III. UNE PROPOSITION DE LOI EXCESSIVEMENT CONTRAIGNANTE POUR L'ACTION DES FORCES DE L'ORDRE
La proposition de loi comporte quatre articles qui visent à encadrer davantage la pratique des contrôles d'identité et conduisent, selon la commission, à lui apporter des contraintes excessives eu égard aux nécessités opérationnelles des forces de l'ordre.
· L'article 1er tend à réaffirmer, à l'article 78-1 du code de procédure pénale, l'exigence de motivation des contrôles d'identité, leur caractère non discriminatoire, l'impératif du respect de la dignité des personnes contrôlées, ainsi que leur droit au recours.
Ces exigences étant déjà garanties en l'état du droit, la portée du dispositif est exclusivement symbolique. La commission a donc considéré que la nécessité de légiférer n'était pas établie.
· L'article 2 prévoit plusieurs mesures destinées à rendre plus restrictif le cadre juridique régissant les contrôles d'identité.
En premier lieu, il vise à conditionner la
mise en oeuvre des contrôles d'identité
« judiciaires » sur réquisition du procureur de la
République à une demande préalable du représentant
de l'État. Il prévoit également
l'établissement d'un rapport annuel sur ces réquisitions, devant
être rendu public. En second lieu, il tend à restreindre
significativement le champ des contrôles
d'identité « administratifs », en
autorisant les forces de l'ordre à les mener aux seules fins d'assurer
la sécurité d'un événement, d'une manifestation ou
d'un rassemblement exposé à un risque d'atteinte grave
à l'ordre public à raison de sa nature et de l'ampleur
de sa fréquentation.
Cet article pose des
difficultés importantes, tant juridiques
qu'opérationnelles : d'une part, il crée une
confusion entre les cadres judiciaires et administratifs ; d'autre part,
induit une restriction excessive de l'action des forces de l'ordre.
· Afin de renforcer la traçabilité des contrôles d'identité, l'article 3 prévoit la remise systématique d'une attestation à la personne ayant fait l'objet d'un tel contrôle
La commission a relevé que l'article 3 se heurtait à d'importantes difficultés juridiques et opérationnelles, qui avaient par ailleurs déjà conduit le gouvernement à s'opposer à un tel dispositif en 2016. Opérationnellement, la délivrance systématique d'un récépissé alourdirait la procédure de contrôle, sans que la plus-value de ce document pour la personne contrôlée apparaisse de manière évidente. La possession d'un tel récépissé n'exonérerait de fait en rien son détenteur de contrôles postérieurs, ne serait-ce que parce qu'il faudrait alors vérifier la concordance entre son identité et celle figurant sur l'attestation. Techniquement, le dispositif supposerait nécessairement la création d'un fichier de masse, dont la proportionnalité au regard de l'objectif recherché peut être interrogée. Tout en partageant l'objectif d'éliminer toute pratique discriminatoire en matière de contrôles d'identité, la commission a donc considéré que la délivrance de « récépissés » ne constituait pas une solution pertinente et a invité à privilégier les pistes d'aménagements techniques existantes, au premier rang desquelles une modification de l'architecture du fichier des personnes recherchées.
· L'article 4 prévoit une activation systématique du dispositif de caméras piétons lors des contrôles d'identité.
La commission n'a pas davantage adopté cet article, considérant, d'une part, que la jurisprudence constitutionnelle invite davantage à encadrer les hypothèses de captation qu'à les systématiser et, d'autre part, qu'il se heurterait à des contraintes matérielles difficilement surmontables, en particulier s'agissant du nombre de caméras nécessaires et des capacités de stockage requises.
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Réunie le mercredi 6 mai 2025, la commission n'a pas adopté de texte sur la proposition de loi n° 54 (2024-2025) tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population.
En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.