N° 111

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 novembre 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1)
sur la proposition de loi constitutionnelle visant à
accélérer
le
redressement des finances publiques,

Par M. Stéphane LE RUDULIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, MM. Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, MM. Georges Naturel, Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

783 (2023-2024), 109 et 112 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques déposée par Mme Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants - République et Territoires) poursuit trois finalités principales.

En premier lieu, elle tend à créer une nouvelle catégorie de lois financières : les lois portant cadre financier pluriannuel. Ces lois, qui remplaceraient les lois de programmation des finances publiques, vaudraient pour la durée d'une législature et auraient la particularité de s'imposer aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

En deuxième lieu, elle vise à instaurer un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales, dans un souci de renforcer la cohérence des politiques fiscales et budgétaires.

Enfin, elle prévoit de consacrer dans la Constitution l'existence du Haut Conseil des finances publiques, tout en élargissant ses missions, en lui confiant notamment un rôle d'élaboration de prévisions économiques.

Si la commission des lois partage la préoccupation, dont cette initiative témoigne, d'une maîtrise renforcée de nos finances publiques, elle a considéré que les dispositions qu'elle comporte, dont les modalités d'application restent incertaines, étaient de nature à entraver de manière excessive les droits budgétaires du Parlement ainsi que la libre administration des collectivités territoriales.

La commission des lois, suivant l'avis de son rapporteur Stéphane Le Rudulier, n'a pour ces raisons pas adopté cette proposition de loi constitutionnelle.

I. UN CONSTAT PARTAGÉ : LA SITUATION TRÈS DÉGRADÉE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA FRANCE APPELLE DES RÉPONSES FORTES

La commission ne peut que partager le constat qui a présidé au dépôt de la proposition de loi constitutionnelle : l'état très dégradé des finances publiques de la France.

Le fait est connu : aucun budget n'a été voté à l'équilibre depuis 1974. Pour autant, la situation actuelle dans la conjoncture de la sortie de la crise sanitaire apparaît particulièrement préoccupante dans la mesure où, après une large aggravation du déficit rendue nécessaire pour préserver les ménages et les entreprises, celui-ci s'est maintenu à un niveau très élevé, et continue même de se détériorer.

Évolution du solde des administrations publiques depuis 2004

(en pourcentage du PIB)

Note : en rouge, le seuil de déficit excessif au sens des critères de l'Union européenne, fixé à 3 % du produit intérieur brut.

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données de l'Insee

Cette situation est le résultat d'un double échec. D'abord et surtout un échec politique, puisque le Gouvernement et le Parlement ne peuvent qu'être tenus pour collectivement responsables d'une situation qui résulte directement des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale adoptés. Il faut néanmoins rappeler ici que les budgets 2023 et 2024, principalement en cause, n'ont pas reçu d'approbation parlementaire, ayant été adoptés selon la procédure prévue à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Il s'agit également d'un échec juridique puisque ces niveaux de déficit et de dette s'élèvent à des niveaux très éloignés des seuils correspondant à nos engagements européens mais également de la cible de déficit à 4,4 % prévue par la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 qui, bien qu'adoptée il y a moins d'un an, constitue d'ores et déjà « une référence dépassée » selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

La question posée par la présente proposition de loi constitutionnelle est donc la suivante : face à ce constat alarmant qui appelle des réponses fortes, une révision de la Constitution est-elle nécessaire ?

II. LA CRÉATION DE LOIS PORTANT CADRE FINANCIER PLURIANNUEL CONTRAIGNANTES SERAIT DE NATURE À ENTRAVER DE MANIÈRE EXCESSIVE LES DROITS BUDGÉTAIRES DU PARLEMENT ET LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. LA PRINCIPALE PROPOSITION DU TEXTE : LA CRÉATION DE LOIS PORTANT CADRE FINANCIER PLURIANNUEL S'IMPOSANT AUX LOIS DE FINANCES ET DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

La principale proposition du texte consiste à modifier l'article 34 de la Constitution pour créer des nouvelles lois portant cadre financier pluriannuel. Elle s'inspire en cela d'un projet de loi constitutionnelle de 2011, finalement jamais soumis au référendum ni au Congrès.

L'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle détaille précisément le contenu de ces lois, qui remplaceraient les LPFP. Celles-ci porteraient sur la durée d'une législature. Elles comporteraient : des plafonds de charges des administrations publiques, une trajectoire des prélèvements obligatoires, des objectifs de solde public, et enfin une stratégie d'investissement public. Au cours de la législature, ces lois ne pourraient être modifiées que par un vote à la majorité des 3/5ème des membres du Parlement réuni en Congrès.

Ainsi, les lois portant cadre financier pluriannuel ne différeraient pas tant des LPFP par leur contenu que par leur forte rigidité et par leur portée, puisqu'il est prévu que certaines de leurs dispositions, selon des modalités qui seraient précisées en loi organique, s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).

B. UNE ATTEINTE AUX POUVOIRS DU PARLEMENT

La proposition induit une remise en cause frontale du principe d'annualité, qui constitue une garantie essentielle pour l'exercice des droits budgétaires du Parlement, en lui permettant de renouveler son consentement au prélèvement de l'impôt et d'exercer son contrôle de la dépense publique sur une base régulière, lisible et stable. Ce principe est consacré au sein de notre ordre juridique constitutionnel depuis 1791.

Le cadre extrêmement rigide posé pour la modification des lois portant cadre financier pluriannuel porte également atteinte au pouvoir législatif du Parlement. Le cadre prévu rompt le parallélisme des formes entre la procédure d'adoption, qui requiert une majorité simple selon la procédure ordinaire, et la procédure de modification, qui requiert une majorité qualifiée du Congrès. Cela a pour effet de permettre à une majorité relative de lier pour l'avenir une majorité relative ultérieure.

En outre, les lois portant cadre financier annuel deviendraient plus « rigides » que les lois organiques qui les encadrent, ce qui provoquerait une forme d'incohérence dans la hiérarchie des normes.

C. DES RISQUES POUR LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La proposition comporte également des risques pour la libre administration et l'autonomie financière des collectivités territoriales, principes protégés respectivement par les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

En effet, les lois portant cadre financier pluriannuel contiendraient des dispositions relatives à la trajectoire de prélèvements obligatoires. Or, les ressources fiscales, qui sont au coeur de la mise en oeuvre du principe d'autonomie financière, représentent plus de la moitié des ressources des administrations publiques locales. Ces lois comporteraient également une stratégie d'investissement public, dont on sait qu'il est majoritairement porté par les administrations publiques locales.

Ainsi, il est à craindre qu'un instrument de cette nature puisse être utilisé par le Gouvernement pour contraindre davantage les finances des collectivités.

D. UNE PRIMAUTÉ SUR LES LOIS DE FINANCES ET DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE QUI REPOSE SUR DES BASES INCERTAINES

L'enjeu de l'effectivité de la primauté des lois portant cadre financier pluriannuel pose en outre la question des critères qui pourraient être retenus pour l'exercice du contrôle qui serait opéré par le Conseil constitutionnel. Il apparaît à cet égard problématique de fixer, dans la Constitution, des critères de finances publiques, comme le fait la présente proposition de loi. Cela emporte des risques de contradiction avec le cadre européen, qui s'est avéré évolutif, comme en atteste sa récente réforme en 2024.

En tout état de cause, les critères de finances publiques susceptibles d'être retenus posent une difficulté majeure au regard du contrôle de constitutionnalité. Donner une portée contraignante à une norme de déficit, ou à tout autre critère intégrant des prévisions de recettes, serait problématique : peut-on envisager la censure d'une loi de finances sur la base d'un indicateur prévisionnel ? De même, le recours à des critères de déficit ou de dépense publique globale pose un problème de périmètre : peut-on envisager la censure d'une loi de finances, qui porte sur l'État, sur la base d'un critère portant sur toute la sphère publique ? Le seul critère qui paraît pouvoir être utilisé aisément serait celui d'un montant plafond de crédits, mais il soulève un problème de nature politique, puisque cela reviendrait à figer dans la Constitution une certaine conception de la consolidation des finances publiques, centrée sur la réduction de la dépense, là où d'autres conceptions privilégieraient un renforcement des recettes. Si le rapporteur partage cette première conception sans réserve, il se doit de relever que la Constitution n'a en principe pas vocation à arbitrer un tel différend.

Quels que soient les critères retenus, le Conseil constitutionnel serait placé dans une position, inhabituelle pour lui, de juge financier. Comment pourrait-il, par exemple, apprécier le réalisme de prévisions de recettes, ou prendre en compte, dans l'hypothèse plausible où le cadre organique le lui permettrait, des circonstances exceptionnelles, se faisant juge de l'urgence économique ? On peut imaginer que le Conseil se limiterait à une logique de « tout ou rien », qui pourrait être une source d'insécurité budgétaire importante.

E. UNE RIGIDITÉ PROBLÉMATIQUE POUR LA CONDUITE DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE

En raison de sa rigidité, le cadre juridique envisagé par la présente proposition de loi constitutionnelle serait problématique pour la conduite de la politique budgétaire, en particulier dans le contexte actuel marqué par de fortes incertitudes économiques.

En effet, dans le contexte de la crise financière mondiale de 2008-2010 puis de la crise de la Covid-19, le législateur a pu adopter des plans d'urgence et de relance massifs dans des délais très brefs, qui ont joué un rôle important pour préserver les entreprises et les ménages ainsi que pour relancer l'économie. Or, les conditions d'une telle réactivité seraient ici rendues très difficiles à atteindre.

F. EN CONCLUSION : LES CHOIX BUDGÉTAIRES SONT ET DOIVENT RESTER DES CHOIX POLITIQUES

Au vu des problèmes juridiques qu'elle soulève, il apparaît donc qu'une telle réponse constitutionnelle ne saurait constituer l'instrument approprié pour répondre à la situation actuelle des finances publiques.

La procédure mise en place au niveau européen, qui implique un dialogue annuel entre le Gouvernement et les instances politiques de l'Union permettant de se livrer à une analyse fine de la situation financière, paraît davantage adaptée à la complexité de la politique budgétaire. Ce cadre, comme l'a clairement posé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, n'impose pas de révision constitutionnelle.

Or, les règles européennes ont vocation à s'appliquer à la France de façon rigoureuse dans les années à venir. La forte dégradation des finances publiques constatée depuis 2020 est intervenue dans un contexte de suspension de ces règles européennes liée à la crise sanitaire. Cette clause est désormais levée et, depuis une décision du Conseil de l'Union européenne du 26 juillet 2024, la procédure pour déficit excessif a été déclenchée à l'encontre de la France.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, la commission n'a pas adopté le dispositif proposé tendant à la création de lois portant cadre financier pluriannuel. Les choix budgétaires sont et doivent rester des choix éminemment politiques, relevant de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement. Le constat, certes alarmant, qui peut être porté sur notre situation budgétaire et la nécessité de respecter nos engagements européens doivent donner lieu à une réelle prise de conscience et surtout une réaction politique forte, sans laquelle aucun redressement des finances publiques ne sera possible, et à laquelle ni le droit ni le juge ne pourront se substituer.

III. L'INSTAURATION D'UN MONOPOLE DES LOIS DE FINANCES SUR LES DISPOSITIONS FISCALES PORTERAIT UNE ATTEINTE IMPORTANTE AU DROIT D'INITIATIVE DES PARLEMENTAIRES

L'article 1er de la proposition de loi constitutionnelle propose également de modifier l'article 34 de la Constitution pour instaurer un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales.

Le fait de circonscrire les mesures fiscales dans les lois de finances est tout à fait pertinent en tant que doctrine, en ce qu'il garantit une certaine cohérence de la politique budgétaire et fiscale. Dans les faits, est d'ailleurs largement respectée : on ne dénombre en moyenne que deux à trois mesures fiscales hors textes financiers chaque année.

La consécration d'une telle doctrine dans la Constitution soulève néanmoins plusieurs difficultés.

D'une part, laisser au législateur une certaine souplesse peut s'avérer utile. On peut par exemple concevoir, à l'occasion de l'examen d'une réforme économique sectorielle, qu'il puisse être pertinent d'ajuster certains dispositifs fiscaux.

D'autre part, une telle proposition porte une atteinte très importante au droit d'initiative des parlementaires, qui est déjà fortement contraint en matière financière par l'article 40 de la Constitution. En effet, le Gouvernement ayant le monopole de l'initiative des lois de finances, si une telle disposition était adoptée, les parlementaires ne pourraient faire de propositions en matière fiscale que par la voie d'amendements aux projets de loi de finances. Toute proposition de loi ou amendement ayant un objet fiscal déposé sur un autre texte serait irrecevable.

