N° 667

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi
des
salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
(procédure accélérée),

Par Mmes Anne-Marie NÉDÉLEC et Frédérique PUISSAT,

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau,
rapporteure générale ;
Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Dominique Théophile, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ;
Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa,
Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa,
M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, MM. Xavier Iacovelli, Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade,
Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Sénat :

600 et 668 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La commission des affaires sociales a adopté le projet de loi considérant qu'il rendait fidèlement compte des négociations nationales et interprofessionnelles.

Dans le même état d'esprit, afin de veiller à la transposition d'un futur accord, elle a substantiellement modifié l'article 10 qui donnait au Gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnance pour réformer les transitions professionnelles.

*

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I. ASSURER UNE TRANSPOSITION FIDÈLE DES ACCORDS CONCLUS ENTRE LES PARTENAIRES SOCIAUX

A. LE SÉNAT VEILLE TRADITIONNELLEMENT À LA TRANSPOSITION STRICTE DES STIPULATIONS DES ACCORDS NATIONAUX INTERPROFESSIONNELS

Sur le fondement de l'article L. 1 du code du travail, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux à négocier sur un « nouveau pacte de la vie au travail », en leur transmettant le 21 novembre 2023 un document d'orientation qui posait trois axes de négociation :

· améliorer l'articulation entre la carrière et les temps de vie du salarié avec la mise en place d'un compte épargne-temps universel (CETU) ;

· atteindre le plein emploi des séniors ;

· encourager la progression des carrières et les possibilités de reconversions professionnelles, et mieux lutter contre l'usure professionnelle

Par ailleurs, dans le cadre de la négociation relative aux règles de l'assurance-chômage qui se tenait en parallèle, les partenaires sociaux devaient aussi adapter la règlementation pour tenir compte de l'allongement des carrières. Le Gouvernement avait conditionné l'agrément de la convention d'assurance chômage à la conclusion de ce « pacte de la vie au travail ».

Après un premier achoppement des négociations début 2024 et le refus du Gouvernement d'agréer un accord sur l'assurance chômage, les partenaires sociaux ont été invités par le Gouvernement en octobre 2024 à reprendre les négociations sur les séniors.

Ils sont finalement parvenus à la conclusion d'un accord national interprofessionnel (ANI) sur l'emploi des salariés expérimentés, signé, le 14 novembre 2024, par les trois organisations représentatives des employeurs1(*) et par quatre des cinq organisations représentatives des salariés2(*).

Cet accord, qui comprend sept articles, est structuré autour de quatre axes :

· mobiliser le dialogue social de branche et d'entreprise ;

· préparer la deuxième partie de carrière ;

· lever les freins au recrutement des demandeurs d'emploi séniors par la création d'un « contrat de valorisation de l'expérience » ;

· faciliter les aménagements de fin de carrière.

Par ailleurs, les partenaires sociaux ont conclu un second ANI sur l'évolution du dialogue social pour lequel sont signataires le Medef et l'U2P, pour la partie patronale, ainsi que les cinq organisations syndicales.

Enfin, une convention relative à l'assurance chômage a été conclue le 15 novembre 2024, laquelle a fait l'objet d'un agrément du 19 décembre 2024, à l'exception d'une disposition nécessitant une base légale.

Le Sénat entend veiller à une transcription fidèle et complète des mesures des ANI qui nécessitent des modifications législatives, dans le respect des partenaires sociaux.

B. LA SUPPRESSION DE L'HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE POUR RÉFORMER LES DISPOSITIFS DE TRANSITIONS PROFESSIONNELLES

L'article 10 visait initialement à habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance les dispositifs de transitions professionnelles pour répondre à la fragmentation des outils existants : projet de transition professionnelle, contrat de professionnalisation, reconversion ou promotion par alternance ou encore conseil en évolution professionnelle.

Récapitulatif des négociations sur les transitions professionnelles

Les rapporteures rejoignent le constat d'une articulation insuffisante entre ces dispositifs, tandis que les critères d'éligibilité complexes et la lourdeur administrative découragent les travailleurs. Elles se félicitent que le Gouvernement ait relancé les négociations avec les partenaires sociaux.

