- L'ESSENTIEL
- A. L'HISTOIRE DE L'OIT
- B. LE FONCTIONNEMENT DE L'OIT
- C. LA CONSTRUCTION ET LA PROCLAMATION D'UN BLOC DE
« PRINCIPES ET DE DROITS FONDAMENTAUX AU TRAVAIL » PAR LE CONSEIL
D'ADMINISTRATION DU BIT
- II. L'ÉTAT DES DROITS ET DE LA PROTECTION
DES TRAVAILLEURS EN FRANCE
- III. LES APPORTS DE LA CONVENTION N° 155
À CE CADRE JURIDIQUE, JUSTIFIANT SA RATIFICATION
- A. LA FRANCE DOIT RATIFIER CETTE CONVENTION POUR
CONTINUER À SE PRÉSENTER COMME UNE RÉFÉRENCE
MONDIALE EN MATIÈRE DE PROTECTION DES TRAVAILLEURS
- B. LA CONVENTION N° 155 MET EN PLACE UN SOCLE
NORMATIF FONDAMENTAL POUR LE TRAVAIL DÉCENT ET COMPLÈTE OU
RENFORCE CERTAINES DISPOSITIONS DU CADRE JURIDIQUE FRANÇAIS.
- A. LA FRANCE DOIT RATIFIER CETTE CONVENTION POUR
CONTINUER À SE PRÉSENTER COMME UNE RÉFÉRENCE
MONDIALE EN MATIÈRE DE PROTECTION DES TRAVAILLEURS
- A. L'HISTOIRE DE L'OIT
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 286
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 janvier 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées (1)
sur le projet de loi autorisant la ratification
de la convention
n° 155 sur la
sécurité et la
santé des
travailleurs,
1981
(procédure
accélérée),
Par M. Bruno SIDO,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Joël Guerriau, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.
Voir les numéros :
Sénat : |
688 (2023-2024) et 287 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Le projet de loi concerne la ratification de la convention n° 155 de l'Organisation internationale du Travail (OIT), adoptée en 1981, et récemment reconnue comme l'une des conventions fondamentales par cette organisation. Elle porte sur un enjeu essentiel : la sécurité et la santé des travailleurs.
Si la France bénéficie d'un cadre législatif avancé en matière de santé et de sécurité au travail, cette convention consolide nos dispositifs nationaux en les intégrant dans une perspective internationale
A ce jour, 82 États ont ratifié la convention, dont 18 membres de l'Union européenne. Il suffisait de deux ratifications pour qu'elle entre en vigueur. C'est donc chose faite. Pour la France, elle entrera en vigueur 12 mois après l'enregistrement de sa ratification auprès de l'OIT.
I. L'ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL, UNE INSTITUTION DOTÉE D'UNE STRUCTURE SINGULIÈRE QUI A ÉTABLI UN CADRE MONDIAL POUR RENFORCER LA PROTECTION DES TRAVAILLEURS
A. L'HISTOIRE DE L'OIT
L'Organisation internationale du Travail (OIT) a vu le jour en 1919 dans le cadre du Traité de Versailles, qui marqua la fin de la Première Guerre mondiale. Ce contexte historique conférait à sa création une portée particulièrement symbolique : il s'agissait de promouvoir une paix durable fondée sur la justice sociale. Les concepteurs de l'OIT étaient animés par le principe que le progrès social et économique, notamment le traitement équitable des travailleurs, constituait une condition essentielle à la stabilité internationale. Ainsi, l'OIT a été fondée pour élaborer des normes internationales du travail et promouvoir un environnement où les droits des travailleurs sont respectés.
Au fil des décennies, l'OIT a consolidé sa position comme acteur clé de la régulation internationale du travail. En 1946, elle est devenue la première agence spécialisée des Nations Unies, un statut qui a renforcé son rôle et son influence à l'échelle mondiale. À ce jour, l'OIT compte 187 États membres, ce qui témoigne de son universalité et de son ambition de promouvoir des conditions de travail décentes dans tous les pays. Les missions de l'OIT ont évolué au fil du temps pour répondre aux défis modernes du monde du travail, tout en restant fidèles à son objectif initial : garantir que le progrès économique soit accompagné par des avancées sociales.
