la cinquième branche.

Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Pour ma part, j'ai souhaité me pencher plus spécifiquement sur la politique d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui n'est pas soumise, comme vous allez le voir, aux règles s'appliquant habituellement à la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Cette question a fait l'objet, en 2005, d'un important rapport d'information sénatorial - je tiens tout particulièrement à saluer la mémoire de son auteur, notre ancien collègue Gérard Dériot.

Ce travail souligne qu'« on en savait assez pour gérer le risque amiante en 1965 ». Le recours à ce matériau aux propriétés physiques exceptionnelles - résistance à la chaleur, faible conductivité thermique, résistance mécanique et chimique - et aux usages industriels nombreux n'en a pas moins triplé dans le troisième quart du XXe siècle, et pour cause : il a fallu attendre 1977 pour que l'usage de l'amiante soit réglementé et 1996 pour que son utilisation soit définitivement interdite en France.

Pendant plus de trente ans, des travailleurs de l'amiante, du bâtiment, du textile ou des chantiers navals ont donc été exposés à l'amiante malgré ses effets néfastes avérés. Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont développé des pathologies caractéristiques, qu'elles soient bénignes, comme les plaques pleurales, ou malignes, comme le mésothéliome.

C'est dans ce contexte que le législateur a créé, en 1999 et 2001, des fonds instituant un régime de prise en charge dérogatoire pour les victimes de l'amiante.

Le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), créé en 1999, finance des mécanismes de préretraite au bénéfice des victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante et des travailleurs ayant été exposés à ce matériau. Ces assurés peuvent cesser leur activité entre 50 ans et 60 ans, selon leur durée d'exposition et leur statut, et bénéficient jusqu'à la liquidation de leurs droits d'un revenu de remplacement correspondant à 65 % de leur salaire.

Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), créé en 2001, a quant à lui vocation à assurer la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis par les victimes de l'amiante et leurs ayants droit. Les victimes environnementales ou non éligibles par ailleurs à la réparation AT-MP sont également couvertes. La politique d'indemnisation du fonds est plus favorable que la réparation AT-MP : elle présente un caractère intégral et non forfaitaire. De plus, le champ des préjudices indemnisables est considérablement plus étendu puisqu'il ne comprend pas seulement le déficit professionnel, mais aussi le déficit fonctionnel et les préjudices physique, moral, esthétique et d'agrément. Au total, depuis sa création, ce fonds a indemnisé plus de 110 000 victimes, pour un montant total de 7,3 milliards d'euros.

Les travaux que j'ai conduits mettent en lumière les résultats remarquables du fonds : les victimes sont mieux indemnisées et la qualité du service proposé par le Fiva est soulignée tant par les statistiques - le taux de satisfaction atteint 94 % - que par les associations de victimes. Ces structures louent notamment le rôle du fonds dans l'information des victimes et leur accompagnement dans les procédures. Les délais de traitement du Fiva sont, en outre, nettement inférieurs aux durées réglementaires.

Pour autant, le Fiva doit aujourd'hui relever deux défis majeurs.

Premièrement, le non-recours aux prestations concerne 35 % à 40 % des demandeurs potentiels. De l'aveu même des responsables du fonds, c'est la conséquence d'un manque d'information, d'accompagnement ou d'intérêt des demandeurs. Le Fiva a pris les choses en main : la loi lui confère symboliquement, depuis la LFSS 2024, une mission d' « identification » des demandeurs potentiels, à laquelle le fonds entend répondre par une politique d'aller vers. Il souhaite en effet obtenir des pouvoirs publics - notamment des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) - les coordonnées de patients traités pour des pathologies caractéristiques de l'amiante, afin d'entrer en contact avec eux et de leur présenter l'action du fonds. Il reste toutefois en attente d'un texte réglementaire initialement prévu pour l'été dernier et dont on espère la publication prochaine.

Deuxièmement, la situation financière du fonds, naguère confortable, est désormais alarmante à cause d'un effet de ciseaux. Sa subvention a été longtemps fixée à un niveau volontairement insuffisant afin de consommer ses réserves financières, mais le rebond des dépenses lié à la revalorisation des barèmes l'a conduit, en 2023, à déplorer un déficit de 80 millions d'euros. Les dotations prévues pour 2024 et 2025 sont en hausse, mais l'effort est concentré uniquement sur la branche AT-MP, ce qui est regrettable : il conviendrait que l'État, reconnu responsable du scandale de l'amiante et cofinanceur aujourd'hui mineur, intensifie lui aussi son effort financier en faveur du fonds.

M. Olivier Henno, pour la branche famille. - Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, j'interviendrai brièvement sur la mise en oeuvre de la réforme du congé de paternité inscrite dans la LFSS 2021.

Pour rappel, la LFSS 2021 a allongé à compter du 1er juillet 2021 la durée du congé de paternité et d'accueil de l'enfant de onze à vingt-cinq jours et de dix-huit à trente-deux jours en cas de naissance multiple. Elle a aussi rendu obligatoire le congé de naissance de trois jours immédiatement après la naissance ainsi que les quatre premiers jours du congé de paternité, instaurant ainsi une période de sept jours de congés obligatoires juste après la naissance. Les autres jours de congé de paternité sont pris à la discrétion du bénéficiaire dans les six mois qui suivent la naissance. Cette réforme a connu depuis lors deux ajustements. La LFSS 2022 a étendu le congé de paternité et d'accueil de l'enfant aux collaborateurs des professions libérales. La LFSS 2024 a assoupli, conformément aux recommandations de notre commission, les règles de prise du congé de paternité pour les non-salariés agricoles afin de mieux répondre aux difficultés constatées sur le terrain de remplacement dans les exploitations agricoles.

L'évolution du congé de paternité visait initialement deux objectifs : accroître le taux de recours au congé de paternité, c'est-à-dire la part des pères, parmi ceux éligibles au dispositif, qui ont effectivement recours au dispositif, et améliorer le partage des tâches entre les deux parents et l'entrée dans la parentalité. Concernant le taux de recours, ce dernier n'augmentait effectivement quasiment plus depuis sa montée en charge très rapide à la suite de la création du congé de paternité, passant ainsi de 66 % en 2003 à 71 % en 2021.

Mais après deux années pleines de mise en oeuvre de la réforme, son principal effet semble consister dans le seul allongement de la durée moyenne du congé de paternité, qui est ainsi passée de onze jours en 2020 à vingt-trois jours en 2023.

En effet, si le coût de la réforme s'inscrit dans les prévisions budgétaires initiales, soit environ 400 millions d'euros de prestations supplémentaires pour 2023, cela semble avant tout dû à une faible amélioration du taux de recours ainsi qu'à une diminution du nombre de pères bénéficiaires liée à la baisse la natalité. C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle est également arrivée la commission des comptes de la sécurité sociale qui indique, dans son rapport de mai 2024, que « l'allongement du congé de paternité en 2021 n'a pas conduit les pères qui ne recourent pas au congé de paternité à y recourir davantage ». Les pertes de revenus, notamment pour les indépendants et les professions libérales, la précarité du statut professionnel ou encore la crainte d'être mal perçu restent des limites structurelles fortes au recours au congé de paternité.

Par ailleurs, je regrette le peu de données actualisées disponibles concernant les différents régimes ainsi que l'impossibilité de procéder, à ce stade, à une analyse fine par catégorie socioprofessionnelle ou par statut d'emploi de l'évolution du recours au congé de paternité. Ces données sont pourtant essentielles au pilotage d'une telle réforme et à la bonne évaluation de son efficacité. Dès lors, il m'apparaît nécessaire de poursuivre l'évaluation de l'impact de cette réforme sur les comportements au sein des différents régimes avant toute nouvelle adaptation législative et réglementaire.

Enfin, notre commission avait accueilli favorablement la réforme tout en regrettant que cette évolution ne s'inscrive pas dans une réflexion plus large sur l'efficacité et la pertinence des congés parentaux dans leur ensemble. À ce titre, et alors qu'aucune mesure nouvelle relative à la branche famille ne figure dans le PLFSS pour 2025, j'estime nécessaire d'apporter une attention particulière aux politiques mises en place et aux orientations prises par le Gouvernement dans ce domaine.

Mme Annick Petrus. - On constate un écart de 2,1 milliards d'euros entre les prévisions de la LFSS 2024 et le déficit réel en 2023. Le PLFSS vous semble-t-il à la hauteur des enjeux en ce qui concerne les recettes ?

En outre, les branches vieillesse et autonomie sont également déficitaires. Compte tenu du vieillissement de la population, comment répondre au défi à long terme du financement de ces branches tout en assurant une prise en charge suffisante des retraités et des personnes dépendantes ?

M. Alain Milon. - J'ai participé, lundi dernier, à la commission des comptes de la sécurité sociale où n'étaient présents en tout et pour tout que trois parlementaires, dont Bernard Jomier et moi-même. En revanche, toutes les administrations, toutes les branches et tous les syndicats étaient représentés. Le plus étonnant, pour ne pas dire le plus révoltant, tient au fait que chacun a admis de manière très passive le principe d'un déficit croissant dans des proportions abyssales dans les années à venir jusqu'en 2033. Cette passivité est pour le moins inquiétante.

Si l'on regarde de près le PLFSS pour 2025, l'on constate qu'il n'est pas l'oeuvre des politiques, mais de Bercy et du ministère de la santé. Il faudrait y remédier.

J'ai l'intention de rappeler au Gouvernement cette maxime : « qui aime bien, châtie bien. » En effet, je souhaite que l'on réfléchisse sérieusement à l'avenir de la santé en France plutôt que d'aller, par passivité, vers une financiarisation totale de la santé sur le modèle américain. Je souhaite que l'on envisage très rapidement des réformes structurelles plutôt que d'accepter sans mot dire les déficits. J'espère que vous vous révolterez avec moi.

M. Bernard Jomier. - Ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale a été déposé au mois de juillet dernier, après un premier texte présenté au mois de mai. Ce calendrier est important, car il n'avait rien d'inéluctable, le dépôt du premier projet de loi au mois de mai étant déjà très tardif. Il aurait fallu le faire au moins un mois plus tôt. Certes, les jeux Olympiques et la dissolution sont venus perturber le calendrier du gouvernement d'alors, mais c'est surtout par choix politique que nous délibérons seulement à la fin du mois d'octobre de ce texte. Encore une fois, un tel retard est contraire à l'esprit de la loi organique.

La Cour des comptes, dans son rapport de mai 2024, dénonce la gestion préoccupante des comptes de la sécurité sociale et note une perte manifeste de contrôle des comptes sociaux. La trajectoire des déficits échappe désormais à toute maîtrise. La cour qualifie de « floues » les perspectives de redressement du Gouvernement et elle estime que celles-ci laissent présager une aggravation de la situation. Le mauvais pilotage des comptes favorise un déficit structurel de la sécurité sociale qui semble s'installer de manière durable.

Lors de l'examen des deux précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, j'avais déjà attiré votre attention sur la dégradation de la trajectoire des comptes de la sécurité sociale, qui ne porte pas de retour à l'équilibre. Faut-il y voir l'effet d'une gestion à court terme qui part à vau-l'eau ou bien le résultat d'un choix politique délibéré ? L'installation du déficit au cours des années successives penche pour la deuxième option. Je rappelle que la gauche avait ramené les comptes sociaux quasiment à l'équilibre en 2017. Nous pouvons avoir des divergences sur l'analyse des recettes, des dépenses ou des moyens à mettre en oeuvre, mais ce fait est incontestable.

Y a-t-il une volonté du Gouvernement de masquer la dégradation des comptes sociaux ? Alors que les institutions non gouvernementales ont régulièrement estimé que la croissance ne serait que modérée, les gouvernements successifs ont élaboré tous leurs projets budgétaires sur des estimations optimistes qui ont faussé la visibilité des comptes.

