B. LA NÉCESSITÉ DE MOBILISER DES CAPITAUX PRIVÉS
1. Un constat largement partagé
Dans le cadre de son audition par les rapporteurs, France Biotech a pointé les difficultés pour lever des fonds privés, plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'innovations développées uniquement en Europe. En effet, les investisseurs ne sont pas enclins à investir si les innovations proposées ne sont pas en cours de développement aux États-Unis.
M. Lionel Navarro et France Biotech ont indiqué aux rapporteurs qu'il est difficile, en Europe, de lever des fonds d'un montant supérieur à 10 millions d'euros, montant nécessaire au développement industriel d'une « licorne ».
Dans sa communication du 20 mars 2024 pour stimuler les biotechnologies dans l'Union européenne, la Commission évoque notamment les difficultés d'accès aux financements devant permettre le passage du stade de l'exploitation des résultats de la recherche au stade de la commercialisation. On parle de passage à l'échelle, traduction de l'anglais « scale-up ». À ce sujet, elle indique que si l'Union européenne occupe la première place en ce qui concerne les publications couvrant le domaine des biotechnologies, on observe des difficultés à exploiter ces résultats pour développer une application qui sera mise sur le marché, faute de financements. M. Nicolas Rousseau a complété ces propos en indiquant aux rapporteurs que l'avance de l'Union sur la partie académique est perdue par manque de financements.
2. Une mobilisation difficile à réaliser
a) Une union des marchés de capitaux dont les principes restent à définir
Dans sa communication du 20 mars 2024, la Commission constate que la fragmentation des marchés de capitaux de l'Union se traduit par l'existence de nombreux fonds de capital-investissement de petite et moyenne taille investissant essentiellement au niveau national.
C'est pourquoi, dans son rapport10(*) sur l'avenir du marché unique remis au Conseil européen en avril 2024, l'ancien Président du Conseil italien Enrico Letta plaide pour un marché financier européen plus intégré, devant permettre une harmonisation réglementaire, ainsi que la création de produits d'épargne adaptés et d'une bourse européenne pour les start-up.
Face aux difficultés de financement rencontrés par les entreprises innovantes, l'idée d'une union des marchés de capitaux a été évoqué dès 2014. Elle vise à développer la libre circulation des flux financiers au sein de l'Union afin d'orienter l'épargne européenne vers l'investissement en permettant la mobilisation des capitaux détenus dans chaque État membre. Pour cela, deux solutions sont possibles et il est difficile de trouver un consensus entre les États membres en faveur de l'une ou l'autre. Dans un cas, il s'agirait de coordonner et d'harmoniser les réglementations nationales régissant les opérateurs et les contrats financiers. Dans l'autre, il s'agirait d'adopter une réglementation supranationale avec un seul régulateur et des produits financiers standardisés.
b) Les institutions européennes conscientes des enjeux
Pour aider à mobiliser les investisseurs privés, la Commission européenne, dans sa communication du 20 mars 2024, a annoncé lancer plusieurs études visant à recenser les obstacles à la consolidation des fonds d'investissement et des places boursières de l'Union et à déterminer les facteurs qui entravent l'innovation au sein de l'Union.
Pour sa part, le Conseil européen, réuni les 7 et 8 novembre 2024 à Budapest, a publié une déclaration pour inciter à renforcer la compétitivité de l'Union européenne. Il préconise des mesures rapides en vue d'une Union de l'épargne et des investissements, ainsi que le développement d'un marché de capitaux intégré et accessible à tous les citoyens pour permettre aux entreprises innovantes de se financer.
Pour les rapporteurs, la Commission doit faire des propositions visant à permettre la mobilisation de l'investissement privé pour financer le développement des entreprises innovantes et leur passage à l'échelle, avec notamment le développement de produits d'épargne de long terme adaptés et la mise en place d'une union des marchés de capitaux.
* 10 https://www.consilium.europa.eu/media/ny3j24sm/much-more-than-a-market-report-by-enrico-letta.pdf