N° 96

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 octobre 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer le repérage et l'accompagnement
des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser
le répit des proches aidants,

Par Mme Anne-Sophie ROMAGNY,

Sénatrice

Procédure de législation en commission,

en application de l'article 47 ter du Règlement

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Première lecture : 908 (2022-2023), 245, 246 et T.A. 56 (2023-2024)

Deuxième lecture : 570 (2023-2024) et 97 (2024-2025)

Assemblée nationale (16ème législ.) :

Première lecture : 2118, 2457 et T.A. 296

L'ESSENTIEL

La proposition de loi vise à améliorer le repérage et l'accompagnement des troubles du neuro-développement (TND) et à favoriser le répit des proches aidants.

En deuxième lecture, la commission a adopté sans modification le texte transmis par l'Assemblée nationale selon la procédure de législation en commission, afin de permettre l'entrée en vigueur rapide des mesures qu'il porte, attendues par les familles.

Deuxième lecture

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi avec modifications.

Elle a adopté l'article 1er qui crée des dispositifs dédiés à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un TND, en y apportant des ajustements rédactionnels.

En séance publique, l'Assemblée nationale a introduit un article 1er bis qui prévoit que, dans chaque établissement scolaire, l'Éducation nationale s'assure de l'existence d'un relais ou référent pour l'accueil d'enfants présentant un TND.

Elle a adopté conforme l'article 2 tendant à renforcer la formation des équipes pédagogiques à l'accueil et à l'éducation des élèves présentant un TND, et a confirmé la suppression de l'article 3, satisfait en droit, concernant la formation des professionnels de santé sur les enjeux relatifs aux TND.

Un nouvel article 3 bis, visant à rendre obligatoire la formation à l'accueil et au suivi des mineurs présentant un TND des personnels appartenant, notamment, aux établissements et services d'accueil du jeune enfant ou d'accueil collectif des mineurs, a également été adopté par les députés en séance publique.

Concernant l'article 4, prévoyant que les mesures d'inclusion scolaire des MDPH puissent être notifiées pour une durée de trois ans afin de limiter la charge administrative pour les familles, l'Assemblée nationale s'est bornée à des modifications rédactionnelles.

L'Assemblée nationale a également adopté l'article 5, qui visait à inscrire dans la loi l'existence d'une stratégie de repérage adaptée au niveau de risque identifié chez l'enfant, modifié par deux amendements rédactionnels.

L'Assemblée nationale a modifié l'article 6, prévoyant la création de deux examens obligatoires de repérage des TND, afin de fixer à 9 mois, plutôt que 18, l'âge-cible du premier examen. Il est regrettable que les préconisations de la Haute Autorité de santé, fondées sur une expertise scientifique reconnue, n'aient pas été suivies par l'Assemblée nationale. Toutefois, l'âge de 9 mois reste adapté pour le repérage des enfants, particulièrement les plus à risque, et modifier à nouveau l'âge-cible aurait conduit à poursuivre la navette parlementaire et à retarder l'adoption du texte. L'article 6 a également subi des modifications rédactionnelles.

Un article 6 bis, confiant aux professionnels de l'accueil du jeune enfant une mission de participation au repérage précoce des TND et au suivi et à l'accompagnement des enfants concernés, a été adopté en séance publique. Cet article souligne symboliquement les efforts déjà conduits par certains professionnels en ce sens, et incite les professionnels encore insuffisamment informés à s'investir davantage sur le sujet.

Enfin, l'Assemblée nationale a modifié l'article 7, qui pérennise l'expérimentation permettant des dérogations au droit du travail dans le cadre de prestations de « relayage » ou de séjours de répit. Tout d'abord, elle a supprimé la possibilité de mobiliser des salariés du particulier employeur pour effectuer des prestations de relayage dans ce cadre dérogatoire. Elle a également supprimé la possibilité, pour le conjoint survivant, de poursuivre le contrat de travail avec le salarié embauché comme aide à domicile en cas de décès du conjoint employeur. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a introduit l'obligation, pour les établissements et services souhaitant fournir des prestations de relayage dans le cadre dérogatoire, d'obtenir l'accord préalable du président du conseil départemental ou du directeur général de l'ARS. Elle a également prévu la définition, par décret, des critères auxquels les personnes aidées doivent répondre pour avoir accès aux prestations de relayage de longue durée. Enfin, l'Assemblée nationale a différé l'entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2025.

· Constatant que les modifications introduites par l'Assemblée nationale ne remettaient pas en cause la portée du texte ni l'économie générale de son dispositif, la rapporteure a invité la commission des affaires sociales à adopter sans modification le texte transmis afin de permettre son entrée en vigueur rapide.

Réunie le 30 octobre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a examiné la proposition de loi conformément à la procédure de législation en commission, selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce uniquement en commission.

La commission a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Ouverture sur l'ensemble du territoire national de dispositifs dédiés à l'accueil d'élèves présentant les troubles du neuro-développement et requérant un accompagnement médico-social

Cet article vise à créer, dans chaque circonscription académique ou département selon le niveau académique concerné et au plus tard à la rentrée scolaire 2027, un dispositif dédié à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un trouble du neuro-développement.

I - Le dispositif proposé en première lecture au Sénat

La rédaction initiale du présent article prévoyait l'existence, dans chaque canton, d'au moins une classe spécialisée dans l'accueil des écoliers présentant un TND et, dans chaque département, d'au moins une classe spécialisée dans l'accueil des collégiens et lycéens présentant un tel trouble. Les principes de ce dispositif étaient inscrits à l'article L. 112-1 du code de l'éducation.

Au stade de l'examen en commission, un amendement de rédaction globale de la rapporteure a été adopté. L'article 1er prévoyait alors la création, dans chaque circonscription académique et au plus tard le 1er septembre 2027, d'au moins un dispositif dédié à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un TND, avec l'appui des professionnels du secteur médico-social.

En séance publique, un nouvel amendement de rédaction globale de la rapporteure a été adopté. Tout en conservant l'échéance du 1er septembre 2027, il distingue deux niveaux de couverture territoriale selon le niveau d'enseignement :

dans chaque circonscription académique métropolitaine et académie d'outre-mer, au moins un dispositif est dédié à la scolarisation des élèves de l'enseignement primaire présentant un TND, avec l'appui des professionnels du secteur médico-social. Les UEEA, UEMA ainsi que les DAR implantés au sein d'écoles maternelles ou élémentaires relèvent de cette catégorie ;

dans chaque département, au moins un dispositif est dédié à la scolarisation des élèves de l'enseignement secondaire présentant un TND, avec l'appui des professionnels du secteur médico-social. Cette rédaction vise, comme l'a précisé la rapporteure, à formaliser l'objectif d'ouverture de 102 dispositifs d'autorégulation (DAR) supplémentaires dans les collèges et lycées, fixé par la stratégie nationale pour les TND pour 2023-2027.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'article 1er a été modifié, au stade de la commission, par trois amendements rédactionnels du rapporteur, M. Paul Christophe.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques présentés par des députés des groupes Libertés, indépendance, outre-mer et territoires (Liot) et Socialistes et apparentés. Il adapte la date d'entrée en vigueur de l'article 1er - initialement au plus tard le 1er septembre 2027 - en désignant la « rentrée scolaire 2027 », la rentrée scolaire ayant lieu, dans certains territoires d'outre-mer, au mois d'août.

Elle a également adopté un amendement rédactionnel déposé par des députés du groupe Liot.

III - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er bis
Désignation de référents dans les établissements scolaires pour accueillir les enfants présentant un trouble du neuro-développement

Cet article prévoit que dans chaque établissement scolaire, l'Éducation nationale s'assure de l'existence d'un relais ou référent pour l'accueil des enfants présentant un trouble du neuro-développement.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Plusieurs dispositifs existent pour adapter le parcours scolaire des enfants qui présentent un trouble du neuro-développement

En France, 3,6 % des élèves scolarisés en milieu ordinaire sont en situation de handicap, dont plus d'un tiers présenterait un TND selon la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco).

À ce jour, cinq solutions de scolarisation sont proposées aux enfants présentant des TND, certains ciblant plus spécifiquement les enfants autistes.

En premier lieu, ces enfants peuvent être scolarisés en milieu strictement ordinaire, en bénéficiant éventuellement de l'aide d'un AESH. Ensuite, des dispositifs spécifiques peuvent être proposés par l'Éducation nationale au sein même des écoles et établissements ordinaires :

l'appui d'une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis), dispositif créé en 2015 en remplacement des classes pour l'inclusion scolaire (Clis)1(*). Ces unités permettent aux élèves, en parallèle d'un temps d'inclusion en milieu ordinaire, de bénéficier d'un temps de regroupement sous l'égide d'un enseignant spécialisé ou d'un AESH. Ce dispositif est accessible à tous les élèves présentant des TND ;

l'accueil dans une unité d'enseignement maternelle autisme (UEMA) ou dans une unité d'enseignement élémentaire autisme (UEEA). Créées en 2014 et 2017, ces unités sont ouvertes aux élèves autistes qui ont besoin d'un accompagnement médico-social spécifique ;

- le dispositif d'autorégulation (DAR), créé en 2022, qui permet aux élèves autistes d'être scolarisés en milieu ordinaire tout en bénéficiant d'un programme individualisé d'autorégulation, au sein duquel une équipe spécialisée les aide à contrôler leur attention et leurs émotions.

Enfin, les enfants pour lesquels le rythme d'une journée de classe en milieu ordinaire n'est pas adapté peuvent être scolarisés dans une unité d'enseignement au sein d'un établissement de santé ou d'un établissement médico-social.

