N° 484

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 mars 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
visant à
renforcer la stabilité économique et la compétitivité
du
secteur agroalimentaire,

Par M. Daniel GREMILLET et Mme Anne-Catherine LOISIER,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) :

954, 1104 et T.A. 74

Sénat :

451 et 485 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Les députés Stéphane Travert et Julien Dive ont déposé le 13 février 2025 une proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire qui s'inscrit dans la continuité des lois Egalim de 2018, 2021 et 2023. Alors que notre filière agroalimentaire est fragilisée par une guerre des prix au détriment des producteurs, que la ferme France décroche dans les rayons et que le cycle des négociations commerciales 2025 a été particulièrement dur, la commission poursuit l'objectif d'un cadre le plus stable possible pour les acteurs. C'est pourquoi bien que réservée sur le SRP+10, elle juge nécessaire de le prolonger sachant qu'il viendrait sinon à expiration le 15 avril 2025. Elle est également favorable à la poursuite de l'expérimentation de l'encadrement des promotions.

Réunie le 26 mars 2025, elle a ainsi adopté plusieurs amendements visant à recentrer la proposition de loi autour de la prolongation du SRP+10 ; à harmoniser les durées d'expérimentation des dispositifs jusqu'au 15 avril 2028, qu'il s'agisse du SRP+10 comme de l'encadrement des produits de grande consommation, denrées alimentaires comme produits DPH ; et à préciser les sanctions applicables en cas d'infraction au SRP ou d'absence de remontées d'informations.

I. DANS UN CONTEXTE TENDU QUI EXIGE PLUS DE STABILITÉ, LES LOIS EGALIM RESTENT MAL APPLIQUÉES ET INSUFFISAMMENT ÉVALUÉES

A. L'ÉTAT PRÉOCCUPANT DES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES ET PLUS GÉNÉRALEMENT DE LA FILIÈRE AGROALIMENTAIRE FRANÇAISE

1. Des négociations commerciales encore plus difficiles que les années précédentes

Les spécificités du contexte - cycle de négociations 2025 très dur, crise agricole, sortie d'une période de forte inflation, tensions persistantes sur le pouvoir d'achat et concentrations dans le secteur de la grande distribution - ont rendu encore plus délicat le respect de la logique des lois Egalim qui visent un prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l'amont agricole. Tous les acteurs auditionnés ont dressé le constat d'un climat de négociations particulièrement dégradé au cours du cycle 2024-2025, caractérisé par des rapports de force encore plus tendus que les années précédentes, déjà difficiles.

2. Le décrochage de la ferme France en dépit des lois Egalim

Le décrochage de la ferme France, souligné dans le rapport du groupe de suivi des lois Egalim, est préoccupant : outre notre balance commerciale, il se matérialise par une progression des produits dont la matière première agricole est d'origine étrangère, notamment pour les produits sous marque de distributeur (MDD).

Après des années de retrait, la part des MDD a augmenté et s'élève à 34 % en valeur. Le recul de la consommation a plus fortement impacté les marques nationales que les MDD, notamment sous l'effet d'une décorrélation entre la hausse du tarif consentie à l'industriel et celle du prix de vente en rayon des marques nationales, compensée par la baisse des prix des MDD. La progression des MDD impacte l'origine des matières premières, chaque fournisseur étant libre de répondre aux appels d'offres internationaux des distributeurs. Cette guerre des prix au détriment de la matière première agricole française confirme les doutes formulés par le Sénat dès l'examen de la première loi Egalim sur la stratégie de « montée en gamme » de l'agriculture française par rapport à cette tendance lourde de la distribution et aux tensions sur le pouvoir d'achat.

B. DES LOIS EGALIM PEU APPLIQUÉES ET CONTOURNÉES

1. Taux de contractualisation dans la filière bovine
en 2023

Les exemples de la contractualisation et des indicateurs de référence

La contractualisation écrite, bien que généralisée par Egalim 2, reste faiblement appliquée. Au sein des filières soumises à l'obligation, c'est-à-dire la quasi-totalité des productions animales, la contractualisation est peu développée - hormis dans la filière laitière pour des raisons historiques. Dans la filière bovine, où elle a été généralisée à partir de 2022, le taux de contractualisation est passé de seulement 17 % en 2022 à 25 % fin 2023. De plus, de nombreuses filières sont exemptées, par voie règlementaire, de l'obligation de contractualisation écrite : productions végétales, fruits et légumes, vins, apiculture... Par ailleurs, bien que fournissant une base de discussion ainsi qu'un référentiel fiable et objectif de nombreux indicateurs de référence ne sont pas publiés par les interprofessions.

2. Des centrales d'achat internationales pour contourner les lois Egalim

Au-delà d'un objectif de mutualisation des achats, les centrales d'achat basées à l'étranger sont un moyen de contourner les lois Egalim. Environ 20 % en valeur ou jusqu'à 50 % en volume des produits commercialisés par la grande distribution en France pourraient être négociés à l'étranger. Les industriels sont de plus en plus nombreux à être convoqués par ces structures internationales qui ne se limitent plus aux multinationales, mais touchent aussi des PME et ETI. À ces centrales internationales d'achat s'ajoutent des centrales de services commerciaux, qui se superposent à des services déjà payés au niveau national et peuvent s'apparenter à un droit d'entrée en négociations sans contrepartie économique réelle.

C. POUR UNE MEILLEURE ÉVALUATION ET UN CADRE JURIDIQUE STABLE

1. Un besoin de stabilité, y compris pour le SRP+10 et l'encadrement des promotions, deux dispositions censées favoriser la marche en avant des prix agricoles

Il est contradictoire d'instruire le procès en inefficacité des lois Egalim et de vouloir sans cesse en élargir les dispositions : les acteurs demeurent en phase d'appréhension des nombreux dispositifs votés et aspirent à un cadre juridique le plus stable possible, c'est pourquoi il vaut mieux renforcer l'application des lois Egalim et en améliorer l'évaluation que modifier chaque année les dispositifs et leurs paramètres. Le droit des relations commerciales a connu 13 réformes en moins de 40 ans, dont six ces dix dernières années !

Introduit à titre expérimental par la loi Egalim 1 en 2018 et prorogé en 2020, le SRP+10 arrive à échéance le 15 avril 2025. Il vise des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs par une meilleure péréquation entre produits, c'est-à-dire une limitation des écarts de prix entre produits d'appel et produits aux prix plus élevés. Ces prix plus élevés conduisent à des marges plus grandes pour les distributeurs mais ils sont défavorables aux fournisseurs (agriculteurs et industriels) en termes de pénétration des marchés et aux consommateurs en termes de pouvoir d'achat. À l'exception du groupe Leclerc, tous les acteurs auditionnés soulignent la nécessité de prolonger ce dispositif, la disparition du SRP+10 conduirait en effet à un nouvel épisode de la guerre des prix.

2. Le SRP+10 et l'encadrement des promotions forment un ensemble de dispositions qui doivent faire l'objet d'évaluations plus approfondies

Si le Sénat s'est montré circonspect sur ce dispositif inflationniste dès 2018, les rapports d'évaluation de 2020 et 2022 ont relativisé ses défauts : le relèvement du SRP et l'encadrement des promotions n'ont eu qu'un très faible effet inflationniste sur les produits alimentaires (+0,17 % entre mars 2019 et février 2020 par exemple). N'ayant pas démontré son impact bénéfique sur la rémunération des producteurs, le SRP+10 devra faire l'objet d'évaluations plus approfondies, surtout que le rapport d'évaluation remis par le Gouvernement en mai 2024 ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage de leur surplus de chiffre d'affaires à ce titre depuis 2019. Pour mémoire, la loi Egalim 3 ou Descrozaille prévoit en effet que chaque distributeur communique au Gouvernement des informations à ce sujet. Depuis 2023, l'ensemble des distributeurs font part de leur difficulté à répondre à cette obligation déclarative et dénoncent l'absence de méthodologie commune produite par la DGCCRF.

Pendant du SRP+10, l'expérimentation de l'encadrement des promotions a été prolongée jusqu'en 2026, avec un taux de remise en valeur plafonné à 34 % et un volume concerné limité à 25 %. Son extension il y a un an à tous les produits de grande consommation (PGC), dont les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH), en mars 2024, visait à prévenir le risque d'effets de bord sur les produits alimentaires. Bien qu'une évaluation rigoureuse fasse défaut, cet encadrement des promotions n'a pas engendré de hausse des prix et a même permis une hausse du nombre de références en promotion ainsi que la facilitation du lancement de nouveaux produits. En matière de DPH, il permet de protéger le tissu industriel national, notamment nos PME et a suscité une réduction des prix (- 2,1 % sur les prix DPH en fond de rayon entre mars et novembre 2024 selon Circana). Il est faux de dire qu'il a conduit à un effondrement des volumes de DPH en grandes surfaces, puisque le décrochage des DPH par rapport aux ventes totales des PGC s'observe depuis plus d'une décennie et a été particulièrement spectaculaire en 2021 et 2023, soit avant l'entrée en vigueur du dispositif. La prolongation de l'expérimentation au-delà de 2026 serait donc bienvenue, même si le développement du cagnottage en alternative aux promotions limite sa portée.

II. LES APPORTS DE LA PROPOSITION DE LOI DOIVENT ÊTRE AJUSTÉS

A. UNE PPL INITIALEMENT BRÈVE POUR PROROGER LE SRP+10 ET ABANDONNER L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS SUR LES PRODUITS DPH MAIS DONT LE CONTENU A ÉTÉ ENRICHI

1. Prolonger le SRP+10 jusqu'au 15 avril 2028 : une nécessité consensuelle

Alors que la loi ASAP de 2020 a prorogé le SRP+10 jusqu'au 15 avril 2025, l'imminence de cette échéance plaide pour l'adoption en urgence d'un vecteur législatif permettant de prolonger ce dispositif expérimental. La poursuite de l'expérimentation fait consensus et cette proposition de loi devait quasiment avoir pour seule fonction de répondre à cet enjeu, c'est pourquoi l'Assemblée nationale a adopté le texte sans remettre en cause ce point.

2. La fin de l'encadrement des promotions en DPH : un « cadeau » sans contrepartie à la distribution, remis en cause lors les débats à l'Assemblée nationale

Abandonner l'encadrement des promotions des produits DPH est présenté dans l'exposé des motifs de la proposition de loi comme une mesure visant à donner « une plus grande liberté commerciale » aux distributeurs. Ce « cadeau » sans contrepartie à la distribution a fort heureusement été remis en cause lors les débats à l'Assemblée nationale : à l'initiative du rapporteur, la commission a conservé l'expérimentation jusqu'au 15 avril 2026, puis en séance deux amendements contradictoires ont été adoptés : l'un portant le taux de remise en valeur à 40 % jusqu'en 2028 et l'autre ramenant toutes les expérimentations, SRP+10 comme encadrement des promotions, à 2026.

3. Un texte court enrichi de nombreuses dispositions lors de l'examen en commission et en séance à l'Assemblée nationale

D'un article unique, le texte est passé à quatre articles. Comme il a été vu, les expérimentations (SRP+10 et encadrement des promotions) ne sont reconduites que jusqu'en 2026.

