EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Article 1er
Approbation du rapport annexé

L'article 1er approuve le rapport annexé au projet de loi, qui présente les orientations du Gouvernement pour la reconstruction et la refondation de Mayotte.

La commission a approuvé l'ambition du volet programmatique du projet de loi, qui vise à créer les conditions du développement de Mayotte et à répondre aux défis structurels auxquels l'archipel est confronté, que ce soit sur le plan économique, social et démographique.

Elle a en revanche regretté l'absence d'une trajectoire annualisée précise en ce qui concerne la programmation des investissements prioritaires, qui n'est pas à la hauteur de l'ambition professée par le Gouvernement. Elle relève également que le rapport annexé ne distingue pas précisément les nouvelles mesures et qu'aucune estimation du coût total des mesures en faveur de Mayotte n'est formulée.

La commission a adopté cet article en apportant deux modifications au rapport annexé.

D'une part, elle a adopté un amendement prévoyant qu'une programmation annuelle des investissements devra être présentée au Parlement avant la fin de l'année 2025. D'autre part, elle a également souhaité l'exigence d'une évaluation régulière de ce programme, à laquelle participera un comité de suivi placé auprès du Premier ministre et qui s'accompagnera d'un rapport remis au Parlement à mi-parcours, soit avant le 1er juillet 2028.

1. Un ensemble de mesures visant à répondre aux défis structurels de l'archipel

L'article 1er, qui approuve le rapport annexé, relève des lois de programmation prévues par l'article 34 de la Constitution chargées, selon cet article, de « [déterminer] les objectifs de l'action de l'État ».

Le rapport annexé comporte à cet effet cinq parties, qui ont trait respectivement :

- à la lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal ;

- à la protection des Mahorais et à l'accès aux biens et ressources essentiels ;

- au développement des « leviers de la prospérité » de Mayotte ;

- aux programmes d'investissements prioritaires dans les infrastructures et politiques publiques essentielles à Mayotte ;

- au renforcement des services de l'État et des collectivités territoriales.

1.1. La lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal

La première partie du rapport annexé présente les mesures prévues par le Gouvernement en faveur du renforcement du dispositif opérationnel de lutte contre l'immigration clandestine, qui est présentée comme une « menace pour le pacte social à Mayotte ».

S'agissant de la prévention des arrivées clandestines, elle prévoit un renforcement des capacités de surveillance, de détection et d'interception, par l'acquisition de nouveaux moyens de détection (radars, moyens optroniques, etc.) et d'interception (renouvellement de la flotte intercepteurs). Le rapport prévoit en particulier la création d'une zone d'attente « à horizon 2027 » et d'un nouveau local de rétention administrative de 48 places en 2026.

Afin de permettre l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, le rapport prévoit « le maintien d'un rapport exigeant avec les États voisins », notamment les Comores.

En ce qui concerne l'habitat illégal, il annonce une opération d'intérêt national (OIN) visant à la résorption des zones d'habitat informel prioritaires. Il indique, sans donner de calendrier, que les opérations de résorption de l'habitat indigne « vont également se poursuivre avec la destruction programmée de près de 1 300 constructions ».

1.2. La protection des Mahorais, l'accès aux biens et ressources essentiels et le développement économique de Mayotte

La deuxième partie du rapport mêle des considérations et des engagements tenant à :

- la prévention et la protection contre les risques naturels (cycloniques, sismiques et inondations) ;

- la lutte contre l'insécurité : outre les mesures déjà engagées (doublement des effectifs des forces de l'ordre depuis 2017, antenne de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants), le rapport annexé prévoit notamment un renforcement des moyens de la gendarmerie à Mayotte (55 gendarmes supplémentaires) et la construction de nouvelles infrastructures judiciaires (cité judiciaire, centre éducatif fermé, deuxième centre pénitentiaire) ;

- la prévention et la lutte contre les ingérences étrangères, avec le renforcement des effectifs des forces armées, et le fondamentalisme religieux ;

- l'accès à l'eau portable et à l'assainissement ;

- l'accès régulier à l'électricité, en renvoyant pour l'essentiel à la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie et à l'éventuel engagement de l'État dans Électricité de Mayotte ;

- l'alimentation, avec le développement de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture ;

- l'éducation, annonçant un « investissement d'ampleur » de la part de l'État en matière d'infrastructures scolaires, dans le cadre d'engagements antérieurs (PLF 2025, contrat de convergence et de transformation, etc.) ;

- l'offre de soins, notamment par la modernisation du Centre hospitalier de Mayotte et la construction d'un second hôpital ;

- afin d'« atteindre l'égalité réelle en 2031 », l'alignement progressif du système de protection sociale de Mayotte - la « convergence sociale » - qui devrait être effectif dès 2031 (contre 2036), et qui concernerait autant le SMIC que les prestations sociales ;

- l'offre de logement, en particulier par la mise en oeuvre d'un plan de reconstruction de logements, la réalisation d'opérations d'aménagement et, à cet effet, la régularisation du cadastre ;

- la préservation de l'environnement.

1.3. Développer les « leviers de la prospérité » de Mayotte

Portant sur le développement économique de l'archipel, la troisième partie prévoit, en premier lieu, l'engagement de l'État tenant à la réalisation d'un recensement démographique exhaustif de la population résidant à Mayotte, qui devrait intervenir dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

En second lieu, elle comporte des engagements visant à « créer les conditions d'un épanouissement de la jeunesse sur le territoire », qui consistent notamment en des investissements dans les équipements sportifs et culturels, le développement des activités périscolaires et l'extension du service militaire adapté.

En troisième lieu, sont présentées les mesures visant à créer « les conditions de l'attractivité », en direction notamment des fonctionnaires et des professionnels de santé et du secteur médico-social.

En quatrième et dernier lieu sont présentées les mesures ayant trait au développement économique de Mayotte. Parmi les engagements qui y sont mentionnés figurent, outre la création de la zone franche globale prévue à l'article 22, le développement des infrastructures, en particulier la modernisation et l'extension du port de Longoni ainsi que la création d'une « piste longue » visant à sécuriser la desserte aérienne de Mayotte, ou le développement de la coopération régionale.

1.4. Les programmes d'investissements prioritaires dans les infrastructures et politiques publiques essentielles à Mayotte

La quatrième partie présente les engagements financiers de l'État en faveur des investissements prioritaires, dont le rapport annexé précise qu'ils sont « issus du contrat de convergence et de transformation en vigueur et de différents plans d'actions ministériels ou interministériels ».

Le montant de ces investissements est présenté sur la période 2025-2031, sans déclinaison annuelle, sous la forme d'un tableau, pour un montant total de 3,2 milliards d'euros.

1.5. Le renforcement des services de l'État et des collectivités territoriales

Un renforcement annoncé des moyens de l'État prendrait deux formes :

- d'une part, une mission interministérielle placée auprès de la direction générale des outre-mer, chargée de l'animation du travail interministériel et l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie quinquennale 2026-2031 ;

- d'autre part, une « équipe projet » placée auprès du préfet de Mayotte ; si le rapport précise que cette équipe « devra être dimensionnée et pourvue en compétences pour couvrir spécifiquement chacun des champs de l'action publique concernés par la reconstruction », il ne donne pas davantage de détails sur le nombre de postes concernés.

S'y ajoute le renforcement des moyens des collectivités territoriales, le rapport rappelant que le Gouvernement « entend refonder Mayotte avec les collectivités territoriales » et « s'engage à faciliter l'exercice de leurs compétences par les institutions démocratiques locales ».

Il est rappelé que les collectivités territoriales disposeront des compétences en ingénierie de l'établissement public de reconstruction et de refondation de Mayotte (EP2R) institué par la loi du 24 février 2025, par lequel seront mobilisés notamment le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Sont enfin rappelées les mesures susceptibles d'accroître, directement ou indirectement, les moyens d'action des collectivités territoriales : recensement, lutte contre l'habitat illégal, fiabilisation du cadastre et procédures d'acquisition par prescription, convergence économique.

2. La position de la commission : des engagements à préciser, un suivi et une évaluation indispensables

La commission a souligné l'intérêt de l'approche globale et ambitieuse contenue dans le projet de loi, qui vise à répondre durablement aux défis du territoire par des mesures structurantes.

Elle a toutefois regretté que le rapport annexé ne distingue pas les mesures nouvelles de celles qui sont la traduction d'engagements antérieurs, ce qui nuit à la lisibilité de l'action de l'État et de la portée des nouveaux engagements.

Elle a également relevé l'absence de calendrier précis de mise en oeuvre des mesures du rapport annexé et l'absence de traduction budgétaire. Seuls les investissements prioritaires font l'objet d'un chiffrage mais celui-ci porte sur l'ensemble de la période 2025-2031, sans déclinaison annuelle.

Le Gouvernement a indiqué que ces éléments devraient être précisés dans la stratégie quinquennale (2026-2031) pour Mayotte, est en cours d'élaboration par la mission interministérielle pour la reconstruction et la refondation de Mayotte.

La commission s'est interrogée sur l'articulation entre la loi de programmation et la stratégie interministérielle et sur l'intérêt, dans ces conditions, de soumettre au Parlement un tel texte.

Estimant qu'une programmation annuelle des investissements était indispensable afin d'affermir les engagements de l'État dans un contexte budgétaire contraint, la commission a adopté l'amendement COM-66 des rapporteurs qui prévoit qu'une programmation annuelle des investissements sera présentée au Parlement avant le 31 décembre 2025.

La commission a également relevé que le rapport annexé ne prévoyait pas de modalités d'évaluation et de suivi de la loi de programmation. Par conséquent, elle a adopté l'amendement COM-67 des rapporteurs et le sous-amendement COM-75 présenté par Corinne Narassiguin et les membres du groupe SER, qui complète le rapport annexé par une partie consacrée à l'évaluation et au suivi de la loi. Il est prévu qu'un rapport d'évaluation à mi-parcours sera remis au Parlement et que sera institué un comité de suivi placé auprès du Premier ministre, et comprenant parmi ses membres deux sénateurs et deux députés.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 1er bis (nouveau)
Autorité du préfet de Mayotte sur l'ensemble des services déconcentrés de l'État et de ses établissements publics

L'article 1er bis, introduit par la commission à l'initiative des rapporteurs, place sous l'autorité du préfet, jusqu'au 31 décembre 2030, l'ensemble des services déconcentrés de l'État et de ses établissements publics ayant un champ d'action territorial sur l'archipel.

1. Une faculté aujourd'hui limitée à la phase de réponse immédiate aux crises

Créé par l'article 27 de la loi du 24 janvier 20239(*), dite « LOPMI », l'article L. 742-2-1 du code de sécurité intérieure (CSI) permet, en cas d'« événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l'ordre ou la santé publics, la préservation de l'environnement, l'approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population » au préfet de département, sur l'autorisation du préfet de zone de défense et de sécurité compétent, de « diriger l'action de l'ensemble des services et des établissements publics de l'État ayant un champ d'action territorial, qui sont alors placés pour emploi sous son autorité ».

La mise en oeuvre d'une telle mesure est limitée à une durée maximale d'un mois, renouvelable par périodes d'un mois, l'article L. 742-2-1 précisant qu'il y est mis fin « sans délai (...) dès que les circonstances qui l'ont justifiée ont cessé ».

Ce dispositif est une réponse au constat de longue date des difficultés liées à l'émiettement de l'État territorial, qui nuit fortement à la cohérence et à la lisibilité de son action10(*). Une réponse unifiée de l'État est tout particulièrement nécessaire en temps de crise, ainsi que le relevait le Conseil d'État dans son étude annuelle de 2021 sur les états d'urgence : « Le processus qui, depuis plusieurs décennies, a multiplié, à côté de la représentation de l'État par l'administration préfectorale, les structures territoriales spécialisées est inspiré par une logique de spécialisation et de sophistication de l'action déconcentrée de l'État qui n'est pas pertinente face à des situations de crise grave qui imposent que des décisions soient prises dans l'urgence et de façon intelligible et cohérente. »

Le passage du cyclone Chido a donné lieu à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 742-2-1 du CSI du 14 décembre 2024 au 14 mars 2025, ce qui a permis au préfet de Mayotte de mobiliser tous les services de l'État, y compris les forces armées, l'agence régionale de santé (ARS), les services des douanes et du rectorat de l'académie de Mayotte pour la reconstruction et la gestion des conséquences immédiates de la crise.

Les auditions menées par les rapporteurs ont permis de dresser un bilan très positif de la mise en oeuvre de cette mesure sur le plan de la coordination de l'action des différents services de l'État. Toutefois, au regard des conditions fixées par l'article L. 742-2-1 du code de la sécurité intérieure, la mesure n'a pas été prolongée au-delà du 14 mars 2025.

2. Une coordination nécessaire des services de l'État à Mayotte pour le temps de la reconstruction

Au-delà de la gestion immédiate des conséquences du passage du cyclone Chido, Mayotte connaît une situation de crise aux dimensions multiples - démographique, migratoire, sécuritaire, sociale et économique.

L'importance des défis auxquels est confrontée Mayotte, la faible taille du territoire et l'imbrication systématique des missions des services de l'État rendent nécessaire une coordination renforcée de leur action.

L'action conjuguée de l'ensemble des services de l'État constitue également un impératif du fait des tensions particulières que connaît Mayotte : par exemple, si la prévention des épidémies de choléra relève en principe de l'ARS, la politique de prévention ne peut avoir lieu sans l'intervention des forces de sécurité intérieure pour protéger les opérations de vaccination. Elle doit en outre associer le service interministériel de communication pour en assurer l'information ainsi que le rectorat d'académie pour les actions en milieu scolaire. Les opérations de lutte contre l'habitat informel requièrent également une coordination étroite entre les forces de sécurité intérieure, les services de l'ARS, de la direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer et du rectorat.

Par conséquent, afin de garantir la continuité et la cohérence de l'action de l'État et de lui permettre de parler d'une seule voix sur le territoire, notamment auprès du président du conseil départemental et du président de l'établissement public de reconstruction et de refondation de Mayotte (EP2R), la commission a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, l'amendement COM-51 prévoyant que, jusqu'au 31 décembre 2030, l'ensemble des services de l'État et de ses établissements publics à Mayotte sont placés pour emploi sous l'autorité du préfet.

La commission a adopté l'article 1er bis ainsi rédigé.

Article 2
Conditions de délivrance des cartes de séjour
« liens personnels et familiaux » et « parent d'enfant français »

L'article 2 restreint les conditions d'accès au séjour pour motif familial à Mayotte. Il impose la détention préalable d'un visa de long séjour pour la délivrance des cartes de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrées à l'étranger parent d'enfant français ou au titre des « liens personnels et familiaux ».

Il porte de trois à cinq ans la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident « parent d'enfant français » et crée une condition de résidence habituelle de sept ans pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux ».

La commission a accueilli favorablement ces dispositions, qui devraient mener à une forte réduction de la délivrance de ces titres et, par conséquent, à réduire l'attractivité de Mayotte.

Sur la proposition de ses rapporteurs, elle a adopté cet article modifié par deux amendements visant :

- d'une part, à préciser que la condition de résidence régulière pour la délivrance de la carte de résident « parent d'enfant français » s'entend d'une résidence ininterrompue sur le territoire national (COM-52) ;

- d'autre part, afin de tenir compte du grand nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte, à prévoir la stricte application, à Mayotte, du mécanisme de « double contribution » créé par la loi du 10 septembre 2018 pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « parent d'enfant français » (COM-53).

1. Le poids très élevé de l'immigration familiale à Mayotte

1.1. Mayotte est particulièrement exposée à l'immigration familiale, qui constitue l'une des voies de régularisation de l'immigration clandestine

L'immigration familiale constitue l'une des composantes de la pression migratoire particulièrement intense observée à Mayotte.

Cette pression migratoire est l'un des moteurs de la croissance démographique de l'île : selon l'INSEE, la population a augmenté de 3,8 % par an en moyenne entre 2012 et 2017 - croissance qui s'accélère par rapport à la période 2007-2012 (+ 2,7 % par an) - et le taux de fécondité s'élevait en 2023 à 4,49 enfants par femme, contre 1,68 pour l'ensemble du territoire national11(*).

L'INSEE observe que « La fécondité est portée par les mères de nationalité étrangère, comoriennes pour la plupart, qui donnent naissance aux trois quarts des bébés nés en 2022 » - ce qui correspond à une tendance constante. L'INSEE relève qu'« un nouveau-né sur deux a un père de nationalité étrangère, et un peu plus d'un sur deux a au moins un de ses parents Français »12(*).

Naissances vivantes domiciliées à Mayotte, selon la nationalité de la mère

(en nombre)

Source : commission des lois du Sénat d'après données INSEE

L'INSEE estime qu'« à l'horizon 2050, entre 440 000 et 760 000 habitants vivraient à Mayotte selon différents scénarios étudiés », à partir d'une population estimée à 320 000 habitants en 2024 et dont la moitié serait de nationalité étrangère ; le déterminant essentiel de ces scénarios est l'évolution de la situation migratoire, « les femmes natives de l'étranger résidant à Mayotte ayant une fécondité bien plus élevée que les femmes natives de Mayotte »13(*).

La nombreuse population étrangère présente sur l'île et les liens culturels et familiaux avec les îles de l'archipel des Comores se traduisent par une immigration familiale importante.

Ainsi que l'expose l'étude d'impact, les titres de séjour pour motif familial, soit les titres « parent d'enfant français » et « liens personnels et familiaux », représentent une part très majoritaire des titres de séjour délivrés à Mayotte (85,0 % en 2023, 80,2 % en 2024), bien supérieure à celle observée sur l'ensemble du territoire national.

Part des titres de séjour délivrés ou renouvelés pour un motif familial

Source : commission des lois du Sénat d'après l'étude d'impact

En outre, il apparaît que ces titres sont délivrés très majoritairement à des personnes entrées irrégulièrement sur le territoire national, contribuant ainsi à alimenter et à encourager l'immigration irrégulière à Mayotte ainsi qu'à favoriser le maintien sur le territoire d'étrangers entrés en situation irrégulière.

Part des titres de séjour en cours de validité à Mayotte délivrés à des étrangers entrés en situation irrégulière (au 31 décembre 2023)

Source : commission des lois du Sénat d'après l'étude d'impact

1.2. Des adaptations à la situation de Mayotte qui demeurent limitées et sans effet sur l'immigration familiale

a) Les titres de séjour « parent d'enfant français »

L'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France se voit délivrer, en vertu de l'article L. 423-7 du CESEDA, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an, sous réserve :

- de ne pas vivre en état de polygamie ;

- de ne pas constituer une menace à l'ordre public ;

- de justifier qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans.

Depuis la loi du 10 septembre 2018, et afin de lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, le demandeur doit également, lorsqu'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance, apporter la preuve de la contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de la part du parent auteur de cette reconnaissance. Le premier alinéa de l'article L. 423-8 du CESEDA prévoit que cette condition de contribution de l'autre parent doit être regardée comme remplie dès lors qu'est rapportée la preuve de sa contribution effective ou qu'est produite une décision de justice relative à celle-ci.

Ce titre de séjour - communément désigné comme la carte de séjour temporaire « parent d'étranger français » - est délivré sans que soit opposable la condition tirée de la détention préalable d'un visa de long séjour, et ainsi de l'entrée régulière sur le territoire national de la personne concernée.

Après trois années de séjour sous couvert de cette carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle, l'étranger qui continue de remplir les conditions liées à l'entretien de l'enfant et qui respecte les conditions d'intégration républicaine se voit délivrer une carte de résident de dix ans - communément désignée carte de résident « parent d'étranger français ».

Les conditions de délivrance de ces titres ont été adaptées à la situation particulière de Mayotte.

Le 8° bis de l'article L. 441-7 du CESEDA, issu de la loi du 26 janvier 2024, porte ainsi à trois ans, au lieu de deux ans, la durée pendant laquelle l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire « parent d'étranger français » doit avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

Cette même durée est exigée s'agissant de la contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant prévue à l'article L. 423-8 du CESEDA, lorsque l'étranger n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité (8° ter de l'article L. 441-7).

Enfin, s'agissant de la délivrance de la carte de résident « parent d'étranger français », le 8° de l'article L. 441-7 prévoit une condition supplémentaire tirée de ce que l'étranger doit justifier de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins.

b) Le titre de séjour « liens personnels et familiaux »

L'article L. 423-23 du CESEDA prévoit la délivrance à l'étranger d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition de la détention d'un visa de long séjour, lorsqu'il ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour pour motif familial mais « dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». Aucune durée de résidence habituelle n'est prévue dans les dispositions législatives ou réglementaires du CESEDA.

Ainsi que l'expose l'étude d'impact, cette délivrance de plein droit d'un titre de séjour au titre des « liens personnels et familiaux », « constitue la « traduction » en droit interne des exigences de protection du droit au respect de la vie privée et familiale qui découlent de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

En l'état du droit, il n'existe aucune adaptation de ces dispositions à la situation particulière de Mayotte.

2. Le dispositif proposé : une restriction des conditions de délivrance des titres de séjour « parent d'enfant français » et « liens personnels et familiaux » à Mayotte

L'article 2 propose plusieurs modifications à l'article L. 441-7 du CESEDA, qui prévoit des mesures d'adaptation des dispositions du livre IV de ce code à Mayotte.

2.1. Exigence de la détention d'un visa de long séjour pour l'obtention des cartes de séjour temporaire « parent d'enfant français » et « liens personnels et familiaux »

Les 1°, 2° et 4° de l'article 2 rendent applicable à la première délivrance des cartes de séjour temporaire « parent d'enfant français » et « liens personnels et familiaux » l'exigence de la production d'un visa de long de séjour.

À cet effet, le 1° supprime, à Mayotte, les références aux articles L. 423-7 - relatif à la carte de séjour temporaire « parent d'enfant français - et L. 423-23 - relatif à la carte de séjour temporaire « liens personnels familiaux » - à l'article L. 412-2 du CESEDA, qui énumère les titres de séjour dispensés de cette condition.

Les 2° et 4° suppriment la mention expresse de cette dispense au premier alinéa des articles L. 423-7 et L. 423-23.

2.2. Création d'une condition de résidence habituelle à Mayotte de sept ans pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux »

Le 4° insère, pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « liens personnels et familiaux » à Mayotte, une condition supplémentaire de résidence habituelle à Mayotte « depuis au moins sept ans ».

Combiné avec le 1° de l'article 2 (cf. supra), il serait désormais exigé, à Mayotte, la détention d'un visa de long séjour et une résidence habituelle depuis au moins sept ans à Mayotte pour la première délivrance de cette carte de séjour.

2.3. Augmentation de trois à cinq ans de la durée de résidence régulière exigée pour la délivrance de la carte de résident « parent d'enfant français »

Le 3° de l'article 2 modifie l'article L. 423-10 du CESEDA, relatif à la délivrance de la carte de résident au titulaire d'une carte de séjour temporaire « parent d'enfant français », pour porter de trois à cinq ans la durée de résidence régulière en France exigée du demandeur.

Comme l'expose l'étude d'impact, cette condition de durée s'apprécie globalement et non au regard d'un titre de séjour particulier ; ainsi, « au regard de la discontinuité pouvant exister entre les dates de validité des cartes de séjour temporaires et pluriannuelles, les attestations de prolongation d'instruction en 1ère demande et en renouvellement du titre sont prises en compte dans l'historique des cinq années de séjour régulier ».

3. La position de la commission : un renforcement opportun des conditions de délivrance des titres de séjour

La commission a approuvé l'objectif poursuivi par le présent article.

Au regard des données présentées dans l'étude d'impact, l'exigence de la détention d'un visa de long séjour pourrait, selon les titres de séjour, mener à une baisse de 80 à 90 % du nombre de titres délivrés, ce qui contribuerait à réduire l'attractivité de Mayotte.

S'agissant de la carte de résident, la commission a jugé opportune l'augmentation de la durée de la condition de résidence régulière en France, qui permet notamment de s'assurer de l'intégration des personnes concernées avant la délivrance de la carte de résident, qui est un titre de séjour particulièrement protecteur.

Sur la proposition de ses rapporteurs, la commission a adopté deux amendements visant à renforcer les conditions de délivrance de ces titres.

D'une part, l'amendement COM-52 rend inapplicable à Mayotte le second alinéa de l'article L. 423-8 du CESEDA qui permet, pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « parent d'enfant français », de faire échec à l'application du mécanisme de « double contribution » institué par cet article ; cet alinéa prévoit qu'en l'absence de décision de justice ou de preuve de la contribution, le droit au séjour du parent de l'enfant français s'apprécie « au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ». Eu égard à l'ampleur particulière des reconnaissances frauduleuses de paternité, l'amendement écarte l'application de ces dispositions à Mayotte.

D'autre part, l'amendement COM-53 précise que la condition de durée de résidence régulière de cinq ans pour la délivrance de la carte de résident « parent d'enfant français » prévue à l'article L. 423-10 du CESEDA s'entend d'une résidence ininterrompue sur le territoire national.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 2 bis (nouveau)
Rapport d'évaluation des dispositions dérogatoires en matière d'immigration
et de nationalité

Introduit à l'initiative des rapporteurs, l'article 2 bis prévoit la remise par le Gouvernement, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi, d'un rapport d'évaluation des dispositions dérogatoires en matière d'immigration et de nationalité applicables à Mayotte.

Le droit en matière d'entrée et de séjour des étrangers et d'accès à la nationalité à Mayotte est fortement dérogatoire.

Les conditions d'accès à la nationalité, qui faisaient déjà l'objet de dérogations14(*), ont été récemment renforcées par la loi n° 2025-412 du 12 mai 2025 visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte.

En matière de droit des étrangers, les dispositions dérogatoires sont notamment issues de l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 201415(*) et leur nombre comme leur portée ont été progressivement accrus depuis.

Parmi ces dérogations figure notamment le dispositif du titre de séjour dit « territorialisé », prévu par l'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Il consiste en une limitation du champ territorial des visas délivrés à Mayotte, qui n'autorisent le séjour que sur le seul territoire de l'archipel.

Les étrangers des États soumis à l'obligation de visa, titulaires d'un tel titre de séjour et qui souhaitent se rendre sur une autre partie du territoire national doivent solliciter, en vertu de ces dispositions, une autorisation spéciale prenant la forme d'un visa, délivrée également par le préfet de Mayotte sur avis du préfet compétent dans le département ou la collectivité où les personnes souhaitent se rendre16(*).

Si la commission a considéré qu'il n'était pas envisageable, en l'état de la situation migratoire à Mayotte, de revenir sur ce dispositif, elle a adopté l'amendement COM-54 des rapporteurs qui prévoit, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l'ensemble des dispositions dérogatoires applicables à Mayotte en matière d'immigration et de nationalité.

La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.

Article 3
Centralisation de l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité dans la commune de Mamoudzou

Afin de mieux détecter les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, l'article 3 prévoit qu'à Mayotte, les actes de reconnaissance d'un enfant ne pourront être établis que par un officier de l'état civil de la commune de Mamoudzou. Ce dernier procédera de plus, lors de l'établissement de l'acte, à la lecture des obligations découlant de l'autorité parentale et des peines encourues en cas de fraude.

La commission s'est montrée favorable à ces deux mesures, qui devront toutefois s'accompagner d'une formation spécifique des officiers de l'état civil à la détection des fraudes, pour garantir l'efficacité de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. Elle a également souhaité préciser que l'auteur de la reconnaissance serait informé des obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale et des peines encourues en cas de fraude. Les rapporteurs ont à cet égard précisé que cette information devrait être effective et pourrait prendre la forme d'une mention orale ou d'un document distribué en français et, le cas échéant, dans une langue étrangère comprise par l'intéressé, pour tenir compte de la proportion d'étrangers résidant à Mayotte. La commission a adopté l'article ainsi modifié.

1. La filiation peut être établie par reconnaissance volontaire, devant un officier de l'état civil ou un notaire

La filiation désigne le lien juridique qui unité un enfant à ses parents. Elle peut être établie par l'effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par la reconnaissance d'état constatée par un acte de notoriété17(*). Elle peut également être établie par reconnaissance conjointe pour les couples de femmes ayant recours à la procréation avec tiers donneur18(*).

De l'établissement de la filiation découlent de nombreux droits et obligations, tant à l'égard des parents que des enfants.

Les droits et obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale

L'autorité parentale se définit comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant19(*) » et appartient aux parents, jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant.

Les parents sont ainsi tenus, à l'égard de leur enfant20(*) :

- de le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité ;

- d'assurer son éducation et de permettre son développement ;

- de l'associer aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ;

- de contribuer à son entretien et à son éducation ;

- de protéger son droit à l'image, jusqu'à sa majorité.

Des sanctions pénales sont encourues en cas de manquement à ces obligations. Ainsi, l'article 227-17 du code pénal prévoit que « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ».

1.1. L'établissement de la filiation par l'effet de la loi

La filiation peut en premier lieu être établie par l'effet de la loi. Dans ce cas, la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant21(*). Le mari bénéficie quant à lui d'une présomption de paternité22(*), qui peut toutefois être écartée, notamment quand l'acte de naissance ne désigne pas le mari en qualité de père23(*).

1.2. L'établissement de la filiation par reconnaissance volontaire

La filiation peut en second lieu être établie par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance24(*).

Il s'agit de la libre démarche par laquelle un homme ou une femme affirme être le père ou la mère d'un enfant et s'engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent selon la loi, notamment celle de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant25(*).

La reconnaissance de paternité ou de maternité peut être établie par un officier d'état civil, dans n'importe quelle mairie, ou par un notaire26(*). Elle donne lieu à l'établissement d'un acte de reconnaissance27(*) et constitue un acte déclaratif, dont les droits en découlant remontent au jour de la naissance28(*).

Les officiers de l'état civil

L'officier de l'état civil est l'autorité chargée par la loi de recevoir et conserver les actes d'état civil et de délivrer des copies ou extraits.

Le maire et les adjoints au maire exercent les fonctions d'officiers de l'état civil29(*), au nom de l'État, sous l'autorité du procureur de la République30(*). Le maire peut également déléguer ses fonctions d'officier de l'état civil aux :

conseillers municipaux, en cas d'empêchement ou d'absence du maire et des adjoints au maire31(*) ;

fonctionnaires titulaires de la commune32(*), à l'exception de la célébration des mariages et de la signature des actes de mariage.

1.3. L'établissement de la filiation par possession d'état

La filiation peut en troisième lieu être établie par possession d'état, qui désigne « une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir33(*) », comme par exemple le fait que cette personne a été traitée par ceux dont on la dit issue comme leur enfant et que ceux-ci ont pourvu à son éducation, son entretien ou son installation. La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque34(*).

Chacun des parents ou l'enfant peut demander à un notaire la délivrance d'un acte de notoriété, faisant foi de la possession d'état et donnant lieu à une mention en marge de l'acte de naissance de l'enfant35(*).

2. Le dispositif proposé : centraliser à Mamoudzou l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité et mieux informer les auteurs de reconnaissance des obligations en découlant, pour lutter plus efficacement contre les fraudes

2.1. La centralisation de l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité dans la commune de Mamoudzou

D'une part, l'article 3 du projet de loi prévoit qu'à Mayotte, par dérogation au principe de droit commun, les reconnaissances de paternité et de maternité devront se faire auprès d'un officier de l'état civil de la commune de Mamoudzou. Les reconnaissances effectuées en même temps que la déclaration de naissance36(*) pourront cependant toujours être effectuées dans les autres communes du territoire37(*).

Cette centralisation à Mamoudzou s'accompagnera, selon les informations transmises par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), de la mise en place d'une formation spécifique des officiers de l'état civil de la commune de Mamoudzou à la détection des fraudes et à la mise en oeuvre de la procédure de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses, prévue par les articles 316-1 à 316-5 du code civil.

L'objectif de ces dispositions est de mieux détecter les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, qui apparaissent en augmentation à Mayotte et qui favorisent l'immigration irrégulière. Ainsi, selon le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, « cette fraude est extrêmement développée, et au vu du nombre de naissances à Mayotte, tout porte à croire que cette fraude tend à s'aggraver. (...) La reconnaissance frauduleuse de paternité est le moyen le plus simple pour les étrangers de se régulariser ». Or, les cas de fraude sont actuellement rarement détectés par les officiers de l'état civil, comme en témoigne le faible nombre de saisines du procureur de la République par des officiers de l'état civil, pour suspicion de reconnaissance frauduleuse38(*).

Les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité

Une reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité est une « reconnaissance souscrite par une personne dont l'intention exclusive n'est pas d'assurer à l'égard de l'enfant l'ensemble des obligations résultant du lien de filiation, mais qui est animée par la recherche d'un avantage lié à la qualité de parent d'un enfant Français39(*) ».

Selon une circulaire du garde des sceaux du 20 mars 201940(*), il peut s'agir de :

« - la reconnaissance de l'enfant mineur d'une ressortissante étrangère par un Français. La reconnaissance permet d'attribuer à l'enfant la nationalité française puis, à sa mère, un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ; un Français peut souscrire des reconnaissances multiples ;

« - la reconnaissance de l'enfant miner d'une Française par un ressortissant étranger. Ce dernier devient ainsi parent d'enfant français et peut, à ce titre, obtenir la délivrance d'un titre de séjour (...) ;

« - la reconnaissance peut également être effectuée pour qu'une mère ou un père puisse bénéficier de prestations sociales ».