Cependant, la commission a procédé à la suppression du dispositif d'habilitation, considérant que la réforme des reconversions professionnelles constitue un enjeu majeur dont le Parlement ne saurait être dépossédé. Il appartient au Parlement de veiller à la transposition fidèle de l'éventuel accord sur lequel les partenaires sociaux pourraient aboutir. La commission a donc adopté, en lieu et place, un amendement consacrant les objectifs fixés par le document d'orientation adressé aux partenaires sociaux. Cet article amendé pourrait, le cas échéant, être précisé en vue de la transposition de l'ANI s'il est conclu au cours de la navette parlementaire.

II. RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L'EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTÉS

Les rapporteures saluent la volonté des partenaires sociaux, exprimée dans l'ANI en faveur des salariés expérimentés, de relancer le dialogue social de branche comme d'entreprise sur l'enjeu spécifique des séniors.

A. DES NÉGOCIATIONS SPÉCIFIQUES SUR L'EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SÉNIORS AU MOINS TOUS LES QUATRE ANS

L'article 1er du projet de loi transpose loyalement l'intention de l'ANI de réinstaurer une négociation obligatoire sur ce sujet. Une telle obligation par le code du travail avait été prévue en 2003 par le législateur avant d'être remplacée en 2013 par une certaine incitation à conclure des accords. Depuis 2017, le travail et l'emploi des séniors ne sont plus du tout abordés de manière spécifique dans les négociations de branches prévues par le code du travail. En conséquence, depuis 2017, seules deux branches se sont saisies de cet enjeu : celles des casinos et des sociétés d'assistance.

Cet article crée donc une négociation obligatoire au moins tous les quatre ans - à défaut d'accord de méthode prévoyant la périodicité de la négociation dans la branche, le code du travail retiendra une fréquence triennale. Lors de cette négociation, les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau de la branche devront aborder le recrutement des salariés séniors, leur maintien dans l'emploi, l'aménagement des fins de carrière, notamment les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel, la transmission des savoirs et compétences.

L'accord de branche pourra également déterminer un plan d'action type pour les entreprises de moins de 300 salariés que les employeurs pourront appliquer, par un document unilatéral, si une négociation sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés n'a pas abouti.

Prévoir de telles négociations au niveau de branche permettra de faire émerger des solutions d'aménagements des fins de carrières adaptées aux secteurs d'activité et à chacune de leurs réalités socio-économiques.

B. ACTIONNER ÉGALEMENT LE LEVIER DU DIALOGUE SOCIAL EN ENTREPRISE

L'article 2 propose de mettre en place une obligation quadriennale de négociation à destination des entreprises d'au moins 300 salariés portant sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.

Le droit en vigueur ne prévoit qu'une négociation supplétive dans le cadre de la gestion des emplois, des parcours professionnels et sur la mixité des métiers (GPEC), pouvant porter sur « l'emploi des salariés expérimentés et la transmission des savoirs et des compétences » et « l'amélioration des conditions de travail des salariés âgés ». Cette négociation peut, en outre, facilement être écartée par un accord de méthode. En consacrant un nouveau thème de négociation d'entreprise obligatoire, ce dispositif incite à la prise de conscience des employeurs quant aux enjeux propres aux salariés expérimentés.

III. LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI SÉNIORS

A. LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES SÉNIORS EN RECHERCHE D'EMPLOI

Les personnes âgées de 55 à 64 ans rencontrent des difficultés spécifiques sur le marché de l'emploi : en 2023, leur taux d'emploi s'établissait à 58,4 %, contre 82,6 % pour celles âgées de 25 à 49 ans. Ce taux reste en deçà de la moyenne de l'Union européenne et s'avère sensiblement inférieur au niveau observé dans certains pays notamment de l'Europe du Nord.

Taux d'emploi des 55 - 54 ans dans plusieurs pays européens

Source : Dares, Les séniors sur le marché du travail en 2023, 11 septembre 2024

Bien que ce taux d'emploi des séniors continue d'augmenter en France pour atteindre leurs plus hauts niveaux depuis 1975, l'analyse du marché de l'emploi réalisée par l'Unédic3(*) met en évidence un âge pivot, de 56 ans, à partir duquel le taux d'accès à l'emploi durable devient significativement plus faible qu'à 50 ans.