L'Assemblée nationale a surtout voté un encadrement des marges dans le secteur agroalimentaire, filière par filière, à travers des coefficients multiplicateurs entre prix d'achat et prix de revente. En vue d'assurer la remontée effective des données sur l'utilisation des surplus de marges résultant du SRP+10 par les distributeurs et désormais aussi les fournisseurs, les sanctions en cas de non-transmission des informations sont portées à un plafond de 1 % du chiffre d'affaires (chiffre d'affaires inférieur à 350 millions d'euros) ou de 4 % du chiffre d'affaires (chiffre d'affaires supérieur à 350 millions d'euros) et ces données, qui ne pouvaient pas être rendues publiques jusqu'ici, pourraient désormais l'être. De même la sanction pour manquement au SRP passerait de 75 000 € à un plafond de 1 % du chiffre d'affaires. Les marges brutes et nettes de chaque fournisseur et distributeur feraient l'objet d'une publication trimestrielle avec des sanctions allant jusqu'à 1 % de leur chiffre d'affaires si les entreprises ne transmettent pas les informations nécessaires. L'Assemblée nationale a également prévu l'extension du SRP+10 aux produits vendus sous MDD et un assouplissement de l'encadrement des promotions avec un taux de promotion en valeur porté de 34 à 40 %.

B. LES APPORTS DE LA COMMISSION

1. Le recentrage de la PPL autour de la prolongation du SRP+10

La commission juge indispensable de poursuivre l'expérimentation du SRP+10 en dépit de ses réserves initiales et rejoint donc à ce titre l'Assemblée nationale Elle est également favorable à la poursuite de l'expérimentation de l'encadrement des promotions. C'est pourquoi elle a recentré la proposition de loi autour de la prolongation du SRP+10 en prenant le soin d'harmoniser les durées d'expérimentation jusqu'au 15 avril 2028, qu'il s'agisse donc du SRP+10 comme de l'encadrement des promotions, pour lesquelles il est préférable de conserver les taux en vigueur en valeur et en volume (34 % et 25 %). La commission a, par conséquent, supprimé les autres dispositions envisagées par l'Assemblée nationale en séance publique, sauf un nouveau rapport sur les marges demandé à l'article 3.

2. Des sanctions renforcées mais de manière proportionnée

Si les sanctions applicables aujourd'hui en cas d'infraction au SRP ou d'absence de remontées d'informations sont insuffisantes, celles issues du vote de l'Assemblée nationale sont disproportionnées, c'est pourquoi les sanctions applicables en cas d'infraction au SRP ou d'absence de remontées d'informations (exigées des seuls distributeurs) pourront aller jusqu'à 100 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Prolongation du relèvement du seuil de revente à perte et de l'encadrement des promotions

Cet article vise à prolonger jusqu'au 15 avril 2026 le relèvement du seuil de revente à perte (SRP+10) et l'encadrement des promotions, dont les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH). La rédaction initiale consistait à proroger ce relèvement jusqu'en 2028 et à ne pas poursuivre l'encadrement des promotions en DPH au-delà de 2025 mais l'Assemblée nationale a modifié le texte sur ces deux points. Elle a également voté d'autres amendements, visant :

- à porter la sanction pour non-transmission des informations sur l'utilisation par les distributeurs des surplus de marges résultant du SRP+10 à un plafond de 1 % du chiffre d'affaires (pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros) ou de 4 % du chiffre d'affaires (chiffre d'affaires supérieur à 350 millions d'euros) ;

- à étendre aux fournisseurs l'obligation de transmission de données sur l'utilisation des surplus de marges résultant du SRP+10 et à prévoir un régime de sanctions similaire à celui des distributeurs ;

- à préciser que, dans les documents remis chaque année par les distributeurs pour documenter l'usage qu'ils font du SRP+10, devront figurer les taux de marge brut et le taux de marge brut spécifique pour les produits bio ;

- à exiger une publication trimestrielle - par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) - des niveaux de marges brutes et de marges nettes réalisés individuellement par chaque fournisseur et distributeur dont le chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros. Si les entreprises ne transmettent pas les informations nécessaires à ce rapport de l'OFPM, les sanctions peuvent aller jusqu'à 1 % de leur chiffre d'affaires.

La commission a pour sa part adopté un amendement visant à :

- recentrer l'article autour de la prolongation du SRP+10 ;

- harmoniser les durées d'expérimentation des dispositifs jusqu'au 15 avril 2028, qu'il s'agisse du SRP+10 comme de l'encadrement des produits de grande consommation, denrées alimentaires et produits DPH ;

- préciser que les sanctions applicables en cas d'absence de remontées d'informations (qui restent exigées des seuls distributeurs) peuvent aller jusqu'à 100 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - le relèvement du seuil de revente à perte, dit « SRP + 10 », arrive à échéance le 15 avril 2025

A. Le principe de l'interdiction de la revente à perte et le relèvement du seuil de revente à perte introduit par la loi Egalim 1

L'interdiction de la revente à perte est un principe fondamental du droit français de la concurrence et du commerce. Créée en 19631(*), cette interdiction poursuivait deux objectifs.

Le premier objectif poursuivi par le législateur était alors de protéger les petits commerces face à l'émergence de la grande distribution, suivant l'idée que la revente à perte constituait une pratique de concurrence déloyale, dans la mesure où seules les enseignes de grande distribution pouvaient, en raison de leur taille, se permettre de vendre à perte certains produits d'appel afin d'attirer des clients.

De plus, l'interdiction de revente à perte visait aussi à protéger les consommateurs, dès lors que la perte causée par ces reventes était susceptible d'inciter le distributeur à « rattraper » ses marges sur d'autres produits.

Aujourd'hui, cette interdiction est prévue par le I de l'article L. 442-5 du code de commerce, dont il résulte que le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 € d'amende2(*). Le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à la revente et du prix du transport. S'agissant des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, ce prix d'achat effectif a été affecté d'un coefficient de 1,10 afin de forcer les distributeurs à réaliser au moins 10 % de marge sur de tels produits.

Le II du même article prévoit en outre sept cas où l'interdiction de la revente à perte ne s'applique pas3(*). Il n'est pas prévu expressément que les produits vendus sous marque de distributeur soient inclus ou bien exclus du champ d'application de l'interdiction de la revente à perte.

Le coefficient de 1,10, qui est un relèvement du seuil de revente à perte (d'où le nom de « SRP+10 »), a été introduit à titre expérimental par la loi Egalim 14(*) à la suite des États généraux de l'alimentation organisés en 2017 : il vise des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs par une meilleure péréquation entre produits, c'est-à-dire une limitation des écarts de prix entre produits d'appel et produits aux prix plus élevés. Ces prix plus élevés conduisent à des marges plus grandes pour les distributeurs mais ils sont défavorables aux fournisseurs (agriculteurs et industriels) en termes de pénétration des marchés et aux consommateurs en termes de pouvoir d'achat.

En effet, l'article 15 de la loi Egalim 1, a habilité le Gouvernement à légiférer pour relever le seuil de revente à perte. Ainsi, par son article 2, l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires a prévu que, pour une durée de deux ans, « le prix d'achat effectif défini au deuxième alinéa du I de l'article L. 442-5 du code de commerce est affecté d'un coefficient de 1,10 pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état au consommateur ». En 2020, cette disposition a été prorogée jusqu'en 20255(*), et c'est le fait que le SRP + 10 arrive à échéance le 15 avril prochain qui justifie le présent article.

Il convient d'observer que le SRP+10 devait en tant qu'expérimentation faire l'objet d'une évaluation régulière, mais les rapports rendus par le Gouvernement sont peu nombreux et particulièrement indigents.

Si le Sénat s'est montré circonspect sur ce dispositif inflationniste dès 2018, les deux premiers rapports d'évaluation remis au Parlement en octobre 2020 et 2022, ont relativisé ses défauts : le relèvement du SRP et l'encadrement des promotions n'ont eu qu'un très faible effet inflationniste sur les produits alimentaires (+0,17 % entre mars 2019 et février 2020 par exemple).

N'ayant pas démontré son impact bénéfique sur la rémunération des producteurs, le SRP+10 continue de devoir faire l'objet d'évaluations plus approfondies, surtout que le 3e rapport d'évaluation remis par le Gouvernement en mai 2024 ne fait que constater l'impossibilité pour les distributeurs de rendre compte de l'usage de leur surplus de chiffre d'affaires à ce titre depuis 2019. Pour mémoire, la loi Egalim 3 ou Descrozaille prévoit en effet que chaque distributeur communique au Gouvernement des informations à ce sujet. Depuis 2023, l'ensemble des distributeurs font part de leur difficulté à répondre à cette obligation déclarative et dénoncent l'absence de méthodologie commune produite par la DGCCRF.

B. Le double encadrement des promotions en valeur et en volume : des produits alimentaires aux produits de droguerie, de parfumerie et d'hygiène (DPH)

L'ordonnance du 12 décembre 2018 précitée a également prévu un encadrement, pour une durée de deux ans, des promotions pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie : il s'agit d'un double encadrement en valeur et en volume. En valeur, le prix de vente au consommateur ne peut être réduit que jusqu'à 34 % et, en volume, les promotions ne peuvent porter que sur des produits qui ne représentent pas plus de 25 % du volume d'affaires convenu entre le fournisseur et le distributeur.

Comme pour le SRP + 10, ce dispositif d'encadrement des promotions a été prorogé. Jusqu'au 15 avril 2023 par l'article 125 de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique dite « ASAP », puis jusqu'au 15 avril 2026 par la loi Egalim 3 dite Descrozaille du 30 mars 2023.

C'est ce même vecteur législatif qui a conduit, à partir du 1er mars 2024, à élargir l'encadrement des promotions en valeur et en volume à tous les produits de grande consommation, y compris donc les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH).

II. Le dispositif prévu par la rédaction initiale de l'article - Prolonger le SRP+10 et abandonner l'encadrement des promotions pour les produits DPH

A. Prolonger le SRP+10 jusqu'au 15 avril 2028

Comme il a été vu, la loi ASAP de 2020 a prorogé le SRP+10 jusqu'au 15 avril 2025, or l'imminence de cette échéance plaide pour l'adoption en urgence d'un vecteur législatif permettant de prolonger ce dispositif expérimental jusqu'au 15 avril 2028 . La poursuite de l'expérimentation fait consensus et l'article unique de cette proposition de loi avait quasiment pour seule fonction de répondre à cet enjeu.

B. La fin de l'encadrement des promotions pour les produits DPH

Présenté dans l'exposé des motifs de la proposition de loi comme une mesure visant à donner « une plus grande liberté commerciale » aux distributeurs, le présent article visait aussi dans sa rédaction initiale l'abandon de l'encadrement des promotions des produits DPH.

III. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale - Un article enrichi de nombreuses dispositions

A. Les amendements adoptés en commission

Lors de l'examen du présent article par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, plusieurs amendements ont été adoptés.