Elle est à distinguer de la reconnaissance de complaisance, qui correspond au cas où une personne déclare sa filiation à l'égard d'un enfant, sans lien biologique avec ce dernier, tout en s'engageant à assumer les droits et devoirs découlant de l'autorité parentale, notamment l'obligation de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant.

La reconnaissance de complaisance ne constitue pas une fraude, comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt rendu en 2023, dans lequel il est indiqué que « dès lors qu'une reconnaissance de paternité n'atteste en elle-même aucune réalité biologique, l'acte par lequel une personne souscrit une telle reconnaissance alors qu'elle sait ne pas être le père biologique de l'enfant est insusceptible de caractériser l'altération frauduleuse de la vérité constitutive d'un faux au sens des articles 441-1 et 441-2 du code pénal41(*) ».

La centralisation à Mamoudzou de l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité devrait ainsi permettre de renforcer l'efficacité de la détection préventive des reconnaissances frauduleuses, d'une part grâce à la formation spécifique qui serait dispensée aux officiers de l'état civil de la commune de Mamoudzou, et d'autre part en favorisant l'identification des auteurs de reconnaissances frauduleuses multiples, qui ne pourraient plus se rendre dans différentes mairies pour reconnaître des enfants.

2.2. Le renforcement de l'information des auteurs de reconnaissance de paternité et de maternité sur les obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale et sur les peines encourues en cas de fraude

D'autre part, l'article 3 prévoit de renforcer l'information des auteurs de reconnaissance de paternité et de maternité sur les obligations découlant de l'établissement de la filiation ainsi que sur les peines encourues en cas de reconnaissance frauduleuse.

Ainsi, lors de l'établissement de l'acte de reconnaissance d'un enfant né à Mayotte, l'officier de l'état civil ferait lecture des articles 371-1 et 371-2 du code civil, de l'article 227-17 du code pénal et de l'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui traitent respectivement :

- des droits et devoirs découlant de l'exercice de l'autorité parentale ;

- des peines encourues par le père ou la mère se soustrayant à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur ;

- des peines encourues en cas de reconnaissance frauduleuse.

L'objectif est, là aussi, de lutter plus efficacement contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, en informant les auteurs d'une reconnaissance des éventuelles conséquences d'une telle fraude.

3. La position de la commission : accepter des mesures utiles pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, tout en garantissant leur effectivité

3.1. La centralisation de l'établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité à Mayotte permettra de mieux détecter les fraudes, mais doit être accompagné d'un renforcement de la formation des officiers de l'état civil

La commission a accueilli favorablement le dispositif prévoyant la centralisation à Mamoudzou de l'établissement des actes de reconnaissance d'enfant.

Elle a d'abord estimé que ces dispositions poursuivaient un objectif d'intérêt général, à savoir permettre une détection plus efficace des reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, et par conséquent, lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière à Mayotte.

Les rapporteurs ont en outre considéré que le dispositif dérogatoire proposé était proportionné et conforme aux exigences posées par l'article 73 de la Constitution.

Comme noté par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi42(*), le dispositif proposé est « adapté au regard des caractéristiques locales particulières à Mayotte [et] également proportionné au regard des exigences de l'article 73 de la Constitution. En effet, 75 % des naissances ont lieu à Mamoudzou, où se situe la plus grande maternité du territoire mahorais. 25 % des reconnaissances ont lieu concomitamment à la déclaration de la naissance et ne seront pas concernées par ce nouveau dispositif. Enfin, Mamoudzou est, en temps normal, accessible depuis les différentes parties du territoire mahorais. En outre, l'introduction de ce nouveau dispositif n'a ni pour objet ni pour effet de priver les parents de la possibilité d'établir leur lien de filiation à l'égard d'un enfant, mais simplement d'en encadrer les modalités au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi et de la situation particulière à Mayotte. Le Conseil d'État considère que ce dispositif ne se heurte, par suite, à aucun obstacle de nature constitutionnelle et n'identifie pas de norme conventionnelle qui s'opposerait à cette évolution ».

La commission souhaite néanmoins insister sur la nécessité de mettre en place rapidement une formation spécifique à destination des officiers de l'état civil de Mamoudzou pour la détection des fraudes. La formation actuelle des officiers de l'état civil de Mayotte à la détection des reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité est en effet largement perfectible. Comme indiqué aux rapporteurs par Guillaume Dupont, procureur de la République de Mamoudzou, « le niveau de compétence est très inégal entre les mairies dotées d'effectifs conséquents et d'un personnel dédié (Mamoudzou notamment) et celles plus artisanales (...). Mon très léger retour d'expériences me laisse à penser que le niveau de formation générale est pour l'heure insuffisant ».

Pour que la mesure prévue par l'article 3 du projet de loi puisse exercer un réel effet sur le nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, il est par conséquent indispensable de renforcer les dispositifs existants de formation.

3.2. Assurer l'effectivité de l'information des auteurs de reconnaissance de paternité et de maternité quant aux obligations liées à l'autorité parentale et aux peines encourues en cas de fraude

La commission a également accueilli favorablement le dispositif prévoyant la lecture, par l'officier de l'état civil, des obligations découlant de l'exercice de l'autorité parentale et des sanctions pénales encourues en cas de fraude, aux auteurs de reconnaissances de paternité et de maternité.

Pour assurer l'effectivité de cette mesure, elle a souhaité préciser, à l'initiative des rapporteurs et par l'adoption d'un amendement COM-55, que l'auteur de la reconnaissance serait informé de ces obligations et des peines encourues. Les rapporteurs ont précisé que cette information devrait être effective et pourrait prendre la forme d'une mention orale ou d'un document distribué en français et, le cas échéant, dans une autre langue comprise par l'auteur de la reconnaissance.

En effet, 50 % environ de la population établie à Mayotte est étrangère. Par conséquent, il est fréquent que des étrangers se rendent auprès d'un officier de l'état civil pour reconnaître un enfant, sans pour autant maîtriser parfaitement la langue française.

Pour assurer l'effectivité de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité, il convient donc de s'assurer que les obligations découlant de la reconnaissance et les peines encourues en cas de fraude soient bien comprises par l'auteur de la reconnaissance.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Allongement de la durée du sursis à l'enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité prononcé par le procureur de la République en cas de suspicion de fraude

Dans le cadre de la procédure de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, l'article 4 vise à allonger la durée de sursis à l'enregistrement de la reconnaissance d'un enfant, qui peut être prononcé par le procureur de la République, en cas de suspicion de fraude. L'objectif est de laisser davantage de temps au procureur de la République pour enquêter et ainsi confirmer ou infirmer le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité ou de maternité envisagée.

Compte tenu de la complexité des enquêtes à conduire par le procureur de la République pour établir ou non le caractère frauduleux d'une reconnaissance de paternité ou de maternité, la commission a considéré que l'allongement de la durée de sursis à l'enregistrement de la reconnaissance envisagée présentait un caractère proportionné et était de nature à améliorer la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. Elle a par conséquent adopté cet article sans modification.

1. Les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité

1.1. Les mécanismes de lutte a posteriori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité

Initialement, il n'existait que des mécanismes visant à lutter a posteriori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité.

a) L'action en contestation de la filiation

En matière civile, le seul dispositif initialement prévu reposait sur l'action en contestation de la filiation, a posteriori, par le procureur de la République. L'article 336 du code civil dispose à cet égard que « la filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi ».

Les officiers de l'état civil, même en cas de soupçon de fraude, avaient en effet l'obligation d'enregistrer l'acte de reconnaissance. Ils étaient toutefois tenus d'en informer sans délai le ministère public.

Une fois informé de ce soupçon, le procureur de la République disposait alors de dix ans43(*) pour contester la filiation devant le tribunal judiciaire. En cas de succès de l'action, le lien de filiation est annulé de manière rétroactive est réputé n'avoir jamais existé.

b) Les sanctions pénales encourues en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité

L'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la reconnaissance de paternité ou de maternité « aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française » est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

Des peines complémentaires sont également encourues par les auteurs d'une reconnaissance frauduleuse, telles qu'une interdiction de séjour de cinq ans au plus44(*), une interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, pour une durée maximale de cinq ans45(*), la confiscation de tout ou partie de leurs biens, qu'elle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis46(*), ou encore une interdiction du territoire français de dix ans au plus, pour les étrangers47(*).

1.2. Ces mécanismes ont été complétés par des dispositifs de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité

Des dispositifs visant à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité ont été introduits par le législateur, d'abord à Mayotte en 200548(*), puis sur l'intégralité du territoire français en 201949(*), afin de « lutter en amont contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité avant même qu'un acte de reconnaissance ne soit établi50(*) ».

Ce dispositif de lutte a priori repose d'abord sur la production de justificatifs d'identité et de domicile devant l'officier de l'état civil par la personne souhaitant reconnaître un enfant51(*). En l'absence de ces documents, l'officier de l'état civil sursoit à l'établissement de l'acte de reconnaissance et invite l'intéressé à se présenter à nouveau, muni des justificatifs requis.

L'officier de l'état civil dispose par ailleurs de la faculté de procéder à l'audition de l'auteur de la reconnaissance de l'enfant52(*), avant l'enregistrement de la reconnaissance, en cas de soupçon de fraude, par exemple dans le cas où il aurait connaissance de plusieurs reconnaissances effectuées par un même auteur.

Le cas échéant après cette audition et s'il existe des indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance est frauduleuse, il revient à l'officier de l'état civil de saisir sans délai le procureur de la République, et d'informer en parallèle l'auteur de la reconnaissance de cette saisine53(*).

L'article 316-1 du code civil précise que le procureur de la République dispose alors de quinze jours pour décider de :

- laisser l'officier de l'état civil enregistrer la reconnaissance ;

surseoir à l'enregistrement de la reconnaissance, afin de pouvoir mener une enquête destinée à confirmer ou infirmer le caractère frauduleux de la reconnaissance ;

s'opposer à l'enregistrement de la reconnaissance.

La décision de sursis d'enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité

Dans le cas où le procureur de la République décide de surseoir à l'enregistrement d'une reconnaissance, il dispose alors d'une durée d'un mois renouvelable une fois (ou deux mois renouvelables une fois en cas d'enquête conduite à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire) pour faire procéder à une enquête destinée à confirmer ou infirmer le caractère frauduleux de la reconnaissance54(*).

L'enquête vise à démontrer que la reconnaissance est mensongère et que le seul but poursuivi est l'obtention d'un avantage personnel. Dans ce cadre, le procureur de la République cherche à vérifier tous les éléments qui permettent de caractériser l'absence de projet parental à l'égard de l'enfant ou encore un objectif étranger à l'établissement de la filiation.

Selon les informations transmises par Guillaume Dupont, procureur de la République de Mamoudzou, cette enquête donne généralement lieu à :

- l'audition de l'auteur de la reconnaissance, de l'autre parent ainsi que de toute personne intéressée ;

- la vérification des antécédents de l'auteur de la reconnaissance et de l'autre parent ;

- la demande de production de tous documents justificatifs (pièces justifiant de l'effectivité d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant par exemple) ;

- l'interrogation de divers fichiers ou organismes (caisse d'allocations familiales, caisse primaire d'assurance maladie, services fiscaux, juge aux affaires familiales etc.) aux fins de vérification des dires et pièces produites par l'auteur de la reconnaissance ;

- la consultation de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), afin d'identifier le parcours migratoire du parent étranger sur le territoire et d'identifier d'éventuels rapprochements avec d'autres reconnaissances effectuées par le même auteur ;

- la vérification du lieu de la reconnaissance de l'enfant pour contrôler si la personne qui souhaite reconnaître l'enfant se présente dans une mairie éloignée de son domicile ;

- la vérification du moment la reconnaissance de l'enfant, pour déterminer si celle-ci est effectuée plusieurs années après la naissance, voire peu de temps avant la majorité de l'enfant, ou concomitamment à une demande de titre de séjour de la personne ou de l'autre parent.

2. Pour détecter plus efficacement les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité, le dispositif proposé vise à allonger la durée du sursis à l'enregistrement d'une reconnaissance

2.1. Les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité demeurent trop faiblement détectées à Mayotte

Le dispositif de lutte a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, introduit sur l'ensemble du territoire national en 2019, a globalement produit des effets positifs.

Ainsi, selon le rapport du Sénat consacré à l'insécurité à Mayotte de 202155(*), « à l'échelle nationale, ce [dispositif] semble avoir produit des effets notables, comme le notait l'un des rapporteurs du présent rapport en 2019 : "ces nouveaux outils ont permis de détecter 1 076 cas de documents frauduleux en 2018, contre 738 en 2017, aux fins d'obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, soit une augmentation de 46 %" ».

En revanche, le nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité détectées à Mayotte demeure très faible, en dépit de « la permanence de filières de reconnaissance frauduleuse56(*) ».

Selon la DACS, les difficultés pour détecter les fraudes et pour les établir sont dues à la complexité des enquêtes à conduire pour confirmer ou infirmer le caractère frauduleux d'une reconnaissance. Ainsi, « ces enquêtes s'avèrent en général complexes dans la mesure où il convient, d'une part, de s'adresser à de multiples instances (CAF, CNAM, juge aux affaires familiales, services fiscaux, etc.) et, d'autre part, qu'il faut non seulement démontrer que la reconnaissance est mensongère mais également que le seul but poursuivi est l'obtention de la nationalité et d'un titre de séjour ».

Il découle de ces difficultés un très faible nombre d'oppositions du parquet à l'enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité. Ainsi, en 2023, le parquet a été saisi à 27 reprises par des officiers de l'état civil, mais n'a prononcé que trois oppositions.

2.2. L'allongement de la durée du sursis à l'enregistrement d'une reconnaissance prévu par l'article 4 vise à faciliter la conduite des enquêtes par le procureur de la République

L'article 4 du projet de loi vise à allonger, à Mayotte, la durée du sursis à l'enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité prononcé par le procureur de la République, en cas de suspicion de fraude.

La durée du sursis serait ainsi fixée à deux mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée, et à trois mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions, lorsque l'enquête est menée, en totalité ou en partie, à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire.

Comme indiqué aux rapporteurs par la DACS, « l'augmentation des délais prévue par le projet de loi vise à laisser davantage de temps aux services d'enquête pour confirmer ou infirmer le caractère frauduleux de la reconnaissance envisagée ».

Plus largement, au-delà de la seule lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, l'objectif est de lutter contre la pression migratoire intense à laquelle est confrontée Mayotte.

Pour les étrangers en situation irrégulière, les reconnaissances frauduleuses de paternité représentent en effet un moyen de régulariser leur situation. Le rapport précité sur l'insécurité à Mayotte57(*) notait ainsi que « des femmes étrangères en situation irrégulière, notamment comoriennes, peuvent en effet bénéficier, en l'échange d'une rémunération ou de services fournis à un Français, via la reconnaissance de leur enfant par celui-ci, de l'octroi d'un titre de séjour et d'une protection contre toute mesure d'éloignement ».

3. La position de la commission : approuver un dispositif proportionné, qui permettra de mieux détecter les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité

La commission a pleinement souscrit au dispositif prévu par l'article 4 du projet de loi.

Comme l'a souligné Guillaume Dupont, procureur de la République de Mamoudzou, « un allongement des délais pourrait être une plus-value », puisque le délai actuellement prévu « impose une réactivité immédiate à la fois des officiers de l'état civil, du parquet et des services de police, rendant quasi impossible l'aboutissement d'une procédure d'enquête dans ces délais. D'autant plus qu'à cela se rajoute la difficulté chronique de l'île quant à la localisation des personnes et la possibilité de pouvoir les convoquer ».

Ce constat est partagé par le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, qui a indiqué qu'un « un délai de quatre mois serait opportun au vu de la surcharge des services de l'état civil et de la justice ».

De plus, il est apparu aux rapporteurs que l'adaptation à Mayotte des durées de sursis était justifiée au regard des exigences posées par l'article 73 de la Constitution, compte tenu de la pression migratoire intense observée dans l'archipel.

Les adaptations sur le fondement de l'article 73 de la Constitution

Les départements et les régions d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution obéissent au principe de l'identité législative. Il en découle que les lois et règlements y sont applicables de plein droit.

Toutefois, pour prendre en compte les spécificités locales, les lois et règlements peuvent y faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être directement prévues par la loi ou le règlement. Elles peuvent également être directement décidées par les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, dans les matières où s'exercent leurs compétences, et à condition qu'elles y aient été habilitées au préalable, selon le cas, par la loi ou le règlement.

Plus largement, il a semblé à la commission que le dispositif était proportionné et conforme aux exigences constitutionnelles, comme l'a d'ailleurs relevé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, dans lequel il est indiqué que « le souhait du Gouvernement d'allonger ces délais respectivement à deux et trois mois à Mayotte n'appelle pas d'observation du Conseil d'État, la durée d'allongement du sursis lui semblant fondée au regard des exigences de l'article 73 de la Constitution et le sursis à l'enregistrement de la reconnaissance étant, en tout état de cause, sans incidence sur l'établissement du lien de filiation entre un parent et son enfant dans la mesure où, de jurisprudence constante, le caractère déclaratif de la reconnaissance d'un enfant conduit à ce que les droits en découlant remontent au jour de la naissance de l'enfant (voir par exemple : Civ. 1ère, 12 décembre 2000, n° 98-19.147). Le Conseil d'État estime que cet allongement des délais de sursis n'est donc de nature à remettre en cause ni l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, découlant des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, ni le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

La commission a néanmoins souhaité rappeler la nécessité de mieux détecter les fraudes en amont, au moment de la déclaration de reconnaissance devant l'officier de l'état civil. Les données transmises au rapporteur par la DACS ont en effet mis en lumière le faible nombre de saisines du parquet par les officiers de l'état civil sur le fondement de l'article 316-1 du code civil58(*).

Par ailleurs, le manque de temps pour conduire des enquêtes souvent complexes n'explique pas, à lui seul, le faible nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité caractérisées. Selon le procureur de la République de Mamoudzou, cette situation résulte également de la priorisation des effectifs de police pour les atteintes aux personnes et aux biens et du manque d'effectif policier et judiciaire.

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5
Durcissement de la peine d'amende du délit de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité

L'article 5 tend à aggraver la peine d'amende encourue en cas de reconnaissance de paternité ou de maternité aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir un titre de séjour, une protection contre l'éloignement ou la nationalité française. Face à des fraudes de plus en plus nombreuses à Mayotte, l'objectif de cette mesure est de renforcer l'effet dissuasif de la peine et de mieux lutter contre l'immigration irrégulière.

Jugeant nécessaire de renforcer l'efficacité de la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, la commission a adopté cet article sans modification.

1. Les peines encourues en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité

1.1. Les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité

Une reconnaissance de paternité ou de maternité est dite frauduleuse lorsqu'elle est établie dans le seul but d'obtenir, ou de faire obtenir un avantage tel qu'un titre de séjour, la nationalité française ou des prestations sociales, et non pas dans l'intérêt de l'enfant.

À titre d'exemple, un étranger en situation irrégulière peut reconnaître un enfant né en France de parents étrangers et ayant acquis la nationalité française au titre du « droit du sol59(*) », aux seules fins de régulariser sa situation via l'obtention d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an renouvelable60(*), sans qu'un quelconque lien biologique existe et sans intention

d'assumer les droits et devoirs découlant du lien de filiation ainsi établi. Cette possibilité constitue « un facteur d'attractivité migratoire évident61(*) », selon Gérald Darmanin et Marie Guévenoux.

Elle est à distinguer de la reconnaissance de complaisance, qui correspond au cas où une personne déclare sa filiation à l'égard d'un enfant, sans lien biologique avec ce dernier, tout en s'engageant à assumer les droits et devoirs découlant de l'autorité parentale, notamment l'obligation de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant.

La reconnaissance de complaisance ne constitue pas une fraude, comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt rendu en 2023, dans lequel il est indiqué que « dès lors qu'une reconnaissance de paternité n'atteste en elle-même aucune réalité biologique, l'acte par lequel une personne souscrit une telle reconnaissance alors qu'elle sait ne pas être le père biologique de l'enfant est insusceptible de caractériser l'altération frauduleuse de la vérité constitutive d'un faux au sens des articles 441-1 et 441-2 du code pénal62(*) ».

1.2. Les peines encourues en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité

L'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la reconnaissance de paternité ou de maternité « aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française » est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

Des peines complémentaires sont également encourues en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité. Ainsi, les personnes physiques condamnées sur le fondement de l'article L. 823-11 du code précité encourent :

- une interdiction de séjour de cinq ans au plus63(*) ;

une interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, pour une durée maximale de cinq ans64(*) ;

la confiscation de tout ou partie de leurs biens, qu'elle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis65(*) ;

une interdiction du territoire français de dix ans au plus, pour les étrangers66(*).

2. Le dispositif proposé tend à durcir la peine d'amende encourue en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité afin de lutter plus efficacement contre ce phénomène et ainsi réduire la pression migratoire

2.1. Le durcissement de la peine d'amende encourue en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité prévue par l'article 5

L'article 5 du projet de loi vise à modifier l'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'aggraver la peine d'amende encourue en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité. Celle-ci passerait de 15 000 € à 75 000 €.

La peine principale encourue en cas de reconnaissance frauduleuse serait ainsi alignée sur celle prévue en cas de faux ou usage de faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation67(*), dans un souci de cohérence, s'agissant de faits de nature similaire.

Ce durcissement de la peine d'amende s'appliquerait sur l'ensemble du territoire français, y compris dans les collectivités ultramarines régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. Comme indiqué par l'étude d'impact du projet de loi, « il apparaît nécessaire d'aggraver la peine à l'échelle nationale (...). En effet, le Conseil constitutionnel juge classiquement que " (...) la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi68(*)". En l'espèce, une telle différence n'apparaît pas caractérisée ».

2.2. Une mesure qui entend réduire l'attractivité de Mayotte pour les flux migratoires

L'objectif poursuivi par l'aggravation de la peine d'amende prévue par l'article 5 est de renforcer le caractère dissuasif de la peine encourue afin de lutter plus efficacement contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité et, par conséquent, de réduire les flux d'immigration irrégulière, plus particulièrement à Mayotte.

Les reconnaissances frauduleuses de paternité, qui permettent à certains étrangers entrés illégalement sur le territoire français de régulariser leur situation, constituent en effet un phénomène important à Mayotte. Ainsi, selon l'étude d'impact, « les détections de reconnaissances frauduleuses représentent près de 7 % du nombre total de reconnaissances à Mayotte ».

Comme souligné par le récent rapport du sénateur Stéphane Le Rudulier sur la loi n° 2025-412 du 12 mai 2025 visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte69(*), le nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité à Mayotte a par ailleurs connu une augmentation sensible depuis l'entrée en vigueur des articles 16 et 17 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, qui ont restreint l'accès à la nationalité française par le biais du « droit du sol » à Mayotte. Ces dispositions prévoient en effet qu'un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne pourrait acquérir la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France que si, à sa naissance, l'un de ses parents résidait en France de manière régulière depuis au moins trois mois.

Selon le préfet de Mayotte, « l'esprit de la loi est détourné par les reconnaissances de paternité des enfants nés à Mayotte par un étranger qui y est lui-même né70(*). L'enfant né à Mayotte reconnu par un parent né à Mayotte est français à la naissance, quelle que soit la nationalité du parent et sans condition d'ancienneté de présence régulière du parent sur le territoire (...) Certaines femmes sont prêtes à dépenser plusieurs milliers d'euros pour atteindre cet objectif ».

3. La position de la commission : approuver une mesure qui doit toutefois s'accompagner d'une meilleure détection des reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité

La commission des lois a approuvé le durcissement de la peine d'amende encourue en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité.

La possibilité d'obtenir un titre de séjour ou d'accéder à la nationalité française par ce biais constitue en effet un facteur d'attractivité et favorise l'arrivée d'étrangers en situation irrégulière à destination de Mayotte.

Pour lutter plus efficacement contre les flux d'immigration irrégulière, il apparaît donc indispensable de mobiliser l'ensemble des leviers existants et par conséquent, de renforcer la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité.

Les rapporteurs insistent toutefois sur la nécessité, en amont, de mieux détecter les reconnaissances frauduleuses de paternité ou de maternité, afin que l'aggravation de la peine d'amende exerce un réel effet dissuasif. À l'heure actuelle, très peu de reconnaissances frauduleuses sont en effet détectées, comme en témoignent :

- le faible nombre de saisines du parquet par les officiers de l'état civil pour suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité71(*) ;

- le faible nombre d'oppositions du parquet à l'enregistrement d'une reconnaissance de paternité ou de maternité72(*) ;

- et le faible nombre de condamnations prononcées sur le fondement de l'article L. 823-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile73(*).

Il appartient donc aux autorités administratives et judiciaires concernées d'exercer les actions qu'elles tiennent de la loi pour mettre en échec les détournements des dispositifs d'accès à la résidence ou à la nationalité à Mayotte.

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6
Création d'une aide au retour volontaire à Mayotte

L'aide au retour est prévue par l'article L. 711-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) au profit de l'étranger visé par une décision portant obligation de quitter le territoire français. Attribuée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), cette aide au retour consiste notamment en la prise en charge des frais de transport ainsi que d'une allocation forfaitaire. Elle peut également s'accompagner d'une aide à la réinsertion dans le pays de retour.

Ce dispositif n'est pas applicable à Mayotte, où n'est prévue qu'une aide à la réinsertion économique ou des mesures d'accompagnement si l'étranger est accompagné d'un enfant mineur.

L'article 6 étend à Mayotte le dispositif de l'aide au retour, tout en réservant son application à des circonstances exceptionnelles, à l'instar d'opérations ponctuelles d'incitation au retour.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Un dispositif dérogatoire à Mayotte en matière d'incitation au retour des étrangers en situation irrégulière

1.1. L'aide au retour : un dispositif visant à favoriser le retour des étrangers visés par certaines mesures d'éloignement

En vertu du dernier alinéa de l'article L. 711-2 du CESEDA, l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) peut solliciter un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Cette possibilité est offerte y compris à l'étranger assigné à résidence (article L. 732-7 du même code) ou en rétention administrative (article L. 743-10). Sa mise en oeuvre est assurée par l'OFII (art. L. 121-1 et R. 711-5).

L'article R. 711-4 du CESEDA prévoit que l'aide au retour « peut comprendre » la prise en charge des frais de réacheminement (1°), une allocation destinée à faciliter la réinsertion dans le pays de retour (2°) et, le cas échéant, une « aide technique et un suivi de projet » (3°).

En vertu de l'article R. 711-3 du même code, les conditions d'octroi et le montant de l'aide au retour sont prévues par arrêté du ministre chargé de l'immigration, après avis du conseil d'administration de l'OFII.

L'arrêté du 9 octobre 2023 relatif à l'aide au retour et à la réinsertion décline ce dispositif en deux aides :

- une aide au retour (article 1er), qui comprend une aide administrative et matérielle à la préparation du voyage, une prise en charge des frais liés au retour, une allocation financière forfaitaire incitative - dont le montant est fonction de la nationalité du demandeur et de la date de dépôt de la demande d'aide74(*) - ainsi qu'une allocation forfaitaire complémentaire « lorsque le demandeur dispose d'un document de voyage ou se charge de son obtention » ;

- une aide à la réinsertion (article 2), pour certains pays de retour, qui comprend une ou plusieurs allocations ayant pour objet la réinsertion sociale, l'emploi ou la création d'entreprise, et qui est versée dans le pays de retour.

L'article 3 de l'arrêté prévoit une condition de résidence en France depuis au moins trois mois consécutifs, sauf circonstances exceptionnelles, et limite à une seule fois le bénéfice de ces aides.

1.2. À Mayotte : un régime dérogatoire et limité à l'aide à la réinsertion économique

Les caractéristiques particulières de l'immigration clandestine à Mayotte ont conduit, afin d'éviter tout effet d'aubaine ou appel d'air, à exclure l'application de l'aide à Mayotte à ce territoire.

Le 3° de l'article L. 761-8 du CESEDA prévoit en revanche un dispositif sui generis, propre à Mayotte, sous la forme d'une aide à la réinsertion économique dont le bénéfice peut être ouvert « dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l'existence d'un projet économique viable ».

Les caractéristiques et les conditions de l'aide à la réinsertion économique sont déterminées par un arrêté du 28 décembre 202075(*), qui en confie le versement à l'OFII.

L'article 2 de cet arrêté prévoit que cette aide comprend, outre la prise en charge du transfert depuis Mayotte jusqu'au pays d'origine, des aides à la réinsertion sociale, à la réinsertion par l'emploi ou par la création d'entreprise, sur le modèle de l'aide à la réinsertion prévue par l'arrêté du 9 octobre 2023.

L'arrêté précise que le bénéfice de ces aides est limité aux ressortissants du Burundi, de la République démocratique du Congo (RDC), du Rwanda et de Somalie. Ces personnes doivent résider à Mayotte depuis au moins six mois consécutifs.

L'étude d'impact rappelle que ces dispositifs ont une portée très limitée : entre 2021 et mai 2024, dix ressortissants de RDC seulement en auraient bénéficié depuis Mayotte. Cela résulte notamment du fait que l'aide à la réinsertion « suppose l'existence d'un dispositif sur place, soit via une représentation sur place de l'OFII, soit via un conventionnement avec une association locale ou une ONG, afin d'assurer le suivi des personnes retournées »76(*).

Il est également prévu au 3° de l'article L. 761-8 du CESEDA que l'étranger peut bénéficier, dans les mêmes conditions et s'il est accompagné d'un ou plusieurs enfants mineurs, de « mesures d'accompagnement ». Ces mesures ne sont pas définies dans l'arrêté du 28 décembre 2020 et ne sont pas mises en oeuvre.

2. Une extension limitée de l'aide au retour à Mayotte afin de tenir compte des particularités de ce territoire

L'article 6 du projet de loi propose de rendre applicable le dispositif d'aide au retour à Mayotte, tout en le limitant à des circonstances exceptionnelles.

En plus de l'immigration comorienne, Mayotte connaît une augmentation constante de l'immigration irrégulière en provenance d'Afrique continentale, de la région des Grands Lacs (RDC, Rwanda, Burundi) ou de l'Afrique de l'Est (Somalie et Tanzanie).

Nombre d'individus interpellés à terre dans le cadre de l'opération Shikandra

Pays/Année

2021

2022

2023

2024

Burundi

77

113

405

430

RDC

3

9

104

396

Rwanda

46

94

232

215

Somalie

0

44

93

393

Tanzanie

9

24

43

29

Total

135

284

877

1463

Source : Ministère de l'intérieur / DGEF

L'étude d'impact expose que « le nombre de ressortissants de la République démocratique du Congo, du Rwanda, du Burundi, de la Somalie et de la Tanzanie placés au centre de rétention administrative a presque quintuplé, passant de 151 en 2021 à 725 en 2023 »77(*). Elle rappelle, d'une part, que ces étrangers en situation irrégulière, « souvent déboutés de l'asile, constituent (...) une part importante des personnes présentes dans les habitats insalubres ou les campements illégaux » et, d'autre part, que si certains seraient parfois prêts à regagner leur pays d'origine, ils y renonceraient « faute de ressources suffisantes »78(*).

Le Gouvernement souhaite par conséquent permettre le versement de l'aide au retour aux ressortissants des pays concernés dans le cadre d'opérations ponctuelles, par exemple à l'occasion des opérations d'évacuation de campements ou de démantèlement d'habitats indignes (sur le modèle des opérations Wuambushu).

À cet effet, l'article 6 réécrit le 3° de l'article L. 761-8 du CESEDA pour rendre applicable à Mayotte le dispositif d'aide au retour « dans des circonstances exceptionnelles », ses conditions d'attribution - dont les nationalités concernées - étant déterminées par arrêté ministériel après avis du conseil d'administration de l'OFII.

La rédaction proposée maintient également la possibilité de bénéficier, sous réserve de l'existence d'un projet économique viable, d'une aide à la réinsertion ou à des mesures d'accompagnement s'il est accompagné de mineurs.

3. La position de la commission

La commission a adopté l'article 6 sans modification, regardant favorablement la faculté de faire bénéficier certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière du dispositif de l'aide au retour - le coût de ce dispositif étant, dans le cas des ressortissants des États d'Afrique des Grands Lacs et d'Afrique de l'Est, inférieur à celui de la rétention et de l'exécution forcée de l'éloignement.

Les représentants du ministère de l'intérieur ont indiqué que ce dispositif n'aurait pas vocation à s'appliquer aux ressortissants des Comores, qui représentent l'écrasante majorité des éloignements forcés, afin d'éviter tout effet d'aubaine. Les montants de l'aide seront également adaptés à la situation particulière de Mayotte.

La commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7
Rétention administrative des mineurs accompagnant un adulte

L'article 7 permet, à titre dérogatoire et pour le seul territoire de Mayotte, le placement en rétention administrative de l'étranger mineur lorsqu'il accompagne un majeur faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, dans des locaux spécialement adaptés à l'accueil des familles et pour une durée maximale de quarante-huit heures.