IV. SI LE HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES A DÉMONTRÉ SON UTILITÉ, SA CONSÉCRATION CONSTITUTIONNELLE NE PARAÎT PAS NÉCESSAIRE

L'article 7 de la proposition de loi constitutionnelle vise à modifier l'article 47-2 de la Constitution pour y inscrire le rôle du HCFP, tout en élargissant ses missions, notamment pour lui confier un rôle d'élaboration de prévisions économiques indépendantes. De l'avis de la commission, de telles évolutions ne paraissent ni nécessaires, ni opportunes.

L'existence et le rôle du HCFP sont déjà consacrés par la loi organique, ce qui paraît constituer une garantie suffisante. En outre, la mutabilité du cadre européen régissant les institutions budgétaires indépendantes nationales plaide pour ne pas rigidifier davantage le droit interne. De plus, eu égard à sa composition et à ses missions, le HCFP ne saurait être considéré comme une institution constitutive de notre régime politique, devant bénéficier à ce titre d'une consécration constitutionnelle.

Le fait de lui confier un rôle d'élaboration de prévisions économiques, outre qu'il imposerait un renforcement important de ses moyens, emporte le risque de créer un doublon administratif, dans le cas plausible où le ministère de l'économie et des finances conserverait ses propres capacités. Son rôle actuel de contre-expertise en matière de prévisions économiques, dans lequel il a démontré son utilité, paraît au contraire de nature à conforter son indépendance. Parmi les pays européens comparables, si les Pays-Bas ont par exemple fait le choix de doter leur institution budgétaire indépendante nationale d'une capacité autonome de prévision, tel n'est pas le cas de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Suède ou encore de la Finlande.

Le même article 7 prévoit de confier au HCFP la mission d'« apprécier les choix budgétaires du Gouvernement ». Ces choix étant éminemment politiques, il ne paraît pas approprié de conférer cette prérogative au HCFP qui est, eu égard à sa composition actuelle, une instance essentiellement technique.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1er, 2, 3, 4, 8, 9 et 11
Création des lois portant cadre financier pluriannuel
et monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales

En premier lieu, les articles 1er, 2, 3, 4, 8, 9 et 11 de la présente proposition de loi constitutionnelle tendent à la création de lois portant cadre financier pluriannuel, qui remplaceraient les lois de programmation des finances publiques (LPFP) actuelles. Ces nouvelles lois porteraient sur la durée d'une législature et, à la différence des LPFP actuelles, s'imposeraient aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Elles ne pourraient être révisées que par une majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès.

Si l'on ne peut ne peut que partager le constat d'une situation de finances publiques extrêmement dégradée, cette proposition pose néanmoins des difficultés importantes. Son caractère contraignant sur une période pluriannuelle induit une rupture avec le principe d'annualité, qui constitue une garantie essentielle pour l'exercice des droits budgétaires du Parlement. Son périmètre, susceptible de concerner l'ensemble de la sphère publique, est également porteur de risques pour la libre administration et l'autonomie financière des collectivités territoriales. La question, pourtant essentielle, des modalités et de la portée du contrôle des lois de finances et de financement de la sécurité sociale qui serait opéré par le Conseil constitutionnelle dans ce cadre n'est pas tranchée par le dispositif proposé. Enfin, le caractère extrêmement rigide de ce cadre pourrait s'avérer préjudiciable pour la conduite de la politique budgétaire.

Ainsi, la commission n'a pas adopté le dispositif proposé, considérant que la réponse à la situation préoccupante des finances publiques de la France doit relever de la responsabilité politique, dans le respect des règles posées par le cadre de l'Union européenne, et qu'une modification du cadre constitutionnel n'est ni nécessaire ni opportune à cet égard.

L'article 1er propose également d'instaurer un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales, dans un souci de cohérence de la politique budgétaire et fiscal. Considérant qu'une telle exigence, déjà largement respectée en pratique, emportait une remise en cause excessive du droit d'initiative des parlementaires, la commission n'a pas pas adopté ce dispositif.

1. Le droit existant : des lois de finances et de financement de la sécurité sociale encadrées par des règles européennes, constitutionnelles et organiques

Si la conduite de la politique budgétaire du Gouvernement repose en grande partie sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale annuelles, ces instruments législatifs sont encadrés par des normes de portée supérieure. Le cadre constitutionnel et organique vise en particulier à garantir les droits budgétaires du Parlement tout en consacrant, sous l'influence du cadre juridique de l'Union européenne, l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.

1.1. L'encadrement européen : un cadre juridique visant à assurer la discipline budgétaire au sein de la zone euro

La création de la zone euro a eu pour corollaire l'établissement de règles communes en matière de discipline budgétaire, de façon à garantir la crédibilité de la monnaie unique. Des déficits excessifs pourraient en effet conduire à rendre peu crédibles les règles interdisant le financement monétaire de la dette d'un État membre ou son renflouement par un autre État membre1(*) et, partant, à remettre en cause l'indépendance de la Banque centrale européenne, pilier du système.

Le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), reprenant des dispositions issues du Traité de Maastricht du 7 févier 1992 prévoit ainsi que les États membres « évitent les déficits excessifs ». Ceux-ci sont définis par le Protocole additionnel n° 12 au TFUE définit comme un déficit des administrations publiques supérieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) ou une dette supérieure à 60 % du PIB.

Dans ce cadre, le Conseil de l'Union européenne se voit doter de prérogatives spécifiques lui permettant, en cas de déficit excessif d'un État membre, de lui recommander de corriger cette situation voire, le cas échéant, de le mettre en demeure de prendre des mesures sous peine de sanctions pouvant prendre la forme d'amendes.

Le Pacte de stabilité et de croissance comporte un ensemble de dispositions pour assurer le respect de ces règles, formalisées dans une résolution et deux règlements du 7 juillet 1997, soit avant l'entrée dans l'euro. Dans le contexte de la crise des dettes publiques en zone euro qui a succédé à la crise financière de 2008-2010, ce dispositif a été renforcé par l'adoption du « Six-Pack » (cinq règlements et une directive) de novembre 2011 puis du « Two-Pack » (deux règlements) du 30 mai 2013. Ces règles sont articulées autour de deux volets :

- un volet préventif, en application duquel chaque État doit se donner un objectif de moyen-terme de solde structurel et présenter chaque année à la Commission européenne un Programme de stabilité détaillant les moyens de l'atteindre ;

- un volet correctif, en application duquel un État en situation de déficit excessif fait l'objet d'un suivi renforcé de la Commission européenne et peut faire l'objet, en l'absence d'actions suivies d'effets pour le résorber, de sanctions financières.

Toujours dans le contexte de la crise de la dette publique en zone euro, qui fait elle-même suite à la crise financière de 2008-2010, les États membres ont adopté un Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance des finances publiques au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) du 2 mars 2012, traité international qui reprend la philosophie du Pacte de stabilité et de croissance tout en apportant certaines innovations pour renforcer la discipline budgétaire :

- l'institution d'une « règle d'or » : un renforcement du suivi du déficit structurel, jugé plus pertinent que le déficit effectif (voir encadré), qui doit tendre vers l'équilibre ;

- l'application « mécanisme de correction » en cas d'écart important constatée par rapport à la trajectoire permettant de tendre vers cet équilibre ;

- la création d'« institutions budgétaires indépendantes nationales » appelées à jouer un rôle dans le déclenchement du « mécanisme de correction » et dans la production de prévisions macroéconomiques indépendantes - en France, ce rôle est joué par le Haut Conseil des finances publiques ;

- l'inscription de ces règles dans le droit national, de préférence au niveau constitutionnel.

Solde public, solde effectif et solde structurel des administrations publiques

Au sens du droit de l'Union européenne, le solde public est celui de l'ensemble des administrations publiques (APU) qui recouvrent aussi bien les administrations publiques centrales (APUC) composées de l'État et des organismes divers d'administration centrales (ODAC), que les administrations de sécurité sociale (ASSO) et administrations publiques locales (APUL).

Le solde effectif correspond au solde des recettes et des dépenses des administrations publiques constaté en fin d'exercice budgétaire. C'est cet indicateur qui est mesuré dans le cadre du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et qui doit en principe être inférieur à 3 % du produit intérieur brut.

Le solde structurel correspond au solde qui serait constaté si le produit intérieur brut était égal à son niveau « normal », ou « potentiel », ce qui permet d'éliminer les effets de la conjoncture économique ou de mesures ponctuelles et temporaires. Il est calculé selon des méthodes harmonisées au niveau européen. C'est cet indicateur qui est mesuré dans le cadre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance des finances publiques au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), et qui doit tendre vers l'équilibre (« règle d'or »).

Source : commission des lois du Sénat

Le Pacte de stabilité et de croissante a récemment fait l'objet d'une réforme importante introduite, à traités inchangés, par le biais de deux règlements et d'une directive entrés en vigueur le 30 avril 20242(*), pour une application dès 2025. Ces règles sont fondées sur trois principes structurants :

- un principe de différenciation : si l'objectif d'éviter les déficits excessifs, caractérisés par un déficit supérieur à 3 % du PIB et une dette supérieure à 60 % du PIB, est conservée conformément au TFUE, le contrôle de la trajectoire budgétaire destinée à assurer l'atteinte de ces cibles est désormais principalement fondée sur l'analyse de la situation économique et de finances publiques propre à chaque État, portant principalement sur l'évaluation de la soutenabilité de sa dette ;

- un principe d'appropriation : si une trajectoire budgétaire de l'État membre est élaborée par la Commission européenne, la trajectoire finalement retenue par l'État membre pour une durée de quatre ans dans le cadre Plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) qu'il lui soumet (en remplacement de l'ancien Pacte de stabilité) peut diverger sous réserve de justification des hypothèses économiques sous-jacentes. La période d'ajustement peut être prolongée de quatre à sept ans par décision du Conseil de l'Union européenne sur demande motivée de l'État membre ;

- un principe d'incitation aux investissements et aux réformes : le cadre se veut incitatif à la mise en oeuvre de réformes structurelles pour consolider les finances publiques, mais également aux investissements et à la conduite de politiques permettant de soutenir les priorités communes de l'Union européenne (transition écologique et numérique, sécurité énergétique, renforcement des capacités de défense etc.), qui peuvent notamment être pris en compte pour l'allongement de la période d'ajustement.

En cohérence avec ces principes, la trajectoire budgétaire ne repose plus sur un indicateur d'évolution du déficit effectif et structurel, mais sur un nouvel indicateur d'évolution de la dépense publique nette des mesures nouvelles en recettes.

Le nouveau cadre, à l'instar du précédent, comporte un volet correctif.

Ainsi, sur proposition de la Commission, le Conseil peut ouvrir une procédure pour déficit excessif à l'encontre d'un État membre dont le déficit public est supérieur à 3 % du PIB, à moins qu'il n'ait diminué de manière substantielle et constante, et qu'il ait atteint un niveau proche de cette référence ou que le dépassement soit limité, exceptionnel et temporaire. Dans le cadre de cette procédure, la trajectoire d'ajustement de l'État membre doit être cohérente avec une amélioration annuelle du déficit structurel d'au moins 0,5 % du PIB.

Une procédure pour déficit excessif peut également être ouverte à l'encontre d'un État membre dont la dette est supérieure à 60 % du PIB, à condition que son déficit soit supérieur à 0,5 % du PIB et qu'un écart important soit constaté par rapport à sa trajectoire d'ajustement. Dans le cadre de cette procédure, l'État membre doit respecter sa trajectoire en tenant compte des déviations cumulées observées.

Tous les ans, l'État membre concerné par la procédure doit rendre compte des mesures prises dans ce cadre.

En cas de non-respect d'une mise en demeure du Conseil, l'État membre peut être sanctionné d'une amende de 0,05 % de son PIB, qui pourra être imposée tous les six mois jusqu'à ce que le Conseil déclare la fin du déficit excessif.

1.2. L'encadrement constitutionnel et organique : un cadre juridique visant à garantir les droits budgétaires du Parlement, tout en consacrant l'objectif d'équilibre des comptes publics

a) Un cadre qui garantit les droits du Parlement dans les domaines fiscal et budgétaire

La Constitution consacre, en matière de finances publiques, plusieurs règles permettant de garantir les droits du Parlement dans le domaine budgétaire et fiscal.

À titre liminaire, il convient de rappeler que l'article 34 de la Constitution institue deux catégories de lois spécifiques, tout en renvoyant à la loi organique le soin d'en préciser le cadre juridique :

- les lois de finances, qui déterminent les ressources et les charges de l'État, et dont la procédure d'adoption est par ailleurs régie par l'article 47 de la Constitution ;

- les lois de financement de la sécurité sociale, qui déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses et dont la procédure d'adoption est par ailleurs régie par l'article 47-1 de la Constitution.