B. L'inclusion de ces enfants en milieu scolaire ordinaire a progressé, mais demeure insuffisante

1. Les dispositifs d'accompagnement existants ont été renforcés ces dernières années, permettant une hausse de la scolarisation en milieu ordinaire

En 2016, 32 808 enfants autistes étaient scolarisés de la maternelle au lycée. Près de 74 % d'entre eux l'étaient en milieu strictement ordinaire et bénéficiaient pour une large majorité d'une aide, individuelle (69 %) ou mutualisée (15 %)2(*). Les autres enfants autistes scolarisés en milieu ordinaire bénéficiaient de l'appui d'une Ulis3(*). En outre, plus de 12 000 élèves étaient scolarisés dans une unité d'enseignement au sein d'un établissement de santé ou d'un établissement médico-social.

Au regard des lacunes persistantes du système scolaire pour accueillir convenablement tous les enfants autistes, le Gouvernement a lancé une stratégie nationale pour l'autisme au sein des TND pour 2018-2022.

Ce plan a notamment permis de créer des UEMA supplémentaires et de mettre en place les UEEA. Plusieurs centaines d'élèves supplémentaires ont été scolarisés en Ulis dans les écoles élémentaires, et de nouvelles places en Ulis dans les collèges et les lycées professionnels ont été créées. Par ailleurs, des « professeurs ressources », chargés d'accompagner les équipes pédagogiques dans le suivi des élèves autistes, ont été recrutés.

Le bilan de cette stratégie est globalement positif, puisqu'à la rentrée 2022, 49 271 élèves autistes étaient scolarisés dans le premier et le second degré, soit un effectif en hausse de 36,4 % par rapport à 2017.

La nouvelle stratégie nationale définie pour 2023-2027 a été étendue à l'ensemble des TND. Elle prévoit de nouveaux efforts en matière de développement des capacités d'accueil des élèves, notamment la création de 380 dispositifs spécifiques supplémentaires - UEMA, UEEA et DAR confondus - et le recrutement de 101 nouveaux professeurs ressources4(*).

2. Pour autant, les moyens déployés restent insuffisants, laissant de nombreux enfants sans solution

Les solutions pour les enfants qui présentent un TND demeurent lacunaires : à la rentrée 2023, on dénombrait 516 dispositifs spécifiques dédiés à la scolarisation en milieu ordinaire, couvrant une capacité d'accueil maximale de 4 200 élèves de la maternelle au lycée. Pour rappel, selon l'Inserm, le seul trouble du spectre de l'autisme (TSA) touche 100 000 personnes de moins de 20 ans en France.

En outre, ces dispositifs se heurtent à des difficultés reconnues par les associations comme par le délégué interministériel.

D'une part, un grand nombre d'enfants accueillis en UEMA (école maternelle) se retrouvent sans solution de scolarisation adaptée à la sortie du dispositif. En effet, il n'existe à ce jour que 128 UEEA (école élémentaire) pour 319 UEMA.

D'autre part, bien que ces dispositifs visent à assurer la scolarisation en milieu ordinaire de tous les élèves présentant un TND, l'inscription d'élèves présentant une forme d'autisme peu sévère est favorisée en pratique, car ils sont plus aisément scolarisables. À l'inverse, ceux qui ont plus de difficultés sont souvent renvoyés vers les instituts médicoéducatifs (IME) où, par ailleurs, leur accueil est souvent complexifié par la possibilité accordée aux personnes handicapées d'y rester au-delà de l'âge de 20 ans5(*).

Ainsi, de nombreuses familles restent sans solution et doivent se tourner vers une scolarisation en milieu ordinaire sans dispositif spécialisé.

C. Le dispositif proposé : garantir la présence d'un relais ou référent dans chaque établissement

L'Assemblée nationale a adopté, au stade de la séance publique, plusieurs amendements identiques déposés par des députés des groupes Renaissance, Les Républicains et Écologiste, portant création du présent article 1er bis.

Ce nouvel article ajoute un nouvel alinéa à l'article L. 112-2 du code de l'éducation, qui prévoit que « le service public de l'éducation veille à ce qu'il existe dans chaque établissement un ou plusieurs relais ou référents pour l'accueil des enfants présentant un trouble du neuro-développement, afin d'assurer une meilleure inclusion en milieu ordinaire. »

Un sous-amendement, présenté par le rapporteur M. Paul Christophe et adopté par l'Assemblée nationale, a étendu cette disposition à l'ensemble des enfants présentant un TND - elle ne visait à l'origine que les enfants autistes - et a garanti son application à Wallis-et-Futuna.

Les députés ont notamment dénoncé un manque de moyens et de formation adéquate en direction des enseignants et des directeurs d'établissement, entraînant un sentiment de solitude chez les familles, notamment lorsque ces dernières n'ont pas trouvé de place pour leur enfant au sein des dispositifs spécialisés.

Aussi le rôle du référent serait-il d'accompagner les parents et d'assurer les meilleures conditions possibles à l'enfant inscrit en milieu scolaire strictement ordinaire.

II - La position de la commission

La commission avait rejeté un amendement identique en première lecture.

Suivant l'avis de la rapporteure, elle avait estimé que le dispositif n'était pas suffisamment clair, notamment quant au fait de savoir si ces « relais » ou « référents » correspondraient à des créations de postes ou à l'attribution de missions supplémentaires à des agents déjà en poste.

La commission avait également considéré que l'objectif visé par l'amendement était déjà satisfait par l'article 1er tel que réécrit par la commission. Ce dernier prévoit la création, d'ici 2027, d'au moins un dispositif spécifique dédié à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves qui présentent un TND par circonscription académique.

La commission entend toutefois la volonté de l'Assemblée nationale d'assurer un maillage plus fin à l'accompagnement des familles et des enfants concernés, en identifiant un interlocuteur spécialisé à l'échelle de chaque établissement.

Elle ne reviendra donc pas sur cette nouvelle disposition, mais elle appelle à la vigilance quant au mode de désignation et de formation de ces référents, sans quoi ce nouveau dispositif n'apportera que peu d'améliorations concrètes tout en complexifiant l'organisation administrative des établissements scolaires.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis
Formation des personnels des structures d'accueil extra-scolaires

Cet article propose de rendre obligatoire une formation spécifique à l'accueil et au suivi des enfants et jeunes handicapés, notamment ceux présentant un TND, des personnels d'encadrement, d'accueil, techniques et de service appartenant notamment aux établissements et services d'accueil du jeune enfant, de soutien à la parentalité ou d'accueil collectif des mineurs.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Le rôle des structures d'accueil du jeune enfant et de mineurs dans le repérage et l'accompagnement des enfants présentant des TND

• Le rôle des structures d'accueil du jeune enfant et d'accueil collectif de mineurs dans le repérage et l'accompagnement des mineurs présentant des TND apparaît important.

Le code de l'action sociale et des familles, d'abord, dispose que les personnes physiques ou morales contribuant à l'accueil du jeune enfant - assistants maternels, salariés de particuliers employeurs ou de personnes morales, établissements d'accueil du jeune enfant de moins de six ans, etc. - mettent en oeuvre un accueil favorisant l'inclusion des familles et enfants présentant un handicap ou atteints de maladies chroniques. Elles doivent également veiller à garantir l'organisation des transitions de l'enfant vers les différents services responsables de son accueil, scolaire ou périscolaire, particulièrement lorsqu'il est en situation de handicap6(*).

Par ailleurs, la Haute Autorité de santé (HAS), dans sa recommandation relative au repérage et à l'orientation des enfants à risque de TND, suggère :

- d'inscrire en établissement d'accueil du jeune enfant (halte-garderie, crèche, lieu de rencontre des parents), le plus tôt possible, les enfants à haut risque de TND ou avec un TND suspecté : outre l'accompagnement des familles, cette inclusion précoce doit permettre de mieux préparer l'inclusion scolaire ;

- en conséquence, de réserver des places de crèche ou multi-accueil pour les jeunes enfants à risque de TND ou avec un TND précoce identifié7(*).

En conséquence, la stratégie nationale 2023-2027 pour les TND prévoit d'intégrer les enfants à risque de TND ou diagnostiqués aux publics prioritaires pour accéder à des places en crèche ou en accueil de loisirs8(*).

• Pour tenir compte de ce rôle et permettre leur implication, la formation des professionnels de la petite enfance et des structures d'accueil collectif de mineurs a progressivement été renforcée.

Le code de l'action sociale et des familles prévoit que tout assistant maternel agréé doit suivre une formation9(*), devant notamment permettre d'accompagner l'enfant dans son développement, sa socialisation et son autonomie10(*). Un arrêté ministériel de 2018 fait, par ailleurs, figurer parmi les compétences et connaissances nécessaires à l'exercice du métier le fait de « savoir repérer des signes susceptibles d'indiquer un handicap et savoir quelle conduite tenir », ainsi que le fait de « savoir adapter, en ligne avec la famille, son projet d'accueil à un enfant en situation de handicap, notamment l'autisme »11(*).

La formation préparatoire au diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture comprend, de la même manière, une sensibilisation au handicap :

- le parcours de stage comporte au moins une période auprès d'enfants en situation de handicap physique ou psychique ;

- figurent parmi les compétences attendues celle d'évaluer l'autonomie, les fragilités et/ou les handicaps, les capacités psycho-motrices et psycho-affectives de l'enfant en lien avec son développement et ses potentialités ;

- un enseignement, enfin, est consacré au rôle de l'auxiliaire de puériculture auprès d'un enfant en situation de handicap, ou atteint d'une pathologie mentale, notamment de troubles du neuro-développement et du spectre autistique12(*).

De la même manière, la formation préparatoire au diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants, conférant le grade de licence13(*), comprend des enseignements relatifs à l'« approche des handicaps et des déficiences », ainsi qu'aux « troubles et maladies courants de l'enfant »14(*).

Dans l'objectif de massifier le repérage précoce des TND et d'accompagner les enfants concernés de 0 à 6 ans, la stratégie nationale 2023-2027 pour les TND prévoit de mieux former l'entourage qui interagit avec l'enfant dans sa vie quotidienne afin qu'il agisse favorablement sur son développement. Elle souligne que des études démontrent un effet bénéfique sur la trajectoire développementale de l'enfant d'une meilleure sensibilisation des professionnels de la petite enfance. En conséquence, elle fixe pour objectif le développement des formations à destination des professionnels des crèches et des assistantes maternelles au repérage précoce des TND et aux bonnes pratiques.

