N° 478
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 mars 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété (procédure accélérée),
Par Mme Sylviane NOËL,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.
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Sénat : |
328 et 479 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Réunie le mercredi 26 mars 2025, la commission des affaires économiques a adopté la proposition de loi d'Amel Gacquerre visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété, dans une version modifiée à l'initiative de la rapporteure, Sylviane Noël.
Face à l'ampleur de la crise du logement, la commission a souhaité assouplir les conditions d'atteinte des exigences de performance énergétique des logements pour tenir compte des contraintes des propriétaires, sans pour autant modifier le calendrier issu de la loi Climat et résilience.
La commission a notamment élargi le champ des contraintes légitimes prises en compte par le texte. Elle a également étendu ce dernier au logement individuel et rendu opposable le DPE collectif.
I. UN MUR DE
RÉNOVATIONS ÉNERGÉTIQUES À RÉALISER,
DES
DIFFICULTÉS EN COPROPRIÉTÉ À TRAITER
Source : Ministère de la transition écologique, 2024
Parmi les 30,6 millions de résidences principales en France, 4,2 millions sont des passoires énergétiques classées F ou G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Au total, c'est 1,6 million de passoires énergétiques qui a vocation à sortir du parc locatif, privé ou social, d'ici 2028.
Depuis le 1er janvier 2025, près de 250 000 logements loués en résidence principale et classés G sont concernés par l'interdiction de location issue de la loi Climat et résilience.
Parmi eux, les logements en copropriété sont particulièrement représentés. Ce sont dans ces logements que les travaux de rénovation sont souvent les plus délicats, en raison de difficultés de financements et surtout, de divergences d'intérêts entre propriétaires occupants, bailleurs ou propriétaires de meublés de tourisme.
Pour limiter les blocages en copropriété, la commission a récemment adopté deux mesures :
· à son initiative, la récente loi du 19 novembre 2024 sur la location meublée touristique a contribué à résorber ces divergences, en soumettant tous les meublés de tourisme aux exigences de décence énergétique des logements en 2034 ;
· lors de l'examen de la loi « Habitat dégradé » et dans la lignée des recommandations de la commission d'enquête sur la rénovation énergétique, elle a introduit une possibilité d'abaissement de la majorité nécessaire au vote des travaux de rénovation énergétique en copropriété.
Mais le rythme de rénovation énergétique des logements, et notamment des copropriétés, est insuffisant pour limiter l'effet des exigences de décence énergétique sur la crise du logement.
Les 250 000 logements classés G qui devraient sortir du parc locatif cette année représentent autant de logements que toutes les mises en chantier en 2024 en France, alors que l'offre de biens à louer a chuté de 9 % entre octobre 2023 et octobre 2024.
II. UNE PROPOSITION BIENVENUE MALGRÉ UN EXAMEN TARDIF
La commission déplore que l'Assemblée nationale n'ait pas adopté la proposition de loi visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété de MM. Marchive et Echaniz : le Sénat se saisit donc tardivement de la présente proposition de loi, qui vise à apporter des précisions concernant une échéance connue depuis 2021 et que subissent les propriétaires depuis le 1er janvier 2025.
Près de trois mois après la date du 1er janvier 2025, un report du calendrier de décence énergétique a posteriori risquerait de déstabiliser la filière, composée en majorité de petits artisans, ainsi que l'atteinte des objectifs de rénovation à terme, pour un bénéfice en faveur du logement qui n'est pas évident puisque les biens concernés sont vraisemblablement déjà sortis du parc locatif.
Pour réussir à mettre en oeuvre ce calendrier ambitieux, la commission souligne l'impératif de la stabilité du soutien financier public à la rénovation énergétique, tant au niveau de ses montants que dans ses paramètres. Elle avait alerté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 sur la nécessité de ne pas répéter les atermoiements de début 2024 qui avaient occasionné des retards dans les rénovations. Après une réduction d'un milliard d'euros en cours d'année 2024 à l'issue d'une tentative de réforme infructueuse, le budget de Ma Prime Rénov' a encore été amputé d'un milliard d'euros en 2025, pour s'élever à 2,1 milliards d'euros contre 3 milliards en 2024.
C'est dans ce contexte que la commission a souhaité enrichir la proposition de loi déposée par Amel Gacquerre.
Ce texte :
· clarifie le fait que l'obligation de décence énergétique ne s'applique qu'à la date de conclusion, de renouvellement ou de reconduction du bail et non au 1er janvier ;
· permet au propriétaire qui a réalisé tous les travaux techniquement et juridiquement possibles pour atteindre la classe énergétique requise de continuer à louer son bien ;
· suspend l'obligation de décence énergétique le temps de la réalisation des travaux lorsqu'un contrat de maîtrise d'oeuvre a été signé - en précisant que dans les copropriétés, les travaux reposent sur un audit énergétique et sont réalisés dans un délai de cinq ans ;
· renforce les droits des locataires en précisant que la réduction de loyer prononcée par le juge avant l'exécution des travaux doit être proportionnée au préjudice subi, tout en sécurisant les propriétaires face à des locataires faisant obstacle aux travaux ;
· demande un rapport au Gouvernement sur l'opportunité de réviser le calcul du DPE pour y inclure la notion de confort d'été.
III. L'APPORT DE LA COMMISSION : TENIR COMPTE AUTANT QUE POSSIBLE DES CONTRAINTES PESANT SUR LES PROPRIÉTAIRES DANS LE CONTEXTE DE CRISE DU LOGEMENT
La commission a souhaité élargir les contraintes prises en compte pour que l'obligation de décence énergétique soit satisfaite : outre les contraintes techniques, elle a également inclus les contraintes architecturales, patrimoniales ou liées au coût des travaux rendant impossibles leur réalisation.
Elle estime que la prise en compte du refus du syndicat de copropriétaires est bienvenue : néanmoins, afin de limiter les refus de complaisance, elle a précisé que ce refus ne vaut que s'il est intervenu il y a moins de trois ans, incitant les propriétaires à soumettre tous les trois ans à l'assemblée générale des copropriétaires une résolution tendant à la réalisation des travaux.
Partant du constat que les logements individuels sont ceux qui comptent le plus de passoires énergétiques au sein du parc locatif privé, elle a souhaité étendre le champ de la proposition de loi aux logements individuels.
Taux de passoires énergétiques dans les copropriétés de moins de 20 logements |
Taux de passoires énergétiques dans les copropriétés de plus de 80 logements |
Taux de passoires énergétiques parmi les maisons individuelles |
Consciente que les copropriétés peuvent associer des propriétaires aux intérêts aussi divers que des propriétaires occupants, des propriétaires bailleurs - privés ou sociaux - et des propriétaires louant des meublés de tourisme, la commission a souhaité prendre en compte le DPE collectif, lorsque sa classe énergétique permet de satisfaire les obligations de décence. Cette proposition, formulée par la commission d'enquête sur la rénovation énergétique, permet de rendre les copropriétés solidaires face à la rénovation énergétique.