Il est à noter que ces deux catégories de lois concernent respectivement les sous-secteurs institutionnels des administrations publiques centrales (APUC) et des administrations de sécurité sociale (ASSO) au sens du droit de l'Union européenne (voir encadré supra). Le budget des administrations publiques locales (APUL) que sont les collectivités territoriales, dont la libre administration et l'autonomie financière sont respectivement garanties par les articles 72 et 72-2 de la Constitution, ne sont pas encadrées par des lois annuelles. Les finances des collectivités territoriales n'en sont pas moins soumises à un cadre législatif strict qui leur impose de distinguer, au sein de leur budget, une section de fonctionnement, qui doit impérativement être à l'équilibre pour chaque exercice, et une section d'investissement, la seule pour laquelle un financement des dépenses par l'endettement est possible3(*).

(i) Les dispositions fiscales relèvent du domaine partagé des lois de finances et des lois ordinaires

En premier lieu, l'article 34 de la Constitution précité prévoit expressément qu'il revient à la loi, et partant au Parlement, de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de toutes natures.

Ces dispositions peuvent être adoptées dans le cadre des lois de finances, dont le domaine est précisément délimité par l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)4(*).

Pour mémoire, la LOLF établit un domaine exclusif des lois de finances, constitué notamment de :

- l'autorisation annelle de la perception des ressources de l'État et des impositions de toute natures affectées à d'autres personnes morales ;

-  les affectations de recettes au sein du budget de l'État ;

- les affectations à une autre personne morale d'une ressource perçue au profit de l'État ;

- les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État ;

- l'institution d'un prélèvement sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales ;

- le plafond des crédits alloués pour chaque mission budgétaire pour l'exercice ;

- le plafond des emplois par ministère pour l'exercice ;

- l'octroi de la garantie de l'État ;

- la prise en charge de dettes de tiers.

En revanche, les dispositions fiscales concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de toutes natures relèvent du domaine partagé des lois de finances, ce qui signifie qu'elles peuvent aussi bien figurer dans une loi de finances que dans une loi « ordinaire ».

De même, s'agissant du budget de la sécurité sociale, les dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit relèvent du domaine partagé des loi de financement de la sécurité sociale5(*).

(ii) La Constitution garantit le principe d'annualité budgétaire

En second lieu, la Constitution, comme l'a posé avec clarté la jurisprudence du Conseil constitutionnel6(*), garantit le principe d'annualité budgétaire, selon lequel les lois de finances valent pour un exercice donné qui s'étend sur une année civile. Ce principe protège les droits du Parlement en matière budgétaire, en lui permettant de renouveler son consentement au prélèvement de l'impôt et d'exercer son contrôle de la dépense publique sur une base régulière, lisible et stable.

Ce principe est expressément retranscrit dans le dispositif des articles 1er, 6, 15, 28 et 34 de la LOLF. Il est à noter que les dispositions organiques régissant les lois de financement de la sécurité sociale confèrent également un caractère annuel à ces dernières7(*).

b) Un cadre qui répond, sous l'influence des exigences de l'Union européenne, à l'objectif d'équilibre des comptes publics, tout en préservant le principe d'annualité budgétaire

L'encadrement des finances publiques par le droit de l'Union européenne et le TSCG est directement applicable en vertu des articles 55 et 88-1 de la Constitution.

Néanmoins, depuis la révision de 20088(*), la Constitution consacre en propre, dans son article 34 précité, « l'objectif d'équilibre des comptes administrations publiques ».

Sous l'influence des exigences de l'Union européenne, qui confèrent à l'encadrement des finances publiques des États membres une dimension largement pluriannuelle, le même article 34 prévoit une catégorie de lois spécifique, les lois de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Ces lois de programmation des finances publiques (LPFP) s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre susmentionné.

Le contenu des LPFP est précisé par les articles 1er A à 1er G de la LOLF.

En particulier, il est prévu que celles-ci, pour une période d'au moins trois années, déterminent notamment :

- les trajectoires des soldes structurels et annuels effectifs, en présentant la décomposition des soldes effectifs annuels par sous-secteur des administrations publiques ;

l'effort structurel au titre de chaque exercice, défini comme l'incidence des mesures nouvelles sur les recettes et la contribution des dépenses à l'évolution du solde structurel ;

- un objectif d'évolution exprimé en volume des dépenses des administrations publiques ainsi qu'une prévision de cette évolution exprimée en valeur, déclinés par sous-secteurs ;

- une prévision d'évolution, exprimée en volume et en valeur, des dépenses d'investissement des administrations publiques, déclinée par sous-secteurs ;

- un montant maximal pour les crédits du budget général de l'État, avec un plafond de crédits alloué par mission budgétaire, ainsi que pour les prélèvements sur les recettes de l'État ou encore les taxes affectées aux tiers.

Pour assurer le suivi de la mise en oeuvre de la programmation, l'article 1er H de la LOLF prévoit que chaque loi de finances comporte un article liminaire, retraçant, au titre de la dernière année écoulée et de l'année sur laquelle elle porte, l'état des prévisions concernant :

- le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques ;

- l'évolution de la dépense publique en volume et en valeur ;

- les prélèvements obligatoires, exprimés en pourcentage du PIB ;

- l'évolution des dépenses d'investissement.

Pour assurer le respect de la programmation, conformément au TSCG, un « mécanisme de correction » a été institué et fait intervenir le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), institution budgétaire indépendante au sens du même TSCG créé en 20139(*), dans les conditions prévues à l'article 62 de la LOLF.

Ce mécanisme est déclenché lorsque le HCFP identifie, à l'occasion du dépôt du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (PLRG) dont il est obligatoirement saisi pour avis par le Gouvernement, un écart important entre les résultats de l'exécution de l'année écoulée et les orientations définies en LPFP10(*). Le Gouvernement doit alors exposer les raisons de ces écarts et indiquer les mesures de correction envisagées devant chaque assemblée à l'occasion de l'examen du PLRG. Il doit ensuite en tenir compte à l'occasion des prochains projets de loi de finances (PLF), et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année, tout en présentant, dans un rapport annexé, les mesures de corrections envisagées.

Le HCFP peut constater par un avis public, sur demande du Gouvernement, l'existence de circonstances exceptionnelles, au sens prévu par le TSCG, justifiant la suspension du dispositif.

Il convient cependant de souligner que ce cadre pluriannuel ne saurait remettre en cause le principe d'annualité budgétaire et, par suite, que les dispositions des LPFP ne s'imposent pas aux lois de finances. Le Conseil constitutionnel a ainsi posé, à l'occasion de son contrôle de constitutionnalité du TSCG, que « le principe de l'annualité des lois de finances découle des articles 34 et 47 de la Constitution et s'applique dans le cadre de l'année civile », de telle sorte qu'« introduire directement des dispositions contraignantes et permanentes imposant le respect des règles relatives à l'équilibre des finances publiques exige la modification de ces dispositions constitutionnelles »11(*). Plus récemment, à l'occasion de son contrôle de la loi de finances pour 2023, adoptée en l'absence de toute loi de programmation, il a rappelé que « les orientations pluriannuelles définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation. Elles n'ont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances »12(*).

2. Le dispositif proposé : la création de lois portant cadre financier pluriannuel et l'instauration d'un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales

2.1. La création de lois portant cadre financier pluriannuel

a) Contenu, portée, durée d'application, et conditions de modification des lois portant cadre financier pluriannuel

Les 3° et 4° de l'article 1er de la présente proposition de loi constitutionnelle tendent à modifier l'article 34 de la Constitution, relatif au domaine de la loi et aux catégories de lois, pour créer une nouvelle catégorie de loi : les lois portant cadre financier pluriannuel.

Ces lois portant cadre financier pluriannuel remplaceraient les lois de programmation des finances publiques (LPFP). Comme ces dernières, elles devraient concourir à l'objectif d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques.

Ces lois portant cadre financier pluriannuel détermineraient, pour la durée d'une législature :

- des plafonds de charges des administrations publiques et de sécurité sociale sur la période couverte, ainsi que des plafonds annuels de dépenses ;

- la trajectoire des prélèvements obligatoires pour la période couverte ;

- un objectif de solde public à la fin de la période couverte, ainsi que des objectifs de solde public annuels ;

- la stratégie d'investissements publics.

Le contenu des lois portant cadre financier pluriannuel serait précisé par la loi organique.

De façon notable, à la différence des LPFP, la loi organique préciserait notamment, parmi les dispositions des lois portant cadre financier pluriannuel, celles qui s'imposeraient aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. La loi organique définirait également les conditions dans lesquelles les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale seraient compensés.

Le dispositif prévoit également qu'une loi portant cadre financier pluriannuel ne pourrait être modifiée avant l'expiration de la période qu'elle couvre que si un projet de révision est adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par le Parlement réuni en Congrès.

Toutefois, cette loi deviendrait caduque lorsqu'une nouvelle législature est ouverte avant la fin de la période couverte par une loi portant cadre financier pluriannuel.

Le 2° du même article 1er ménage un domaine exclusif pour les nouvelles lois portant cadre financier pluriannuel en matière de fixation de plafonds de charges des administrations de sécurité sociale, par dérogation à la disposition de l'article 34 de la Constitution prévoyant que la loi détermine les principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale.

Il est enfin à noter que la rédaction proposée soulève une difficulté d'ordre légistique, en ce qu'elle fait disparaître la disposition prévoyant que les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Il en résulterait notamment qu'une part importante de la LOLF perdrait son fondement constitutionnel.

b) Application aux lois portant cadre financier pluriannuel du régime constitutionnel des lois de finances et de financement de la sécurité sociale

La présente proposition de loi constitutionnelle tend enfin à aligner le régime constitutionnel des lois portant cadre financier pluriannuel sur celui des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale :

son article 2 tend à modifier l'article 39 de la Constitution pour prévoir que l'initiative des lois portant cadre financier pluriannuel appartient uniquement au Gouvernement, qui doit soumettre son texte en premier lieu à l'Assemblée nationale ;

son article 3 tend à modifier l'article 42 de la Constitution pour prévoir que la discussion en séance publique des projets de loi portant cadre financier pluriannuel porte, en première lecture devant l'Assemblée nationale, sur le texte du Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée et non pas sur le texte établi par la commission ;

son article 8 tend à modifier l'article 48 de la Constitution pour prévoir que l'examen des projets de lois portant cadre financier pluriannuel puisse, sur demande du Gouvernement, être inscrit à l'ordre du jour des assemblées par priorité ;

son article 9 tend à modifier l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution pour prévoir que le Premier ministre peut, sans limitation, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi portant cadre financier pluriannuel ;

son article 11 tend à modifier l'article 70 de la Constitution pour prévoir que le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté sur les projets de loi portant cadre financier pluriannuel, en lieu et place des projets de LPFP.

c) Dispositions procédurales spécifiques pour l'adoption des lois portant cadre financier pluriannuel

L'article 4 de la présente proposition de loi constitutionnelle tend à créer un nouvel article 46-1 au sein de de la Constitution pour déterminer la procédure d'adoption des lois portant cadre financier pluriannuel.

La définition des modalités d'adoption de ces lois serait renvoyée à la loi organique.

Il est néanmoins prévu que le Gouvernement peut décider d'appliquer la procédure mentionnée au troisième alinéa de l'article 47 de la Constitution relatif à la procédure d'adoption des lois de finances, ce qui lui donne la possibilité, si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 70 jours après le dépôt du projet de loi portant cadre financier pluriannuel, de mettre leurs dispositions en vigueur par ordonnance.

2.2. L'instauration d'un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales

Le 1° de l'article 1er de la présente proposition de loi constitutionnelle tend à modifier l'article 34, de façon à retirer du domaine de la loi la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

L'objectif poursuivi par cet article est d'instaurer un monopole des lois de finances sur ce type de dispositions, qui appartiennent jusqu'ici au « domaine partagé » (voir supra).

La rédaction proposée soulève néanmoins une difficulté d'ordre légistique puisqu'elle revient à retirer purement et simplement du domaine de toute loi ce type de dispositions. Son application littérale les ferait basculer dans le domaine réglementaire, conformément à l'article 37 de la Constitution.