Source : Commission des affaires sociales, données de la Dares

B. LA CRÉATION D'UN CONTRAT DE VALORISATION DE L'EXPÉRIENCE À DESTINATION DES DEMANDEURS D'EMPLOI EXPÉRIMENTÉS

L'article 4 propose de créer un nouveau contrat à durée indéterminée (CDI) à destination des demandeurs d'emploi expérimentés, qui permettrait à leur employeur de procéder à leur mise à la retraite une fois l'âge d'obtention d'une pension de retraite à taux plein atteint. Ce contrat de valorisation de l'expérience (CVE) ouvrirait également droit à une exonération de la contribution employeur spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite.

Les rapporteures constatent que cet article s'inscrit dans la lignée du contrat de fin de carrière proposé par le Sénat lors de la réforme des retraites, et permet de concilier la flexibilité du contrat avec les intérêts du salarié en lui offrant une garantie de ne pas être mis à la retraite sans pension à taux plein.

Elles saluent également l'engagement confirmé par les directions ministérielles auditionnées de supprimer le CDI sénior par décret, afin de concourir à la rationalisation des dispositifs existants. De même, l'utilisation de la déclaration sociale nominative (DSN), doit permettre un recensement précis des contrats conclus sous ce nouveau régime.

Afin d'assurer la bonne information du législateur à l'issue des cinq années prévues par cet article, en vue de la pérennisation du dispositif, la commission a adopté un amendement précisant le caractère expérimental du contrat de valorisation de l'expérience, et en y associant un rapport d'évaluation. Cette évaluation, conduite par le Gouvernement, n'est pas de nature à remettre en cause les travaux réalisés par le comité de suivi de la mise en oeuvre de l'ANI prévu à son l'article 6 de l'ANI.

IV. ANTICIPER ET ACOMPAGNER LES FINS DE CARRIÈRE DES SALARIÉS EXPÉRIMENTÉS

A. INSTAURER POUR LES SALAIRÉS DES RENDEZ-VOUS CLÉS NOTAMMENT DE MI-CARRIÈRE

L'article 3 vise à créer des rendez-vous clés au cours de la carrière ; il s'agit d'aborder les évolutions possibles dans l'organisation du travail avec comme objectif de maintenir le salarié dans l'emploi et de prévenir l'usure professionnelle. À cette fin, la visite médicale de mi-carrière, créée par la loi du 2 aout 2021, serait mieux articulée avec les entretiens professionnels se tenant tous les deux ans. L'un d'entre eux devra être l'occasion d'aborder les mesures proposées, le cas échéant, par le médecin du travail à l'issue de cette visite. L'entretien conduit vers le soixantième anniversaire du salarié devra aussi être l'occasion d'évoquer les aménagements possibles de la fin de carrière.

La commission a adopté cet article avec un amendement de clarification des rapporteures.

B. FAVORISER LES TRANSITIONS ENTRE EMPLOI À TEMPS PLEIN ET RETRAITE

Il ressort des travaux des rapporteures que l'alternative binaire entre travail à temps complet ou cessation totale d'activité par un départ en retraite structure encore souvent les carrières et imprègne la culture d'entreprise française. Au contraire, le maintien en emploi d'un plus grand nombre de séniors nécessite une flexibilisation des modèles d'organisation du travail. Les dispositifs de retraite progressive, qui ne concerne que 26 000 salariés en 2023, ou de temps partiel de droit commun sont encore trop méconnus des employeurs et des salariés.

Les rapporteures partagent l'ambition des partenaires sociaux, exprimée dans l'ANI, de « faciliter et sécuriser les aménagements de fins de carrière et la transition progressive vers la retraite et ainsi éviter les sorties prématurées de l'emploi ».

Dans le prolongement de la réforme des retraites de 2023, l'article 5 encadre davantage le refus opposé par l'employeur à la demande du salarié de passer à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre d'une retraite progressive. L'employeur devra ainsi justifier que la réduction de la durée de travail sollicitée a une incidence sur la continuité de l'activité de l'entreprise ou du service et que des tensions de recrutement empêchent de pallier ces difficultés.