Afin de tenir compte de la situation des petites copropriétés, qui sont souvent les moins bien entretenues et celles qui comportent le plus de passoires énergétiques, elle a décidé ne pas conserver l'exigence du recours à un maître d'oeuvre dans le cadre de l'engagement de travaux.
En outre, la commission a supprimé la disposition faisant persister la réduction de loyer dans le cas où le propriétaire a exécuté les travaux ordonnés par le juge mais que la performance énergétique de son logement reste classée « G+ » : la commission n'estime pas légitime de pénaliser un propriétaire qui a exécuté tous les travaux demandés par le juge.
À des fins de clarification, elle a enfin souhaité appliquer toutes les précisions contenues dans cet article aux baux en cours, afin d'éviter qu'un propriétaire dont le bail a été conclu avant le 1er janvier 2025 soit exclu du champ d'application de la loi.
Enfin, plutôt qu'une demande de rapport sur une révision du calcul du DPE pour y inclure la notion de confort d'été, la commission a souhaité introduire les dispositions votées dans le cadre de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien de Michaël Weber. Notamment, il s'agit de prévoir que le DPE prend en compte les spécificités thermiques du bâti ancien et que des exigences de qualification supplémentaires sont exigées pour les diagnostiqueurs auditant un bâtiment ancien d'intérêt patrimonial. À l'initiative de la rapporteure, la commission a également précisé que le rapport demandé au Gouvernement sur le soutien financier à la rénovation des bâtiments anciens évalue aussi la possibilité de faire évoluer le coefficient de conversion des consommations finales en énergie primaire en ce qui concerne l'électricité.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Clarification des obligations de
rénovation énergétique des logements
Cet article vise à clarifier l'application des obligations de rénovation énergétique des logements en copropriété :
- il prévoit que l'obligation de décence énergétique ne porte que sur les contrats nouvellement conclus ou tacitement reconduits ou renouvelés ;
- il prévoit que l'obligation de décence du logement est satisfaite si le propriétaire a réalisé tous les travaux techniquement et juridiquement possibles ou si le propriétaire a signé un contrat de maîtrise d'oeuvre portant sur ces travaux ;
- il conforte les droits des locataires et des propriétaires en précisant, d'une part, que le locataire ne peut se prévaloir d'un manquement du bailleur à son obligation de décence énergétique s'il fait obstacle à la réalisation des travaux et, d'autre part, que la réduction de loyer prononcée par le juge tient compte de la diligence du bailleur.
À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-7 visant à enrichir l'article pour, notamment :
- élargir le champ des contraintes prises en compte, au-delà des seules contraintes techniques, aux contraintes architecturales, patrimoniales ou de coûts ;
- limiter les refus de complaisance des copropriétaires, en prévoyant que le refus du syndicat de copropriétaires ne permet de satisfaire aux obligations de décence que s'il est intervenu il y a moins de trois ans ;
- élargir le champ de l'article au logement individuel ;
- prendre en compte le DPE collectif lorsque sa classe énergétique permet de satisfaire aux obligations de décence ;
- supprimer l'exigence du recours à un contrat de maîtrise d'oeuvre ;
- appliquer toutes les précisions contenues dans cet article aux baux en cours.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
I. La situation actuelle - L'ampleur de la tâche, la diversité des situations et la crise du logement nécessitent d'assouplir les exigences de rénovation énergétique des logements au plus près des contraintes des propriétaires
A. Le parc locatif privé concentre les passoires énergétiques, dont une large partie sont en copropriété
D'après une étude du ministère de la transition écologique de décembre 20241(*), 5,8 millions de logements étaient classés F ou G au 1er janvier 2024, sur un total de 37,2 millions de logements, soit 15,6 %.
Source : Ministère de la transition écologique, décembre 2024
Parmi les 30,6 millions de résidences principales, ces passoires énergétiques en représentent 4,2 millions, soit 13,9 %.
Le taux de passoires énergétiques est plus important dans le parc locatif privé que dans le parc locatif social ou que parmi le parc de logements occupés par leur propriétaire - ce dernier n'étant pas soumis aux obligations de décence énergétique applicables à la location.
Source : Ministère de la transition écologique, décembre 2024
Les copropriétés sont particulièrement concernées. Alors que 28 % des logements du parc privé appartiennent à une copropriété, c'est le cas de 45 % des passoires énergétiques. En effet, parmi les 1,3 million de passoires énergétiques du parc locatif privé, environ 580 000 sont en copropriété. Parmi elles, celles de moins de 20 logements comprennent davantage de passoires : 23 % contre 14 % pour celles de plus de 80 logements2(*). En effet, les plus petites copropriétés sont souvent les plus anciennes et les moins bien gérées. Il est fréquent qu'elles n'aient pas de syndic.
Mais les travaux de rénovation énergétique des copropriétés sont délicats à faire accepter et à financer. Comme le soulignait le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique en juin 2023, « La rénovation des copropriétés bloque en raison de problèmes de mode de décision et de financement qui sont aggravés par les intérêts divergents des copropriétaires. » Aux divergences d'intérêts entre copropriétaires qui ne sont pas soumis au même calendrier de décence énergétique - un logement classé E étant par exemple interdit à la location en 2034 contre 2028 pour un logement classé F - s'ajoutent des divergences plus profondes entre propriétaires occupants, bailleurs privés, sociaux et propriétaires de meublés touristiques.
B. Le rythme de rénovation énergétique des logements, et notamment des copropriétés, est insuffisant pour limiter les effets des exigences de décence énergétique sur la crise du logement
Dès 2007 et le Grenelle de l'environnement, l'objectif était de rénover 500 000 logements par an afin d'éradiquer les 5 millions de passoires énergétiques identifiées. Près de quinze ans plus tard, la France compte toujours 5,8 millions de passoires énergétiques.
Depuis 2020, 2,44 millions de logements ont fait l'objet d'une rénovation soutenue par l'Agence nationale de l'habitat3(*), dont 340 000 en 2024. Parmi les logements visés par les aides, la très grande partie sont détenus par des propriétaires occupants : ces derniers sont 268 000 à avoir bénéficié d'aides en 2024 contre seulement 14 000 pour les propriétaires bailleurs, éligibles depuis 2021 à Ma Prime Rénov'. Des copropriétés représentant 38 000 logements ont également bénéficié de Ma Prime Rénov' Copropriété pour 448 millions d'euros. Mais bien souvent, ces rénovations sont partielles et insuffisantes.