Un guide d'observations partagées entre les professionnels de la petite enfance et les parents a, par ailleurs, été produit et diffusé par la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les TND15(*). Celui-ci comprend des questions et observations organisées selon l'âge de l'enfant - six, douze, dix-huit, vingt-quatre et trente-six mois -, devant permettre aux parents et professionnels de la petite enfance de mieux repérer d'éventuelles difficultés et orienter l'enfant vers le professionnel de santé compétent, seul en mesure d'établir un diagnostic.

Le guide d'observations partagées précise le rôle des professionnels de la petite enfance dans le repérage et l'accompagnement de l'enfant. Il invite, notamment, ces derniers à « faire du repérage des signes de développement inhabituel (...) un cheminement commun et continu » avec les parents en :

- portant une attention particulière à l'observation de l'enfant, à ses compétences et à ses besoins, sans se substituer au médecin qui reste le seul à pouvoir poser un diagnostic ;

- abordant le développement de l'enfant et son parcours avec les parents dès l'accueil de l'enfant ;

- explicitant le parcours de repérage précoce et informant, le cas échéant, les parents de la situation de leur enfant et des étapes à venir.

En conséquence, le guide recommande d'« enrichir le contenu des actions de formation et de sensibilisation des professionnels de la petite enfance », notamment autour des thématiques suivantes :

- les étapes du développement du nourrisson et de l'enfant ;

- les enjeux du repérage et de la détection précoce ;

- le travail avec les professionnels du secteur médico-social, les partenariats à mettre en place pour accompagner les parents et l'enfant, la détection précoce et la prise en charge du handicap ;

- l'accueil, l'accompagnement et le suivi des enfants concernés.

B. L'article 3 bis vise à renforcer la formation des professionnels à l'accueil et au suivi des enfants et jeunes présentant des TND

L'article 3 bis, issu de deux amendements identiques adoptés par l'Assemblée nationale, vise à renforcer la formation au handicap et aux TND des professionnels amenés à accueillir des mineurs concernés.

Pour cela, l'article prévoit que doivent recevoir, au cours de leur formation initiale et continue, une formation spécifique à l'accueil et au suivi des enfants et jeunes handicapés, notamment ceux présentant des TND, les personnels d'encadrement, d'accueil, techniques et de service appartenant aux établissements et services mentionnés :

- aux articles L. 214-1 à L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles, soit ceux relevant des modes d'accueil du jeune enfant ou des services de soutien à la parentalité - parmi lesquels figurent les crèches, assistants maternels et gardes à domicile ;

- aux articles L. 227-1 à L. 227-12 et R. 227-1 à R. 227-30 du même code, soit, notamment, les établissements et services organisant des accueils collectifs de mineurs à caractère éducatif - centres de loisirs, centres aérés, colonies de vacances, accueils de scoutisme, etc.

Cette formation doit comprendre une information sur le handicap, tel que défini à l'article L. 114 du même code16(*).

II - La position de la commission

Consciente du rôle essentiel joué par les établissements et services responsables de l'accueil du jeune enfant ou de l'accueil des mineurs dans le repérage des TND, l'accompagnement et le suivi des enfants concernés, la commission a favorablement accueilli ces dispositions. Elle juge, en effet, nécessaire de garantir à l'ensemble des professionnels impliqués une formation spécifique à l'accueil et au suivi des enfants et jeunes handicapés et, en particulier, de ceux présentant des TND.

La commission relève qu'un renforcement de cette formation est visé dans le cadre de la stratégie nationale relative aux TND pour la période 2023-2027. Celui-ci répond, par ailleurs, aux recommandations de la HAS invitant à privilégier le placement des enfants à haut risque de TND dans des structures d'accueil collectif du jeune enfant.

La formation des professionnels apparaît d'autant plus utile qu'une forte implication de leur part dans le repérage, l'accompagnement et le suivi des TND est désormais attendue des pouvoirs publics. Des outils d'aide au repérage des TND leur ont récemment été mis à disposition par la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les TND. La loi confie, par ailleurs, à ces professionnels la mission de mettre en oeuvre un accueil favorisant l'inclusion des familles et enfants présentant un handicap. La présente proposition de loi renforce encore cette mission en consacrant leur rôle dans le repérage, le suivi et l'accompagnement des enfants présentant des TND17(*).

Compte tenu de ces attentes, la commission a jugé indispensable de systématiser la formation de ces professionnels sur les TND.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4
Modification de la durée des mesures d'inclusion scolaire décidées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées

Cet article propose que les mesures d'inclusion scolaire décidées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) puissent être prises pour la durée d'un cycle pédagogique.

Il vise également à améliorer l'articulation entre les professionnels en charge du diagnostic et les services des MDPH en prévoyant que les premiers soient informés des délais de traitement des seconds.

I - Le dispositif proposé en première lecture au Sénat

Cet article vise à inscrire dans la loi que les mesures d'inclusion scolaire prononcées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) peuvent être prises pour la durée d'un cycle pédagogique, soit trois ans. Il ne s'agit toutefois pas d'une disposition contraignante, afin de ne pas figer l'analyse des besoins pour les élèves dont la situation scolaire évolue rapidement.

Le cadre normatif aujourd'hui applicable laisse une grande latitude à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) sur la durée des mesures d'inclusion scolaire retenues. Ainsi, il n'est pas rare d'accorder des droits sur une durée d'un ou deux ans seulement, afin de réestimer au plus vite les besoins. Si l'on constate un allongement de la périodicité des décisions prises depuis 2019, celui-ci n'est toutefois pas uniforme sur le territoire.

Or la périodicité trop courte des décisions prononcées par les CDAPH provoque leur engorgement et le désarroi des familles, contraintes de réitérer leurs demandes.

Cette mesure, inspirée par les recommandations du rapport d'information sénatorial sur la prise en charge des TND18(*), répond au souci de réduire la charge administrative associée à l'instruction de ces mesures, aussi lourde pour les familles que chronophage pour les professionnels.

La commission des affaires sociales avait complété cet article par un amendement de sa rapporteure, visant à améliorer l'articulation entre les professionnels du diagnostic et les services des MDPH. Trop souvent, les professionnels du diagnostic ignorent les délais de traitement des MPDH et communiquent leurs conclusions trop tardivement pour qu'elles puissent être prises en compte à la rentrée scolaire suivante, ce qui peut conduire à une perte de chances pour les enfants concernés.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'article 4 a été modifié, au stade de la commission, par deux amendements rédactionnels de son rapporteur, M. Paul Christophe.

III - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5
Repérage des troubles du neuro-développement

Cet article vise à prévoir, au niveau législatif, la réalisation d'examens complémentaires de repérage justifiés par la naissance prématurée de l'enfant ou tout autre facteur de risque identifié.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé en première lecture au Sénat

• Dans ses recommandations relatives au repérage des TND, la Haute Autorité de santé (HAS) suggère de mettre en place un dispositif de repérage et de diagnostic adapté au profil de risque de chaque enfant19(*). Pour cela, elle distingue :

- les facteurs de haut risque, tels qu'une grande prématurité ou la survenance d'un accident vasculaire cérébral (AVC) artériel gestationnel ;

- des facteurs de risque modéré, tels qu'une prématurité modérée ou tardive ou une exposition à l'alcool.

Pour les enfants ayant un facteur de haut risque, la HAS préconise qu'un rendez-vous soit immédiatement proposé en sortie de néonatalogie pour une consultation spécialisée en neuro-développement auprès d'un médecin référent spécifiquement formé aux TND, en particulier ceux affiliés à un réseau de suivi et/ou à une structure de deuxième ligne. En cas de suspicion d'un TND, l'enfant doit être orienté vers des interventions précoces et, le cas échéant, l'une des 102 plateformes de coordination et d'orientation (PCO) mises en place20(*).

Pour les enfants ayant un facteur de risque modéré, la HAS recommande l'organisation de consultations dédiées au repérage auprès d'un médecin de première ligne - médecin traitant, médecin de protection maternelle et infantile (PMI) ou médecin scolaire. Lorsque plusieurs signes d'alerte sont détectés, elle recommande de mettre en place une intervention précoce et d'orienter vers une consultation spécialisée ou vers une PCO.

Enfin, pour les enfants ne présentant pas de facteur de risque, le repérage des TND est réalisé dans le cadre de la surveillance du développement réalisée au cours du suivi de l'enfant par les médecins de première ligne, notamment lors des examens obligatoires de l'enfance21(*).

• Si les dispositifs de repérage ont, ainsi, été progressivement précisés par la HAS et font désormais l'objet de recommandations de bonnes pratiques pour l'ensemble des TND, une errance diagnostique continue toutefois d'être observée. Les tensions démographiques touchant les professions de santé rendent parfois difficile la réalisation de l'ensemble des examens obligatoires, et l'application des recommandations de la HAS apparaît, selon plusieurs personnes auditionnées, inégale.

Si les recommandations de bonnes pratiques contribuent, selon une jurisprudence établie du Conseil d'État, à la réunion et à la mise à disposition des professionnels de santé des données acquises de la science, sur lesquelles ils doivent, en application d'une obligation déontologique22(*), fonder les soins qu'ils assurent, elles demeurent toutefois dépourvues de caractère contraignant23(*).

Pour massifier le repérage et avancer l'âge de détection des TND, ainsi que le préconise la stratégie nationale 2023-2027 pour les TND24(*), la LFSS pour 2024 a prévu la création, au plus tard le 1er janvier 2025, d'un service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce, chez les enfants de moins de six ans, des troubles de santé à caractère durable et invalidants, notamment les TND25(*). Celui-ci s'appuiera sur les examens médicaux obligatoires de l'enfance et le bilan de santé et de prévention réalisé à l'entrée d'un mineur dans le dispositif de protection de l'enfance26(*).