L'article 6 permet de négocier par accord collectif, au niveau des entreprises ou des branches, un versement anticipé de l'indemnité de départ à la retraite dans le cadre d'un passage à temps partiel ou réduit. Ce versement échelonné doit assurer un maintien total ou partiel de la rémunération en dépit de la réduction de la quotité d'activité. Cette modification du droit du travail permettra ainsi de valider les clauses déjà négociées dans certaines entreprises ou branche et d'encourager la diffusion.

L'article 7 permet enfin de préciser que la mise à la retraite d'office d'un salarié est permise, y compris lorsque ce dernier a été recruté après avoir atteint l'âge de départ à taux plein, ce qui doit permettre de sécuriser juridiquement l'embauche de ces salariés.

V. PRÉSERVER L'EXPÉRIENCE ACQUISE DANS LE DIALOGUE SOCIAL ET AIDER LES PRIMO-ENTRANTS DANS LEUR RÉINSERTION SUR LE MARCHÉ DE L'EMPLOI

A. LA SUPPRESSION DE LA LIMITATION DE TROIS MANDATS SUCCESSIFS POUR LES ÉLUS DU COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE VISE À PRÉSERVER L'EXPÉRIENCE ACQUISE DANS LE DIALOGUE SOCIAL

Le comité social et économique constitue l'instance représentative unique du personnel, créée par une ordonnance du 22 septembre 2017 en substitution du comité d'entreprise, des délégués du personnel et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Cette même réforme a prévu l'élection des membres de la délégation du personnel pour un mandat de quatre ans, avec une limitation à trois mandats successifs pour les entreprises de plus de 300 salariés. L'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 relatif à l'évolution du dialogue social identifie la nécessité de revenir sur cette disposition, afin de maintenir l'expertise des élus. Les partenaires sociaux constatent un manque de candidats volontaires pour exercer ces fonctions représentatives, particulièrement chez les jeunes salariés, compromettant le fonctionnement effectif des instances de dialogue social.

L'article 8 procède ainsi à la suppression dans le code du travail de cette limitation des mandats dans le temps.

B. L'ABAISSEMENT DES CONDITIONS D'ACTIVITÉS REQUISES POUR LES PRIMO-ENTRANTS À L'ASSURANCE CHÔMAGE VISE À RÉPONDRE AUX DIFFICULTÉS RELATIVES À LEUR INSERTION SUR LE MARCHÉ DE L'EMPLOI

L'article 9 vise à adapter les conditions d'accès à l'assurance chômage pour les primo-entrants, c'est-à-dire les personnes n'ayant jamais bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) ou n'en ayant plus bénéficié depuis une période prolongée.

En l'état des règles d'assurance chômage, les primo-entrants se voient appliquer les conditions de droit commun, et doivent donc justifier d'une période d'affiliation minimale de 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées au cours des 24 derniers mois précédant la fin du contrat de travail. Pour les salariés âgés de 53 ans et plus, cette période de référence est étendue à 36 mois.

Les partenaires sociaux, dans la convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage, ont souhaité introduire un assouplissement significatif en abaissant cette condition à 108 jours travaillés ou 758 heures travaillées, soit environ 5 mois d'activité au lieu de 6 mois actuellement. Considérant que cette mesure nécessitait une base légale spécifique, le Gouvernement a exclu ces stipulations de l'agrément

Cette disposition répond aux difficultés spécifiques d'insertion rencontrées par les primo-entrants sur le marché du travail. Elle bénéficiera principalement aux jeunes, qui représentent 62 % des primo-entrants et dont le taux de chômage est traditionnellement plus élevé que celui d'autres catégorie :17,2 % en 2023 pour les 15 - 24 ans contre 6,7 % pour les 25 - 49 ans.

L'article 9, adopté par la commission, remédie à l'absence de base légale en permettant la modulation des conditions d'activité pour l'ouverture des droits à l'allocation, en tenant compte du fait que le demandeur d'emploi n'a jamais bénéficié de l'assurance chômage ou n'en a plus bénéficié depuis une durée importante.

Réunie le mercredi 28 mai 2025 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a examiné le rapport d'Anne-Marie Nédélec et de Frédérique Puissat.