Les données du ministère de la transition écologique font état de d'1,6 million de passoires en 2022 au sein du parc locatif privé, contre 1,3 million en 2024. Néanmoins, cette réduction n'est pas forcément attribuable à des rénovations énergétiques : elle peut également s'expliquer par une sortie de ces logements du marché locatif, vers la location meublée touristique par exemple. La récente loi du 19 novembre 2024 a permis de limiter cet effet d'éviction, en soumettant, à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, tous les meublés de tourisme aux exigences de décence énergétique des logements en 20344(*).
Fin 2024, près de 250 000 logements loués en résidence principale et classés G seraient concernés par l'interdiction de location au 1er janvier 2025 prévue par l'article 6 de la loi de 1989. C'est autant que le nombre de logements mis en chantier en 2024 en France.
Cette sortie du marché locatif de 250 000 logements s'inscrit dans le cadre d'une chute de l'offre de biens à louer qui atteint 9 % entre octobre 2023 et octobre 2024 selon une étude SeLoger.
C. Malgré des améliorations apportées par le Sénat pour limiter les blocages en copropriété, le cadre juridique actuel ne prend pas en compte toutes les contraintes pesant sur les propriétaires bailleurs
Conformément à l'article 6 de la loi de 1989 tel que modifié par l'article 160 de la loi dite « Climat et résilience »5(*), un logement décent doit présenter, au 1er janvier 2025, une performance énergétique qui soit au minimum égale à la classe « F » du diagnostic de performance énergétique.
Le non-respect de cette obligation entraîne le droit, pour le locataire, de demander au propriétaire la réalisation de travaux, le cas échéant en saisissant le juge afin que ce dernier ordonne la réalisation de travaux, et éventuellement une réduction ou une suspension de loyer jusqu'à l'exécution des travaux6(*).
Les seules exceptions prévues par la loi dite « Climat et résilience » sont les suivantes :
- lorsqu'un copropriétaire démontre que, malgré ses diligences en vue de l'examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes, il n'a pu parvenir à ce niveau de performance minimal ;
- lorsque le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l'atteinte du niveau de performance énergétique minimal.
Néanmoins, ces exceptions ne prévoient pas que les logements des propriétaires concernés sont réputés satisfaire la décence énergétique : elles n'empêchent donc pas un locataire de saisir le juge pour indécence du logement. Elles conduisent seulement à limiter le champ des mesures prononcées par le juge, la réalisation de travaux étant exclue dans ces cas précités. Le juge peut néanmoins toujours prononcer une réduction de loyer ou une suspension du bail.
Les propriétaires de bonne foi se heurtant à un refus de leurs copropriétaires ou à des contraintes architecturales et patrimoniales se trouvent donc sanctionnés.
Afin de limiter les blocages en copropriété, le Sénat avait adopté, lors de l'examen de la loi « Habitat dégradé »7(*) et dans la lignée des recommandations de la commission d'enquête sur la rénovation énergétique8(*), une possibilité d'abaissement de la majorité nécessaire au vote des travaux de rénovation énergétique : lorsque le projet de résolution a pour objet la réalisation de travaux de rénovation énergétique et qu'il n'a pas recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, une nouvelle assemblée générale convoquée dans les trois mois peut statuer à la majorité de l'article 24 (majorité des présents et des représentés) sur le même projet.
II. Le dispositif envisagé - Des précisions quant à l'atteinte de la décence énergétique
Cet article vise à clarifier l'application des obligations de rénovation énergétique des logements en copropriété :
- il prévoit que l'obligation de décence énergétique ne porte que sur les contrats nouvellement conclus ou tacitement reconduits ou renouvelés, ce qui signifie qu'elle ne s'applique qu'à la date d'anniversaire du bail à compter de l'échéance prévue par la loi dite « Climat et résilience », et non dès le 1er janvier ;
- il prévoit que l'obligation de décence énergétique est réputée satisfaite si le propriétaire a réalisé tous les travaux techniquement et juridiquement possibles au regard de ses contraintes. Celles-ci englobent :
· les raisons techniques attestées par un homme de l'art ;
· les refus de travaux par une décision administrative, ce qui concerne notamment les refus des architectes des bâtiments de France ;
· les refus de travaux du syndicat des copropriétaires.
- en copropriété, il prévoit que cette obligation est également satisfaite si le syndicat de copropriétaires a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre reposant sur un audit énergétique et portant sur un projet de rénovation énergétique de nature à permettre l'atteinte du niveau de performance énergétique exigible, dès lors que les travaux sont réalisés dans un délai de cinq ans ;
- il prévoit le même cas de figure - sans condition de délai pour la réalisation des travaux - pour les logements qui ne relèvent pas du statut de la copropriété ;
- il conforte les droits des locataires et des propriétaires en précisant, d'une part, que le locataire ne peut se prévaloir d'un manquement du bailleur à son obligation de décence énergétique s'il fait obstacle à la réalisation des travaux et, d'autre part, que la réduction de loyer prononcée par le juge tient compte de la diligence du bailleur et prend fin dès que les travaux ont été réalisés, sauf si la consommation énergétique du logement demeure supérieure à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré.
III. La position de la commission - Tenir compte autant que possible des contraintes pesant sur les propriétaires bailleurs
La commission déplore que l'Assemblée nationale n'ait pas pu aller au bout de l'examen la proposition de loi visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété de MM. Marchive et Echaniz : le Sénat se saisit donc tardivement de la présente proposition de loi, qui vise à apporter des précisions concernant une échéance connue depuis 2021 et que subissent les propriétaires depuis le 1er janvier 2025.
À l'aune de l'ampleur de la crise du logement, la commission avait recommandé, dans le cadre de la mission d'information sur la crise du logement, de reporter l'interdiction de la location des logements classés « G » au 1er janvier 2025à 2028. Elle estime toujours que l'échéance du1er janvier 2025 aurait dû être réévaluée dès la fin 2024.
Compte tenu du calendrier d'examen de la présente loi, près de trois mois après la date du 1er janvier 2025, elle convient qu'un report du calendrier de décence énergétique a posteriori risquerait de déstabiliser la filière, composée en majorité de petits artisans, ainsi que l'atteinte des objectifs de rénovation à terme, pour un bénéfice qui n'est pas évident puisque les logements concernés sont vraisemblablement déjà sortis du parc locatif.
Le soutien financier à la rénovation énergétique, notamment au niveau de Ma Prime Rénov, devrait être stable dans le temps, tant au niveau de ses montants que dans ses paramètres. À ce titre, elle avait alerté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, sur la nécessité de ne pas répéter les atermoiements de début 2024 qui avaient occasionné des retards dans les rénovations. Après une réduction d'un milliard d'euros en cours d'année 2024 à l'issue d'une tentative de réforme infructueuse, le budget de Ma Prime Rénov' a encore été amputé d'un milliard d'euros en 2025, pour s'élever à 2,1 milliards d'euros contre 3 milliards en 2024.