• Pour mieux inscrire en droit l'existence d'une stratégie adaptée au niveau de risque identifié chez l'enfant, conforme aux recommandations de la HAS, l'article 5 de la proposition de loi, réécrit par la commission des affaires sociales du Sénat, complète les dispositions de la LFSS pour 2024 relatives au nouveau service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce.

Dans le cadre de ce service, le repérage s'appuierait non pas seulement sur les examens obligatoires de l'enfant et le bilan de santé et de prévention, mais également sur les examens de repérage27(*) institués par la présente proposition de loi comme, le cas échéant, sur les examens complémentaires justifiés par la naissance prématurée de l'enfant ou tout autre facteur de risque identifié.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'article 5 a été modifié, lors de l'examen du texte par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, par deux amendements rédactionnels de son rapporteur, M. Paul Christophe.

III - La position de la commission

Constatant que les amendements adoptés ne remettaient pas en cause la portée des dispositions qu'elle avait soutenues, la commission a accueilli favorablement l'article 5 transmis par l'Assemblée nationale.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 6
Création de deux examens médicaux obligatoires de dépistage
des troubles du neuro-développement chez l'enfant

Cet article propose de créer, chez l'enfant, deux examens de dépistage des troubles du neuro-développement à neuf mois et six ans, intégralement pris en charge par l'assurance maladie obligatoire.

I - Le dispositif proposé en première lecture au Sénat

Alors que près d'une personne sur six présente au moins un trouble du neuro-développement en France et que la prévalence est en augmentation continue, les efforts en faveur du repérage et du diagnostic précoce des TND restent insuffisants.

La prise en charge des troubles du neuro-développement s'articule, en vertu de la stratégie nationale 2023-2027 pour les TND, autour d'un triptyque « repérage / diagnostic / intervention précoce ». Le repérage désigne la détection, par un professionnel dit de première ligne28(*), de signes associés à un TND. Une fois ces signes repérés, il revient à des professionnels spécialisés de poser un diagnostic, souvent en pluridisciplinarité. Une fois le diagnostic posé, une équipe pluridisciplinaire intervient aussi précocement que possible afin de limiter le plus possible les manifestations associées au trouble.

En ce qui concerne le repérage, la Haute Autorité de santé recommande une approche graduée, fondée sur l'exposition aux facteurs de risque. La Haute Autorité recommande de fixer une consultation avec un médecin dûment formé dès la sortie de néonatologie en cas de haut risque de TND (notamment pour les grands prématurés), et des consultations de repérage auprès d'un médecin de première ligne pour les enfants exposés à des facteurs de risque modérés.

Toutefois, les recommandations de la HAS sont aujourd'hui imparfaitement suivies et insuffisamment efficaces, notamment du fait d'un défaut de formation des professionnels de première ligne et d'une connaissance lacunaire de certains parents sur la question. De nombreux enfants - même à risque - ne font donc aujourd'hui l'objet d'aucun repérage.

En outre, mise à part la prématurité, les facteurs de risque des TND sont parfois mal connus par les parents et difficilement identifiables sans examen complémentaire : par conséquent, de nombreux enfants exposés à des facteurs de risque ne sont aujourd'hui pas suffisamment suivis, en l'absence d'une politique de repérage en population générale.

Il en découle des retards de prise en charge associés à des pertes de chance et des sur-handicaps pour les enfants traversant une phase d'errance diagnostique.

Partant de ce constat, l'article 6 propose de changer d'échelle la politique de repérage en créant deux examens médicaux obligatoires de repérage des TND. Ceux-ci pourront s'ajouter aux vingt examens obligatoires déjà prévus aujourd'hui de la naissance aux seize ans de l'enfant. Alternativement, des redéploiements de certains examens obligatoires pourraient être envisagés, afin de maintenir constant le nombre d'examens obligatoires tout en consacrant deux consultations spécifiques au repérage des TND.

Ces examens, dont les modalités de mise en oeuvre seraient renvoyées à la négociation conventionnelle, seraient intégralement pris en charge par l'Assurance maladie, ce qui constitue un corollaire nécessaire à leur caractère obligatoire.

À l'initiative de sa rapporteure, le Sénat avait fixé à 18 mois et 6 ans l'âge-cible des consultations de repérage. Ces âges, déterminés après consultation de la HAS, sont apparus les plus opportuns dans la mesure où il n'existe aujourd'hui aucun examen médical obligatoire prévu à ces stades et où ils correspondent à des périodes adéquates pour détecter les premiers signes respectivement des troubles du spectre de l'autisme, des troubles du comportement et des troubles du langage d'une part, et des troubles de l'apprentissage, des fonctions exécutives, de la coordination et du TDAH d'autre part, selon un graphe fourni par la HAS.

Âge de repérage associé à chaque trouble et chaque test

Source : HAS

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'article 6 a été modifié, au stade de la commission, par cinq amendements rédactionnels et de coordination de son rapporteur, M. Paul Christophe, ainsi que par un amendement rédactionnel identique de Mme Anna Pic et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés.

En séance publique, l'article 6 a été amendé par deux amendements identiques de M. Pilato et ses collègues du groupe La France Insoumise - Nouvelle union populaire, écologique et sociale (LFI - Nupes) et de M. Peytavie et ses collègues du groupe Écologiste - Nupes, visant à avancer de 18 mois à 9 mois l'âge du premier examen de repérage obligatoire. Ces amendements ont été adoptés contre les avis de la commission et du Gouvernement.

Un amendement de correction matérielle du texte de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a également été adopté, à l'initiative du rapporteur.

II - La position de la commission

La commission ne peut que regretter que les préconisations de la Haute Autorité de santé concernant l'âge auquel se tiendra le premier examen de repérage, fondées sur une expertise scientifique reconnue, n'aient pas été suivies par l'Assemblée nationale.

La HAS recommande toutefois également de réaliser systématiquement un test de repérage global dès le neuvième mois de l'enfant lorsque celui-ci présente un risque élevé de développer des troubles du neuro-développement, selon le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale.

Si l'âge retenu ne semble pas le plus opportun en population générale, fixer à 9 mois l'âge du premier examen obligatoire de repérage des TND pourrait permettre un repérage, un diagnostic et une prise en charge plus précoce pour certains enfants.

Afin de permettre l'adoption rapide de ce texte au service des familles, la commission n'a pas jugé opportun de modifier à nouveau l'âge cible du premier examen de repérage obligatoire pour le fixer à 18 mois. Elle appelle tout de même, dans le cadre de la réforme du carnet de santé, à ce que les parents et les professionnels soient sensibilisés à l'opportunité de réaliser des tests de repérage des TND au cours des examens obligatoires prévus autour des 18 mois de l'enfant.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 bis
Attribution d'une mission de repérage précoce
des troubles du neuro-développement aux professionnels
chargés de l'accueil du jeune enfant

Cet article propose d'attribuer aux professionnels chargés de l'accueil du jeune enfant une nouvelle mission de repérage précoce des troubles du neuro-développement (TND) et de suivi et d'accompagnement des enfants concernés.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Les troubles du neuro-développement concerneraient près d'un enfant sur six, un total en constante augmentation

Les données statistiques fournies par la délégation interministérielle aux TND et l'ancienne ministre déléguée chargée des personnes handicapées font état d'un taux de prévalence des TND compris entre 15 % et 20 % en France, soit une personne sur six à une personne sur cinq. Les travaux de recherche menés tant au niveau international29(*) que par le ministère de la santé, font état d'un taux de prévalence « en augmentation continue »30(*) des TND en France.

Dans ce contexte, le sous-diagnostic apparaît particulièrement alarmant. Dans leur rapport31(*), les sénateurs Laurent Burgoa, Corinne Féret et Jocelyne Guidez considéraient les troubles du neuro-développement comme un « continent oublié », tant l'écart est important entre les taux de prévalence estimés et la proportion de personnes diagnostiquées.

B. Une stratégie de repérage graduée, donnant leur pleine part aux professionnels chargés de l'accueil du jeune enfant, pourrait permettre d'améliorer la détection et la prise en charge des enfants concernés

1. Des efforts récents mais encore insuffisants en faveur du repérage et du diagnostic précoce des TND chez l'enfant

Afin de lutter contre le sous-diagnostic et d'améliorer la prise en charge des enfants présentant un TND, les pouvoirs publics ont développé une réponse axée sur trois piliers : le repérage, le diagnostic et l'intervention précoce.

Le repérage consiste en la détection, par un professionnel dit de première ligne, de signes tendant à indiquer qu'un enfant pourrait présenter un TND. Ces professionnels de première ligne sont des médecins : pédiatres, généralistes, médecins scolaires ou médecins de protection maternelle et infantile, en premier lieu. Sur la base des constatations médicales, une équipe de professionnels spécialisés, souvent pluridisciplinaire, intervient ensuite pour poser un diagnostic. Parallèlement ou postérieurement à l'établissement du diagnostic, l'intervention précoce marque le début de la prise en charge des manifestations des troubles pour en limiter les effets.

La stratégie de repérage, qui repose sur une approche graduée en fonction de l'exposition des enfants à des facteurs de risques, ne prévoit aujourd'hui aucun suivi particulier pour les enfants n'ayant pas été exposés à des facteurs de risques ni, au demeurant, pour les enfants dont on ignore qu'ils ont été exposés à des facteurs de risque.

L'absence de stratégie unifiée pour les enfants sans facteur de risque particulier conduit donc, dans les faits, à différer chez eux le repérage des signes de TND, donc le diagnostic, ce qui occasionne une perte de chances dommageable.