La commission a souhaité clarifier la rédaction de l'article L. 741-5 du CESEDA applicable à Mayotte et permettre, à titre exceptionnel, la prorogation de la mesure pour vingt-quatre heures supplémentaires, lorsque des circonstances étrangères à l'administration font obstacle à l'exécution de l'éloignement. Elle a également reporté au 1er janvier 2017 l'entrée en vigueur de cet article, en cohérence avec le maintien en vigueur, jusqu'à cette date, des dispositions législatives antérieures à la loi du 26 janvier 2024 (III de l'article 86 de cette loi).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

1. Une interdiction de principe de la rétention des mineurs récemment affirmée par le législateur mais non encore applicable à Mayotte

1.1. Une interdiction de principe, pas encore entrée en vigueur à Mayotte

Depuis la loi du 26 janvier 202479(*), l'article L. 741-5 du CESEDA exclut toute forme de rétention administrative - qu'elle ait lieu en centre de rétention administrative (CRA) ou dans d'autres locaux - de l'étranger mineur.

Avant cela, la loi n'excluait le placement en rétention que du mineur isolé : elle admettait la rétention administrative du mineur qui accompagne un adulte faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, dans les conditions définies à l'article L. 741-5 du CESEDA.

Dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 janvier 2024, cet article ne permettait la rétention administrative du mineur qui accompagne un adulte faisant l'objet d'une mesure d'éloignement que « pour la durée la plus brève possible » et dans un lieu adapté, aux fins de préservation de l'unité familiale et dans trois hypothèses strictement définies :

- lorsqu'il accompagne un étranger lui-même placé en rétention qui s'est soustrait de manière avérée aux obligations résultant d'une assignation à résidence ;

- lorsque l'étranger qu'il accompagne a pris la fuite ou opposé un refus à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement ;

- ou si l'intérêt de l'enfant le commande, lorsque le placement en rétention de l'étranger qu'il accompagne est limité aux quarante-huit heures précédant immédiatement le départ programmé aux fins de limiter les transferts.

Cette rédaction demeure en vigueur à Mayotte jusqu'au 1er janvier 2027 en vertu du III de l'article 86 de la loi du 26 janvier 2024, afin de tenir compte de la situation particulière du territoire.

1.2. Une interdiction qui ne résulte d'aucun impératif constitutionnel ou conventionnel

Amené à connaître de dispositions législatives relatives au placement en rétention administrative des mineurs (décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, cons. 61 à 63), le Conseil constitutionnel les avait jugées conformes à la Constitution car le législateur avait opéré une juste conciliation entre « d'une part, l'intérêt qui s'attache, pour le mineur, à ne pas être placé en rétention et, d'autre part, l'inconvénient d'être séparé de celui qu'il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l'ordre public ». Tout en rappelant que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit, notamment au regard des conditions de la rétention, faire l'objet d'une attention particulière dans la mise en oeuvre de ces mesures », il avait écarté les griefs tirés de la méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale qui procède du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ou de la liberté individuelle protégée par l'article 66 de la Constitution.

La rétention administrative des mineurs étrangers ne trouve, dans son principe, aucun obstacle dans les instruments de droit international et européen.

En particulier, la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 200880(*), dite « Retour », permet expressément, à son article 17, le placement en rétention administrative des mineurs, même non accompagnés d'un adulte. Son paragraphe 1. prévoit que « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. » S'agissant des conditions de rétention, son paragraphe 2. impose que « Les familles placées en rétention dans l'attente d'un éloignement disposent d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantit une intimité adéquate. »

Comme le rappelle l'étude d'impact, 20 États membres de l'Union européenne sur 27 (ainsi que la Norvège) permettent la rétention administrative de familles avec enfants, 14 d'entre eux prévoyant également la possibilité de placer en rétention des mineurs non accompagnés (MNA) en vue de leur éloignement.

Si la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France à plusieurs reprises au sujet de la rétention administrative des mineurs81(*), ces condamnations résultaient non d'une incompatibilité de principe de la rétention administrative des mineurs avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales82(*), mais des conditions concrètes dans lesquelles, dans chaque cas d'espèce, cette rétention s'était déroulée.

S'agissant de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), celle-ci n'impose que la prise en compte, à tous les stades de la procédure, de l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3). De manière quelque peu superfétatoire - dès lors que les stipulations de l'article 3 de la CIDE sont d'effet direct83(*) - l'article L. 741-5 du CESEDA dans sa version antérieure à la loi du 26 janvier 2024, et encore applicable à Mayotte, rappelle expressément que « L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour l'application de la présente section. »

2. Une dérogation justifiée par la spécificité de la situation mahoraise et limitée aux nécessités de l'éloignement

La pression migratoire particulière dont Mayotte fait l'objet se caractérise par une prégnance de l'immigration familiale, y compris en situation irrégulière. Les mesures d'éloignement portent ainsi souvent sur des familles accompagnées de mineurs et la rétention administrative est bien souvent nécessaire pour en assurer l'exécution.

D'après l'étude d'impact, en 2023, 2 143 familles ont été placées en rétention à Mayotte, incluant 2 909 mineurs accompagnants contre 47 en France métropolitaine incluant 87 mineurs. Autrement dit, 97 % des mineurs placés en rétention en 2023 l'ont été à Mayotte, ce qui illustre la spécificité de la situation mahoraise.

Afin de permettre, par dérogation à l'article L. 741-5 du CESEDA, le placement en rétention des étrangers accompagnés de mineurs, l'article 7 modifie l'article L. 761-8 du même code, afin de prévoir que l'étranger accompagné d'un mineur peut être placé « dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l'unité familiale et dont les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d'État », tout en précisant que ce placement est limité au « temps strictement nécessaire à l'organisation de l'éloignement ».

S'agissant des « lieux spécialement adaptés » mentionnés par le présent article, l'étude d'impact précise qu'il s'agirait d'une nouvelle catégorie de locaux de rétention, les « unités familiales », qu'elle présente comme des « maisons ou appartements spécialement aménagés pour tenir compte des besoins propres à l'unité familiale et à la vie de famille », qui seraient installées dans des bâtiments distincts des CRA et LRA.

3. La position de la commission : une disposition utile et adaptée au contexte particulier de Mayotte

Lors de l'examen de la loi du 26 janvier 2024, la commission s'était opposée à l'interdiction absolue de la rétention des mineurs, au motif qu'elle revenait à « conférer une immunité absolue contre la rétention et l'éloignement à des étrangers adultes en situation irrégulière au seul motif qu'ils seraient accompagnés d'un enfant mineur »84(*).

La situation mahoraise illustre les limites d'une telle approche dogmatique, qui revient - au vu des très faibles taux d'exécution des décisions d'éloignement sans placement en rétention - à empêcher tout éloignement d'un étranger accompagné d'un enfant mineur.

La commission n'a ainsi pu qu'approuver le présent article, qui constitue une adaptation nécessaire à la situation particulière de Mayotte, et permettra de maintenir le placement en rétention de mineurs accompagnés, dans des conditions adaptées, au-delà du 1er janvier 2027.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté l'amendement COM-56 qui procède à une réécriture de l'article L. 741-5 du CESEDA - dans sa version applicable à Mayotte - afin d'en clarifier la rédaction. En réponse aux observations de la préfecture, qui a souligné la nécessité de permettre, lorsque des circonstances étrangères à l'administration font obstacle à l'éloignement (intempéries, état de la mer), de prolonger exceptionnellement la rétention au-delà de quarante-huit heures, l'amendement permet une prorogation de la mesure pour une durée de vingt-quatre heures supplémentaires.

La durée totale possible de cette forme de rétention demeurerait inférieure à celle du placement initial des adultes (cinq jours à Mayotte), étant entendu que la prolongation au-delà de quarante-huit heures, placée sous le contrôle du juge, demeurerait exceptionnelle. La durée de moyenne de rétention des familles à Mayotte est d'ailleurs inférieure à vingt-quatre heures.

La commission a également précisé les conditions d'entrée en vigueur du nouveau dispositif, en reportant celle-ci au 1er janvier 2017, en cohérence avec le III de l'article 86 de la loi du 26 janvier 2024. Ce délai devrait permettre l'édiction des dispositions réglementaires nécessaires et l'aménagement des lieux de rétention spéciaux pour les familles.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8
Retrait du titre de séjour de l'étranger à raison de la menace pour l'ordre public que représente le mineur sous sa responsabilité

L'article 8 permet le retrait du document de séjour d'un étranger majeur en cas de soustraction à ses obligations légales en matière d'éducation et lorsque le comportement de son enfant constitue une menace pour l'ordre public. Cette mesure, applicable jusqu'au 31 décembre 2028, vise à tirer les conséquences de la part très élevée de la délinquance à Mayotte due aux mineurs étrangers, ces derniers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Si elle a approuvé la mesure, la commission a relevé que le dispositif proposé paraît peu opérationnel et ne devrait donner lieu qu'à un nombre limité de mesures de retrait, compte tenu aux conditions très restrictives de sa mise en oeuvre. Outre un amendement visant à clarifier la procédure d'édiction de la mesure, la commission a adopté un amendement supprimant le caractère temporaire du dispositif.

Elle a adopté l'article 8 ainsi modifié.

1. Une délinquance majoritairement juvénile et où les mineurs étrangers sont surreprésentés

La délinquance à Mayotte se caractérise par une nette surreprésentation de la délinquance des mineurs, qui constituent plus de la moitié de la population de l'archipel. Les forces de l'ordre témoignent d'une surreprésentation de mineurs dans les faits de violence caractéristiques de la situation mahoraise : vols avec armes, rixes entre bandes rivales, caillassages de bus scolaires, violences à l'intérieur des établissements scolaires (attaques au stylo ou aux ciseaux), etc.

Le poids des mineurs étrangers dans cette délinquance est en augmentation constante. D'après la préfecture de Mayotte, le nombre de mis en cause est passé d'environ 200 à 500 personnes entre 2020 et 2023. Cette tendance correspond à celle observée pour les condamnations : le nombre de mineurs étrangers condamnés est passé de 45 en 2020 à 225 en 2023 et 234 en 2024 ; leur part parmi les mineurs condamnés augmente fortement sur la même période, passant de 29 % en 2020 à 44 % en 2024.

Comme l'expose l'étude d'impact, la proportion d'étrangers parmi les mineurs mis en cause à Mayotte est nettement supérieure à celle observée au niveau national : elle s'élève ainsi à 41 % pour les homicides (contre 18 % au niveau national), à 39 % contre 16 % pour les vols avec armes, à 34 % contre 10 % s'agissant des coups et blessures volontaires, à 30 % contre 5 % s'agissant des viols et tentatives de viols, 39 % contre 8 % pour les dégradations et destructions volontaires.

Cette délinquance s'inscrit dans un contexte particulier, marqué par un grand nombre de mineurs isolés (dont le nombre est estimé entre 5 000 et 10 000) et, comme l'indique le préfet de Mayotte, par une structure familiale « culturellement éloignée d'une famille nucléaire, si bien qu'un adulte non parent peut se retrouver en position de responsabilité légale d'un mineur ».

2. Le projet de loi initial : un dispositif original et strictement encadré

L'article 8 insère, parmi les dispositions particulières à Mayotte du livre IV du CESEDA, un nouvel article L. 441-10.

Cet article institue un mécanisme original de retrait du document de séjour de l'étranger majeur qui exerce l'autorité parentale sur un étranger mineur capable de discernement et dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public.

2.1. Une mise en oeuvre complexe

En premier lieu, il convient d'établir que le responsable légal du mineur dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public s'est soustrait à ses obligations légales « sans motif légitime, compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de l'étranger mineur », selon une formation inspirée du premier alinéa de l'article 227-17 du code pénal85(*).

En deuxième lieu, il doit être établi que cette soustraction « contribue directement » à ce que le comportement du mineur constitue une telle menace.

En troisième lieu, l'étranger majeur doit faire l'objet d'un avertissement, adressé par courrier ou à l'occasion d'un entretien.

En dernier lieu, la décision de retrait ne peut être édictée « au plus tôt un mois et au plus tard six mois après » après cet avertissement, si le comportement du mineur et à la condition que la soustraction de l'étranger à ses obligations légales y contribue directement.

Il s'en déduit que si l'une de ces conditions fait défaut - à savoir que le comportement du mineur n'est réitéré qu'après l'expiration du délai de six mois à compter de la notification ou que le lien de causalité directe entre la carence de l'étranger majeur et la persistance de ce comportement n'est pas établi -, le retrait du document de séjour ne peut avoir lieu. Dans l'éventualité où la persistance du comportement du mineur est observée au-delà du délai de six mois, et si les conditions sont toujours réunies, un nouvel avertissement devrait être émis.

La décision doit être motivée et l'article L. 441-10 du CESEDA proposé rappelle que, conformément au droit commun du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), l'étranger doit être mis à même de présenter ses observations préalablement à son édiction.

2.2. Le champ matériel du dispositif

Comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, le champ d'application du dispositif est large et n'est pas restreint aux seules cartes de séjour : la dénomination générique de « documents de séjour » permet d'inclure les autorisations provisoires de séjour.

Certains titres de séjour dont les conditions de retrait sont régies par le droit européen ou international ne peuvent toutefois se voir appliquer ce régime ; il en va ainsi :

- de la carte de « résident longue durée - UE » (6° de l'article L. 411-1 du CESEDA), l'article 9 de la directive 2003/109/CE86(*) ne permettant le retrait que lorsque le titulaire « par la gravité des infractions qu'il a commises (...) représente une menace pour l'ordre public » ;

- des documents de séjour portant la mention d'une protection internationale (réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire, etc.)87(*).

D'après les données communiquées par le ministère de l'intérieur, les titulaires de tels titres de séjour constituent une faible proportion des étrangers en situation régulière à Mayotte : en 2024, seuls trois étrangers étaient titulaires d'une carte de « résident longue durée - UE », quand 3 329 étrangers y bénéficiaient d'une protection internationale

D'autres titres confèrent une protection particulière au bénéfice de leurs titulaires, que l'article L. 441-10 proposé ne remet pas en cause : tel est le cas de la carte de résident ou de la carte de résident permanent qui ne peuvent être retirées que lorsque le comportement de l'étranger mineur constitue une menace grave pour l'ordre public. Leurs titulaires ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), ce que prévoit déjà l'article L. 432-12 du CESEDA en cas de retrait.

L'article précise par conséquent qu'une autorisation provisoire de séjour, dans le cas d'un retrait de carte de résident, et une carte de séjour temporaire, dans le cas d'un retrait de carte de résident permanent, doit alors être délivrée de droit.

2.3. Une mesure limitée dans le temps

Si la mesure n'a pas le caractère d'une expérimentation au sens de l'article 37-1 de la Constitution, le dernier alinéa du nouvel article L. 441-10 du CESEDA limite son application jusqu'au 31 décembre 2028. L'étude d'impact justifie ce caractère temporaire « afin d'en apprécier (sic) l'efficacité et l'ensemble des conséquences induites par son implication. »

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a relevé qu'« une telle limitation dans le temps (...) n'est pas nécessaire au respect de l'article 73 de la Constitution aussi longtemps que persiste la situation particulière qui justifie la mesure ».

3. La position de la commission : une mesure utile et adaptée à la situation de Mayotte mais dont l'effectivité paraît incertaine

Sur le principe, la commission a accueilli favorablement cette nouvelle disposition, qui participe de la prévention de la délinquance des mineurs étrangers.

Comme le soulignait le préfet de Mayotte, dans un contexte d'éclatement de la structure familiale, cette faculté de retrait d'un document de séjour « serait un élément essentiel de responsabilisation des adultes vis-à-vis des mineurs placés sous leur responsabilité et qui, pour nombre d'entre eux, leur procurer le droit au séjour88(*). »

La commission s'est néanmoins interrogée sur l'effectivité de ce dispositif, compte tenu des conditions prévues dans le nouvel article L. 441-10 du CESEDA.

Les preuves de la soustraction du parent à ses obligations légales, dont il pourrait justifier par un « motif légitime », et de sa causalité directe avec le comportement du mineur seraient difficiles à établir, sachant que cette soustraction et cette causalité devraient être démontrées au stade de l'avertissement comme de la persistance du comportement du mineur.

Comme le relevait Francis Szpiner dans son rapport sur la proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, le délit de soustraction aux obligations légales prévu par l'article 227-17 du code pénal, dont la rédaction de l'article L. 441-10 est inspirée, ne donne que très rarement lieu à des poursuites et à des condamnations ; « de plus, la quasi-totalité des condamnations prononcées sur le fondement de l'article 227-17 [sont] décorrélées de toute faute commise par le mineur et aucune décision significative, notamment de la part de la Cour de cassation, [n'apparaît] sur le motif d'une soustraction parentale ayant entraîné la commission d'un acte de délinquance par le mineur »89(*). Cela tient non seulement aux difficultés probatoires mais également à l'exigence d'une démonstration de l'intention de l'auteur de s'y soustraire et du lien de causalité entre cette soustraction et la compromission de la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de l'enfant.

Or, quand bien même la mesure proposée n'est pas une sanction pénale, il est à craindre que la jurisprudence fasse sienne ces exigences, ce qui aboutirait, en définitive, à rendre le dispositif difficilement applicable.

Plus largement, le choix d'assimiler une telle mesure à une sanction à raison du comportement de l'étranger majeur, et non comme une mesure de police administrative, apparaît discutable.

Dès lors que l'étranger mineur ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement, le retrait du titre de séjour de ses parents et leur éloignement conjoint pourraient constituer la seule manière de mettre fin à la menace pour l'ordre public et de prévenir la survenance de nouveaux troubles ; dans ces conditions, le retrait du titre de séjour du responsable légal, qui poursuivrait une finalité essentiellement préventive, pourrait être qualifié de mesure de police administrative, qui ne serait pas soumise aux mêmes exigences procédurales qu'une sanction.

Outre deux amendements procédant respectivement à des modifications rédactionnelles et à une clarification de la procédure d'édiction de la décision de retrait (COM-59 et COM-58), la commission a adopté, sur la proposition des rapporteurs, l'amendement COM-60 supprimant le caractère temporaire du dispositif. Elle a relevé qu'il n'existait pas de justification au choix de la date à laquelle cette disposition finirait de produire des effets et que ce caractère temporaire serait susceptible d'affaiblir sa portée dissuasive.

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9
Vérification du droit au séjour préalable aux opérations de transmission de fonds à partir d'un versement d'espèces

Mayotte se caractérise par une circulation importante de monnaie fiduciaire, corollaire de l'économie informelle, et de flux financiers massifs en direction de l'étranger, en premier lieu de l'archipel voisin des Comores. Ces flux, qui échappent à tout contrôle, participent de l'immigration clandestine à Mayotte ainsi que du financement et du blanchiment d'activités illicites (filières d'immigration irrégulière, trafics d'êtres humains, stupéfiants, etc.).

L'article 9 impose aux prestataires de services de paiement opérant à Mayotte de procéder à la vérification de la régularité du séjour d'un client non ressortissant de l'Union européenne avant de procéder à toute opération de transmission de fonds à partir d'un versement d'espèces. En l'absence d'une telle justification, l'opération ne pourrait avoir lieu.

Approuvant l'objectif poursuivi par cet article, qui constitue un signal fort en direction des étrangers en situation irrégulière, la commission s'est néanmoins interrogée sur l'effectivité réelle de ce dispositif eu égard, d'une part, de l'importance des mouvements d'espèces entre Mayotte et les Comores et, d'autre part de son contournement possible via des intermédiaires. La commission a par conséquent créé un délit visant à réprimer ces comportements de contournement de l'obligation de vigilance (amendement COM-61 des rapporteurs). Elle a adopté l'article ainsi modifié.

1. Des transferts financiers importants de Mayotte vers des États tiers, et notamment les Comores, qui favorisent l'immigration clandestine, dans un contexte de recours important aux espèces

Mal connus, les flux financiers depuis Mayotte vers des États étrangers, et en premier lieu les Comores, seraient très importants. D'après l'étude d'impact, les transmissions de fonds à partir d'espèces depuis Mayotte vers des États tiers s'élèveraient à plusieurs dizaines de millions d'euros : « Pour l'un des principaux services de transmission de fonds, les flux depuis Mayotte et la Réunion entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020 s'élèvent ainsi à 55 millions d'euros de flux sortants, dont 23,5 millions d'euros vers la zone comorienne (Madagascar, île Maurice et les Comores). »

Ces transferts, réalisés de manière légale, peuvent néanmoins participer, du fait de la faible traçabilité de l'origine des fonds, au financement d'activités illicites (immigration irrégulière, trafic de stupéfiants et traite des êtres humains) ainsi qu'au blanchiment de capitaux. La capacité

des opérateurs de services de transmission de fonds à identifier ex post les opérations suspectes à partir d'espèces est en effet très limitée, notamment lorsque ces opérations sont effectuées par une clientèle occasionnelle.

À ces transferts s'ajoutent les flux financiers illicites, notamment en espèces, dont le volume, s'il ne peut être précisément connu, est estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros. D'après le préfet, le montant annuel de ces transferts pourrait s'élever à 150 millions d'euros, et constitue l'une des finalités de l'économie informelle à Mayotte, qui est fortement liée à son environnement proche. Dans son rapport annuel économique de 2023 consacré à Mayotte, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM), expliquant la croissance continue des émissions de monnaie fiduciaire dans le territoire (cf. infra), relevait qu'« il est probable que le Département [de Mayotte] exporte une quantité significative de billets en euros dans sa zone géographique limitrophe »90(*).

Ces estimations sont corroborées par les résultats des contrôles réalisés par la douane, qui mettent au jour des sommes parfois considérables : une opération de contrôle réalisée en octobre 2024 sur les passagers du Maria-Galanta, navire assurant la liaison avec les Comores, a révélé que ceux-ci transportaient plus d'un demi-million d'euros en espèces.

Ces flux, qui jouent un rôle considérable dans l'économie des Comores91(*), contribuent à l'attractivité du territoire et à entretenir une immigration clandestine massive.

L'importance des transferts de fonds à partir d'espèces est d'autant plus grande que l'économie mahoraise, du fait notamment de la part de l'activité informelle, se caractérise par un recours important aux espèces et un faible recours aux services bancaires.

L'étude d'impact relève à cet égard que « l'émission nette de billets de banque par habitant en 2018 s'élevait à plus de 5 000 euros à la Réunion et à Mayotte, un montant plus de deux fois supérieur à l'Hexagone (2 000 euros en moyenne). A contrario, la direction régionale des finances publiques et les services de la Banque de France relèvent la très faible bancarisation sur le territoire : en 2019, l'on notait 0,31 compte de dépôts à vue par habitant à Mayotte contre 1,26 en moyenne pour la France. » Les données plus récentes démontrent un usage de la monnaie fiduciaire qui demeure important : d'après l'IEDOM, l'émission nette cumulée de billets par habitant s'élevait à la fin de l'année 2023 à 6 900 euros, soit une augmentation de 7,7 % par rapport à l'année précédente et de 24,4 % par rapport à 201992(*).

Or, en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le recours à des virements à partir d'un compte bancaire - de dépôt ou de paiement - présente davantage de garanties, en permettant notamment une plus grande traçabilité des flux.

L'obligation de vigilance des organismes financiers

Issus en partie de la transposition de textes européens - la directive 2015/849 du 20 mai 201593(*), appelée à être remplacée à partir de juillet 2027 par le règlement 2024/1624 du 31 mai 202494(*) -, les articles L. 561-2 et suivants du code monétaire et financier imposent une obligation de vigilance aux organismes financiers aux fins de lutter contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme.

Cette obligation se traduit par la mise en oeuvre des diligences nécessaires à des fins d'identification du client, même occasionnel, ainsi que des bénéficiaires effectifs des opérations financières, sous la forme de mesures de vigilance. Des mesures de vigilance complémentaires ou renforcées doivent être prises lorsque le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme est élevé.

Les mesures de vigilance à l'égard de leur clientèle sont définies notamment par l'article L. 561-5 du code monétaire et financier, dont le I prévoit qu'« avant d'entrer en relation d'affaires avec leur client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction », les organismes financiers vérifient leur identité « sur présentation de tout document écrit à caractère probant », dans des conditions prévues aux articles R. 561-5 à R. 561-6 du même code. Le 3° de l'article R. 561-5-1 précise que lorsqu'il s'agit d'une personne physique, « physiquement présente aux fins de l'identification au moment de l'établissement de la relation d'affaires », cette vérification prend la forme de « la présentation de l'original d'un document officiel en cours de validité comportant sa photographie et par la prise d'une copie de ce document ».

S'agissant des clients occasionnels et, le cas échéant, des bénéficiaires effectifs des opérations en cause, une vérification de leur identité est également pour certaines opérations par le II de l'article L. 561-5 et l'article R. 561-10 du code monétaire et financier, notamment pour les opérations de transmission de fonds.

En outre, un mécanisme de communication systématique d'informations à Tracfin est prévu à l'article L. 561-15-1 et aux articles R. 561-31-1 et R. 561-1-2 du code monétaire et financier, et porte sur plusieurs opérations présentant un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, dont fait partie la transmission de fonds sur remise d'espèces ou de monnaie électronique supérieure à 1 000 euros par opération ou 2 000 euros par client sur un mois civil.

2. La mesure proposée : créer une nouvelle obligation de vigilance complémentaire pour les opérateurs des services de transmission de fonds sur remise d'espèces

L'article 9 impose aux organismes financiers réalisant des services de transmission de fonds, pour le seul département de Mayotte, de vérifier, préalablement à toute opération de transmission de fonds sur remise d'espèces, la régularité du séjour du client lorsque ce dernier n'est pas ressortissant d'un État membre de l'Union européenne.

Le nouvel article L. 561-10-5 du code monétaire et financier précise que cette vérification s'effectue par la présentation de l'original de tout document de séjour. En l'absence de justification du droit au séjour, l'opération ne peut être réalisée.

Le champ des organismes soumis à une telle obligation est limitativement défini par le nouvel article : il s'agit des établissements de crédit, des établissements de paiement et des établissements de monnaie mentionnés aux 1° à 1° quater de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier.

Le champ matériel des opérations concernées se limite aux opérations de transmission de fonds sur remise d'espèce. La mesure ne s'appliquerait donc pas aux autres formes de transmission de fonds, à l'instar du paiement par carte bancaire ou du virement depuis un compte bancaire - l'étude d'impact précisant qu'« il n'est matériellement pas possible de contrôler l'origine géographique d'une transmission de fonds dans le cadre d'une relation à distance. »

Cette mesure rendrait donc impossibles les opérations de transmission de fonds sur remise d'espèces pour les étrangers en situation irrégulière. Elle devrait, indirectement, encourager la « bancarisation » de la population mahoraise, y compris des étrangers en situation irrégulière, étant précisé que la disposition ne remet pas en cause leur droit de bénéficier d'un compte bancaire.

Le droit au compte bancaire des personnes étrangères en situation irrégulière

L'article L. 312-1 du code monétaire et financier consacre un droit au compte bancaire, disposant qu'« A droit à l'ouverture d'un compte de dépôt dans l'établissement de crédit de son choix, sous réserve d'être dépourvu d'un tel compte en France : / 1° Toute personne physique ou morale domiciliée en France ; ».

Le droit au compte n'est subordonné qu'à la seule condition d'être domicilié en France et, s'agissant des personnes de nationalité étrangère, n'est pas conditionné à la régularité du séjour, si bien que celles-ci en bénéficient dans les mêmes conditions.

Cette faculté rejoint les exigences du droit de l'Union européenne : l'article 16, paragraphe 2, de la directive 2014/92 du 23 juillet 201495(*) prévoit que « les États membres veillent à ce que les consommateurs résidant légalement dans l'Union, en ce compris les consommateurs qui n'ont pas d'adresse fixe, les demandeurs d'asile et les consommateurs qui n'ont pas de permis de séjour mais dont l'expulsion est impossible pour des raisons légales ou pratiques, aient le droit d'ouvrir un compte de paiement assorti de prestations de base auprès d'établissements de crédit situés sur leur territoire et le droit de l'utiliser. Ce droit s'applique indépendamment du lieu de résidence du consommateur. ».

En cas de refus d'ouverture de compte par un établissement de crédit, la personne concernée peut saisir la Banque de France - et, à Mayotte, l'IEDOM -, qui désigne un établissement est tenu d'offrir au demandeur les services bancaires de base déterminés par l'article D. 312-5-1 du code monétaire et financier. En font notamment partie la domiciliation de virements bancaires (4° de l'article D. 312-5), et les paiements par virement SEPA (7° du même article).

Cette obligation devra être mise en oeuvre par l'ensemble des agents opérant pour le compte des prestataires de services de paiement, y compris les agents mandatés, comme des buralistes ou des taxiphones.

En cas de manquement par les prestataires de services de paiement de leurs obligations au titre de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, un régime de sanction est établi à l'article L. 561-36-1 du code monétaire et financier. Sont ainsi prévues des sanctions pécuniaires dont le montant peut s'élever jusqu'à cent millions d'euros ou dix pour cent du chiffre d'affaires ainsi que des sanctions disciplinaires mentionnées à l'article L. 612-39 du même code, sans préjudice d'éventuelles sanctions pénales.

Enfin, le II de l'article 9 reporte l'entrée en vigueur de ces dispositions au premier jour du deuxième mois suivant celui de la publication de la présente loi afin de permettre aux prestataires de services de paiement d'adapter leurs processus de gestion.

3. La position de la commission : un signal opportun, une effectivité à garantir

En rendant impossible la transmission de fonds sur remise d'espèces aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte, la présente mesure constituera un signal important en direction des candidats à l'immigration clandestine.

Ses effets concrets devraient être plus limités dès lors qu'il n'est pas douteux que cette mesure devrait faire l'objet de contournements, que ce soit par l'ouverture d'un compte bancaire (qui présente néanmoins des garanties supérieures en matière de traçabilité des opérations), par des transferts d'espèces ou encore par le recours à des intermédiaires, Français ou étrangers en situation régulière.

Afin de dissuader et réprimer ces comportements, la commission a adopté, à l'initiative des rapporteurs, un amendement COM-61 sanctionnant de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende le fait de faire procéder ou de participer, pour le compte d'un étranger en situation irrégulière, à une opération de transmission de fonds sur remise d'espèces afin de faire obstacle à l'application de la mesure de vigilance. La peine d'interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus serait également écourue.

Avec un amendement rédactionnel (COM-62), la commission a adopté l'article ainsi modifié.

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article 10
Faciliter les opérations de résorption de l'habitat informel

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires économiques.

Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté les amendements COM-68, COM-70 et COM-69 de sa rapporteure Mme Micheline Jacques.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11
Visites domiciliaires aux fins de saisies d'armes

L'article 11 vise à permettre à l'administration, uniquement à Mayotte, après autorisation du juge des libertés et de la détention, de procéder à des visites domiciliaires et à des saisies d'armes relevant des catégories A à D ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, à des fins de prévention de troubles graves à l'ordre public, en dehors du cadre défini par le code de procédure pénale. Ce dispositif s'inspire de celui, applicable pour l'ensemble du territoire national en matière de prévention du terrorisme, prévu à l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure.

La décision du juge des libertés et de la détention peut également autoriser les agents concernés à traverser les locaux d'habitation ou installations professionnelles qui enclaveraient le lieu visé par la visite domiciliaire lorsque ce dernier est situé dans une zone d'habitat informel.

La commission a adopté cet article en y apportant des amendements de précision ou de portée rédactionnelle.

1. La situation sécuritaire mahoraise apparaît très préoccupante, notamment du fait des violences avec usage des armes et de la forte concentration d'habitats informels

1.1. Un niveau de violences particulièrement élevé, notamment par usage d'armes blanches

Ainsi que le précise l'étude d'impact, l'usage des armes et les faits de violence apparaissent particulièrement préoccupants à Mayotte. Par exemple, le taux de coups et blessures rapporté à la population y est supérieur de près de 50 % à la moyenne nationale (respectivement 7,1 %o contre 4,8 %o), et le taux de vols avec armes 24 fois supérieur (respectivement 2,4 %o contre 0,1 %o)96(*). Dans les faits, les forces de sécurité indiquent que les armes blanches, en particulier les machettes, sont les plus utilisées dans ces violences.

1.2. La proportion d'habitat informel à Mayotte constitue renforce l'insécurité à Mayotte

Les « bangas » représentaient environ 35 % des habitations de Mayotte au 1er janvier 2024, d'après les chiffres de la préfecture. Ces habitations regroupées forment des quartiers informels propices à la constitution de phénomènes de bandes dont les membres commettent des violences aggravées, des vols ou des extorsions sous la menace d'armes blanches ou d'armes par destination.

2. La création d'un cas de visite domiciliaire spécifique à Mayotte afin de prévenir les troubles graves à l'ordre public tenant compte de la présence d'habitats informels

En raison des spécificités de la situation mahoraise relevées ci-dessus, le projet de loi vise, ainsi que le permet l'article 73 de la Constitution, à adopter des mesures d'adaptation du droit national en matière de prévention des troubles graves à l'ordre public.

2.1. La création d'un nouveau cas de visite domiciliaire propre à Mayotte afin de prévenir les troubles graves à l'ordre public

Le projet de loi crée un régime de visite domiciliaire propre à Mayotte, visant à permettre aux services de police et de gendarmerie de prévenir ces troubles graves par la saisie des armes et objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique qui pourraient être retrouvés dans un lieu dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'il est fréquenté par une personne susceptible de participer à des troubles graves à l'ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d'une arme. Le dispositif est inspiré des visites domiciliaires prévues pour la prévention des actes de terrorisme à l'article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, déclaré conforme par le Conseil constitutionnel, ce dernier ayant jugé que le dispositif assurait une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, l'inviolabilité du domicile (décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018).