Comme l'a rappelé Élisabeth Doineau, l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille est un motif de préoccupation. Je rappelle que le montant des préjudices financiers persistant après les opérations de contrôle interne a été estimé à 5,5 milliards d'euros, essentiellement d'indus. Toutefois, il faut noter que pour les comptes de 2023, un certain nombre d'actions ont été mises en oeuvre par le réseau des caisses d'allocations familiales pour fiabiliser les données déclaratives. En tout état de cause, cette vision court-termiste a des conséquences lourdes sur l'avenir des comptes.

J'ai bien noté que, dans le cadre de la CCSS, la ministre du travail avait expliqué que l'inflexion donnée par le Gouvernement pour favoriser les recettes serait de court terme. Le court-termisme est donc revendiqué. Mais comment pourrons-nous revenir à l'avenir sur des suppressions d'exonération sans creuser le déficit ? Cette revendication du court terme est délétère pour les comptes sociaux.

En matière de recettes, la stratégie de Bruno Le Maire s'est articulée, depuis 2018, autour d'une baisse des prélèvements obligatoires. La part des cotisations sociales dans le financement des comptes sociaux est passée en deux décennies à 48 % en 2023, tandis que celle des impôts et des taxes affectées a augmenté. Les exonérations de cotisations sociales sur certains compléments de salaire non compensées par l'État ont privé le budget de la sécurité sociale de plusieurs milliards d'euros. La Cour des comptes a pointé ce déséquilibre croissant entre les cotisations et la fiscalité, qui entraîne un glissement vers un financement de la sécurité sociale de plus en plus dépendant des impôts. En effet, l'enjeu est celui du choix politique quant à l'évolution de notre modèle social.

Enfin, le transfert de la dette de l'État vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) maintient les comptes de la sécurité sociale en déficit. Compte tenu d'une trajectoire sans perspective de redressement dans le PLFSS pour 2025, qui s'inscrit même en dégradation, la Cades ne pourra pas être éteinte en 2033.

Telle est la situation. La rapporteure générale a rappelé les progrès dont témoignent le Repss ainsi que l'évaluation des niches sociales, alors que ces deux sujets avaient justifié, l'an dernier, le dépôt d'une question préalable sur le texte. Toutefois, ces progrès restent insuffisants, car quand bien même elle aurait progressé, une évaluation qui n'aboutit pas à des mesures concrètes reste insatisfaisante.

Nous souscrivons, bien évidemment, à la proposition qui nous a été faite de rejeter ce texte en adoptant la question préalable.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez pointé que les salaires augmentaient moins vite que le PIB. Dans la mesure où celui-ci se définit comme la somme des valeurs ajoutées, cela signifie que le partage de la valeur ajoutée se fait en défaveur des salaires.

Pour ce qui est de la justification du report au 1er juillet 2025 de la revalorisation des retraites, certains soulignent que le salaire moyen par tête progresse moins vite que l'inflation. Cela réveille la vieille opposition, un peu facile, entre les actifs et les retraités.

Vous avez expliqué le déficit par la forte croissance du Smic, destinée à provoquer un effet levier, compte tenu des exonérations que cela génère pour les entreprises. Certains en avaient même fait le point central de leur programme politique.

Les niches sociales doivent être financées par le budget de l'État. Or on observe depuis 2018, comme le souligne la Cour des comptes, une croissance inédite des exonérations non compensées par l'État. La loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise a ainsi exclu une partie des rémunérations de l'assiette soumise à cotisations. Entre 2018 et 2022, les exonérations non compensées, c'est-à-dire les pertes de recettes liées à l'absence de cotisation sur certains compléments de rémunération, tels que la prime de partage de la valeur, dont le plafond a été relevé à 6 000 euros, ont ainsi atteint le niveau record de 8,1 milliards d'euros, tandis que le déficit n'a augmenté que de 6 milliards d'euros.

Je souhaiterais d'ailleurs, comme je l'avais déjà demandé à notre président, que nous ayons connaissance de la répartition de ces 8,1 milliards d'euros par branche.

Les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, qui n'ont pourtant pas d'efficacité économique, comme l'ont montré plusieurs rapports officiels, ont été rétablies, et cela pénalise la branche vieillesse. Nous devons être vigilants sur ce point, car le budget ne reprend qu'une toute petite partie d'entre elles, pour un montant de 0,7 milliard d'euros sur un total de plus de 8 milliards.

Ce désarmement social, cette politique des caisses vides, résulte bien d'une volonté politique. Le Conseil d'analyse économique et l'Insee ont d'ailleurs montré qu'un tiers des sommes versées au titre du partage de la valeur étaient des substitutions de salaire.

Je considère en outre que l'Ondam est insincère.

M. Philippe Mouiller, président. - Je précise que j'ai relayé votre demande auprès du Gouvernement pour obtenir les éléments que vous demandez.

Mme Florence Lassarade. - Le congé de paternité n'est que partiellement appliqué. Peut-on évaluer son impact sur le bien-être de l'enfant ? C'était le principal intérêt de la mesure à mon sens. La mission d'information sénatoriale sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale a publié son rapport. J'observe que le rôle du père y est très peu évoqué.

M. Daniel Chasseing. - Je suis d'accord avec Alain Milon : on sait qu'il y a des déficits, mais on n'essaie pas vraiment de les résoudre. Il est pourtant important d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale, car celle-ci constitue la colonne vertébrale de notre société.

Ma question portera sur la création de la quatrième année en internat de médecine consacrée à la réalisation de stages. Les choses avancent lentement. On nous dit que le nombre d'internes l'an prochain sera plus faible, mais je n'ai pas compris pourquoi. Les stagiaires de quatrième année ne commenceront à exercer qu'en 2026. Un maître de stage pourra-t-il prendre en charge deux stagiaires ? Parfois les médecins sont surchargés et n'ont pas eu le temps de devenir maîtres de stages. Peut-être faut-il adapter les formations aux emplois du temps.

En ce qui concerne l'autonomie, les départements peuvent opter pour la fusion des sections soins et dépendance à titre expérimental. Pour que le dispositif puisse être généralisé, il faudra que l'APA représente la totalité des frais de séjour du pensionnaire avant déduction du ticket modérateur.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Les tableaux de notre rapporteure générale sont très clairs et l'analyse par branche est limpide.

L'assurance maladie et la branche vieillesse connaissent un déficit important. Il est de notre devoir d'alerter sur les soins inutiles et redondants, qui représentent, selon l'OCDE et l'Académie de médecine, 20 % des soins. Or le Gouvernement ne prévoit de récupérer que 900 millions d'euros à ce titre. C'est peu. Il en va de même en matière de lutte contre la fraude, alors que cette dernière s'élève à 13 milliards d'euros selon l'inspection générale des affaires sociales (Igas), voire à 15 milliards d'euros selon la Cour des comptes. On ne fait pas un effort suffisant. Il faudrait mobiliser davantage de contrôleurs. C'est pourquoi il ne saurait être question pour moi d'approuver les comptes. Certes des évolutions ont eu lieu en radiologie et en biologie, mais le problème de fond est la redondance entre les prescriptions du médecin généraliste et du spécialiste, de l'hôpital ou de la clinique : chacun prescrit la même mesure et finalement on fait plusieurs fois le même examen pour un même problème ! Voilà ce qui coûte cher. Il faut assurer l'effectivité de l'obligation du dossier médical partagé (DMP) et y verser automatiquement tous les résultats des examens.

Il faudrait aussi se pencher sur le rôle des mutuelles et de la sécurité sociale. À force de multiplier les financements croisés, on va tuer la sécurité sociale ! Les mutuelles doivent se concentrer sur certains secteurs et sur la prévention.

M. Alain Milon. - Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Les chiffres du Conseil d'orientation des retraites (COR) régime par régime montrent que ce sont surtout les retraites du public qui coûtent cher : elles constituent en fait un salaire différé qui n'est pas financé. Leur montant s'élève à 45 milliards d'euros et l'État s'endette pour les payer. C'est un déficit masqué. La convention « équilibre permanent des régimes » (EPR) du COR prévoit une intervention financière de l'État pour équilibrer les comptes des régimes de la fonction publique. C'est pertinent s'il dispose de l'argent nécessaire, mais en réalité il s'endette pour payer ce salaire différé. Le risque de faillite est donc réel. Pourquoi ne pas demander à la Cour des comptes de faire le point sur ce sujet ?

Nous devons donc repenser notre système de santé et de retraite. Et je n'ai pas parlé de la branche autonomie, qui est encore à l'équilibre, mais pour combien de temps...

Mme Céline Brulin. - Les interventions des uns et des autres préfigurent les débats que nous aurons lors de l'examen du PLFSS. Les orientations politiques exprimées sont très différentes.

Nous souscrivons à la proposition de rejet des comptes qui a été présentée. Les recettes ont été moins dynamiques en 2023, car les exonérations de cotisations non compensées ont progressé deux fois plus vite que les salaires. Cette question mérite d'être approfondie, même si le PLFSS lève certains tabous à cet égard.

Alors que l'on entend souvent un discours culpabilisant sur le fait que nos concitoyens abuseraient de certains droits, nos rapporteurs ont bien montré l'importance du non-recours à certaines prestations, comme à celles du Fiva ou encore au minimum vieillesse. Ils mettent aussi en évidence le niveau insuffisant des compensations à l'égard des départements.

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Il était intéressant de montrer que coût de la réforme du congé de paternité s'est révélé conforme aux prévisions, à hauteur de 400 millions d'euros. Le taux de recours des pères progresse faiblement. Sans doute est-ce dû à un effet prix. Le montant de l'allocation de remplacement semble insuffisant pour inciter davantage de pères à recourir à ce dispositif. Alors que 76 % des mères qui ne sont pas en activité recourent au congé de maternité, 13 % des pères dans la même situation demandent un congé paternité. Comment expliquer cette différence de comportement ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Les rapporteurs des différentes branches ont complété avantageusement les informations qui figurent dans le rapport de la Cour des comptes et dans d'autres rapports. Ils ont bien souligné, de manière factuelle, l'importance du non-recours, notamment aux prestations du Fiva. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au travail de notre ancienne collègue Aline Archimbaud, qui avait beaucoup travaillé sur l'amiante.

Madame Petrus, l'écart de 2,1 milliards d'euros que vous évoquez devrait être bien pire en 2024. Le PLFSS pour 2025 comprend d'importantes mesures relatives aux recettes, sur lesquelles nous reviendront d'ici quelques semaines.

Je partage le coup de sang d'Alain Milon. J'ai siégé à la CCSS, et j'ai pu observer une certaine forme de passivité, comme si l'on pouvait continuer sur cette voie indéfiniment. Or la crédibilité de la France est entamée, car notre deuxième poste de dépenses est le remboursement de la dette. Notre modèle social est menacé et nul ne s'en émeut.

M. Jomier a déploré à juste titre un court-termisme délétère. Le HCFP nous incite chaque année, dans ses avis, à revenir à une trajectoire soutenable. La ministre pourrait s'appuyer sur ces rapports pour faire en sorte de réduire des déficits et de garantir la soutenabilité de nos comptes. Nous devons nous demander quel modèle nous voulons mettre en oeuvre à l'avenir et trouver les réformes adéquates. On n'a jamais dépensé autant pour l'hôpital et pourtant le taux de satisfaction baisse. C'est la preuve que quelque chose ne va pas.

Madame Poncet Monge, nous aurons l'occasion de débattre des allégements de cotisations lors de l'examen du PLFSS. Le rapport Bozio-Wasmer comporte des pistes. La masse salariale n'a pas atteint le niveau prévu, et les revalorisations du Smic ont suscité une forte augmentation des allégements de cotisations patronales. C'est ce qui explique la situation actuelle. La forte croissance des allégements généraux pénalise les caisses de retraite, mais elle a aussi un impact sur les branches famille et maladie.

La fusion entre les sections soins et dépendance n'a pas encore été mise en oeuvre. J'ai l'impression que nombre de départements étaient désireux de se débarrasser de cette charge, ce qui explique la rallonge budgétaire.