B. LE FONCTIONNEMENT DE L'OIT
L'OIT est unique parmi les institutions internationales en raison de sa structure tripartite, qui rassemble à parts égales des représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés. Cette configuration permet de refléter une diversité de points de vue et d'assurer que les décisions prises intègrent les réalités du terrain. Les politiques et les programmes élaborés par l'OIT visent à promouvoir les droits au travail, encourager la création d'emplois décents, renforcer la protection sociale et développer le dialogue social. Ces objectifs constituent le coeur de la mission de l'organisation.
Parmi ses organes clés, la Conférence internationale du Travail, souvent comparée à un parlement international du travail, joue un rôle central. Se tenant chaque année en juin à Genève, cette conférence réunit des délégués des États membres pour élaborer et adopter des normes internationales du travail. C'est également lors de ces sessions que sont adoptées des résolutions orientant la politique générale de l'OIT. Les normes internationales du travail élaborées par la conférence couvrent un large éventail de sujets, de la sécurité au travail à l'égalité de rémunération, en passant par la lutte contre le travail des enfants. La convention n° 155, adoptée en 1981, qui met l'accent sur la sécurité et la santé des travailleurs, a été adoptée lors de la soixante-septième session de ladite Conférence.
En parallèle, le fonctionnement quotidien de l'OIT repose sur le Bureau international du Travail (BIT), qui agit comme son secrétariat. Cet organe exécute les décisions prises par les États membres, coordonne les activités et fournit une expertise technique.
Ainsi, grâce à sa structure tripartite et ses mécanismes bien établis, l'OIT continue de jouer un rôle indispensable dans la promotion de normes universelles pour un travail décent et équitable.
C. LA CONSTRUCTION ET LA PROCLAMATION D'UN BLOC DE « PRINCIPES ET DE DROITS FONDAMENTAUX AU TRAVAIL » PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DU BIT
Au fil des décennies, le Conseil d'administration du BIT a progressivement construit un cadre cohérent de principes et de droits fondamentaux du travail. Ce processus a permis de définir un socle universel de normes visant à garantir le respect des droits humains dans le monde du travail. La France, membre actif de ce Conseil, a contribué à cette démarche, qui s'est traduite par la reconnaissance de huit conventions fondamentales initiales. Ces conventions traitent de thèmes jugés essentiels pour la dignité et les droits des travailleurs : la liberté syndicale, la négociation collective, l'élimination du travail forcé, la lutte contre le travail des enfants et la discrimination.
Les conventions fondamentales de l'OIT possèdent une valeur juridique particulière au sein du droit international. En vertu de la Déclaration de 1998 de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, même les États membres qui n'ont pas ratifié ces conventions s'engagent à respecter les principes qu'elles énoncent. Cette obligation découle de leur appartenance à l'OIT et de leur adhésion aux objectifs constitutionnels de l'organisation. Par conséquent, ces principes fondamentaux constituent des normes minimales universelles, qui transcendent les ratifications nationales.
De plus, les conventions ratifiées acquièrent un caractère contraignant pour les États membres concernés, les engageant à adapter leurs législations nationales pour les mettre en conformité avec ces normes. Les mécanismes de contrôle de l'OIT, tels que les rapports réguliers des États, le Comité d'experts et les procédures de plaintes, assurent un suivi rigoureux de l'application de ces conventions. Par ailleurs, leur caractère fondamental renforce leur impact au niveau des juridictions nationales et internationales, où elles peuvent être invoquées comme référence pour protéger les droits des travailleurs.
Au fil du temps, ce bloc normatif a été enrichi pour répondre aux défis émergents. L'adoption du Protocole de 2014 relatif à la convention n°29 sur le travail forcé a marqué une avancée majeure, ajoutant une dimension contemporaine à la lutte contre les formes modernes d'exploitation. Avec ce Protocole, l'OIT a non seulement réaffirmé l'importance de l'élimination du travail forcé, mais a également renforcé les obligations des États membres en matière de prévention, de protection et d'accès à des réparations pour les victimes. Ce texte est devenu le neuvième instrument fondamental de l'OIT.