Les garanties procédurales prévues sont comparables à celles existant en matière de prévention d'actes terroristes : notamment, saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) par le préfet après avis du procureur de la République, interdiction de mener ces opérations dans des lieux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes et les domiciles des personnes concernées, recours possible contre l'ordonnance ainsi que contre le déroulement des opérations.

2.2. La possibilité pour les agents, sous le contrôle du JLD, de traverser les installations et habitats informels, même lorsqu'il s'agit de domiciles de tiers

La principale particularité de ces visites domiciliaires est qu'elles pourront concerner un lieu rendu inaccessible depuis la voie publique par son enclavement du fait de la présence de locaux ou installations édifiés sans droit ni titre de type « bangas ». En l'état du droit, et compte tenu notamment de la protection qui s'attache au domicile, y compris lorsqu'il s'agit d'un habitat informel, une telle configuration rend impossible la mise en oeuvre des visites domiciliaires sans exposer les agents à l'incrimination prévue à l'article 432-8 du code pénal réprimant les faits de violation de domicile commis par une personne dépositaire de l'autorité publique à l'occasion de ses fonctions.

Afin de ne pas restreindre la portée concrète de la mesure, le dispositif proposé prévoit que les agents chargés des opérations puissent être autorisés à traverser les locaux professionnels ou ces habitats informels à la seule fin de rejoindre le lieu visé par l'ordonnance. Compte tenu des droits qui s'attachent au respect du domicile, le texte prévoit que ces lieux tiers doivent être mentionnés dans l'ordonnance du JLD.

3. La commission des lois considère que ces mesures d'adaptation des lois et règlements sont rendues nécessaires par la situation sécuritaire exceptionnellement préoccupante de Mayotte

Partageant le constat du Gouvernement, soucieuse d'offrir aux forces de sécurité engagés dans la prévention des violences armées un cadre adapté à leur action, et constatant l'importance des garanties accordées aux personnes concernées, la commission des lois a adopté cet article en ne procédant qu'à quelques ajustements d'ordre rédactionnel à l'initiative des rapporteurs (amendement COM-63).

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12
Arrêté préfectoral de remise générale des armes à Mayotte

L'article 12 vise à permettre au préfet de Mayotte, dans un contexte de risque de troubles graves à l'ordre public, d'ordonner, par voie d'arrêté, et sur tout ou partie du territoire de Mayotte, la remise de l'ensemble des armes et objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique.

Il s'agit d'une transposition dans le droit commun, moyennant adaptation et uniquement applicable sur le territoire de Mayotte, du dispositif prévu à l'article 9 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Le cadre actuel des pouvoirs de police générale apparait insuffisant pour prévenir l'usage des armes à Mayotte

Aujourd'hui, la seule disposition prévoyant expressément qu'une autorité administrative puisse ordonner la remise générale des armes se trouve à l'article 9 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Or l'état d'urgence ne peut être décrété qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Il convient, sur le territoire de Mayotte, compte tenu des éléments relatifs aux faits de violence énoncés dans l'étude d'impact et confirmés par le procureur de la République et le préfet de Mayotte lors de leur audition par les rapporteurs, d'agir en amont du « péril imminent » et de doter le préfet du pouvoir de prévenir, par une mesure générale, un trouble grave à l'ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec l'usage d'une arme.

Le ministère de l'intérieur a indiqué aux rapporteurs que des arrêtés préfectoraux interdisant l'acquisition, la vente et la cession d'armes ont déjà pu être pris dans d'autres départements sur le fondement des pouvoirs de police générale du préfet, et notamment le 4° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

Des mesures individuelles de dessaisissement d'armes peuvent également être décidées par le préfet :

- la première sur le fondement des articles L. 312-7 et suivants du code de la sécurité intérieure, lorsque le comportement de la personne présente un danger grave pour elle-même ou autrui ;

- la seconde sur le fondement de l'article L. 312-11 du même code, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes. Toutefois ces mesures ne peuvent être décidées qu'à l'encontre des personnes dont l'autorité sait qu'elles sont détentrices d'armes et ne paraissent adaptées que pour répondre à des situations des risques individuels ponctuels.

Toutes ces mesures n'apparaissent pas suffisantes pour répondre à la situation sécuritaire de Mayotte, rendant nécessaire une adaptation législative fondée sur l'article 73 de la Constitution.

2. Le projet renforce le pouvoir de police générale du préfet de Mayotte

Afin de garantir un cadre légal clair à l'action du préfet de Mayotte, l'article 12 prévoit une disposition spéciale l'autorisant à ordonner la remise générale des armes de toutes catégories A à D, y compris tous les objets pouvant être utilisés comme une arme dangereuse pour la sécurité publique. S'agissant de ces derniers objets, qui incluent les armes par destination, ne devront être remis que ceux qui seront mentionnés dans l'arrêté. Un délai sera laissé aux propriétaires pour remettre les armes concernées aux autorités.

Catégorisation des armes en France

(Articles L. 312-2 et R. 311-2 du code de la sécurité intérieure)

Catégorie

Régime juridique d'acquisition et de détention

Exemples

A

Interdiction sauf autorisation spéciale

Armes automatiques, armes de guerre

B

Autorisation préfectorale obligatoire

Armes de poing, carabines semi-automatiques, armes à impulsion électrique à distance

C

Déclaration

Fusils de chasse, armes à air comprimé > 20 joules

D

Libre

Tous objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique (poignards, matraques...), bombes lacrymogènes < 100 ml,

armes à air comprimé = 20 joules

Le fait de contrevenir à cet arrêté est puni des peines prévues à l'article L. 317-6 du code de la sécurité intérieure, soit de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

Une telle mesure permettra aux services procédant à des contrôles sur la voie publique de saisir les armes portées ou transportées sans motif légitime et de procéder à l'interpellation de l'auteur.

Les armes remises dans le délai indiqué ne pourront être conservées par l'autorité que dans la limite d'un délai de trois mois, éventuellement renouvelable une fois lorsque les circonstances l'exigent. À l'issue de ce délai, les armes qui étaient légalement détenues sont remises à leur propriétaire et les autres sont détruites.

La commission des lois considère que ces dispositions permettront au préfet d'adopter des mesures nécessaires, adaptées et proportionnées afin de prévenir les troubles graves à l'ordre public propres à Mayotte.

La commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13
Contrôle des lieux d'habitation abritant une activité professionnelle et traversée des structures d'habitat informel permettant d'y accéder, afin de mener les opérations de lutte contre le travail illégal à Mayotte

L'article 13, uniquement applicable à Mayotte, vise à inclure les locaux d'habitation dans le champ des contrôles de lieux à usage professionnel décidés par le procureur de la République afin de lutter contre le travail illégal lorsque les lieux visés sont situés dans un périmètre d'habitat informel. La décision est prise par le juge des libertés et de la détention sur réquisition du procureur de la République. Cette décision peut également autoriser les agents concernés à traverser les locaux d'habitation qui enclaveraient le lieu visé par le contrôle.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. La lutte contre le travail illégal à Mayotte se heurte à une situation particulière de mixité entre locaux professionnels et domiciles et à la concentration de l'habitat informel

1.1. Les opérations de lutte contre le travail illégal ne peuvent être menées que dans des locaux à usage strictement professionnel, ce qui n'est pas adapté à la situation de Mayotte

L'article 78-2-1 du code de procédure pénale permet au procureur de la République de requérir les services de police et de gendarmerie nationales afin de contrôler les locaux professionnels pendant les heures d'activité, notamment afin de lutter contre les infractions de travail dissimulé (art. L. 8221-1 du code du travail) ou d'emploi d'un étranger sans titre l'autorisant à travailler (art. L. 8251-1 du code du travail). Le même texte précise que ces contrôles ne peuvent avoir lieu dans des domiciles, ce qui implique de distinguer, au sein d'un local, les lieux qui peuvent être assimilés à un domicile afin de les exclure du champ du contrôle.

Selon le préfet de Mayotte le poids de l'économie informelle dans l'activité mahoraise est particulièrement élevé, notamment compte tenu de l'emploi illégal d'étrangers sans titres et du fait que nombre d'ateliers clandestins qu'il s'agit de démanteler se trouvent dans des locaux à usage d'habitation situés au sein des « bangas ». Ces lieux dits « mixtes », où il est impossible de distinguer un local spécifiquement dédié à une activité professionnelle au sein d'un local d'habitation, sont de ce fait exclus des contrôles. Dans ces conditions, alors que les opérations de lutte contre le travail illégal participent de la sauvegarde des principes et droits de nature constitutionnelle97(*), les dispositions actuelles ne permettent pas une lutte efficace contre ce type de délinquance.

1.2. L'habitat informel empêchant l'accès des agents aux ateliers clandestins enclavés, rend impraticables les contrôles décidés sur le fondement de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale

Ainsi qu'il a été souligné au regard des articles 10 et 11, l'habitat informel occupe une place importante à Mayotte, créant des périmètres au sein desquels il est impossible d'accéder au lieu visé par le contrôle directement depuis la voie publique. Les agents intervenant sur réquisition du procureur de la République aux fins de contrôle des lieux à usage professionnel enclavés et qui, pour les rejoindre, traverseraient des structures d'habitat informel s'exposeraient au délit de violation de domicile par une personne dépositaire de l'autorité publique, tel que prévu et réprimé à l'article 432-8 du code pénal.

Afin de rendre concrètement possibles les opérations requises par le procureur de la République, il apparait nécessaire de modifier le cadre d'intervention des agents par une mesure d'adaptation prise sur le fondement de l'article 73 de la Constitution pour tenir compte de la situation spécifique de Mayotte.

2. La commission approuve les dispositions qui permettent une lutte efficace contre le travail illégal tout en préservant les garanties des intéressés

L'article 13 prévoit d'ajouter un nouvel article 900-2 au sein du titre du code de procédure pénale comportant les dispositions particulières à Mayotte.

Le contrôle de locaux « mixtes » par des agents exerçant des pouvoirs de police judiciaire est rendu possible, mais le procureur de la République devra obtenir préalablement l'autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD).

Ce dernier pourra, dans son ordonnance, également autoriser les agents à traverser des locaux tiers constituant un habitat informel, y compris des domiciles, lorsque le local objet du contrôle ne peut être rejoint autrement depuis la voie publique. Il a été précisé aux rapporteurs que les opérations de contrôles de lieux mixtes et les éventuelles traversées d'habitats informels ne peuvent avoir lieu qu'entre 6 heures et 21 heures. L'ordonnance du JLD est susceptible de recours.

D'une façon générale, les garanties prévues par cette disposition sont équivalentes à celles qui sont offertes en matière de visites domiciliaires.

Compte tenu des enjeux en matière de sécurité, d'immigration et économiques qui s'attachent à la lutte contre le travail illégal d'une part, et des garanties encadrant le dispositif d'autre part, la commission a adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14
Adapter les dispositions relatives au recensement de la population à la situation particulière de Mayotte

L'article 14, du fait des dégâts causés par le passage du cyclone Chido, déroge au droit commun du recensement en termes de méthode et de calendrier, afin de tenir compte de la nécessité de procéder rapidement à un recensement exhaustif de la population de l'archipel. Il procède aux ajustements législatifs nécessaires à cette fin.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Le premier cycle quinquennal de recensement de la population de Mayotte, qui devait s'achever par la campagne annuelle 2025, ne pourra pas être mené à son terme, malgré l'urgence de disposer de données fiables

1.1. Des données de population anciennes qui devaient être réactualisées en 2025

Le dernier recensement exhaustif de la population de Mayotte réalisé par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) remonte à l'année 2017, année au cours de laquelle le rattachement de Mayotte à la méthode quinquennale applicable jusque-là aux autres départements a été décidée par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

Cette méthode prévue au VI de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, repose sur des campagnes annuelles par cinquième, définissant un cycle quinquennal au terme duquel la population de chaque département est authentifiée par décret.

Pour Mayotte, le premier cycle quinquennal, entamé en 2021, devait s'achever par la campagne 2025 et le décret authentifiant la population intervenir en décembre de cette année. Ces données étaient particulièrement attendues du fait du dynamisme démographique de l'archipel et de débats parfois vigoureux tournant autour de l'évaluation du nombre d'habitants, dont la précision constitue un préalable au déploiement de politiques publiques adaptées.

1.2. Le passage du cyclone Chido a bouleversé la situation, rendant nécessaire une reprise à zéro des opérations de recensement

Le passage du cyclone Chido a particulièrement touché l'habitat, notamment informel (les « bangas »), qui d'après les chiffres de la préfecture de Mayotte représente 35 % à des habitations à Mayotte. De ce fait, les cartographies de l'habitat ainsi que les chiffres collectés lors des campagnes 2021-2024 ont été pour partie rendus caducs.

Mener la campagne prévue au titre de 2025 sur le cinquième restant aurait nécessairement conduit à des chiffres erronés. Il est par conséquent proposé de ne pas y procéder, ce qui nécessite une dérogation au dispositif législatif de droit commun.

2. Le projet de loi déroge au droit commun pour organiser exceptionnellement un recensement exhaustif sur la seule année 2025, ce qui nécessite quelques coordinations

2.1. Le choix de répondre à l'urgence en décidant un recensement exhaustif mené en une seule campagne annuelle

Le projet de loi prévoit que les opérations de recensement seront reprises à zéro et menées de façon exhaustive en une seule campagne, menée entre fin 2025 et début 2026. Concrètement, l'INSEE a indiqué aux rapporteurs que les opérations auraient lieu entre fin novembre 2025 et début janvier 2026.

2.2. Le fait que la campagne déborde sur le début de l'année 2026 nécessite certaines coordinations

Le X de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 précitée prévoit la publication du premier décret authentifiant la population de Mayotte à la fin de l'année 2025. Compte tenu de la prolongation des opérations de collecte qui s'étaleront jusqu'à début 2026, puis des délais de traitement des données, l'INSEE a indiqué aux rapporteurs que le décret ne pourra intervenir que courant 2026. Le projet de loi comporte donc une disposition permettant la publication de ce décret en 2026.

La publication décalée de ce décret a des conséquences pour le calcul du montant de la dotation globale de fonctionnement des communes et du département au titre de 2026, qui devait tenir compte des chiffres authentifiés en 2025. Afin d'anticiper ce vide juridique, la modalité transitoire de calcul de cette dotation, introduite au IV de l'article 252 de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et qui devait rester en vigueur jusqu'en 2025, est prolongée d'un an.

Enfin, d'un point de vue plus pratique, il est décidé de décaler à 2027 la première campagne du nouveau cycle quinquennal de recensement qui devait normalement commencer au début de l'année 2026, rapidement après l'achèvement du recensement 2025. Le fait de procéder à un nouveau recensement après une période si courte ne parait pas nécessaire.

3. La commission partage l'ensemble des objectifs et des modalités envisagées par le projet de loi

Consciente de l'urgence de la situation tout autant que de l'effort, notamment d'organisation, qu'il s'agit de demander aux différents services engagés, notamment l'INSEE et les communes, la commission a adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l'article 14 sans modification.

Article 15
Habilitation à légiférer par ordonnance pour la convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires sociales.

Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté les amendements COM-46 et COM-47 de sa rapporteure Christine Bonfanti-Dossat.

La commission a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16
Extension de l'IRCANTEC à Mayotte

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires sociales.

La commission a adopté l'article 16 sans modification.

Article 17
Augmenter le nombre de pharmacies d'officine

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires sociales.

Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté l'amendement COM-48 de sa rapporteure Christine Bonfanti-Dossat.

La commission a adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18
Représentation des professionnels mahorais au sein de l'union régionale des professionnels de santé de l'océan indien

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires sociales.

Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté l'amendement COM-49 de sa rapporteure Christine Bonfanti-Dossat.

La commission a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19
Application de la procédure de prise de possession anticipée pour la construction d'infrastructures essentielles à Mayotte

L'article 19 tend à permettre le recours à la procédure de prise de possession anticipée pour les opérations de reconstruction consécutives au passage du cyclone Chido ainsi que pour la réalisation d'infrastructures essentielles à Mayotte, pour une durée de dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi. L'objectif est ainsi d'accélérer les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique, pour entamer au plus vite les travaux de reconstruction et de réalisation d'infrastructures essentielles.

La commission a estimé qu'il était urgent de débuter au plus vite les opérations de reconstruction ainsi que la construction d'infrastructures essentielles, tant les besoins sont grands dans l'archipel. Elle a par conséquent adopté cet article sans modification.

1. La procédure de prise de possession anticipée, qui constitue une dérogation aux règles d'expropriation pour cause d'utilité publique, vise à accélérer la réalisation de certains travaux

1.1. Les atteintes au droit de propriété, consacré au niveau constitutionnel, sont particulièrement encadrées

a) Le droit de propriété est doté d'une valeur constitutionnelle

Le droit de propriété est défini par le code civil comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements98(*) ».

Il fait partie, selon les termes de l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789, « des droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». L'article 17 de la DDHC précise quant à lui que la propriété est « un droit inviolable et sacré ».

La DDHC faisant partie du bloc de constitutionnalité, le droit de propriété est donc doté, depuis 197199(*), d'une valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs affirmé dans une décision de 1982100(*), dans laquelle il a indiqué que « les principes même énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ».

b) Le droit de propriété bénéficie à ce titre d'une protection particulière

Doté d'une valeur constitutionnelle, le droit de propriété bénéficie d'une protection particulière, qui diffère selon la nature de l'atteinte y étant portée, comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel101(*) : « Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ».

· Le contrôle des privations du droit de propriété

D'une part, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel précitée que l'article 17 de la DDHC est applicable en cas de privation du droit de propriété ou en cas d'atteinte telle que le sens et la portée du droit de propriété s'en trouvent dénaturés.

Dans ce cas, le Conseil constitutionnel vérifie que la loi n'autorise la privation de propriété qu'en cas de nécessité publique légalement constatée et à condition qu'une indemnisation juste et préalable soit versée102(*). Celle-ci « doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain », provoqué par la privation de propriété et la personne se voyant privée de son droit doit pouvoir disposer d'une voie de recours en cas de désaccord sur la fixation du montant de l'indemnisation103(*).

Le régime de l'expropriation pour cause d'utilité publique

La procédure d'expropriation permet à une personne publique de contraindre un particulier ou une personne morale à céder un bien, pour réaliser par exemple des ouvrages publics ou des opérations d'aménagement.

Elle constitue une privation du droit de propriété et s'inscrit ainsi dans le cadre fixé par l'article 17 de la DDHC. Pour respecter les exigences posées par l'article précité, l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précise que « l'expropriation (...) ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête et qu'il ait été procédé, contradictoirement, à la détermination des parcelles à exproprier ainsi qu'à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres personnes intéressées. Elle donne lieu à une juste et préalable indemnité ».

La procédure s'organise ensuite en deux phases.

Une phase administrative est d'abord organisée, qui donne lieu à l'ouverture d'une enquête publique, destinée à informer le public du dossier (présentation du projet, des coûts, des objectifs, du périmètre délimitant les biens à exproprier, etc.) et à lui permettre de formuler des observations. À l'issue de l'enquête publique, si l'utilité publique du projet est démontrée104(*), le préfet prononce alors une déclaration d'utilité publique, qui donne lieu à l'ouverture d'une enquête parcellaire visant à déterminer avec précision les parcelles à exproprier et identifier les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation. La phase administrative se clôt par l'adoption d'un arrêté de cessibilité par le préfet, fixant avec précision la liste des biens à exproprier, notifié aux propriétaires concernés.

Une phase judiciaire est ensuite organisée. Cette seconde phase donne lieu au transfert de propriété, qui peut se faire par accord amiable entre la personne publique et la personne expropriée. En l'absence d'accord amiable, l'expropriant peut saisir le juge de l'expropriation, afin qu'il prononce une ordonnance d'expropriation, laquelle a pour effet de transférer juridiquement la propriété de l'exproprié à l'expropriant. L'exproprié conserve néanmoins la jouissance du bien jusqu'au versement de l'indemnisation. Une fois la propriété transférée, il revient ensuite à la personne publique de proposer une offre d'indemnisation à l'exproprié, qui doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. En cas de désaccord entre l'expropriant et l'exproprié sur le montant de l'indemnisation, le juge de l'expropriation peut être saisi afin de fixer une indemnité.

· Le contrôle des atteintes à l'exercice du droit de propriété

En l'absence de privation du droit de propriété, l'article 17 de la DDHC n'est pas applicable, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision de 1985105(*), dans laquelle il est indiqué : « Considérant que la loi critiquée n'a ni pour objet ni pour effet d'entraîner la privation du droit de propriété ; que, dès lors, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ».

Les atteintes au droit de propriété n'entraînant pas une privation de ce droit sont donc contrôlées au regard de l'article 2 de la DDHC et peuvent être justifiées par un motif d'intérêt général, sans que le versement d'une indemnisation préalable soit nécessaire.

À titre d'exemple, le Conseil constitutionnel a par exemple considéré qu'une procédure de réquisition de logements vacants ne constituait pas une privation du droit de propriété106(*). Il a estimé qu'une telle procédure limitait, pour une période de temps déterminée, le droit d'usage des locaux réquisitionnés et qu'une telle limitation « ne saurait revêtir un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée du droit de propriété ». Il a donc contrôlé la procédure au regard des dispositions de l'article 2 de la DDHC et a constaté qu'elle répondait à un objectif de valeur constitutionnelle, à savoir « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent ». Compte tenu de ce motif d'intérêt général et des garanties prévues par le législateur, le Conseil constitutionnel a par conséquent estimé que la procédure prévue était conforme à la Constitution.

1.2. La procédure de prise de possession anticipée constitue une dérogation aux principes encadrant les expropriations pour cause d'utilité publique, qui vise à accélérer la réalisation de certains travaux

a) La procédure de prise de possession anticipée

En principe, le droit commun prévoit que l'expropriant ne peut prendre possession des biens expropriés qu'après le paiement de l'indemnité ou, en cas d'obstacle au paiement, qu'après la consignation de l'indemnité. Si, dans le délai d'un mois suivant le paiement ou la consignation de l'indemnité, l'exproprié n'a pas quitté les lieux, il peut alors être procédé à l'expulsion des occupants107(*).

Par dérogation à ce principe et pour certains travaux dont l'utilité publique a été régulièrement déclarée, la procédure de prise de possession anticipée permet d'autoriser l'expropriant, par décret en Conseil d'État, à prendre possession de propriétés privées et à engager les travaux, sans attendre le versement de l'indemnité à l'exproprié.

b) Le recours à la procédure de prise de possession anticipée a été autorisé à de nombreuses reprises

Le recours à la procédure de prise de possession anticipée est par exemple possible, de manière pérenne, pour :

l'exécution immédiate de travaux intéressant la défense nationale rendus nécessaires par une extrême urgence108(*) ;

l'exécution de travaux de construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales, de voies de chemin de fer, de voies de tramway ou de transport en commun et d'oléoducs dont l'exécution risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession de terrains ;

l'expropriation des immeubles insalubres ou dangereux, compte tenu de l'urgence à intervenir sur des bâtiments dégradés à titre irrémédiable109(*) ;

l'expropriation d'immeubles dégradés ou dangereux dont l'acquisition est prévue pour la réalisation d'une opération d'aménagement d'utilité publique, lorsque des risques sérieux pour la sécurité des personnes rendent la prise de possession nécessaire110(*).

De manière ponctuelle, le législateur a également étendu la possibilité de recourir à cette procédure. Cela a par exemple concerné :

- la réalisation du stade de France à Saint-Denis111(*) ;

- la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle112(*) ;

- la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires aux compétitions des jeux Olympiques et paralympiques de 2024113(*).

c) Un dispositif particulièrement encadré

Le recours à la procédure de possession anticipée est particulièrement encadré, compte tenu de l'atteinte au droit de propriété qu'il constitue. La jurisprudence du Conseil constitutionnel114(*) considère ainsi qu'il n'est possible de recourir à cette procédure que si :

le projet répond à un motif impérieux d'intérêt général, tel que la réalisation de grands ouvrages publics d'intérêt national ;

le champ d'application de la prise de possession anticipée est étroitement circonscrit ;

des garanties effectives ont été prévues au profit des propriétaires concernés.

Pour tenir compte de ces exigences constitutionnelles, de nombreuses garanties ont été introduites par le législateur. Ainsi, à titre d'exemple, la procédure de prise de possession anticipée prévue par les articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, pour l'exécution de travaux de construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales, etc., prévoit :

un champ d'application particulièrement circonscrit, puisque le recours à la procédure de prise de possession anticipée n'est autorisé que « lorsqu'apparaissent des difficultés bien localisées susceptibles de retarder l'exécution des travaux et que la procédure normale est déjà largement avancée115(*) » ;

l'intervention préalable d'un décret pris sur avis conforme du Conseil d'État pour recourir à cette procédure ;

la publication préalable d'un arrêté préfectoral autorisant l'occupation temporaire des terrains concernés dans les vingt-quatre heures suivant la réception du décret en Conseil d'État, avant que les agents du maître de l'ouvrage puissent entrer au sein des propriétés privées concernées116(*), dans les conditions fixées par la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics.

le paiement provisionnel d'une somme égale à l'évaluation de l'autorité administrative compétente117(*) pour l'effectuer ou à l'offre de l'autorité expropriante si celle-ci est supérieure118(*), avant toute prise de possession. En cas d'obstacle au paiement119(*), la somme correspondante doit être consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations ;

- l'attribution par le juge, le cas échéant, d'une indemnité spéciale destiné à compenser le préjudice causé par la rapidité de la procédure120(*) ;

la poursuite de la procédure d'expropriation dans le mois suivant la prise de possession121(*). À défaut, le juge, saisi par le propriétaire, prononce le transfert de propriété et fixe le prix du terrain et de l'indemnité spéciale122(*) ;

2. Le dispositif proposé : autoriser le recours à la prise de possession anticipée pour les travaux de reconstruction et la réalisation de certaines infrastructures essentielles à Mayotte

L'article 19 du projet de loi tend à autoriser le recours à la procédure de prise de possession anticipée à Mayotte, pour une durée de dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

Il serait possible d'y recourir pour prendre possession des terrains dont l'acquisition est nécessaire :

aux opérations de reconstruction, consécutives au passage du cyclone Chido, conduites et coordonnées par l'établissement public créé en application de l'article 1er de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte ;

- à la réalisation des infrastructures portuaires et aéroportuaires, des ouvrages et installations des réseaux publics d'eau et d'assainissement, des constructions, ouvrages et installations à l'usage des forces de sécurité intérieure, des ouvrages et installations de production et de distribution d'électricité, des établissements pénitentiaires ainsi que des établissements de santé et médico-sociaux.

La procédure applicable serait celle prévue par les articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et détaillée supra.

L'objectif de cette mesure est de faciliter et accélérer la réalisation d'équipements, d'ouvrages et d'opérations indispensables au développement économique de Mayotte et, par conséquent, de développer l'activité économique locale et la création de nouveaux emplois.

Comme indiqué aux rapporteurs par la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), « ces projets ont été rendus d'autant plus urgents par la situation résultant du cyclone Chido, notamment en ce qui concerne les infrastructures portuaires, aéroportuaires, d'assainissement et de traitement des eaux, et les opérations qui seront conduites par l'établissement public de reconstruction de Mayotte ». 

Or, les procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique sont très longues à conduire. Ainsi, selon l'étude d'impact, la durée moyenne d'une procédure visant à obtenir la fixation de l'indemnité d'expropriation s'établissait à 9,8 mois en 2024.

L'objectif est également, compte tenu du développement potentiellement très rapide de l'habitat informel à Mayotte, de « prendre plus vite la maîtrise physique des terrains identifiés dans le plan parcellaire établi en vue du projet, notamment pour prévenir le risque d'une occupation illicite ou de constitution de nouveaux habitats informels, ce qui retarderait encore la réalisation de l'opération ».

3. La position de la commission : un dispositif proportionné et indispensable pour assurer le développement de l'archipel

La commission s'est montrée favorable à l'application, à Mayotte, de la procédure de prise de possession anticipée, qui facilitera la réalisation des opérations de reconstruction et d'infrastructures essentielles aux besoins de l'archipel.

Mayotte est en effet confrontée à d'importants besoins en termes d'infrastructures structurantes (piste longue de l'aéroport, usine de dessalement, retenue collinaire, etc.). Compte tenu des conditions de vie sur place, il est urgent de procéder rapidement à la construction de ces infrastructures.

Le dispositif proposé apparaît par ailleurs conforme aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, en ce qu'il :

- répond à un motif impérieux d'intérêt général, à savoir favoriser les opérations d'aménagement et les travaux manifestement nécessaires à la reconstruction et au développement du territoire mahorais, dans le contexte post-cyclone ;

- dispose d'un champ d'application étroitement circonscrit, tant s'agissant de sa durée d'application (dix ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi) que de son champ matériel (les opérations de reconstruction et la réalisation d'infrastructures essentielles, limitativement énumérées) ;

garantit les droits des propriétaires intéressés, en ce qu'il reprend la procédure, déjà jugée conforme à la Constitution, prévue par les articles L. 521-1 à L. 521-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Cette opinion est partagée par le Conseil d'État, qui a indiqué, dans son avis sur le présent projet de loi123(*), que « tout en relevant le caractère dérogatoire de ces dispositions, le Conseil d'État considère, en premier lieu, qu'elles visent à répondre au motif impérieux d'intérêt général qui s'attache à la reconstruction sur le territoire mahorais à la suite du passage du cyclone de décembre 2024. Il relève, en deuxième lieu, que le champ d'application des dispositions du projet de loi, tel que revu par le Gouvernement dans sa saisine rectificative faisant suite aux échanges avec le Conseil d'État, est étroitement circonscrit. Enfin, dans le souci de garantir les droits des propriétaires intéressés, le Conseil d'État propose, en accord avec le Gouvernement, de limiter la durée d'application de ces dispositions à dix ans après l'entrée en vigueur de la loi.

« Le Conseil d'État estime que, dans ces conditions, les dispositions du projet de loi, qui répondent aux exigences rappelées par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 (cons. 16 à 26), ne se heurtent à aucun obstacle de nature constitutionnelle ou conventionnelle ».

La commission a adopté l'article 19 sans modification.

Article 20
Adaptation des règles de la prescription acquisitive à Mayotte

Afin de faciliter la résorption du désordre foncier à Mayotte, l'article 20 tend à adapter le régime de la prescription acquisitive à Mayotte. Il prévoit, d'une part, une réduction rétroactive du délai d'usucapion pour l'acquisition de propriétés immobilières dans l'archipel, sous réserve de la réalisation de démarches de régularisation. D'autre part, il tend à prolonger le dispositif des actes de notoriété dits « renforcés », jusqu'en 2038.

Face à la nécessité d'agir pour favoriser le titrement des emprises foncières et la résorption du désordre foncier à Mayotte, la commission s'est montrée favorable aux adaptations proposées du régime de la prescription acquisitive. Elle a par conséquent adopté cet article sans modification.

1. Pour faciliter la régularisation des emprises foncières, le législateur a adapté le régime de la prescription acquisitive à Mayotte

1.1. Le régime de la prescription acquisitive

a) Définition de la prescription acquisitive

L'article 2258 du code civil définit la prescription acquisitive (ou usucapion) comme le « moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi » et constitue un mode d'acquisition de la propriété124(*).

Ainsi, sous certaines conditions et au bout d'une certaine durée, le possesseur d'un bien ou d'un droit peut être reconnu propriétaire de celui-ci, par le seul effet de la possession, sans pour autant détenir un titre de propriété.

La Cour de cassation a précisé que « la prescription acquisitive n'a ni pour objet ni pour effet de priver une personne de son droit de propriété mais de conférer au possesseur, sous certaines conditions, et par l'écoulement du temps, un titre de propriété correspondant à la situation de fait qui n'a pas été contestée dans un certain délai125(*) ».

b) Conditions de la prescription acquisitive

La reconnaissance de la prescription acquisitive est encadrée par des conditions précises.

· Le champ des biens et droits prescriptibles

En premier lieu, la prescription acquisitive ne s'applique pas à l'ensemble des droits et des biens. Certains biens sont ainsi imprescriptibles, à l'instar :

- des « biens ou les droits qui ne sont point dans le commerce126(*) », c'est-à-dire des biens et des droits qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet de conventions à titre onéreux ou gratuit et qui ne peuvent donc faire l'objet d'une quelconque appropriation ;

- des biens des personnes publiques relevant du domaine public, lesquels sont inaliénables et imprescriptibles127(*) ;

- ou encore des « archives publiques128(*) », également imprescriptibles.

· Le délai d'usucapion

La loi prévoit en deuxième lieu une durée minimale pour pouvoir prescrire un bien ou un droit.

Ainsi, l'article 2272 du code civil prévoit qu'un délai de trente ans est nécessaire pour pouvoir prescrire un bien ou un droit.

Toutefois, un délai de prescription abrégée de dix ans s'applique pour « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble ».

S'agissant du critère de bonne foi, celle-ci est toujours présumée129(*) et consiste en « la croyance de l'acquéreur, au moment de l'acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire130(*) ».