2. Le repérage, aujourd'hui centré sur les professionnels de santé, pourrait être enrichi et amélioré s'il associait davantage les professionnels de terrain

Si l'expertise scientifique d'un médecin est indispensable dans le repérage des troubles du neuro-développement, les personnels non médicaux au contact des enfants peuvent également jouer un rôle déterminant, aujourd'hui insuffisamment investi, de détection des premiers signes poussant à effectuer une consultation de repérage.

Le repérage se fonde en effet sur l'observation d'écarts inhabituels de développement. Les parents et les professionnels de l'enfance, au contact des enfants sur de longues périodes, sont bien placés pour constater, au quotidien, des comportements atypiques ou des décalages dans l'apprentissage des savoirs. Bien qu'ils ne présentent pas une expertise médicale, ils sont tout à fait susceptibles de détecter des signes qui peuvent alerter sur des écarts de développement afin d'amener à consulter au plus vite un professionnel de première ligne.

Plus l'observation des premiers comportements inhabituels est précoce, plus vite les professionnels de première ligne peuvent être consultés afin de donner leur expertise médicale sur la question et d'évaluer le risque que ces comportements puissent être associés à un TND.

C'est pourquoi la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme au sein des TND avait, dès 2021, préparé des guides à l'attention des familles et des professionnels de la petite enfance, contenant des grilles d'observation à différents stades du développement. Une fois remplies par les parents ou les professionnels de la petite enfance, elles sont transmises au professionnel de la première ligne et servent de base à la consultation de repérage.

Grille d'observation à 12 mois de comportements inhabituels
pouvant indiquer un TND

Source : Site internet handicap.gouv.fr

Le même guide invite les professionnels de l'enfance à jouer un rôle dans le repérage : il leur revient de « porter une attention particulière à l'observation de l'enfant, à ses compétences et à ses besoins, sans se substituer au médecin qui reste le seul à pouvoir poser un diagnostic a fortiori de manière précoce ».

Outre leur rôle d'évaluation de la situation de l'enfant, les professionnels chargés de l'accueil du jeune enfant peuvent également s'investir dans l'accompagnement des parents et de leur enfant. En communiquant des informations sur les différentes étapes menant au diagnostic et à la prise en charge ou en orientant les parents vers des professionnels spécialisés, un dialogue fécond peut naître pour simplifier les démarches et répondre aux questions que le repérage peut susciter.

Le rôle des professionnels chargés de l'accueil du jeune enfant est déjà souligné par l'article L. 21-1-1 du code de l'action sociale et des familles. Cet article donne pour mission aux professionnels assurant l'accueil du jeune enfant - notamment les assistants maternels32(*), salariés de particuliers employeurs33(*) et établissements d'accueil des enfants de moins de six ans34(*) -d'assurer un accueil favorisant l'inclusion des familles et enfants présentant un handicap ou atteints de maladies chroniques. Mais celui-ci ne vise pas spécifiquement les troubles du neuro-développement, dont le repérage présente pourtant des spécificités.

C. Le dispositif proposé : l'attribution aux professionnels chargés de l'accueil du jeune enfant d'une nouvelle mission de repérage précoce des TND

L'article 6 bis, issu d'un amendement de séance de M. Sébastien Peytavie et de ses collègues du groupe Écologiste - Nupes, modifie l'article L. 214-1-1 du code de l'action sociale et des familles, qui fixe les missions des personnes physiques et morales assurant l'accueil du jeune enfant, afin d'y intégrer la contribution au repérage précoce des TND, et la favorisation du suivi et de l'accompagnement des enfants concernés.

II - La position de la commission

La commission des affaires sociales estime que les professionnels de l'accueil du jeune enfant ont tout leur rôle à jouer dans l'identification de comportements inhabituels ou d'écarts de développement tendant à indiquer un possible trouble du neuro-développement chez l'enfant.

L'intervention de ces professionnels ne saurait, bien sûr, se substituer à celle du médecin de première ligne, dont l'expertise scientifique est indispensable pour permettre le repérage.

Pour autant, les professionnels de l'accueil du jeune enfant côtoient au quotidien les enfants, et sont à même d'observer certains éléments qui peuvent alerter sur un possible trouble du neuro-développement. Leurs observations peuvent constituer un « pré-repérage » conduisant à anticiper la consultation du médecin de première ligne et à favoriser le repérage précoce. Par ce biais, un diagnostic pourrait être établi plus rapidement, permettant de mettre en oeuvre une prise en charge au plus vite pour limiter les écarts de développement.

En complément de l'obligation de mettre en oeuvre un accueil favorisant l'inclusion des enfants présentant un handicap, conférer par la loi un rôle dans le repérage et le suivi des enfants présentant un TND aux professionnels de l'accueil du jeune enfant permet de souligner les efforts déjà conduits par certains professionnels en ce sens, et d'inciter les professionnels encore insuffisamment informés à s'investir davantage sur le sujet.

Pour autant, pour prendre toute son effectivité, cet article doit s'accompagner d'un vaste plan d'information et de formation à l'attention des professionnels de la petite enfance, afin de diffuser la connaissance sur les troubles du neuro-développement et de leur permettre d'exercer concrètement les missions que la loi leur attribuerait en matière de repérage.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7
Pérennisation de dispositifs de répit pour les proches aidants

Cet article propose de pérenniser l'expérimentation mise en place par la loi « Essoc » du 10 août 2018, qui permet des dérogations au droit du travail dans le cadre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant (« relayage ») ou dans le cadre de séjours de répit.

I - Le dispositif proposé en première lecture au Sénat

L'article 53 de la loi « Essoc »35(*) a mis en place une expérimentation visant à développer et diversifier l'offre de répit des proches aidants. Elle permet de soumettre les salariés d'établissements et services médico-sociaux volontaires à un cadre juridique dérogatoire pour ce qui relève du régime d'équivalence, des temps de pause, des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail et de la durée minimale de repos quotidien.

Au total, plus de 200 établissements et services ont été autorisés à mettre en oeuvre l'expérimentation dans 54 départements et 14 régions. La fin de l'expérimentation a été fixée au 31 décembre 2024 par la LFSS pour 2024. Une évaluation réalisée en 2023 par la direction générale du travail (DGT) en dresse un bilan globalement positif, malgré quelques difficultés de mise en oeuvre opérationnelle des dérogations sur le terrain.

Aussi cet article vise-t-il à intégrer les dispositions expérimentales dans le droit commun, en conservant à l'identique les dérogations prévues par l'expérimentation.

La commission des affaires sociales s'est prononcée favorablement sur cette pérennisation, considérant que l'expérimentation a fait ses preuves en renforçant effectivement les solutions de répit offertes aux proches aidants, et en améliorant la prise en charge des personnes présentant un TND.

Elle a adopté un amendement pour permettre aux partenaires sociaux, via un accord de branche, d'ajuster le dispositif afin qu'il réponde aux réalités du terrain. Ces ajustements peuvent porter sur l'abaissement du plafond de jours d'intervention sur douze mois consécutifs, l'abaissement du maximum de jours consécutifs d'intervention et la mise en place d'un régime d'équivalence.

En cohérence avec la pérennisation du dispositif, la commission a également prévu l'abrogation des articles de la loi « Essoc » du 10 août 2018 et de la LFSS 2022 fixant le cadre de l'expérimentation (COM-13).

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement portant plusieurs modifications au texte :

- la liste des établissements et services inclus dans le périmètre du dispositif a été étendue ;

- la précision selon laquelle la fourniture de prestations de « relayage » serait subordonnée à la délivrance d'une autorisation de service d'accompagnement à domicile (Saad) ou d'un agrément a été supprimée, afin de ne pas limiter à certains services seulement la fourniture de ces prestations ;

- les dispositions permettant qu'il soit dérogé aux régimes d'équivalence et celles ouvrant aux branches la possibilité de définir, par accord, un système d'équivalence spécifique ont été retirées, de sorte que les règles de droit commun s'appliquent ;

- la liste des garanties accordées aux salariés des établissements sociaux et médico-sociaux a été complétée, enfin, par un droit au bénéfice d'une pause de vingt minutes consécutives toutes les six heures, ce temps de pause pouvant toutefois être supprimé ou réduit.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont supprimé la possibilité, pour les ESMS, de mobiliser des salariés du particulier employeur pour effectuer des prestations de suppléance à domicile du proche aidant dans le cadre dérogatoire. Ils estiment que cette modalité d'intervention ne présente pas suffisamment de garanties pour la qualité et la sécurité des prestations, et qu'elle n'a pas été utilisée pendant l'expérimentation (amendement de Mme Annie Vidal, Renaissance).

En outre, les commissaires ont supprimé la disposition permettant au conjoint survivant de poursuivre le contrat de travail avec le salarié embauché comme aide à domicile en cas de décès du conjoint employeur, au motif qu'elle pourrait présenter des complexités pratiques et juridiques dans sa mise en oeuvre (amendement de Mme Annie Vidal).

La commission des affaires sociales a également adopté un amendement du rapporteur M. Paul Christophe, différant au 1er janvier 2025 l'entrée en vigueur du dispositif (contre, initialement, une entrée en vigueur immédiate). Ils ont considéré que la disparition du cadre juridique de l'expérimentation plusieurs mois avant l'échéance initiale et l'apparition concomitante de règles en partie nouvelles risquait de créer une insécurité juridique. En outre, le Gouvernement disposerait de plus de temps pour préparer les mesures d'application de la loi.

En séance, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant que les établissements et services visés par le dispositif doivent, pour être autorisés à fournir les prestations de suppléance à domicile dans le cadre dérogatoire, obtenir l'accord préalable de l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 313-3 du code de l'action sociale et des familles. En fonction du type d'établissement ou de service concerné, l'autorisation est accordée par le président du conseil départemental, par le directeur général de l'ARS ou sur décision conjointe de ces deux autorités. En introduisant cette mesure, le Gouvernement a indiqué qu'il souhaitait garantir un meilleur encadrement du dispositif. Dans sa rédaction initiale, la loi prévoyait que la mise en oeuvre des prestations et des dérogations au droit du travail devait seulement être « portée à la connaissance » de l'autorité compétente.