3. La position de la commission : si la situation dégradée de nos finances publiques appelle des réponses fortes, cette proposition de loi constitutionnelle, dont les modalités d'application restent incertaines, entrave excessivement les droits budgétaires du Parlement et la libre administration des collectivités territoriales

3.1. Le constat partagé d'un échec juridique et surtout politique en matière de finances publiques

Les prévisions fournies dans le projet de loi de finances pour 2025 confirment la poursuite d'une forte dégradation des finances publiques de la France.

Le solde public s'établirait à - 6,1 % du PIB fin 2024, soit un écart de 1,7 point par rapport à la prévision initiale (4,4 %) et un écart de 0,6 point par rapport au solde 2023 (5,5 %). La dette publique s'élèverait quant à elle à 112,9 % du PIB fin 2024, et approcherait les 115 % du PIB fin 2025.

S'il est important de rappeler à cet égard qu'aucun budget n'a été voté à l'équilibre depuis 1974, la situation actuelle paraît particulièrement préoccupante.

Si l'on retrace brièvement l'histoire des 20 dernières années, cinq séquences peuvent être distinguées :

- une séquence 2004-2008, marquée par un déficit public excessif au sein des critères européens, quoique seulement légèrement supérieur à 3 % du PIB ;

- une séquence 2009-2010, marquée par une forte dégradation du déficit public en lien avec la nécessité de répondre à la crise financière mondiale de 2007-2008 dite « des subprimes » ;

- une séquence 2011-2019, marquée par une consolidation progressive des finances publiques, avec un déficit repassant in fine sous le seuil des 3 % du PIB ;

- une séquence 2020-2022, marquée par une nouvelle dégradation du déficit, en lien avec la nécessité, consensuellement partagée, de protéger les entreprises et les ménages des conséquences de la crise sanitaire et, en fin de période, de la poussée inflationniste ;

- une séquence amorcée en 2023, où, malgré la sortie de la crise sanitaire, le déficit se maintient à un niveau très élevé et tend même à poursuivre sa détérioration.

Évolution du solde des administrations publiques depuis 2004

(en pourcentage du PIB)

Note : en rouge, le seuil de déficit excessif au sens des critères de l'Union européenne, fixé à 3 % du produit intérieur brut.

Source : commission des lois du Sénat, d'après les données de l'Insee

Cette situation est avant tout le résultat d'un double échec.

D'abord et surtout un échec politique, puisque le Gouvernement et le Parlement ne peuvent qu'être tenus pour collectivement responsables d'une situation qui résulte directement des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale adoptés. Il importe néanmoins de rappeler que les projets relatifs aux années 2023 et 2024, qui sont aujourd'hui principalement en cause, ont été adoptés sans approbation parlementaire, compte tenu de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur ces textes selon la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

Mais il s'agit également un échec juridique puisque ces niveaux de déficit et de dette sont très éloignés des seuils correspondant à nos engagements européens mais également de la cible de déficit à 4,4 % prévue par la trajectoire de la LPFP.

Dans son avis sur les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025, le HCFP souligne que « la référence à
la LPFP 2023-2027, pourtant promulguée il y a moins d'un an, constitue une référence dépassée
». Le graphique ci-dessous montre comment, en moins d'un an, les prévisions d'évolution du solde public se sont progressivement dégradées, rendant caduque la LPFP en vigueur.

Comparaison des prévisions d'évolution du solde public 2023-2025

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des lois du Sénat, d'après les documents budgétaires

De même, la seule application faite à ce jour du mécanisme de correction prévu par l'article 62 de la LOLF (voir supra) n'a pas été concluante : lorsqu'un écart important de - 1,5 point de PIB par rapport au solde prévu en LPFP 2012-2017 a été constaté à par le HCFP a l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2013, la principale conséquence du déclenchement du mécanisme de correction a été l'adoption d'une nouvelle LPFP 2014-2019 en décembre 2014, privant cette procédure d'efficacité.

Aussi, le rapporteur ne peut que partager la préoccupation exprimée par l'auteur de la présente proposition de loi constitutionnelle.

3.2. La proposition de créer des lois portant cadre financier pluriannuel, dont les modalités de mises en oeuvre restent incertaines, entraverait fortement les droits budgétaires du Parlement ainsi que la libre administration des collectivités territoriales

a) La supériorité sur les lois de finances : une remise en cause du principe d'annualité budgétaire

Les lois portant cadre financier pluriannuel ne différeraient des LPFP pas tant par leur contenu, qui est similaire, que par leur portée, dans la mesure où certaines de leurs dispositions, selon des modalités précisées en loi organique, s'imposeraient aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale annuelles.

Elles s'inspirent en cela des lois-cadres d'équilibre des finances publiques qui avaient été proposées par un projet de loi constitutionnelle de 2011, adopté par les deux assemblées dans le contexte de la crise des dettes publiques en zone euro, mais finalement jamais soumis au référendum ni au Congrès. La proposition avait au préalable été formulée dans le cadre du rapport remis au Premier ministre en 2010 par un groupe de travail présidé par Michel Cambdessus13(*).

La terminologie choisie est éclairante puisqu'elle reprend la notion de cadre financier pluriannuel utilisée pour le budget de l'Union européenne, qui doit respecter des plafonds annuels fixés pour une période d'au moins cinq ans. Cette comparaison reste à manier avec une grande précaution, car l'Union européenne, dont le budget obéit davantage à une logique de droit international, n'est pas un État souverain.

Le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne

En application de l'article 312 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le cadre financier pluriannuel vise à assurer l'évolution ordonnée des dépenses de l'Union dans la limite de ses ressources propres.

Il est adopté par le Conseil selon une procédure législative spéciale, et vaut pour une période d'au moins cinq années.

Il fixe des plafonds de crédits fermes par catégories de dépenses, qui correspondent aux grands secteurs d'activité de l'Union. Le budget annuel de l'Union doit respecter le cadre financier pluriannuel.

Le cadre financier pluriannuel actuellement en vigueur couvre la
période 2021-2027.

Source : commission des lois du Sénat

La proposition de loi constitutionnelle induit donc une remise en cause frontale du principe d'annualité, qui constitue, cela a été rappelé, une garantie essentielle pour l'exercice des droits budgétaires du Parlement. Si, sur la forme, une révision de la Constitution constitue le vecteur approprié puisque ce principe revêt une valeur constitutionnelle, sa remise en cause marquerait en revanche une rupture singulière dans le droit budgétaire français. En effet, ce principe est consacré au sommet de l'ordre juridique depuis la Constitution de 1791, dont l'article 1er du Titre V disposait que : « les contributions publiques seront délibérées et fixées chaque année par le Corps législatif, et ne pourront subsister au-delà du dernier jour de la session suivante, si elles n'ont pas été renouvelées ».

Cette remise en cause est d'autant plus problématique que les projets de lois portant cadre financier pluriannuel pourraient être adoptées selon la procédure prévue par le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, et ce sans limitation. La perspective de l'entrée en vigueur d'une loi financière ayant une portée contraignante pour une durée de cinq sans vote de l'Assemblée nationale soulèverait un problème démocratique majeur et pourrait fragiliser les bases du consentement à l'impôt. Il peut être rappelé à cet égard que, depuis 2022, l'ensemble des textes financiers ont été adoptés selon cette procédure. Dans la configuration politique actuelle, l'existence d'une majorité parlementaire pour adopter une éventuelle loi portant cadre financier pluriannuel selon une procédure normale semble improbable.

Le cadre extrêmement rigide posé pour la modification des lois portant cadre financier pluriannuel porte également atteinte au pouvoir législatif du Parlement. En exigeant une majorité des trois cinquièmes au sein du Parlement réuni en Congrès pour leur modification, ce cadre rompt le parallélisme des formes en matière de procédure, dans la mesure où leur adoption requiert une majorité simple. Un tel dispositif a pour conséquence de permettre à une majorité relative de lier pour l'avenir une majorité relative ultérieure. Certes, il est prévu que la loi portant cadre financier pluriannuel devient caduque en cas de changement de législature, mais l'hypothèse d'un changement de majorité gouvernementale au cours d'une même législature ne saurait pour autant être écartée.

Il doit être relevé à cet égard qu'en l'état du droit, la Constitution réserve les cas d'exigence d'une majorité qualifiée au Parlement à des votes ayant une portée institutionnelle : la tenue de jours supplémentaires de séance (article 28), la demande de réunion en session extraordinaire par l'Assemblée nationale (article 29), l'adoption en dernière lecture des lois organiques par l'Assemblée nationale en l'absence d'accord entre les assemblées (article 46), la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement (article 49), la procédure de destitution du Président de la République (article 68), la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne (article 88-5) et la révision de la Constitution (article 89). Les choix budgétaires, qui sont des choix éminemment politiques, sont d'une autre nature.

Il est enfin à noter qu'en appliquant un tel critère de majorité pour la modification des lois portant cadre financier pluriannuel, celles-ci deviendraient plus « rigides » que les lois organiques qui les encadrent, ce qui induirait une forme d'incohérence dans la hiérarchie des normes.

b) Un risque de remise en cause de la libre administration et de l'autonomie financière des collectivités territoriales

La proposition comporte également des risques pour la libre administration et l'autonomie financière des collectivités territoriales, principes respectivement protégés par les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

En effet, les lois portant cadre financier pluriannuel porteraient des dispositions relatives à la trajectoire de prélèvements obligatoires. Or, les ressources fiscales, qui sont au coeur de la mise en oeuvre du principe d'autonomie financière, représentent plus de la moitié des ressources des administrations publiques locales (58,3 % en 2023, soit 161 milliards d'euros14(*)).

Ces lois porteraient également une stratégie d'investissement public, dont on sait qu'il est majoritairement porté par les administrations publiques locales (près de 53 %15(*))

Ainsi, il est à craindre qu'un instrument de cette nature puisse être utilisé par le Gouvernement pour contraindre davantage les finances des collectivités.

En ce sens, il soulève des problématiques comparables à celles qui ont pu être identifiées par la commission des lois en 2023 dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi constitutionnelle visant à créer des lois de financement des collectivités territoriales, qui avait été rejetée pour cette raison16(*).

c) Une primauté sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale qui repose sur des bases incertaines, voire dangereuses

Dès lors que l'on admet le principe d'une supériorité des lois portant cadre financier pluriannuel, la question des modalités selon laquelle celle-ci s'appliquerait effectivement reste entière.

Cette question est avant tout celle des indicateurs, ou des critères, qui peuvent être retenus pour apprécier la conformité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale aux lois portant cadre financier pluriannuel.

Si la présente proposition de loi constitutionnelle dresse avec précision le contenu obligatoire des lois portant cadre financier pluriannuel (plafonds de charges, trajectoire de prélèvements obligatoires, objectifs de soldes, stratégie d'investissement public), elle renvoie à la loi organique le soin de déterminer les dispositions qui s'imposent aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Ce constat soulève deux enjeux principaux.

Le premier enjeu est celui du niveau normatif pertinent pour l'inscription de ces critères. Sur ce point, force est de constater que les critères fixés au niveau de l'Union européenne sont relativement évolutifs, preuve en est qu'ils ont récemment été réformés, là où le cadre constitutionnel a vocation à être pérenne. Pour cette raison, il paraît préférable de privilégier le niveau organique pour leur détermination. À cet égard, le caractère relativement détaillé de la présente proposition de loi constitutionnelle fait courir un risque de contradictions entre les cadres constitutionnel et européen, qui seraient rendues difficilement surmontables au vu de la rigidité des normes constitutionnelles. Il convient d'ailleurs de relever que les critères retenus dans le dispositif de la proposition de loi ne font pas intervenir l'analyse de la soutenabilité de la dette ni l'évolution des dépenses nettes, qui sont au coeur des nouvelles règles budgétaires de l'Union européenne.

Le second enjeu est celui des critères à appliquer. À cet égard, deux considérations doivent être prises en compte.

La première concerne la pertinence des critères au regard des objectifs de la politique budgétaire. Cette question excède quelque peu le champ de compétence de la commission des lois et devrait être traitée, comme évoqué, dans le cadre d'un véhicule organique dont l'examen relèverait de la commission des finances.

La seconde considération concerne le caractère opérant des critères utilisés dans le cadre d'un contrôle juridictionnel de la conformité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale aux lois portant cadre financier pluriannuel. En effet, dès lors qu'un nouvel échelon de la hiérarchie des normes est créé - ce que fait la présente proposition de loi constitutionnelle avec ces lois portant cadre financier pluriannuel qui obéissent à la loi organique mais s'imposent aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale - il appartient au pouvoir constituant de s'assurer que cette hiérarchie pourra bénéficier d'une garantie juridictionnelle effective. Cette considération est d'ailleurs bien prise en compte par l'article 10 du texte proposé prévoit bien l'intervention obligatoire du Conseil constitutionnel (voir infra). À cette aune, la question des critères financiers à retenir ne saurait être totalement évacuée, quand bien même ces derniers auraient finalement vocation à être fixés au niveau organique.