Le juste titre correspond quant à lui au cas où le possesseur dispose d'un titre de propriété régulier, mais que le « transfert de propriété [a été] consenti par un tiers qui n'est pas le véritable propriétaire131(*) ».

· Le critère de la possession utile

En troisième lieu, l'usucapion est conditionnée à une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire132(*).

La possession doit d'abord être continue et non interrompue, c'est-à-dire qu'elle doit avoir été « exercée dans toutes les occasions, comme à tous les moments où elle devait l'être, d'après la nature de la chose possédée, sans intervalles anormaux assez prolongés pour constituer des lacunes133(*) ». L'article 2271 du code civil précise de plus que la prescription acquisitive est interrompue lorsque le possesseur d'un bien est privé pendant plus d'un an de la jouissance de ce bien, soit par le propriétaire, soit même par un tiers.

La possession doit ensuite être paisible, c'est-à-dire exempte de violences. L'article 2263 du code civil précise à cet égard que « les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d'opérer la prescription. La prescription utile ne commence que lorsque la violence a cessé ».

La possession doit également être publique, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas être dissimulée. Elle s'oppose à la possession clandestine, qui correspond au cas où « le possesseur dissimule les actes matériels de possession qu'il accomplit aux personnes qui auraient intérêt à les connaître134(*) ».

Enfin, la possession doit être non équivoque et à titre de propriétaire, c'est-à-dire que les actes du possesseur d'un bien ou d'un droit doivent révéler sans ambiguïté son intention de se conduire en propriétaire de celui-ci135(*). À titre d'exemple, un possesseur « s'abstenant d'assurer l'immeuble contre l'incendie et d'y faire des réparations » ne se comporte pas comme l'aurait fait un propriétaire ; par conséquent, la Cour de cassation a considéré un tel comportement comme entaché d'équivoque136(*).

En revanche, comme le précise l'article 2258 du code civil, il n'est pas nécessaire d'être de bonne foi pour prescrire un bien. Celle-ci est uniquement nécessaire pour bénéficier de la prescription abrégée.

c) Les effets de la prescription acquisitive

À l'issue du délai d'usucapion, le possesseur d'un bien ou d'un droit qui remplit les conditions précitées peut se prévaloir de la prescription acquisitive.

Toutefois, celle-ci ne produit pas ses effets automatiquement et suppose une manifestation de volonté de la part du possesseur, qui peut choisir :

- soit d'invoquer la prescription devant le juge judiciaire, en demande ou en défense, dans le cadre d'une action en revendication intentée par la personne prétendant être le véritable propriétaire du bien ou du droit, en démontrant que les conditions relatives à la durée de possession et au caractère utile de la possession sont remplies ;

- soit de renoncer à la prescription.

Une fois acquise, la prescription a pour effet de rendre le possesseur propriétaire du bien ou droit concerné rétroactivement, depuis le premier jour de la possession137(*).

1.2. Le désordre foncier existant à Mayotte a conduit le législateur à y adapter les règles relatives à la prescription acquisitive, pour faciliter le titrement des emprises foncières

a) L'archipel de Mayotte est caractérisé par un important désordre foncier

Il existe à Mayotte un important désordre foncier, caractérisé par une carence de titrement des emprises foncières138(*), de laquelle découlent d'importantes difficultés pour identifier formellement les propriétaires de terrains.

Cette situation s'explique par plusieurs facteurs139(*) :

1° « Des situations d'indivision140(*) (...) devenues inextricables car résultant de dévolutions successorales non réglées141(*) », parfois sur plusieurs générations142(*). Ainsi, le territoire de certaines communes se trouve presque intégralement en situation d'indivision ; c'est le cas par exemple du village de Chiconi, où les trois quarts du territoire sont couverts par deux titres fonciers établis dans les années 1960 et où le nombre d'indivisaires s'élève à plusieurs milliers de personnes ;

2° Un problème de traçabilité de la propriété liée à la coexistence de plusieurs sources de droit, notamment en matière foncière. Ainsi, un nombre important de transactions ont été réalisées oralement ou sous acte sous seing privé par le passé, et n'ont depuis lors pas été enregistrées au livre foncier. En effet, l'archipel « reste très imprégné des règles traditionnelles héritées de coutumes africaines et du droit musulman ; la marche vers le droit civil y est laborieuse143(*) ». À titre d'exemple, le passage devant le notaire afin d'enregistrer les transactions immobilières n'est devenu obligatoire qu'au 1er janvier 2008. Des juges spécifiques à Mayotte (les « cadis ») étaient jusqu'alors chargés de rédiger les actes en matière de transactions immobilières et il revenait aux parties de procéder à l'enregistrement de celles-ci. Comme souligné par la délégation sénatoriale aux outre-mer, « certaines personnes détiennent donc au nom de leurs aïeux des titres d'origine qui n'ont jamais été retranscrits sur le livre foncier. Ces personnes ont cédé ou partagé les terrains sans traçabilité juridique formalisée144(*) » ;

3° L'existence de règles exorbitantes du droit commun au début du XXe siècle avec, par exemple, la mise en place du « régime de l'immatriculation » par le décret du 4 février 1911 portant réorganisation du régime de la propriété foncière, qui prévoyait une immatriculation obligatoire des biens, uniquement en cas d'acquisition par les étrangers de biens appartenant à la population locale145(*) ;

4° La pression migratoire, qui provoque de nombreuses occupations illicites, aggravant le désordre foncier et le phénomène de carence de titres.

b) Ce désordre foncier a justifié l'adaptation du régime de prescription acquisitive à Mayotte, pour faciliter le titrement des emprises foncières

Pour faciliter la résorption de la carence de titrement des emprises foncières, le régime de la prescription acquisitive a été adapté à Mayotte. À ce titre, le législateur a ainsi :

- réduit le délai pour acquérir une propriété immobilière jusqu'en 2038 ;

- introduit les actes de notoriété dits « renforcés ».

· La réduction du délai d'usucapion introduite par la loi « Habitat dégradé »

Le III de l'article 51 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement a prévu, par dérogation au délai d'usucapion de droit commun, fixé à trente ans146(*), que « le délai pour acquérir la propriété immobilière est de dix ans » dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution - dont Mayotte, ainsi qu'à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Introduit par amendement en première lecture à l'Assemblée nationale147(*) et reprenant une proposition du conseil interministériel des outre-mer (CIOM) de 2023148(*), ce dispositif vise à accélérer la résorption du désordre foncier dans les collectivités ultramarines concernées, en permettant au possesseur d'une propriété immobilière d'acquérir celle-ci par le biais de la prescription, au terme d'une période de dix ans.

Ces dispositions sont applicables à compter de l'entrée en vigueur de la loi et jusqu'au 31 décembre 2038.

· Les actes de notoriété « renforcés »

Pour sécuriser les propriétaires dont le droit de propriété repose sur la prescription et favoriser la régularisation foncière, l'article 35-2 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a créé, dans certaines collectivités ultramarines, l'acte de notoriété dit « renforcé », qui, à la différence des actes de notoriété acquisitive classique, fait foi de la possession, sauf preuve contraire.

Les actes de notoriété acquisitive

Établi par un notaire, l'acte de notoriété acquisitive vise à constater une usucapion et répertorie les éléments de preuve (documents, témoignages, etc.) attestant d'une possession remplissant les conditions de la prescription acquisitive.

Les actes de notoriété ne peuvent, par eux-mêmes, établir l'usucapion. La propriété peut donc être contestée sans limite de temps, par un tiers s'estimant propriétaire.

Ces actes peuvent toutefois constituer un élément de preuve, à l'appui d'une action en justice. La Cour de cassation a ainsi précisé que « si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il appartient au juge d'en apprécier la valeur probante quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée149(*) ».

Les dispositions de l'article précité prévoient ainsi que « lorsqu'un acte de notoriété porte sur un immeuble situé en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte et constate une possession répondant aux conditions de la prescription acquisitive, il fait foi de la possession, sauf preuve contraire ».

Ces actes de notoriété, qui peuvent être établis par un notaire ou, à Mayotte, par la commission d'urgence foncière, ne peuvent être contestés que dans un délai de cinq ans à compter de leur dernière publication par voie d'affichage, sur un site internet et au service de la publicité foncière - ou au livre foncier dans le cas de Mayotte.

En conséquence, si l'acte de notoriété n'est pas contesté ou s'il l'est après l'écoulement du délai de cinq ans, l'acte de notoriété « renforcé » constituera alors une présomption irréfragable de propriété150(*), et la contestation du tiers revendiquant un droit de propriété sera vouée à l'échec.

L'article 35-2 précité a prévu que ce dispositif prendrait fin au 31 décembre 2027.

2. Afin d'accélérer encore davantage la résorption du désordre foncier à Mayotte, le dispositif proposé vise à adapter à nouveau le régime de la prescription acquisitive

2.1. L'application rétroactive, à Mayotte, du délai réduit d'usucapion introduit par la loi « Habitat dégradé »

D'une part, le I de l'article 20 du projet de loi prévoit une application rétroactive, à Mayotte, du délai réduit de prescription acquisitive introduit par la loi « Habitat dégradé », par dérogation aux articles 2222 et 2259 du code civil, relatifs à l'application dans le temps des dispositions législatives modifiant les durées des prescriptions.

Ce délai d'usucapion réduit s'appliquerait ainsi aux possessions possédant un caractère utile et ayant débuté avant le 11 avril 2024, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur de la loi « Habitat dégradé ».

Cette application rétroactive serait toutefois encadrée. Ainsi, le dispositif ne pourrait s'appliquer à une possession ayant débuté avant le 11 avril 2024 qu'à la condition que la prescription acquisitive soit constatée dans un acte de notoriété ou une décision judiciaire pris après l'entrée en vigueur de l'article 20, et suivi de l'inscription d'un droit au livre foncier de Mayotte avant le 31 décembre 2038.

Le dispositif est ainsi conditionné à l'accomplissement, par le bénéficiaire, de démarches de régularisation, afin de faciliter la résorption du désordre foncier.

Ces dispositions entreraient en vigueur un an après la publication du décret déterminant les modalités d'information des personnes susceptibles d'être concernées par ces dispositions, et au plus tard le 31 décembre 2027.

2.2. L'allongement de la possibilité d'éditer des actes de notoriété « renforcés » jusqu'en 2038

D'autre part, le II de l'article 20 vise à prolonger la possibilité d'éditer des actes de notoriété « renforcés » jusqu'au 31 décembre 2038, toujours dans l'optique de sécuriser juridiquement les possesseurs de biens et de faciliter le titrement des emprises foncières. Il s'appliquerait à Mayotte, mais aussi en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

3. La position de la commission : des mesures proportionnées et indispensables pour accélérer la résorption du désordre foncier à Mayotte

La commission a pleinement souscrit aux mesures proposées par l'article 20, tant il est nécessaire d'agir pour réduire le désordre foncier constaté à Mayotte, qui nuit tant aux intérêts publics (aménagement du territoire, développement économique, infrastructures essentielles) qu'aux intérêts privés (sécurisation des transactions immobilières, accès au crédit par l'apport en garantie du bien, accès à l'indemnisation en cas d'expropriation, par exemple). Elle a donc considéré que ces mesures dérogatoires poursuivaient un motif d'intérêt général.

La commission a par ailleurs souligné le caractère proportionné des mesures proposées.

Ainsi, concernant l'application rétroactive de la durée réduite d'usucapion, le dispositif est limité dans le temps - puisqu'il ne s'appliquerait que jusqu'au 31 décembre 2038 - et soumis à une entrée en vigueur différée, afin de « ménager (...) la capacité des personnes concernées à exercer une action en revendication151(*) ».

Plus précisément, il s'agit, selon la DACS, de prendre en compte « les cas dans lesquels la prise en compte rétroactive de possessions commencées avant le 9 avril 2024 conduira à ce que des prescriptions acquisitives de dix ans soient achevées dès l'entrée en vigueur de la présente loi (situation de « fait accompli ») ». L'objectif de l'entrée en vigueur différée est ainsi de permettre aux personnes concernées par cette hypothèse de « se renseigner sur les moyens de protéger leur droit de propriété et interrompre rapidement le délai de prescription en faisant délivrer une assignation au possesseur de leur parcelle et ce, avant l'entrée en vigueur de la loi ».

De même, la prolongation de la possibilité d'obtenir des actes de notoriété renforcés jusqu'au 31 décembre 2038 apparaît proportionnée et justifiée un motif d'intérêt général.

La commission a adopté l'article 20 sans modification.

Article 21
Recours aux marchés de conception-réalisation pour la construction d'établissements scolaires, d'établissements d'enseignement supérieur et de résidences universitaires à Mayotte

Par dérogation aux principes d'allotissement des marchés publics et de dissociation des missions de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur de travaux, l'article 21 vise à assouplir les modalités de recours aux marchés de conception-réalisation pour la construction d'écoles élémentaires et maternelles, de collèges et de lycées de l'enseignement public, de résidences universitaires et de constructions affectées à l'enseignement supérieur public à Mayotte.

L'objectif de ces dispositions est d'accélérer la construction des établissements scolaires et d'enseignement supérieur, en évitant la multiplication des procédures de passation des marchés publics, face à la forte croissance démographique que connaît l'archipel et à la saturation des établissements.

Ce dispositif élargirait ainsi une expérimentation introduite à Mayotte et en Guyane en 2019, autorisant le recours aux marchés de conception-réalisation pour la construction d'écoles primaires publiques.

Notant les premiers retours encourageants concernant l'expérimentation introduite par le législateur en 2019, la commission a accueilli favorablement l'élargissement de cette dernière et a par conséquent adopté cet article sans modification.

1. À titre expérimental, les conditions de recours aux marchés de conception-réalisation ont été assouplies en 2019 pour la réalisation d'écoles primaires publiques en Guyane et à Mayotte

1.1. Les marchés publics obéissent normalement aux principes d'allotissement et de dissociation des missions de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur de travaux

a) Le principe d'allotissement des marchés publics

Le principe d'allotissement des marchés publics impose que ces derniers soient constitués de plusieurs sous-ensembles appelés « lots » et soient « passés en lots séparés », comme le prévoit l'article L. 2113-10 du code de la commande publique. Il s'applique à l'ensemble des marchés publics, qu'il s'agisse de marchés passés selon une procédure adaptée ou de marchés passés selon une procédure formalisée.

Les procédures de passation des marchés publics

La procédure de gré à gré s'applique aux marchés de faible montant152(*) ainsi qu'à certains marchés dans des domaines spécifiques153(*). Ces marchés sont passés sans publicité ni mise en concurrence préalables. L'acheteur doit toutefois choisir une offre pertinente et adaptée à ses besoins, respecter le principe de bonne utilisation des derniers publics et ne pas systématiquement faire appel au même prestataire.

La procédure adaptée s'applique aux marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est comprise entre 40 000 € hors taxes et les seuils financiers fixés par la Commission européenne154(*) ainsi qu'à certains marchés spécifiques155(*). Cette procédure permet aux acheteurs de définir leurs propres règles de publicité et de mise en concurrence, dans le respect des principes généraux applicables à la commande publique.

Les procédures formalisées s'appliquent aux marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est supérieure aux seuils financiers fixés par l'Union européenne156(*). Ces marchés doivent être passés selon une procédure d'appel d'offres, une procédure avec négociation ou une procédure de dialogue compétitif.

Il revient à l'acheteur de déterminer le nombre, la taille et l'objet des lots. Il peut également limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre, ou le nombre de lots pouvant être attribués à un même acteur économique, afin par exemple de « préserver la concurrence ou d'assurer la fiabilité de l'approvisionnement157(*) ».

Concrètement, à titre d'exemple, pour la construction d'un bâtiment, le marché public doit, en vertu de ce principe, comporter plusieurs lots qui peuvent être : (1) l'électricité, (2) les fenêtres, (3) l'isolation, (4) la maçonnerie et (5) la peinture.

L'objectif de ce principe est de favoriser la concurrence entre les entreprises et de leur permettre, quelle que soit leur taille, d'accéder à la commande publique.

b) Le principe de non-cumul des missions de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur de travaux découle de l'obligation d'allotir les marchés publics

Pour les maîtres d'ouvrage énumérés à l'article L. 2411-1 du code de la commande publique158(*), le droit de la commande publique interdit, en principe, le cumul des missions de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur de travaux, dans le cadre d'un marché public de maîtrise d'oeuvre conclu avec un opérateur économique de droit privé.

Ce principe résulte de l'article L. 2431-1 du code précité, qui dispose que « la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle confiée aux opérateurs économiques chargés des travaux ». Il constitue un cas d'application du principe d'allotissement des marchés publics, qui rend obligatoire la constitution de lots séparés.

Concrètement, un maître d'ouvrage figurant sur la liste fixée par l'article L. 2411-1 du même code se voit dans l'obligation de passer deux marchés de travaux afin de confier les missions de maîtrise d'oeuvre et d'exécution des travaux à deux acteurs économiques différents.

Les notions de maîtrise d'ouvrage, de maîtrise d'oeuvre et d'entrepreneur dans le droit de la commande publique

Un ouvrage correspond au résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil, destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique.159(*)

Les maîtres d'ouvrage sont les responsables principaux de l'ouvrage et sont chargés à ce titre, entre autres, de s'assurer de la faisabilité et de l'opportunité d'une opération, de déterminer sa localisation, de financer l'opération ou encore de conclure les marchés publics ayant pour objet les études et l'exécution des travaux de l'opération160(*).

Les maîtres d'oeuvre assurent une mission de conception, et sont chargés de réaliser des études pour apporter une réponse (architecturale, technique et économique) au programme défini par le maître d'ouvrage pour réaliser une opération161(*). Plus précisément, la mission de maîtrise d'oeuvre peut comprendre la réalisation des études de projets, l'assistance au maître d'ouvrage pour la passation des marchés de travaux, la direction de l'exécution des marchés de travaux ou encore le pilotage et la coordination du chantier162(*).

Enfin, l'entrepreneur est celui chargé de réaliser les travaux et est aussi appelé « opérateur économique chargé des travaux ».

1.2 Les marchés de conception-réalisation dérogent aux principes d'allotissement des marchés publics et de dissociation des missions de maître d'oeuvre et d'entrepreneur

Par dérogation à l'article L. 2431-1 du code de la commande publique, les marchés de conception-réalisation, qui font partie des marchés globaux163(*) dérogeant au principe de l'allotissement, sont des marchés de travaux qui permettent à l'acheteur de confier à un groupement d'opérateurs économiques ou à un seul opérateur une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux164(*).

Les acheteurs énumérés à l'article L. 2411-1 du même code ne peuvent conclure un marché de conception-réalisation que dans les cas suivants :

- si des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage165(*), étant précisé que cette formule ne permet par le recours à ce type de contrat en cas d'urgence166(*) ;

- si un engagement contractuel portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rend nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage167(*) ;

- si le maître d'ouvrage est un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou une société d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux et que le marché porte sur la réalisation de logements locatifs aidés par l'État, financés avec le concours des aides publiques mentionnées au 1° de l'article L. 301-2 du code de la construction et de l'habitation168(*) ;

- pour certains ouvrages particuliers, tels que les ouvrages de bâtiment ou d'infrastructure destinés à une activité industrielle dont la conception est déterminée par le processus d'exploitation169(*).

1.3. Un assouplissement des modalités de recours aux marchés de conception-réalisation a été introduit à titre expérimental en Guyane et à Mayotte, pour la construction d'écoles primaires

L'article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a assoupli, à titre expérimental, les possibilités de recours aux marchés de conception-réalisation en Guyane et à Mayotte.

Ainsi, en Guyane et à Mayotte, pour une durée de sept ans à compter de la promulgation de la loi précitée, soit jusqu'au 25 juillet 2026, il est possible de passer un marché de conception-réalisation pour la réalisation d'écoles élémentaires et maternelles d'enseignement public, même si les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas remplies.

Les acheteurs peuvent donc passer un marché de conception-réalisation pour la réalisation d'écoles primaires sans démontrer que des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage.

Introduit à l'initiative du Sénat, ce dispositif vise à accélérer le processus de passation des marchés publics et donc la construction des écoles publiques, face au constat d'infrastructures scolaires saturées en Guyane comme à Mayotte, en raison du taux de natalité particulièrement élevé et des flux migratoires importants constatés dans ces deux collectivités.

Le recours à des marchés de conception-réalisation permet en effet d'éviter la multiplication des procédures de passation des marchés publics, et offre ainsi un gain de temps non négligeable pour les acheteurs.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, dix marchés de conception-réalisation sur le fondement de l'article 59 de la loi précitée ont été signés à Mayotte, pour un montant cumulé d'environ 35 millions d'euros. Selon les informations transmises aux rapporteurs par la direction générale des outre-mer (DGOM), « les premiers retours sont encourageants : les projets menés en conception-réalisation ont permis de gagner entre 4 semaines et 12 mois sur les délais de livraison. À titre d'exemple, l'école primaire de Koungou a été construite en 27 mois, contre 34 en procédure classique ».

2. Le dispositif proposé : élargir le champ de l'expérimentation lancée en 2019 pour faire face à la saturation des établissements scolaires et d'enseignement supérieur

2.1. Dans un contexte de pression migratoire et de forte croissance démographique, les établissements scolaires et d'enseignement supérieur apparaissent saturés à Mayotte

a) Une saturation des établissements scolaires et d'enseignement supérieur liée à la croissance démographique observée à Mayotte

L'intense pression migratoire à laquelle est confronté l'archipel de Mayotte ainsi que le taux de natalité qui y est constaté ont provoqué la saturation des établissements scolaires et d'enseignement supérieur du territoire. Ainsi, comme indiqué par la DGOM, « les capacités d'accueil dans les établissements scolaires sont insuffisantes pour permettre l'accueil de l'ensemble des élèves, en raison de la forte croissance démographique que connaît l'archipel, sous l'influence des flux migratoires et du nombre de naissances, en forte hausse ».

À la rentrée 2024, l'académie de Mayotte comptait 115 066 élèves scolarisés sur le territoire, dont 63 766 dans le premier degré, 50 077 dans le second degré et 1 223 dans l'enseignement supérieur, selon les données transmises par le ministère de l'éducation nationale.

Ce chiffre n'a cessé de se renforcer au cours des dernières années, en raison de la forte croissance démographique que connaît l'archipel. Le nombre d'élèves scolarisés à Mayotte a ainsi augmenté de plus de 17 % depuis 2020170(*), et ce phénomène devrait se poursuivre à l'avenir. Selon le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, « Mayotte est le seul territoire, de métropole et d'outre-mer, qui enregistrera une croissance continue de ses effectifs d'élèves scolarisés dans l'enseignement public du premier degré jusqu'en 2027, alors qu'il est attendu au niveau national une baisse de plus de 77 000 élèves à la rentrée 2025 et plus de 100 000 à la rentrée 2026 ».

Concernant les infrastructures scolaires et universitaires, Mayotte dispose de 220 écoles primaires, 22 collèges et 11 lycées. Ces infrastructures apparaissent d'ores et déjà saturées, comme en témoignent :

- le nombre d'enfants déscolarisés à Mayotte, qui s'établit entre 6 000 et 10 000171(*), faute de place dans les écoles primaires pour les accueillir ;

- la mise en place d'un système de rotation scolaire et de classes itinérantes dans le premier degré ;

Les mesures mises en place face à la saturation des écoles primaires

Face à la saturation des écoles maternelles et élémentaires de Mayotte, plusieurs mesures ont été mises en place pour accueillir le maximum d'élèves.

En premier lieu, un système de rotation a été mis en place dans 57 % des écoles primaires. Selon le rectorat de Mayotte, ce système permet « d'accueillir au sein d'une école une équipe pédagogique et leurs élèves le matin de 7 h à 12 h sur 5 jours puis une autre équipe pédagogique avec d'autres élèves l'après-midi, de 12 h 30 à 17 h 30. Dans certaines circonscriptions la rotation (les équipes et les élèves qui sont du matin, passent à l'après midi et inversement) se fait toutes les deux semaines, dans d'autres sur chaque période (6 semaines entre chaque petites vacances) ».

En second lieu, a également été instauré un système de classes itinérantes, dotées chacune d'un enseignant, qui « accueille plusieurs groupes d'élèves, chacun deux heures par jour (...) pour tenter de proposer un temps de scolarité (avant 6 ans) à un maximum d'élèves » n'ayant pas pu obtenir de place dans une école. Ces classes itinérantes, au nombre de 11, sont implantées dans une école ou dans un lieu tiers et accueillent à l'heure actuelle 776 élèves. Grâce à ce système, les élèves concernés ont au moins dix heures d'enseignement par semaine.

- le taux d'occupation dans les collèges et lycées, qui s'élève à 130 % en moyenne172(*) ;

- le nombre de néo-bacheliers contraints de quitter Mayotte pour poursuivre leurs études, de l'ordre de 2 500 chaque année, ce qui représente 67 % des néo-bacheliers à Mayotte173(*).

Dans l'enseignement supérieur, cette saturation des infrastructures d'enseignement se conjugue à l'absence de résidence universitaire à tarifs sociaux, qui constitue un frein à la réussite, en raison des temps de transport nécessaires pour se rendre dans les établissements universitaires.

b) Une situation aggravée par le passage du cyclone Chido

La saturation des établissements scolaires et d'enseignement supérieur a été aggravée par le passage du cyclone Chido, le 14 décembre dernier, comme en témoignent les données transmises aux rapporteurs par le rectorat de Mayotte et le ministère de l'éducation nationale.

Concernant le premier degré, 563 classes ont été détruites lors du passage du cyclone Chido, ce qui représente 30 % des infrastructures existantes. Leur reconstruction devrait représenter un coût d'environ 145 millions d'euros.

S'agissant du second degré, le coût de la reconstruction des établissements endommagés par le cyclone s'élève à 65 millions d'euros. Les 33 établissements sont aujourd'hui ouverts, mais présentent d'importantes disparités en termes de salles disponibles. Si en moyenne, 86 % des salles de classes sont disponibles, cinq établissements ont moins de 75 % de leurs salles disponibles, tandis que 18 établissements ont 100 % de leurs salles disponibles.

Enfin, l'université de Mayotte a subi des dégâts importants et a perdu 40 % de ses surfaces d'accueil d'étudiants, avec notamment :

- la mise hors d'état du seul amphithéâtre du campus ;

- la dégradation de nombreuses salles, et notamment la destruction d'un bâtiment annexe modulaire de six salles ;

- la dégradation de la bibliothèque et la destruction de plus de la moitié de ses collections documentaires en raison des infiltrations d'eau.

Les travaux de reconstruction, dont le coût est estimé à 4,2 millions d'euros, n'ont pas encore été engagés. Seules des réparations provisoires ont jusqu'alors été réalisées.

c) Des besoins importants pour résoudre la problématique de la saturation des établissements scolaires et d'enseignement supérieur à Mayotte

Résoudre la problématique de la saturation des établissements scolaires et d'enseignement supérieur à Mayotte nécessiterait la construction d'un nombre important de salles de classes.

Selon le ministère de l'éducation nationale, avant le passage du cyclone Chido et dans le premier degré, il manquait ainsi 1 200 salles de classes pour mettre fin au système de rotations scolaires. À horizon 2031, « le nombre de salles nécessaire afin de mettre fin aux rotations, aux classes itinérantes et en tenant compte des projections démographiques, s'élèverait à plus de 4 000 ».

Concernant les collèges et après le passage du cyclone Chido, « les prévisions concernant les effectifs mettent à jour un besoin de 6 101 salles en 2026 et plus de 7 492 en 2031 ». Pour les lycées, il serait nécessaire construire 1 395 salles d'ici 2026, pour faire face à la croissance des effectifs.

Enfin, s'agissant des résidences universitaires, l'étude d'impact souligne qu'en « se basant sur l'objectif historique de taux de couverture par l'offre de logement social étudiant de 7 % de la population visée, il serait adapté de construire à court terme et a minima une résidence d'au moins 200 places. Au regard de la démographie et de l'importante proportion de boursiers à Mayotte, le besoin réel est plus élevé ».

2.2. Dans ce contexte, le dispositif prévu par l'article 21 du projet de loi entend accélérer et faciliter la construction d'établissements scolaires et d'enseignement supérieur et de résidences universitaires

Face à la saturation des infrastructures scolaires et universitaires, le dispositif prévu par l'article 21 du projet de loi vise à faciliter et accélérer la construction d'écoles primaires, de collèges, de lycées, d'établissements d'enseignement supérieur et de résidences universitaires, afin de permettre d'accueillir davantage d'élèves et d'étudiants.

Dans cette optique, cet article permettrait, jusqu'au 31 décembre 2030, de recourir aux marchés de conception-réalisation pour la construction d'écoles élémentaires et maternelles, de collèges et de lycées de l'enseignement public, de résidences universitaires au sens de l'article L. 631-12 du code de la construction et de l'habitation174(*) et de constructions affectées à l'enseignement supérieur à Mayotte, même si les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 2171-2 du code de la commande publique ne sont pas remplies175(*).

Ce faisant, l'article 21 élargit et prolonge, à Mayotte seulement, le champ de l'expérimentation introduite en Guyane et à Mayotte par l'article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, qui concernait uniquement la construction d'écoles primaires.

L'objectif est d'accélérer la construction de ces infrastructures, en évitant la multiplication des procédures de passation des marchés publics et en assurant « une continuité entre les phases du projet176(*) ».

Concernant l'application dans le temps de ces dispositions :

- pour la réalisation d'écoles élémentaires et maternelles, la dérogation serait applicable aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à compter de la promulgation de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, puisque cette possibilité était déjà ouverte depuis lors ;

- pour la réalisation de collèges, de lycées, de résidences universitaires et de constructions affectées à l'enseignement supérieur, la dérogation serait applicable aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à compter de la promulgation de la présente loi.

Enfin, un rapport d'évaluation serait remis par le Gouvernement au Parlement, six mois avant la fin de l'expérimentation.

3. La position de la commission : adopter un dispositif indispensable pour permettre la scolarisation de l'ensemble des élèves de Mayotte

La commission ne peut qu'approuver l'objectif poursuivi par l'article 21 du projet de loi, à savoir faciliter la construction d'infrastructures scolaires et universitaires à Mayotte.

La situation en la matière apparaît en effet particulièrement préoccupante, comme en témoignent le nombre d'enfants déscolarisés, faute de places dans les écoles, ou encore les solutions mises en place pour y faire face, telles que le système de rotation scolaire, qui conduisent à une scolarité dégradée pour une grande partie des élèves mahorais.

Face à cette situation qu'ils jugent intolérable, les rapporteurs ont donc pleinement souscrit au dispositif proposé, tant les besoins sont grands en termes d'établissements scolaires et universitaires.

Le recours aux marchés de conception-réalisation devrait permettre, selon la DGOM, de réduire les délais de construction de quatre semaines en moyenne, voire de douze mois sur certaines opérations.

Outre le gain de temps, la possibilité de passer des marchés de conception-réalisation offre :

un allègement de charges pour les acheteurs, qui n'ont qu'une procédure de passation unique à organiser, ce qui apparaît d'autant plus nécessaire compte tenu du manque d'ingénierie publique locale ;

une réduction des coûts de coordination, puisque l'acheteur peut s'adresser à un unique interlocuteur pour l'ensemble des prestations du marché ;

- une meilleure anticipation des risques et des ajustements nécessaires, grâce à l'intégration, dès la conception du projet, des contraintes spécifiques du territoire telles que le désordre foncier ;

une meilleure anticipation budgétaire et par conséquent une plus grande sécurité pour l'acheteur, puisque ce dernier peut s'assurer plus tôt de la compatibilité entre l'estimation financière initiale (estimation du maître d'ouvrage) et la réalité économique du projet (montant du marché de travaux) ;

au final, un renforcement de l'efficacité globale de la commande publique.

Pour toutes ces raisons et compte tenu de la nécessité d'agir le plus rapidement possible pour réduire la saturation des établissements scolaires et universitaires, la commission a pleinement approuvé le dispositif proposé.

La commission a adopté l'article 21 sans modification.

Article 22
Création d'une zone franche globale

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances.

Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté l'amendement COM-11 de son rapporteur Stéphane Fouassin.

La commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.

Article 23
Zonage de l'intégralité de Mayotte en QPV

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires économiques.

Lors de sa réunion, la commission des affaires économiques a adopté l'amendement COM-71 de sa rapporteure Micheline Jacques.

La commission a adopté l'article 23 ainsi modifié.

Article 24
Identification animale par la chambre d'agriculture, de pêche et d'aquaculture

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des affaires économiques.

La commission a adopté l'article 24 sans modification.

Article 25
Compétence de la collectivité de Mayotte en matière de développement des sports de nature

L'article 25 tend, par une modification du code du sport, à permettre à la collectivité de Mayotte d'exercer les compétences attribuées à l'ensemble des départements en matière de développement des sports de nature.

Attendue des élus mahorais, cette extension de compétence a été jugée bienvenue par la commission, qui a adopté l'article 25 sans modification.

1. Le développement des sports de nature, une compétence départementale qui n'a pas été attribuée à Mayotte par le législateur

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983177(*), les départements exercent une compétence en matière d'itinéraires de promenade et de randonnée.

En application de l'article L. 311-3 du code du sport, les départements sont aujourd'hui chargés de « [favoriser] le développement maîtrisé des sports de nature ». Dans ce cadre, il leur appartient d'élaborer un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (PDESI), incluant le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée prévu à l'article L. 361-1 du code de l'environnement.