Monsieur Vanlerenberghe, en 2023, le déficit de la branche maladie était de plus de 11 milliards d'euros, tandis que celui de la branche vieillesse s'élevait à 2,6 milliards. Toutefois, au cours des années à venir, le déficit de cette dernière s'accentuera. En l'absence de mesure, en 2027 les deux tiers du déficit de la branche vieillesse seraient dus au déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Vous avez donc raison, nous devons repenser nos modèles. L'impact du vieillissement de la population a été sous-estimé. Nous sommes face à un mur en la matière et les conséquences sont nombreuses. N'oublions pas que les allégements de cotisations concernent beaucoup les emplois à bas salaire de l'aide à la personne. Or nous aurons de plus en plus besoin de ces emplois.

Oui, Madame Brulin, nous aurons de grands débats sur les recettes lors de l'examen du PLFSS et je m'en réjouis.

Mme Corinne Imbert, pour la branche assurance maladie. - La quatrième année d'internat en médecine générale a été créée en 2022. Elle ne pourra donc produire des effets sur le terrain qu'à partir du 1er novembre 2026. La réforme concernera les étudiants rentrés en première année en 2023, qui seront en quatrième année en 2026. Tous les textes d'application n'ont toutefois pas encore été publiés. Il serait souhaitable que les étudiants aient de la visibilité sur le dispositif. Cette quatrième année se déroulera en autonomie sous la supervision d'un maître de stage. Nous devons augmenter le nombre de ces derniers. On compte davantage de maîtres de stage universitaires, mais il faut poursuivre l'effort en la matière. De même, des désaccords sur la rémunération des docteurs juniors persistent entre la conférence des doyens de médecine et le collège national des généralistes enseignants, lequel soutient les étudiants. Ces points de blocage devront être levés pour que cette réforme, attendue dans les territoires, aboutisse.

M. Olivier Henno, pour la branche famille. - La question centrale est celle du pilotage de notre système de solidarité. Notre pays est parmi ceux qui dépensent le plus pour leur politique familiale : 2,2 % du PIB en 2021, quand d'autres pays européens n'y consacrent que 1,5 %. Nous dépensons de même 12,5 % de notre PIB pour notre système de santé : ce taux n'est que de 10 % dans la majorité des autres pays européens. De même, nous allouons 14 % de notre PIB aux retraites, quand nos voisins y consacrent moins de 12 %. La question des moyens n'est donc pas première. On ne peut pas parler de « désarmement » lorsque l'on dépense autant. Avant de dépenser plus, il faut commencer par dépenser mieux.

Le texte prévoit peu de mesures relatives à la mesure de la qualité dans la branche famille. La question majeure est celle de la régulation et de l'amélioration de la qualité. Concernant le congé de paternité, la Drees a mis en place une étude longue afin de suivre l'évolution des pratiques et des représentations paternelles au cours des trois premières années de l'enfant.

Madame Aeschlimann, les chiffres que vous citez sont ceux de 2021 et ne prennent donc pas pleinement en compte les effets de la réforme du congé de paternité. On note une amélioration, mais on se heurte au mur des mentalités. Les hommes au chômage sont davantage gênés de recourir au congé de paternité. Il est pourtant essentiel, comme le montre le livre de Victor Castanet, Les Ogres, de réformer nos systèmes de la petite enfance et des modes de garde. Là encore cela pose la question de la qualité, du pilotage et des modes d'organisation.

Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - Le financement de la branche autonomie constitue un véritable défi. Nous sommes confrontés à un mur du vieillissement. Même si les crédits de la branche devraient augmenter de 6 % en 2025, la trajectoire ne nous incite pas à l'optimisme, car elle aboutira vite à un déficit. Nous venons de publier, avec Solanges Nadille et Anne Souyris, un rapport d'information sur la situation des Ehpad. Nous proposons notamment de créer une seconde journée de solidarité, pour financer la branche autonomie, et de fusionner les sections soins et dépendance, afin d'améliorer l'efficience du système. Il s'agit de redorer le blason des Ehpad, après le scandale de l'affaire Orpea qui a suivi la parution du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet.

EXAMEN DES ARTICLES

Motion

La motion n°  1 est adoptée.

La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023.

II. TRAVAUX DE LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (MECSS)

AUDITION DE M. MORGAN DELAYE, CHEF DE SERVICE, ADJOINT AU DIRECTEUR DE LA DIRECTION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, SUR LES PERSPECTIVES DE MISE EN oeUVRE DE L'OBLIGATION ORGANIQUE D'ÉVALUATION DES NICHES SOCIALES (29 FÉVRIER 2024)

M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, nous avons aujourd'hui le plaisir d'entendre M. Morgan Delaye, chef de service, adjoint au directeur de la sécurité sociale, sur les perspectives de mise en oeuvre de l'obligation organique d'évaluation des niches sociales.

Ce rapport se situe dans le cadre de la prochaine mise en oeuvre de la disposition de la révision organique de 2022 selon laquelle chaque année, l'annexe du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) relative aux niches sociales doit évaluer un tiers de ces niches.

Je rappelle que l'article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale prévoit que « sont jointes au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale » diverses annexes. L'une de ces annexes, relative aux niches sociales, présente « l'évaluation de l'efficacité de ces mesures au regard des objectifs poursuivis, pour au moins le tiers d'entre elles ». Il est précisé que « chaque mesure doit faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans ».

Comme vous vous en souvenez, cette disposition n'a pas été respectée dans le cadre du Placss 2022, ce qui a été l'une des raisons du rejet du texte par le Sénat.

Nous avons entendu, le 17 janvier 2024, les deux inspecteurs généraux des affaires sociales, co-auteurs du rapport de mars 2023 de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF), sur la méthodologie d'évaluation des niches sociales. Cette audition a apporté peu d'informations utiles, les auteurs du rapport indiquant ne pas avoir d'informations sur ses perspectives de mise en oeuvre.

Monsieur le chef de service, nous vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss). Vous avez été destinataire d'un questionnaire écrit qui vous permet de connaître nos principales interrogations. Je vous invite, dans un premier temps, à tenir un propos liminaire d'une quinzaine de minutes. Les sénateurs présents, en premier lieu Élisabeth Doineau, rapporteure générale, pourront ensuite vous interroger.

M. Morgan Delaye, chef de service, adjoint au directeur de la direction de la sécurité sociale. - Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez rappelé, la loi organique a prévu une évaluation des niches sociales par tiers tous les trois ans en s'appuyant sur l'annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui existait déjà et avait pour seul rôle jusqu'à présent de recenser les dispositifs d'exonération et d'exemption. Elle présentait une fiche d'identité et les éléments caractéristiques de chacune de ces niches, selon un périmètre qui n'était pas totalement établi.

Les inspecteurs que vous avez auditionnés ont eu pour mission de fixer le périmètre des exemptions et des exonérations qu'il s'agissait désormais d'évaluer. L'enjeu était de s'assurer qu'il était suffisamment complet pour pouvoir respecter l'obligation, sachant que la loi organique n'est pas très précise à cet égard. Elle fait une obligation d'exhaustivité, mais la définition d'une exonération ou d'une exemption n'est pas toujours simple. On a une approche très large : tout écart par rapport à une règle nominale est identifié comme une niche. De ce fait, on comptabilise environ 150 dispositifs.

La mission a également eu pour rôle de définir une méthode d'évaluation suffisamment consensuelle d'un point de vue économique et indépendante de l'administration et du pouvoir exécutif. Il faut qu'elle puise être considérée comme valide par le Parlement afin que celui-ci puisse faire siens les diagnostics posés.

La mission a distingué trois ensembles de dispositifs. Le premier regroupe des dispositifs, notamment les plus importants d'entre eux en termes de masse financière, qui doivent faire l'objet d'une évaluation très approfondie, possiblement par France Stratégie. Ensuite un ensemble d'environ 90 niches doit être évalué de manière également approfondie, mais plus ponctuelle, notamment par des missions d'inspection. Enfin, pour le dernier ensemble, la mission a proposé une évaluation plus restreinte dans la mesure où il s'agit de tout petits dispositifs, stables, mais sur lesquels les données sont parfois très peu disponibles. Par ailleurs, il y a très peu d'enjeux ou rarement de débats sur ces dispositifs, peu coûteux en général. Telle est la classification qui a été proposée. Depuis lors, les travaux ont commencé.

Un premier ensemble de travaux a été confié à deux économistes, Antoine Bozio et Étienne Wasmer. À la suite de la conférence sociale, il leur a été demandé, dans une lettre de mission dont le contenu a été rendu public, d'évaluer les effets des dispositifs d'allègement généraux sur la structure des salaires, sur le système productif et le système économique de manière générale. Les conclusions de leur rapport figureront de manière synthétique dans l'annexe.

Les trois principaux dispositifs d'exonération existants sont en cours d'évaluation. Il s'agit de la réduction générale dite dégressive des cotisations patronales, de la réduction proportionnelle des cotisations d'allocations familiales créée en 2015 de 1,8 point jusqu'à 3,5 Smic et de la réduction de 6 points des cotisations d'assurance maladie sous 2,5 Smic.

Les évaluations vont plus loin que ce qui est attendu, dans la mesure où il a été demandé aux économistes de travailler notamment sur l'influence de la forme de ces dispositifs d'exonération sur les négociations salariales et sur les trappes à bas salaires et les trappes à inactivité. Il s'agit donc d'évaluations assez poussées sur les effets économiques des dispositifs.

Les évaluations s'appuieront sur des données actualisées sur les effets de ces dispositifs sur les créations d'emplois, leur efficacité étant évaluée pour une bonne part à l'aune du coût par emploi créé ou sauvegardé. Ces dispositifs sont également comparés entre eux, afin de déterminer quels sont les plus efficaces, c'est-à-dire ceux qui permettent à des coûts relativement maîtrisés pour les finances publiques de créer le plus d'emplois.

Nous avons bon espoir que les conclusions de ces travaux puissent être intégrées dans un rapport intermédiaire lors du dépôt du Placss, les conclusions finales étant attendues à la fin du printemps. Nous n'aurons donc pas de difficultés à intégrer cette année des éléments d'évaluation assez approfondis sur les trois principaux dispositifs, conformément à notre objectif.

Le fait d'évaluer par tiers des dispositifs n'a pas forcément d'intérêt si on commence par ceux qui sont les moins intéressants et qui n'intéressent personne. L'objectif est donc de commencer par ceux qui sont au coeur du débat d'actualité et représentent des enjeux financiers importants.

Par ailleurs, nous sommes confrontés au manque de données sur certains dispositifs, qui, sous un certain seuil, sont exemptés de déclaration. Cela rend l'évaluation de leur efficacité difficile, faute de données chiffrées. Ce n'est pas vrai des principaux dispositifs, qui sont, eux, parfaitement tracés.

Ce travail n'a pas été confié à France Stratégie, contrairement à ce qui était préconisé, dans la mesure où la mission confiée aux économistes couvrait ce qui aurait été demandé à France Stratégie. Cela pourra être le cas dans un second temps, dans trois ans, car on ne demandera peut-être pas une nouvelle fois à des économistes d'effectuer un travail d'une telle ampleur.

D'autres dispositifs doivent faire l'objet eux aussi d'une évaluation approfondie : il s'agit de dispositifs d'exonération ciblés, par exemple les exonérations zonées géographiquement, les exonérations sectorielles, notamment les aides à l'apprentissage ou à l'insertion dans l'emploi et, enfin, les exonérations en faveur de l'aide à domicile, des services à la personne. Le coût de ces dispositifs varie entre quelques dizaines et plusieurs milliards d'euros. Pris ensemble, ils ne représentent pas plus de 10 % du coût des allègements généraux.