La commission a donc décidé d'assouplir autant que possible le champ de la proposition de loi, au plus près des contraintes des propriétaires bailleurs afin de limiter les contentieux et de maintenir autant de logements que possibles dans le parc locatif.
Par un amendement COM-7 présenté par la rapporteure, la commission a réécrit l'article 1er en vue de l'enrichir.
Elle a souhaité élargir le champ des contraintes prises en compte pour que l'obligation de décence énergétique soit satisfaite : alors que la proposition de loi initiale ne prend en compte que les contraintes techniques, elle a souhaité inclure aussi les contraintes architecturales ou patrimoniales et les contraintes liées aux coûts manifestement disproportionnés des travaux, conformément à celles mentionnées à l'article 20-1 de la loi de 1989 ainsi qu'au 17° bis de l'article L. 111-1 du code de la construction et de l'habitation, telles que prévues par la loi « Climat et résilience ».
Elle estime que la mention du refus du syndicat de copropriétaires est bienvenue : néanmoins, afin de limiter les refus de complaisance, elle a souhaité prévoir que ce refus du syndicat de copropriétaires ne peut être un motif légitime pour ne pas engager les travaux que s'il est intervenu il y a moins de trois ans, incitant les propriétaires à soumettre tous les trois ans à l'assemblée générale des copropriétaires une résolution tendant à la réalisation des travaux. La composition du syndicat et la maturité quant aux obligations de rénovation énergétique peuvent en effet évoluer et permettre de réunir la majorité nécessaire au vote des travaux.
Partant du constat que les logements individuels sont ceux qui comptent le plus de passoires énergétiques (23 %) au sein du parc locatif privé, elle a souhaité étendre le champ de la proposition de loi aux logements individuels.
Afin de tenir compte de la situation des petites copropriétés, elle a décidé de ne pas conserver l'exigence du recours à un maître d'oeuvre dans le cadre de l'engagement de travaux de rénovation énergétique.
Par ailleurs, consciente que les copropriétés peuvent associer des propriétaires aux intérêts aussi divers que des propriétaires occupants, des propriétaires bailleurs - privés ou sociaux - et des propriétaires louant des meublés de tourisme, la commission a souhaité prendre en compte le DPE collectif lorsque sa classe énergétique permet de satisfaire les obligations de décence. Cette proposition, qui permet de rendre les copropriétaires solidaires face à la rénovation énergétique, avait été formulée par la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique (proposition n° 10).
En outre, la commission a supprimé la disposition, présente dans le texte de MM. Marchive et Echaniz à l'Assemblée nationale, faisant persister la réduction de loyer dans le cas où le propriétaire a exécuté les travaux ordonnés par le juge, mais que la performance énergétique de son logement demeure supérieure à 450 kilowattheures par mètre carré et par an : la commission n'estime pas légitime de pénaliser un propriétaire qui a exécuté tous les travaux demandés par le juge, ceux-ci ayant par ailleurs bien évidemment pour objectif de faire gagner une ou plusieurs classes énergétiques au logement.
À des fins de clarification, elle a enfin souhaité appliquer toutes les précisions contenues dans cet article aux baux en cours, afin d'éviter qu'un propriétaire dont le bail a été conclu avant le 1er janvier 2025 soit exclu du champ d'application de la loi.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2
Demande de rapport au Gouvernement sur
l'opportunité
d'une révision du calcul du diagnostic de
performance énergétique
pour y inclure la notion de confort
d'été
Cet article vise à demander un rapport au Gouvernement sur l'opportunité de proposer une révision du calcul du diagnostic de performance énergétique pour y inclure la notion de confort d'été.
À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-9 de réécriture de l'article dans une version plus ambitieuse, tirant les conséquences de l'adoption par le Sénat le 20 mars 2025 de la proposition de loi de M. Michaël Weber visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
I. La situation actuelle - La prise en compte du confort d'été est essentielle pour ne pas dévaloriser le bâti ancien
A. Des travaux sont en cours afin d'améliorer la prise en compte du confort d'été par le diagnostic de performance énergétique
À l'heure actuelle, la caractérisation du confort d'été dans le cadre de la méthode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) depuis 2021 (méthode 3-CL)9(*) résulte de plusieurs facteurs comme le caractère traversant ou non du logement, son inertie, l'isolation de la toiture ou de la couverture, la présence de brasseurs d'air fixes et la présence de protections solaires extérieures.
Une révision de cet indicateur de confort d'été pourrait avoir lieu dans le cadre du plan national d'adaptation au changement climatique 3 (PNACC 3) qui a été à la consultation publique fin 2024. D'après le ministère chargé du logement, ces travaux sont en cours en lien avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) pour définir un indicateur plus précis de prise en compte du confort d'été.
B. La proposition de loi de Michaël Weber adoptée par le Sénat le 20 mars a consacré la notion de confort d'été
Les travaux de la rapporteure en amont de l'examen de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien ont mis en évidence que le DPE prend encore insuffisamment en compte certaines caractéristiques thermiques du bâti ancien qui participent au confort d'été.
Le bâti ancien se distingue en effet par des techniques et des matériaux de construction traditionnels qui le dotent d'une forte inertie thermique ou de capacités hygroscopiques dont ne dispose pas le bâti moderne, caractérisé par l'étanchéité et l'inertie faible de ses maçonneries.
Or, ces spécificités hygrothermiques (mêlant l'inertie thermique et les qualités hygroscopiques) permettent de limiter les variations de température et de réguler l'humidité : en ce sens, elles participent au confort d'été des occupants de ces logements.
Pourtant, certains travaux, notamment d'isolation des murs, se justifient davantage par la recherche d'une meilleure classe énergétique au titre du DPE que par la recherche d'un meilleur confort, notamment d'été.
Selon la rapporteure, le DPE pourrait donc mieux valoriser le confort d'été intrinsèque à ces bâtiments, qui résulte des qualités hygrothermiques des matériaux qui les composent. C'est d'ailleurs ce que recommandait dès 2023 la commission de la culture10(*) et la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité des politiques publiques de rénovation énergétique11(*).