En juin 2022, lors de la 110e session de la Conférence internationale du Travail, une nouvelle avancée a été réalisée avec l'adoption d'une résolution intégrant la sécurité et la santé au travail dans le cadre des principes fondamentaux. Cette résolution a reconnu deux nouvelles conventions comme fondamentales : la convention n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs (1981) et la convention n°187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (2006). Ces textes élargissent le champ des droits fondamentaux en les adaptant aux enjeux liés à la santé et à la sécurité au travail, consolidant ainsi la notion d'un travail décent.
II. L'ÉTAT DES DROITS ET DE LA PROTECTION DES TRAVAILLEURS EN FRANCE
A. LES FONDATIONS LÉGALES DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL EN FRANCE
La France dispose d'un cadre législatif robuste et structuré pour protéger les travailleurs en matière de santé et de sécurité au travail. Ce cadre repose principalement sur le Code du travail, qui constitue la référence légale et réglementaire en la matière. Les obligations principales qui incombent aux employeurs, aux travailleurs, et aux différentes parties prenantes y sont précisées.
Au centre de ce dispositif, l'article L. 4121-1 du Code du travail impose aux employeurs une obligation générale de sécurité. Ils doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de leurs employés. Ces mesures incluent la prévention des risques professionnels, l'information et la formation des travailleurs, ainsi que l'adaptation des conditions de travail aux évolutions technologiques et organisationnelles. Les travailleurs, de leur côté, ont une obligation de vigilance, selon l'article L. 4122-1. Ils doivent veiller à leur propre santé et sécurité ainsi qu'à celles des autres, notamment en respectant les consignes de sécurité données par l'employeur.
Ce cadre légal est complété par des outils pratiques, tels que les évaluations des risques professionnels formalisées dans un Document unique d'évaluation des risques (DUER). Celui-ci doit être mis à jour régulièrement pour intégrer les nouvelles menaces ou les évolutions des postes de travail.
B. LES ACTEURS ET MÉCANISMES DE GOUVERNANCE
La gouvernance de la santé et de la sécurité au travail en France repose sur une interaction entre plusieurs niveaux d'acteurs. Au niveau national, des entités comme la Direction générale du travail (DGT) et des organismes spécialisés tels que l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) ou l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) jouent un rôle clé dans l'élaboration et le déploiement des politiques. Au niveau régional, les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ont pour mission d'adapter les stratégies nationales aux réalités locales. Elles animent également les comités régionaux d'orientation des conditions de travail (CROCT), qui regroupent les représentants des employeurs, des syndicats, et des institutions publiques.
Enfin, les services de prévention et de santé au travail (SPST), régis par la quatrième partie du Code du travail, jouent un rôle crucial. Ils sont chargés de prévenir toute altération de la santé des travailleurs et d'accompagner les employeurs dans leurs démarches de prévention. Ils fournissent des conseils, assurent des visites médicales, et suivent la santé des employés tout au long de leur carrière. Ces services sont particulièrement importants pour les petites et moyennes entreprises (PME), souvent dépourvues de ressources internes pour gérer les risques. L'obligation pour les employeurs d'adhérer à un SPST garantit un socle minimum de protection, même dans les entreprises de taille modeste.
C. LES INSTRUMENTS ET INITIATIVES POUR RENFORCER LA PROTECTION
Depuis 2004, la France adopte des Plans nationaux de santé au travail (PST) tous les cinq ans. Ces plans fixent les grandes orientations stratégiques en matière de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail. Le PST4 (2021-2025), par exemple, met l'accent sur la prévention des accidents graves et mortels, la lutte contre les risques psychosociaux, et l'intégration des défis climatiques et numériques. Le PST4 favorise également la coordination entre les différents acteurs, comme les DREETS, les SPST et les entreprises. L'objectif est de diffuser des ressources et des outils de prévention adaptés aux besoins spécifiques des territoires et des secteurs d'activité.