Ces dispositifs sont évalués par des missions d'inspection. Nous avons choisi d'évaluer plusieurs dispositifs à la fois, au sein de blocs faisant sens d'un point de vue économique, social et juridique. Ainsi, les dispositifs en faveur des aides à la personne regroupent une demi-douzaine d'exonérations juridiquement différentes, comme la réduction de 2 euros forfaitaire pour les particuliers employeurs, les exonérations en faveur des publics fragiles ou au titre de la garde d'enfants.

Ces dispositifs sont interdépendants : quand on bénéficie de l'un, on bénéficie de l'autre ou, au contraire, on n'y a pas droit. Si on veut apprécier leur efficacité, il vaut donc mieux les regarder ensemble. Si on veut tirer des conclusions intéressantes et intelligibles, il faut constituer des blocs à peu près cohérents. Il faudra en outre tenir compte de leurs interactions avec les allégements généraux et évaluer ce qu'ils apportent de différent, mesurer l'écart de coût et évaluer les emplois supplémentaires créés. C'est extrêmement difficile d'appréhender l'efficacité relative des dispositifs. Ainsi, il est compliqué d'évaluer le nombre d'emplois qui auraient été créés si l'exonération bénéficiant aux employeurs situés en outre-mer, dite Lodeom, n'avait pas été instaurée. Les dispositifs de droit commun représentent à peu près 70 % ou 80 %, la Lodeom 20 % ou 30 %, mais l'effet sur l'emploi de la Lodeom est compliqué à évaluer. Nous préparons des grilles d'analyse et de données qui permettent des résultats opérationnels et des conclusions précises. Je ne peux toutefois pas présager des conclusions des missions d'inspection.

Les dispositifs d'aide aux services à la personne seront évalués cette année, mais je ne sais pas s'il sera possible de dire que tel dispositif a un effet sur l'emploi vraiment supérieur à tel autre. Il sera sans doute difficile d'obtenir des conclusions extrêmement fines, les évaluateurs, y compris les économistes, étant toujours prudents quand ils réalisent ce genre de travaux.

On ne peut pas alerter inutilement sur l'inefficacité d'un dispositif sur lequel on ne dispose pas d'éléments probants. Peut-être son efficacité est-elle juste difficile à appréhender.

Rien n'exclut que des évaluations aboutissent à dire que l'on ne peut pas conclure à l'efficacité de certains dispositifs : cela signifie que, même si cela n'est pas certain, rien ne prouve non plus que le dispositif n'est pas efficace. Il s'agit de ce que la Cour des comptes qualifie de « limitation d'audit » plutôt que d' « évaluation », pour désigner l'incapacité dans laquelle on se trouve de formuler une opinion claire et tranchée sur tel ou tel aspect d'un dispositif. Cela fait partie du jeu.

D'autres missions contribueront à l'évaluation de certains de ces dispositifs. Par exemple, celle que j'évoquais précédemment examinera les dispositifs outre-mer. Nous souhaitons qu'elle aille au-delà de l'analyse des allègements généraux, pour que ses conclusions soient plus pertinentes. Je ne sais pas jusqu'à quel niveau de précision elle pourra aller, mais c'est bien là ce que nous avons recommandé. Le taux de couverture, sur ce deuxième bloc, n'est pas simple à estimer, mais nous pensons qu'un tiers environ sera évalué.

Pour le troisième bloc, c'est-à-dire les évolutions d'allégement faites par les administrations, nous souhaitons accroître la capacité à évaluer les effets financiers, même si cette donnée, parfois, n'existe pas. Par exemple, pour une exemption totale, il peut y avoir un seuil en dessous duquel rien n'est à déclarer. De ce fait, il n'existe aucun système d'information qui trace la donnée sur les sommes en question. Pour ces dispositifs, il est à peu près exclu, selon nous, de modifier le système déclaratif. Ponctuellement, nous pouvons y réfléchir, par exemple dans le cas où l'employeur aurait les informations. Mais en général, la situation est beaucoup plus complexe et la réglementation se trouve face à une aporie technique. Il en va ainsi pout un grand nombre d'exemptions des comités socio-économiques d'entreprise : l'employeur n'a pas les fichiers ni les informations. Dès lors, comment évaluer ce que représentent les avantages totalement exemptés ? Cela supposerait la construction totale d'un système d'information, qui n'a jamais été envisagée ni planifiée.

Pour ces 38 dispositifs, nous pensons toutefois faire figurer dans l'annexe une évaluation de leur coût et dans certains cas du coût par emploi créé - même si cela ne concerne parfois que quelques dizaines, centaines ou milliers de salariés. Si certains de ces dispositifs présentent un intérêt particulier, nous les ferons remonter dans la liste précédente, pour susciter des évaluations plus approfondies par des corps d'inspection. Mais, sauf manifestation d'intérêt, par exemple pour aller plus loin dans l'efficacité relative par rapport à d'autres mesures, nous ne pourrons pas le faire pour des dispositifs qui sont vraiment très petits.

Quant aux dispositifs sur lesquels il n'y a pas de données, la seule approche possible serait de faire appel à des économistes ou à des étudiants pour mener au cas par cas des études microéconomiques. Il faudrait aller voit comment ils sont attribués dans telle ou telle entreprise et faire des études sociologiques, mais par des biais non chiffrés, faute d'une banque de données.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Lorsque nous avons entamé notre analyse, en préparant le rapport sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022, nous souhaitions qu'il y ait une évaluation d'un tiers des niches, avec les moyens dont nous disposions à l'époque. Tel n'a pas été le cas. Or notre travail est bien d'évaluer l'opportunité ou la cohérence d'un allègement ou d'une exonération. Lorsque nous avons examiné le projet de loi organique, le Gouvernement n'a pas précisé qu'il serait à ce point compliqué d'évaluer un tiers des niches sociales !

M. Morgan Delaye. - L'administration avait signalé que ce serait un très gros travail, de surcroît totalement nouveau. Les services pour le mener n'existent pas pour l'instant : nul n'est aujourd'hui capable de faire des évaluations vraiment fines de ces dispositifs. Par ailleurs, notre approche de ce qu'est une exonération ou une niche reste très large, puisque nous y incluons tout écart par rapport à la règle de droit. Cela constitue un ensemble, très vaste, de 150 dispositifs. Nous n'avons donc pas la capacité technique, actuellement, d'évaluer le tout.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'entends bien, mais je n'avais pas eu le sentiment que c'était un objectif impossible à atteindre. Le premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale a donc été pour nous une période de frustration, pour ce qui est de l'évaluation. Une première, c'est une première : on peut le comprendre. Mais à présent, comment faire ? Comment pouvons-nous obtenir des éléments ? La première audition nous a abasourdis. Nous avons eu le sentiment que c'était mission impossible. Vous avez énuméré les difficultés que vous rencontrez pour mettre en place une grille d'appréciation, et je les comprends.

Je souhaite vous interroger sur l'articulation avec les rapports précédents. En quoi un nouveau rapport purement méthodologique était-il nécessaire ? Lorsque nous examinons la pertinence d'un allègement ou d'une niche sociale, nous vérifions que la recherche a été faite dans tous les domaines. Ce n'est pas facile dans certains cas. Pourquoi, par exemple, est-il compliqué d'évaluer les exonérations portant sur les travailleurs saisonniers employés dans la récolte des fruits et légumes ? Ces exonérations ont-elles permis de conserver des emplois et de préserver une économie locale ? Ce n'est pas évident à évaluer, mais il faut dire pourquoi exactement. Les témoignages de chefs d'entreprise ou des élus locaux pourront apporter un éclairage complémentaire : l'évaluation n'est pas uniquement monétaire, financière ou budgétaire, et peut porter aussi sur le type de société que nous voulons demain.

Vous paraît-il opportun de noter les niches, comme dans les rapports de 2011 et 2015 ? Nous en avons parlé lors de notre dernière audition. Cela permettrait d'apprécier le rapport coût-bénéfice en quelque sorte.

M. Morgan Delaye. - La nécessité d'un nouveau rapport méthodologique se justifiait au moins par des considérations de périmètre. Le nombre de dispositifs recensés dans l'annexe s'est fortement accru au cours du temps, passant de quelques dizaines il y a quinze ans à 150 dispositifs aujourd'hui. Il est vrai que la présentation a changé et que l'on a mieux documenté l'existant.

Il était important pour nous d'obtenir une forme de validation du périmètre, car la loi organique ne dit rien sur ce point. Qu'entend-on au juste par « réduction » et « exonération » dans ce texte ? Nous avons eu des débats, notamment avec la Cour des comptes, pour savoir s'il fallait inclure certaines dépenses. Pour les services à la personne, par exemple, le complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui est une dépense de la branche famille pour le soutien et l'aide à domicile, a des effets à peu près analogues au dispositif d'exonération des cotisations sociales sur les assistantes maternelles. Les deux vont ensemble et, financièrement, pour les bénéficiaires, le résultat est le même. Cet exemple est un peu caricatural, mais d'autres étaient plus subtils de sorte que la question méritait d'être posée.

Il fallait aussi classer les dispositifs, pas forcément par ordre d'importance, mais par blocs, en fonction de l'objet de l'évaluation et de son niveau de précision. Nous avons pu nous appuyer sur le travail réalisé en 2015.

Cette mission a eu pour résultat de favoriser une réflexion interministérielle. En effet, l'évaluation d'une exonération peut être différente selon l'administration qui y procède. Les administrations financières, tout comme la direction de la sécurité sociale, sans doute, manifesteront un intérêt très fort pour le coût de tel ou tel dispositif. En particulier, une exemption grève les droits sociaux, alors qu'une exonération ne le fait pas. D'autres administrations seront plus attentives à l'enjeu que représentent certains dispositifs pour les territoires ou pour certaines populations. La mission a donc rappelé qu'il fallait tenir compte de beaucoup de critères, les organiser et les prioriser.

Une conclusion importante du rapport a été de dire qu'il ne revenait pas aux administrations de procéder elles-mêmes à l'évaluation des dispositifs. En effet, elles les régissent, elles en définissent les règles et les modalités d'application, et elles en suivent la bonne application, en traitant les questions juridiques qu'ils posent. Elles savent les difficultés qu'ils peuvent poser à certains acteurs et connaissent leurs effets éventuels sur l'emploi. Elles reçoivent les représentants des secteurs qui en bénéficient. Elles disposent donc de beaucoup d'informations nécessaires pour mener une évaluation. Mais sont-elles les mieux placées pour le faire ?

D'abord, l'équipe chargée de l'ensemble des exonérations à la direction de la sécurité sociale ne compte que trois personnes. Vu l'actualité réglementaire et législative sur ces sujets, on ne peut pas envisager de lui confier une mission supplémentaire d'évaluation.

Surtout, les administrations ne sont pas dans la meilleure position pour assurer une telle mission, de sorte que le rapport propose de la déléguer à des acteurs offrant davantage de garanties d'indépendance et de liberté dans leur approche de ces dispositifs. En effet, une administration reste soumise par loyauté aux directives données par le ministre dont elle dépend. On gagnerait donc à confier l'évaluation à France Stratégie ou à des économistes missionnés par le Premier ministre. Quant au travail d'étude, il pourrait être mené par des inspections interministérielles qui bénéficieraient d'une certaine liberté d'approche dans leur mission.

La direction de la sécurité sociale considère qu'il serait utile de promouvoir une forme de notation, comme en 2015. Cela favoriserait la synthèse dans l'établissement des critères et la standardisation dans la restitution des résultats de l'évaluation. Nous considérons que cette notation pourrait faciliter une approche comparative des nombreux dispositifs, qui serait vertueuse. Bien évidemment, il faudra prévoir une marge de précaution : ce n'est pas parce qu'un dispositif sera mal noté qu'il faudra le supprimer. Et inversement un dispositif bien noté ne sera pas pour autant intouchable.