Voici les apports les plus importants de la commission :

- l'amendement CE6 précise que le rapport d'évaluation du SRP+10 relatif à la construction des prix de vente doit être réalisé sur la base des documents fournis par les entreprises présentant leur choix d'utilisation des surplus de marges ;

- l'amendement CE30 vise à assurer la remontée effective des données sur l'utilisation des surplus de marges résultant du SRP+10 par les distributeurs à l'aide d'un régime de sanctions dissuasif, le niveau de sanction pour ces manquements à l'obligation de transparence en matière d'utilisation des surplus de marges étant le même que celui résultant du non-respect de la règle sur le SRP soit 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Il vise aussi à ce que ces données, qui ne pouvaient pas être rendues publiques, pourront désormais l'être ;

- l'amendement CE5 étend l'obligation de transmission de données sur l'utilisation des surplus de marges résultant du SRP+10 aux fournisseurs ;

- l'amendement CE45 prévoit, pour les industriels, un régime de sanctions similaire à celui des distributeurs en cas de manquements à l'obligation de transparence en matière d'utilisation des surplus de marges résultant du SRP+10 ;

- enfin, les amendements CE28 et CE42, identiques, visent à repousser au 15 avril 2026 la suppression de l'encadrement des promotions pour les produits DPH, soit un an de plus que la rédaction initiale de l'article et deux ans de moins que l'expérimentation dans le secteur alimentaire, soit le 15 avril 2028 pour mémoire.

B. Les amendements adoptés lors de l'examen en séance publique

Lors de l'examen du présent article en séance publique, une dizaine d'amendements a été adoptée par l'Assemblée nationale, dont trois amendements rédactionnels du rapporteur.

Les amendements les plus importants, dont la plupart ont été adoptés contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement, sont rappelés ci-après :

- l'amendement n° 16, seul amendement de fond adopté avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, proroge l'encadrement des promotions jusqu'en 2028, avec un taux de promotion en valeur porté de 34 à 40 % ;

- l'amendement n° 24 précise que dans les documents remis chaque année par les distributeurs pour documenter l'usage qu'ils font du SRP+10, devront figurer les taux de marge brut et le taux de marge brut spécifique pour les produits bio ;

- l'amendement n° 28 porte les sanctions en cas de non-transmission des informations par les distributeurs et les fournisseurs à un plafond de 1 % de leur chiffre d'affaires si leur chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros et de 4 % de leur chiffre d'affaires si leur chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros ;

- l'amendement n° 33 exige une publication trimestrielle - par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) - des niveaux de marges brutes et de marges nettes réalisés individuellement par chaque fournisseur et distributeur dont le chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros. Si les entreprises ne transmettent pas les informations nécessaires à ce rapport de l'OFPM, les sanctions peuvent aller jusqu'à 1 % de leur chiffre d'affaires ;

- enfin, l'amendement n° 9 ne proroge le SRP+10 et l'encadrement des promotions que jusqu'au 15 avril 2026.

IV. La position de la commission - La nécessité d'un recentrage de l'article

A. Une prolongation du SRP+10 comme de l'encadrement des produits de grande consommation jusqu'au 15 avril 2028

Il convient de recentrer l'article autour de la prolongation du SRP+10, disposition d'une urgence absolue, et, dans une logique de rationalisation, d'harmoniser les durées d'expérimentation des dispositifs en retenant la date unique du 15 avril 2028, qu'il s'agisse du SRP+10 comme de l'encadrement des produits de grande consommation, denrées alimentaires et produits DPH inclus.

À cette fin de recentrage, il est proposé de supprimer les autres dispositions introduites par l'Assemblée nationale lors de l'examen du présent article. Elles méritent mieux qu'une adoption rapide dans les circonstances d'un débat placé sous le signe de l'urgence : il convient de prendre le temps de préparer ces réformes, d'expertiser les dispositifs6(*) et, surtout, d'échanger avec toutes les parties prenantes dans une logique de concertation. L'examen d'un futur projet de loi Egalim 4 pourrait par exemple, constituer une séquence plus adaptée.

B. Des sanctions renforcées mais de manière plus proportionnée

Dans la mesure où les sanctions applicables aujourd'hui en cas d'absence de remontées d'informations sont insuffisantes, mais que les niveaux votés par l'Assemblée nationale sont excessifs, il convient de préciser que ces sanctions peuvent aller jusqu'à 100 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale. Une telle mesure est bien plus proportionnée.

Les obligations en matière de transmission de données sur l'utilisation des surplus de marges ne continueront bien évidemment de ne peser que sur les seuls distributeurs.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er bis
Encadrement des marges dans le secteur agroalimentaire

Cet article vise à encadrer les marges des acteurs de la chaîne agroalimentaire de l'amont à l'aval par l'institution de coefficients multiplicateurs maximum par filière applicables aux contrats conclus au sein de cette chaîne.

Le dispositif envisagé pose de nombreuses difficultés parmi lesquelles des effets incertains et une mise en oeuvre excessivement complexe. Son caractère inabouti plaide pour l'abandon de ces dispositions.

La commission a donc supprimé l'article.

I. La situation actuelle - Des prix librement fixés, sous réserve des limites prévues par le droit national et le droit européen

A. Un principe de liberté des prix encadrée par la loi

La République française a pour premier principe la liberté, qui aux termes de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». La liberté du commerce et de l'industrie découle de cet article et a été consacrée en 1791 par le décret d'Allarde puis confirmée par la loi Le Chapelier. Avec la liberté d'entreprendre, elles forment deux principes à valeur constitutionnelle.

Si la liberté des prix des biens et services est aujourd'hui garantie par la loi, en particulier par l'article L. 410-2 du code de commerce, tel n'a pas toujours été le cas. En effet, l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix prévoyait un système où les « prix de tous produits et services7(*) » étaient définis par arrêtés interministériels du ministre chargé de l'économie nationale et du ministre responsable pour les produits et services dont la liste était fixée par décret et par arrêté ministériel pour les autres produits et services8(*), et ce après avis du Comité national des prix.

Par ailleurs, l'ordonnance prévoyait, par son article 3, la possibilité pour les autorités compétentes de fixer des prix minimums. Des blocages de prix étaient aussi prévus par les articles 16 et suivants de l'ordonnance.

Toutefois, l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence est venue mettre fin à ce système d'administration des prix, en abrogeant l'intégralité de l'ordonnance du 30 juin 1945.

Ainsi, les prix n'étaient, en principe, plus contrôlés mais « librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Ce principe est aujourd'hui repris par l'article L. 410-2 du code de commerce.

Pour autant, cette liberté n'est pas absolue pour les commerçants. Outre les dispositions propres à certains secteurs9(*), sont prohibées les offres ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits10(*).

De même, afin de protéger la concurrence et les consommateurs, la revente à perte est également prohibée de longue date11(*).

En outre, certaines mesures visent à limiter les hausses abusives de prix. Ainsi, dans les secteurs ou zones où la concurrence par les prix est limitée en raison de situations de monopole ou de difficultés durables d'approvisionnement, un décret en Conseil d'État peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence12(*). C'est notamment sur ce fondement que le prix de certaines marchandises est règlementé en Guyane, à La Réunion, en Guadeloupe, Martinique et à Saint-Pierre-et-Miquelon13(*).

Le Gouvernement peut arrêter, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé14(*). C'est sur ce fondement qu'a été encadré le prix de vente du gel hydroalcoolique, pendant la pandémie de Covid-1915(*).

Enfin, un prix excessivement haut peut être constitutif d'un abus de position dominante prohibé par l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne16(*) et l'article L. 420-2 du code de commerce17(*). Toutefois, la caractérisation d'une telle infraction suppose un objet ou un effet anticoncurrentiel. Ainsi, la fixation d'un prix par un fournisseur ou un distributeur qui lui assurerait une marge très importante n'est pas, en soi, prohibée puisqu'elle ne présente pas d'objet ou d'effet anticoncurrentiel.

B. Une libre détermination des prix des produits agricoles garantie par le droit de l'Union européenne

Si la liberté des prix est protégée au niveau national par notre tradition constitutionnelle et par le code de commerce, elle est aussi protégée par le droit de l'Union européenne, et particulièrement par le règlement du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés (OCM) de produits agricoles18(*). Cette disposition concerne avant tout la vente des produits agricoles. Là aussi cependant, cette liberté n'est pas absolue.

Selon la Cour de justice de l'Union européenne, en présence d'un règlement portant OCM dans un domaine déterminé, les États membres sont tenus de s'abstenir de prendre toute mesure qui serait de nature à y déroger ou à y porter atteinte. Sont également incompatibles avec une OCM les réglementations qui font obstacle à son bon fonctionnement, même si la matière en question n'a pas été réglée de façon exhaustive par cette OCM19(*). À cet égard, la Cour juge que la libre détermination des prix de vente sur la base du libre jeu de la concurrence est une composante du règlement « OCM » et constitue l'expression du principe de la libre circulation des marchandises dans des conditions de concurrence effective20(*). Ce principe s'applique dans les relations entre agriculteurs et acheteurs de produits agricoles21(*) mais aussi à la détermination du prix de vente au consommateur par le distributeur22(*).

Pour autant, l'établissement d'une OCM n'empêche pas les États membres d'appliquer des règles nationales qui poursuivent un objectif d'intérêt général autre que ceux couverts par cette OCM, même si ces règles sont susceptibles d'avoir une incidence sur le fonctionnement du marché intérieur dans le secteur concerné23(*).

À ce propos, la Cour de justice de l'Union européenne a déjà pu juger que le règlement OCM dans son ensemble ne couvrait pas les objectifs de lutte contre l'inflation et de protection des consommateurs défavorisés. Ainsi, un État membre peut invoquer l'objectif de lutte contre l'inflation ou la protection des consommateurs afin de justifier des mesures qui portent atteinte au système de détermination des prix dans des conditions de concurrence effective.

Dans tous les cas, ces règles permettant de déroger à l'OCM doivent être propres à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne peuvent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif24(*).

II. Le dispositif envisagé - Un encadrement des marges par l'institution d'un coefficient multiplicateur maximal

L'article 1er bis, introduit en séance par l'amendement n° 37 d'André Chassaigne et ses collègues du groupe « Gauche Démocrate et Républicaine », avec un avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, vise un encadrement des marges dans le secteur agroalimentaire, filière par filière, à travers la définition, chaque année par les ministres chargés de l'agriculture et de l'économie d'un coefficient multiplicateur maximum entre le niveau minimal de prix d'achat et le prix de revente pour les produits agricoles et alimentaires (soit entre l'agriculteur et son acheteur), ainsi que la définition d'un coefficient multiplicateur maximum entre le prix d'achat et le prix de revente au public (soit entre le fournisseur et le distributeur).

Le premier coefficient multiplicateur s'appliquerait en effet :

- aux contrats de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français, mentionnés à l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) ;

- aux acheteurs qui revendent des produits agricoles ou des produits alimentaires mentionnés à l'article L. 631-24-1 du CRPM ;

- aux entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en application de l'article L. 233-16 du code de commerce, réalisé au cours du dernier exercice clos, est supérieur ou égal à 350 millions d'euros.

Concrètement, ce coefficient qui ne saurait être supérieur à un taux recommandé de marges par filière, défini par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, s'appliquerait donc aux industries agroalimentaires qui cèdent leurs produits aux distributeurs, mais aussi aux producteurs de produits agricoles eux-mêmes dès lors qu'ils cèdent leurs produits, puisqu'il est expressément fait référence à l'article L. 631-24 du CRPM.