Par ailleurs, le cadre législatif français s'efforce de s'adapter aux risques émergents, tels que les impacts du changement climatique ou les nouvelles technologies. L'article L. 4644-1 du Code du travail oblige les employeurs à anticiper ces risques, notamment à travers la formation de salariés compétents en prévention. Des mesures spécifiques ont également été adoptées pour les territoires ultramarins, souvent exposés à des catastrophes naturelles. Par exemple, les employeurs doivent y former leurs employés à la prévention des risques naturels majeurs, conformément à l'article L. 4823-1 du Code du travail.
Le droit de retrait, inscrit dans les articles L. 4131-1 à L. 4131-4 du Code du travail, permet aux salariés de cesser leur activité en cas de danger grave et imminent. Ce droit est cependant aménagé dans certains secteurs spécifiques, tels que la navigation maritime, l'aviation civile, ou les forces armées. Dans ces secteurs, des mécanismes alternatifs de protection sont mis en place pour garantir la sécurité des travailleurs tout en tenant compte des contraintes opérationnelles. Par exemple, dans le secteur maritime, le droit de retrait peut être suspendu temporairement pour des raisons de sécurité immédiate, mais cette suspension est strictement encadrée et documentée.
La France mise sur une forte implication des partenaires sociaux pour améliorer la santé et la sécurité au travail. Les comités sociaux et économiques (CSE), obligatoires dans les entreprises de plus de 11 salariés, jouent un rôle central. Ils participent à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de prévention, à l'évaluation des risques et à l'amélioration des conditions de travail. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, les CSE disposent de moyens renforcés, notamment la possibilité de recourir à des experts externes et de constituer des commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT).
Malgré ce cadre législatif avancé, des défis subsistent pour garantir une protection équitable à tous les travailleurs. Les PME et les secteurs informels, où les ressources et les moyens d'organisation sont souvent limités, nécessitent une attention particulière. Par ailleurs, les changements rapides liés à la digitalisation, à la transition écologique, et aux crises globales comme la pandémie de COVID-19, imposent une révision constante des outils de prévention. La France a démontré sa capacité à s'adapter, notamment avec le PST4, mais la mise en oeuvre de ces politiques reste un enjeu crucial pour garantir leur efficacité.
Enfin, l'intégration des principes de santé et de sécurité au travail dans les politiques européennes et internationales constitue une opportunité pour renforcer les protections nationales. La participation active de la France à l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) et son engagement dans les négociations de nouvelles directives illustrent sa volonté de jouer un rôle de premier plan dans ce domaine.
III. LES APPORTS DE LA CONVENTION N° 155 À CE CADRE JURIDIQUE, JUSTIFIANT SA RATIFICATION
A. LA FRANCE DOIT RATIFIER CETTE CONVENTION POUR CONTINUER À SE PRÉSENTER COMME UNE RÉFÉRENCE MONDIALE EN MATIÈRE DE PROTECTION DES TRAVAILLEURS
La convention n° 155 de l'OIT constitue une référence fondamentale en matière de santé et de sécurité au travail. Elle établit un cadre général pour prévenir les risques professionnels et garantir des conditions de travail sûres et salubres, en engageant les États membres à élaborer des politiques nationales cohérentes et inclusives. En 2022, la reconnaissance de cette convention comme fondamentale par l'OIT a renforcé son statut juridique et symbolique, confirmant que la santé et la sécurité au travail sont des droits humains universels.
La ratification de cette convention par la France, qui s'inscrit dans une tradition de respect des normes internationales, représente une avancée significative pour la protection des travailleurs. Bien que la législation française soit déjà avancée, l'intégration de la convention n° 155 apporte une valeur ajoutée indéniable. Elle renforce les cadres existants, répond aux défis émergents et inscrit la politique française dans une perspective internationale.
Ainsi, la France, membre permanent du Conseil d'administration de l'OIT, est le deuxième État ayant ratifié le plus grand nombre de conventions de l'organisation. Ce rôle actif témoigne de son engagement en faveur des droits fondamentaux au travail. La ratification de la convention n° 155 s'inscrit dans cette dynamique et renforce son positionnement en tant que pays leader dans la promotion du travail décent. En intégrant cette convention, la France adopte une posture de cohérence par rapport à sa participation aux initiatives internationales. L'inclusion de la santé et de la sécurité au travail comme principe fondamental de l'OIT en 2022, en réponse à des crises majeures telles que la catastrophe du Rana Plaza et la pandémie de COVID-19, a réaffirmé l'urgence de garantir ces droits dans un monde du travail en constante mutation.