La commission a adopté le projet de loi modifié par huit amendements.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE Ier

RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L'EMPLOI
ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTÉS

Article 1er
Négociation obligatoire sur l'emploi et le travail des séniors
au niveau des branches

Cet article propose d'instituer au niveau des branches professionnelles une négociation obligatoire sur l'emploi et le travail des salariés séniors.

La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel des rapporteures.

I°- Le dispositif proposé : réinstaurer une négociation de branche sur l'emploi et le travail des salariés âgés

A. Une négociation de branche auparavant prévue par le code du travail

Si le droit en vigueur ne prévoit aucune négociation obligatoire de branche sur l'emploi et le travail des salariés âgés, tel n'a pas toujours été le cas. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites4(*) avait en effet instauré une obligation triennale s'imposant aux organisations liées par une convention de branche de négocier « sur les conditions de travail et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences des salariés âgés et sur la prise en compte de la pénibilité du travail ».

Ce thème de négociation obligatoire avait par la suite été supprimé en vertu de la loi du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération5(*) qui avait, toutefois, maintenue une incitation à négocier pour les branches. En effet, les accords étendus portant sur le contrat de génération, qui devaient comporter des clauses sur « l'emploi des salariés âgés et de la transmission des savoirs et des compétences »6(*), permettaient le versement de l'aide financière de l'État au titre du contrat de génération aux entreprises de cinquante à moins de trois cents salariés dépourvus d'accords d'entreprise.

Enfin, la suppression du contrat de génération par une ordonnance du 22 septembre 20177(*) avait entraîné l'abrogation de toute référence légale à une négociation spécifique de branche sur l'emploi et le travail des salariés séniors.

B. Le droit proposé : une négociation obligatoire au moins quadriennale

Les articles 1.1. et 1.3. de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés appellent à un renforcement du dialogue social dans les branches professionnelles sur l'emploi et le travail des séniors.

Pour cela, le présent article propose d'ajouter un nouveau thème de négociation obligatoire de branche et prévoit ses modalités d'application.

Le modifie l'article L. 2241-1 du code du travail afin d'obliger les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels à négocier au moins une fois tous les quatre ans sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés en considération de leur âge.

Le précise, à l'article L. 2241-5 du même code, qu'un accord de méthode, par lequel les branches professionnelles peuvent définir le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de cette négociation, ne pourra prévoir une périodicité plus espacée qu'une fois tous les quatre ans. Il vise également - à l'article L. 2241-6 du code du travail - à fixer la même fréquence minimale dans le cas où l'accord de branche conclu sur le travail et l'emploi des salariés expérimentés prévoit lui-même sa périodicité de renégociation.

Le propose d'insérer deux nouveaux articles L. 2241-14-1 et L. 2241-14-2 en tant que dispositions supplétives du code du travail. À défaut d'accord de méthode, la négociation sur l'emploi et le travail des salariés séniors serait triennale. Elle serait précédée d'un diagnostic et devrait nécessairement porter sur quatre thèmes :

- le recrutement de ces salariés ;

- leur maintien dans l'emploi ;

- l'aménagement des fins de carrière, notamment les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;

- la transmission des savoirs et compétences, notamment les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.

Un décret devrait déterminer les informations nécessaires à la négociation. Selon les informations transmises par la direction générale du travail (DGT) aux rapporteures, il s'agirait principalement de définir les conditions d'établissement du diagnostic et, le cas échéant, son articulation avec le calendrier de la négociation.

Des thèmes facultatifs pourraient aussi être abordés lors de cette négociation, à savoir :

- le développement des compétences et l'accès à la formation ;

- les impacts des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;

- les modalités d'écoute, d'accompagnement et d'encadrement de ces salariés ;

- la santé au travail et la prévention des risques professionnels ;

- l'organisation et les conditions de travail.

Enfin, le propose la création d'un article L. 2241-2-1 du même code, qui serait une disposition d'ordre public, afin de préciser que l'accord de branche peut comporter un plan d'action type pour les entreprises de moins de 300 salariés.