Ensuite, le deuxième coefficient multiplicateur serait appliqué entre le prix des fournisseurs de produits agricoles ou des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles, et le prix de vente final des denrées alimentaires ou produits agricoles vendus dans le commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire. Le champ d'application de ce coefficient serait plus large mais reste incertain puisqu'il est seulement précisé qu'il n'est pas applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel ou le bilan réalisé au cours du dernier exercice est inférieur à deux millions d'euros ou qui emploient moins de dix salariés.

Enfin, sont prévues des sanctions en cas de manquements aux dispositions de cet article ainsi qu'un renvoi à un décret en Conseil d'État pour la définition de ses modalités d'application.

III. La position de la commission - Un dispositif excessivement complexe et inabouti dont les effets sont incertains

Tout d'abord, l'évaluation des effets du dispositif est très insuffisante. En effet, la réduction des marges causée par le dispositif proposé sur certains produits pourrait conduire à un rattrapage sur d'autres produits, et notamment sur des produits où les marges sont habituellement plus faibles, notamment ceux consommés par les ménages les plus modestes. Ainsi, alors que le présent dispositif entend protéger les consommateurs, il pourrait avoir un effet inflationniste en sens inverse. Et l'absence d'étude d'impact ou d'analyse prospective du dispositif ne permet pas de trancher avec certitude dans tel ou tel sens. Les conséquences de l'encadrement des marges envisagé sont donc très incertaines en réalité.

De même, il n'est pas démontré que le présent article contribuera à atteindre l'objectif de protection des consommateurs qu'il entend poursuivre et il n'est pas plus démontré qu'il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif.

Plus fondamentalement, le dispositif envisagé pose la question de sa compatibilité avec plusieurs grands principes du droit national (liberté d'entreprendre, liberté du commerce et de l'industrie, liberté contractuelle...) ainsi qu'avec le droit de l'Union européenne : les mesures proposées devraient être précédées d'une analyse plus approfondie, notamment par le Gouvernement et l'Autorité de la Concurrence, voire accompagnées d'une saisine préalable de la Commission européenne, afin de garantir leur constitutionalité et leur faisabilité.

Ensuite, les conditions de définition du taux recommandé de marge par filière ne sont pas, même sommairement, définies, alors que les acteurs économiques - agriculteurs, industriels et distributeurs - ont tous besoin de plus de stabilité normative et de visibilité dans la conduite de leurs activités.

Il faut ajouter que le dispositif sera excessivement complexe à mettre en oeuvre puisque la définition de deux coefficients pour chacune des filières conduira en pratique à l'adoption de très nombreux coefficients et devrait générer de sérieuses difficultés pour l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires dans l'exercice de ses missions concrètes.

Par ailleurs, la définition annuelle d'un coefficient ne répond pas à la problématique des cas de variations infra-annuelles. Le présent article ne prévoit pas le risque de perturbations conjoncturelles des marchés, qui pourrait rendre le coefficient totalement inadapté.

En outre, le champ d'application de ce coefficient pose un certain nombre de difficultés également.

Il est d'abord difficile de comprendre pourquoi le coefficient multiplicateur maximal entre le niveau minimal de prix d'achat et le prix de revente des produits agricoles ou des produits alimentaires devrait s'appliquer à la seule vente de produits agricoles.

De plus, le champ d'application du coefficient multiplicateur maximum par filière, entre le prix des fournisseurs, et le prix de vente final des denrées alimentaires ou produits agricoles vendus dans le commerce est assez incertain puisque le 2° de l'article se borne à indiquer qu'il n'est pas applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel ou le total de bilan réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à deux millions d'euros ou qui emploient moins de dix salariés... sans préciser toutefois ni à quoi ni à qui il serait applicable.

Au total, pour toutes les raisons évoquées, le dispositif proposé est trop inabouti pour pouvoir être soutenu.

La commission a donc supprimé l'article.

Article 2
Application de l'interdiction de revente à perte à la vente des produits vendus sous marque de distributeur

Cet article vise à clarifier le champ d'application de l'interdiction de revente à perte en prévoyant expressément qu'une telle interdiction, prévue au I de l'article L. 442-5 du code de commerce, est applicable aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD) acquis dans les conditions prévues à l'article L. 441-7 du même code. Cette évolution préciserait ainsi que le SRP+10 s'applique aux produits concernés vendus sous MDD.

L'article vise, par ailleurs, à renforcer les sanctions encourues en cas de méconnaissance de l'interdiction de revente à perte. Au lieu d'une amende de 75 000 euros, l'auteur d'un manquement au SRP s'exposerait à une amende dont le montant peut atteindre 1 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos.

Sur le premier point, alors que les effets attendus du SRP+10 n'ont pas été démontrés, l'opportunité d'étendre cette majoration aux produits vendus sous MDD n'est pas apparue aux rapporteurs, surtout que les effets inflationnistes sont quant à eux certains.

Sur le second point, le renforcement des sanctions proposé est excessif, porter l'amende encourue jusqu'à 100 000 € d'amende pour une personne physique et 500 000 € d'amende pour une personne morale paraît bien plus proportionné.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. La situation actuelle - L'interdiction de la revente à perte et le relèvement du seuil (SRP+10) face à la problématique spécifique des produits vendus sous marque de distributeur (MDD)

A. Le principe de l'interdiction de la revente à perte et le relèvement du seuil de revente à perte introduit par la loi Egalim 1

L'interdiction de la revente à perte est un principe fondamental en droit français dont l'histoire, les objectifs, les principes et les régimes de sanctions ont déjà été présentés25(*). Comme il a été vu, il existe un relèvement du seuil de revente à perte (SRP) qui a été introduit en 2018 par la loi Egalim 1 : s'agissant des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, le prix d'achat effectif est affecté d'un coefficient de 1,10, afin de forcer les distributeurs à réaliser au moins 10% de marge sur de tels produits (d'où le nom de « SRP+10 »).

B. Le régime juridique applicable à la production de produits vendus sous marque de distributeur

La définition du produit vendu sous marque de distributeur (MDD) est aujourd'hui prévue à l'article R 12-47 du code de la consommation, aux termes duquel « est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ». Les produits sous MDD ne suivent pas la procédure classique d'achat-revente puisqu'ils sont fabriqués sur demande, selon un cahier des charges établi par le distributeur. Deux cas doivent alors être distingués.

D'abord, le distributeur peut vendre des produits qu'il a lui-même fabriqués, sous une marque dont il est propriétaire.

Sinon, ce qui constitue le cas le plus fréquent, le distributeur confie à un fournisseur, selon une logique de sous-traitance, le soin de fabriquer les produits avant de les commercialiser sous sa propre marque.

La nature juridique des relations contractuelles liant le fournisseur et le distributeur qui vend des produits fabriqués par le fournisseur sous MDD n'est alors pas évidente. Un tel contrat peut, a priori, être regardé comme un contrat de vente26(*) dès lors que le fournisseur vend un produit au distributeur.

Toutefois, un tel contrat, dès lors que les caractéristiques du produit ensuite vendu sous MDD sont définies par le distributeur, ne doit pas être regardé comme un contrat de vente, mais comme un « contrat d'entreprise »27(*).

En effet, la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà pu juger que le contrat par lequel une entreprise fabrique des barres de céréales à partir de spécifications techniques fournies par le donneur d'ordre sur du matériel et en partie grâce à des produits fournis par ce dernier doit être qualifié de contrat d'entreprise et non de contrat de vente28(*). De manière générale, dès lors que le produit est fabriqué selon les modalités prévues par le cahier des charges imposé par le distributeur, le contrat portant sur un produit ensuite vendu sous MDD doit être regardé comme un contrat d'entreprise et non comme un contrat de vente29(*).

C. La question de l'application de l'interdiction de la revente à perte aux produits vendus sous MDD

La vente au consommateur, par un distributeur, de produits sous MDD, pourrait ne pas être regardée comme soumise aux dispositions de l'article L. 442-5 du code de commerce qui interdisent la seule revente à perte et non la vente à perte. En effet, dès lors que le produit vendu sous MDD n'a pas initialement fait l'objet d'un contrat de vente entre le distributeur et le fournisseur, il paraît, à première vue, difficile de considérer que le distributeur revende ce même produit au consommateur.

Toutefois, à ce stade, la Cour de cassation n'a jamais pris parti en faveur d'une telle solution. Surtout, elle ne peut être regardée comme parfaitement certaine dès lors que la notion de « revente » n'est pas définie par la loi. De plus, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, la notion de revente n'implique pas nécessairement un « achat puis une revente », de sorte que l'interprétation de cette notion peut s'avérer difficile à manier en pratique. À titre d'illustration, il peut être relevé qu'un distributeur a pu être condamné pour avoir vendu du fuel domestique à un prix inférieur au prix auquel elle l'a ensuite acheté. La société avait tenté de se défendre en avançant précisément devant la chambre criminelle de la Cour de cassation que « la revente s'inscrit dans une chaîne de ventes successives, et suppose d'être précédée d'une première vente portant sur le même bien, le revendeur ayant au préalable acquis le bien qu'il entend revendre » mais la chambre criminelle n'a pas retenu cette argumentation et rejeté le pourvoi, jugeant que le délit de revente à perte pouvait être caractérisé sans que l'absence d'un premier contrat de vente avant la « revente » n'y fasse obstacle 30(*).

Ainsi, quand bien même le contrat liant le fournisseur et le distributeur vendant des produits sous MDD est un contrat d'entreprise selon la chambre commerciale de la Cour de cassation, une telle circonstance ne suffit pas à établir que le juge pénal refuserait de qualifier la vente au consommateur comme une « revente ». Par suite, le risque de condamnation pour revente à perte d'un distributeur qui vend des produits sous MDD acquis auprès d'un fournisseur en vertu d'un contrat d'entreprise reste incertain.

Au cours des auditions, certains acteurs auditionnés ont pu expliquer que l'interdiction de revente à perte ne s'appliquait pas, selon eux, aux produits vendus sous MDD, mais d'autres ont aussi pu indiquer qu'ils avaient choisi d'appliquer le SRP+10 à leurs produits sous MDD.

II. Le dispositif introduit par l'Assemblée nationale - Un renforcement de l'interdiction de revente à perte par une extension aux produits vendus sous MDD et par un renforcement des sanctions

A. Une extension du champ d'application de l'interdiction de revente à perte aux produits vendus sous MDD

Issu d'un amendement adopté en commission ( CE3 déposé par M. Richard Ramos), l'article vient d'abord étendre le champ d'application de l'interdiction de revente à perte prévue à l'article L. 442-5 du code de commerce, en prévoyant que cette infraction est aussi applicable aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD) acquis dans les conditions prévues à l'article L. 441-7 du même code.

Par suite, les distributeurs ne pourraient revendre des produits sous MDD à un prix inférieur au prix d'achat effectif auprès du fournisseur, quand bien même le fournisseur fabriquerait le produit en question selon les modalités définies par le distributeur.

S'agissant des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie vendus sous MDD, les distributeurs seront de plus soumis au seuil de revente à perte majorée de 10 % (SRP+10), comme pour la vente de marques nationales31(*).

Ainsi, l'article 2 vise à clarifier le champ d'application de l'interdiction de revente à perte.

Surtout, cet article a pour objectif d'harmoniser les règles applicables aux produits vendus sous marques nationales et sous MDD en prévoyant qu'ils seront tous soumis au SRP+10.