Enfin, la ratification de la convention n° 155 permet à la France de s'aligner sur les priorités de l'Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail. Le cadre stratégique européen 2021-2027 met l'accent sur les risques psychosociaux, la santé mentale et les impacts des transitions écologiques et numériques sur le travail. En intégrant ces préoccupations, la convention n° 155 offre une base solide pour renforcer les politiques nationales et européennes.
B. LA CONVENTION N° 155 MET EN PLACE UN SOCLE NORMATIF FONDAMENTAL POUR LE TRAVAIL DÉCENT ET COMPLÈTE OU RENFORCE CERTAINES DISPOSITIONS DU CADRE JURIDIQUE FRANÇAIS.
La convention n° 155 constitue une réponse globale aux besoins de protection des travailleurs face aux risques professionnels. Elle se distingue par son approche systémique, exigeant des États membres qu'ils adoptent une politique nationale de santé et de sécurité au travail (SST) fondée sur la consultation tripartite. L'objectif principal de la convention est de garantir un environnement de travail sûr et salubre, tout en promouvant une culture de prévention. Elle établit également des responsabilités claires pour les employeurs et les travailleurs, tout en engageant les États à évaluer régulièrement leurs politiques pour s'adapter aux nouveaux défis.
En France, ces principes trouvent un écho dans le Code du travail, qui impose aux employeurs une obligation générale de sécurité (article L. 4121-1). Cependant, la convention n° 155 va plus loin en offrant un cadre international pour harmoniser les pratiques et renforcer les droits des travailleurs face à des risques souvent complexes ou mal pris en compte.
L'un des principaux apports de la convention n° 155 réside dans son exigence de coordonner les actions des différents acteurs impliqués dans la santé et la sécurité au travail. En France, ces responsabilités sont partagées entre plusieurs entités, notamment les DREETS, les CROCT, et les SPST. Le PST4 pour 2021-2025 a déjà amorcé une harmonisation de ces initiatives. Cependant, la convention n° 155 renforce cette dynamique en exigeant une articulation plus fluide entre les politiques régionales, nationales et européennes, tout en fixant des objectifs clairs pour une évaluation régulière des résultats.
La convention n° 155 met aussi un accent particulier sur la prévention des risques professionnels. Elle exige des États membres qu'ils adoptent des mesures pour évaluer et éliminer les risques à la source. En France, le Code du travail prévoit des dispositions similaires, mais leur mise en oeuvre reste hétérogène, notamment dans les PME. La convention contribue à uniformiser ces pratiques, en intégrant la prévention dans une approche systématique et participative. Elle encourage le développement d'une culture de prévention, en impliquant directement les travailleurs dans l'identification des risques et la mise en oeuvre des mesures.
En outre, les exigences de la convention n° 155 en matière de gestion des risques émergents sont particulièrement pertinentes dans le contexte actuel. La pandémie de COVID-19 a mis en lumière l'importance de politiques flexibles et réactives pour protéger les travailleurs face à des crises inattendues. En France, le PST4 inclut déjà des mesures pour répondre à des enjeux tels que les impacts du changement climatique sur la santé au travail ou les crises environnementales. La convention n° 155 offre un cadre international pour renforcer ces initiatives et garantir une anticipation efficace des défis futurs.
Enfin, la convention n° 155 établit des principes universels pour garantir la sécurité de tous les travailleurs, tout en permettant des exclusions spécifiques pour certains secteurs. En France, ces exclusions concernent notamment les personnels militaires, les marins, et certains agents publics, mais elles sont compensées par des mécanismes alternatifs. Dans le secteur maritime, par exemple, le droit de retrait est limité en raison des exigences de sécurité liées à la navigation. Cependant, des garanties strictes, comme la traçabilité des suspensions du droit de retrait et des protocoles adaptés, assurent une protection équivalente. Pour se conformer pleinement aux exigences de la convention, la France devra probablement renforcer les garanties existantes pour les marins, les personnels militaires et les agents publics.