Certains de ces points de repère sont importants : la disponibilité des données, le coût global, le coût par emploi, la variabilité du dispositif, ou encore sa complexité. Il serait utile de disposer d'une grille qui tienne compte de ces éléments, même si l'on ne pourra sans doute pas en remplir toutes les cases pour l'ensemble des dispositifs. Cette année, sans aller jusque-là, nous pourrons peut-être faire figurer dans l'annexe une première notation de certains dispositifs, quitte à aller au-delà quand, après trois ans, on aura pu évaluer à peu près la totalité des dispositifs de manière à disposer d'une vision d'ensemble : il est difficile de noter les uns sans regarder les autres.

M. Bernard Jomier. - Nous avons bien compris la complexité de l'évaluation de ces dispositifs ; c'est un obstacle fréquent, au-delà du cas qui nous occupe aujourd'hui, notamment pour les élus locaux.

Ai-je bien compris que vous proposez, pour le premier bloc, de commencer le travail au moment du dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ? Pouvez-vous préciser le calendrier envisagé ?

Pour les territoires ultramarins, si je comprends bien, vous proposez de regrouper dans votre analyse l'ensemble des dispositifs qui s'y appliquent, pour la cohérence de l'analyse. Là encore, quel calendrier prévoyez-vous ?

M. Morgan Delaye. - Notre travail vise à mettre en oeuvre une obligation organique liée à la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Les évaluations et inspections prennent à peu près trois mois. Il faut donc travailler dès à présent pour que les annexes soient prêtes au moment du dépôt du projet de loi, avant le 1er juin.

Concernant l'évolution des allégements généraux, dans leurs trois composantes, notre objectif est de tenir compte, dans l'annexe déposée à la fin du mois de mai, des premières conclusions de la mission demandée par la Première ministre à MM. Bozio et Wasmer.

Quant à l'outre-mer, l'évaluateur est maître de ses choix. Nous avons simplement signalé que sa conclusion sur les allégements généraux n'aurait pas grand sens outre-mer s'il n'intégrait pas à sa réflexion les exonérations Lodeom pour les employeurs, plus intéressantes que les allégements généraux, et dont la moitié des entreprises ultramarines bénéficient. Ne pas les prendre en compte serait travailler avec des oeillères. Nous avons donc recommandé à la mission de procéder ainsi. Je ne sais si elle pourra aboutir à une évaluation approfondie de ces dispositifs, mais les données le permettent. Nous sommes en revanche plus prudents sur la modélisation des effets de certains dispositifs sur l'emploi outre-mer, car les données en la matière n'atteignent pas la masse critique et que les séries ne sont pas assez stabilisées : le nombre de bénéficiaires est trop faible. D'ailleurs, les prévisions de l'Urssaf sur la masse salariale sont toujours prudentes pour l'outre-mer, au vu des particularités locales et de la difficulté d'extrapoler à partir de données métropolitaines. Voilà la principale limite que je vois à l'évaluation qui sera effectuée.

Mme Solanges Nadille. - Ne pourrait-on pas poser la question de l'évaluation dès la présentation des dispositifs d'allégement ? Pourriez-vous fournir, dès ce moment, des critères d'évaluation d'un futur dispositif ?

M. Morgan Delaye. - Lorsque le dispositif est d'initiative gouvernementale, on pourrait se fonder, pour une évaluation a posteriori, sur les objectifs définis dans le cadre de l'étude d'impact. C'est d'ailleurs à peu près ce que l'on fait pour les allégements généraux, dont l'objectif est de créer des emplois ; c'est d'autant plus simple qu'ils ne sont pas territorialisés.

Les exonérations zonées visent normalement à compenser la difficulté à attirer de l'activité et à créer de l'emploi d'une certaine zone. Il faudrait les évaluer à cette aune, mais c'est plus compliqué : les activités, les emplois ainsi créés ne l'auraient-ils pas été dans un autre territoire, auquel cas il s'agit plutôt de transferts ? En la matière, le débat est assez politique ; il convient donc de laisser le Parlement décider si l'objectif est atteint.

Par ailleurs, certains dispositifs - souvent anciens et de faible envergure - n'ont pas d'objectif identifié, même si l'on peut parfois les reconstruire a posteriori. Faut-il supprimer ces dispositifs, qui ont parfois plus d'un siècle, ou les évaluer au regard d'une grille d'objectifs contemporaine ? La question reste entière et il n'est pas toujours facile d'y répondre.

Quant aux nouveaux dispositifs, qu'ils soient d'origine gouvernementale ou parlementaire, il faut toujours se référer aux raisons pour lesquelles ils sont créés.

Un autre élément nouveau pourra nous aider : la loi organique du 14 mars 2022 a apporté une modification intéressante aux dispositions relatives au suivi des niches sociales. La pérennisation au-delà de trois ans d'une nouvelle exonération ne peut désormais être décidée qu'en LFSS, même si elle a été créée par un autre vecteur législatif. Cela favorise une évaluation triennale des dispositifs, au moment de leur pérennisation, au-delà de l'annexe au projet de loi d'approbation des comptes sociaux. C'est sans doute dès ce moment qu'il conviendra d'évaluer si les premiers objectifs de la mesure ont été atteints.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - L'exigence de transparence impose de reconnaître la difficulté d'évaluer tel ou tel dispositif ; dès lors, il convient de tirer les conséquences de l'absence de bénéfices visibles, en supprimant par exemple certaines niches anciennes, même si elles ont pu être utiles naguère, ou en revenant sur une disposition récente qui se trouve être moins efficace qu'il n'était prévu.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - C'est quand même un souci qu'une niche sur trois ne soit pas évaluée, si je vous comprends bien. Ce n'est pas rien !

M. Morgan Delaye. - Pour au moins 22 des 150 niches étudiées, nous ne disposons pas de données tracées dans le système. On peut toujours chercher à les évaluer, mais ce ne sera pas très scientifique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cela dure depuis très longtemps ! Chaque année, la question revient, mais l'on n'avance pas du tout. On maintient des niches sans savoir leur effet, qui peut très bien être nul. Quelle est la solution ? Les moyens humains nécessaires à l'évaluation ne font-ils pas défaut ?

M. Morgan Delaye. - La situation n'est effectivement pas satisfaisante, on voudrait une évaluation globale, mais ce n'est pas qu'une question de moyens humains : même si ceux-ci étaient plus grands, priorité serait sans doute donnée à l'évaluation d'autres dispositifs. En effet, ceux sur lesquels on manque d'information sont généralement d'importance modérée.

Ainsi du dispositif exonérant de charges juges et arbitres sportifs en dessous d'un certain seuil de revenus. Il est impossible d'en évaluer l'ampleur, parce qu'il y a un seuil de déclaration ; une obligation déclarative au premier euro ferait peser une charge très lourde sur les clubs et les fédérations, même avec des systèmes simplifiés ; des travaux approfondis ont été menés, un rapport de la Cour des comptes y a été consacré, mais on a abandonné l'entreprise, au vu des difficultés pour le secteur sportif.

Il faut accepter l'impossibilité d'évaluer certains dispositifs dont l'existence et la persistance résultent des choix du Gouvernement et du Parlement, au vu des charges administratives démesurées d'une telle évaluation. On tolère cette absence d'information au bénéfice de la souplesse souhaitée en la matière. Pour notre part, notre tâche est d'évaluer tout ce qui est évaluable au vu de la réglementation existante. Durcir les obligations de transmissions de données peut avoir des conséquences lourdes, qu'il faut évaluer au cas par cas : on aura toujours ce type de dilemme.

Mme Émilienne Poumirol. - Cet exemple est dérisoire. En tant qu'élus, nous nous intéressons à la sédimentation des dispositifs, car de nouvelles niches sont créées constamment, sans que jamais les précédentes soient remises en cause. Nous manquons de transparence sur l'impact et l'efficacité des niches. Cela dit, je comprends bien que l'analyse est difficile à mener.

Nous nous intéressons aux niches sociales les plus importantes, pas celles concernant les arbitres de football ou de rugby. Nous voulons savoir si l'argent dont on prive la sécurité sociale est utilisé à bon escient et s'il a des effets tangibles. Il en va de même pour l'impact territorial. Par exemple, l'exonération travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) est utile à la viticulture et à l'arboriculture.

Nous ne serons jamais des techniciens : malgré vos explications, le côté technique nous dépasse. Nous voulons une réponse - même imprécise - sur l'efficacité de ces exonérations.

M. Morgan Delaye. - J'ai peut-être mal compris la question de Mme Apourceau-Poly. Nous ne disposons pas d'informations pour les plus petits dispositifs qui, de fait, ne peuvent faire l'objet d'une évaluation : voilà pourquoi je citais cet exemple.

La mission Bozio-Wasmer concentrera ses efforts sur les dispositifs les plus importants, qui représentent 70 milliards d'euros cumulés. Pour ceux-ci, les données sont fiables et les effets de ces mesures sont connus.

Trois blocs se dessinent.

Premièrement, les exonérations les plus nombreuses, qui sont aussi celles dont le coût est le plus important. Elles ont fait l'objet de très nombreuses évaluations et de multiples études.

Deuxièmement, un groupe rassemblant les niches créées au profit des outre-mer ou des services à la personne, entre autres : celles-ci interagissent souvent avec les premières, d'où des analyses plus complexes à mener.

Troisièmement, les dispositifs les moins importants, pour lesquels peu de données sont à notre disposition. Résultat : les évaluations sont moins poussées.

Mme Viviane Malet. - Je ne comprends pas pourquoi vous ne parvenez pas à analyser l'efficacité des dispositifs à destination des outre-mer. Nous sommes pourtant de petits territoires... Souvent, des secteurs nous sollicitent pour bénéficier des niches sociales. Des évaluations nous aideraient à y voir plus clair.

M. Morgan Delaye. - Le mandat de la mission Bozio-Wasmer est large et suscite de fortes attentes politiques.

Je ne sais pas jusqu'où ira leur analyse. Nous leur avons conseillé d'examiner les exonérations spécifiques aux outre-mer. Mais il faudra être prudent sur les conclusions, car les marges d'erreur sont importantes. C'est le cas pour les dispositifs ultra-marins, en raison de la combinaison d'un effet taille et de la complexité des instruments qui bénéficient à un nombre très restreint d'entreprises. Les quelques mouvements d'entreprises constatés chaque année ne sont pas représentatifs au niveau statistique et il ne faut pas ne pas tirer trop vite de conclusions - positives ou négatives, d'ailleurs.

Nous retrouvons le même problème pour les prévisions relatives à la masse salariale ou à l'évolution économique : la taille réduite de certains ensembles augmente les marges d'erreur, à l'inverse des dispositifs au périmètre plus large.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

ASSURANCE MALADIE
(rapporteure : Mme Corinne Imbert)

· Direction Générale de la Santé (DGS)

Christine Jacob-Schuhmacher, sous-directrice santé des populations et prévention des maladies chroniques

Gaëlle Jamet, cheffe de projet mon bilan prévention

· Agence Régionale de Santé des Hauts-de-France (ARS Hauts-de-France)

Hugo Gilardi, directeur général

Sylviane Strynckx, directrice prévention promotion de la santé

· Fédération hospitalière de France (FHF)

Cécile Chevance, responsable du pôle offres

Marc Bourquin, conseiller stratégie

· Fédération de l'hospitalisation privée (FHP)

Christine Schibler, déléguée générale

Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale - déléguée générale de la fondation des usagers du système de santé

· Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires (FEHAP)

Charles Guépratte, directeur général

· Unicancer

Sophie Beaupère, déléguée générale

Jeanne Bertrand, directrice de cabinet

Sandrine Boucher, directrice stratégie médicale et performance

· Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (Fnehad)

Mathurin Laurin, délégué national

Anastasia Strizyk, conseillère

· Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf)

Jérémy Darenne, président

Lucas Poittevin, vice-président en charge des perspectives professionnelles

· Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG)

Florie Sullerot, présidente

· Intersyndicale nationale des internes (ISNI)

Guillaume Bailly, président

· Collège national des généralistes enseignants (CNGE)

Pr Olivier Saint-Lary, président

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Marie Daudé, directrice générale de l'offre de soins

Marc Reynier, adjoint au sous-directeur des ressources humaines du système de santé

· Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP)

Muriel Pochard, sous-directrice à la stratégie et à la qualité des formations

Katia Siri, cheffe du département des formations de santé

Contribution écrite

· Conférence des doyens de facultés de médecine (CDD)

AUTONOMIE
(rapporteur : Mme Chantal Deseyne)

Contributions écrites

· Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

· Assemblée des départements de France (ADF)

ASSURANCE VIEILLESSE
(rapporteur : Mme Pascale Gruny)

· Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)

Jean-François Fruttero, président

Christine Dechesne-Céard, vice-présidente

Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

· Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)

Renaud Villard, directeur général

· Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Frédéric Favié, président

FAMILLE
(rapporteur : M. Olivier Henno)

Contribution écrite

· Direction de la sécurité sociale (DSS)

MOTION TENDANT À OPPOSER
LA QUESTION PRÉALABLE

Motion présentée par Mme Élisabeth Doineau
au nom de la commission des affaires sociales

TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023 (n° 35, 2024-2025), rejeté par l'Assemblée nationale.