Pour cette raison, la commission des affaires économiques a adopté le 12 mars dernier la proposition de loi de Michaël Weber, dans une version modifiée à l'initiative de la rapporteure et de l'auteur. Le texte de la commission, voté par le Sénat le 20 mars, inclut notamment :
- à l'article 1er, la prise en compte du confort intérieur d'hiver et d'été dans le cadre de la définition de la rénovation énergétique performante ainsi qu'une modification de la formulation d'un des six postes de travaux obligatoires dans le cadre de la rénovation énergétique performante, afin d'éviter le remplacement systématique des menuiseries extérieures des bâtis anciens mais plutôt permettre l'étude de solutions alternatives respectueuses de leurs caractéristiques ;
- à l'article 2, la prise en compte par le DPE des spécificités thermiques des bâtiments anciens et l'adaptation des recommandations de travaux qu'il formule aux contraintes techniques, architecturales et patrimoniales du bâtiment ainsi qu'aux caractéristiques hygrothermiques des matériaux le composant ;
- à l'article 3, le renforcement des exigences de formation des auditeurs et des diagnostiqueurs dans le cadre de l'audit énergétique d'un bâtiment ancien présentant un intérêt patrimonial ;
- à l'article 5, une demande de rapport au Gouvernement concernant la possibilité et l'opportunité de soutenir financièrement la rénovation énergétique respectueuse du bâti ancien.
II. Le dispositif envisagé - Un rapport du Gouvernement au Parlement concernant l'évolution du calcul du DPE pour y inclure le confort d'été
L'article 2 de la proposition de loi vise à demander au Gouvernement de remettre, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, au Parlement un rapport évaluant l'opportunité de proposer une révision du calcul du DPE pour y inclure la notion de confort d'été.
III. La position de la commission - Une préoccupation légitime, qu'il faut concrétiser
La commission est favorable à une meilleure prise en compte du confort d'été par le DPE, notamment en vue de mieux valoriser les qualités constructives des bâtiments anciens, trop souvent sous-estimées voire omises par le DPE.
Elle souhaite néanmoins aller plus loin qu'une simple demande de rapport au Gouvernement, notamment au regard des travaux déjà mis en oeuvre par ce dernier en lien avec le CSTB sur le sujet du confort d'été.
Compte tenu de l'adoption par le Sénat de la proposition de M. Weber, elle estime pertinent de ne pas se cantonner à la prise en compte du confort d'été dans le DPE mais d'améliorer plus largement la compatibilité des obligations de rénovation énergétique avec la préservation du bâti ancien à caractère patrimonial.
À l'initiative de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-9 visant à :
- prévoir que le DPE prend en compte les spécificités thermiques du bâti ancien et à veiller à ce que les recommandations de travaux formulées par ce DPE ou par un audit énergétique soient adaptées aux contraintes techniques, architecturales et patrimoniales pesant sur ces bâtiments ainsi qu'aux caractéristiques hygrothermiques des matériaux les composant ;
- s'assurer que les exigences de formation à l'égard des professionnels intervenant sur ces bâtis présentant un intérêt patrimonial soient rehaussées ;
- évaluer les contours d'un soutien financier spécifique à la rénovation énergétique respectueuse du bâtiment ancien, par le biais d'un rapport du Gouvernement remis au Parlement qui prendrait en compte le soutien aux matériaux biosourcés et géosourcés et explorerait la piste d'une harmonisation et d'un couplage des aides entre Ma Prime Rénov' et les certificats d'économies d'énergie. À l'initiative de la rapporteure, la commission a intégré à ce rapport une demande d'évaluation de l'opportunité de réviser le coefficient de conversion des consommations finales d'électricité en énergie primaire.
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 26 mars 2025, la commission a examiné le rapport de Mme Sylviane Noël sur la proposition de loi n° 328 (2024-2025) visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons, ce matin, la proposition de loi n° 328 (2024-2025), présentée par Mme Amel Gacquerre, visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété. Notre collègue Sylviane Noël en est le rapporteur.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Madame la présidente, chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique et à sécuriser leur application en copropriété alors que 250 000 logements classés « G » sont frappés d'indécence depuis le 1er janvier 2025, en pleine crise du logement.
Je salue le dépôt de ce texte par notre collègue Amel Gacquerre, après que la proposition de loi des députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, qui visait un objectif similaire, a été vidée de sa substance puis retirée lors de son examen en séance à l'Assemblée nationale le 29 janvier dernier.
D'ailleurs, la présente proposition de loi reprend certaines dispositions annoncées par les ministres Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian fin 2023 et intégrées à un amendement du Gouvernement en séance lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement début 2024, amendement qui, en tant que cavalier législatif, a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution par notre commission.
Un temps précieux a donc été perdu depuis. La proposition de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis reste pour autant plus que bienvenue, même si elle vise à apporter des précisions concernant une échéance connue depuis 2021 et que subissent les propriétaires depuis le 1er janvier 2025, soit depuis près de quatre mois.
Comme je le disais encore la semaine dernière, nous sommes face à un mur de rénovations énergétiques à réaliser. J'ajouterai aujourd'hui que ces rénovations énergétiques se heurtent à des difficultés en copropriété qu'il nous faut envisager de manière pragmatique, à leur juste mesure.
Dans le parc locatif privé, les passoires énergétiques représentent près de 16 % des résidences principales. Au total, 1,6 million de passoires énergétiques ont vocation à sortir du parc locatif, privé ou social, d'ici à 2028.
Parmi elles, les copropriétés sont particulièrement représentées. Alors que 28 % des logements du parc privé appartiennent à une copropriété, c'est le cas de 45 % des passoires énergétiques. Sur 1,3 million de passoires énergétiques du parc privé de résidences principales, 580 000 d'entre elles sont en copropriété.
Ce sont dans ces logements que les travaux de rénovation sont souvent les plus délicats, en raison de difficultés de financement et, surtout, de divergences d'intérêts : un propriétaire occupant, un bailleur ou un loueur de meublé de tourisme ne sont pas soumis aux mêmes règles. Par ailleurs, même entre plusieurs propriétaires bailleurs, le propriétaire d'un logement classé « E » au troisième étage ne souhaitera pas forcément engager des travaux aussi promptement que celui d'un logement classé « G » au dernier étage.
Notre commission a récemment adopté des mesures pour limiter ces blocages. D'abord, dans la lignée des recommandations de la commission d'enquête sur la rénovation énergétique, notre commission a introduit, lors de l'examen du projet de loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, une possibilité d'abaissement de la majorité nécessaire au vote des travaux de rénovation énergétique en copropriété. Ensuite, la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, dont j'étais rapporteure, a soumis tous les meublés de tourisme aux exigences de décence énergétique des logements en 2034.
Cependant, le rythme de rénovation énergétique des logements, notamment des copropriétés, est insuffisant pour limiter l'effet des exigences de décence énergétique sur la crise du logement. Les 250 000 logements classés « G » qui devraient sortir du parc locatif cette année représentent autant de logements que toutes les mises en chantier en 2024 en France ! Je rappelle que nous sommes dans un contexte où l'offre de biens à louer a chuté de 9 % entre octobre 2023 et octobre 2024.