CONCLUSION
Après un examen attentif des dispositions de cet accord, la commission a adopté ce projet de loi n° 688 (2023-2024) autorisant la ratification de la convention n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs de 1981, dont le Sénat est saisi en premier.
Pour la France, la ratification de la convention n° 155 représente un engagement fort en faveur des droits fondamentaux au travail. Elle traduit une volonté politique de promouvoir un environnement de travail sûr et équitable, tout en affirmant son leadership sur la scène internationale. La convention n° 155 renforce les dispositifs existants en France, en introduisant des exigences supplémentaires en matière de prévention, de coordination, et de gestion des risques. Elle offre également un cadre pour mieux protéger les travailleurs dans les PME et les secteurs informels, où les ressources en matière de SST sont souvent limitées. En ratifiant la convention, la France s'aligne sur les standards les plus avancés en matière de santé et de sécurité au travail. Elle contribue également à l'universalisation des droits fondamentaux, en consolidant un socle commun de protections pour tous les travailleurs, quels que soient leur secteur ou leur statut.
L'examen en séance publique aura lieu le jeudi 13 février 2025.
EXAMEN EN COMMISSION
M. Cédric Perrin, président. - Nous passons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.
M. Bruno Sido, rapporteur. - Le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui concerne la ratification de la convention n° 155 de l'Organisation internationale du travail (OIT), adoptée en 1981, et récemment reconnue comme l'une des conventions fondamentales par cette organisation. Elle porte sur un enjeu essentiel : la sécurité et la santé des travailleurs.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler brièvement l'histoire et le rôle de l'OIT. Cette institution, créée en 1919 dans le cadre du traité de Versailles et unique par sa structure tripartite, réunissant gouvernements, employeurs et travailleurs, poursuit depuis plus d'un siècle une mission fondamentale : garantir un travail décent pour tous. La France, en tant que membre actif, a toujours soutenu les objectifs de l'OIT et ratifié un grand nombre de ses conventions. Cette tradition d'engagement témoigne de notre attachement aux principes universels de justice sociale et de progrès économique équilibré.
La convention n° 155, quant à elle, établit un cadre général pour promouvoir des conditions de travail sûres et salubres. Elle engage les États membres à adopter des politiques nationales cohérentes et inclusives en matière de santé et de sécurité au travail. En juin 2022, cette convention a été élevée au rang de texte fondamental par l'OIT, marquant une reconnaissance internationale de l'importance des enjeux qu'elle couvre.
En France, nous bénéficions d'un cadre législatif avancé en matière de santé et de sécurité au travail. Le code du travail impose aux employeurs une obligation générale de sécurité et des structures telles que les services de prévention et de santé au travail interentreprises jouent un rôle clé dans la protection des travailleurs.
Toutefois, malgré ces avancées, la ratification de la convention n° 155 représente une étape importante pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, elle consolide nos dispositifs nationaux en les intégrant dans une perspective internationale. En harmonisant nos pratiques avec celles des autres États membres de l'OIT, cette ratification renforce notre capacité à relever des défis communs, tels que les risques psychosociaux, les impacts des transitions numériques et écologiques, ou encore les crises sanitaires globales. Elle permet également de combler certaines lacunes de notre système actuel, notamment dans la coordination entre acteurs et dans l'intégration des nouvelles technologies dans les pratiques de prévention.
Ensuite, elle inscrit notre politique en matière de santé et de sécurité au travail dans un cadre de coopération internationale. La convention n° 155 exige notamment une coordination accrue entre les différents acteurs, qu'il s'agisse des employeurs, des syndicats, ou des institutions publiques. Cette exigence fait écho aux efforts déployés en France, notamment dans le cadre du plan national de santé au travail 2021-2025, qui vise à améliorer la prévention des accidents graves, à lutter contre les risques émergents, et à adapter nos politiques aux évolutions économiques et sociales. Ce plan, en s'appuyant sur la convention, pourrait bénéficier d'une nouvelle impulsion pour atteindre ses objectifs ambitieux.