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Mme Annie Vidal, prévoyant que le décret d'application des dispositions de l'article 7 définit les critères auxquels les personnes aidées doivent répondre pour avoir accès aux prestations. Les députés ont en effet souhaité réserver les prestations de relayage à domicile de longue durée aux personnes qui répondent à des besoins particuliers, et pour lesquelles la pluralité des intervenants est susceptible d'aggraver les troubles.

III - La position de la commission

La commission relève que des modifications substantielles ont été apportées au présent article.

Concernant la suppression de la possibilité de mobiliser des salariés du particulier employeur pour effectuer des prestations de suppléance à domicile, elle entend les arguments avancés par l'Assemblée nationale. Cette modalité d'intervention apparaît en effet peu encadrée et n'a pas été mobilisée dans le cadre de l'expérimentation.

Par ailleurs, la commission ne s'oppose pas à la suppression de la disposition qui permet au conjoint de poursuivre le contrat de travail avec l'aide à domicile en cas de décès du conjoint employeur, celle-ci pouvant effectivement soulever des difficultés juridiques.

La disposition introduite par le Gouvernement pour soumettre la réalisation de prestations de suppléance à domicile dans le cadre dérogatoire à l'accord préalable de l'autorité compétente permet quant à elle de sécuriser davantage la mise en oeuvre du dispositif. Aussi, la commission soutient cette modification.

En outre, afin de garantir un ciblage adapté des personnes visées par le dispositif, la commission considère qu'il sera utile de définir, par la voie du décret, les critères auxquels les personnes aidées devront répondre pour bénéficier des prestations de relayage à domicile de longue durée.

Enfin, la commission s'accorde avec le décalage de l'entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2025.

La commission a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 octobre 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 570, 2023-2024) visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants.

M. Philippe Mouiller, président. - Monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous débutons aujourd'hui nos travaux par l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement (TND) et à favoriser le répit des proches aidants.

Comme l'a décidé la Conférence des présidents, avec l'accord de tous les présidents de groupe, nous légiférons selon la procédure de législation en commission prévue aux articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat. Le droit d'amendement s'exerce donc uniquement en commission.

La réunion de la commission se tient en présence du Gouvernement ; elle est publique et retransmise sur le site du Sénat.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité des suffrages exprimés, le 2 mai dernier, cette proposition de loi déposée par nos collègues Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret à la suite d'un rapport d'information de notre commission.

Plusieurs modifications ont été apportées au texte par les députés. L'Assemblée nationale a adopté conforme un article, confirmé la suppression d'un autre et modifié cinq articles du texte transmis par le Sénat en janvier dernier. Trois nouveaux articles complètent par ailleurs la proposition de loi. À ce stade de la navette, huit articles demeurent donc en discussion.

Ce texte, que nous avons adopté à l'unanimité en janvier dernier, permettra d'améliorer le repérage et le suivi des personnes présentant des TND, de favoriser leur inclusion scolaire et de simplifier leur parcours. D'après la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les TND, ces troubles concerneraient 17 % de la population. La proposition de loi contribuera également à soutenir les proches qui les accompagnent. Elle répond ainsi à plusieurs des difficultés identifiées par le rapport d'information de 2023.

Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale ne bouleversent pas l'économie générale du texte et ne réduisent pas sa portée. C'est pourquoi je vous proposerai de l'adopter sans modification supplémentaire afin qu'il puisse rapidement entrer en vigueur.

Attardons-nous, d'abord, sur les modifications apportées par l'Assemblée nationale aux dispositions visant à améliorer les conditions de scolarisation des élèves présentant un TND. Celles-ci doivent permettre de garantir à tous les élèves présentant un TND, même complexe, l'accès à un parcours scolaire aussi ordinaire que possible, à proximité de leur domicile.

L'article 1er, qui vise la création de dispositifs dédiés à la scolarisation en milieu ordinaire de ces élèves dans chaque circonscription académique métropolitaine et dans chaque académie d'outre-mer d'ici à 2027 est, à cet égard, particulièrement important. Les députés ont largement soutenu ses dispositions et n'y ont apporté que des ajustements rédactionnels.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, introduit un nouvel article 1er bis faisant obligation à l'éducation nationale de s'assurer que, dans chaque établissement scolaire, un relais ou un référent pour l'accueil d'enfants présentant un TND soit désigné. Notre commission avait rejeté un amendement similaire, le jugeant insuffisamment précis et largement satisfait par les dispositions de l'article 1er. Je vous proposerai néanmoins d'entendre la volonté de l'Assemblée nationale et d'adopter, en conséquence, cet article.

Les députés ont adopté conforme l'article 2, qui vise à renforcer la formation des équipes pédagogiques à l'accueil et à l'accompagnement des élèves présentant un TND.

Enfin, l'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications rédactionnelles à l'article 4. En prévoyant que les mesures d'inclusion scolaire prises par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) puissent être notifiées pour la durée d'un cycle pédagogique, soit trois ans, cet article permettra aux parents et aux professionnels, dont le temps est précieux, de ne pas se plonger trop régulièrement dans des procédures administratives.

L'Assemblée nationale a également adopté, avec modifications, les dispositions de la proposition de loi visant à favoriser un repérage et un diagnostic précoces des TND. Il s'agit là d'un enjeu essentiel : un enfant sur six serait atteint d'un TND, mais, en raison de carences dans le repérage, un sous-diagnostic important persiste en France. Ce dernier est à l'origine de retards, voire d'absences de prise en charge, qui se traduisent par des surhandicaps et, bien souvent, du mal-être pour les enfants concernés.

À cet égard, moyennant quelques modifications rédactionnelles, l'Assemblée nationale a adopté l'article 5 du texte, qui vise à inscrire dans la loi l'existence d'une stratégie de repérage adaptée au niveau de risque identifié chez l'enfant, fondée sur l'organisation d'examens complémentaires le cas échéant.

Si cette stratégie de repérage graduée en fonction du risque a permis d'importants progrès, elle doit toutefois être complétée par une politique de repérage en population générale. C'est l'objectif de l'article 6, plus substantiellement modifié par les députés, qui prévoit la réalisation de deux examens médicaux obligatoires de repérage des TND, intégralement pris en charge par la sécurité sociale. Contre l'avis du Gouvernement et de la commission des affaires sociales, les députés ont adopté deux amendements identiques fixant à 9 mois plutôt qu'à 18 mois l'âge du premier examen de repérage obligatoire.

Je regrette, naturellement, que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi les préconisations de la Haute Autorité de santé (HAS), pourtant fondées sur une expertise scientifique reconnue. L'âge retenu ne semble pas le plus opportun en population générale. Toutefois, réaliser un premier examen à 9 mois est recommandé chez les enfants à risque et pourrait accélérer la prise en charge de certains troubles observables précocement. Afin de permettre l'adoption rapide de la proposition de loi, il ne me semble pas opportun d'amender le texte pour rétablir à 18 mois l'âge cible du premier examen de repérage. Je ne peux toutefois qu'encourager le Gouvernement à sensibiliser, dans le cadre de la réforme du carnet de santé, les parents et les professionnels de santé sur l'opportunité de réaliser également des tests de repérage des TND aux alentours de 18 mois.

Les députés ont, par ailleurs, confirmé la suppression de l'article 3, qui visait à renforcer la formation continue des professionnels de santé aux situations de handicap et de TND. Nous avions jugé, en première lecture, que ses dispositions étaient déjà entièrement satisfaites en droit.

L'Assemblée nationale a inséré dans le texte deux articles additionnels destinés à favoriser l'implication des professionnels de l'accueil du jeune enfant et de l'accueil collectif des mineurs, en milieu extrascolaire, dans le repérage et le suivi des TND.

L'article 3 bis, d'une part, vise à rendre obligatoire la formation à l'accueil et au suivi des mineurs présentant un TND pour les personnels des établissements et services d'accueil du jeune enfant ou d'accueil collectif des mineurs (crèches, assistants maternels, centres de loisirs, etc.)

L'article 6 bis, d'autre part, confie à ces professionnels une mission de participation au repérage précoce des TND, au suivi et à l'accompagnement des enfants concernés.

Il me semble que ces dispositions complètent utilement le texte. Les professionnels qui côtoient les enfants au quotidien sont probablement les mieux placés pour observer certains écarts de développement ou identifier des comportements inhabituels. Sans se substituer à l'intervention du médecin de première ligne, dont l'expertise scientifique demeure indispensable pour permettre le repérage, les professionnels de l'accueil du jeune enfant ont un rôle important à jouer en réalisant, en quelque sorte, un « pré-repérage » permettant d'anticiper la consultation d'un médecin de première ligne. Des guides à l'attention de ces professionnels, contenant des grilles d'observation à différents stades du développement, ont ainsi été publiés par la délégation interministérielle en 2021. La stratégie nationale mise en place par le Gouvernement pour la période 2023-2027 souligne par ailleurs la nécessité de renforcer la formation des professionnels interagissant avec l'enfant dans sa vie quotidienne, afin qu'ils puissent agir favorablement sur son développement. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter sans modification ces deux articles.

Enfin, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications aux dispositions du texte visant à soutenir les aidants.

À l'article 7, qui pérennise l'expérimentation permettant des dérogations au droit du travail dans le cadre de prestations de « relayage » ou de séjours de répit, les députés ont supprimé, d'une part, la possibilité de mobiliser des salariés du particulier employeur pour effectuer ce type de prestations, et, d'autre part, la possibilité pour le conjoint survivant de prolonger le contrat de travail avec le salarié embauché comme aide à domicile en cas de décès du conjoint employeur.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a introduit l'obligation, pour les établissements et services souhaitant fournir des prestations de relayage dans ce cadre dérogatoire, d'obtenir l'accord préalable du président du conseil départemental ou du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS). Elle a également prévu la définition, par décret, des critères auxquels les personnes aidées doivent répondre pour avoir accès aux prestations de relayage de longue durée.

