D. UNE ADAPTATION SOUHAITABLE DE LA RÉGLEMENTATION À CERTAINES CONDITIONS
1. Une adaptation qui doit préserver la santé humaine et l'environnement
a) Dans le domaine du médicament avec les bacs à sable réglementaires
Lors de son audition, France Biotech a indiqué suivre avec attention les évolutions en cours de la législation pharmaceutique qui pourraient avoir un impact sur le secteur des biotechnologies dans le domaine de la santé. C'est le cas de la proposition de règlement COM(2023) 193 final 18(*) qui prévoit la création de bacs à sable réglementaires. Ceux-ci visent à permettre aux patients l'accès à des technologies de la santé innovantes dans des conditions de sécurité acceptables, malgré l'absence de cadre réglementaire adapté pour leur évaluation.
Si le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, a adopté une résolution19(*) pour soutenir la mise en place de bacs à sable réglementaires, il a également rappelé que ce dispositif doit rester exceptionnel et conditionné à l'absence d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée. En outre, le Sénat a appelé à bien distinguer les bacs à sable réglementaires des essais cliniques.
Ces bacs à sable réglementaires pourront notamment permettre de faciliter la mise sur le marché de thérapies reposant sur les propriétés de l'ARNex et des VE lorsque le cadre réglementaire actuel n'est pas adapté.
b) Dans le domaine agricole avec une révision du règlement relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques prévue pour fin 2025
Les technologies utilisant l'ARNi pour détruire les nuisibles en agriculture n'impliquent pas de manipulation génétique. Cela signifie qu'il n'y a pas de changement permanent et héréditaire du génome des cultures à protéger. Dès lors, leur processus d'autorisation ne suivra pas la réglementation applicable à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés mais celle applicable aux nouveaux produits phytopharmaceutiques, comme l'a indiqué aux rapporteurs M. Patrick du Jardin, ingénieur agronome.
Dans sa communication du 20 mars 2024, la Commission reconnaît que les délais d'approbation d'un produit phytopharmaceutique biologique sont plus longs au sein de l'Union, comparé aux États-Unis.
S'agissant du développement de produits phytopharmaceutiques à base d'ARNdb, l'OCDE a réalisé une étude visant à évaluer les risques de l'utilisation d'ARNi comme produit phytopharmaceutique. Cette étude en deux volets, l'un paru en 2020 puis actualisé en 2023 et consacré aux risques pour l'environnement20(*), l'autre paru en 2023 et consacré aux risques pour la santé humaine21(*), conclut à une exposition limitée aux molécules d'ARNi en raison de la dégradation rapide de l'ARNi dans l'environnement et des barrières physiologiques et biochimiques chez l'homme et les autres vertébrés. Il est en revanche plus difficile de prédire l'impact sur les invertébrés et le rapport recommande la poursuite des études scientifiques pour déterminer le potentiel d'exposition des organismes hors cibles. Par ailleurs, cette étude précise que les informations sur les séquences ne devraient pas et ne peuvent pas être utilisées seules pour prédire les effets hors cible.
En outre, pour favoriser l'absorption des molécules d'ARNi par l'organisme cible et protéger ces molécules peu stables jusqu'à absorption, des formulations spécifiques seront conçues. Les études d'évaluation des risques devront nécessairement prendre en compte les formulations complètes des produits évalués pour véritablement mesurer leur impact sur la santé humaine et l'environnement.
De son côté, la Commission européenne envisage une proposition législative concernant les substances actives de biocontrôle22(*) qui serait incluse dans le paquet simplification du dernier trimestre 2025. Celle-ci pourrait prendre la forme d'une révision du règlement (CE) n° 1107/200923(*) concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. La Commission pourrait proposer une définition des substances actives de biocontrôle et une simplification des procédures d'autorisation associées.