Une commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (CDESI), placée auprès du président du conseil départemental, concourt à l'élaboration du PDESI et propose des conventions pour sa mise en oeuvre178(*).

Or, le Département de Mayotte ne bénéficie pas de ces compétences ni de ces outils puisque l'article L. 421-1 du code du sport dispose que l'article L. 311-3 du même code n'est pas applicable à Mayotte.

D'après l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, le conseil départemental de Mayotte « a saisi le ministère des outre-mer en février 2019 pour demander l'application de la législation à Mayotte et pour informer de son projet de lancer la création » d'une CDSEI.

2. Le dispositif : permettre à Mayotte d'exercer les mêmes compétences que l'ensemble des départements en matière de développement des sports de nature

L'article 25 tend ainsi à modifier l'article L. 421-1 du code du sport afin de rendre applicables à Mayotte les articles du même code qui confèrent aux départements la compétence pour le développement maîtrisé des sports de nature.

3. La commission a souscrit à l'extension des compétences de la collectivité de Mayotte en matière de développement des sports de nature

La commission a accueilli favorablement cet alignement des compétences de la collectivité de Mayotte sur les compétences dévolues à l'ensemble des départements, a fortiori au regard du potentiel qu'offre ce territoire en la matière.

La commission a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26
Extension aux lycéens mahorais du bénéfice du passeport
pour la mobilité des études

L'article 26 étend aux lycéens qui résident à Mayotte le bénéfice du passeport pour la mobilité des études. Cette aide, dont la gestion relève de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), a pour objet la prise en charge des frais de transport vers le lieu d'études. Elle serait désormais ouverte aux lycéens qui justifient de l'impossibilité de suivre la formation de leur choix à Mayotte, du fait de son inexistence ou de sa saturation.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 1803-1 du code des transports, la politique nationale de continuité territoriale a notamment pour objet d'« atténuer les contraintes de l'insularité et de l'éloignement, notamment en matière d'installation professionnelle, et à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer. »

La gestion des aides relevant de cette politique de continuité territoriale relève de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), établissement public de l'État à caractère administratif (art. L. 1803-10 du code des transports).

Parmi ces aides figure, en vertu de l'article L. 1803-5 de ce code, le « passeport pour la mobilité des études », qui a pour objet le financement d'une partie des titres de transports :

- des étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur « lorsque l'inscription dans cet établissement est justifiée par l'impossibilité de suivre un cursus scolaire ou universitaire, pour la filière d'étude choisie, dans la collectivité de résidence » ;

- des élèves de lycée de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon « lorsque la filière qu'ils ont choisie est inexistante dans leur collectivité de résidence habituelle et que la discontinuité territoriale ou l'éloignement constitue un handicap significatif à la scolarisation ».

Cette aide, également soumise à une condition de ressources, consiste en la prise en charge intégrale du coût du titre de transport aérien, sur toute la durée des études dans la limite d'un aller et d'un retour par an.

Les dispositions réglementaires précisent que ne peuvent bénéficier de cette aide les étudiants et élèves qui ont subi deux échecs successifs aux examens et concours de fin d'année scolaire ou universitaire (art. D. 1803-4 du code des transports) et que l'impossibilité de suivre un cursus scolaire ou universitaire dans la collectivité de résidence est attestée par le recteur ou le vice-recteur territorialement compétent (art. D. 1803-5 du même code).

2. Le dispositif proposé : une extension aux lycéens dans l'impossibilité de suivre la formation de leur choix à Mayotte

L'article 26 modifie le troisième alinéa de l'article L. 1803-5 du code des transports pour étendre aux élèves de lycée de Mayotte le bénéfice du passeport pour la mobilité des études.

L'octroi de cette aide demeurerait soumis aux autres conditions prévues par le code des transports, en particulier celle tirée de ce qu'ils « justifient de l'impossibilité de suivre la formation qu'ils ont choisie » à Mayotte.

Cette condition d'« impossibilité », qui résulte de l'examen du projet de loi par le Conseil d'État, recouvre non seulement le cas où la filière choisie ne serait pas proposée à Mayotte mais également celui où cette filière serait saturée.

Ainsi que l'expose l'étude d'impact, ce dernier cas de figure est particulièrement répandu en ce qui concerne la voie professionnelle : « Les capacités d'accueil en voie professionnelle sont insuffisantes au regard de la demande : pas plus d'un tiers des élèves de classe de troisième peut être accueilli en voie professionnelle. L'offre de formation est insuffisante au regard des demandes des élèves, des familles et des décisions d'orientation prises par les conseils de classe. Par exemple, en juin 2024, alors que 45 % des décisions d'orientation étaient dirigées vers la voie professionnelle, les élèves sont orientés en voie générale par défaut de capacités d'accueil. »

L'étude d'impact estime à 320 le nombre de bénéficiaires potentiels du passeport pour la mobilité des études, chiffre qui paraît limité au regard des développements précités, pour un coût total de 660 000 euros.

3. La position de la commission : une disposition utile, qui devra s'inscrire dans le cadre d'un développement des aides à la mobilité

La commission a approuvé le présent article, qui participe du développement de la mobilité des jeunes mahorais. Cette disposition, à la portée modeste, devra s'accompagner d'autres dispositifs permettant de lever les freins à la poursuite d'études, notamment financiers, y compris au sein du territoire de Mayotte.

Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche indique ainsi qu'il est prévu de créer à Mayotte cinq internats supplémentaires d'ici 2028, pour un total de 600 places, qui représentent un investissement de la part de l'État de 42 millions d'euros.

La commission a adopté l'article 26 sans modification.

Article 27
Création d'un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte

L'article 27 crée, sur le modèle de celui prévu par l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 et qui devrait prendre fin le 1er septembre 2025, un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte.

À la différence du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), il ne serait pas exigé d'adopter une organisation de la semaine scolaire sur cinq matinées ; cette organisation ouvrirait en revanche droit à une majoration forfaitaire, par élève, des aides versées. Par conséquent, toutes les communes organisant des activités périscolaires au profit des élèves du premier degré dans le cadre d'un projet éducatif territorial seraient éligibles à ces aides.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Un soutien de l'État aux activités périscolaires appelé à prendre fin le 1er septembre 2025

Afin de favoriser l'organisation d'activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires à l'école primaire, l'article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République a créé un fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP).

D'abord limité aux seules années scolaires 2013-2014 puis 2014-2015, ce fonds a été pérennisé par l'article 96 de la loi de finances initiale pour 2015179(*), qui a subordonné le bénéfice des aides à la mise en place d'un projet éducatif territorial (PEDT) prévu par l'article L. 551-1 du code de l'éducation.

Les aides versées au titre du FSDAP sont calculées en fonction du nombre d'élèves scolarisés qui bénéficient, dans le cadre d'un PEDT, d'activités périscolaires et qui sont scolarisés dans une école primaire publique ou privée dispensant un enseignement organisé sur cinq matinées - conformément aux principes de la réforme des rythmes scolaires de 2013.

L'article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 précitée prévoit un montant forfaitaire par élève assorti d'une majoration forfaitaire pour les communes les moins favorisées - toutes les communes de Mayotte étant éligibles à cette majoration forfaitaire. Leur taux, pour l'année scolaire 2024-2025, s'élève respectivement à 50 et à 40 euros.

En raison notamment de la baisse du nombre de communes ayant conservé une organisation de l'année scolaire sur quatre jours et demi, l'article 234 de la loi de finances initiale pour 2024180(*) a prévu l'abrogation de l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013, et donc la fin du FDSAP, au 1er septembre 2025.

À Mayotte, treize communes sur dix-sept sont éligibles au FSDAP et ont reçu en 2023-2024 un montant total de 4,5 millions d'euros au titre des 50 284 élèves concernés, soit environ 80 % des élèves du premier degré à Mayotte. Les aides versées aux communes mahoraises représentent une part importante (12 %) du montant total des aides versées au titre du FSDAP, qui s'élève à 36,6 millions d'euros en 2023-2024.

2. Le dispositif proposé : un fonds spécifique pour Mayotte, sur le modèle du FSDAP

L'article 26 crée un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte appelé à prendre le relais du FSDAP à Mayotte à partir de la rentrée scolaire 2025.

Toute commune - ou, le cas échéant, tout EPCI exerçant la compétence en matière périscolaire - proposant des activités périscolaires dans le cadre d'un PEDT conclu avec l'État serait éligible au versement des dotations de ce fonds.

Leur montant serait fonction du nombre d'élèves scolarisés dans une école publique ou privée sous contrat dans laquelle des activités périscolaires sont organisées, sur la base d'un montant forfaitaire par élève (1° du I de l'article 27), qui fait l'objet d'une majoration forfaitaire lorsque l'enseignement est organisé sur cinq matinées (2° du I).

À la différence du FSDAP, l'organisation de l'enseignement sur cinq matinées, selon les principes de la réforme des rythmes scolaires de 2013, ne serait donc pas une condition pour bénéficier des aides du fonds ; elle permettrait en revanche de bénéficier de la majoration susmentionnée.

Comme s'agissant du FSDAP, il est précisé que les aides versées au titre du présent fonds ne constituent pas des dépenses de fonctionnement au sens de l'article L. 442-5 du code de l'éducation, et ne sont ainsi pas prises en compte pour le calcul du « forfait communal » dû par les communes aux écoles privées sous contrat d'association

3. La position de la commission : une disposition qui permet de préserver les activités périscolaires, dans un contexte marqué par des difficultés importantes pour assurer la scolarisation de tous les enfants

La fin du FSDAP aurait représenté la perte de 4,5 millions d'euros de dotations pour les communes mahoraises, alors que les conditions de scolarisation se sont fortement dégradées depuis le cyclone Chido.

En effet, le système de « rotation » - qui désigne une scolarisation par demi-journées des élèves, faute d'infrastructures en nombre suffisant -, qui concernait un tiers des écoles primaires mahoraises avant le cyclone Chido, a désormais cours dans la majorité des écoles. D'après le recteur de l'académie de Mayotte, « La détérioration du bâti a multiplié les regroupements d'élèves dans une même école, parfois en triple ou quadruple rotation » - ce qui conduit mécaniquement à réduire les horaires d'enseignement en deçà des exigences réglementaires.

Accueillir les enfants de ces classes en dehors des heures d'enseignement et leur proposer des activités périscolaires de qualité constituent ainsi un enjeu majeur.

Le coût de la mesure devrait demeurer modique : le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche indique que les taux des aides demeureraient identiques à ceux du FSDAP, soit un montant de 50 euros par élève pouvant être majoré de 40 euros.

Dans l'éventualité d'une intégration des quatre communes n'ayant pas conclu de PEDT - la suppression de la condition tenant à l'organisation scolaire sur cinq matinées leur ouvrant la possibilité de bénéficier du fonds -, l'étude d'impact estime à 5,3 millions d'euros (M€) le montant total des aides au titre de l'année scolaire 2025-2026, qui augmenterait progressivement les années suivantes par l'effet de la démographie scolaire. Dans l'hypothèse où ces quatre communes bénéficieraient de la majoration, le montant total des aides versées s'élèverait à 5,8 M€ en 2025-2026.

Dans ces conditions, la commission a approuvé la présente mesure.

La commission a adopté l'article 27 sans modification.

Article 28
Création d'une priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l'État affectés à Mayotte

Afin de renforcer l'attractivité de la fonction publique à Mayotte, l'article 28 tend à instituer une nouvelle priorité de mutation au bénéfice des fonctionnaires de l'État ayant accompli au moins trois années de services effectifs dans un emploi à Mayotte.

Face aux difficultés pour attirer des fonctionnaires à Mayotte et à la nécessité de renforcer l'action de l'État dans le territoire, la commission a approuvé le dispositif et estimé qu'il serait de nature à favoriser l'installation de fonctionnaires de l'État à Mayotte. Elle a par conséquent adopté cet article sans modification.

1. Les mutations des fonctionnaires de l'État sont prononcées dans le respect de l'intérêt du service mais peuvent prendre en compte des critères supplémentaires

1.1. Les règles applicables aux mutations des fonctionnaires de l'État

La mutation se définit comme « la décision déplaçant un fonctionnaire d'un poste que son grade lui donnait vocation à occuper vers un autre poste que son grade lui donne vocation à occuper181(*) ». Plus précisément, la mutation permet à un fonctionnaire titulaire de changer d'emploi, au sein de la même fonction publique, sans changer de corps ni de cadre d'emplois.

La mutation d'un fonctionnaire de l'État est prononcée par l'autorité compétente en tenant compte des besoins du service182(*) et dans le respect des lignes directrices de gestion en matière de mobilité183(*) prévues par l'article L. 413-4 du code général de la fonction publique, qui fixent les orientations générales de chaque employeur en matière de mobilité et clarifient les critères d'examen des demandes de mutation184(*).

La mutation tient compte, « dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service (...) des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille185(*) ».

Elle peut être décidée :

d'office par l'administration, dans l'intérêt du service, « lorsqu'il y a urgence à pourvoir un poste vacant », « en vue d'améliorer la répartition du personnel au sein d'une administration186(*) » ou peut encore « être la conséquence d'une inaptitude à exercer des fonctions ou d'une attitude pouvant nuire au bon fonctionnement du service, sans qu'une faute professionnelle soit pour autant reprochée à l'agent187(*) » - telles que de « graves dissensions au sein du personnel188(*) ».

à la demande du fonctionnaire, qui doit postuler sur un emploi vacant correspondant à son grade et obtenir l'accord de l'administration d'accueil ainsi que de son administration d'origine - laquelle peut s'opposer à la mutation en raison des nécessités de service189(*) ;

dans le cadre de tableaux périodiques de mutations190(*) donnant lieu à un mouvement organisé au sein d'une administration ;

en guise de sanction disciplinaire du deuxième groupe191(*), à la suite, par exemple, d'une méconnaissance des obligations de réserve, de discrétion professionnelle et d'obéissance hiérarchique192(*).

1.2. Les priorités légales de mutation des fonctionnaires de l'État

Les mutations des fonctionnaires de l'État sont prononcées dans l'intérêt du service mais peuvent tenir compte de la situation particulière de certains fonctionnaires.

Le législateur a ainsi introduit des priorités légales de mutation pour les fonctionnaires de l'État, limitativement énumérées par le code général de la fonction publique.

L'article L. 512-19 du code général de la fonction publique prévoit ainsi que « les demandes de mutation sont examinées en donnant priorité aux fonctionnaires de l'État » relevant de l'une des situations suivantes :

- être séparé de son conjoint ou du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité pour des raisons professionnelles ;

- être en situation de handicap relevant de l'une des catégories mentionnées à l'article L. 131-8 du code précité ;

- exercer ses fonctions dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles193(*) ;

- justifier du centre de ses intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie ;

- être affecté sur un emploi qui est supprimé.

Des priorités supplémentaires peuvent également être prévues par les statuts particuliers des enseignants, des personnels d'éducation, des psychologues de l'éducation nationale, des personnels de direction des établissements d'enseignement et des personnels d'inspection relevant du ministère de l'éducation nationale et des corps relevant de statuts spéciaux, pour répondre aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps194(*).

À titre d'exemple, l'article 39-1 du décret n° 82-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés précise, sur ce fondement, que « pour prononcer les affectations, il est tenu compte, dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, des priorités prévues par l'article L. 512-19 du code général de la fonction publique et, en outre, des critères de priorité suivants », qui incluent par exemple « la situation de l'agent affecté dans un territoire ou une zone rencontrant des difficultés particulières de recrutement » ou le « caractère répété d'une même demande de mutation ainsi que son ancienneté ».

Enfin, les articles L. 442-5 et L. 442-6 du code général de la fonction publique prévoient deux cas supplémentaires de priorité de mutation ou de détachement, qui prévalent sur les priorités présentées ci-dessus195(*). Ces dispositions prévoient respectivement que :

le fonctionnaire de l'État dont l'emploi est supprimé bénéficie à sa demande d'une priorité de mutation ou de détachement dans tout emploi vacant correspondant à son grade au sein du département ministériel dont il relève ou d'un établissement public sous tutelle, sur l'ensemble du territoire national ;

le fonctionnaire de l'État qui ne peut se voir offrir un emploi correspondant à son grade en application de l'article L. 442-5 du code précité bénéficie d'une priorité d'affectation ou de détachement dans les emplois vacants correspondant à son grade dans un autre département ministériel ou dans un établissement public de l'État dans le département ou, à défaut, dans la région où est située sa résidence administrative.

Lorsqu'un fonctionnaire est placé dans l'une de ces situations, il « bénéficie d'une priorité pour l'examen de sa demande de mutation, mais il s'agit là d'une simple priorité pour l'examen, et non pas d'un droit à être affecté sur le poste pour lequel il a demandé sa mutation196(*) ».

2. Le dispositif proposé : instaurer une nouvelle priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l'État ayant accompli au moins trois années de services à Mayotte afin de renforcer l'attractivité de la fonction publique dans l'archipel

2.1. L'archipel de Mayotte est caractérisé par un déficit d'attractivité des postes offerts dans la fonction publique d'État, en dépit des dispositifs incitatifs mis en place pour y remédier

a) La faible attractivité des postes offerts dans la fonction publique à Mayotte

Mayotte est caractérisée par une faible attractivité des emplois publics sur son territoire.

Ainsi, le taux d'administration moyen à Mayotte s'établit à 70 emplois publics pour 1 000 habitants, alors que ce taux est de 74 en moyenne dans le reste de la France. Selon l'étude d'impact, le taux d'administration à Mayotte est « d'autant inférieur que, contrairement aux taux calculés pour les autres régions et la France hors Mayotte, il n'est pas corrigé de la quotité de travail est donc potentiellement surévalué ».

Ce constat est corroboré par le nombre d'emplois permanents non pourvus, qui apparaît en augmentation. Sur les trois versants de la fonction publique, leur nombre s'établissait ainsi à 532 offres non pourvues en 2023, contre 472 en 2022, soit une augmentation de 13 %.

Le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, a aggravé ce phénomène en provoquant le départ de nombreux fonctionnaires d'État vers La Réunion ou la métropole. Selon les informations transmises aux rapporteurs par l'Union nationale des syndicats autonomes-Fonction publique (UNSA-Fonction publique), certains agents publics partis à la suite du cyclone sont revenus à Mayotte, mais beaucoup ont « été confrontés à des problèmes de logement détruit et des problèmes accentués pour les enfants ». Ce constat est partagé par la Confédération générale du travail-Fonction publique (CGT Fonction publique), qui note qu'une partie des agents publics ayant été rapatriés ont « regagné l'île une fois l'urgence passée », mais que « beaucoup ont sollicité une réaffectation ailleurs, soit en raison de l'absence de logement ou d'école praticable pour leur famille après le cyclone, soit par crainte de nouvelles crises » et qui craint une baisse durable de l'attractivité de Mayotte pour les fonctionnaires.

Outre les aléas climatiques, ce déficit d'attractivité de la fonction publique à Mayotte s'explique d'abord par le coût de la vie. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), les prix hors loyers étaient plus élevés de 10 % à Mayotte en 2022 par rapport à la France métropolitaine et l'écart de prix atteignait jusqu'à 30 % pour les produits alimentaires197(*).

La « situation sécuritaire extrêmement préoccupante198(*) » observée dans l'archipel contribue également à renforcer ce manque d'attractivité. Comme souligné par le rapport d'information de la commission des lois du Sénat sur la sécurité à Mayotte199(*), les acteurs entendus par la mission d'information ont fait état d'un « degré ahurissant de violence à l'encontre des forces de l'ordre » et d'un « niveau de délinquance [qui] ne permet pas aux habitants de l'île de mener une vie normale », avec notamment des affrontements entre bandes rivales et des violences intercommunautaires.

Le problème d'attractivité des postes offerts aux fonctionnaires à Mayotte est aggravé par les difficultés de scolarisation des enfants ou de recherche d'emploi. Les fonctionnaires souhaitant s'installer à Mayotte accompagnés de leur famille se heurtent en effet à la problématique de l'enseignement scolaire à Mayotte. Le nombre de places disponibles dans les établissements scolaires de l'archipel n'est en effet pas suffisant pour accueillir l'ensemble des enfants en âge d'être scolarisés, ce qui a rendu par exemple nécessaire l'instauration d'un système de rotation dans les écoles. De plus, il est difficile pour les conjoints de fonctionnaires en poste à Mayotte de trouver un emploi dans l'archipel, compte tenu du niveau de chômage très élevé200(*).

Ces difficultés s'expliquent enfin par les difficultés d'accès au logement, mises en lumière au cours des auditions conduites par les rapporteurs, ainsi que par les conditions de vie difficiles, marquées par exemple par de fréquentes coupures d'eau.

b) Les mécanismes incitatifs mis en place pour remédier à la faible attractivité de Mayotte pour les fonctionnaires

Face au constat d'une faible attractivité des postes offerts dans la fonction publique à Mayotte, plusieurs dispositifs indemnitaires incitatifs ont été mis en place pour y remédier.

En premier lieu, les fonctionnaires de l'État, les fonctionnaires hospitaliers et les magistrats affectés à Mayotte bénéficient d'une majoration de traitement de 40 % du traitement indiciaire brut201(*).

En deuxième lieu, les fonctionnaires de l'État et les magistrats titulaires et stagiaires établis à Mayotte perçoivent une indemnité de sujétion géographique, à condition qu'ils y accomplissent une durée minimale de deux années consécutives de services202(*). L'indemnité est versée en deux fractions égales, lors de l'installation dans le nouveau poste et après deux ans de services. Son montant correspond à 10 mois du traitement indiciaire brut. De plus, le versement de cette indemnité peut être renouvelé une fois pour les fonctionnaires et les magistrats dont l'affectation à Mayotte se poursuit pour une nouvelle période minimale de deux années consécutives de services.

En troisième lieu, concernant le logement, un dispositif de prise en charge partielle des loyers a été mis en place. Le décret n° 67-1039 du 29 novembre 1967 portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'État en service dans les territoires d'outre-mer, applicable à Mayotte, précise ainsi que les « magistrats et les fonctionnaires de l'État mariés ayant la qualité de chef de famille, veufs, divorcés ou célibataires, en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie ».

Dans le cas où, faute de logement disponible, les magistrats ou les fonctionnaires de l'État sont obligés de se loger et de se meubler à leurs frais, l'article 6 du décret précité prévoit un dispositif de remboursement partiel du loyer. Selon les informations transmises aux rapporteurs par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), le montant moyen versé à ce titre actuellement à Mayotte est de 440 € mensuels pour 2 440 bénéficiaires.

Enfin, une bonification de points pour les mouvements des enseignants à Mayotte a été introduite par le ministère de l'éducation nationale dans ses lignes directrices de gestion. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2024, les enseignants comptabilisant au moins cinq années de services effectifs et continus à Mayotte bénéficient d'une bonification de 800 points sur les tous voeux exprimés.

2.2. Le dispositif proposé tend à créer une nouvelle priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l'État à Mayotte, afin de renforcer l'attractivité des postes offerts dans l'archipel

Pour renforcer l'attractivité de la fonction publique de l'État à Mayotte, l'article 28 vise à créer une nouvelle priorité légale de mutation pour les fonctionnaires de l'État affectés à Mayotte, qui serait insérée dans un nouvel article L. 561-2 du code général de la fonction publique.

Cette priorité de mutation bénéficierait aux fonctionnaires de l'État affectés à Mayotte, dans un emploi d'une administration de l'État ou d'un établissement public de l'État, et justifiant d'une durée minimum de services accomplis de trois années dans cet emploi.

À l'issue de ces trois années de services accomplis, lesquels seraient pris en compte à compter de l'entrée en vigueur de la loi, le fonctionnaire de l'État bénéficierait ainsi d'une priorité de mutation dans tout emploi vacant correspondant à son grade au sein du département ministériel dont il relève ou d'un établissement public sous tutelle.

Concernant l'articulation de cette nouvelle priorité de mutation avec celles déjà existantes, le dispositif proposé précise que celle-ci ne prévaudrait pas sur celles prévues par les articles L. 442-5, L. 442-6, L. 512-10 et L. 512-20 du code général de la fonction publique, évoquées supra.

En outre, cette nouvelle priorité de mutation ne pourrait être cumulée avec celle résultant de l'application des dispositions du 3° de l'article L. 512-19 du code général de la fonction publique, qui correspond à la situation d'un fonctionnaire exerçant ses fonctions dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles.

En effet, comme relevé par le Conseil d'État dans son avis sur le présent projet de loi203(*), les dispositions de l'article 23 du texte visent à classer provisoirement l'intégralité du territoire de Mayotte en quartier prioritaire de la ville. Ce dispositif aurait « mécaniquement pour effet d'étendre, au moins temporairement, le bénéfice de la priorité légale de mutation prévue au 3° de l'article L. 512-19 du code général de la fonction publique, à l'ensemble des agents de la fonction publique d'État entrant dans le champ d'application de cet article. Coexisteront ainsi de façon pérenne deux types de dispositions octroyant une priorité de mutation à raison de l'affectation à Mayotte, l'une, pour tous les fonctionnaires de l'État, après une durée d'affectation de trois ans à compter de la promulgation de la loi, les autres, pour certains fonctionnaires de l'État, après une durée d'affectation de cinq ou de sept ans à compter de cette même date ou, pour les agents déjà affectés à Mayotte à cette date, d'une date antérieure ».

3. La position de la commission : approuver un dispositif qui encouragera l'arrivée de fonctionnaires de l'État à Mayotte et renforcera l'action de l'État dans le territoire

Prenant acte du déficit d'attractivité de Mayotte pour les fonctionnaires, la commission des lois a approuvé sans réserve le dispositif proposé par l'article 28, qui a également fait l'objet d'un avis favorable du conseil départemental de Mayotte et du conseil commun de la fonction publique.

À l'instar du Conseil d'État, elle a considéré que la priorité de mutation créée par ces dispositions était justifiée par « un évident motif d'intérêt général de renforcement de l'attractivité de ce territoire ultra-marin pour les fonctionnaires de l'État204(*) » et qu'elle ne créait par conséquent pas de rupture d'égalité entre les fonctionnaires.

Face aux difficultés traversées par Mayotte, aggravées par le passage du cyclone Chido en décembre 2024, il apparaît en effet indispensable de renforcer l'action de l'État sur le territoire, pour assurer un fonctionnement des services publics et garantir la bonne exécution des mesures prévues par le présent projet de loi.

Si cette mesure s'inscrit dans le bon sens, elle ne résoudra cependant pas l'intégralité des difficultés existantes, notamment en termes d'accès au logement des fonctionnaires à Mayotte, évoquées à plusieurs reprises lors des auditions conduites par les rapporteurs. Au-delà de cette mesure, il conviendra donc de mieux accompagner les fonctionnaires souhaitant s'installer dans l'archipel, pour faciliter leur arrivée.

La commission a adopté l'article 28 sans modification.

Article 29
Avantage spécifique d'ancienneté pour les fonctionnaires de l'État et les fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte

Dans la même optique d'un renforcement de l'attractivité de la fonction publique à Mayotte, l'article 29 vise à instaurer un avantage spécifique d'ancienneté pour l'avancement d'échelon des fonctionnaires de l'État et des fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte pendant une certaine durée. Les modalités d'application de ce dispositif seraient fixées ultérieurement par décret en Conseil d'État, qui préciserait notamment la durée d'affectation nécessaire pour bénéficier de la bonification d'ancienneté.

La commission s'est montrée favorable à la création de cet avantage spécifique d'ancienneté, de nature à encourager l'arrivée de fonctionnaires à Mayotte et a adopté cet article sans modification.

1. Des avantages spécifiques d'ancienneté ont été institués au bénéfice de certaines catégories de fonctionnaires

1.1. Les règles d'avancement des fonctionnaires

Dans la fonction publique, le déroulement de la carrière est encadré par les règles d'avancement, qui permettent aux fonctionnaires d'évoluer professionnellement et d'accroître leur rémunération. Comme le précise l'article L. 522-1 du code général de la fonction publique, l'avancement « comprend l'avancement d'échelon et l'avancement de grade ».

D'une part, l'avancement d'échelon est le passage d'un échelon à l'échelon immédiatement supérieur à l'intérieur d'un même grade. Il se traduit par une augmentation du traitement indiciaire et est accordé automatiquement, en fonction de l'ancienneté205(*).

D'autre part, l'avancement de grade, qui permet de passer d'un grade à un grade supérieur à l'intérieur d'un même corps ou cadre d'emplois, permet l'accès à des fonctions supérieures et se traduit également par une augmentation de la rémunération. Contrairement à l'avancement d'échelon, obtenu automatiquement par les fonctionnaires en fonction de leur ancienneté, l'accès à un grade supérieur n'est pas un droit. Il est subordonné au respect de l'une des conditions suivantes206(*) :

- l'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des fonctionnaires ;

- l'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après un examen professionnel ;

- la réussite d'un concours professionnel.

Les modalités d'avancement de grade sont fixées par les statuts particuliers de chaque corps ou cadre d'emplois de la fonction publique, lesquels peuvent prévoir des conditions supplémentaires, telles que la justification d'une durée minimale de formation professionnelle au cours de la carrière207(*).

1.2. Des avantages spécifiques d'ancienneté ont été accordés à certains fonctionnaires pour renforcer l'attractivité de leurs fonctions

Un avantage spécifique d'ancienneté (ou « bonification d'ancienneté ») consiste en une réduction de la durée de service nécessaire pour obtenir un avancement d'échelon. Il permet par conséquent aux fonctionnaires concernés de bénéficier plus rapidement d'une augmentation de leur rémunération.

Plusieurs « bonifications d'ancienneté » ont été introduites par le législateur au profit de certains fonctionnaires, pour tenir compte de la nature de leurs fonctions et des sujétions afférentes, et ainsi favoriser leur attractivité.

En l'état du droit, trois catégories de fonctionnaires peuvent obtenir un avantage spécifique d'ancienneté.

· L'avantage spécifique d'ancienneté pour les fonctionnaires de l'État affectés dans des quartiers urbains sensibles

En premier lieu, l'article L. 522-9 du code général de la fonction publique prévoit que les fonctionnaires de l'État affectés pendant une durée déterminée dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ont droit à un avantage spécifique d'ancienneté pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon.

L'article 2 du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'État affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles précise que les fonctionnaires de l'État justifiant de trois ans au moins de services continus accomplis dans les quartiers urbains concernés bénéficient, pour l'avancement :

- d'une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années ;

- d'une bonification d'ancienneté supplémentaire de deux mois par année de service continue accomplie au-delà de la troisième année.

· L'avantage spécifique d'ancienneté pour les enseignants chercheurs ayant exercé certaines fonctions

Les maîtres de conférences et professeurs des universités ayant exercé un mandat de président ou de directeur d'établissement public d'enseignement supérieur pendant une durée d'au moins trois ans bénéficient, à leur demande, d'une bonification d'ancienneté d'une durée égale à 60 % de la durée effective d'un seul mandat208(*). Cet avantage spécifique d'ancienneté ne peut être octroyé qu'une seule fois.

De plus, les maîtres de conférences et professeurs des universités ayant accompli une mobilité peuvent également, à leur demande et sous certaines conditions, bénéficier d'une bonification d'ancienneté d'un an.

L'objectif de ces avantages spécifiques d'ancienneté est, comme relevé par le Conseil d'État, de tenir compte, notamment « des responsabilités et sujétions administratives liées aux fonctions de chef d'établissement, de nature notamment à rendre difficile la poursuite des travaux de recherche par les intéressés » et d'encourager les candidatures à ces fonctions209(*).

· L'avantage spécifique d'ancienneté pour les secrétaires généraux de mairie

L'article 8 de la loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie dispose enfin que les agents exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie bénéficient d'un avantage spécifique d'ancienneté pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon.

La bonification d'ancienneté accordée est de six mois toutes les huit années de services accomplies dans ces fonctions210(*). Une bonification d'ancienneté supplémentaire, variant entre un et trois mois par période d'au moins trois années de services accomplies, peut être octroyée par l'autorité territoriale, en fonction de la valeur professionnelle des agents concernés211(*).

2. Le dispositif proposé : instituer un avantage spécifique d'ancienneté au profit des fonctionnaires de l'État et des fonctionnaires hospitaliers établis à Mayotte pour pallier le déficit d'attractivité de la fonction publique dans l'archipel

2.1. Le manque d'attractivité de la fonction publique à Mayotte

La fonction publique à Mayotte est marquée, comme déjà évoqué précédemment, par un déficit d'attractivité en aggravation, marqué par l'augmentation du nombre de postes permanents non pourvus ainsi que par un taux d'administration plus faible que dans le reste de la France.

La fonction publique hospitalière est également touchée par ces difficultés. Ainsi, selon l'étude d'impact, l'hôpital de Mayotte ne compte que 120 médecins, sur un total de 250 postes ouverts. Le 21 avril dernier, lors de la visite du président de la République Emmanuel Macron au centre hospitalier de Mayotte, la chef adjointe du service des urgences avait également fait état d'une « vingtaine de postes pourvus, contre une quarantaine normalement ».