Les députés ont finalement différé l'entrée en vigueur de ce dispositif au 1er janvier 2025.

Ces modifications, substantielles, permettront de mieux encadrer le dispositif prévu et de maîtriser son champ d'application. Pour ne pas retarder davantage l'entrée en vigueur de ces dispositions attendues, je vous proposerai d'adopter cet article dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, si certaines modifications apportées par l'Assemblée nationale apparaissent discutables, la grande majorité d'entre elles complètent utilement la proposition de loi et maintiennent son ambition.

Ces dispositions sont attendues des familles et des associations. Nécessaires pour améliorer le parcours scolaire et médical des enfants présentant un TND, et pour développer l'offre de répit des proches aidants, elles doivent désormais rapidement entrer en application.

Dans l'intérêt des enfants concernés et en accord avec son auteure, Jocelyne Guidez, je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi sans modification.

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes- Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit ce matin me tient particulièrement à coeur, comme vous le savez. Je veux tout d'abord remercier Jocelyne Guidez, l'auteure de ce texte et Anne-Sophie Romagny, sa rapporteure pour le Sénat. Je salue les travaux menés par la Haute Assemblée dès janvier dernier ainsi que le choix de recourir à la procédure de législation en commission.

Adopté à l'unanimité au Sénat en janvier 2024, puis à l'Assemblée le 2 mai dernier, ce texte nous rassemble et dépasse les clivages politiques. Je suis à présent membre du Gouvernement, mais je n'oublie pas, bien entendu, mon travail de rapporteur sur ce texte.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a travaillé rigoureusement à l'élaboration d'amendements constructifs, confirmés ensuite en séance, sans pour autant modifier l'essentiel du texte que vous aviez adopté, démontrant ainsi, je le crois, notre harmonie de vues, d'objectifs et de méthode.

Les députés ont notamment adopté un article qui oblige l'éducation nationale à s'assurer de la présence dans chaque établissement d'un référent au moins pour l'accueil des enfants présentant un trouble du neuro-développement, à savoir l'autisme, les troubles dys, le trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et les troubles du développement intellectuel. Tout comme les parents, les enseignants souhaitent voir se réaliser l'école pour tous, mais ils nous font part de leurs difficultés à accompagner certains élèves. Ils doivent être rassurés et savoir qu'ils ne sont pas seuls. Cette mesure vient compléter efficacement l'article 2, que les députés avaient adopté conforme en première lecture, ce dernier étant à son tour complété par un nouvel article qui vise à élargir la formation aux personnels des centres de loisirs et des crèches. La vie des enfants ne s'arrêtant pas au portail de l'école, nous devons partout nous soucier de leur bien-être.

Cet article rejoint notre objectif commun d'oeuvrer pour les droits des enfants en situation de handicap. La conférence nationale du handicap a acté en 2023 une réforme du cadre d'emploi des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) pour faciliter leur travail, leur permettre d'accompagner aussi les élèves sur les temps périscolaires et généraliser le bonus périscolaire pour les centres qui accueillent des enfants en situation de handicap. Ensemble, Parlement et Gouvernement agissent pour que les droits des personnes soient mieux respectés.

Cette union des forces s'observe également dans l'élaboration de la stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement, en particulier leur repérage précoce, dont il est question dans la deuxième partie de ce texte. Le code de la santé publique prévoit vingt examens médicaux obligatoires entre la naissance et la majorité, mais aucun n'est dédié spécifiquement au repérage des TND. Des grilles seront bientôt incluses dans le carnet de santé, mais nous devons aussi prévoir des examens dédiés pour repérer au plus vite ces troubles et éviter les risques de surhandicap. Nous savons également que la formation des professionnels de santé sur les TND doit être améliorée ; je travaille avec le délégué interministériel en ce sens.

Un repérage plus efficace est aussi la garantie pour nos politiques publiques de fournir par la suite un meilleur accompagnement aux enfants, aux adultes et aux familles. Je renouvelle donc devant vous mon attachement à l'article 6 et à la création de deux examens médicaux, aux 9 mois de l'enfant pour repérer les troubles les plus sévères, notamment l'autisme, et à ses 6 ans, avant l'entrée au cours préparatoire, pour repérer les troubles d'apparition plus tardive comme le TDAH et les troubles dys. J'ai toutefois entendu votre invitation, madame la rapporteure, et je m'engage, dans le cadre du déploiement du nouveau carnet de santé, à ce qu'une attention particulière soit portée au repérage autour des 18 mois de l'enfant.

La complémentarité dont je parlais s'observe enfin avec la stratégie pour les aidants. Le dispositif de relayage de longue durée, expérimenté depuis 2019 et prolongé à plusieurs reprises, a démontré son impact positif auprès des personnes concernées, de leurs proches aidants et des salariés des établissements mobilisés. Nous avions statué à l'Assemblée nationale sur le report de son entrée en vigueur en raison d'un risque d'insécurité juridique liée au droit du travail. Notre priorité doit être de garantir la continuité des parcours d'accompagnement et d'éviter une rupture délétère pour les personnes, leur sécurité et l'organisation des services. Un travail devra être accompli à ce titre au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour permettre la bonne continuité des dispositifs entre le prolongement de l'expérimentation et sa pérennisation, toujours au profit des personnes concernées et de leur famille, dans l'optique d'une mise en oeuvre de l'article 7 au 1er janvier 2025.

Je suis très heureux de voir ce texte aboutir prochainement et je vous renouvelle mes remerciements.

M. Philippe Mouiller, président. - Je remercie l'auteure de la proposition de loi, Jocelyne Guidez, de son implication constante, depuis des années, sur la cause des aidants et sur la prise en charge des TND.

Mme Jocelyne Guidez, auteure de la proposition de loi. - Je commencerai par adresser des remerciements à Annick Jacquemet, Laurent Burgoa, Corinne Féret, notre président Philippe Mouiller, le ministre Paul Christophe et Anne-Sophie Romagny, enfin, pour sa prise de relais.

Il y a beaucoup d'émotion quand on en arrive à ce stade d'une proposition de loi traitant d'un handicap, a fortiori d'un handicap invisible. Ce genre de sujets, très pointus, exigent de l'humilité : on ne peut avancer qu'à plusieurs ! Je suis donc heureuse d'être là aujourd'hui et, monsieur le ministre, je tiens tout particulièrement à vous remercier pour votre écoute, car c'est ensemble que nous avons pris les décisions.

Voilà quinze jours, j'ai reçu M. Étienne Pot, délégué interministériel, lui-même médecin, qui m'a rassurée sur la question des neuf mois, m'indiquant que cet examen neurosensoriel était important et qu'il permettrait de mieux détecter un souci en cas d'autisme et, pourquoi pas, de TDAH.

Je vous remercie tous d'avoir travaillé à mes côtés et d'avoir permis les avancées réalisées. Cela étant, prenons le cas des professeurs d'écoles : ils peuvent bénéficier de stages à condition de les financer eux-mêmes. Ce n'est pas normal ! Prenons les dossiers MDPH : tous les ans, pour un enfant atteint d'autisme depuis ses 9 ou 18 mois, pour un enfant détecté TDAH à 3 ans, les parents doivent retourner un dossier extrêmement compliqué à remplir et, quand on parle de le simplifier, on ajoute quatorze pages... C'est honteux ! Prenons, enfin, la question des adultes : l'âge actuel de repérage est 37 ans. Il faut trouver des solutions pour les jeunes de 25 ans qui n'ont pas encore été repérés et qui se retrouvent sans travail, parfois avec une addiction. Autrement dit, le travail ne s'arrête pas là !

Mme Florence Lassarade. - Merci, chère Jocelyne Guidez, d'avoir mis l'accent sur une pathologie que je connais ; ayant exercé le métier de pédiatre pendant quarante ans, j'ai souvent été confrontée à la détresse des parents.

Les pédiatres savent établir le repérage. En revanche, on semble parfaitement accepter l'idée qu'il n'y en ait plus, au motif que les médecins généralistes peuvent faire leur métier. Or, ces derniers bénéficient de trois mois de formation en pédiatrie et refusent d'en avoir plus. Il y a plusieurs âges de repérage, l'examen à 9 mois n'étant que l'examen obligatoire - il est d'ailleurs censé revenir à la protection maternelle et infantile (PMI), dont nous n'avons pas parlé. Va-t-on laisser le médecin généraliste faire ce repérage ou va-t-on réellement former des internes en pédiatrie, et ce pas uniquement pour faire de la réanimation au sein des maternités ?

J'y insiste, la difficulté dans le parcours tient plus à l'accueil et à l'accès aux consultations spécialisées qu'à l'établissement du repérage et du diagnostic. Sur l'autisme, il y a un réel malentendu : on ne recourt pas assez aux spécialistes capables de détecter et on n'en forme pas assez.

Ce refus de recourir aux spécialistes et cette délégation permanente des tâches entraînent une perte de compétences, et je déplore que l'on se contente de cet état de fait.

Mme Corinne Féret. - Cette proposition de loi tire son origine des conclusions de la mission d'information sur les troubles du neurodéveloppement que nous avions menée, Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et moi-même. Depuis, nous avons progressé sur ce sujet concernant de très nombreuses familles, des enfants comme des adultes.

Avec ce texte, nous répondons à une attente ancienne de ces familles. C'est pourquoi nous le soutiendrons.

Toutefois, je me permettrai de rappeler, en votre présence, monsieur le ministre, que les moyens font défaut. La proposition de loi apporte des solutions visant à améliorer le dépistage, la prise en charge, l'accompagnement, tant des personnes atteintes que des aidants. Mais il faut aussi des professionnels aux côtés de ces enfants ! Il faut des moyens ! Or les pénuries sont réelles dans certaines professions. S'y ajoute la problématique de l'accès aux soins pour les familles éloignées des structures d'accueil.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Je remercie à mon tour les collègues ayant travaillé sur ce texte. Je voudrais saluer tout particulièrement l'article concernant les aidants et la pérennisation d'une expérimentation en cours depuis 2018, à laquelle le département du Bas-Rhin a participé.