B. Un renforcement considérable des sanctions applicables

En séance, l'Assemblée nationale a également adopté, avec un avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, un amendement n° 12 déposé par le groupe Socialistes et apparentés, visant à renforcer les sanctions applicables en cas de méconnaissance de l'interdiction de revente à perte.

Au lieu d'une amende de 75 000 euros, l'auteur s'exposerait à une amende d'un montant équivalent à 1 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos. Un sous-amendement n° 63 du même groupe précise que ce montant est un plafond.

III. La position de la commission - Revenir sur l'extension du SRP+10 aux MDD mais renforcer les sanctions tout en assurant leur proportionnalité

A. Une extension peu opportune aux produits vendus sous MDD

Alors que les effets attendus du SRP+10 n'ont pas été démontrés, l'opportunité d'étendre cette majoration aux produits vendus sous MDD n'apparaît pas comme une évidence. Vos rapporteurs, déjà critiques à l'égard du SRP+10, comprennent que pour plusieurs acteurs le cadre législatif en la matière gagnerait à être clarifié mais ils jugent surtout assez sévèrement l'extension du dispositif, surtout que les effets inflationnistes pour les produits en MDD se feront rapidement sentir pour les consommateurs, notamment les plus modestes. Ils s'interrogent de plus sur l'intérêt de l'appliquer aux productions internes et aux cas de prestation de service, qui ne sont pas des « ventes » au sens classique du terme. La revente à perte suppose en règle générale l'existence d'un contrat de vente en bonne et due forme. La mesure proposée réouvrirait un débat sur la nature juridique du contrat de fabrication de produits sous MDD qui n'est pas de nature à apaiser le cadre des relations commerciales, déjà particulièrement tendues depuis le début de l'année 2025.

Il n'est pas non plus certain que cette extension du dispositif aux MDD permette de rééquilibrer les marges sur l'ensemble des produits alimentaires, alors que le nombre de produits concerné par cette extension restera limité dans la mesure où les distributeurs appliquent déjà dans de nombreux cas des marges d'au moins 10 % sur les MDD.

L'extension du SRP+10 n'est donc pas opportune et le dispositif proposé a été supprimé par la commission.

B. Un renforcement excessif des sanctions qui doivent rester proportionnées

Sur le second dispositif introduit par l'article, les rapporteurs partagent l'objectif d'un renforcement des sanctions à l'égard des distributeurs pratiquant la revente à perte, d'autant plus que ce montant n'a pas été révisé depuis 200232(*). Pour autant, une amende dont le montant pourrait atteindre 1 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos leur paraît toutefois excessive.

Ainsi, la commission a adopté un amendement portant le montant de l'amende encourue à un plafond de 100 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale, ce qui paraît bien plus proportionné.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3
Remise d'un rapport sur les marges brutes réelles des distributeurs

Cet article additionnel est issu de l'adoption en séance, à l'Assemblée nationale, d'un amendement du groupe Socialistes et apparentés. Il prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les marges brutes réelles des distributeurs.

La commission a souhaité maintenir ce rapport qui va dans le sens d'une plus grande transparence.

La commission a donc adopté l'article sans modification.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - Un rapport sur les marges brutes réelles des distributeurs

Le dispositif fait suite à l'adoption en séance, à l'Assemblée nationale, d'un amendement n° 47 du groupe Socialistes et apparentés prévoyant la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les marges brutes réelles des distributeurs. Un sous-amendement n° 62 a précisé que le rapport n'est pas annuel, mais unique.

Ce rapport, détaillé par catégorie de produits alimentaires, devra rendre compte des « systèmes de péréquation des marges mis en place par les distributeurs », précisera « les évolutions des marges commerciales réalisées par les enseignes de la grande distribution missions » et indiquera « les marges commerciales de ces acteurs par type de produits, les tendances d'évolution sur les dix dernières années, la corrélation avec les effets d'inflation des coûts des matières premières et de l'énergie ».

II. La position de la commission - Un rapport qui favorisera une plus grande transparence

La commission a estimé que cet article additionnel ne posait pas de difficultés, ce rapport allant dans le sens d'une plus grande transparence alors que la question des marges des distributeurs continue de faire l'objet d'une certaine opacité.

Ce rapport devrait être confié à l'Inspection générale des Finances (IGF) alors que l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) présente dans ses rapports des chiffres qui ne reflètent pas la réalité des marges dégagées par les distributeurs. En effet, les résultats de l'Observatoire paraissent sous-estimer les niveaux de rentabilité dans la grande distribution car certains revenus tirés des ventes en rayon ne sont pas pris en compte et les distributeurs optimisent leur rentabilité à travers un système de péréquation des marges selon les produits qui masque les réalités économiques.

Des données plus solides sur les marges brutes réelles des distributeurs doivent permettre des retours en valeur plus élevés pour les industriels et les producteurs, en particulier les agriculteurs.

La commission a adopté l'article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 mars 2025, la commission a examiné le rapport de M. Daniel Gremillet et Mme Anne-Catherine Loisier sur la proposition de loi n°  451 (2024-2025), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons à présent la proposition de loi n° 451 (2024-2025), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Mes chers collègues, une précision préalable, je vais d'abord vous donner des éléments concernant le contexte de cette proposition de loi, ainsi que son contenu initial ; Anne-Catherine Loisier vous présentera ensuite les modifications assez profondes introduites par l'Assemblée nationale, puis nos propres propositions de modifications, en amont de l'examen tout à l'heure des amendements.

Je souhaite d'emblée vous préciser notre message principal.

Au départ, l'objectif de cette proposition de loi était de répondre à l'urgence de la fin de l'expérimentation du seuil de revente à perte de 10 % (SRP+ 10) : ce dispositif arrive à échéance le 15 avril prochain, soit dans quelques jours. Or les acteurs demandent sa prolongation pour éviter la déstabilisation des filières et des relations commerciales, malgré les réserves que le mécanisme suscite, comme l'ont montré nos nombreuses auditions.

Le texte contenait également le recentrage de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires, excluant les produits de droguerie, de parfumerie et d'hygiène (DPH). Il ne s'agissait donc pas d'une loi Égalim 4. Les circonstances du débat à l'Assemblée nationale ont cependant conduit à ajouter dans le texte toute une série de dispositions que nous verrons ensuite et sur lesquels nous vous proposerons le plus souvent de revenir.

Le contexte n'est guère réjouissant. Il est même devenu, je pèse mes mots, très préoccupant : décrochage de la ferme France ; crise agricole ; concentrations dans le secteur de la grande distribution ; sortie certes de la période de forte inflation, mais tensions persistantes sur le pouvoir d'achat ; négociations très difficiles en 2025. Depuis que la loi Égalim existe, c'est pire chaque année : jusqu'où irons-nous dans la dureté des négociations ? On nous a même rapporté que certaines entreprises avaient été convoquées à quatre heures un dimanche matin !

Tous les acteurs auditionnés nous ont dressé le constat d'un climat particulièrement dégradé pour ce cycle 2024-2025, caractérisé par des rapports de force encore plus tendus que les années précédentes, déjà difficiles. La logique des lois Égalim qui visent un prix « marche en avant » afin de préserver la rémunération de l'amont agricole est plus délicate à faire respecter que jamais.

Une chose est sûre, les lois Égalim n'empêchent pas le décrochage de la ferme France. Voilà pour le contexte.

Je dirai à présent deux mots de ces lois, sur lesquelles notre groupe de suivi a rendu un rapport à la fin de l'année 2024. Elles restent peu appliquées, j'en veux pour preuve les exemples de la contractualisation et des indicateurs de référence. Pire, ces lois sont contournées via des centrales d'achat basées à l'étranger.

Je relève que les acteurs aspirent à un cadre juridique qui soit le plus stable possible. C'est pourquoi il serait préférable de renforcer l'application des trois lois Égalim et d'en améliorer l'évaluation plutôt que de modifier chaque année les dispositifs et leurs paramètres. Le droit des relations commerciales a connu treize réformes en moins de quarante ans, dont six ces dix dernières années.

Je citerai un exemple : le SRP+ 10, objet de cette proposition de loi, introduit à titre expérimental par la loi Égalim en 2018 et prorogé en 2020, arrive à échéance le 15 avril prochain. D'où l'urgence à légiférer, une fois de plus.

Je rappelle qu'il vise à instaurer des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs par une meilleure péréquation entre produits, c'est-à-dire une limitation des écarts de prix entre les produits d'appel et les produits dont le prix est plus élevé. À l'exception du groupe Leclerc, tous les acteurs soulignent la nécessité de prolonger ce dispositif. La disparition du SRP+ 10 conduirait, en effet, à un nouvel épisode de guerre des prix. La proposition de loi visait donc à prolonger ce SRP+ 10.

Pendant du SRP+ 10, l'expérimentation de l'encadrement des promotions doit arriver à terme en 2026, avec un taux de remise en valeur plafonné à 34 % et en volume à 25 %.

Son extension il y a un an, en mars 2024, à tous les produits de grande consommation (PGC), dont les produits DPH, visait à prévenir le risque d'effets de bord sur les produits alimentaires. Bien qu'une évaluation rigoureuse fasse défaut, cet encadrement des promotions n'a pas engendré de hausse des prix. Il a même permis une hausse des références en promotion et a facilité le lancement de nouveaux produits.

En matière de DPH, il permet de protéger le tissu industriel national, notamment nos petites et moyennes entreprises (PME) et a suscité une réduction des prix de 2,1 % sur les prix DPH en fond de rayon entre mars et novembre 2024, selon Circana. Il est faux de dire qu'il a conduit à un effondrement des volumes de DPH en grandes surfaces, puisque le décrochage des DPH par rapport aux ventes totales des PGC s'observe depuis plus d'une décennie. Il a été particulièrement spectaculaire entre 2021 et 2023, soit avant l'entrée en vigueur du dispositif. La prolongation de l'expérimentation au-delà de 2026 serait donc bienvenue, même si le développement du cagnottage en alternative aux promotions limite sa portée.

Je précise que la deuxième disposition prévue par la version initiale de la proposition de loi visait à mettre un terme à l'encadrement des promotions sur les produits DPH. Ce cadeau sans contrepartie à la distribution a fort heureusement été remis en cause lors des débats à l'Assemblée nationale : sur l'initiative du rapporteur, la commission a conservé l'expérimentation jusqu'au 15 avril 2026 ; puis, en séance, deux amendements contradictoires ont été adoptés. L'un portait le taux de remise en valeur à 40 % jusqu'en 2028, et l'autre ramenait la fin de toutes les expérimentations à 2026 du SRP+ 10 comme encadrement des promotions.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Si la proposition de loi de nos collègues députés était initialement brève et ciblée, le texte est passé, après examen en séance à l'Assemblée nationale, d'un article unique de quelques lignes à quatre articles de plusieurs pages. Comme l'a souligné Daniel Gremillet, les expérimentations prévues par Égalim 1 - SRP+ 10 et encadrement des promotions - sont finalement reconduites, mais jusqu'en 2026.

L'Assemblée nationale a introduit de nombreuses dispositions, mais elle a surtout voté un encadrement des marges dans le secteur agroalimentaire, filière par filière, à travers la définition de deux coefficients multiplicateurs : le premier entre le niveau minimal de prix d'achat et le prix de revente pour les produits agricoles et alimentaires, applicable aux marges dégagées par les fournisseurs ; le deuxième entre le prix d'achat et le prix de revente au public, applicable aux marges dégagées par les distributeurs.