Objet

Le législateur organique a créé les Lacss, en 2022, en poursuivant un double objectif :

- permettre au Parlement de se prononcer plus spécifiquement sur l'approbation des comptes clos de la sécurité sociale, examinés auparavant sans réel débat lors de l'adoption de la première partie du PLFSS ;

- donner au Parlement une vision suffisamment claire de l'efficience des dépenses de la sécurité sociale pour en tenir compte lors de l'examen du PLFSS suivant (ce que l'on appelle le « chaînage vertueux »).

S'agissant de l'exactitude des comptes, la Cour des comptes a prononcé une impossibilité de certifier les comptes 2023 de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et de la branche famille, en raison notamment du maintien d'une proportion élevée de paiements erronés. Dans le cas de l'indicateur à 9 mois, les erreurs résiduelles sont en augmentation, passant de 9,9 % en 2022 à 10,9 % en 2023.

S'agissant de l'appréciation de l'efficience des dépenses sociales, les annexes au Placss ne respectent encore qu'imparfaitement la loi organique, malgré de réels progrès par rapport à l'année dernière.

Ainsi, d'une part, les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) n'indiquent toujours pas les résultats atteints lors des trois dernières années comme le prévoit la loi organique.

D'autre part, l'annexe relative aux niches sociales n'évalue toujours pas un tiers de ces niches - au moment du dépôt du Placss, seulement 13 % des niches (correspondant à 20 % du montant) avaient été évaluées.

Ce projet de loi ne répond donc toujours pas aux exigences fixées par le Parlement quand il a créé les Lacss.

On relèvera enfin qu'en matière de gestion, l'amélioration des comptes observée entre 2022 et 2023 n'est qu'un trompe-l'oeil. En effet, elle résulte de la quasi-disparition des dépenses liées à la crise sanitaire et de l'anticipation au 1er juillet 2022 de l'essentiel de la revalorisation des pensions qui aurait dû survenir au 1er janvier 2023.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales propose au Sénat d'adopter la présente motion.


* 1 Les rendez-vous de prévention sont en phase de généralisation à l'échelle nationale depuis l'été 2024, après une courte phase pilote dans la région des Hauts-de-France fin 2023 et la publication des textes d'application au printemps 2024.

* 2 Le Gouvernement a fondé sa prévision budgétaire sur un taux d'adhésion estimé à 10 % par tranche d'âge la première année puis à 15 % les années suivantes (cf. PLFSS pour 2024).

* 3 Cour des comptes, La politique de prévention en santé, Les enseignements tirés de l'analyse de trois grandes pathologies, novembre 2021.

* 4 Les dispositions relatives à la Lacss reprennent l'essentiel des dispositions de l'article 11 de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021).

* 5 Refus par la Cour des comptes de certifier les comptes 2022 de la branche famille et de la Cnaf, absence de prise en compte dans le tableau patrimonial d'une correction apportée par le Parlement sur les comptes 2021 dans le cadre de la LFSS 2023.

* 6 Non-respect de l'obligation d'évaluation d'un tiers des niches sociales, actualisation insuffisante des indicateurs des rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss).

* 7 Amendé par le Gouvernement pour prendre en compte les données publiées par l'Insee le 31 mai 2023.

* 8 Amendements des groupes Socialistes, Écologiste et La France insoumise.

* 9 La Cour des comptes avait refusé de certifier les comptes 2022 de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et de la branche famille, en raison de l'augmentation de la proportion de paiements erronés. En outre, dans le cas de l'exercice 2021, le tableau patrimonial devant être annexé à la Lacss (correspondant à l'ancienne annexe A des PLFSS) comprenait, pour comparaison, une colonne relative à l'exercice 2021, qui ne prenait pas en compte la correction effectuée par le Parlement, à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, lors de l'examen du PLFSS 2023, en conséquence du refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2021 de l'activité de recouvrement (un produit de 5 milliards d'euros, résultant de la régularisation de cotisations dues par les travailleurs indépendants, aurait dû être imputé sur 2020, et non sur 2021).

* 10 Les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), qui avaient désormais pour objet d'alimenter, chaque printemps, un débat relatif à l'efficacité et à l'efficience des dépenses de sécurité sociale, n'indiquaient que rarement les résultats atteints lors des trois dernières années, comme le prévoyait la loi organique. Par ailleurs, l'annexe relative aux niches sociales ne comprenait pas l'« évaluation de l'efficacité » (pour un tiers des niches, chacune devant faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans) prévue par la loi organique.

* 11 Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023, n° 2714 , déposé le vendredi 31 mai 2024.

* 12 La commission a supprimé l'article liminaire (recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale) et l'article 1er (approbation des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2023) et rejeté les articles 2 (Ondam, recettes affectées au FRR et dette amortie par la Cades) et 3 (tableau patrimonial et couverture des déficits).

* 13 Philippe Mouiller, Les missions de l'Agence de la biomédecine après la dernière loi de bioéthique, rapport d'information n° 352 (2023-2024), 16 février 2024 ; Élisabeth Doineau, Cathy Apourceau-Poly, La fiscalité comportementale en santé : stop ou encore ?, Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, rapport d'information n° 638 (2023-2024), 29 mai 2024 ; Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol, Cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier : protéger les soldats du feu, rapport d'information n° 641 (2023-2024), 29 mai 2024 ; Frédérique Puissat, Corinne Bourcier, Négociations salariales et smicardisation : faux débat, vrai problème, rapport d'information n° 689 (2023-2024), 12 juin 2024.

* 14 Chantal Deseyne, Solanges Nadille et Anne Souyris, Situation des Ehpad, rapport d'information n° 778 (2023-2024), 25 septembre 2024 ; Corinne Imbert, Bernard Jomier, Olivier Henno, Financiarisation de l'offre de soins : une OPA sur la santé ?, rapport d'information n° 776 (2023-2024), 25 septembre 2024 ; Alain Milon, Brigitte Devésa, IVG : une « liberté garantie » mais un accès fragile, rapport d'information n° 45 (2024-2025), 16 octobre 2024 ; dans le cas de la Mecss, Marie-Pierre Richer, Annie le Houerou, Branche AT-MP : vers un juste équilibre entre réparation et prévention des risques professionnels, rapport d'information n° 18 (2024-2025), 9 octobre 2024.

* 15 Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023, n° 4, déposé le vendredi 19 juillet 2024.

* 16 Correspondant aux erreurs résiduelles imputables à des données déclaratives non corrigées au bout de 24 mois (lorsque les prestations versées à tort deviennent prescrites en faveur des allocataires).

* 17 Répartition indiquée dans le Repss « famille » annexé au Placss 2023.

* 18 Selon lequel une charge ou un produit doit être rattaché à l'exercice correspondant au fait générateur, et non à celui correspondant au décaissement ou à l'encaissement.

* 19 Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.

* 20 IGF, Igas, Évaluation de l'efficacité des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale prévue par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, mars 2023.

* 21 Dans son rapport sur le Placss 2022 (n° 1302, XVe législature, 31 mai 2023), Stéphanie Rist, alors rapporteure générale de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, préconisait que « les commissions des affaires sociales des deux assemblées puissent être associées à la définition du programme triennal d'évaluation, afin que celui-ci reflète les attentes du Parlement ». Dans son rapport (n° 789, 2022-2023, 28 juin 2023), Elisabeth Doineau écrivait : « La commission des affaires sociales du Sénat considère également que les deux commissions des affaires sociales devront participer à la gouvernance ».

* 22 Henri Guillaume, Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.

* 23 Acronyme provenant de l'intitulé de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Il s'agit d'exonérations de cotisations patronales.

* 24 « S'agissant des dispositifs devant faire l'objet d'évaluations allégées, des obstacles structurels (notamment du fait de l'absence de disponibilité des données qui ne sont pas collectées auprès des employeurs) empêchent la réalisation d'évaluations correctes. Ces travaux se poursuivent et certains aboutiront d'ici la prochaine LFSS (apprentissage, Lodeom) ».

* 25 Antoine Bozio, Etienne Wasmer, Mission sur l'articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d'activité : quels effets sur l'emploi, le niveau des salaires et l'activité économique ?, document d'étape, 25 avril 2024.

* 26 Antoine Bozio, Etienne Wasmer, Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, 3 octobre 2024.

* 27 Ces calculs portent sur les Placss des trois principales branches : vieillesse, maladie et famille.

* 28 « Prévalence de la surcharge pondérale et de l'obésité chez l'enfant et l'adolescent » ; « prévalence de la surcharge pondérale et de l'obésité selon le groupe socio-professionnel des parents ».

* 29 « Taux de grossesses non prévues au cours de la vie par tranches d'âge » ; « utilisation des différents contraceptifs par tranches d'âge ».

* 30 « Rapport entre le premier décile de pension nette et la moyenne parmi les retraités à carrière complète » ; « rapport inter-décile de pension nette parmi les retraitées à carrière complète ».

* 31 Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, Accueil des enfants de moins de 3 ans : relancer la dynamique, 9 mars 2023.

* 32 Jusqu'au Placss 2022, la première partie de l'annexe au PLFSS sur les recettes, les dépenses et le solde des régimes (annexe 4 jusqu'au PLFSS 2022 ; annexe 3 au PLFSS 2023) détaillait en une vingtaine de pages les éléments de présentation de ces tableaux. La DSS considère que si cette présentation était exigée par le droit alors applicable, ce n'est plus le cas depuis la révision organique de 2022, ces informations devant selon elle désormais être publiées dans le rapport de la CCSS.

* 33 L'annexe 3 au PLFSS 2023 indique : « cette première partie est détaillée en cohérence avec la présentation pour la dernière fois avant la pleine application des nouvelles dispositions de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale qui a renvoyé la présentation de ces résultats à la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ».

* 34 La date limite de réunion de la CCSS étant actuellement le 15 juin (article D. 114-3 du code de la sécurité sociale). A moins de supposer une réunion de la CCSS postérieure au dépôt du Placss, qui n'aurait guère de sens, cette rédaction, qui date de 1996, n'est pas cohérente avec l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que le Placss est déposé avant le 1er juin.

* 35 Recommandation n° 1 : « En cohérence avec le nouveau délai de production des annexes aux comptes, avancer de dix jours la date de production des comptes provisoires et définitifs ».

* 36 Un arrêté du 2 février 2024 avance la date de production des annexes provisoires (entre le 8 et le 22 mars contre le 31 mars auparavant) ainsi que celle des annexes définitives (et états financiers) au 5 avril (contre le 15 avril auparavant).

* 37 Article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale. Trois avis sont obligatoires, devant être rendus au plus tard le 15 avril, le 1er juin et le 15 octobre.

* 38 Qui doit avoir lieu avant le 1er juin (article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale).

* 39 Qui s'est réunie en 2023 le 25 mai et en 2024 le 30 mai.

* 40 Selon l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale, « le comité est composé du secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, du directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques et d'une personnalité qualifiée nommée par le président du Conseil économique, social et environnemental ». L'article D. 114-4-0-18 du même code précise : « Le secrétaire général permanent de la commission des comptes de la sécurité sociale organise les travaux du comité d'alerte. Il fait appel à cette fin aux services du ministre chargé de la sécurité sociale ».

* 41 Le 7 juin 2023.

* 42 Pour mémoire, le second tour des élections législatives s'est tenu le 7 juillet.

* 43 Les notions de solde structurel et d'effort structurel sont définies par l'encadré à la suite du tableau et du graphique.

* 44 Ces chiffres peuvent être retrouvés simplement à partir des dépenses publiques rapportées au PIB (57 %). Selon le programme de stabilité, le solde conjoncturel de l'ensemble des administrations publiques est de 0,57×(-1,1)-0,6 point de PIB, donc le déficit structurel est d'environ 5,5-0,6=4,9 points de PIB (ramenés à 4,8 points de PIB après prise en compte de 0,1 point de PIB de mesures exceptionnelles et temporaires). Selon la Commission européenne, le solde conjoncturel est de 0,57×(-0,1)-0,1 point de PIB, donc le déficit structurel est d'environ 5,5+0,1=5,4 points de PIB.

* 45 La croissance du PIB a été en 2023 de 0,9 %, pour une croissance potentielle de 1,1 % selon la Commission européenne (prévisions économiques du 15 mai 2024).

* 46 L'effort structurel est une notion introduite par le ministère du budget au sujet du projet de loi de finances pour 2004. Il s'agit de l'évolution du solde structurel, corrigée de l'évolution spontanée du ratio recettes/PIB (découlant des fluctuations spontanées de l'élasticité des recettes au PIB). Concrètement, il se définit comme la somme (en points de PIB) de la diminution du ratio dépenses/PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes.

* 47 En effet, l'effort structurel se définit, dans le cas des dépenses, comme les économies par rapport à une situation où les dépenses augmenteraient au même taux que le PIB potentiel.

* 48 Selon la Commission européenne, la croissance potentielle a été de 1,1 % en volume. Après prise en compte de l'augmentation des prix du PIB, cela correspond à une croissance potentielle de 6,5 % en valeur. La croissance des dépenses a été de seulement 3,1 % en valeur.

* 49 Source : Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

* 50 « Les effets financiers de la réforme des retraites, entrée en application au 1er septembre 2023, induisent pour 2023 une hausse des dépenses de prestations estimée à 0,4 Md€ - la revalorisation du minimum contributif pour l'ensemble des retraités éligibles l'emportant dans un premier temps sur les effets de décalage des départs lié au recul progressif de l'âge d'ouverture des droits (+ 3 mois pour la génération de septembre 1961) et à la hausse de la durée d'assurance requise (+ 3 mois pour cette même génération) » (Source : Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024).

* 51 Jean-François Husson, Dégradation des finances publiques : entre pari et déni, rapport d'information n° 685 (2023-2024), 12 juin 2024.

* 52 Calcul réalisé sur la base de l'estimation du PIB potentiel de la Commission européenne (15 mai 2024). Cf. commentaire de l'article liminaire.

* 53 Corrigée par la commission des affaires sociales de la sortie de l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) lors du passage de l'Insee à la « base 2020 » début 2024.

* 54 Ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004, entrée en vigueur au 1er janvier 2006.

* 55 La dernière vague disponible à ce jour de l'échantillon inter-régimes (EIR), utilisé pour cette estimation, concerne l'année 2016.

* 56 Le non-recours au minimum vieillesse des personnes seules, Les dossiers de la Drees, n° 97, mai 2022.

* 57 Le non-recours des personnes âgées aux droits et aux services, Retraite et société, numéro 87, 2021/3.

* 58 Cour des comptes, « La qualité des services rendus par les caisses de sécurité sociale du régime général », in Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024.

* 59 Cour des comptes, « La qualité des services rendus par les caisses de sécurité sociale du régime général », in Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024.

* 60 Le non-recours des personnes âgées aux droits et aux services, Retraite et société, numéro 87, 2021/3.

* 61 Cette catégorie vise les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, ainsi que leurs conjoints collaborateurs, aides familiaux et associés d'exploitation.

* 62 Article 1 de la loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, dite « Chassaigne I ». Le CDRCO s'élevait à 75 % du Smic à compter du 1er janvier 2017.

* 63 La Cour des comptes estime, s'agissant du RSA, de la prime d'activité, de la complémentaire santé solidaire sans participation financière et de l'Aspa, qu'« il conviendrait d'actualiser ces estimations ».

* 64 Le Repss 2023 de la branche vieillesse mentionne le taux de non-recours de 50 %, mais sans en faire un indicateur.

* 65 Article D. 815-3 du Code de la sécurité sociale.

* 66 Article D. 815-7 du Code de la sécurité sociale.

* 67 Le non-recours des personnes âgées aux droits et aux services, Retraite et société, numéro 87, 2021/3.

* 68 Cour des comptes, « La qualité des services rendus par les caisses de sécurité sociale du régime général », rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024.

* 69 Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 (article 29).

* 70 Article 1 de l'arrêté du 28 mai 2024 relatif aux effecteurs, au contenu et aux modalités de tarification des rendez-vous de prévention.

* 71 Les tranches d'âge ont été fixées par l'arrêté du 28 mai 2024 relatif aux effecteurs, au contenu et aux modalités de tarification des rendez-vous de prévention, conformément à l'avis du HCSP du 20 mars 2023 relatif au déploiement des rendez-vous de prévention.

* 72 Soit après l'adoption en première lecture par le Sénat du PLFSS pour 2023, le 15 novembre.

* 73 L'article 41 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 pour 2024 a prévu que les conditions essentielles relatives à la mise en oeuvre des rendez-vous de prévention, en particulier la liste des professionnels compétents, les tarifs et les conditions de facturation de ces rendez-vous, seraient fixées par arrêté ministériel.

* 74 Décret n° 2024-499 du 30 mai 2024 relatif à la participation des assurés aux frais liés à la vaccination contre les infections à papillomavirus humains, la grippe, la rougeole, les oreillons et la rubéole, à l'acquisition de préservatifs et à certaines consultations de prévention75 ; Arrêté du 28 mai 2024 relatif aux effecteurs, au contenu et aux modalités de tarification des rendez-vous de prévention.

* 76 Haut Conseil de la Santé Publique, avis relatif au déploiement des rendez-vous prévention prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, 20 mars 2023 ; recommandation n° 1.

* 77 La mise en oeuvre de « Mon Bilan Prévention » a néanmoins été poursuivie au-delà de la phase pilote dans les Hauts-de-France, et notamment avant la publication des textes d'application en mai 2024.

* 78 Eu égard au nombre limité de professionnels de santé engagés (42 en tout) et d'usagers concernés, l'évaluation de leur adhésion respective au dispositif a été mesurée par des enquêtes de satisfaction, et non par des statistiques.

* 79 Au cours de la phase pilote, 70 % des professionnels de santé ont déclaré une durée de consultation comprise entre 30 et 45 minutes, 20 % entre 45 minutes et 1 heure et 10% ont déclaré une durée supérieure à une heure.

* 80 La nouvelle convention médicale signée le 4 juin 2024 entre l'assurance maladie et les médecins libéraux revalorise le tarif de la consultation de médecine générale à 30 euros à partir de décembre 2024.

* 81 Frottis cervico-utérin, vaccination, électrocardiogramme, remise d'un kit de dépistage du cancer colorectal.

* 82 Données communiquées par la direction générale de la santé.

* 83 Étude d'impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 84 Cour des comptes, La politique de prévention en santé, Les enseignements tirés de l'analyse de trois grandes pathologies, novembre 2021.

* 85 Notamment, décret n° 2016-1597 du 25 novembre 2016 relatif à l'organisation du troisième cycle des études de médecine et modifiant le code de l'éducation.

* 86 Articles L. 632-4 et R. 632-24 du code de l'éducation.

* 87 Article R. 632-26 du même code.

* 88 Article R. 632-20 du même code.

* 89 Arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d'études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine.

* 90 Allergologie, biologie médicale, dermatologie, endocrinologie, gériatrie, gynécologie médicale, etc.

* 91 Gynécologie obstétrique, chirurgie orthopédique, chirurgie thoracique et cardiovasculaire, etc.

* 92 Article R. 632-20 du code de l'éducation.

* 93 Articles R. 6153-1 à R. 6153-1-23 du code de la santé publique.

* 94 Articles R. 6153-2 à R. 6153-40 du même code.

* 95 Article R. 632-20 du même code.

* 96 Igas, Répondre aux besoins de santé en formant mieux les médecins : propositions pour évaluer et réviser le troisième cycle des études médicales, décembre 2017, recommandation n° 14.

* 97 Instruction interministérielle n° DGOS/RH1/DGESIP/2022/51 du 24 février 2022 relative au développement des stages en ambulatoire pour les étudiants en deuxième et troisième cycles des études de médecine.

* 98 Proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale de M. Bruno Retailleau adoptée par le Sénat le 18 octobre 2022.

* 99 Article 37 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

* 100 Arrêté du 3 août 2023 portant modification de la maquette de formation du diplôme d'études spécialisées de médecine générale.

* 101 Réponses écrites du CNGE au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 102 Communiqué des Conférences nationales des CME de CHU et de CH « 4e année d'internat de médecine générale et pédiatrie », 1er mars 2024.

* 103 Cette expression, utilisée par divers textes réglemenaires, désigne le lieu du stage.

* 104 Réponses écrites du CNGE au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 105 Réponses écrites de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 106 Réponses écrites du CNGE au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 107 Article L. 632-2 du code de l'éducation.

* 108 Réponses écrites de la DGOS et de la DGESIP au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 109 Communiqué de presse du CNGE et du Syndicat national des enseignants de médecine générale « Une progression inédite du nombre des praticiens agréés maîtres de stage des universités en 2024 », 26 septembre 2024.

* 110 Réponses écrites du CNGE au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 111 Arrêté du 5 juillet 2024 portant organisation de la formation à la maîtrise de stage universitaire.

* 112 Article L. 632-2 du code de l'éducation.

* 113 Bach-Nga Pham, Mathilde Renker, Olivier Saint-Lary, Stéphane Oustric, Ajout d'une quatrième année au diplôme d'études spécialisées de médecine générale, rapport remis à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre de la santé et de la prévention, 12 juin 2023.

* 114 Réponses écrites de l'ISNAR-IMG au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 115 Réponses écrites du CNGE au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 116 Position de la Conférence des doyens des facultés de médecine sur le DES de médecine générale d'une durée de quatre ans, transmise à la rapporteure.

* 117 Courrier du président du CCNE au président de la Conférence des doyens des facultés de médecine du 2 mai 2024, en réponse à une sollicitation concernant la rémunération d'une quatrième année du DES de médecine générale.

* 118 Réponses écrites de l'ISNI au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 119 Réponses écrites de la DGOS et de la DGESIP au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 120 Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 121 Arrêté du 6 mai 2020 relatif à la garantie de financement des établissements de santé pour faire face à l'épidémie du covid-19.

* 122 Ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 relative à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale.

* 123 Hospitalisation à domicile.

* 124 Objectif quantifié national.

* 125 Soins de suite et de réadaptation.

* 126 Ordonnance n° 2020-1553 du 9 décembre 2020 prolongeant, rétablissant ou adaptant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 127 Arrêté du 17 août 2021 modifiant l'arrêté du 13 avril 2021 relatif à la garantie de financement des établissements de santé pour faire face à l'épidémie du covid-19 pour l'année 2021.

* 128 Article 44 de la LFSS 2023.

* 129 V de l'article 49.

* 130 Étude d'impact du PLFSS 2024.

* 131 Avis du 26 juillet 2024.

* 132 Article L. 1225-35-1 du code du travail.