La dimension préventive de cette convention mérite également d'être soulignée. La convention insiste sur la nécessité d'évaluer les risques professionnels et de les éliminer à la source, une démarche qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit de notre code du travail. Cependant, dans certaines entreprises, notamment dans les PME et dans le secteur informel, cette exigence reste encore difficile à mettre en oeuvre. La convention apporte une réponse en favorisant une approche systématique et participative, impliquant activement les travailleurs dans la définition et la mise en oeuvre des mesures de prévention.
Enfin, cette ratification représente une opportunité pour renforcer la protection des travailleurs dans les PME et le secteur informel, dans lesquels les ressources consacrées à la sécurité au travail sont souvent limitées. Elle offre un cadre pour uniformiser les pratiques et diffuser une culture de prévention, essentielle pour garantir des conditions de travail dignes et équitables. Par ailleurs, l'adoption de cette convention soutient nos efforts pour mieux répondre aux risques émergents tels que ceux qui sont liés au changement climatique ou à l'essor des nouvelles technologies. Ces enjeux, devenus centraux dans le monde du travail, nécessitent des réponses coordonnées et innovantes.
Sur le plan international, la ratification de cette convention revêt une dimension stratégique. En ratifiant la convention n° 155, la France réaffirme son rôle de leader dans la promotion des droits fondamentaux au travail. Elle s'aligne sur les priorités de l'Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail et contribue à l'universalisation de normes protectrices pour tous les travailleurs. De plus, cette ratification conforte notre position au sein des instances internationales, en cohérence avec notre engagement historique en faveur des droits sociaux. Je vous rappelle en outre que cette convention date de 1981 ; il est plus que temps de la ratifier !
À ce jour, 82 États l'ont ratifiée, dont 18 membres de l'Union européenne. Il suffisait de deux ratifications pour qu'elle entre en vigueur, c'est donc chose faite. En France, elle entrera en vigueur douze mois après l'enregistrement de la ratification auprès de l'OIT.
Je tiens également à souligner que cette convention est non seulement un outil juridique, mais également une opportunité de renforcer notre crédibilité à l'échelle mondiale. Elle nous engage à actualiser régulièrement nos politiques et pratiques pour répondre aux mutations rapides du monde du travail. Les exemples récents, tels que la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, montrent la nécessité cruciale de disposer d'un cadre solide et adaptable pour protéger nos travailleurs.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à soutenir ce projet de loi, qui constitue une avancée majeure pour la santé et la sécurité des travailleurs, en France comme à l'étranger. Il s'agit d'un engagement fort, cohérent avec nos valeurs et nos ambitions, et d'une contribution décisive à un monde du travail plus sûr et plus juste. Adopter cette convention, c'est envoyer un message clair : celui d'une France qui continue à défendre les droits des travailleurs et à se placer à la pointe des enjeux de santé et de sécurité au travail.
Son examen en séance publique au Sénat devrait se tenir dans les semaines à venir.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Article unique
L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est adopté sans modification.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Jeudi 18 décembre 2024 :
Pour la Délégation du Gouvernement français auprès de l'OIT et des G7-G20 :
M. Xavier COYER, conseiller politique de la Déléguée du Gouvernement français auprès de l'OIT et des G7-G20
Pour le ministère de la fonction publique, de la simplification et de la transformation publique :
Mme Lucie LACALMONTIE, Adjointe au chef du département de l'organisation, des conditions et du temps de travail, Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)
Pour le Ministère du Travail et de l'Emploi :
Mme Lucile CASTEX, Cheffe de la mission affaires européennes et internationales, Direction générale du travail
Mme Chloé LAMBERT, chargée de mission affaires internationales, Direction générale du travail
M. Maxime PRADIER, chef de la mission du pilotage de la politique et des opérateurs de la santé au travail, Direction générale du travail
Pour le Secrétariat Général aux Ministères sociaux :
M. Nicolas DUMAS, chargé de mission international, Délégation aux affaires européennes et internationales
Pour le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères :
M. Pierre DOUSSET, conseiller juridique à la Mission des Accords et Traités, Direction des affaires juridiques
M. Jérémie PETIT, chef de pôle affaires économiques et enjeux globaux, Sous-direction des enjeux globaux et de la gouvernance des organisations internationales, Direction des Nations Unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie