III. L'IMMIGRATION ET LA SÉCURITÉ : DES MESURES DE PORTÉE VARIABLE POUR TENIR COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DE MAYOTTE
A. L'ACCÈS AU SÉJOUR ET LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
1. Les dispositions relatives à l'immigration familiale
La situation migratoire à Mayotte se caractérise par le poids prépondérant de l'immigration familiale : les titres de séjour « parent d'enfant français » et « liens personnels familiaux » représentent plus de 80 % des titres délivrés en 2024 (85 % en 2023). Ces titres sont très majoritairement délivrés à des étrangers en situation irrégulière (84 % pour les titres « parent d'enfant français » et 93 % pour les titres « liens personnels familiaux »).
Par conséquent, l'article 2 renforce les conditions de délivrance de ces titres :
- il subordonne la délivrance des cartes de séjour temporaire délivrées pour ces motifs à la production d'un visa de long séjour, et donc à une entrée régulière sur le territoire ;
- il crée une condition de résidence habituelle de sept ans pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux » ;
- il porte de trois à cinq ans la condition de résidence régulière pour la délivrance de la carte de résident « parent d'enfant français ».
La commission a accueilli favorablement ces dispositions, qui devraient mener à une forte réduction de la délivrance de ces titres. Sur la proposition de ses rapporteurs, elle a précisé que la condition de résidence sur le territoire national pour la délivrance de la carte de résident « parent d'enfant français » doit être ininterrompue (COM-53). En outre, afin de tenir compte du grand nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité, l'amendement COM-52 vise à prévoir la stricte application, à Mayotte, du mécanisme de « double contribution » pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « parent d'enfant français ».
2. Les dispositions relatives à la lutte contre l'immigration clandestine et visant à favoriser l'éloignement
• L'article 6 étend à Mayotte le dispositif de l'aide au retour, celle-ci ayant vocation à n'être versée que dans des circonstances exceptionnelles, en vue d'inciter au retour des ressortissants des États d'Afrique des Grands Lacs et d'Afrique de l'Est.
• L'article 7 permet, par dérogation à l'interdiction de la rétention d'un mineur prévue par la loi du 26 janvier 2024 (qui entrera en vigueur à Mayotte le 1er janvier 2027), le placement en rétention d'un étranger accompagné d'un mineur à Mayotte dans des lieux distincts et spécialement prévus à cet effet, ce placement ne pouvant excéder 48 heures.
Par l'adoption de deux amendements des rapporteurs, la commission a prévu la possibilité de proroger le placement de 24 heures supplémentaires en cas d'impossibilité matérielle de procéder à l'éloignement (COM-56), et de reporter l'entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er janvier 2027, en cohérence avec le maintien en vigueur à Mayotte des dispositions antérieures à la loi du 26 janvier 2024 (COM-57).
• L'article 8 autorise le retrait du titre de séjour d'un étranger lorsque le comportement de son enfant constitue une menace pour l'ordre public. Cet article vise à tirer les conséquences de la part très élevée de la délinquance à Mayotte due aux mineurs étrangers, ces derniers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
La commission a relevé que la rédaction proposée par le Gouvernement aboutit à un dispositif peu opérationnel. À l'initiative de ses rapporteurs, elle a adopté deux amendements clarifiant la procédure préalable à l'édiction de la mesure (COM-58) et supprimant le caractère temporaire du dispositif (COM-60).
• L'article 9 subordonne à la vérification préalable de la régularité du séjour du client les opérations de transmission de fonds à partir d'un versement d'espèces (de type Western Union), afin de limiter les flux financiers liés à l'immigration clandestine et de lutter contre le blanchiment et le financement d'activités illégales. Afin de prévenir et de réprimer le contournement de ce dispositif, la commission a créé sur proposition des rapporteurs un délit punissant le recours à des « hommes de paille » pour assurer ces opérations (amendement COM-61).