En cas d'échec des négociations dans l'entreprise, l'employeur pourrait appliquer ce plan d'action, s'en pouvoir s'en écarter, au moyen d'un document unilatéral et après information du comité social et économique (CSE), ainsi que des salariés.

II - La position de la commission : une transposition fidèle de l'accord pour une relance du dialogue social de branche

A. Une négociation de branche spécifique sur l'emploi et le travail des séniors devenue très rare

En l'état du droit, le dialogue social des branches peut bien entendu déjà aborder certains thèmes ayant trait à l'emploi et au travail des séniors. Ainsi que le note la direction générale du travail (DGT) dans sa réponse au questionnaire des rapporteures, « le sujet peut être traité de manière indirecte dans d'autres accords (prévoyance, formation professionnelle, gestion des emplois et des parcours professionnels en entreprise, qualité de vie au travail...) ». Les négociations sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GEPC)8(*) nécessitent ainsi de prendre compte une gestion anticipée des compétences, et notamment leur transmission générationnelle, ainsi qu'une adaptation des parcours professionnels.

Le Gouvernement et le législateur9(*) ont également encouragé la négociation collective dans les branches sur la prévention de l'usure professionnelle, notamment en lien avec le déploiement du Fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) créé dans le cadre de la réforme des retraites de 2023. Ces négociations, qui doivent notamment permettre d'identifier les métiers particulièrement exposés aux risques ergonomiques10(*), concourent à prévenir la désinsertion professionnelle, dont l'enjeu grandi avec l'allongement des carrières.

Toutefois, les rapporteures constatent que, laissées depuis 2013 sans obligation et depuis 2017 sans incitation particulière, les branches professionnelles ne se sont pas saisies de l'enjeu spécifique de l'emploi des salariés âgés. Selon l'étude d'impact annexé au projet de loi, seules deux branches professionnelles ont conclu des accords spécifiques sur l'emploi des séniors depuis 201711(*) : la branche des sociétés d'assistance et celle des casinos.

Accords sur l'emploi des séniors intervenus dans les branches des sociétés d'assistance et des casinos

Entendues en audition par les rapporteures, les organisations d'employeur des deux branches ont pu présenter les négociations et l'application des accords intervenus en 2021 et 2023.

Dans la branche des sociétés d'assistance, l'accord du 28 mai 2021 relatif à l'emploi des séniors et à la seconde partie de carrière comporte des dispositifs tel que la possibilité donnée aux salariés de plus de 55 ans et ayant au moins 15 ans d'ancienneté de réduire leur temps de travail à hauteur de 80 % d'un temps complet mais rémunéré à 90 %, la faculté des salariés de plus de 45 ans de demander un entretien spécifique afin de préparer leur deuxième partie de carrière, la possibilité de convertir l'indemnité de départ à la retraite en jours de repos, ainsi que des dispenses de travail de nuit pour les salariés âgés ayant une certaine ancienneté.

Selon l'Union des assisteurs, ces différents aménagements de temps de travail ou des conditions de travail trouvent encore peu d'application dans les entreprises par manque de demande des salariés. En revanche, les comptes épargne temps (CET), dispositif également précisé dans cet accord, connaissent une certaine popularité afin de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite.

Dans la branche des casinos, l'avenant 36 du 18 décembre 2023 relatif à l'emploi des seniors modifie un accord du 30 juin 2008 relatif à l'emploi des seniors toujours de vigueur. Cet avenant comporte, selon Casinos de France, des points d'amélioration en termes d'aménagement du travail en octroyant aux salariés âgés de plus de 59 ans et, remplissant certaines conditions tenant notamment à leur ancienneté, une organisation de travail en 3/2 (3 jours de travail, 2 jours de repos) ou en 4/2, des jours de repos supplémentaires et en prévoyant des missions de tutorat.

B. Un article transposant fidèlement la volonté des partenaires sociaux

Les rapporteures ne peuvent que s'associer aux propos des organisations syndicales signataires de l'ANI, entendues en audition, qui ont souligné le rôle essentiel du présent article pour diffuser au sein des entreprises la culture de dispositifs encore trop ignorés des salariés comme des employeurs : retraite progressive, passage à temps partiel, tutorat ou mentorat etc.