2.2. La création d'un nouvel avantage spécifique d'ancienneté pour les fonctionnaires de l'État et les fonctionnaires hospitaliers établis à Mayotte

Face à ces difficultés pour attirer des fonctionnaires à Mayotte, l'article 29 du projet de loi, qui créerait un nouvel article L. 561-3 au sein du code général de la fonction publique, entend instituer un nouvel avantage spécifique d'ancienneté pour les fonctionnaires de l'État et les fonctionnaires hospitaliers affectés pendant une durée déterminée à Mayotte.

Cette bonification d'ancienneté serait partiellement cumulable avec celle prévue par l'article L. 522-9 du code général de la fonction publique, pour les fonctionnaires de l'État affectés dans un quartier urbain sensible. Selon les informations transmises aux rapporteurs par la DGAFP, « le décret d'application prévoira les modalités de cumul, a priori limité dans le temps ».

Pendant cette durée à déterminer, les fonctionnaires de l'État affectés à Mayotte pourraient donc bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue par l'article 29 du projet de loi et de celle prévue par l'article L. 522-9 du code précité. Au-delà de cette durée, seule la seconde bonification d'ancienneté continuerait de bénéficier aux fonctionnaires de l'État.

Les fonctionnaires hospitaliers, non éligibles au dispositif prévu par l'article L. 522-9 du même code, bénéficieraient uniquement de l'avantage spécifique d'ancienneté introduit par le présent article, « dans la limite de la durée qui sera prévue par le décret212(*) ».

L'objectif de ces dispositions est de renforcer l'attractivité des postes offerts à Mayotte, en faisant bénéficier les fonctionnaires y étant établis d'une progression de carrière et de rémunération plus rapide.

Les modalités de mise en oeuvre de cet avantage spécifique d'ancienneté seront fixées par un décret en Conseil d'État. Comme indiqué par la DGAFP, « le Gouvernement envisage de fixer des conditions similaires à celles prévues pour l'avantage spécifique d'ancienneté propre aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), définies à l'article 2 du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'État affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles (quartiers prioritaires de la ville). Celles-ci prévoient une durée d'affectation minimale de trois ans, donnant droit à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et de deux mois par année de services continus au-delà de la troisième année ».

Concernant les modalités d'entrée en vigueur du dispositif, la DGAFP a précisé que « le décret fixera également la date à compter de laquelle les services effectués à Mayotte permettront de bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté, sans que cette dernière ne puisse être rétroactive afin de ne pas créer une incitation au départ des fonctionnaires déjà en poste à Mayotte, mais au contraire de les inciter à rester dans ce département et d'attirer de nouveaux agents ».

3. La position de la commission : accepter une mesure qui encouragera l'installation de fonctionnaires de l'État et de fonctionnaires hospitaliers à Mayotte

Comme précédemment, pour la création d'une nouvelle priorité de mutation à destination des fonctionnaires de l'État établis à Mayotte, la commission des lois s'est montrée favorable à l'introduction d'un avantage spécifique d'ancienneté au bénéfice des fonctionnaires de l'État et des fonctionnaires hospitaliers affectés à Mayotte.

Alors que les services de l'État et les hôpitaux de Mayotte sont confrontés à une pénurie de personnel, lié au manque d'attractivité des emplois publics ouverts à Mayotte, il apparaît indispensable de prendre toutes les mesures de nature à favoriser l'arrivée de fonctionnaires à Mayotte, afin de permettre aux services publics de fonctionner correctement et de répondre aux besoins du territoire.

En permettant aux fonctionnaires de l'État et aux fonctionnaires hospitaliers établis à Mayotte de bénéficier d'une progression de carrière ainsi que d'une augmentation de leur rémunération plus rapide, le dispositif prévu par l'article 29 favorisera sans aucun doute l'installation de fonctionnaires à Mayotte.

La commission a adopté l'article 29 sans modification.

Article 30
Habilitation du Gouvernement à réformer par ordonnance le fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte

L'article 30 tend à habiliter, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte, regrouper les dispositions applicables à Mayotte au sein de la septième partie du code général des collectivités territoriales (CGCT) et procéder à l'ensemble des coordinations et adaptations nécessaires dans ce code et les autres codes et lois.

La commission a accueilli favorablement le principe d'une telle évolution du fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte vers un véritable statut de collectivité territoriale unique, de longue date demandée par les élus Mahorais.

Conformément à sa position constante et eu égard à l'importance que revêt cette réforme pour l'avenir de l'archipel, la commission a salué l'initiative du Gouvernement consistant à remplacer la demande d'habilitation par une inscription directe du dispositif au sein de l'article 30. La commission a donc adopté cet article, modifié par un amendement du Gouvernement, et souligné que des modifications et ajustements pourront, compte tenu de son dépôt tardif, s'avérer nécessaires lors de l'examen du texte en séance publique.

1. Le Département de Mayotte : un statut à mi-chemin entre le modèle départemental et celui de la collectivité unique

1.1. Les évolutions successives du statut de la collectivité de Mayotte

· Du référendum de 1974 à celui de 2000

Doté du statut de territoire d'outre-mer depuis 1946213(*), l'archipel des Comores avait été inscrit sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser par l'Organisation des Nations unies (ONU). Un référendum sur l'accession à l'indépendance y a ainsi été organisé le 22 décembre 1974, dont le résultat a été établi, à l'initiative du Sénat, île par île. Mayotte fut alors la seule île à manifester sa volonté de demeurer au sein de la République française (63,8 % des suffrages).

Suite à ce scrutin, la loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores a acté l'indépendance de l'archipel et prévu une nouvelle consultation de la population mahoraise sur sa volonté de demeurer sous souveraineté française (ou d'être rattachée au nouvel État comorien). À l'issue de ce deuxième référendum, 99,4 % des votants se sont prononcés en faveur du maintien de Mayotte dans la République française.

En adoptant la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte, le Parlement a doté l'île, sur le fondement de l'article 72 de la Constitution, d'un statut sui generis provisoire de collectivité territoriale de la République, demeuré vigueur jusqu'en 2001. L'organisation institutionnelle de la collectivité empruntait alors pour partie au régime des départements d'outre-mer, Mayotte bénéficiant notamment d'un conseil général élu au suffrage universel direct sur la base de 19 cantons. Mayotte était toutefois soumise au principe de spécialité législative, qui était propre aux territoires d'outre-mer.

La loi n° 79-1113 du 22 décembre 1979 relative à Mayotte a réaffirmé l'appartenance de Mayotte à la République française, en précisant qu'elle « ne peut cesser d'y appartenir sur le consentement de sa population ».

Toutefois, les lois de décentralisation de 1982 et 1983 n'ont pas été rendues applicables à Mayotte, de sorte que le préfet y exerçait encore une fonction d'organe exécutif du conseil général de la collectivité territoriale.

Le 2 juillet 2000, la population de Mayotte a de nouveau été consultée sur l'avenir institutionnel du territoire. L'Accord du 27 janvier 2000 sur l'avenir de Mayotte, signé par le président du conseil général de Mayotte et les principaux partis politiques de l'île, a été approuvé par 72,94 % des votants. Il prévoyait l'instauration prochaine d'un statut de « collectivité départementale », dotée d'une assemblée unique.

· Le processus de départementalisation de 2001 à 2010

L'accord de 2000 sur l'avenir de Mayotte a trouvé son prolongement dans la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, qui a doté le territoire du statut de « collectivité départementale » et posé les futures étapes de son évolution statutaire vers une plus grande décentralisation, sur le modèle des départements d'outre-mer.

L'exécutif de la collectivité a été transféré au président du conseil général à la suite du renouvellement de 2004, tout en conservant une forme de tutelle a priori. C'est à compter du nouvellement général de 2008 que les actes de la collectivité ont acquis un caractère exécutoire dans les conditions de droit commun.

Suite à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, une nouvelle classification juridique a été introduite, opérant une distinction entre les collectivités régies par l'article 73 (et soumise en principe d'identité législative) et celles relevant de l'article 74, qui renvoie à une loi organique pour la fixation de leur statut.

Afin de mettre le statut de Mayotte en conformité avec le nouveau cadre constitutionnel, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a réécrit le statut de Mayotte et l'a inséré au sein d'un titre Ier de la nouvelle sixième partie du code général des collectivités territoriales (CGCT), consacré aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution.

Sur le fondement de l'article 72-4 de la Constitution, le processus permettant la modification du statut de Mayotte en collectivité régie par l'article 73 a été amorcé par le Président de la République en 2008, avec la présentation d'un « Pacte pour la départementalisation ». Consultés sur la question du passage de Mayotte à une collectivité unique d'outre-mer appelée « Département » et régie par l'article 73, les électeurs Mahorais ont approuvé à 95,20 % cette modification statutaire.

1.2. Le statut actuel du Département de Mayotte : une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution dont l'organisation demeure proche du modèle départemental

a) L'évolution statutaire actée en 2009 : une collectivité unique d'outre-mer régie par l'article 73 de la Constitution

Avec l'adoption de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, a donc été actée le principe d'une évolution de Mayotte vers le statut d'une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution, exerçant à la fois les compétences dévolues aux départements et aux régions d'outre-mer, sous réserve de certains adaptations214(*).

Les lois organique n° 2010-486 et ordinaire n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatives au Département de Mayotte ont tiré les conséquences de l'évolution du statut de la collectivité, en précisant les règles institutionnelles qui lui sont applicables.

Ainsi, l'article L.O. 3511-1 du code général des collectivités territoriales dispose qu'à « compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011, la collectivité départementale de Mayotte est érigée en une collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, qui prend le nom de "Département de Mayotte" et exerce les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer ».

Conformément à l'article 73 de la Constitution, la collectivité de Mayotte est soumise au principe d'identité législative : les lois et règlements y sont applicables de plein droit sans besoin d'une mention expresse, mais peuvent faire l'objet d'adaptations, par dispositions expresses, tenant à ses caractéristiques et contraintes particulières.

Dans les conditions prévues par la loi organique n° 2010-486 du 7 décembre 2010 précitée215(*), la collectivité de Mayotte peut être habilitée à adapter les lois et règlements ou à fixer elles-mêmes, dans un certain nombre de matières, les lois et règlements applicables à son territoire, conformément aux deuxième et troisième alinéas de l'article 73 de la Constitution.

b) Les compétences du Département de Mayotte

Si le Département de Mayotte exerce en principe les compétences attribuées aux départements et aux régions d'outre-mer, plusieurs adaptations sont prévues par le code général des collectivité territoriales (CGCT).

En effet, la collectivité de Mayotte n'exerce pas les compétences relatives :

· à la construction et l'entretien des collèges et des lycées, ainsi qu'à la gestion du personnel technique, ouvrier et de service correspondant216(*) ;

· au développement, à l'entretien et à l'exploitation du réseau des routes nationales d'intérêt local, l'État n'ayant pas transféré les routes nationales à Mayotte217(*) ;

· au financement, à l'instruction des demandes et à l'attribution du revenu de solidarité active (RSA)218(*) ;

· à la gestion des fonds européens219(*).

La collectivité de Mayotte est en revanche compétente en matière de coopération régionale, et exerce, dans ce domaine, à la fois les compétences dévolues aux départements d'outre-mer220(*) et celles attribuées aux régions d'outre-mer221(*).

c) Les institutions du Département de Mayotte

Le fonctionnement institutionnel des organes de la collectivité de Mayotte est, pour l'essentiel, identique à celui des départements. Sont en effet applicables à Mayotte222(*) les dispositions de droit commun de la troisième partie du CGCT.

L'assemblée délibérante du Département de Mayotte est le conseil départemental et son organe exécutif le président du conseil départemental. Ces organes fonctionnent de la même façon que ceux des départements de droit commun.

Le conseil départemental est en outre assisté des deux organes consultatifs que constituent le conseil économique, social et environnemental (CESEM) et le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement (CCEE).

Ainsi, alors que les autres collectivités territoriales uniques régies par l'article 73 de la Constitution - à savoir, la Guyane et la Martinique - ont évolué vers un schéma institutionnel propre223(*), Mayotte a conservé le schéma institutionnel et le régime électoral224(*) des départements.

d) Un « éparpillement » des dispositions applicables à Mayotte

Essentiellement régi par les dispositions de droit commun applicables aux départements, tant s'agissant de son fonctionnement institutionnel et administratif qu'en matière de finances, le Département de Mayotte se voit également appliquer la plupart des dispositions relatives aux attributions des régions225(*).

La collectivité fait en outre l'objet de dispositions particulières qui se trouvent être éparpillées entre plusieurs parties du CGCT :

· le titre IV du livre IV de la troisième partie226(*) (consacré aux dispositions particulières applicables aux départements d'outre-mer) ;

· le livre V de la troisième partie227(*) (dédié au Département de Mayotte) ;

· le titre III du livre IV de la quatrième partie228(*) (relatif aux régions d'outre-mer).

D'après l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, « cet éparpillement des dispositions dans le code traduit, d'une certaine façon, la persistance d'une hésitation entre le modèle départemental classique et celui de la collectivité unique vers lequel ont évolué la Guyane et la Martinique ».

1.3. Les demandes d'évolution formulées par les élus Mahorais vers une affirmation du statut de collectivité unique

Depuis 2014, le conseil départemental de Mayotte a, de façon constante, exprimé sa volonté de voir évoluer le statut de la collectivité dans le sens d'une organisation et un fonctionnement institutionnels plus proches de ceux des autres collectivités territoriales uniques (Guyane et Martinique).

Par deux délibérations des 30 mai et 28 juin 2017, le conseil départemental de Mayotte a demandé au Gouvernement d'acter l'évolution institutionnelle de Mayotte en collectivité territoriale unique régie par l'article 73 de la Constitution et de procéder à une refonte des textes en s'inspirant du schéma institutionnel de la Guyane (une assemblée délibérante, une commission permanente et un président exécutif).

Déposée le 21 janvier 2019 par le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihi, la proposition de loi n° 258 (2018-2019) prévoyait d'ériger Mayotte en Département-Région afin d'affirmer les compétences régionales actuellement exercées par le conseil départemental. S'agissant de ses organes, le texte prévoyait que le Département-Région s'administrerait par un conseil élu dénommé « assemblée de Mayotte » qui élirait l'exécutif de la collectivité, à savoir le président de l'assemblée de Mayotte, et une commission permanente. Il était en outre prévu que cette assemblée soit assistée d'un « conseil économique, social, environnemental de la culture et de l'éducation » unique.

Également déposée par Thani Mohamed Soilihi, la proposition de loi n° 289 (2021-2022) du 9 décembre 2021 comportait un schéma institutionnel quasi-identique.

2. Le dispositif : une demande d'habilitation à réformer le fonctionnement institutionnel de la collectivité par ordonnance

L'article 30 tend à habiliter le Gouvernement, dans un délai de six mois, à prendre par voie d'ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi afin de « moderniser le fonctionnement de la collectivité en affirmant plus clairement son rôle de collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution ». Ces mesures sont de deux ordres.

2.1. La codification au sein de la septième partie du CGCT des dispositions applicables au « Département-Région de Mayotte »

En premier lieu, le 1° habilite le Gouvernement à codifier, au sein d'un nouveau livre III de la septième partie du CGCT, les dispositions relatives à la collectivité de Mayotte, « exerçant les compétences attribuées à un département d'outre-mer et à une région d'outre-mer », à droit constant par rapport aux compétences actuellement exercées par le Département de Mayotte.

De la rédaction du et des informations transmises aux rapporteurs par la DGOM, il ressort que l'un des principaux objectifs de la réécriture projetée consiste à réorganiser et regrouper l'ensemble des dispositions applicables à Mayotte au sein d'un nouveau livre du CGCT, qui sera placé parmi les dispositions régissant les collectivités uniques au sens du dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution (aux côtés, donc, des dispositions du code applicables à la Guyane et la Martinique).

La structure envisagée du nouveau livre III de la septième partie du CGCT

Ce livre regroupant les dispositions applicables au « Département-Région de Mayotte » a vocation à comprendre les titres suivants :

- Les dispositions générales applicables au Département-Région de Mayotte ;

- L'organisation du Département-Région de Mayotte, notamment les organes qui comprennent l'assemblée de Mayotte et son président, ainsi que le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation ;

- Les compétences de ces organes, ainsi que les attributions du Département-Région de Mayotte ;

- Les dispositions spécifiques aux services publics locaux ;

- Le régime applicable aux finances de la collectivité ;

- Les dispositions relatives à la compensation des transferts de compétence.

En complément, le Gouvernement serait habilité par le 3° de l'article 30 à procéder aux coordinations et adaptations nécessaires dans le CGCT et dans les autres codes et lois.

2.2. Le schéma institutionnel projeté : l'affirmation du statut de collectivité unique du « Département de Mayotte »

En deuxième lieu, le 2° habilite le Gouvernement à « [d]éfinir l'organisation et le fonctionnement de la collectivité de Mayotte et les compétences de ses organes, en précisant notamment les règles applicables à l'assemblée de Mayotte » et à « fixer l'ensemble du régime applicable à la collectivité, notamment en matière juridique, budgétaire, financière, comptable et de transfert de compétence ».

a) Les organes de la collectivité de Mayotte

Interrogée par les rapporteurs, la DGOM a indiqué que le « modèle institutionnel qui sera adopté par Mayotte sera celui de la Guyane. Il s'agira en effet du même schéma institutionnel, c'est-à-dire que l'exécutif de la collectivité sera le président de l'assemblée et que celle-ci sera composée de membres élus selon un scrutin de liste. »

L'organe délibérant du « Département-Région de Mayotte » deviendra « l'assemblée de Mayotte », dont les conseillers seront élus selon le mode de scrutin prévu aux articles 31 et 32 du présent projet de loi.

L'assemblée élirait en son sein un président, organe exécutif de la collectivité, qui disposerait de l'appui de vice-présidents siégeant au sein d'une commission permanente.

Ces organes seraient assistés par conseil économique, social, environnemental de la culture et de l'éducation de Mayotte (CESECEM), issus de la fusion des actuels CESEM et CEE. Cette création est prévue sur le modèle actuel des conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l'éducation (CESECE) de la Guyane et la Martinique229(*).

D'après les informations fournies aux rapporteurs par la DGOM, le « président du CESECEM sera élu au scrutin secret par le conseil et pourra organiser et diriger les personnels et les services mis à la disposition du conseil. La composition du conseil, les conditions de nomination de ses membres ainsi que la date de son installation seront fixées par décret en Conseil d'État ».

b) Les compétences et les règles de fonctionnement de la collectivité

Du point de vue des compétences de la collectivité, l'habilitation est sollicitée à droit constant, dès lors que le 1° de l'article 30 précise que la codification est prévue « sans modification par rapport aux compétences du Département de Mayotte », ce qui a été confirmé aux rapporteurs par la DGOM.

L'étude d'impact fait état de la volonté du Gouvernement d'opérer une « clarification [des] compétences de Mayotte en matière de coopération régionale ». Elle devrait se traduire par un seul transfert des dispositions relatives à la coopération régionale des régions d'outre-mer applicables à Mayotte dans le nouveau livre III de la septième partie du CGCT dont la création est envisagée.

S'agissant du fonctionnement de la collectivité et du régime qui lui est applicable « en matière juridique, budgétaire, financière, comptable et de transfert de compétence » (2° de l'article 30), il s'agirait essentiellement d'aligner le régime applicable à Mayotte sur les règles régissant le fonctionnement des autres collectivités uniques de l'article 73 de la Constitution (à savoir la Guyane et la Martinique).

2.3. Le délai d'habilitation et les modalités d'entrée en vigueur

L'habilitation à serait octroyée au Gouvernement pour une durée de six mois, un projet de loi de ratification devant être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Le dernier alinéa de l'article 30 prévoit également une entrée en vigueur différée de l'ordonnance, à compter du dépôt de son projet de loi de ratification.

Cette dernière mesure s'explique par la nécessité d'assurer une entrée en vigueur simultanée des trois textes - l'ordonnance, les articles 31 et 32 du projet de loi de programmation et le projet de loi organique - entre lesquels se trouve partagée la réforme institutionnelle et électorale d'ensemble230(*).

3. La commission a salué le remplacement, issu d'un amendement du Gouvernement de l'habilitation par une inscription directe à l'article 30 de la réforme institutionnelle de la collectivité

La commission a pleinement souscrit au principe de la réforme du fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte projetée par le Gouvernement et demandée à plusieurs reprises par les élus Mahorais. Elle considère, en effet, que le statut de collectivité territoriale unique régie par l'article 73 de la Constitution mérite d'être clarifié et modernisé, afin de rapprocher son fonctionnement et son régime des autres collectivités relevant de cette catégorie, à l'instar de la Guyane et de la Martinique.

À la demande des rapporteurs, le Gouvernement a déposé au stade de la commission un amendement visant à substituer à l'habilitation à légiférer par ordonnance une inscription directe de la réforme à l'article 30.

Conformément à sa position constante et compte tenu de l'importance que revêt cette évolution institutionnelle pour l'avenir de l'archipel, la commission a salué cette initiative et adopté l'amendement COM-72 du Gouvernement, considérant qu'il correspondait pour l'essentiel à la réforme annoncée.

Toutefois, eu égard au caractère tardif du dépôt de cet amendement eu égard à son caractère substantiel, la commission a souligné que des modifications et ajustements pourront s'avérer nécessaires lors de l'examen du projet de loi en séance publique.

La commission a adopté l'article 30 ainsi modifié.

Article 31
Réforme du régime électoral de l'organe délibérant de la collectivité de Mayotte

L'article 31 tend à réformer le régime électoral applicable à l'organe délibérant de la collectivité de Mayotte.

Il prévoit, à cet effet, la mise en place d'un scrutin de liste proportionnel à la plus forte moyenne, avec attribution à la liste arrivée en tête d'une prime majoritaire de 25 % des sièges, sur la base d'une circonscription unique divisée en cinq sections correspondant au périmètre des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du territoire.

L'effectif de l'assemblée de Mayotte nouvellement créée serait en outre porté à 52, contre 26 conseillers départementaux aujourd'hui.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté cet article, modifié par un amendement prévoyant une nouvelle division de la circonscription électorale de Mayotte, qui compterait treize sections électorales, plutôt que cinq. Reprenant le périmètre et la composition des cantons actuels, cette nouvelle division permettra une représentation plus équilibrée des différents territoires de Mayotte dans leur diversité.

1. Élus selon les conditions de droit commun applicables aux élections départementales, les élus Mahorais ont formulé de longue date des demandes d'évolution de ce mode de scrutin

1.1. Les conseillers départementaux de Mayotte sont actuellement élus dans les conditions de droit commun applicable

a) Le mode de scrutin applicable aux conseillers départementaux de Mayotte

En application des lois organique n° 2010-486 et ordinaire n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relatives au Département de Mayotte, l'élection des élus du conseil départemental est régie par les règles de droit commun applicables aux élections des conseillers départementaux. Ces derniers sont ainsi élus au scrutin binomial majoritaire à deux tours, en application des articles L. 191 et suivants et L. 451 du code électoral).

Intégral, le renouvellement a ainsi lieu tous les six ans231(*).

Le nombre de conseillers départementaux est fixé à 26, depuis la modification de la loi organique n° 2010-86 du 7 décembre 2010 précitée par la loi organique n° 2013-402 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux.

Le découpage électoral en vigueur à Mayotte résulte du décret n° 2041-157 du 13 février 2014232(*), qui a fixé la délimitation des 13 cantons, sur la base du recensement de 2012. Chaque canton élit un binôme d'élus, composé d'un candidat et d'un remplaçant de chaque sexe.

b) Les règles relatives au financement des dépenses électorales

Les règles relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales sont globalement alignées sur le droit commun des élections départementales233(*), sous réserve des deux adaptations suivantes :

· l'évolution des plafonds de dépenses électorales est calculée non pas234(*) en fonction de l'évolution de « l'indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac » mais de celle de « l'indice local des prix à la consommation des ménages, hors tabac » (aux termes de l'article L. 453 du code électoral) ;

· les comptes de campagne peuvent être déposés auprès du représentant de l'État au niveau local (article L. 454 du code électoral)235(*).

1.2. Une réforme du mode de scrutin et de l'effectif de l'organe délibérant est réclamée de longue date par les élus Mahorais

Collectivité d'outre-mer régie par l'article 73 de la Constitution, le Département de Mayotte exerce, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2010-486 du 7 décembre 2010 précitée, « les compétences dévolues aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer »236(*).

De ce point de vue, la collectivité est donc dans une situation comparable aux collectivités uniques que sont la Martinique et la Guyane, tandis que les membres de son assemblée délibérante demeurent élus selon les règles de droit commun régissant l'élection des conseillers départementaux.

L'effectif du conseil départemental, fixé à 26, ne permet pas, de surcroît, d'assurer une représentation suffisante des Mahorais, lesquels disposent de presque deux fois moins d'élus que les habitants des autres
collectivités ultramarines. En effet, un conseiller départemental de Mayotte représente environ 12 342 habitants, alors que ce chiffre s'élève, par exemple, à 5 243 en Guyane et 7 078 en Martinique237(*).

À plusieurs reprises depuis l'adoption de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, les élus Mahorais ont formulé des demandes d'évolution du mode de scrutin de leur organe délibérant. Ce fut notamment le cas avec l'adoption par le conseil départemental de Mayotte :

· le 12 juin 2014, à l'unanimité, d'une motion demandant l'élection dès 2015 des conseillers départementaux au scrutin de liste à deux tours0 dans une circonscription unique et le passage à 51 élus ;

· de deux délibérations des 30 mai et 28 juin 2017 demandant au Gouvernement d'acter l'évolution de Mayotte en collectivité territoriale unique en s'inspirant des modèles martiniquais et guyanais et de porter à 51 le nombre de conseillers ;

Plusieurs propositions de loi déposées - en 2016, 2019 et 2022 - par le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihi ont par ailleurs comporté des dispositions visant à réformer le mode de scrutin à Mayotte :

· la proposition de loi n° 489 (2015-2016), déposée le 23 mars 2016, entendait porter le nombre d'élus à 39 et instaurer un scrutin de liste proportionnel à deux tours, sur la base d'une circonscription unique divisée en 13 sections électorales ;

· la proposition de loi n° 258 (2018-2019), déposée le 21 janvier 2019, visait, quant à elle, à instaurer une nouvelle assemblée de Mayotte composée de 51 conseillers élus au scrutin de liste proportionnel à deux tours, sur la base d'une circonscription unique divisée en 13 sections électorales ;

· la proposition de loi n° 289 (2021-2022), déposée le 9 décembre 2021, comportait un dispositif quasi-identique à celui issu du texte déposé en 2019.

2. La mise en place d'un scrutin de liste à prime majoritaire au sein d'une circonscription électorale unique divisée en cinq sections

La réforme proposée par l'article 31 vise à rapprocher le régime électoral de l'organe délibérant de Mayotte avec le mode de scrutin en vigueur dans les autres collectivités uniques exerçant les compétences


des départements et des régions d'outre-mer. De fait, le dispositif reprend, pour l'essentiel, le régime électoral applicable à l'élection des conseillers de l'assemblée de Guyane238(*).

Serait ainsi mis en place un scrutin de liste proportionnel à la plus forte moyenne, avec attribution à la liste arrivée en tête d'une prime majoritaire de 25 % des sièges, sur la base d'une circonscription électorale
unique divisée en cinq sections
. Ces dispositions seraient inscrites au sein d'un nouveau titre II bis (« Élections des conseillers à l'assemblée de Mayotte ») au sein du livre VI bis239(*) du code électoral.

2.1. L'augmentation du nombre d'élus et le changement de dénomination de l'assemblée délibérante de Mayotte

L'article 31 tend à créer, au sein du nouveau titre II bis, un chapitre Ier consacré à la composition de l'assemblée de Mayotte et à la durée du mandat de ses conseillers.

L'effectif de l'assemblée de Mayotte nouvellement créée serait ainsi porté à 52 conseillers (article L. 558-9-2 du code électoral), élus pour six ans en même temps que les conseillers départementaux et rééligibles (article L. 558-9-1 du code électoral).

2.2. Un scrutin de liste à deux tours à la proportionnelle au sein d'une circonscription unique divisée en cinq sections électorales

a) La division de la circonscription unique en cinq sections électorales correspond au périmètre des EPCI de Mayotte

Relatif au mode de scrutin, le chapitre II tend à instaurer un scrutin de liste, Mayotte formant « une circonscription territoriale unique, composée de cinq sections » (article L. 558-9-3 du code électoral).

Ces sections électorales correspondraient au périmètre des cinq établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre du territoire :

Section

Composition de la section

Nombre d'habitants (2017)

Section de Mamoudzou

Communes de Mamoudzou et Dembeni

87 285

Section du Grand Nord

Communes de Koungou, Bandraboua, M'Tzamboro et Acoua

59 042

Section du Centre-Ouest

Communes de Tsingoni, Sada, Ouangani, Chiconi et

M'Tsangamouji

50 020

Section du Sud

Communes de Bandrele, Chirongui,, Boueni et Kani Keli

30 898

Section de Petite-Terre

Communes de Dzaoudzi et Pamandzi

29 273

Source : commission des lois à partir de l'étude d'impact

Ce découpage en cinq sections électorales vise, d'après l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, à « [assurer] la représentativité des 52 conseillers sur l'ensemble de territoire mahorais » et à favoriser le « [renforcement des] capacités d'intervention des élus pour mettre en place des politiques publiques décentralisées ».

b) Les règles régissant l'attribution des sièges

· Une répartition des sièges entre les différentes sections, fixée par arrêté préfectoral, en amont de l'élection

Les 52 sièges que compte l'assemblée de Mayotte seraient répartis entre les sections en fonction de leur population, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

Chaque section se verrait attribuer un nombre minimum de cinq sièges.

La répartition des sièges entre les sections serait fixée par un arrêté du préfet de Mayotte, au plus tard le 15 janvier de l'année du renouvellement de l'assemblée de Mayotte, « en fonction du dernier chiffre authentifié de leur population ».

Dans un territoire marqué par une grande vitalité démographique, renvoyer à un arrêté le soin de déterminer, en amont de chaque élection, le nombre de sièges attribués aux différentes sections a pour avantage de ne pas exiger une intervention du législateur pour prendre en compte, à intervalles réguliers, les nouvelles réalités démographiques du territoire. Comme le relevait Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois sur le projet de loi ayant réformé le mode de scrutin en Guyane en 2011240(*), de telles modalités de répartition des sièges entre les sections permettent également de tenir compte « des grandes disparités démographiques et électorales entre les territoires ».

Or, ces disparités démographiques sont particulièrement marquées à Mayotte, en témoignent les écarts significatifs de nombre d'habitants entre les différentes intercommunalités du territoire [voir le tableau ci-dessus]. Ces disparités démographiques justifient également l'attribution, comme c'est le cas en Guyane241(*), d'un nombre minimum de sièges par sections - ici, cinq - afin de garantir une représentation équilibrée des différentes composantes du territoire.

· La composition des listes

Les listes devront être constituées de cinq sections, et comporter un nombre de candidats égal au nombre de sièges attribués à chaque section par l'arrêté préfectoral mentionné ci-avant, augmenté de deux candidats par section.

Elles devront être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe, en application de l'actuel article L. 558-19 du code électoral, qui figure parmi les dispositions communes aux collectivités de Guyane et de Martinique et, à l'avenir, au Département-Région de Mayotte242(*).

· Les sièges attribués au titre de la prime majoritaire de 25 %

La liste arrivée en tête - c'est-à-dire celle ayant obtenu la majorité absolue au premier tour ou la majorité relative au second - se verrait attribuer une prime majoritaire de 25 %, ce qui correspond à treize sièges.

Les treize sièges attribués au titre de la prime majoritaire sont répartis entre les cinq sections, en fonction de leur population, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Cette répartition est également fixée avant l'élection, par le même arrêté préfectoral que celui procédant à la répartition des sièges entre les sections.

Le dix-huitième alinéa de l'article 31 (deuxième alinéa de l'article L. 558-9-4 nouvellement créé) précise que chaque section se voit attribuer, au titre des treize sièges répartis en application de la prime majoritaire, un minimum de cinq sièges. Cette précision ne paraît pas cohérente, dans la mesure où l'attribution de cinq sièges à chacune des cinq sections aboutirait à répartir 25 sièges, ce qui excède le nombre de sièges (13) à répartir.

· Les règles d'attribution des sièges restants

Une fois les sièges obtenus au titre de la prime majoritaire pourvus, les autres sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sur l'ensemble de la circonscription.

Ces sièges sont répartis au sein de chaque section en fonction du nombre de voix obtenues dans la section, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

2.3. Les règles encadrant le plafond et le remboursement des dépenses électorales

L'article 31 tend, enfin, à créer, au sein du nouveau titre II bis, un chapitre III intitulé « Plafond des dépenses électorales ».

Ce chapitre serait composé d'un seul article (L. 558-9-5) qui reprend, à droit constant, la règle dérogatoire (actuellement prévue à l'article L. 453 du code électoral243(*)) relative au calcul de l'évolution du plafonnement des dépenses électorales, qui s'effectue en fonction de l'évolution de l'indice local des prix à la consommation des ménages (hors tabac).

En outre, les modifications apportées à l'article L. 52-11 du code électoral par l'article 32 du projet de loi aboutiront à rendre applicables à l'élection des conseillers à l'assemblée de Mayotte les règles de calcul des plafonds de dépenses électorales prévues pour l'élection des conseillers régionaux (et non départementaux, comme c'est aujourd'hui le cas).