Le rapporteur relève que l'identification des critères pertinents à cet égard se heurte à des obstacles importants.

À titre d'exemple, le fait de donner une portée contraignante à une norme de solde, ou à tout autre critère dont le mode de calcul intègre, au stade du dépôt des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, un indicateur de recettes de nature prévisionnelle, paraît problématique. Dans quelle mesure serait-il envisageable, pour le Conseil constitutionnel, de censurer une loi de finances sur la base d'un indicateur prévisionnel, à plus forte raison au vu des incertitudes constatées récemment sur sa mesure ? Cela imposerait au Conseil constitutionnel de jouer un rôle de juge financier, qui n'est pas le sien, notamment pour apprécier le réalisme des prévisions.

De même, des indicateurs de déficit ou de dépense publique globale posent un problème de périmètre. En effet, dans quelle mesure serait-il envisageable de censurer une loi de finances, qui s'applique à l'État, sur la base d'un indicateur qui porte sur l'ensemble de la sphère publique ? La solution d'un examen conjoint des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour permettre une appréciation globale, proposée à l'article 10 de la présente proposition de loi constitutionnelle, apporte un début de réponse mais n'est pas pleinement satisfaisante puisqu'elle ne tient pas compte de la dépense locale.

Aussi, le seul critère qui paraît pouvoir être utilisé de manière fiable et sécurisée par le Conseil constitutionnel, au moins pour ce qui concerne le contrôle de la loi de finances, serait un plafond des crédits budgétaires de l'État. Outre les risques de contournement que permet mécaniquement une telle restriction, au sein de la sphère publique, du périmètre faisant l'objet d'un contrôle effectif, le choix d'un tel critère pose surtout un problème de nature politique. Un indicateur de dépenses brutes reviendrait en effet à figer dans le texte constitutionnel une certaine conception politique de la consolidation des finances publiques, centrée sur la maîtrise de la dépense, là où des conceptions politiques concurrentes pourraient davantage insister sur la nécessité de renforcer les recettes. Si le rapporteur, à titre personnel, fait pleinement sien cet objectif de baisse de la dépense publique, il se doit de relever que la Constitution n'a pas vocation à arbitrer des conflits de politiques publiques. La théorie économique est en effet elle-même impuissante pour définir un « bon » niveau de dépenses publiques, qui ne peut que résulter de choix collectifs de nature politique sur le périmètre de la sphère publique et sur les missions de l'État.

La nature et la portée du contrôle qui serait opéré par le Conseil constitutionnel fait également figure d'inconnue. En toute hypothèse, il paraîtrait difficile pour le Conseil constitutionnel, n'étant pas un juge financier et ne disposant pas, selon une jurisprudence constante, d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, d'isoler certaines dispositions seulement de la loi de finances ou de financement de la sécurité sociale qui, en raison de leur caractère coûteux, seraient considérées comme étant la cause de la non-conformité.

Il paraît davantage plausible d'envisager que le Conseil constitutionnel soit conduit à se placer dans l'alternative d'une conformité ou d'une censure globale à l'aune des lois portant cadre financier pluriannuelle, autrement dit dans une logique de « tout ou rien ».

Une telle logique pourrait s'avérer préjudiciable pour la crédibilité du nouveau cadre, dans l'hypothèse où, compte tenu des conséquences importantes d'une censure globale, le Conseil constitutionnel serait conduit à restreindre fortement son contrôle de conformité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

À l'inverse, elle pourrait être source d'une forme d'« insécurité budgétaire » importante si elle le conduisait à censurer fréquemment ces lois. La censure globale d'une loi de finances constitue en effet, en l'état du droit constitutionnel, une hypothèse hautement improbable, qui ne compte qu'une seule occurrence sous la Vème République : la loi de finances initiale pour 1980, en raison d'une irrégularité de procédure17(*).

Ces difficultés avaient d'ailleurs été identifiés par les rapporteurs pour avis de la commission des finances, Jean Arthuis et Philippe Marini qui relevaient, dans le cadre de l'examen du projet de loi constitutionnelle de 2011 précité, que « la principale incertitude concerne les modalités concrètes et les conséquences du contrôle par le Conseil constitutionnel de la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à la loi-cadre »18(*).

d) Une rigidité qui paraît excessive au regard des exigences de la politique budgétaire

Les auditions de la direction générale du Trésor et de la direction du budget conduites par le rapporteur ont permis de mettre fortement en évidence les risques que la rigidité des lois portant cadre financier pluriannuel fait peser sur la conduite de la politique budgétaire, en particulier dans le contexte actuel marqué par de fortes incertitudes économiques.

L'exigence, pour toute modification de ces lois, d'une majorité des trois cinquièmes au sein du Congrès, pourrait s'avérer préjudiciable à la réactivité de la politique budgétaire. Dans le contexte de la crise financière mondiale de 2008-2010 puis de la crise de la Covid-19, le législateur a pu adopter des plans d'urgence et de relance massifs dans des délais très brefs, qui ont joué un rôle important pour préserver les entreprises et les ménages ainsi que pour relancer l'économie. Les conditions d'une telle réactivité seraient, ici, très difficiles à atteindre.

Dans l'hypothèse où de telles lois seraient instituées, il serait ainsi prudent de prévoir des circonstances exceptionnelles permettant de déroger au cadre fixé. Là encore, cependant, une telle souplesse placerait le Conseil constitutionnel dans la délicate position de juge de l'urgence économique.

C'est d'ailleurs pour cette raison que des critiques importantes se font jour dans certains pays de la zone euro ayant introduit des règles contraignantes.

En Allemagne, le dispositif dit « de frein à l'endettement » prévu à l'article 115 de la Loi fondamentale depuis une révision constitutionnelle de 2011, qui impose une limitation annuelle de l'endettement à 0,35 % du produit national brut, est parfois jugé pour partie responsable de la récession que connaît ce pays en 2023 et 2024, en ce qu'il empêche la conduite d'une politique budgétaire contracyclique.

Selon la direction générale du Trésor, les critiques du dispositif allemand insistent notamment sur « le biais anti-investissement d'un dispositif devenu totalement agnostique à la nature des dépenses, son calibrage beaucoup plus strict que nécessaire pour garantir la soutenabilité de la dette publique, ses incohérences avec le cadre européen y compris réformé, la multiplication de véhicules de contournement extra-budgétaires ayant rendu de moins en moins lisible le budget fédéral ». Elles soulignent également « l'étroitesse de la caractérisation possible de situations justifiant l'activation de la clause dérogatoire, face notamment à l'ampleur des besoins d'investissement de rattrapage et de transition constatés », récemment illustrée par la Cour constitutionnelle allemande en invalidant des dispositions d'une loi de finances rectificative pour 2021 prévoyant la réinjection de 60 milliards d'euros de crédits non utilisés du plan d'urgence lié à la crise sanitaire dans un fonds spécial dédié à la transition écologique19(*).

En Suède, le cadre budgétaire rigide institué en 1996 fait également l'objet d'importantes critiques dans le contexte de la sortie de la crise sanitaire.

e) Une constitutionnalisation qui n'est pas une exigence posée par le cadre européen, qui aurait vocation à s'appliquer rigoureusement à la France dans les années à venir

Au préalable, il convient de relever, comme l'a clairement posé le Conseil constitutionnel lors de son contrôle du TSCG opéré sur le fondement de l'article 54 de la Constitution, que les stipulations de ce traité pouvaient être transposées en droit interne sans révision constitutionnelle20(*). C'est la voie qu'avait alors choisi d'emprunter la France, en modifiant plutôt son droit organique21(*).

Comme l'ensemble des acteurs auditionnés interrogés sur ce point l'ont confirmé au rapporteur, la mise en oeuvre de la réforme de 2024 du cadre européen ne nécessite pas davantage de révision constitutionnelle.

Au plan de l'opportunité politique, doit également être relevé le fait que, dans le cadre de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques ayant rendu ses conclusions en juin dernier, la commission des finances a formulé 15 propositions dont aucune ne porte sur le cadre constitutionnel. La très forte aggravation du déficit en sortie de crise sanitaire est la conséquence de lourdes erreurs de prévisions, notamment en matière de recettes. Ses recommandations tendent ainsi principalement à améliorer les prévisions, à renforcer la transparence des données utilisées, et à garantir l'information et le rôle du Parlement dans le vote du budget et dans le contrôle budgétaire22(*).

Le rapporteur souligne également que l'efficacité du cadre européen ne saurait être entièrement remise en cause. En effet, l'examen historique de l'évolution des finances publiques, comme cela a été évoqué supra, montre que suite à la crise des dettes souveraines en zone euro consécutivement au renforcement des règles budgétaires intervenu entre 2011 et 2013, la France a mené une politique de consolidation significative de ses finances publiques, et ce sous trois majorités parlementaires différentes, avant de parvenir à ramener le déficit public sous le seuil des 3 % du PIB en 2019.

La forte dégradation des finances publiques constatée depuis 2020 est intervenue dans un contexte de suspension des règles européennes du fait de l'activation de la clause dérogatoire prévue en cas de grave récession économique. Le mécanisme national de correction, conformément à l'article 62 de la LOLF (voir supra), a également fait l'objet d'une suspension.

Ces règles s'appliquent à nouveau désormais et, depuis une décision du Conseil de l'Union européenne du 26 juillet 2024, la procédure pour déficit excessif a été déclenchée à l'encontre de la France, ainsi que pour six autres pays de la zone euro23(*).

De même, la suspension du mécanisme de correction a pris fin à compter de l'exercice 2023, de telle sorte que celui-ci pourrait vraisemblablement être activé en 2025 au titre de l'exercice 2024.

En définitive, la procédure mise en place au niveau européen, qui implique un dialogue annuel entre le Gouvernement et les instances politiques de l'Union permettant de se livrer à une analyse fine de la politique budgétaire conduite paraît adaptée à la nature de cette politique, qui se déploie au service d'objectifs multiples (soutenabilité financière, préparation de l'avenir par l'investissement public...) dans un environnement économique marqué par d'importantes incertitudes. Un cadre rigide dont le respect serait sanctionné par le juge se heurterait, à l'inverse, à des difficultés importantes. Il est à cet égard intéressant de noter qu'au niveau européen, bien que les règles de déficit excessif soient expressément posées par le TFUE, le choix a été fait d'un contrôle politique du Conseil s'appuyant sur contrôle technique de la Commission, et non d'un contrôle juridictionnel de la Cour de justice.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, le rapporteur propose de ne pas adopter le dispositif proposé tendant à la création de lois portant cadre financier pluriannuel. Les choix budgétaires sont et doivent rester des choix politiques, relevant de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement. Le constat, certes alarmant, qui peut être porté sur notre situation budgétaire et la nécessité de respecter nos engagements européens doivent donner lieu à une réelle prise de conscience et surtout une réaction politique forte, sans laquelle aucun redressement des finances publiques ne sera possible, et à laquelle ni le droit ni le juge ne pourront se substituer.

3.3. Le monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales : une remise en cause importante des pouvoirs du Parlement

L'instauration d'un monopole des lois de finances sur les dispositions fiscales, tel que le prévoit l'article 1er de la présente proposition de loi constitutionnelle, provoquerait également une remise en cause importante des pouvoirs du Parlement. Cette proposition avait également été formulée dans le cadre du « rapport Camdessus » précité.

Le fait de circonscrire les mesures fiscales aux lois de finances est certes tout à fait pertinent en tant que doctrine, en ce qu'il garantit une certaine cohérence de la politique budgétaire et fiscale.

Pour améliorer la lisibilité de ces politiques, des exigences de transparence renforcées sur les mesures fiscales adoptées en dehors de la loi de finances initiale sont désormais posées au 1°bis de l'article 51 de la LOLF dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qui impose que ces mesures et leurs incidences financières soient spécifiées dans une annexe du projet de loi de finances.

Les auditions conduites par le rapporteur ont permis de mettre en évidence le fait que cette doctrine est largement respectée : on ne dénombre en moyenne que deux à trois mesures fiscales hors textes financiers chaque année.

À cet égard, laisser au législateur une certaine souplesse peut s'avérer utile. On peut concevoir, à l'occasion de l'examen d'une réforme économique sectorielle, qu'il puisse être pertinent d'ajuster certains dispositifs fiscaux.

Surtout une telle proposition porte une atteinte très importante au droit d'initiative des parlementaires, qui est déjà fortement contraint en matière financière par l'article 40 de la Constitution.