Si les produits phytopharmaceutiques reposant sur l'ARNi ne sont pas assimilables à des produits de biocontrôle, une révision du règlement (CE) n° 1107/2009 devrait permettre également d'instituer des procédures d'évaluation plus adaptées pour ceux-ci, comme le recommande l'OCDE. Cette adaptation ne signifie pas nécessairement une simplification mais la mise en oeuvre d'une procédure mieux à même d'intégrer les spécificités des produits phytopharmaceutiques à base d'ARNi de sorte à préserver la santé humaine et l'environnement.
2. Un projet de règlement en préparation pour 2026, qui devra respecter les compétences des États membres
La Commission européenne a annoncé, fin 2024, qu'elle préparait un acte législatif visant à stimuler le développement des biotechnologies au sein de l'Union.
Les services de la Commission européenne ont indiqué au service de la commission des affaires européennes du Sénat que le contenu de ce règlement n'avait pas encore donné lieu à un arbitrage politique. Le champ de ce futur règlement n'est donc pas défini pour le moment et il pourrait couvrir d'autres secteurs que la santé.
Si la Commission annonçait initialement une proposition de règlement pour la fin 2025, ce ne sera finalement pas avant 2026, ce qui, pour les rapporteurs, doit permettre l'organisation d'une large consultation et la prise en compte de l'ensemble des études lancées à la suite de la communication du 20 mars 2024 sur les biotechnologies.
Les mesures d'adaptation et de simplification qui pourraient être mises en oeuvre, notamment dans le cadre d'un futur règlement sur les biotechnologies ou des paquets de mesure de simplification que la Commission européenne souhaite proposer, devront respecter les compétences des États membres.
Ainsi, la lettre de mission de M. Oliver Varhelyi, Commissaire européen à la santé, publiée le 17 septembre 2024, mentionne un futur règlement de l'Union sur les biotechnologies « mettant l'accent sur la nécessité d'un nouvel environnement réglementaire propice à l'innovation dans les domaines de l'évaluation des technologies de santé, des essais cliniques et autres ».
Or, l'évaluation des technologies de santé a un impact sur les dépenses de sécurité sociale. Les règles relatives au budget de la sécurité sociale relèvent de la compétence des États membres au titre de l'article 168, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Si le règlement (UE) n° 2021/228224(*) permet davantage de coopération entre les États membres sur cette question, chacun fixe de manière unilatérale les conditions de remboursement des traitements.
De même, si les personnes auditionnées ont expliqué aux rapporteurs qu'il n'existe pas de difficulté particulière pour la mise en oeuvre du règlement relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, EuropaBio25(*) se montre plus critique et déplore notamment des conditions de mise en oeuvre des essais cliniques différentes d'un État membre à l'autre. Ces différences sont en partie liées aux conditions de prise en charge des traitements et des patients qui relèvent de la compétence des États membres.
* 18 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (CE) nº 1394/2007 et le règlement (UE) nº 536/2014 et abrogeant le règlement (CE) nº 726/2004, le règlement (CE) n 141/2000 et le règlement(CE) nº 1901/2006, COM(2023) 193 final.
* 19 Résolution européenne n° 30 (2024-2025) du 29 novembre 2024 sur la révision de la législation pharmaceutique proposée par la Commission européenne.
* 20 https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/publications/reports/2020/09/considerations-for-the-environmental-risk-assessment-of-the-application-of-sprayed-or-externally-applied-ds-rna-based-pesticides_898e0d9f/576d9ebb-en.pdf
* 21 https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/publications/reports/2023/08/considerations-for-the-human-health-risk-assessment-of-externally-applied-dsrna-based-pesticides_29cd67bc/54852048-en.pdf
* 22 L'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime définit les produits de biocontrôle comme des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ces produits comprennent en particulier les macro-organismes et les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale.
* 23 Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.
* 24 Règlement (UE) 2021/2282 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021 concernant l'évaluation des technologies de la santé et modifiant la directive 2011/24/UE.
* 25 EuropaBio est une association européenne qui représente les intérêts de l'industrie des biotechnologies.