L'ambition de l'ANI est de détacher le sujet de l'emploi et du travail des séniors des autres thèmes de négociation collective pour relancer le dialogue social sur ce sujet. Selon Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT chargé de la politique de l'emploi, « il faut que les branches et les entreprises comprennent que l'emploi et le travail des séniors est un enjeu en tant que tel, et que ce dernier ne soit plus noyé dans la GEPP ».

Les rapporteures constatent également que prévoir une négociation obligatoire au niveau des branches plutôt que d'imposer par la loi ou le règlement des mesures uniformes est décisif pour que les solutions d'aménagements des fins de carrières soient adaptées aux secteurs d'activité et à chacune de leurs réalités socio-économiques.

Le présent article assure une transposition fidèle de la volonté exprimée par les partenaires sociaux aux articles 1.1. et 1.3. de l'ANI, ce dont les rapporteures se réjouissent.

La commission a adopté un amendement rédactionnel COM-13 de ses rapporteures.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Création d'une obligation quadriennale de négociation relatives aux salariés expérimentés dans les entreprises d'au moins 300 salariés

Cet article propose de mettre en place une obligation quadriennale de négociation à destination des entreprises d'au moins 300 salariés portant sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.

La commission a adopté cet article sans modification.

I°- Le dispositif proposé

A. La rationalisation des dispositions relatives aux négociations obligatoires résultant des ordonnances de 2017 a tendu à invisibiliser l'emploi des seniors

1. L'emploi des séniors a fait l'objet d'obligations de négociation en entreprise dûment sanctionnées

L'entreprise est un lieu privilégié pour que le dialogue social se saisisse des enjeux propres aux salariés expérimentés, et que des accords entre les représentants salariés et l'employeur mettent en place des mesures plus protectrices ou mieux adaptées à l'activité des salariés.

Afin d'inciter à la conclusion de tels accords, le législateur a par le passé adopté une approche coercitive. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites12(*) a ainsi institué une obligation de négociation triennale portant sur les « questions de l'accès et du maintien dans l'emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle »13(*).

Afin de renforcer la prise de conscience des employeurs, le législateur a, par la loi de financement de la sécurité sociale du 17 décembre 200814(*), mis en place une pénalité financière à l'encontre des entreprises n'ayant pas conclu d'accord ou mis en place un plan d'action comportant des objectifs chiffrés en faveur de l'emploi des séniors15(*).

Article L. 138-24 du code du travail dans sa version en vigueur au 1er janvier 2010

Les entreprises, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L. 2211-1 et L. 2233-1 du code du travail employant au moins cinquante salariés ou appartenant à un groupe au sens de l'article L. 2331-1 du même code dont l'effectif comprend au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d'action relatif à l'emploi des salariés âgés.

Le montant de cette pénalité est fixé à 1 % des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du présent code et du deuxième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par l'accord ou le plan d'action mentionné à l'alinéa précédent.

Le produit de cette pénalité est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du présent code sont applicables à cette pénalité.

Enfin, en 201316(*), à la faveur de la création du contrat de génération, le législateur a entendu consacrer une nouvelle obligation de négociation triennale « des engagements en faveur de la formation et de l'insertion durable des jeunes dans l'emploi, de l'emploi des salariés âgés »17(*), en conditionnant l'octroi de l'aide du contrat jeune à la conclusion d'un tel accord.

2. L'ordonnance de 2017 a opéré une rationalisation des thèmes de négociation obligatoire en entreprise

Afin de rationaliser les négociations collectives en entreprise, l'ordonnance du 22 septembre 201718(*) a modifié l'architecture des négociations d'entreprise, en précisant celles relevant respectivement de l'ordre public, de la négociation collective ainsi que les dispositions supplétives s'appliquant à défaut d'accord :

- les entreprises dans lesquelles il existe des sections syndicales doivent engager au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée ainsi qu'une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail19(*) ;

- les entreprises d'au moins trois cents salariés doivent en outre engager, selon la même périodicité, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GPEC)20(*) ;

- ces entreprises peuvent conclure un accord de méthode déterminant notamment la périodicité et le contenu des thèmes de négociation obligatoire, dans le respect des dispositions d'ordre public21(*).