En effet, le Gouvernement ayant le monopole de l'initiative des lois de finances, si une telle disposition était adoptée, les parlementaires ne pourraient faire des propositions en matière fiscale que par la voie d'amendements aux projets de loi de finances. Toute proposition de loi ou amendement ayant un objet fiscal déposé sur un autre texte serait irrecevable.

Pour cette raison, le rapporteur a proposé à la commission de ne pas adopter ce dispositif.

La commission n'a pas adopté les articles 1er, 2, 3, 4, 8, 9 et 11.

Articles 5 et 6
Dépôt anticipé des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale et incidence de la création des lois portant cadre financier pluriannuel sur leur adoption

En premier lieu, les articles 5 et 6 de la présente proposition de loi constitutionnelle prévoient de conditionner l'adoption des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale à l'adoption préalable d'une loi portant cadre financier pluriannuel. En cohérence avec le rejet de l'article 1er créant ces mêmes lois, la commission n'a pas adopté cette disposition.

En second lieu, ces mêmes articles prévoient d'avancer au 15 septembre la date limite de dépôt des projets de loi de finances initiale, aujourd'hui fixée par la loi organique au premier mardi d'octobre. La date limite de dépôt des projets de loi de financement de la sécurité sociale serait quant à elle fixée au 1er octobre. Les travaux conduits par le rapporteur ont mis en évidence le caractère non nécessaire et surtout non opportun de telles évolutions, qui perturberaient sensiblement le processus d'élaboration de ces textes, et qui affecteraient la qualité des prévisions macroéconomiques qui les sous-tendent.

Pour ces raisons, la commission n'a pas adopté les articles 5 et 6.

1. Le droit existant : des exigences préalables à l'adoption des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et encadrant leur délai de dépôt sont prévues au niveau organique

La Constitution ne pose aucune exigence de délai quant au dépôt des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

S'agissant des lois de finances, son article 47 se borne à prévoir que si celle-ci n'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence au Parlement l'autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés. Aucune disposition de cette nature n'est prévue pour les lois de financement de la sécurité sociale.

En revanche, la loi organique fixe bien des exigences en la matière : les articles article 39 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)24(*) et L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale prévoient respectivement que les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale de l'année sont déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale, avec leurs annexes, au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède l'exercice sur lequel ils portent.

La loi organique pose également des exigences préalables à l'adoption des lois de finances et de la sécurité sociale.

L'article 41 de la LOLF prévoit que le projet de loi de finances de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (PLRG) de l'année afférent à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances.

Toutefois, cette exigence ne va pas jusqu'à imposer l'adoption préalable du PLRG, comme en atteste l'adoption des lois de finances pour 2023 et 2024 en dépit du rejet des projets de loi de règlement - selon leur dénomination alors en vigueur25(*) - pour 2021 et 2022.

S'agissant des lois de financement de la sécurité sociale, en application de l'article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale, le projet de loi de financement de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant l'adoption de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale afférente à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de financement.

2. Le dispositif proposé : de nouvelles exigences portées au niveau constitutionnel

En premier lieu, le 1° de l'article 5 et le 1° de l'article 6 de la présente proposition de loi constitutionnelle tendent, respectivement, à modifier les articles 47 et 47-1 de la Constitution afin qu'une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale ne puissent être adoptée en l'absence de loi portant cadre financier pluriannuel qui soit applicable à l'exercice concerné.

Contrairement à ce qui est prévu concernant les projets de loi de finances et les PLRG, l'exigence porte donc bien sur l'adoption préalable d'une loi portant cadre financier pluriannuel, et non un simple vote sur le texte.

En deuxième lieu, le 2° du même article 5 et le 2° du même article 6 tendent à modifier les mêmes articles de la Constitution de façon à prévoir une exigence de délai de dépôt.

S'agissant des lois de finances, celui-ci serait avancé au 15 septembre.

S'agissant des lois de financement de la sécurité sociale, il serait fixé au 1er octobre.

Enfin, les 3° et 4° du même article 5 et le 3° du même article 6 portent des mesures de coordination.

3. La position de la commission : des exigences qui perturberaient sensiblement le processus d'élaboration de ces textes, et affecteraient la qualité des prévisions économiques qui les sous-tendent

En cohérence avec sa proposition de ne pas adopter les dispositions instituant des lois portant cadre financier pluriannuel (voir supra), le rapporteur ne peut qu'être défavorable au fait de conditionner l'adoption des lois de finances et de financement de la sécurité sociale à l'adoption préalable de telles lois.

Il relève au demeurant qu'une telle exigence pourrait s'avérer extrêmement problématique dans le contexte politique actuel, alors que, depuis le renouvellement de l'Assemblée nationale de 2022, aucun texte financier n'a pu être adopté sans recours à la procédure prévue au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, comme en attestent les rejets des projets de loi de règlements 2021 et 2022, du projet de LPFP 2023-2027 dans sa version initiale déposée en 2022, et du PLRG 2023.

Indépendamment de la création de lois portant cadre financier pluriannuel, l'avancement de l'inscription dans la Constitution de la date limite de dépôt du projet de loi de finances, et a fortiori son avancement au 15 septembre, ne paraît ni nécessaire ni opportun, comme la direction générale du Trésor et la direction du budget ont pu le souligner lors de leurs auditions par le rapporteur.

Une telle disposition aurait pour effet pratique d'avancer la saisine du Conseil d'État au 8 septembre et par conséquent la saisine du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) au 1er septembre. Compte tenu de la particularité du mois d'août, cela signifierait concrètement un avancement de la finalisation du projet de loi de finances à la fin du mois de juillet, ou au début du mois d'août. Les prévisions économiques sous-jacentes pour l'année à venir, rendues plus lointaines, seraient par construction moins fiables.

Par ailleurs, la date limite de dépôt unique pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale a du sens, de même que le dépôt concomitant des deux textes. En effet, les deux textes reposent sur un cadrage macroéconomique commun. Le Gouvernement procède d'ailleurs chaque année à une saisine unique du HCFP pour les deux textes, qui émet en conséquence un avis unique.

Pour ces raisons, le rapporteur a proposé à la commission de ne pas adopter ces articles.

La commission n'a pas adopté les articles 5 et 6.

Article 7
Constitutionnalisation et élargissement des missions du Haut Conseil des finances publiques

Le présent article vise à consacrer dans la Constitution le rôle du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), tout en élargissant ses missions, notamment pour lui confier un rôle d'élaboration de prévisions économiques indépendantes.

De telles évolutions ne paraissent ni nécessaires, ni opportunes. Le cadre organique actuel est suffisant pour garantir le rôle du HCFP et respecter nos engagements européens.

Le fait de lui confier un rôle d'élaboration de prévisions économiques, outre qu'il imposerait un renforcement important de ses moyens, emporte le risque de créer un doublon administratif, dans le cas plausible où le ministère de l'économie et des finances conserverait ses propres capacités. Le rôle de contre-expertise en matière de prévisions économiques, rôle dans lequel il a démontré son utilité, paraît au contraire de nature à conforter son indépendance.

Pour ces raisons, la commission n'a pas adopté le présent article.

1. Le droit existant : le Haut Conseil des finances publiques est consacré en loi organique

Institué à compter de 2013 par la loi organique n° 2012-1403
du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques transposant les exigences du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance des finances publiques au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est aujourd'hui régi par les articles 61 et 62 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)26(*).

Le HCFP est placé auprès de la Cour des comptes et est présidé par le premier président de la Cour des comptes.

Outre son président, il comprend dix membres nommés pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Les membres sont renouvelés par moitié tous les trois ans.

Dans le détail, le HCFP est composé de :

- quatre magistrats de la Cour des comptes en activité à la Cour, désignés par son premier président ;

- quatre membres nommés, respectivement, par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et les présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ;

- un membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental, en raison de ses compétences dans ce même domaine ;

- le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Le HCFP rend des avis sur le réalisme des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement à l'occasion des différents textes relatifs aux finances publiques : lois de finances et de financement de la sécurité sociale, LFPP, lois de programmation sectorielles.

Il évalue également la compatibilité des lois de programmation sectorielles, qui prévoient l'évolution des moyens budgétaires alloués à certaines grandes politiques publiques pour plusieurs années avec les objectifs de dépenses pluriannuels prévus dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

Enfin, il rend des avis sur la cohérence avec les orientations des LPFP des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. En particulier, dans le cadre des lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (ex-lois de règlement), il peut, en cas d'écart important entre les soldes constatés et programmés (0,5 % du produit intérieur brut), déclencher le « mécanisme de correction » prévus par les règles de l'Union européenne (voir supra, commentaire de l'article 1er). Le cas échéant, le Gouvernement doit alors exposer les raisons de ces écarts et indiquer les mesures de correction envisagées devant chaque assemblée à l'occasion de l'examen du PLRG. Il doit ensuite en tenir compte à l'occasion des prochains projets de loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année, tout en présentant, dans un rapport annexé, les mesures de corrections envisagées.

Depuis une loi du 6 décembre 202127(*), il est également prévu que si, dans le cadre de cet avis, le HCFP constate une importante distorsion affectant les prévisions macroéconomiques sur une période d'au moins quatre années consécutives, le Gouvernement tient compte de cette distorsion dans le prochain projet de loi de finances de l'année. De même, un rapport annexé au prochain projet de loi de finances de l'année analyse les mesures de corrections envisagées.

Pour exercer ces missions, la LOLF prévoit que le HCFP peut procéder à l'audition des représentants de l'ensemble des administrations compétentes dans le domaine des finances publiques, de la statistique et de la prévision économique. Il peut faire appel à des organismes ou des personnalités extérieurs à l'administration, notamment pour apprécier les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d'endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs. Il est également précisé que le Gouvernement est tenu de répondre aux demandes d'information que lui adresse le HCFP dans le cadre de la préparation de ses avis.

En revanche, ses moyens actuels ne lui permettent pas de réaliser lui-même les prévisions macroéconomiques.

2. Le dispositif proposé : une consécration constitutionnelle et un élargissement substantiel des missions du Haut Conseil des finances publiques

Le présent article tend à modifier l'article 47-2 de la Constitution.

Son 2° vise à consacrer dans la Constitution l'existence du HCFP.

Le HCFP serait chargé d'effectuer des prévisions économiques indépendantes relatives aux finances publiques, ce qui constituerait une mission nouvelle pour cet organisme.

Il serait également chargé d'apprécier les prévisions économiques et les choix budgétaires effectués par le Gouvernement. Il est par ailleurs précisé que ses travaux éclairent le Parlement en amont de la discussion des textes financiers, ce qui correspond à ses missions actuelles.

Enfin, la fixation des prérogatives et la composition du HCFP serait fixée en loi organique, comme c'est déjà le cas en l'état du droit.

En outre, le 1° du présent article vise à étendre la mission d'assistance au Parlement de la Cour des comptes au contrôle de la mise en oeuvre des lois portant cadre financier pluriannuel que l'article 1er de la présente proposition de loi prévoit d'instituer.

3. La position de la commission : des évolutions ni nécessaires ni opportunes

En premier lieu, une inscription du HCFP dans le texte constitutionnel ne paraît pas nécessaire. Le cadre organique existant paraît en effet constituer une garantie suffisante, ce d'autant plus que l'organisme est placé auprès de la Cour des comptes, qui dispose bien, quant à elle, d'un statut constitutionnel. Une consécration constitutionnelle n'est pas non plus imposée par le cadre européen, comme l'a souligné la jurisprudence du Conseil constitutionnel28(*). Ainsi, si des pays tels que l'Allemagne et la Finlande ont inscrit l'existence de leur institution budgétaire indépendante nationale au sens du TSCG dans leur loi fondamentale, tel n'est pas le cas, par exemple, de l'Italie, de l'Espagne, des Pays-Bas et de la Suède.

En outre, comme cela a été évoqué supra s'agissant des critères utilisés pour le contrôle des finances publiques (voir le commentaire de l'article 1er), la mutabilité du cadre européen en la matière plaide pour ne pas rigidifier davantage le cadre national.

Enfin, eu égard à sa composition et à ses missions, le HCFP ne saurait être considéré comme une institution constitutive de notre régime politique, devant bénéficier d'une consécration constitutionnelle.

L'élargissement proposé des missions du HCFP ne paraît pas non plus opportun.

Le fait de confier au HCFP des missions de prévisions économiques indépendantes, outre le fait d'impliquer une augmentation significative de ses moyens, emporte le risque de créer un doublon administratif, étant entendu qu'il serait difficilement concevable de priver le ministère de l'économie et des finances de ses propres capacités de prévisions.