De manière disproportionnée, en vue d'assurer la remontée effective des données sur l'utilisation des surplus de marges résultant du SRP+ 10 par les distributeurs et désormais aussi les fournisseurs, les sanctions en cas de non-transmission des informations seraient portées à un plafond de 1 % du chiffre d'affaires - si le chiffre d'affaires est inférieur à 350 millions d'euros - ou de 4 % du chiffre d'affaires - si le chiffre d'affaires est supérieur à 350 millions d'euros.

De même, la sanction pour manquement au SRP passerait de 75 000 euros à un plafond de 1 % du chiffre d'affaires. L'obligation de remise chaque année de documents par les acteurs économiques est élargie à la communication des taux de marge brute et des taux de marge brute spécifiques pour les produits bio.

Les marges brutes et les marges nettes de chaque fournisseur et distributeur feraient l'objet d'une publication trimestrielle, avec là encore des sanctions allant jusqu'à 1 % de leur chiffre d'affaires si les entreprises ne transmettent pas les informations nécessaires. Cette publication se ferait sous l'égide de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM).

L'Assemblée nationale a également prévu l'extension du SRP+ 10 aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD), même s'il ne s'agit pas de « ventes » au sens classique du terme, mais plutôt de prestations. Enfin, elle a assoupli l'encadrement des promotions dans les rayons DPH, avec un taux de promotion en valeur porté de 34 % à 40 %.

Les modifications apportées par nos collègues députés sont donc importantes, mais complexes. Elles vont bien au-delà de la prorogation des expérimentations et de l'ambition initiale de ce texte, qui était d'assurer, comme son intitulé l'indique, « la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire ». J'estime qu'elles méritent mieux qu'une adoption rapide dans les circonstances d'un débat placé sous le signe de l'urgence : il convient de prendre le temps de préparer ces réformes, d'expertiser les dispositifs et, surtout, d'échanger avec toutes les parties prenantes dans une logique de concertation.

Daniel Gremillet et moi-même ne souhaitons pas empiler de nouvelles contraintes et nourrir une instabilité législative déjà excessive : en dix ans, nous avons voté plus de six lois sur les négociations commerciales. Ces modifications incessantes sont particulièrement préjudiciables à l'ensemble des acteurs de la filière, à commencer par les producteurs qui sont toujours la variable d'ajustement.

En dépit de nos réserves initiales sur le SRP+ 10, nous vous proposons de recentrer la proposition de loi sur son objectif premier, sachant qu'une loi Égalim 4 a été annoncée par le Gouvernement et aura vocation à appréhender l'ensemble des dispositions et leurs impacts, en amont comme en aval.

À l'instar de nos collègues députés, nous préconisons de poursuivre l'expérimentation du SRP+ 10 ainsi que l'encadrement des promotions, mais nous vous proposons d'harmoniser les durées d'expérimentation jusqu'au 15 avril 2028. Concernant les DPH, nous jugeons préférable de conserver le taux en vigueur de 34 % en valeur introduit par le Sénat.

L'encadrement des promotions en DPH a été mis en oeuvre il y a à peine un an, le 1er mars 2024. Nous manquons donc là aussi de recul, même si les retours semblent jusqu'à présent plutôt positifs, aussi bien pour nos PME et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) que pour les consommateurs.

Au total, nous vous proposerons tout à l'heure quatre amendements pour opérer le recentrage de la proposition de loi autour de la prolongation du SRP+ 10 - avec des durées d'expérimentation harmonisées jusqu'en 2028 afin de répondre au besoin de stabilité des acteurs -, pour supprimer les autres dispositions introduites par l'Assemblée nationale en séance publique, excepté le nouveau rapport du Gouvernement sur les marges, prévu à l'article 3, que nous conserverions et, pour majorer les sanctions, sans pour autant atteindre les pourcentages de chiffre d'affaires votés par nos collègues députés.

Si les sanctions applicables aujourd'hui en cas d'infraction au SRP ou d'absence de remontées d'informations sont insuffisantes, celles issues du vote de l'Assemblée nationale sont disproportionnées. C'est pourquoi nous vous proposerons que les sanctions applicables en cas d'infraction au seuil de revente à perte ou d'absence de remontées d'informations aillent jusqu'à 100 000 euros pour une personne physique et à 500 000 euros pour une personne morale.

Voilà, mes chers collègues, le fruit de nos auditions et de nos réflexions en vue de l'examen de cette proposition de loi.

M. Gérard Lahellec. - Depuis quelques temps, nous gravitons autour d'une question : celle du retour de la valeur ajoutée vers le producteur. Nonobstant les lois Égalim, ce sujet n'a pas été correctement traité jusqu'à présent pour une simple et bonne raison : la loi dominante en la matière est la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME).

J'ai en mémoire quelques exemples indécents. Je me souviens, notamment, d'une publicité pour de la viande de porc prête à griller, vendue au kilo pour le prix d'une cigarette ! Certaines pratiques commerciales choquantes ne doivent pas être encouragées, car elles ajoutent de la pression sur les producteurs.

Le SRP+ 10 me paraît être un dispositif vertueux, même s'il est vrai qu'il n'existe pas de relation mécanique entre le prix de vente et le retour vers le producteur. Quoi qu'il en soit, cela ne règle pas le problème de fond : le SRP+ 10 impose à la grande distribution de réaliser une marge minimale de 10 % sur les produits alimentaires - comme si elle n'en réalisait déjà pas assez...

Il me semble pourtant intéressant de prendre en considération les amendements adoptés à l'Assemblée nationale. L'introduction des coefficients multiplicateurs, qui établissent une corrélation entre le prix de vente au consommateur et le retour vers les producteurs, est une mesure transparente et vertueuse. Nous aurions tort de ne pas saisir cette opportunité. Nous soutenons donc les modifications adoptées à l'Assemblée nationale. Si elles n'étaient pas maintenues, nos ne voterions pas ce texte.

M. Daniel Salmon. - Selon les auteurs de cette proposition de loi, « le SRP+ 10 a démontré son utilité, tant pour les producteurs que pour l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire ». Ils considèrent même qu'il a permis une stabilisation des prix et une amélioration de la répartition des marges. C'est une vision on ne peut plus optimiste : rien ne vient corroborer un tel constat !

Si l'UFC-Que Choisir relève que le SRP+ 10 a induit une inflation pour les consommateurs, les producteurs, eux, n'ont bénéficié d'aucune augmentation ! Cela étant, le groupe GEST ne s'opposera pas à la prolongation de cette expérimentation : la supprimer sans véritablement réglementer les marges des intermédiaires et des distributeurs risquerait d'engendrer une pression supplémentaire à la baisse sur les prix payés aux producteurs. Cette prolongation doit être limitée dans le temps et s'accompagner d'une véritable évaluation.

Je partage les remarques de mon collègue Gérard Lahellec. Nos rapporteurs ont prévu de plafonner les sanctions à 500 000 euros, ce qui ne représente que, par exemple, 1/100 000du chiffre d'affaires de Leclerc en alimentaire : ce n'est pas du tout incitatif !

En l'état, nous soutenons cette prorogation du SRP+ 10.

M. Jean-Claude Tissot. - Je remercie les rapporteurs pour leur travail.

J'entends parler de la loi Égalim depuis que je suis sénateur ! C'est d'ailleurs l'un des premiers textes sur lesquels je me suis penché, en 2017.

Cette proposition de loi entend pérenniser les mécanismes du SRP+ 10 et d'encadrement des promotions, issus des lois Égalim.

Pour ce qui concerne le SRP+ 10, le problème réside, à notre sens, dans le manque d'évaluation et de données concrètes et chiffrées. Plusieurs rapports d'évaluation tirent des bilans très contrastés, ce dont nous faisons tous le constat. En particulier, comme l'a dit Gérard Lahellec, aucun effet positif n'est avéré sur la rémunération des agriculteurs depuis 2019. Devons-nous pérenniser pour plusieurs années un dispositif dont les effets sont encore en grande partie inconnus ? Dans le doute, nous proposons de retenir 2026 plutôt que 2028.

À notre sens, cela doit être couplé à une transparence des marges plus poussée et à des sanctions plus fortes en cas de non-respect par les entreprises de leurs obligations - les montants des sanctions paraissent aujourd'hui dérisoires.

Nous proposons également de prolonger l'encadrement des promotions jusqu'en 2026, dans un objectif de lisibilité de la loi. Surtout, comme pour le SRP+ 10, il sera important d'en tirer un bilan complet sur la base des nouvelles données qui devront être transmises dans le cadre de la présente proposition de loi.

Madame la rapporteure, Monsieur le rapporteur, je veux bien croire à votre volonté d'aboutir en emportant notre adhésion, mais il nous paraît difficile de vous suivre sur le premier de vos amendements, qui réécrit complètement l'article 1er, puisque son adoption ferait tomber les nôtres. Nous souscrivons à l'esprit de cet amendement, mais, si vous voulez que nous soyons d'accord à la fin, il faudrait que nos propositions soient prises en compte au moins pour partie. À ce stade, vous ne nous permettez même pas de faire des propositions modestes, mais importantes à nos yeux. Pour la CMP, nous verrons bien !

M. Henri Cabanel. - Merci aux rapporteurs pour leur travail.

Pourquoi a-t-on mis en place les lois Égalim ? Il s'agissait alors de revaloriser le revenu des agriculteurs, ce avec quoi nous étions tous d'accord. Les États généraux de l'alimentation ont été vertueux en ce qu'ils ont réuni autour de la table tous les acteurs - producteurs, organisations professionnelles, distributeurs, transformateurs - pour essayer de trouver une solution. Force est de constater que cette solution, nous ne l'avons pas trouvée, malgré Égalim 1, Égalim 2, Égalim 3 et Égalim 4 qui se prépare...

Peut-être faudrait-il admettre que la loi ne peut pas tout. Comme l'ont dit les rapporteurs à plusieurs reprises, dans les pays voisins, où il n'y a pas Égalim, les revenus des agriculteurs ont augmenté, quand ils n'ont cessé de baisser chez nous... Il faudrait en tirer réellement les conclusions.

Nous sommes d'accord avec la prolongation du SRP+ 10, mais il faudra bien, à un moment donné, essayer de l'évaluer plutôt que de toujours le prolonger.

Un haut responsable que nos rapporteurs ont auditionné - je tairai son nom - a comparé la loi Égalim à une drogue : elle fait du bien au début, mais, à terme, elle risque de nous faire mourir.

Mes chers collègues, il va bien falloir que l'on essaie de voir comment trouver des solutions ! Je reste convaincu que la loi n'y parviendra pas. Il me semblerait nécessaire que nous puissions à nouveau réunir tous les acteurs, comme nous l'avions fait au départ, pour voir comment nous pourrions réussir à partager la valeur, enjeu qui nous tient particulièrement à coeur.