Face à ce constat dramatique, la question de reporter à 2028 l'interdiction de location des logements classés « G » s'est naturellement posée. Ce report a été préconisé au printemps dernier par la mission d'information relative à la crise du logement, dont Mmes Estrosi Sassone, Gacquerre et Artigalas étaient rapporteures.
À titre personnel, je suis convaincue que cette solution aurait dû être évaluée à la fin de l'année dernière.
Aujourd'hui, soit près de trois mois après la date du 1er janvier 2025, un report du calendrier de décence énergétique a posteriori risquerait de déstabiliser la filière, composée en majorité de petits artisans. Cela compromettrait aussi la pérennité du soutien financier à la rénovation énergétique et, de fait, l'atteinte des objectifs de rénovation à terme, pour un bénéfice en faveur du logement qui n'est pas évident, puisque les biens concernés sont vraisemblablement déjà sortis du parc locatif.
C'est dans cet esprit que je vous propose d'enrichir la proposition de loi déposée par notre collègue Amel Gacquerre, avec qui j'ai eu de nombreux échanges et que je remercie pour son engagement.
Cette proposition de loi inclut des mesures bienvenues. Elle clarifie le fait que l'obligation de décence énergétique ne s'applique qu'à la date de conclusion, de renouvellement ou de reconduction du bail, et non en cours de bail, dès la date du 1er janvier. Elle prévoit aussi qu'un propriétaire qui a réalisé tous les travaux techniquement et juridiquement possibles puisse continuer à louer son bien. Cela permet, notamment, de prendre en compte les cas de refus de travaux par les architectes des bâtiments de France ou par les syndicats de copropriétaires.
Aujourd'hui, je rappelle que les seules exceptions prévues par la loi se trouvent au niveau des mesures pouvant être prononcées par le juge : elles ne permettent pas de prévenir les contentieux. Les propriétaires de bonne foi qui se heurtent à des contraintes techniques ou juridiques se trouvent donc souvent sanctionnés.
La proposition de loi vise à prévoir aussi que la décence énergétique est satisfaite si le syndicat de copropriétaires - ou le propriétaire, lorsque le logement n'est pas en copropriété - a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre reposant sur un audit énergétique, dès lors que les travaux sont réalisés dans un délai de cinq ans.
Elle conforte les droits des locataires et des propriétaires, en précisant que le locataire ne peut se prévaloir d'un manquement du bailleur s'il fait obstacle à la réalisation des travaux. Elle prévoit que la réduction de loyer prononcée par le juge tient compte de la diligence du bailleur et prend fin dès que les travaux ont été réalisés, sauf si la consommation énergétique du logement demeure supérieure à celle d'un logement classé « G+ ». La même exception avait été introduite dans le texte des députés, à l'initiative des rapporteurs de l'Assemblée nationale.
Enfin, l'article 2 de la proposition de loi vise à demander un rapport au Gouvernement sur l'opportunité de réviser le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour y inclure la notion de confort d'été.
Je vous propose d'opérer des ajustements à cette proposition de loi afin de conforter ces assouplissements, au plus près des contraintes des propriétaires, dans le but de limiter les contentieux et de maintenir autant de logements que possible dans le parc locatif - et donc de ne pas porter atteinte aux droits des locataires.
J'ai déposé des amendements visant à élargir les contraintes prises en compte pour que l'obligation de décence énergétique soit satisfaite : il me semble que les contraintes architecturales ou patrimoniales et celles qui sont liées aux coûts des travaux devraient aussi être prises en considération, au même titre que les contraintes techniques ou juridiques.
Toujours dans une logique d'assouplissement, je vous propose d'élargir le champ de la proposition de loi aux logements individuels. On l'oublie trop souvent, mais les logements individuels sont ceux qui comptent le plus de passoires énergétiques au sein du parc locatif privé : il y a 23 % de passoires énergétiques parmi les maisons individuelles, contre 20 % dans les immeubles en monopropriété et 17 % dans les appartements en copropriété. Il me semble donc justifié d'inclure le locatif individuel.
Je souhaite aussi saisir l'occasion de ce texte pour tenter de résoudre l'une des sources de blocage des copropriétés face à la rénovation énergétique, qui réside dans les intérêts divergents des copropriétaires, que j'évoquais tout à l'heure.
La commission d'enquête de juin 2023, présidée par Dominique Estrosi Sassone et dont Guillaume Gontard était le rapporteur, préconisait de rendre les copropriétaires solidaires face à la rénovation énergétique, grâce à un DPE collectif opposable. Seule la prise en compte du DPE collectif permettra de mettre des copropriétaires d'accord face à de lourds et coûteux travaux de rénovation. Je propose donc de préciser que l'obligation de décence énergétique est satisfaite si la performance énergétique au titre du DPE collectif permet d'atteindre la classe requise.
Afin de tenir compte de la situation des petites copropriétés, je vous propose de ne pas conserver l'exigence du recours à un maître d'oeuvre dans le cadre de l'engagement de travaux. Les copropriétés de moins de 20 logements sont celles qui comprennent le plus de passoires énergétiques, alors que ce sont souvent les plus anciennes et les moins bien gérées, car elles sont dépourvues de syndic - la commission d'enquête sur les copropriétés présidée par Amel Gacquerre et rapportée par Marianne Margaté l'a démontré.
Dans une logique d'équilibre par rapport à tous ces assouplissements, j'ai souhaité limiter autant que possible les refus de complaisance des copropriétaires : je propose de préciser qu'un refus du syndicat de copropriétaires ne vaut que s'il est intervenu il y a moins de trois ans. Cela incitera les copropriétaires à soumettre tous les trois ans à l'assemblée générale une résolution tendant à la réalisation des travaux. Dans cet intervalle, les obligations juridiques, la composition ou encore la maturité des copropriétaires par rapport aux travaux de rénovation peuvent évoluer positivement.
Par ailleurs, comme je l'évoquais à l'instant, le texte actuel fait persister la réduction de loyer dans le cas où le propriétaire a exécuté tous les travaux ordonnés par le juge, mais que la performance énergétique de son logement demeure celle d'un « G + ». Je ne crois pas légitime de pénaliser de la sorte un propriétaire. Il est d'ailleurs peu probable que, malgré ces travaux, la performance du logement reste aussi mauvaise. Je vous proposerai donc de supprimer cette disposition.
En outre, je souhaite que toutes ces précisions s'appliquent aux baux en cours, afin d'éviter qu'un propriétaire dont le bail a été conclu avant le 1er janvier 2025 soit exclu du champ d'application de la loi et ne puisse pas bénéficier de ces assouplissements.