Son rôle de contre-expertise des prévisions gouvernementales, et le dialogue qu'il permet d'engager avec les autorités budgétaires, paraît au contraire de nature à conforter son indépendance. Il a encore été renforcé par la loi du 2 décembre 2021 précitée, qui lui permet de déclencher une forme de mécanisme de correction en cas d'erreurs de prévision répétées du Gouvernement (voir supra).

Le HCFP a au demeurant montré son utilité dans ce rôle. La récente note d'étude qu'il a publiée montre en effet que « depuis la création du HCFP et le projet de loi de finances 2014, les prévisions de croissance du Gouvernement ont été globalement un peu plus prudentes, en particulier avant le déclenchement de la crise sanitaire. La précision des prévisions du Gouvernement s'est également améliorée depuis la création du HCFP, si bien qu'elle a rejoint celle des prévisions du consensus [des économistes] sur la période 2014-2023 »29(*).

Parmi les pays européens comparables, si les Pays-Bas ont par exemple fait le choix de doter leur institution budgétaire indépendante nationale d'une capacité autonome de prévision, tel n'est pas le cas de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Suède ou encore de la Finlande.

Outre l'enjeu des prévisions économiques, le dispositif proposé prévoit de confier au HCFP la mission d'« apprécier les choix budgétaires du Gouvernement ». Ces choix étant éminemment politiques, il ne paraît pas approprié de confier conférer cette prérogative au HCFP qui est, eu égard à sa composition actuelle, une instance essentiellement technique.

Pour ces raisons, le rapporteur a proposé à la commission de ne pas adopter cet article.

La commission n'a pas adopté l'article 7.

Article 10
Contrôle obligatoire des lois de finances et de financement de la sécurité sociale par le Conseil constitutionnel

Le présent article prévoit de rendre obligatoire le contrôle des lois de finances et de financement de la sécurité sociale par le Conseil constitutionnel, notamment pour assurer leur conformité avec les lois portant cadre financier pluriannuel.

En cohérence avec le rejet de l'article 1er créant ces mêmes lois, la commission n'a pas adopté le présent article.

Plus généralement, l'application d'un contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel, aujourd'hui réservée à certaines catégories de textes de nature très spécifique, ne paraît pas souhaitable s'agissant des textes financiers, textes politiques pour lesquels l'appréciation de l'opportunité d'une saisine doit relever des autorités politiques compétentes.

1. Le droit existant : un contrôle de constitutionnalité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale non systématique

En application de l'article 61 de la Constitution, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.

En pratique, en vue de la promulgation des lois avant le début de l'exercice concerné, le Conseil constitutionnel se prononce en urgence, sous le délai de huit jours, prévu au même article.

Contrairement à ce qui est prévu pour les lois organiques, ainsi que pour les règlements des assemblées ou encore les propositions de loi tendant à l'organisation d'un référendum d'initiative partagée selon la procédure prévue par l'article 11 de la Constitution, cette saisine n'est pas obligatoire.

2. Le dispositif proposé : un contrôle obligatoire des lois portant cadre financier pluriannuel ainsi que des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, qui seraient examinées conjointement

Le présent article tend à modifier l'article 61 de la Constitution.

Son 1° prévoit un contrôle obligatoire des lois portant cadre financier pluriannuel que l'article 1er de la présente proposition de loi constitutionnelle vise à créer.

Son 2° prévoit, en premier lieu, que l'ensemble des lois de finances et de financement de la sécurité sociale soient soumises, avant leur promulgation, au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la loi portant cadre financier pluriannuel en vigueur. Ces dispositions incluent donc les lois de finances rectificatives, les lois de finances de fin de gestion et les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale.

En second lieu, il prévoit que le Conseil constitutionnel examine conjointement les lois de finances et de financement de la sécurité sociale de l'année avant le 31 décembre de l'année au cours de laquelle elles ont été adoptées. Cet examen conjoint est également justifié par le souci de faciliter le contrôle de conformité aux lois portant cadre financier pluriannuel, en ce que celles-ci portent des dispositions concernant les finances de l'ensemble des administrations publiques.

Enfin, ses 3° et 4° portent des mesures de coordination.

3. La position de la commission : l'opportunité de saisir le Conseil constitutionnel des textes financiers doit continuer de relever de l'appréciation des autorités politiques compétentes

En cohérence avec sa proposition de ne pas adopter les dispositions instituant des lois portant cadre financier pluriannuel (voir supra), le rapporteur ne peut qu'être défavorable au fait d'instituer un tel contrôle obligatoire par le Conseil constitutionnel de la conformité à ces lois des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Les modalités et la portée d'un tel contrôle sont en effet entourées de nombreuses incertitudes, comme cela a été souligné supra.

Indépendamment de la création de lois portant cadre financier pluriannuel, le fait de soumettre obligatoirement l'ensemble des projets de loi de finances au Conseil constitutionnel ne paraît pas opportun.

Une telle saisine obligatoire est, en l'état du droit, réservée à trois types de textes en raison de leur nature spécifique (loi organique, règlement des assemblées, référendum d'initiative partagée) et non de leur objet, soit au cas d'espèce les finances publiques. Aussi, il appartient aux différentes autorités compétentes pour saisir le Conseil constitutionnelle d'apprécier si la saisine est nécessaire. En pratique, les lois de finances de l'année sont systématiquement déférées au Conseil par une saisine de soixante députés ou soixante sénateurs, compte tenu du caractère éminemment politique du texte.

Comme l'a relevé la direction du budget lors de son audition par le rapporteur, il peut à l'inverse être nécessaire de promulguer rapidement des lois de finances rectificatives en cas de circonstances particulières, comme ce fut le cas lors de la période de crise sanitaire liée à la Covid-19. Au cours de l'année 2020, le Gouvernement a ainsi présenté quatre lois de finances rectificatives, qui ont été examinés avec une grande célérité par le Parlement et ont été adoptées à la suite d'une adoption conforme au stade de la première lecture au Sénat ou d'un accord en commission mixte paritaire. À titre d'exemple, le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 a pu être déposée le 18 mars 2020, adoptée définitivement le 20 mars et promulguée le 23 mars.

Ces textes n'avaient pas fait l'objet de saisine a priori du Conseil constitutionnel, ce qui tend à montrer que le contrôle obligatoire des lois de finances rectificatives irait à l'encontre de textes qui sont susceptibles de faire consensus politiquement, et de devoir être mis en oeuvre rapidement.

De la même façon, il ne paraît pas opportun non plus d'introduire un contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel pour les lois de finances de fin de gestion - la nouvelle catégorie de loi de finances instituées par la loi la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques - qui ne peuvent contenir de mesures fiscales nouvelles et se bornent, pour l'essentiel, à des ajustements de crédits. Ainsi, la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023 a été promulguée moins d'un mois après son dépôt, illustrant la rapidité de l'examen parlementaire. Celui-ci a également été adopté à la suite d'un accord en commission mixte paritaire et n'a fait l'objet d'aucun recours devant le Conseil constitutionnel.

Pour ces raisons, le rapporteur a proposé à la commission de ne pas adopter cet article.

La commission n'a pas adopté l'article 10.

Article 12
Entrée en vigueur des dispositions de la proposition de loi constitutionnelle

Le présent article prévoit que les dispositions portées par la présente proposition de loi constitutionnelle entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois organiques nécessaires à leur application.

Par cohérence avec sa proposition de ne pas adopter les autres articles de cette proposition de loi constitutionnelle, le rapporteur a proposé à la commission de ne pas adopter cet article.

La commission n'a pas adopté l'article 12.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 6 NOVEMBRE 2024

Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi. - En tant que membre de la commission des finances, j'ai été guidée dans mon action par le nécessaire rétablissement des finances publiques. Il m'a paru opportun de modifier notre loi fondamentale pour y parvenir.

Le principal objet de ce texte est d'inscrire dans la Constitution la primauté de la pluriannualité sur l'annualité, en matière budgétaire. Aujourd'hui, l'inverse prévaut et le principe d'annualité a acquis une valeur constitutionnelle, ce qui n'est pas le cas de la pluriannualité. Il s'agit d'un paradoxe puisque la notion d'annualité ne figure pas explicitement dans notre texte fondamental, contrairement à celle de la pluriannualité, présente au travers des références aux lois de programmation.

Pour rétablir les finances publiques de façon durable, il faut inverser ce rapport et graver dans le marbre la primauté de la programmation sur les lois de finances annuelles.

De plus, le droit actuel nous fait courir un risque. En effet, nous ne sommes pas sûrs de pouvoir examiner le budget dans sa globalité, en raison de l'inflation chronique du nombre d'amendements déposés, qui témoignent néanmoins de notre droit le plus souverain. Nous parvenons ainsi à une situation ubuesque, dans laquelle le budget pourrait n'être voté ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat. Le Parlement renoncerait alors à l'une de ses prérogatives essentielles.

J'ai consulté un certain nombre d'experts : des professeurs, comme Philippe Dessertine et Alain Pariente, le président de l'association « finances publiques et économie » (Fipeco), François Écalle, l'économiste et directeur adjoint de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mathieu Plane, ou encore le directeur des études de Rexecode, Olivier Redoules.

Le dispositif proposé n'a rien de fantasque et s'inspire fortement d'un projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat et l'Assemblée nationale en 2011. Pour des raisons politiques et par crainte de ne pas parvenir à réunir la majorité qualifiée, le processus d'adoption n'a pas abouti.

La réforme proposée entre en résonnance avec le modèle européen du cadre financier pluriannuel. Ce cadre fonctionne bien et permet aux contributeurs de l'Union européenne (UE) d'avoir une meilleure visibilité, tout en préservant leur marge d'action en cas de crise. De la même façon, les parlementaires conserveraient une marge de manoeuvre, qu'il serait possible d'utiliser en cas de consensus politique.

Par ailleurs, cette proposition de loi constitutionnelle vise à renforcer le rôle du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), afin d'éviter les erreurs de prévision, qui peuvent conduire à de graves dérapages.

Ce renforcement ne remet pas en cause le rôle du Conseil constitutionnel, qui contrôle la constitutionnalité des lois de finances. Cependant, son avis serait éclairé par le HCFP.

Enfin, ce texte provoque de nombreuses réactions positives, venant de personnes de tous horizons, notamment de jeunes. Nous sommes confrontés à un problème systémique et ne maîtrisons pas les finances publiques. Il serait positif que le Sénat s'empare de cette question.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Cette proposition de loi constitutionnelle pose une question essentielle : la révision constitutionnelle est-elle un outil adéquat pour mener l'indispensable redressement de nos finances publiques ? Il s'agit d'un sujet hautement politique, sensible et actuel.

On ne peut que s'alarmer avec l'auteur du texte de la dégradation de nos finances publiques, qu'illustrent ces deux chiffres : un déficit public estimé à 6,1 % du PIB et une dette cumulée qui s'élève à 113 % du PIB à la fin de l'année 2024.

Cette situation résulte d'abord d'un échec politique, qui découle de l'absence de volonté de prendre des mesures fortes en la matière. Cependant, il s'agit aussi d'un échec juridique et normatif.

Ce texte s'inspire d'un projet de loi constitutionnelle de 2011, déposé dans un contexte de crise de la dette souveraine dans la zone euro. Ce texte n'a finalement jamais été soumis au référendum ni au Congrès et une décision du Conseil constitutionnel, selon laquelle il n'était pas nécessaire de modifier la Constitution pour transposer les exigences européennes a temporairement clôt ce débat. Face à la situation dégradée que nous connaissons, il est légitime de nous interroger à nouveau sur la pertinence d'une modification de notre loi fondamentale pour atteindre notre objectif.

Dans le cadre de sa mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, la commission des finances du Sénat a récemment formulé 15 recommandations, dont aucune ne porte sur le cadre constitutionnel. Celles-ci s'articulent autour de trois axes : améliorer les prévisions, notamment en matière de recettes ; renforcer la transparence des données utilisées ; et garantir l'information ainsi que le rôle du Parlement dans le vote du budget et dans le contrôle de l'exécution budgétaire.

La proposition de loi constitutionnelle poursuit trois objectifs. D'abord, il s'agit de créer une nouvelle catégorie de lois, portant cadre financier pluriannuel, qui se substitueraient aux lois de programmation des finances publiques (LPFP), mais qui, à la différence de ces dernières, s'imposeraient aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Le deuxième objectif consiste à établir un monopole des lois de finances sur les mesures liées aux dispositions fiscales. Enfin, le texte vise à constitutionnaliser le HCFP, dont les prérogatives seraient également élargies.