Cette évolution permet d'aligner les plafonds sur le modèle aujourd'hui en vigueur en Guyane et en Martinique. D'après l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, « avec l'alignement des règles de calcul sur l'élection des conseillers régionaux, à l'échelon de la circonscription mahoraise, le montant des plafonds de dépenses électorales par liste s'élèverait à 135 584 € et le montant du plafond de remboursement par liste à 64 403 € ».

3. Approuvant dans son ensemble la réforme du mode de scrutin, la commission a proposé une nouvelle division de la circonscription de Mayotte en treize sections électorales

La commission a jugé opportun le rapprochement - attendu des élus Mahorais - du mode de scrutin des conseillers de l'assemblée délibérante de la collectivité de Mayotte avec les régimes électoraux applicables dans les autres collectivités territoriales uniques relevant de l'article 73 de la Constitution.

Elle a également approuvé le doublement de l'effectif de la future assemblée de Mayotte, dont le nombre de conseiller est porté de 26 à 52. Cette hausse permettra de rééquilibrer et d'améliorer la représentation des habitants de Mayotte, puisqu'il y aura désormais un élu de la collectivité de Mayotte pour 6 173 habitants (contre 12 342 actuellement).

La commission a par ailleurs jugé pertinent le choix, retenu par le Gouvernement, d'instaurer un mode de scrutin fondé sur l'existence d'une circonscription unique divisée en sections électorales. Elle considère en effet que ce modèle, inspiré du schéma existant en Guyane, est de nature à permettre aux différentes parties du territoire d'être représentées à l'assemblée de Mayotte.

Toutefois, à l'initiative de ces rapporteurs, la commission a adopté un amendement COM-64 destiné à modifier le sectionnement de la circonscription électorale proposé par l'article 31.

Il s'agit, en divisant la circonscription unique en treize sections, d'assurer une véritable représentation des territoires mahorais dans leur diversité. Celles-ci disposeraient du même périmètre et de la même composition que les actuels cantons du Département de Mayotte, tels qu'ils résultent de la délimitation fixée par le décret n° 2041-157 du 13 février 2014 précité.

Comme le prévoyait le dispositif initial, la répartition des sièges entre les sections sera fixée avant chaque élection par un arrêté préfectoral. Chacune des sections se verra attribuer un minimum de deux sièges, de sorte que chaque territoire actuellement représenté au conseil départemental bénéficiera d'au moins autant d'élus à l'assemblée de Mayotte qu'ils ne disposent actuellement de conseillers départementaux.

Enfin, la liste arrivée en tête bénéficiera d'une attribution d'un siège par section, soit 13 sièges correspondant à la prime majoritaire, qui resterait fixée à 25 %.

La commission a adopté l'article 31 ainsi modifié.

Article 32
Mesures de coordinations au sein du code électoral

L'article 32 tend à prévoir, au sein du code électoral, les coordinations rendues nécessaires par le changement de nom de la collectivité et la création du nouveau mandat de conseiller à l'assemblée de Mayotte.

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement rédactionnel.

Les conseillers départementaux de Mayotte sont actuellement élus selon les modalités de droit commun applicables aux conseillers départementaux. Or, l'article 31 du projet de loi de programmation procède à une réforme de ce régime électoral, en créant une assemblée de Mayotte au sein de laquelle siègeront 52 conseillers.

Tirant les conséquences de ces modifications, l'article 32 procède, au sein du code électoral, aux différentes coordinations rendues nécessaires par le changement de nom de la collectivité en « Département-Région de Mayotte » et la création du mandat de conseiller à l'assemblée de Mayotte.

Ce faisant, il tend notamment à :

· compléter l'article L. 46-1 du code électoral pour ajouter le mandat de conseiller de Mayotte à la liste des mandats électifs locaux dont le cumul est plafonné à deux mandats244(*) ;

· modifier l'article L. 52-11 du code électoral afin d'aligner les règles de calcul des plafonds de dépenses électorales pour l'élection des conseillers à l'assemblée de Mayotte sur l'élection des conseillers régionaux, selon le modèle aujourd'hui retenu pour les élections des conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique ;

· adapter l'article L. 231 du code électoral afin de préciser que la personne qui exerce, au sein du Département-Région de Mayotte, « les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif », est inéligible à un mandat de conseiller municipal dans l'une des communes situées dans le ressort de la collectivité ;

· inclure les conseillers de l'assemblée de Mayotte dans le collège électoral appelé à élire les sénateurs (en modifiant les articles L. 280 et L. 281 du code électoral) et prévoir les modalités de remplacement d'un conseiller qui serait élu sénateur ou député (article L. 282 du code électoral).

L'article 32 procède en outre à diverses coordinations rédactionnelles et légistiques au sein du titre Ier du livre IV du code électoral. Il exclut notamment du champ du chapitre Ier, par une modification de son intitulé, les « conseillers régionaux » de Mayotte, ayant pour effet de rendre ledit chapitre applicable aux seules élections du député et des conseillers municipaux de Mayotte. En effet, les dispositions applicables à l'élection des « conseillers à l'assemblée de Mayotte » seront désormais regroupées dans un nouveau titre II bis du livre VI bis du code électoral créé par l'article 31.

Jugeant nécessaires l'ensemble des coordinations et adaptations opérées par l'article 32, la commission l'a adopté, modifié par un amendement rédactionnel COM-65 présenté par les rapporteurs.

La commission a adopté l'article 32 ainsi modifié.

Article 33
Modalités d'entrée en vigueur et d'application de la réforme électorale

L'article 33 fixe les modalités d'entrée en vigueur et d'application des articles du chapitre du projet de loi portant réforme du régime électoral de l'organe délibérant de la collectivité Mayotte.

Le Gouvernement ayant choisi de procéder à une réforme de l'organisation institutionnelle par ordonnance - en sollicitant une habilitation à l'article 30 - et à une réforme du mode de scrutin par modification directe du code électoral - aux articles 31 et 32 -, il est en effet apparu nécessaire d'assurer l'entrée en vigueur simultanée de l'ensemble de ces dispositions.

Dans cette optique, l'article 33 prévoit que les articles 31 et 32 entrent en vigueur à la date de dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance mentionnée à l'article 30, et au plus tard le 1er janvier 2027. Il précise, en outre, que la réforme du mode de scrutin s'applique, sous réserve de son entrée en vigueur, à compter du prochain renouvellement général des conseils départementaux suivant l'entrée en vigueur du présent projet de loi - prévu en mars 2028.

La commission, afin de tenir compte du remplacement de l'habilitation initialement prévue à l'article 30 par des dispositions modifiant directement le code général des collectivités territoriales (CGCT) afin de mettre en place la réforme institutionnelle de la collectivité de Mayotte dans le texte, a adopté l'article 33 en modifiant, par coordination, les modalités d'entrée en vigueur de la réforme du régime électoral.

1. Le partage initial de la réforme institutionnelle de la collectivité de Mayotte entre trois véhicules distincts rendait nécessaires des modalités d'entrée en vigueur particulières

En raison du choix, initialement fait par le Gouvernement, de solliciter, à l'article 30 du projet de loi, une habilitation afin de procéder à la réforme de l'organisation institutionnelle de la collectivité de Mayotte par ordonnance, la réforme d'ensemble - institutionnelle et électorale - se trouvait partagée entre trois textes.

En effet, la réforme du mode de scrutin est parallèlement prévue par modification directe (aux articles 31 et 32) du code électoral, tandis qu'un projet de loi organique examiné simultanément comporte les coordinations et restructurations (relevant de l'organisation institutionnelle et du mode de scrutin) nécessaires.

Afin de garantir la cohérence de l'ordonnancement juridique et de l'ensemble des textes applicables à Mayotte, le projet de loi de programmation et le projet de loi organique (article 5) contenaient des dispositions destinées à assurer l'entrée en vigueur simultanée de ces trois textes.

Aussi, l'article 33 prévoit que le chapitre consacré à la réforme du régime électoral des élus de la collectivité de Mayotte entre en vigueur à la date du dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance prise en application de l'article 30245(*). Un délai « butoir » était toutefois fixé, l'entrée en vigueur devant intervenir « au plus tard le 1er janvier 2027 »246(*).

Le second alinéa de l'article 33 précisait que, « sous réserve de son entrée en vigueur », la réforme du régime électoral prévue aux articles 31 et 32 « s'applique à compter du prochain renouvellement général des conseils départementaux suivant l'entrée en vigueur de la présente loi ».

Or, ce renouvellement devrait intervenir au mois de mars 2028, soit une date postérieure au délai « butoir » d'entrée en vigueur fixé au 1er janvier 2027. Cette situation aurait conduit, dans l'hypothèse où le projet de loi n'aurait pas été déposé à temps, à l'entrée en vigueur de la seule réforme électorale.

2. L'inscription, à l'article 30, de la réforme institutionnelle de la collectivité en lieu et place de l'habilitation à légiférer par ordonnance a simplifié le dispositif d'entrée en vigueur

Par l'adoption d'un amendement déposé par le Gouvernement à la demande des rapporteurs, la commission a remplacé la demande d'habilitation initialement prévue à l'article 30 par une inscription directe de la réforme dans le projet de loi [voir commentaire de l'article 30].

Il n'y avait, dès lors, plus lieu de subordonner l'entrée en vigueur de la réforme du régime électoral de l'assemblée de Mayotte au dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance.

La commission a donc adopté un amendement de coordination COM-73 présenté par le Gouvernement, procédant à la réécriture de l'article 33 afin de prévoir l'entrée en vigueur de la réforme électorale à compter du prochain renouvellement général des conseils départementaux.

La commission a adopté l'article 33 ainsi modifié.

Article 34
Mesures de mise en cohérence rédactionnelle

L'article 34 entend procéder à diverses mesures de coordination afin de tenir compte de la nouvelle dénomination du « Département-Région de Mayotte », la création de la nouvelle assemblée délibérante (qui devient « l'assemblée de Mayotte ») ainsi que le déplacement des dispositions particulières relatives à Mayotte au sein de la septième partie du code général des collectivités territoriales.

Ces coordinations sont opérées, d'une part, au sein du code des juridictions financières et, d'autre part, dans les dispositions législatives non codifiées qui mentionnent la collectivité de Mayotte ou son organe délibérant.

Afin de tenir compte de l'inscription directe, en lieu et place de l'habilitation initialement prévue à l'article 30, de la réforme du fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte, la commission a adopté cet article, modifié par un amendement adaptant ses modalités d'entrée en vigueur et procédant à plusieurs coordinations complémentaires.

Les articles 30 et 32 procèdent, respectivement, aux coordinations rendues nécessaires dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) et le code électoral afin de tenir compte de la réforme institutionnelle et électorale de la collectivité de Mayotte.

L'article 34 tend, quant à lui, à mettre en oeuvre les coordinations manquantes au sein d'autres codes et, surtout, des dispositions législatives non codifiées s'appliquant ou ayant vocation à s'appliquer à Mayotte.

En premier lieu, le I de l'article 34 modifie les articles L. 131-2 et L. 212-9 du code des juridictions financières afin de tenir compte du changement du nom de la collectivité et de son assemblée délibérante.

En deuxième lieu, les II et III de l'article 34 modifient l'article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale ainsi que l'article 205 de la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte afin de tenir compte du changement de numérotation de l'article LO. 7311-7 du CGCT, devenant LO. 7411-7 en application de l'article 1er du projet de loi organique examiné conjointement.

En troisième lieu, les IV et V procèdent à la prise en compte du changement de dénomination de la collectivité et de son assemblée délibérante au sein, respectivement, de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen (article 6-3) et de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (article 11).

En dernier lieu, en ce qu'il tire les conséquences de la réforme institutionnelle et électorale, le VI de l'article 34 prévoit que celui-ci entre en vigueur dans les mêmes conditions247(*), c'est-à-dire à la date du dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance prévue à l'article 30 et, au plus tard le 1er janvier 2027. Les I, IV et V de l'article 33, en ce qu'ils modifient des dispositions en lien avec le régime électoral, s'appliqueraient à compter du prochain renouvellement de général des conseils départementaux suivant l'entrée en vigueur de la loi.

Afin de tenir compte de l'inscription directe, en lieu et place de l'habilitation initialement prévue à l'article 30, de la réforme du fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte, la commission a adopté un amendement COM-74 présenté par le Gouvernement, visant à compléter l'article 34 pour adapter les modalités de son entrée en vigueur et procéder à plusieurs coordinations supplémentaires.

La commission a adopté l'article 34 ainsi modifié.


* 9 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 10 Voir notamment à ce sujet, le rapport d'information n° 909 (2021-2022) d'Agnès Canayer et d'Éric Kerrouche fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, « À la recherche de l'État dans les territoires », septembre 2022.

* 11  L'essentiel sur... Mayotte, INSEE, Chiffres-clés, 24 octobre 2024

* 12 Idem.

* 13 Insee, ibid.

* 14 Notamment par l'article 16 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 15 Ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 16 Des exceptions sont prévues au bénéfice des titulaires de certains documents de séjour : c'est le cas des titulaires d'une carte de résident, d'une carte de séjour pluriannuelle relevant du dispositif « Talent » ainsi que des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Sont également dispensés de l'obligation d'obtenir l'autorisation spéciale, en vertu de l'article L. 441-8 du CESEDA, d'une telle obligation les conjoints, partenaires liés par un pacte civil de solidarité, descendants directs âgés de moins de vingt et un ans ou à charge et ascendants directs à charge des citoyens français titulaires d'un autre titre de séjour.

* 17 Article 310-1 du code civil.

* 18 Articles 342-9 à 342-13 du code civil.

* 19 Article 371-1 du code civil.

* 20 Articles 371-1, 371-2 et 372-1 du code civil.

* 21 Article 311-25 du code civil.

* 22 Article 312 du code civil.

* 23 Article 313 du code civil.

* 24 Article 316 du code civil.

* 25 Cour de cassation, 5 avril 2023, n° 22-70.018.

* 26 Cour de cassation, 13 novembre 1973, n° 71-14.805.

* 27 Article 62 du code civil.

* 28 Cour de cassation, 12 décembre 2000, n° 98-19.147.

* 29 Article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales.

* 30 Article 34-1 du code civil.

* 31 Conseil d'État, 11 octobre 1991, Ribauté et Balanca, n° 92742 et n° 92743.

* 32 Article R. 2122-10 du code général des collectivités territoriales.

* 33 Article 311-1 du code civil.

* 34 Article 311-2 du code civil.

* 35 Article 317 du code civil.

* 36 Article 55 du code civil.

* 37 Selon l'étude d'impact, 25% des reconnaissances de paternité et de maternité effectuées à Mayotte ont lieu simultanément à la déclaration de naissance.

* 38 En 2023, le procureur de la République n'a été saisi qu'à 27 reprises par les officiers de l'état civil pour suspicion de reconnaissance frauduleuse.

* 39  Rapport n° 371 (2005-2006) du 31 mai 2006 de François-Noël Buffet sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

* 40 Circulaire du 20 mars 2019 de présentation des dispositions destinées à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité.

* 41 Cour de cassation, 27 septembre 2023, n° 21-83.673.

* 42 Avis du Conseil d'État n° 409467 du 17 avril 2025 sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

* 43 Article 321 du code civil.

* 44 Article L. 823-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 45 Ibid.

* 46 Article L. 823-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 47 Article L. 823-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 48 Article 108 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.

* 49 Article 55 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 50 Circulaire du 20 mars 2019 de présentation des dispositions destinées à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité.

* 51 Article 316 du code civil.

* 52 Article 316-1 du code civil.

* 53 Ibid.

* 54 Article 316-1 du code civil.

* 55  Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ». 

* 56 Ibid.

* 57 Ibid.

* 58 27 saisines à Mayotte en 2023.

* 59 Articles 21-7 et 21-11 du code civil.

* 60 Article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 61 Courrier de Gérald Darmanin et Marie Guévenoux du 14 février 2024, adressé aux élus mahorais.

* 62 Cour de cassation, 27 septembre 2023, n° 21-83.673.

* 63 Article L. 823-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 64 Ibid.

* 65 Article L. 823-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 66 Article L. 823-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 67 Article 441-2 du code pénal.

* 68 Décision n° 2011-161 QPC du 9 septembre 2011.

* 69  Rapport n° 466 (2024-2025) du 19 mars 2025 de Stéphane Le Rudulier sur la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte.

* 70 L'article 19-3 du code civil, relatif au « double droit du sol », précise en effet qu'est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est né.

* 71 27 saisines à Mayotte en 2023.

* 72 3 oppositions du parquet à Mayotte en 2023.

* 73 Moins de cinq condamnations sur ce fondement sont prononcées par le tribunal judiciaire de Mamoudzou chaque année.

* 74 Ce montant peut être également majoré dans le cadre d'opérations d'incitation au retour.

* 75 Arrêté du 28 décembre 2020 relatif à l'aide à la réinsertion économique à Mayotte.

* 76 Étude d'impact, p. 104.

* 77 Idem.

* 78 Ibid., p. 105.

* 79 Article 40 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

* 80 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

* 81 CEDH, 19 janvier 2012, Popov c. France, n° 39472/07 et 39474/07 ; 22 juillet 2021, M. D. et A. D. c. France, n° 57035/18 ; 31 mars 2022, N.B. et autres c. France, n° 49775/20.

* 82 Sur l'absence d'incompatibilité de principe avec les articles 3, 5 et 8 de la Convention, voir : CEDH, 12 juillet 2016, A.B. c/ France, n° 11593/1.

* 83 CE, 16 septembre 1997, Mlle Cinar, n° 161364, Rec.

* 84 Rapport n° 433 (2022-2023) de Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, fait au nom de la commission des lois, 15 mars 2023.

* 85 Aux termes du premier alinéa de cet article : « Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »

* 86 Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée.

* 87 Il s'agit de la carte de résident ayant la qualité de réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire (articles L. 424-1 et L. 424-13 du CESEDA) et de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « bénéficiaire de la protection subsidiaire » (article L. 424-9 du même code).

* 88 Réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs.

* 89 Rapport n° 463 (2024-2025) de M. Francis Szpiner, déposé le 19 mars 2025.

* 90 IEDOM, Mayotte, rapport annuel économique 2023, juillet 2024.

* 91 D'après l'Agence française de développement, les transferts d'argents de la « diaspora » comorienne, pour l'essentiel en France métropolitaine et dans l'Océan indien, représenterait environ 20 % du produit intérieur brut des Comores.

* 92 IEDOM, op. cit., p. 177.

* 93 Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

* 94 Règlement (UE) 2024/1624 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2024 relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

* 95 Directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l'accès à un compte de paiement assorti de prestations de base.

* 96 Voir également Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ».

* 97 Conseil constitutionnel, décision n° 97-389 DC, du 22 avril 1997, cons. 73 à 76.

* 98 Article 544 du code civil.

* 99 Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 sur la loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

* 100 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation.

* 101 Voir par exemple la décision n° 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, Consorts B.

* 102 Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation.

* 103 Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 sur la loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles.

* 104 Dans sa décision Ville Nouvelle-Est de 1971, faisant application de « la théorie du bilan », le Conseil d'État a jugé que l'utilité publique d'un projet était démontrée à la condition que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social n'étaient pas excessifs au regard de l'intérêt du projet.

* 105 Décision n° 85-189 DC du 17 juillet 1985 sur la loi relative à la définition et à la mise en oeuvre de principes d'aménagement.

* 106 Décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

* 107 Article L. 231-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 108 Articles L. 521-1 à L. 521-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 109 Articles L. 511-1 à L. 511-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 110 Article 44 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.

* 111 Article 2 de la loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993 relative à la réalisation d'un grand stade à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en vue de la coupe du monde de football de 1998.

* 112 Article 2 de l'ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 relative à la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle.

* 113 Article 13 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

* 114 Voir par exemple la décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 sur la loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles.

* 115 Ibid.

* 116 Articles L. 521-2 et R. 521-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 117 L'article R. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précise que cette évaluation est effectuée par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques.

* 118 Article L. 522-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 119 L'article R. 323-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique fixe la liste des cas d'obstacle au paiement.

* 120 Article L. 521-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 121 Article L. 521-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 122 Article L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 123 Avis du Conseil d'État n° 409467 du 17 avril 2025 sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

* 124 Article 712 du code civil.

* 125 Cour de cassation, 17 juin 2011, n° 11-40.014.

* 126 Article 2260 du code civil.

* 127 Article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 128 Article L. 212-1 du code du patrimoine.

* 129 Article 2274 du code civil.

* 130 Cour de cassation, 18 janvier 1972, n° 70-11.350.

* 131 Cour de cassation, 7 octobre 2015, n° 14-16.946.

* 132 Article 2261 du code civil.

* 133 Cour de cassation, 3 mai 1960, n° 2335.

* 134 Cour de cassation, 11 février 2015, n° 14-10.692.

* 135 Cour de cassation, 2 juin 1993, n° 90-21.982.

* 136 Cour de cassation, 7 mars 1972, n° 70-14.197.

* 137 Cour de cassation, 26 janvier 2017, n° 15-24.190.

* 138 70 % du foncier à Mayotte n'était pas titré en 2023, comme indiqué par le sénateur Thani Mohamed Soilihi, lors d'un colloque organisé par le Conseil supérieur du notariat le 10 janvier 2023, et portant sur les avancées permises par la mise en oeuvre de la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

* 139  Rapport d'information n° 721 (2015-2016) du 23 juin 2016 de Thani Mohamed Soilihi, Mathieu Darnaud et Robert Laufoaulu sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer.

* 140 L'indivision correspond à une situation où un bien appartient indistinctement à plusieurs personnes possédant des droits de même nature sur celui-ci. Par exemple, après un décès, s'il y a plusieurs héritiers, le patrimoine du défunt est en indivision.

* 141  Rapport n° 379 (2017-2018) du 28 mars 2018 de Thani Mohamed Soilihi sur la proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

* 142 Avis n° 409122 du 22 décembre 2024 du Conseil d'État sur un projet de loi d'urgence pour Mayotte.

* 143  Rapport d'information n° 721 (2015-2016) du 23 juin 2016 de Thani Mohamed Soilihi, Mathieu Darnaud et Laufoaulu sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer.

* 144 Ibid.

* 145 Ibid.

* 146 Article 2272 du code civil.

* 147 Amendement n° 258 rect. de Guillaume Vuilletet et Lionel Royer-Perreaut.

* 148 Proposition n° 61 du CIOM.

* 149 Cour de cassation, 22 janvier 2014, n° 12-26.601.

* 150 Circulaire du 4 juillet 2018 portant mise en oeuvre du décret n° 2017-1802 du 28 décembre 2017 relatif à l'acte de notoriété portant sur un immeuble situé en Corse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte ou à Saint-Martin.

* 151 Avis du Conseil d'État n° 409467 du 17 avril 2025 sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

* 152 Cette procédure s'applique aux marchés de fournitures et de services d'un montant estimé inférieur à 40 000 € hors taxes et aux marchés de travaux d'un montant estimé inférieur à 40 000 € hors taxes (100 000 € hors taxes, par dérogation, jusqu'au 31 décembre 2025).

* 153 Par exemple, un marché de travaux, fournitures ou services innovants est soumis à la procédure de gré à gré jusqu'à 100 000 € hors taxes.

* 154 Les seuils européens sont fixés, en 2025, à 5,538 M€ pour les marchés de travaux, à 143 000 € pour les marchés de fournitures et services de l'État et à 221 000 € pour les marchés de fournitures et services des collectivités territoriales.

* 155 Cela concerne par exemple les marchés de services sociaux.

* 156 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

* 157 Considérant 79 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

* 158 L'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les offices publics de l'habitat mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation pour les logements à usage locatif aidés par l'État et réalisés par ces organismes et leurs groupements, les organismes privés mentionnés à l'Art. L. 124-4 du code de la sécurité sociale, ainsi que leurs unions ou fédérations, les organismes privés d'habitations à loyer modéré ainsi que les sociétés d'économie mixte, pour les logements à usage locatifs aidés par l'État et réalisés par ces organismes et sociétés.

* 159 Article L. 1111-2 du code de la commande publique.

* 160 Article L. 2421-1 du code de la commande publique.

* 161 Article L. 2431-1 du code de la commande publique.

* 162 Article R. 2431-1 du code de la commande publique.

* 163 Article L. 2171-1 du code de la commande publique.

* 164 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.

* 165 Ibid.

* 166 Conseil d'État, 17 mars 1997, Syndicat national du béton armé, des techniques industrialisées et de l'entreprise générale, n° 155573.

* 167 Article L. 2171-2 du code de la commande publique.

* 168 Ibid.

* 169 Article L. 2412-2 du code de la commande publique.

* 170 Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré dans l'académie de Mayotte en 2020 s'établissait à 54 204 d'après la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance.

* 171 Sénat, 20 novembre 2024, Question d'actualité au Gouvernement n° 0105G.

* 172 Les collèges et lycées accueillent entre 1 000 et 3 000 élèves.

* 173 À Mayotte, 1 650 places sont proposées en première année d'études supérieures.

* 174 L'article L. 631-12 du code de la construction et de l'habitation dispose qu'une résidence universitaire est un établissement destiné au logement collectif à titre de résidence principale dans des immeubles comportant à la fois des locaux privatifs, meublés ou non, et des locaux affectés à la vie collective. Elle accueille des étudiants, des personnes de moins de trente ans en formation ou en stage et des personnes titulaires d'un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage.

* 175 Il serait donc possible de passer un marché de conception-réalisation sans démontrer que des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel portant sur l'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage.

* 176 Extrait de l'étude d'impact.

* 177 Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des ýcompétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

* 178 En application des articles R. 311-1 et suivants du code du sport, cette commission est notamment consultée sur tout projet d'aménagement ou toute mesure de protection des espaces naturels susceptible d'avoir une incidence sur l'exercice des sports de nature dans les espaces, sites et itinéraires inscrits à ce plan.

* 179 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 180 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 181 Conclusions de Laurent Cytermann sur la décision n° 459456 du Conseil d'État du 7 juillet 2022.

* 182 Article L. 512-18 du code général de la fonction publique.

* 183 Article L. 512-21 du code général de la fonction publique.

* 184 Décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion.

* 185 Article L. 512-19 du code général de la fonction publique.

* 186 Question écrite n° 19853 du député Jean Vila.

* 187 Ibid.

* 188 Conseil d'État, 21 juin 1968, n° 64584.

* 189 Conseil d'État, 19 février 1999, n° 191628.

* 190 Article L. 512-22 du code général de la fonction publique.

* 191 Article L. 533-1 du code général de la fonction publique.

* 192 Conseil d'État, 29 mars 1993, Hernandez, n° 94126.

* 193 Ces quartiers urbains sont définis à l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'État affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles. Concernant les fonctionnaires civils de l'État autres que les fonctionnaires de police et les fonctionnaires relevant du ministre chargé de l'éducation nationale, le Conseil d'État a jugé, dans sa décision n° 424794 du 1er janvier 2019, que ces quartiers correspondent aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

* 194 Article L. 512-20 du code général de la fonction publique.

* 195 Article L. 442-7 du code général de la fonction publique.

* 196 Conclusions de Nicolas Labrune sur la décision n° 482618 du Conseil d'État du 25 février 2025.

* 197 Insee, Analyses Mayotte, « Comparaison des prix avec la France métropolitaine en 2022 », n° 34, juillet 2023.

* 198  Rapport d'information n° 114 (2021-2022) du 27 octobre 2021 de François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, « Insécurité à Mayotte : conjurer le sentiment d'abandon des Mahorais ». 

* 199 Ibid.

* 200 Selon l'Insee, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail s'établissait à 37 % à Mayotte en 2023.

* 201 Article L. 741-1 du code général de la fonction publique et décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 portant création d'une majoration du traitement allouée aux fonctionnaires de l'État et de la fonction publique hospitalière et aux magistrats en service dans le Département de Mayotte.

* 202 Décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique.

* 203 Avis du Conseil d'État n° 409467 du 17 avril 2025 sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

* 204 Avis du Conseil d'État n° 409467 du 17 avril 2025 sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

* 205 Article L. 522-2 du code général de la fonction publique.

* 206 Article L. 522-18 du code général de la fonction publique.

* 207 Article L. 522-16 du code général de la fonction publique.

* 208 Articles 39 et 55 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

* 209 Conseil d'État, 17 décembre 2003, Syndicat autonome du personnel enseignant des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion des universités, n° 246494.

* 210 Article 2 du décret n° 2024-827 du 16 juillet 2024 relatif à l'avantage spécifique d'ancienneté des secrétaires généraux de mairie.

* 211 Article 3 du décret n° 2024-827 du 16 juillet 2024 relatif à l'avantage spécifique d'ancienneté des secrétaires généraux de mairie.

* 212 Réponses au questionnaire de la DGAFP.

* 213 Loi n°46-973 du 9 mai 1946 organisation des pouvoirs publics aux Comores.

* 214 Voir infra.

* 215 Ces dispositions figurent actuellement aux articles L.O. 3445-1 à L.O. 3445-12 ainsi qu'aux articles L.O. 4435-1 à L.O. 4435-12 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 216 Articles L. 3511-4 du code général des collectivités territoriales et L. 251-21 du code de l'éducation.

* 217 Article L. 4437-3 du code général des collectivités territoriales.

* 218 Article L. 542-6 du code de l'action sociale et des familles.

* 219 L'État constitue l'autorité de gestion à Mayotte et en a délégué la gestion à un groupement d'intérêt public (GIP), dénommé « L'Europe à Mayotte », dont est membre la collectivité.

* 220 Articles L. 3441-2 à L. 3441-7 du code général des collectivités territoriales.

* 221 Articles L. 4433-4 à L. 4433-4-8 du code général des collectivités territoriales.

* 222 Article L. 3511-2 du code général des collectivités territoriales.

* 223 Loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

* 224 Les 26 conseillers départementaux de Mayotte sont en effet élus au scrutin binomial à deux tours (voir commentaire de l'article 31 du projet de loi).

* 225 Article L. 4437-1 du code général des collectivités territoriales.

* 226 Articles L. 3441-1 à LO. 3445-12 du code général des collectivités territoriales.

* 227 Articles LO. 3511-1 à L. 3543-2 du code général des collectivités territoriales.

* 228 Articles L. 4431-1 à L. 4438-1 du code général des collectivités territoriales.

* 229 En tenant compte des modifications apportées par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS », en application de laquelle la mise en place de sections au sein du conseil est facultative et non plus imposée par décret.

* 230 Voir commentaire de l'article 33 du projet de loi.

* 231 Les dernières élections se sont tenues les 20 et 27 juin 2021 ; les prochaines élections sont prévues pour le mois de mars 2028.

* 232 Décret n° 2014-157 du 13 février 2014 portant délimitation des cantons dans le Département de Mayotte.

* 233 Prévues au titre Ier du livre Ier du code électoral.

* 234 Comme le prévoit le dernier alinéa de l'article L. 52-11 du code électoral.

* 235 Cette dérogation à l'obligation de dépôt des comptes de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est également prévue, conformément au second alinéa du V de l'article L. 52-12 du code électoral, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion.

* 236 Article LO. 3511-1 du code général des collectivités territoriales.

* 237 D'après l'étude d'impact accompagnant le projet de loi (p. 355).

* 238 Le mode de scrutin actuellement applicable à l'élection des conseillers à l'assemblée de Guyane a été institué par la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, modifiée par la loi n° 2020-1630 du 22 décembre 2020 relative à la répartition des sièges de conseiller à l'Assemblée de Guyane entre les sections électorales.

* 239 Dont l'intitulé deviendrait, en application du deuxième alinéa de l'article 31 du projet de loi : « Élections des conseillers à l'assemblée de Guyane, à l'assemblée de Martinique et à l'assemblée de Mayotte ».

* 240 Rapport n° 467 (2010-2011) de Christian Cointat, déposé le 27 avril 2011.

* 241 En application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 558-3, un minimum de trois sièges est attribué à chacune des huit sections électorales de Guyane.

* 242 L'article L. 558-19 est en effet placé au sein du titre III (« Dispositions communes ») du livre VI bis, lequel est rendu applicable à Mayotte par le deuxième alinéa (1°) de l'article 31 du présent projet de loi. 

* 243 L'article L. 453 figure actuellement au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code électoral, qui contient des dispositions applicables à la fois aux élections du député, des conseillers départementaux et des conseillers municipaux de Mayotte. Or, l'article 32 du présent projet de loi modifie l'intitulé de ce chapitre Ier afin de ne plus le rendre applicable aux élus de la collectivité de Mayotte, dont le régime sera rassemblé au sein du livre VI bis, conformément à l'article 31.

* 244 Le premier alinéa de l'article L. 46-1 du code électoral dispose que « nul ne peut cumuler plus de deux des mandats électoraux énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l'Assemblée de Corse, conseiller départemental, conseiller de Paris, conseiller métropolitain de Lyon, conseiller à l'assemblée de Guyane, conseiller à l'assemblée de Martinique, conseiller municipal. ».

* 245 Parallèlement, l'article 30 précise que l'ordonnance entre également en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de ratification.

* 246 L'article 5 du projet de loi organique examiné conjointement fixe des modalités d'entrée en vigueur identiques pour l'ensemble des dispositions organiques [voir le commentaire de l'article 5 du projet de loi organique].

* 247 Voir commentaire de l'article 33.

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