Enfin, à l'article 2, plutôt que de voter une demande de rapport sur l'opportunité de proposer une révision du calcul du DPE pour y inclure la notion de confort d'été, je vous propose d'introduire les dispositions adoptées par notre commission le 6 mars dernier, puis par le Sénat jeudi dernier dans le cadre de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, déposée par Michaël Weber. Il ne s'agit naturellement pas de spolier notre collègue de son travail : il s'agit de se saisir d'un véhicule législatif pour lequel le Gouvernement a enclenché la procédure accélérée afin d'y introduire ces propositions, fruit d'un travail transpartisan au Sénat, d'autant que l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi de notre collègue Weber est incertain.
Mme Marianne Margaté. - L'enjeu de cette proposition de loi est important, notamment pour les copropriétés. Je partage l'idée de ne pas reporter stricto sensu les dates fixées par la loi Climat et résilience.
Pour autant, plus que des assouplissements et des clarifications, certains aspects de ce texte marquent une fragilisation, voire un contournement, de l'obligation de rénovation. Sans un engagement plus fort en termes de financement pour accompagner les propriétaires, notamment les plus modestes et les plus âgés, qui sont les premières victimes des passoires thermiques, nous n'arriverons pas à affronter le mur de la rénovation.
Telles sont les réserves que nous émettons pour l'instant sur ce texte. En l'état, nous nous abstiendrons en commission.
M. Yannick Jadot. - Il y a, à l'évidence, de vraies difficultés dans la mise en oeuvre des obligations de rénovation. Le risque porte moins sur l'obligation de rénovation elle-même que sur l'absence de rénovation. Certains logements vont devenir des « bouilloires » énergétiques et sortiront, de fait, du marché locatif, puisque personne ne pourra plus y habiter décemment. Plutôt que de parler de « confort d'été », ce qui est trop ambigu, je préfère utiliser l'expression « habitabilité d'été ». Certains assouplissements entre les copropriétaires et la copropriété pourraient se traduire par des reports trop importants, malgré les restrictions prévues : une résolution de moins de trois ans, ce n'est pas non plus un plan de rénovation...
Nous sommes également inquiets en ce qui concerne la relation entre le propriétaire et le locataire. On connaît le rapport de forces entre les deux : il ne faudrait pas présenter comme un refus de la part du locataire une décision relevant essentiellement du propriétaire...
Nous avons déposé un amendement visant à préciser que le niveau de performance énergétique retenu pour l'obligation de mise en conformité énergétique est celui qui est exigible au plus tard trois ans après la conclusion du bail. Il tend à éviter qu'en cas de bail long - la loi impose un minimum de six ans pour les locations non meublées par personne morale - le bailleur soit dispensé pendant six ans de toute obligation de rénovation énergétique. Il ne faudrait pas repousser les travaux ad vitam æternam...
M. Lucien Stanzione. - La proposition de loi présentée par notre collègue Amel Gacquerre vise un objectif que nous partageons pleinement : clarifier les obligations de rénovation énergétique, tout en respectant les échéances fixées par la loi Climat et résilience, en tenant compte des contraintes bien réelles que rencontrent les propriétaires bailleurs, notamment en copropriété.
C'est à l'origine un texte transpartisan porté par les députés Inaki Echaniz et Bastien Marchive. Il vise à apporter des réponses concrètes à des situations souvent complexes sur le terrain et à proposer des ajustements bienvenus pour mieux prendre en compte certains éléments de blocage. Nous retrouvons aussi, dans ce texte, les dispositions de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, déposée par mon groupe et adoptée la semaine dernière en séance. C'est une forme de reconnaissance, mais il aurait été bienvenu que Michaël Weber soit informé, voire associé, à ce travail. Je remercie néanmoins notre rapporteure d'avoir mentionné son nom aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, nous soutiendrons cette proposition de loi dans la version qui nous est proposée.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Madame Margaté, la question des budgets alloués à la rénovation énergétique est évidemment cruciale. Malheureusement, MaPrimeRénov' a subi, cette année, en loi de finances, un coup de rabot d'un milliard d'euros. Il est à craindre que les années à venir ne soient pas plus positives.
Monsieur Jadot, j'entends vos remarques. Nous avons essayé de préserver une forme d'équilibre. Certains propriétaires peuvent aussi se trouver dans l'impossibilité - pour différentes raisons - de conduire les travaux. Le jour où il n'y aura plus de propriétaires, il n'y aura plus non plus de locataires : ces deux aspects doivent être conciliés.
Enfin, monsieur Stanzione, je vous assure que la reprise de certaines dispositions votées par la commission de la proposition de loi de Michaël Weber est bien un acte positif de notre part.
Il me revient maintenant de vous donner lecture du périmètre retenu pour juger de la recevabilité des amendements au titre de l'article 45 de la Constitution.
Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives : aux caractéristiques d'un logement décent au sens de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, ainsi qu'aux modalités et aux outils de mise en conformité des logements, notamment en copropriété ; aux obligations des bailleurs, des copropriétaires et des locataires en conséquence ; au mode de calcul et d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments à usage d'habitation.
Mme Amel Gacquerre, auteure de la proposition de loi. - Je remercie Sylviane Noël de son écoute.
Cette proposition de loi, courte et technique, est très attendue. Elle a deux objectifs : éviter la sortie massive et rapide des logements classés « G » du parc locatif, et prévenir les litiges entre propriétaires et locataires. La mise en place du calendrier de décence énergétique sera problématique. Nous aurions pu être tentés de repousser son entrée en vigueur, comme cela a été demandé par certains, mais nous avons préféré le maintenir en collant davantage aux réalités du terrain. Nous avons prévu une mise en place progressive. Par ailleurs, les locataires et les propriétaires de bonne foi doivent pouvoir être accompagnés afin d'atteindre les objectifs sociaux et environnementaux de ce calendrier.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-7 vise à élargir le champ des contraintes prises en compte pour que l'obligation de décence énergétique soit satisfaite. Actuellement, seules sont mentionnées les contraintes techniques. Il existe des dérogations, en raison de contraintes architecturales, patrimoniales ou liées à un coût manifestement disproportionné des travaux. Il faut que nous les prenions en compte également ici.
Je souhaite aussi élargir le champ de l'article 1er afin que soient inclus les propriétaires de maisons individuelles.
Dans une logique d'équilibre par rapport à ces assouplissements, il me semble important d'éviter les refus de complaisance des copropriétaires : c'est pourquoi je propose que le refus des copropriétaires ne puisse être valable que s'il est intervenu il y a moins de trois ans. Sinon, on pourrait se prévaloir pendant dix ans d'une décision de refus, alors que la composition de l'immeuble et la maturité des décisions liées à la rénovation énergétique peuvent évoluer.
En outre, il faut que nous rendions enfin opposable le DPE collectif. Je propose qu'il soit pris en compte s'il permet d'atteindre une classe énergétique correspondant à la décence du logement.