En ce qui concerne le premier objectif, les lois-cadres porteraient sur la durée de la législature et comprendraient : des plafonds pour les charges des administrations publiques, une trajectoire des prélèvements obligatoires, des objectifs de solde public et une stratégie d'investissement public.

Premièrement, la terminologie employée est éclairante puisqu'elle reprend la notion de cadre financier pluriannuel utilisée pour le budget de l'Union européenne, qui doit respecter des plafonds fixés pour une période de sept ans. Cependant, cette comparaison avec le droit européen doit être maniée avec la plus grande prudence, l'Union européenne n'étant pas un État souverain et ne jouant pas un rôle majeur dans le fonctionnement des services publics.

Deuxièmement, ce texte induit une profonde remise en cause du principe de l'annualité budgétaire, qui constitue un grand acquis du parlementarisme, consacré par notre ordre juridique constitutionnel depuis la Constitution de 1791. Ce principe permet le consentement à l'impôt et l'exercice d'un contrôle de la dépense de manière régulière. Y revenir entraînerait une remise en cause de la garantie des droits budgétaires du Parlement.

Troisièmement, ces lois-cadres pluriannuelles pourraient être adoptées en ayant recours au « 49.3 ». Comment imaginer une situation dans laquelle le budget de l'État pourrait être fixé pour une durée de cinq ans sans avoir été voté par l'Assemblée nationale ?

De surcroît, la procédure proposée pour modifier les lois-cadres se veut très rigide. La réunion du Parlement en congrès et une majorité qualifiée des trois cinquièmes seraient nécessaires pour les réviser, ce qui entraîne une rupture du parallélisme des formes. De plus, d'un point de vue philosophique, la majorité des trois cinquièmes est en principe destinée à imposer des exigences dont la portée excède des engagements partisans. Or le budget est par essence un acte purement politique.

Quatrièmement, le texte comporte des risques de remise en cause de la libre administration et de l'autonomie financière des collectivités territoriales. En effet, les lois-cadres comporteraient des dispositions relatives à la trajectoire des prélèvements obligatoires, qui incluent les impôts locaux, et à la stratégie d'investissement public, portée à plus de 50 % par les collectivités. Cet instrument pourrait donc être utilisé par le Gouvernement pour contraindre davantage les finances des collectivités.

Cinquièmement, le fait de graver dans le marbre constitutionnel des critères de finances publiques pourrait engendrer des risques de contradiction avec le cadre européen. Ce dernier s'est avéré évolutif, quand notre loi fondamentale a vocation à rester stable. Ainsi, à chaque évolution du cadre européen, il nous faudrait voter une révision constitutionnelle.

À titre d'exemple, depuis que le pacte de stabilité et de croissance (PSC) de l'Union européenne a été modifié en avril 2024, le cadre européen n'est plus centré sur le déficit structurel, mais sur la croissance des dépenses publiques nettes. Or ce critère ne figure pas dans le dispositif de la proposition de loi constitutionnelle. Il faudrait plutôt prévoir d'introduire les critères au niveau organique, et le débat sur la définition des indicateurs pertinents aurait vocation à relever de la commission des finances plutôt que de notre commission.

Sixièmement, le fait de donner une portée contraignante à une norme de déficit ou à tout autre critère intégrant des prévisions de recettes peut être problématique. En effet, le Conseil constitutionnel pourrait-il censurer une loi de finances sur la seule base d'un indicateur prévisionnel ?

De même, les indicateurs de déficit ou de dépenses publiques globales posent un problème de périmètre. Le Conseil constitutionnel pourrait-il censurer une loi de finances qui porte sur le fonctionnement de l'État, sur la base d'un indicateur relatif à l'ensemble des administrations publiques ? Le seul critère qui pourrait être utilisé de manière fiable serait le plafonnement des crédits budgétaires de l'État. Néanmoins, un problème de nature politique se pose alors : peut-on figer dans la Constitution une certaine conception de la consolidation des finances publiques, exclusivement centrée sur la réduction des dépenses publiques ? Je ne le pense pas.

Pour conclure sur ce point, quels que soient les critères retenus, le Conseil constitutionnel serait placé dans une position inhabituelle, devenant juge financier, ce qui ne me semble pas souhaitable pour l'équilibre de nos institutions.

Septièmement, l'importante rigidité de la loi-cadre pourrait s'avérer préjudiciable à la conduite de la politique budgétaire, à plus forte raison dans un contexte économique et financier incertain. La crise de la Covid-19 a montré la nécessité de conserver souplesse et réactivité.

Enfin, il faut replacer cette proposition de loi constitutionnelle dans son contexte. Le cadre financier européen a été suspendu pendant la crise sanitaire, en raison des efforts budgétaires légitimes qu'il a fallu fournir. Il est désormais rétabli et, depuis juillet dernier, la France compte parmi les sept pays qui sont sous le coup d'une procédure pour déficit excessif. Le respect des règles européennes ne nécessite pas de révision constitutionnelle et peut entraîner, tout au plus, un réajustement au niveau organique.

J'en viens au deuxième objectif de la proposition de loi constitutionnelle : l'institution d'un monopole des lois de finances pour les dispositions fiscales, qui relèvent aujourd'hui du domaine partagé.

Le fait de circonscrire les mesures fiscales dans la loi de finances peut paraître pertinent d'un point de vue doctrinal, car il garantit la cohérence de la politique budgétaire. Cependant, cette doctrine est déjà largement respectée et l'on ne compte, chaque année, que deux à trois mesures fiscales adoptées en dehors des textes financiers. Laisser au législateur une certaine souplesse peut s'avérer utile. Cette proposition porte atteinte de façon importante à l'initiative parlementaire, déjà fortement contrainte par l'article 40 de la Constitution.

J'en viens au dernier objectif : la constitutionnalisation du HCFP et l'élargissement de ses prérogatives.

Crée en 2013, le HCFP a démontré son utilité, mais une telle évolution ne paraît pas nécessaire. Le Haut Conseil a été consacré par la loi organique et il émane de la Cour des comptes, qui a déjà un statut institutionnel. Concernant l'élargissement de ses prérogatives, le HCFP n'en a pas les moyens financiers et budgétaires. De plus, un risque de doublon existe puisque le ministère de l'économie et des finances ne renoncera probablement pas à ses capacités de prévision. Le Haut Conseil a démontré son utilité dans son rôle actuel, qui consiste à analyser et parfois à contester ou à pointer les zones d'ombre dans les prévisions gouvernementales.

Je propose donc de ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle et j'ajouterai deux arguments complémentaires.

D'abord, le redressement des finances publiques est avant tout une question de prise de conscience politique et de volonté ; gardons-nous donc de donner au droit constitutionnel un rôle qu'il ne peut ni ne doit assumer.

Enfin, cette proposition de loi, si elle était votée dans des termes identiques par les deux chambres, devrait obligatoirement être soumise au référendum pour être adoptée. Voulons-nous saisir les citoyens de ce texte très technique, qui sanctionne une forme d'échec du politique sur la question budgétaire ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Le rapporteur, avec qui j'ai travaillé en parfaite coopération au cours des auditions, a fort bien rendu compte de notre analyse partagée de ce texte. Si je salue l'initiative de notre collègue Vanina Paoli-Gagin dans le cadre de cette proposition de loi constitutionnelle en ce qu'elle évoque des objectifs qui peuvent faire l'objet d'un large consensus, je ne pense pas que les réponses apportées soient adéquates face à la dégradation des finances publiques.

J'ai présenté hier mon rapport à la commission des finances en reprenant les arguments qui ont été développés par Stéphane Le Rudulier : nous avons proposé un avis de rejet du texte, notamment au regard de la perte de pouvoir du Parlement et de la remise en cause du consentement à l'impôt qu'il porte.

En conclusion, je rappelle que le paysage a bien changé depuis l'initiative de 2011. En 2012, le traité sur la stabilité, la coordination et gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), ensuite traduit par le biais d'une loi organique nationale, a en effet profondément fait évoluer le cadre de nos réflexions. S'il est possible que des ajustements organiques soient encore nécessaires, il ne nous semble pas que l'outil proposé ici soit approprié.

M. Jérôme Durain. - Je m'inscris dans le droit fil des propos précédents, notre groupe estimant que cette proposition de loi constitutionnelle n'est pas adaptée à la situation. Il est surprenant de vouloir modifier la Constitution parce que nous avons des difficultés budgétaires. Pour notre part, nous entendons privilégier des choix politiques et des arbitrages budgétaires à la recherche de réponses institutionnelles.

Le caractère obligatoire des lois portant cadre financier pluriannuel et le monopole en matière fiscale paraissent alourdir et rigidifier des situations dans lesquels il serait préférable de disposer de souplesse et de réactivité. Il nous semble nécessaire, à l'inverse, de conforter une forme de liberté d'action et d'invention pour le Parlement. Telles qu'elles sont envisagées, les conditions d'édiction et de modification des lois pluriannuelles formeraient un carcan insupportable.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Nous partageons en effet la même appréciation.

EXAMEN DES ARTICLES 

Article 1er

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 5

L'article 5 n'est pas adopté.

Article 6

L'article 6 n'est pas adopté.

Article 7

L'article 7 n'est pas adopté.

Article 8

L'article 8 n'est pas adopté.

Article 9

L'article 9 n'est pas adopté.

Article 10

L'article 10 n'est pas adopté.

Article 11

L'article 11 n'est pas adopté.

Article 12

L'article 12 n'est pas adopté.

La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi constitutionnelle déposée sur le Bureau du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTION ÉCRITE

Mme Vanina Paoli-Gagin, sénateur de l'Aube, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.

Haut Conseil des finances publiques

M. Emmanuel Giannesini, membre du Haut Conseil et président de la première section de a première chambre de la Cour des comptes

M. Éric Dubois, rapporteur général du Haut Conseil des finances publiques

Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale de la Cour des comptes

Direction du Budget

Mme Mélanie Joder, directrice

M. Thibaut Roulon, chef du bureau de la politique budgétaire

Direction générale du Trésor

M. Stéphane Sorbe, chef du service des Finances publiques et des Politiques sociales

M. Clovis Kerdrain, sous-directeur Finances publiques

Table ronde de professeurs de droit

M. Aurélien Baudu, professeur de droit public, président de la Section de droit public financier de la Société de législation comparée

M. Xavier Cabannes, professeur de droit public à l'Université de Paris

M. Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'université de Lille et membre de l'Institut universitaire de France, spécialiste de droit constitutionnel (en visioconférence)

M. Pierre Boyer, professeur d'économie à l'École polytechnique-CREST, directeur adjoint de l'Institut des politiques publiques

Contribution écrite

M. Manuel Tirard, maître de conférences HDR en droit public à l'Université Paris Nanterre

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-783.html


* 1 Articles 123 à 125 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 2 Règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2024 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) n0 1466/97 du Conseil ; Règlement (UE) n° 2024/1264 du Conseil du 29 avril 2024 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs  ; Directive (UE) n° 2024/1265 du Conseil modifiant la directive 2011/85/UE sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

* 3 Article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales.

* 4 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 5 Article L.O. 111-3-7 du code de la sécurité sociale.

* 6 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001.

* 7 Articles L.O. 111-3 et suivants du code de la sécurité sociale.

* 8 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.

* 9 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 10 L'article 62 de la LOLF précise qu'un écart est considéré comme important lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives.

* 11 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012.

* 12 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-847 DC du 29 décembre 2022.

* 13 « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », Rapport au Premier ministre du groupe de travail présidé par Michel Cambdessus, 25 juin 2010.

* 14 Source : Rapport sur la situation des finances publiques locales annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 15 Source : Rapport sur la situation des finances publiques locales annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 16 Rapport n° 471 (2022-2023) de Mme Agnès Canayer, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 29 mars 2023.

* 17 Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979.

* 18  Avis n° 591 (2010-2011) de MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 8 juin 2011.

* 19 Cour constitutionnelle allemande, 2 BvF 1/22, Zweites Nachtragshaushaltsgesetz 2021- arrêt du 15 novembre 2023

* 20 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012.

* 21 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 22  « Dégradation des finances publiques : entre pari et déni », Rapport d'information n° 685 (2023-2024), fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 12 juin 2024.

* 23 Décision (UE) 2024/2122 du Conseil du 26 juillet 2024 sur l'existence d'un déficit excessif en France.

* 24 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 25 À compter de l'exercice 2023, en application de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, les projets de lois de règlement sont renommés projets de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes.

* 26 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 27 Article 4 de la loi n° 2021-1577 du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques.

* 28 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012.

* 29 Haut Conseil des finances publiques, « Les prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement et leur réalisation », Note d'étude n° 2024-2, septembre 2024.

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