M. Franck Montaugé. - Merci aux rapporteurs.

On parle beaucoup de l'utilisation, dans les différents domaines de la société, d'intelligence artificielle, de technologies très sophistiquées, avec des impacts forts, qui contribueront à des évolutions importantes. Je n'ai toujours pas compris pourquoi, dans le domaine de l'agriculture, et tout particulièrement pour ce qui concerne la chaîne alimentaire, on ne pourrait pas mettre en oeuvre des dispositifs informatiques permettant, pour tous les produits, de localiser la répartition de la valeur entre l'ensemble des acteurs concernés. Des techniques sont pourtant disponibles ! La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires pourrait s'en saisir, si ce n'est déjà fait. Il y a là au moins une voie qui permettrait d'objectiver la situation et de mettre le doigt sur les maillons de la chaîne qui posent des problèmes.

La démarche dans laquelle nous nous sommes engagés reste nécessaire, mais elle est, à mon avis, trop globale. Tant que nous n'entrerons pas dans le détail, nous continuerons à produire des lois Égalim... Jusqu'à Égalim 23, peut-être ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - S'il faut trouver un avantage au fait que les lois s'égrènent année après année, c'est qu'elles nous permettent d'enrichir notre analyse des pratiques ou des échecs précédents.

Cher Gérard Lahellec, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que le vrai sujet est la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) - nous en avons beaucoup parlé lors du Salon de l'agriculture - et que l'enjeu est la transparence et la traçabilité. La LME a suscité la guerre des prix et cette pression permanente qui redescend en cascade sur les producteurs et les fournisseurs.

Je pense que nous avons tous compris que la démarche du SRP+ 10 - flécher les marges et viser le ruissellement - ne fonctionnait pas et qu'il fallait quelque chose de plus « coercitif », avec de la traçabilité. Nous avons cependant un point de divergence : nous pensons, dans la continuité de ce qu'a dit Henri Cabanel, que la réponse ne doit pas forcément passer par encore plus de contraintes et un dispositif toujours plus complexe. En revanche, nous pouvons rejoindre l'Assemblée nationale sur la nécessité d'obliger à plus de transparence sur l'usage du SRP+ 10.

Je rejoins aussi ce que vient de dire Franck Montaugé. Les premières lois Égalim et les notes de cadrage réalisées par la DGCCRF ont porté leurs fruits sur les pénalités logistiques - auparavant c'était franchement la jungle. Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs se félicitent de l'amélioration considérable de la situation en la matière. On a su bien cadrer le dispositif.

Nous pensons effectivement que c'est ce qu'il faut faire avec les documents qui doivent remonter des distributeurs s'agissant de l'usage du SRP+ 10. Dans le débat à l'Assemblée nationale, il y a notamment eu la volonté de publier un nouveau rapport sur l'usage des marges. À la clé, la ministre s'est engagée à ce que la DGCCRF mette en place une méthodologie - cet engagement n'est pas inscrit dans la loi, puisque ce n'est pas du législatif. De fait, dans les documents que l'on demandait jusqu'à présent aux distributeurs sur leur usage du SRP+ 10, il n'y avait ni méthodologie ni critère précis.

L'idée est de mettre en place une méthodologie, à l'image de ce qui a été fait sur les pénalités logistiques, pour que l'on puisse beaucoup mieux décortiquer et suivre la traçabilité du SRP+ 10. Ce qui nous manque aujourd'hui, c'est la capacité à imposer aux distributeurs le fait que le SRP doit servir à mieux rémunérer les producteurs, non pour le cagnottage et leurs cartes de fidélité.

Nous sommes certes d'accord pour dire que le SRP+ 10 était un piège - nous l'avons dit -, mais nous divergeons sur un point : pour notre part, nous considérons qu'il est compliqué de le supprimer du jour au lendemain, au risque d'étrangler les producteurs, auprès desquels les distributeurs chercheront à reconstituer leurs marges.

L'enjeu est donc de mieux suivre le bon usage du SRP+ 10, raison pour laquelle nous sommes aussi favorables à l'augmentation des outils incitatifs que sont les sanctions, notamment lorsque les documents ne sont pas délivrés. Je rappelle que les sanctions dont nous parlons - que nous proposons de fixer à 100 000 euros et 500 000 euros - portent sur les remontées du SRP+ 10. Ce dernier forme une nébuleuse, mais que l'on évalue globalement entre 600 000 euros et 1 million d'euros par an. À cet égard, une pénalité à 500 000 euros nous semble donc plutôt adaptée.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Je partage évidemment complètement ce que vient de dire Anne-Catherine Loisier. Pour reprendre les propos d'Henri Cabanel, et comme nous le disons depuis le début - hélas, les faits nous donnent raison -, il faut peut-être savoir s'arrêter à un moment donné. Anne-Catherine Loisier a évoqué les pénalités logistiques. Nous avons avancé, mais c'est une course en avant.

On s'aperçoit que le revenu des agriculteurs n'est pas plus en berne dans les autres pays de l'Union européenne, où il n'y a pas de lois Égalim. À cet égard, notre mission devra peut-être élargir sa réflexion en considérant le marché européen. Sinon, on n'arrêtera pas de produire des lois !

Notre préoccupation est de faire simple. À cet égard, nous retenons une seule date, 2028, pour avoir un peu de stabilité. Si l'on retient 2026, il faudra un nouveau texte l'année prochaine...

Contrairement à ce que l'on pourrait croire et que les distributeurs ou les consommateurs peuvent affirmer - nous avons auditionné l'UFC-Que Choisir -, les éléments dont nous disposons aujourd'hui démontrent que les consommateurs français ont plutôt été protégés de l'inflation par rapport aux consommateurs de l'Union européenne. Il est faux de dire que le consommateur a été pénalisé en France.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - C'est l'effet de la guerre des prix !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Il y a tout de même eu des évolutions pour certaines productions. Ainsi, le lait à la tonne a augmenté, en l'espace de deux ans, de 160 euros les 1 000 litres ! Il ne faut donc pas tout jeter. L'exemple du porc qui a été donné tout à l'heure est très concret. Je m'arrête là. Vous connaissez ma passion, je n'ai pas de limites...

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, je vous propose de considérer, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives : au relèvement du seuil de revente à perte ; à la communication d'informations relatives à l'utilisation du relèvement du seuil de revente à perte ; à l'encadrement des promotions des produits de grande consommation, soit les denrées alimentaires et les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH).

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Les amendements COM-7, COM-3, COM-1, COM-4 et COM-5 visent à recentrer l'article autour de la prolongation du SRP+ 10, à harmoniser les durées d'expérimentation et à préciser certaines sanctions.

Notre amendement COM-7 vise à recentrer l'article 1er autour de la prolongation du SRP+ 10 et à harmoniser, avec un souci de cohérence, les durées d'expérimentation de ce dispositif et de l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires et les DPH, en retenant la date unique du 15 avril 2028.

En outre, il tire les conséquences du fait que les sanctions applicables aujourd'hui en cas d'absence de remontées d'informations de la part des distributeurs sont insuffisantes. Les niveaux votés par l'Assemblée nationale nous semblent, en revanche, excessifs. Nous proposons que ces sanctions aillent jusqu'à 100 000 euros pour une personne physique et 500 000 euros pour une personne morale. Les obligations ne continueront de peser que sur les seuls distributeurs - je rappelle que les industriels ne sont pas capables de donner des chiffres relatifs au SRP+ 10.

Par conséquent, nous demandons le retrait des amendements COM-3, COM-1, COM-4 et COM-5, au profit du nôtre.

L'amendement COM-3 est plus que satisfait, de même que l'amendement COM-4, qui est un amendement de repli. Ces deux amendements, dont le champ est le même que celui de notre amendement, visent en effet à conserver le dispositif d'encadrement des promotions, soit le dispositif en vigueur dans ses règles actuelles pour ce qui concerne l'amendement COM-3 - 34 % en valeur et 25 % en volume -, soit le dispositif modifié par l'Assemblée nationale pour l'amendement COM-4 - 40 % en valeur.

L'adoption de notre amendement ferait tomber les amendements COM-1 et COM-5. Nous demandons donc le retrait de ces deux amendements, auxquels nous sommes défavorables sur le fond : l'amendement COM-1 répond à une demande de la grande distribution pour réduire l'encadrement des promotions et l'amendement COM-5 apporte une précision inutile d'un point de vue juridique s'agissant de la formule « encourir une sanction ».

M. Jean-Claude Tissot. - Vous dites que nos amendements COM-3 et COM-4 sont satisfaits. Ils ne le sont que pour partie par rapport au champ des dispositifs : vous avez oublié de dire que nous proposons 2026.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Vous avez raison : ils sont satisfaits dans la reconduction du SRP+ 10 et de l'encadrement des promotions, mais pas sur la date, nous allons plus loin en proposant 2028.

L'amendement COM-7 est adopté. En conséquence, les amendements COM-3, COM-1, COM-4 et COM-5 deviennent sans objet.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - L'amendement COM-2 concerne la méthodologie fournie par le Gouvernement pour l'élaboration des documents relatifs à la mise en oeuvre du SRP+ 10 par les distributeurs. Nous demandons le retrait de cet amendement, qui a lui aussi été préparé par les distributeurs.

Si nous sommes favorables au fait que l'administration, la DGCCRF par exemple, fournisse une méthodologie pour l'élaboration des documents relatifs à la mise en oeuvre du SRP+ 10 - j'ai parlé de l'importance de cette méthodologie -, il n'est pas pertinent de l'inscrire dans la loi.

Mme Marie-Lise Housseau. - Il est vrai que j'ai rencontré des représentants de la grande distribution, mais je trouvais tout de même logique qu'il y ait une méthode. Pour l'heure, quand on demande les résultats, personne n'est capable de répondre. Chacun fournit les informations comme il l'entend, et il n'y a aucune synthèse.

Si l'on veut pérenniser le système, il nous semblerait tout de même logique que l'on ait une méthodologie commune et que l'on puisse en faire état, puisque cela doit normalement être communiqué aux présidents des commissions des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale. Cela nous permettrait d'être plus pertinents dans nos décisions futures.

Cela dit, je retire volontiers l'amendement.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Le besoin est bien identifié, mais ce n'est pas du domaine de la loi. Vous pouvez rassurer les distributeurs, chère collègue : ils auront bien une méthodologie, et nous y serons très attentifs.

L'amendement COM-2 est retiré.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er bis (nouveau)

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Avec l'amendement de suppression COM-8, nous vous proposons de supprimer l'article 1er bis, qui porte sur l'encadrement des marges.

Tout d'abord, nous n'avons aucune évaluation des effets du dispositif, les conséquences réelles d'un encadrement des marges restant très incertaines.

Ensuite, les conditions de définition des taux de marges recommandés par filière ne sont pas précisées : tout est renvoyé au Gouvernement, alors que les acteurs économiques - agriculteurs, industriels et distributeurs - ont besoin de stabilité normative.

Il faut ajouter que le dispositif sera excessivement complexe à mettre en oeuvre, puisque la définition de deux coefficients par filière chaque année conduira, en pratique, à l'adoption de très nombreux coefficients.

En outre, l'application de l'encadrement des marges à la seule vente de produits agricoles ou alimentaires pose un problème de principe.

N'oublions pas que le marché est européen ! Donner tous nos éléments fragiliserait déjà l'ensemble des acteurs par rapport à leurs concurrents.

Notre proposition est très simple, mais très forte, notamment compte tenu de ce qui a été voté à l'Assemblée nationale.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Nous avons omis de préciser que, en plus, nos collègues députés lèvent la confidentialité des informations recueillies. Tout cela est donc susceptible de circuler partout !