Je propose également de ne pas conserver l'exigence du recours à un maître d'oeuvre dans le cadre de l'engagement de travaux.
Par ailleurs, une disposition contenue dans le texte ne me semble pas justifiée : le fait de persister à appliquer une réduction de loyer même dans le cas où un propriétaire a réalisé tous les travaux ordonnés par le juge, dès lors que le logement reste classé « G ». Cette mesure pénaliserait des propriétaires ayant réalisé des travaux souvent coûteux ! Il me semble de surcroît absurde d'imaginer qu'un juge ordonne des travaux totalement inefficaces au point que la classe énergétique du logement ne soit pas du tout améliorée et demeure aussi mauvaise.
L'amendement COM-7 est adopté. En conséquence, les amendements COM-2, COM-3, COM-4 et COM-5 deviennent sans objet.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-6 vise à prendre en compte le confort intérieur d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante. Je partage, bien évidemment, la préoccupation de notre collègue. Je souhaite moi aussi aller beaucoup plus loin que la simple demande de rapport au Gouvernement actuellement prévue à l'article 2.
Comme nous l'avons vu lors de l'examen de la proposition de loi de Michaël Weber la semaine dernière, une meilleure prise en compte du confort d'été par le DPE est nécessaire pour mieux valoriser les qualités constructives des bâtiments anciens, trop souvent sous-estimées. C'est aussi une nécessité au regard du changement climatique.
Je vous propose donc d'intégrer l'intégralité des dispositions de la proposition de loi de Michaël Weber qui ont été adoptées par la commission ou avec son avis favorable en séance. Elles sont le fruit d'un travail transpartisan, qu'il est souhaitable de valoriser. Cela permettra d'améliorer la compatibilité des obligations de rénovation énergétique avec la préservation du bâti ancien à caractère patrimonial.
Monsieur Jadot, votre souhait de prendre en compte le confort d'été sera satisfait par mon amendement COM-9. J'ai toutefois préféré me cantonner à la reprise, à l'identique, des mesures votées par la commission dans le cadre de la proposition de M. Weber, d'autant que nous avions écarté l'ajout d'un septième poste de travaux de rénovation énergétique.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement COM-6, au profit de mon amendement COM-9.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'article 2 est ainsi rédigé.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-1 de Mme Devésa est satisfait par l'amendement COM-9, qui vise à prendre en compte le confort d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante et à s'assurer que le DPE considère les spécificités thermiques des bâtiments anciens, qui sont propices au confort d'été.
Comme je l'ai souligné précédemment, j'ai souhaité me cantonner à la reprise, à l'identique, des mesures votées par la commission dans le cadre de la proposition de loi de M. Weber et ne pas rejouer le débat sur ce sujet. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Mme NOËL, rapporteure |
7 |
Assouplissement des exigences à l'égard des propriétaires, notamment par le biais d'un élargissement des contraintes prises en compte et d'une extension du champ de l'article aux logements individuels. |
Adopté |
M. JADOT |
2 |
Application des obligations de décence énergétique au plus trois ans à compter de la conclusion du bail. |
Satisfait ou sans objet |
M. JADOT |
3 |
Suppression de la prise en compte du refus des travaux par le syndicat des copropriétaires. |
Satisfait ou sans objet |
M. JADOT |
4 |
Réduction de cinq à deux ans du délai raisonnable de réalisation de travaux en copropriété. |
Satisfait ou sans objet |
M. JADOT |
5 |
Suppression de l'impossibilité pour le locataire de se prévaloir de l'indécence de son logement devant le juge s'il fait obstacle à la réalisation des travaux de rénovation énergétique. |
Satisfait ou sans objet |
Article 2 |
|||
M. JADOT |
6 |
Prise en compte du confort intérieur d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante. |
Rejeté |
Mme NOËL, rapporteure |
9 |
Introduction des dispositions de la proposition de loi de Michaël Weber visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien. |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
Mme DEVÉSA |
1 |
Prise en compte du confort intérieur d'été dans le cadre de la rénovation énergétique performante. |
Rejeté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 12(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie13(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte14(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial15(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 26 mars 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 328 (2024-2025 visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété. Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives :
- aux caractéristiques d'un logement décent au sens de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ainsi qu'aux modalités et aux outils de mise en conformité des logements, notamment en copropriété ;
- aux obligations des bailleurs, des copropriétaires et des locataires en conséquence ;
- au mode de calcul et d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments à usage d'habitation.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 25 février 2025
- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : MM. Vincent MONTRIEUX, adjoint au directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, Thomas ZUELGARAY, adjoint au sous-directeur du développement durable et de la qualité de la construction, et Aurélien HAUSER, adjoint au sous-directeur de la législation de l'habitat et des organismes de logement social.
- Agence nationale de l'habitat (Anah) : MM. Grégoire FRÈREJACQUES, directeur général adjoint, et Antonin VALIÈRE, responsable des relations institutionnelles.
Mercredi 5 mars 2025
- Auteure de la proposition de loi : Mme Amel Gacquerre, sénatrice du Pas-de-Calais.
Vendredi 7 mars 2025
- Union sociale pour l'habitat (USH) : MM. Boris PETRIC, directeur des études juridiques, Alban CHARRIER, directeur adjoint Maîtrise d'ouvrage et politiques patrimoniales, Antoine GALEWSKI, directeur des relations institutionnelles et parlementaires, et Mme Barbara FOURCADE, responsable juridique du département gestion locative.
- Association des responsables de copropriété (ARC) : M. Émile HAGEGE, directeur général.
- Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) : M. Sylvain GRATALOUP, président.
- Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) : M. Loïc CANTIN, président, et Mme Joëlle GOEPFERT, directrice de cabinet.
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- Fédération des services Energie Environnement (Fedene)
- Syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées (Filmm)
- Unis
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-328.html
* 1 Le parc de logements par classe de performance énergétique au 1er janvier 2024, Données et études statistiques du ministère de l'aménagement du territoire et de la transition écologique, publié le 17 décembre 2024.
* 2 Les passoires énergétiques du parc locatif privé au 1er janvier 2022, Données et études statistiques du ministère de l'aménagement du territoire et de la transition écologique, publié le 4 mai 2023.
* 3 Chiffres clés 2024 de l'Agence nationale de l'habitat.
* 4 Loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale.
* 5 Article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
* 6 Article 20-1 de la loi n° 86è462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
* 7 Loi du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.
* 8 Commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.
* 9 Calcul de la consommation conventionnelle des logements.
* 10 Rapport d'information de Mme Drexler au nom de la commission de la culture sur le patrimoine et
la transition écologique, publié le 28 juin 2023.
* 11 Rapport de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, publié le 29 juin 2023.
* 12 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 13 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 14 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 15 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.