* 133 Décret n° 2021-574 du 10 mai 2021 relatif à l'allongement et à l'obligation de prise d'une partie du congé de paternité et d'accueil de l'enfant.

* 134 Article L. 623-1 du code de la sécurité sociale.

* 135 Article L. 732-12-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 136 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022.

* 137 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

* 138 Ce périmètre exclut la fonction publique

* 139 Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.

* 140 Cour des Comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.

* 141 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 142 Étude d'impact sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 143 Céreq, « Quels freins limitent encore le recours au congé de paternité chez les jeunes pères ? », BREF, n° 419, mars 2022.

* 144 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

* 145 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

* 146 Drees, « Premiers jours de l'enfant : un temps de plus en plus sanctuarisé par les pères via le congé de paternité », Études et Résultats n° 1275, juillet 2023.

* 147 Drees, Réforme du congé de paternité : modalités de recours, vécus, effets sur les inégalités femmes-hommes et la construction de la parentalité - Synthèse, juin 2023.

* 148 Drees, Réforme du congé de paternité : modalités de recours, vécus, effets sur les inégalités femmes-hommes et la construction de la parentalité - Synthèse, juin 2023.

* 149 Réponse au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 150 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

* 151 Drees, Réforme du congé de paternité : modalités de recours, vécus, effets sur les inégalités femmes-hommes et la construction de la parentalité - Synthèse, juin 2023.

* 152 Olivier Henno, Annie Le Houérou, Réformer l'indemnisation des congés parentaux pour donner un vrai choix aux familles, rapport d'information n° 761 (2022-2023), 21 juin 2023.

* 153 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 154 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Article 34.

* 155 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Article 47.

* 156 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 - Article 44.

* 157 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 - Article 43.

* 158 Loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie - Article 20.

* 159 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Article 86.

* 160 Art. R. 178-7 du code de la sécurité sociale.

* 161 Art. R. 178-8 du code de la sécurité sociale.

* 162 Décret n° 2016-212 du 26 février 2016 relatif à certains concours versés aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

* 163 Source : CNSA.

* 164 Articles L. 14-10-7 et R. 14-10-32 du code de l'action sociale et des familles.

* 165 Décret n° 2024-726 du 6 juillet 2024 relatif au complément de financement versé aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en application de l'article 86 de la loi de financement de la sécurité sociale du 26 décembre 2023 pour 2024.

* 166 Cf. rapport Sénat n° 252 (2023-2024) de Jean Sol et Jocelyne Guidez sur la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, déposé le 17 janvier 2024 - commentaire de l'article 8.

* 167 Art. L. 223-13 (III) du code de la sécurité sociale.

* 168 Art. L. 223-8 (3°, c) du code de la sécurité sociale.

* 169 Source : CNSA.

* 170 Décret n° 2022-560 du 15 avril 2022 relatif aux modalités de répartition du concours versé aux départements au titre du fonctionnement ou de l'installation des maisons départementales des personnes handicapées.

* 171 Art. R. 178-3 du code de la sécurité sociale.

* 172 Décret n° 50-1082 du 31 août 1950.

* 173 Décret n° 96-445 du 22 mai 1996.

* 174 Décret n° 2023-946 du 14 octobre 2023.

* 175 Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir, rapport d'information n° 37 (2005-2006), Tome I, 26 octobre 2005.

* 176 Décret no 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'amiante.

* 177 Conseil d'État, 9 novembre 2015, n° 342468.

* 178 Article 41 de la loi n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

* 179 Article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.

* 180 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 181 À l'exception des « petits » taux d'incapacité : en dessous de 5 % - soit 547 euros de rente annuelle, la rente est capitalisée et versée en une seule fois. Cette règle est similaire à celle qu'on retrouve pour la réparation AT-MP ; le seuil est alors fixé à 10 % d'incapacité permanente.

* 182 Si elle ne l'est pas, le Fiva « verse une indemnisation couvrant la réparation du préjudice sur une année. Une nouvelle indemnisation devra être calculée chaque année sur la base de la nouvelle situation financière du foyer et cela jusqu'à sa stabilisation qui permettra alors de basculer sur le versement d'une rente viagère ».

* 183 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 184 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 185 Les pathologies concernées sont celles énumérées par l'arrêté du 5 mai 2022 : « mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde et autres tumeurs pleurales primitives ; plaques calcifiées ou non, péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique ».

* 186 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 187 Article 23 du décret n°2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.

* 188 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 189 Article 53 de la LFSS pour 2001.

* 190 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 191 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 192 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 193 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 194 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 195 Réponses du Fiva au questionnaire de la rapporteure.

* 196 Elisabeth Doineau et Annie Le Houerou, Dotations de la sécurité sociale : sortir de la logique du financement à l'aveugle, rapport d'information n° 877 (2022-2023), 12 juillet 2023.

* 197 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 198 Voir notamment la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) tendant à renforcer le pilotage financier de la sécurité sociale et à garantir la soutenabilité des comptes sociaux de M. Jean-Marie Vanlerenberghe et le rapport du Sénat n° 825 (2020-2021) sur la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

* 199 L'Insee publie les comptes des administrations publiques en deux étapes : fin mars, des « premiers résultats », qui dans le cas des différentes catégories d'administrations publiques indiquent leur besoin ou leur capacité de financement, mais pas leurs dépenses et leurs recettes ; fin mai, le compte des administrations publiques, qui indiquent pour chacune d'elles, outre le besoin ou la capacité de financement, les dépenses et les recettes.

* 200 Qui contrairement à la LPFP ne ventilent pas le solde structurel entre catégories d'administrations publiques.

* 201 Sur la base de la dernière hypothèse de PIB potentiel du Gouvernement, afin de permettre la comparaison avec la programmation.

* 202 Selon la Commission européenne, le PIB de la France aurait été inférieur en 2023 de seulement 0,1 point à son niveau potentiel (prévisions du 15 mai 2024). En revanche, selon le programme de stabilité d'avril 2024, il aurait alors été inférieur de 1,1 point à son niveau potentiel.

* 203 L'effort structurel est une notion introduite par le ministère du budget au sujet du projet de loi de finances pour 2004. Il s'agit de l'évolution du solde structurel, corrigée de l'évolution spontanée du ratio recettes/PIB (découlant des fluctuations spontanées de l'élasticité des recettes au PIB). Concrètement, il se définit comme la somme (en points de PIB) de la diminution du ratio dépenses/PIB et des mesures nouvelles sur les recettes.

* 204 La commission des affaires sociales a également proposé, à l'article 24 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2022 à 2027, qu'une telle décomposition soit adressée au Parlement pour ce qui concerne l'exercice clos au moment du dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ; voir avis Sénat n° 73 (2022-2023).

* 205 Au sens de la comptabilité nationale (utilisée pour le graphique). Le compte de résultats figurant dans l'annexe 7 indique un bénéfice de 18,3 milliards d'euros en 2023.

* 206 Ces chiffres sont différents du déficit indiqué par la LFSS 2024 pour 2022 ((19,7 milliards d'euros) et le Placss 2023 pour 2023 (10,8 milliards d'euros). En effet, le périmètre n'est pas le même (l'Insee ne prend en compte que le régime général, et non l'ensemble des régimes obligatoires de base) et les notions comptables diffèrent (l'Insee recourt à la comptabilité nationale, et non à la comptabilité générale).

* 207 Au sens de la comptabilité nationale. Le régime général avait un résultat comptable de -1,9 milliard d'euros, et l'ensemble constitué par les Robss et le FSV un solde de -1,7 milliard d'euros au sens des LFSS.

* 208 Au sens de la comptabilité nationale.

* 209 L'Insee ne considère cet agrégat que de manière globale (et au sens de la comptabilité nationale). Selon l'annexe 4 au Placss, en 2023 le compte simplifié de l'Unédic en trésorerie aurait été de +1,6 milliard d'euros et les régimes complémentaires de retraite auraient eu un résultat net de +9,6 milliards d'euros.

* 210 L'article 1er des PLFSS comprenait également d'autres dispositions (dépenses constatées relevant de l'Ondam, recettes affectées au FRR, recettes mises en réserve par le FSV, montant de la dette amortie par la Cades), figurant à l'article 2 du présent Placss.

* 211 Cf. également la partie du commentaire de l'article 2 relative à l'Ondam.

* 212 Selon l'article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale : « La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le premier alinéa de l'article 47-2 de la Constitution comporte notamment : (...) 4° La production du rapport, mentionné à l'article L.O. 132-2-1 du [code des juridictions financières], de certification de la régularité et de la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général, des comptes de chaque branche et de l'activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos, établis dans les conditions prévues au présent livre. Ce rapport présente le compte rendu des vérifications opérées aux fins de certification ».

* 213 Le tableau d'équilibre du régime général, absent du texte initial, avait été inséré par l'Assemblée nationale, qui avait ensuite rejeté l'ensemble de la première partie. Ce tableau était indispensable pour respecter la loi organique : ce n'était en effet qu'à compter de l'exercice 2022 qu'il était supprimé.

* 214 Comme cela était indiqué dans le commentaire de l'article 1er du PLFSS 2023 du rapport de la commission des affaires sociales du Sénat sur le PLFSS 2023.

* 215 Comme la Cour des comptes le souligne dans son rapport de certification des comptes de la sécurité sociale, la colonne « 2021 pro forma » figurant dans certains comptes (annexés à son rapport) ne prend pas en compte la correction apportée par le Parlement.

* 216 Plus précisément, la Cour considère qu'elle « ne dispose pas d'éléments probants suffisants pour : - le cadre général du contrôle interne [...] ; - la maîtrise des erreurs affectant les prestations légales du fait d'une fiabilisation insuffisante des données déclaratives [...] ; - la maîtrise des erreurs résiduelles imputables à des données déclaratives non-corrigées après contrôle interne [...] ; - la maîtrise des erreurs affectant les prestations légales ayant une origine interne aux CAF [...] ; - la maîtrise des erreurs affectant les prestations extra-légales d'action sociale [...] ; - le recouvrement des indus sur prestations [...] ; qui permettraient d'écarter le risque d'anomalies significatives dans les comptes de la branche famille ».

* 217 Dans le présent Placss, l'article premier ne concerne plus que les tableaux d'équilibre des Robss et du FSV.

* 218 Article 106 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

* 219 Article 31 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 220 Article 2 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 221 Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 : Examen des articles, Rapport n° 99 (2022-2023), tome II, déposé le 2 novembre 2022.

* 222 Séance du 12 novembre 2022.

* 223 Le FSV finance également le minimum vieillesse.

* 224 Cette annexe au texte du Placss, qui doit être jointe à la loi promulguée, ne doit pas être confondue avec les annexes au seul projet de loi, destinées à l'information du Parlement et qui n'ont pas de valeur législative.

* 225 Branche AT-MP, branches et régimes intégrés financièrement au régime général (ensemble des branches maladie des différents régimes de base et branche vieillesse de base du régime des salariés agricoles), régimes de retraite équilibrés par des subventions de l'État (SNCF, RATP, régimes des mines et des marins) ou par l'employeur (fonction publique de l'État, industries électriques et gazières).

* 226 Les dispositions relatives à la Lacss reprennent l'essentiel des dispositions de l'article 11 de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021).

* 227 Commission pour l'avenir des finances publique, « Nos finances publiques post-covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu », mars 2021.

* 228 Le chapitre III de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) précitée du sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe était intitulé « Reproduire le chaînage vertueux des lois de finances ».

* 229 « Ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte à l'article 34 de la Constitution, faire obstacle à la mise en discussion du projet de loi de financement de l'année dès lors que le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale a été examiné. » (considérant 18).

* 230 Article L.O. 132-3 du code des juridictions financières.

* 231 Jusqu'en 2023 projet de loi de règlement du budget de l'État (PLR).

* 232 Jusqu'à la révision de la LOLF en 2022, l'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012. Ces dispositions mettent en oeuvre le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) du 2 mars 2012.

* 233 Ou 0,25 point de PIB potentiel deux années consécutives.

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