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 1er bis est supprimé.

Article 2 (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - L'amendement COM-9 concerne la majoration des pénalités quant à l'absence de respect du SRP, que nous proposons de fixer à hauteur de 100 000 euros pour une personne physique et de 500 000 euros pour une personne morale.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - L'amendement COM-10 vise à revenir sur l'extension du SRP+ 10 aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD).

Puisque les effets attendus du SRP+ 10 n'ont pas été démontrés, étendre cette majoration n'est pas opportun, surtout que les effets inflationnistes pour les produits en MDD pourraient se faire rapidement sentir pour les consommateurs, notamment les plus modestes.

J'ajoute que la revente à perte suppose, en règle générale, l'existence d'un contrat de vente. Or, pour l'ensemble des MDD, il n'y a pas forcément vente : c'est souvent un travail à façon qui est réalisé, raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 (nouveau)

L'article 3 est adopté sans modification.

Après l'article 3 (nouveau)

L'amendement COM-6 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. GREMILLET, rapporteur

7

Recentrer l'article autour de la prolongation du SRP+10, harmoniser les durées d'expérimentation et préciser certaines sanctions

Adopté

M. TISSOT

3

Conserver le dispositif en vigueur d'encadrement des promotions

Satisfait ou sans objet

Mme HOUSSEAU

1

Modification du dispositif d'encadrement des promotions

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

4

Harmoniser les durées d'expérimentation du SRP+10 et de l'encadrement des promotions jusqu'à 2026

Satisfait ou sans objet

M. TISSOT

5

Amendement de précision rédactionnelle

Satisfait ou sans objet

Mme HOUSSEAU

2

 Méthodologie fournie par le Gouvernement pour l'élaboration des documents relatifs à la mise en oeuvre du SRP+10 par les distributeurs

Retiré

Article 1er bis (nouveau)

M. GREMILLET, rapporteur

8

Suppression de l'article

Adopté

Article 2 (nouveau)

M. GREMILLET, rapporteur

9

Montant de l'amende en cas de violation de l'interdiction de revente à perte

Adopté

M. GREMILLET, rapporteur

10

Suppression de l'extension du SRP+10 aux produits vendus sous MDD

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article 3 (nouveau)

M. DUPLOM

6

Plancher d'amende en cas de non-respect de la date butoir du calendrier légal des négociations commerciales

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 33(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie34(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte35(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial36(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 26 mars 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 451 (2024-2025 visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire. Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives :

- au relèvement du seuil de revente à perte ;

- à la communication d'informations relatives à l'utilisation du relèvement du seuil de revente à perte ;

- à l'encadrement des promotions des produits de grande consommation, soit les denrées alimentaires et les produits de droguerie, parfumerie et hygiène (DPH).

Les amendements figurant dans le tableau ci-après ont été déclarés irrecevables par la commission des affaires économiques sur le fondement de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du Règlement du Sénat

Numéro

Place

Auteur

Objet

COM-6

Art add. après article 3

M. DUPLOMB

Plancher d'amende en cas de non respect de la date butoir du calendrier légal des négociations commerciales

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 5 mars 2025

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : M. Thomas PILLOT, chef du service Protection des consommateurs et régulation des marchés, Mme Carla DEVEILLE-FONTINHA, sous-directrice Droit de la concurrence, droit de la consommation et affaires juridiques et M. Laurent JACQUIER, chef du bureau Commerce et relations commerciales.

Mardi 11 mars 2025

- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa) : MM. Aurélien DE LA NOUE, conseiller économie, industries agro-alimentaires, Egalim, foncier et outremer, Pierre REBEYROL, adjoint au sous-directeur compétitivité à la DGPE et Thierry DAHAN, médiateur des relations commerciales agricoles.

- La Coopération agricole : MM. Dominique CHARGÉ, président et Thibault BUSSONNIÈRE, directeur adjoint de la communication et des relations extérieures en charge des affaires publiques.

- Fédération nationale des industries laitières (Fnil) : M. François-Xavier HUARD, président-directeur général.

- Association nationale des industries alimentaires (Ania) : M. Maxime COSTILHES, directeur général, Mme Marie BUISSON, directrice juridique, MM. Miloud BENAOUDA, vice-président de la commission Commerce de l'Ania et président de Barilla Europe de l'ouest et Simon FOUCAULT, directeur des affaires publiques.

- Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) : M. Léonard PRUNIER, président et Mme Diane AUBERT, directrice des affaires publiques.

- Institut de liaison des entreprises de consommation (Ilec) : MM. Nicolas FACON, président-directeur général, Daniel DIOT, secrétaire général et Tom PINHO, chargé des affaires publiques.

- Fédération du commerce et de la distribution (FCD) : Mmes Layla RAHHOU, directrice des affaires publiques et Julie FRAYSSE, responsable des affaires publiques.

- Audition commune Fédération des entreprises de la beauté (Febea) et Fédération de l'hygiène et de l'entretien responsable (FHER) : MM. Éric RENARD, fondateur/dirigeant de la Phocéenne des cosmétiques (Le Petit Olivier), Richard LEROSEY, fondateur/directeur général d'Héritage, Mme Marie AUDREN, responsable des affaires publiques (Febea), M. Xavier GUEANT, directeur juridique (Febea) et Mme Khristelle ROBIC, représentante de la FHER.

Mercredi 12 mars 2025

- Mouvement E. Leclerc : M. Philippe MICHAUD, co-président, Mme Marie DE LAMBERTERIE, secrétaire général et M. Alexis BÉVILLARD, directeur des affaires publiques.

Jeudi 13 mars 2025

- Groupement Les Mousquetaires : M. Nicolas RAYNAL, directeur des affaires publiques territoriales.

- Essity France : Mmes Marie-Laure MAHÉ, directrice générale et Arletta BIALEK, directrice des affaires publiques.

Mardi 18 mars 2025

- UFC - Que Choisir : MM. Olivier ANDRAULT, chargé d'études alimentation et nutrition et Benjamin RECHER, chargé de mission relations institutionnelles.

- Autorité de la concurrence : MM. Thibaud VERGÉ, vice-président et Erwann KERGUELEN, rapporteur général adjoint.

Mercredi 19 mars 2025

Ministère délégué chargé du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l'Économie sociale et solidaire : M. Laurent Béteille, conseiller spécial Commerce-consommation.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-451.html


* 1 Article 1er de la loi de finances n° 63-628 du 2 juillet 1963 rectificative pour 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière.

* 2 Cette amende peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire, quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif. Lorsqu'une personne morale est déclarée pénalement responsable de l'infraction de revente à perte, le juge peut décider l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. En cas d'annonce de revente à perte, la cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée s'il s'agit d'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-3 du code de la consommation.

* 3 Ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale ; fins de saisons ou période comprise entre deux saisons de vente ; obsolescence technique ou produits démodés ; réapprovisionnement à la baisse ; alignement sur un prix plus bas légalement pratiqué dans la même zone d'activité par les magasins dont la surface de vente n'excède pas 300 m2 pour les produits alimentaires et 1000 m2 pour les produits non alimentaires ; produits périssables menacés d'altération rapide ; produits soldés mentionnés à l'article L. 310-3 du code de commerce.

* 4 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, couramment appelée loi Egalim 1.

* 5 Article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique dite « ASAP ».

* 6 Ainsi, compte-tenu de la fin de la confidentialité des données recueillies tout comme du caractère sensible de ces données (marges brutes et nettes des distributeurs et de leurs fournisseurs au niveau individuel), un dispositif d'une telle ampleur doit être analysé au regard du respect de plusieurs grands principes du droit national (liberté d'entreprendre, liberté du commerce et de l'industrie, liberté contractuelle...) ainsi que du droit de l'Union européenne : les mesures proposées devraient être précédées d'une analyse plus approfondie, notamment par le Gouvernement et l'Autorité de la Concurrence, voire accompagnées d'une saisine préalable de la Commission européenne, afin de garantir leur constitutionnalité, leur respect du droit européen et leur faisabilité.

* 7 Cette référence à « tous produits et services » ne doit pas être lue littéralement. Certains produits, et notamment services, tels que les services correspondant à l'activité dont les huissiers de justice ont le monopole étaient exclus du champ d'application de cette ordonnance, à raison même de l'existence de ce monopole (CE, Ass., 21 oct. 1994, n°103018, publié au recueil Lebon)

* 8 Cette compétence pouvait être déléguée dans les conditions prévues notamment par l'article 1er de ladite ordonnance.

* 9 Des dispositions spécifiques régissent, par exemple, le prix du livre (loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre).

* 10 Article L. 420-5 du code de commerce (c. com).

* 11 Art. L. 442-5 c. com., cf. le commentaire de l'article 1er à ce sujet.

* 12 Art. L. 410-2, al. 2, c. com.

* 13  Décrets n° 88-1044 ; n° 88-1045 ; n° 88-1046 ; n° 88-1047 et n° 88-1048 du 17 novembre 1988.

* 14 Article L. 410-3, al. 3, c. com.

* 15 Décret n° 2020-396 du 4 avril 2020.

* 16 CJCE, 16 juill. 2009, Der Grüne Punkt, C-385/07 P.

* 17 Pour un fabricant de boules de pétanques condamné pour abus de position dominante après avoir diffusé très largement les prix de revente souhaités, surveillé et sanctionné les distributeurs qui ne respectaient pas ces prix : v. la décision 17-D-02 de l'Autorité de la concurrence du 1er février 2017.

* 18 Règlement (UE) No 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil.

* 19 Même arrêt, pt 29.

* 20 CJUE, 23 déc. 2015, Scotch Whisky Association et a., C-333/14, pt 20 ; CJUE, 11 mars 2021, Commission c/Hongrie, C-400/19, pt 36.

* 21 CJUE, 13 nov. 2019, Lietuvos Respublikos Seimo nariø grupë, C-2/18.

* 22 Même arrêt.

* 23 Même arrêt, pts 30 et 56.

* 24 CJUE, 12 sept. 2024, SPAR Magyarország Kft, C-557/23, pts 40 à 48.

* 25 Cf. le commentaire de l'article 1er à ce sujet.

* 26 La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer (art. 1582 du code civil).

* 27 Le contrat d'entreprise est le contrat par lequel une personne charge une autre personne d'exécuter, en toute indépendance, un ouvrage (Cass. civ. 1e, 19 févr. 1968, n° 64-14.315, Bull. civ. I n°69).

* 28 Cass. com., 3 janvier 1995, 92-20.735, bull. civ. IV n°2

* 29 V. notamment en ce sens la position de la Commission d'examen des pratiques commerciales : CEPC, 29 juin 2022, recommandation n°22-1, §§ 27 et suiv.

* 30 Cass. crim., 6 déc. 2006, no 06-81.947, Bull. crim. n°307

* 31 En effet, l'article 2 de la loi prévoit expressément que les dispositions du I de l'article L. 442-5 du code de commerce sont applicables aux produits vendus sous MDD et l'article 125 de loi ASAP vise expressément ce même I de l'article L. 442-5.

* 32 Le montant de l'amende avait été porté de 50 000 francs à 75 000 euros par l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs

* 33 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 34 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 35 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 36 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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