Ayant eu l'occasion de rencontrer les acteurs qui effectuaient ce « relayage » ou « baluchonnage », je peux confirmer que, tout comme les familles, ils n'ont que des éloges à formuler sur un programme permettant aussi de retarder l'entrée en établissement. Le maintien à domicile présente beaucoup d'intérêts, et cet assouplissement du droit du travail est très positif.

Mme Laurence Rossignol. - Je voudrais, moi aussi, saluer le travail réalisé par nos collègues et pour autant, à titre personnel, me démarquer un peu de la position de notre chef de file sur le sujet, Corinne Féret. Mon intervention est cohérente avec ce que j'avais déjà exprimé au moment de l'examen du rapport d'information précédemment cité.

Favoriser le repérage pour accélérer le dépistage, aider les parents en travaillant sur le répit, introduire les neurosciences dans les diagnostics des enfants atteints de TND, tout cela est positif. Mais quelques sujets me posent problème, à commencer par le monde réel dans lequel on s'inscrit...

Je veux bien que l'on parle d'un repérage à 9 mois, mais c'est le temps qu'il faut pour avoir un premier rendez-vous dans un centre de dépistage TDAH !

Et que va-t-il se passer dès lors que cet examen devient obligatoire ? On risque de devoir faire appel à des médecins non formés.

Et que fera-t-on face à des enfants dont les troubles du développement sont, non pas liés au neurodéveloppement, mais par exemple à une situation d'inceste ?

Autant les neurosciences sont un apport, autant la conversion totale et exclusive à ces neurosciences est dangereuse. Je me méfie donc de ce qui pourrait devenir une nouvelle religion, au même titre que je me méfie de n'importe quelle mode en matière de diagnostic sur les troubles du développement. Il y a dix ans de cela, tout le monde était bipolaire. Maintenant les enfants sont TDAH, sauf les enfants de bonne famille qui sont à haut potentiel intellectuel (HPI)... Soyons vigilants sur ces questions !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Quel combat, chère Jocelyne Guidez, quelle constance, quelle force dans la détermination ! Je vous ai sentie parfois proche d'abandonner - sentiment que doivent aussi connaître les familles - et, chaque fois, vous êtes repartie. Je suis donc heureuse que nous aboutissions aujourd'hui, et je vous en félicite.

Ce que vient de dire Laurence Rossignol est intéressant. Je ne doute pas que viendra ensuite le temps de l'évaluation. Cette évaluation devra-t-elle être annuelle ou pas ? Je ne saurais le dire, mais il faudra la réaliser, et je ne doute pas que vous prêterez attention aux évolutions et progrès. C'est le sens même de ce texte !

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je sais combien Jocelyne Guidez est attachée à cette cause et combien elle a travaillé pour faire aboutir ce texte, qui traite d'un sujet important, et nous l'en remercions.

Cela a été souligné, il faut vraiment travailler à la simplification administrative pour les enfants et les familles.

Malheureusement, se pose aussi la question des centres médico-psychologiques (CMP) et des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Les temps d'attente y sont longs : il faut plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous. J'espère que nous pourrons avancer sur cette question dans le cadre du PLFSS, même si celui-ci est, je le sais, très encadré.

Veillons aussi aux bonnes volontés qui s'expriment dans nos départements. Je viens d'inaugurer La Maison d'Antoine à Lens, une structure ouverte par les parents d'un jeune atteint de TND et accueillant aujourd'hui plusieurs jeunes adultes en situation de handicap. Pour quelques milliers d'euros manquants, elle va peut-être devoir fermer. Il faut aider ces petites structures, utiles pour le répit des proches aidants.

Mme Anne Souyris. - Je dirai un mot sur le continuum de la prise en charge. Ayant été professeur des écoles dans une autre vie, je voudrais évoquer une difficulté d'ordre administratif importante. Peut-être n'existe-t-elle pas partout, mais elle est éprouvante pour les parents et les accompagnateurs que sont les enseignants. Il s'agit du fait qu'au passage d'un établissement à l'autre - crèche, école maternelle, école élémentaire et au-delà - tous les suivis s'arrêtent. Se pose donc une question d'amélioration de la transmission d'informations, qui ne coûterait d'ailleurs pas forcément plus d'argent, pour ne pas imposer aux familles de tout recommencer à chaque étape.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Le fait que la plupart des articles du texte aient été évoqués montre bien l'appétence qu'il suscite, et je vous en remercie, mes chers collègues. Il s'agit évidemment d'une première étape, qui appellera un suivi. À ce titre, j'entends les remarques et les inquiétudes concernant les délais. L'examen à 9 mois permet un repérage par un médecin de première ligne ; il faut ensuite poser le diagnostic et enclencher le suivi. Non seulement il existe aujourd'hui des difficultés en termes de délais de diagnostic et de prise en charge, mais ceux-ci risquent de s'allonger si l'on repère plus d'enfants. Il faudra y être attentifs.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous rappelle que les articles 2 et 3 ne sont plus en navette.

EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Articles 1er bis et 3 bis (nouveaux)

Les articles 1er bis et 3 bis sont successivement adoptés sans modification.

Articles 4, 5 et 6

Les articles 4, 5 et 6 sont successivement adoptés sans modification.

Article 6 bis (nouveau)

L'article 6 bis est adopté sans modification.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-908.html


* 1 Circulaire n° 2015-129 du 21 août 2015 relative à la scolarisation des élèves en situation de handicap.

* 2 Stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement 2018-2022, p. 82.

* 3 Ibid., p. 83.

* 4 Stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement : autisme, dys, TDAH, TDI, p. 20.

* 5 Cette possibilité, ouverte par l'article 22 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social, vise à offrir une solution temporaire aux personnes handicapées qui ne peuvent être immédiatement admises dans un établissement pour adultes.

* 6 Article L. 214-1-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 7 Recommandation HAS « Troubles du neuro-développement - Repérage et orientation des enfants à risque » publiée le 17 mars 2020, chapitres 4.3 et 5.2.

* 8 Stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neuro-développement : autisme, dys, TDAH, TDI. Garantir aux personnes des accompagnements de qualité et le respect de leurs choix, novembre 2023, pp. 18 et 19.

* 9 Article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles.

* 10 Article D. 421-46 du code de l'action sociale et des familles.

* 11 Arrêté du 5 novembre 2018 relatif à la formation des assistants maternels et fixant le modèle de convention de stage prévu à l'article D. 421-44 du code de l'action sociale et des familles.

* 12 Arrêté du 10 juin 2021 relatif à la formation conduisant au diplôme d'État d'auxiliaire de puériculture.

* 13 Article D. 451-47 du code de l'action sociale et des familles.

* 14 Arrêté du 22 août 2018 relatif au diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants.

* 15 Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les TND, guide « Parents et professionnels de la petite enfance, soyons attentifs ensemble au développement de votre enfant » accessible à l'adresse suivante : https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/Livret-reperage-petite-enfance.pdf.

* 16 L'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles dispose que « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »

* 17 Voir le commentaire de l'article 6 bis de la présente proposition de loi.

* 18 Laurent Burgoa, Corinne Féret et Jocelyne Guidez, « Prise en charge des troubles du neuro-développement : le compte n'y est pas », rapport d'information sénatorial n° 659 (2022-2023).

* 19 Recommandation HAS « Troubles du neuro-développement - Repérage et orientation des enfants à risque » publiée le 17 mars 2020.

* 20 Stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neuro-développement : autisme, dys, TDAH, TDI. Garantir aux personnes des accompagnements de qualité et le respect de leurs choix, novembre 2023, p. 8.

* 21 L'article R. 2132-1 du code de la santé publique fixe à vingt le nombre d'examens médicaux obligatoires au cours des dix-huit premières années de la vie, dont quatorze au cours des trois premières années et trois de la quatrième à la sixième année.

* 22 L'article R. 4127-32 du code de la santé publique, relevant du code de déontologie médicale, fait notamment obligation aux médecins d'assurer « des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science ».

* 23 Conseil d'État, Association Autisme Espoir vers l'école, 1ère et 4ème chambres réunies, 23 décembre 2020, n° 428284, publié au recueil Lebon. Le Conseil d'État juge d'ailleurs que les recommandations ne « dispensent pas le professionnel de santé d'entretenir et perfectionner ses connaissances par d'autres moyens et de rechercher, pour chaque patient, la prise en charge qui lui paraît la plus appropriée ».

* 24 Stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neuro-développement : autisme, dys, TDAH, TDI. Garantir aux personnes des accompagnements de qualité et le respect de leurs choix, novembre 2023, engagement n° 3, pp. 18 et 19.

* 25 Article 83 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 26 Article L. 223-1-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 27 Voir le commentaire de l'article 6 de la présente proposition de loi.

* 28 Il s'agit du médecin généraliste, du pédiatre, du médecin scolaire ou du médecin de protection maternelle et infantile, notamment.

* 29 Zablotsky et al. (2019), « Prevalence and Trends of Developmental Disabilities among Children in the United States: 2009-2017 », Pediatrics.

* 30 Réponses écrites de la délégation interministérielle aux TND au questionnaire de la rapporteure.

* 31 Rapport d'information sénatorial n° 659 (2022-2023) de M. Laurent Burgoa et Mmes Corinne Féret et Jocelyne Guidez, « Prise en charge des troubles du neuro-développement : le compte n'y est pas ».

* 32 Article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 33 Article L. 7221-1 du code du travail.

* 34 À l'exception des pouponnières sanitaires et des accueils collectifs à caractère éducatif hors du domicile parental - article L. 2324-1 du code de la santé publique.

* 35 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.

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