À défaut de la conclusion d'un accord de méthode, le contenu ainsi que la périodicité des négociations obligatoires est fixé de manière impérative par la loi. C'est le cas de la négociation sur la GPEC, dont l'article L. 2242-20 du code du travail liste les six items devant faire l'objet de négociations tous les trois ans.

L'article L. 2242-21 du même code précise les thèmes supplétifs sur lesquels la précédente négociation peut porter, parmi lesquels figure notamment « l'emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences » et « l'amélioration des conditions de travail des salariés âgés ».

Synthèse des matières obligatoires et supplétives dans le cadre de la négociation obligatoire sur la gestion des emplois et des parcours professionnels

Matière obligatoire en l'absence d'accord de méthode (art. L.2242-20 du code du travail)

Matière supplétive (art. L.2242-21 du code du travail)

La mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)

Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique (CSE) en cas de « grand licenciement économique »

Les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise

Les compétences du CSE en cas de « grand licenciement économique »

Les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l'entreprise

Les catégories d'emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques

Les perspectives de recours par l'employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages

Les modalités de l'association des entreprises sous-traitantes au dispositif de GPEC

Les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l'entreprise ayant un effet sur leurs métiers, l'emploi et les compétences

La participation de l'entreprise aux actions de GPEC mises en oeuvre à l'échelle des territoires

Le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l'exercice de leurs fonctions

La mise en place de congés de mobilités

 

La formation et l'insertion durable des jeunes dans l'emploi, l'emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences, les perspectives de développement de l'alternance, ainsi que les modalités d'accueil des alternants et des stagiaires et l'amélioration des conditions de travail des salariés âgés

B. L'ajout d'un nouveau thème optionnel

L'article 1.4 de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés détermine les thèmes relatifs aux salariés expérimentés devant respectivement relever de la négociation obligatoire et de la négociation facultative. Il liste notamment dans le domaine d'ordre public le recrutement des salariés expérimentés, le maintien dans l'emploi et l'aménagement des fins de carrière ainsi que la transmission des savoirs et des compétences des salariés expérimentés.

Afin de transcrire cette volonté dans la loi, le 1° du présent article propose la création d'un nouvel article L. 2242-2-1 dans le code du travail, imposant aux entreprises d'au moins 300 salariés d'engager, au moins une fois tous les quatre ans, une négociation sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés « en considération de leur âge »22(*). En conséquence, le 6° du présent article supprime les thèmes supplétifs de négociation concernant les salariés expérimentés.

Les 2°, 3° et 4° du présent article effectuent les coordinations nécessaires à l'application du droit commun des négociations obligatoires d'entreprises en matière d'interdiction d'acte unilatéral durant les négociations23(*) et de conclusion des accords de méthode24(*).

Le 5° complète l'article L. 2242-13 du code du travail afin de définir les dispositions supplétives qui encadrent cette négociation en l'absence d'un accord de méthode au sens de l'article L. 2242-11 du même code.

Le 7° du présent article vise à créer une sous-section à la section 3 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail, consacrée aux salariés expérimentés, et composée d'un article unique25(*). Ledit article précise que, en l'absence d'accord de méthode, la négociation obligatoire doit être engagée tous les trois ans, doit être précédée d'un diagnostic et porte sur les thèmes suivants26(*) :

- le recrutement des salariés expérimentés ;

- leur maintien dans l'emploi ;

- l'aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;

- la transmission de leurs savoirs et compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences.

II - La position de la commission

Le présent article assure une transposition fidèle de la volonté exprimée à l'article 1.4 de l'ANI précité.

Le droit en vigueur ne prévoit qu'une négociation supplétive sur le sujet des salariés expérimentés, qui peut aisément être écartée par un accord de méthode. Par ailleurs, cette négociation ne voit pas ses thèmes détaillés, ce qui limite l'appréhension de la pluralité des enjeux rencontrés par les salariés expérimentés.

La mise en place d'une obligation de négociation quadriennale sur les salariés expérimentés permettra d'en faire une négociation à part entière, distincte de celle sur la gestion des emplois, des parcours professionnels et sur la mixité des métiers (GPEC). Par ailleurs, le périmètre de cette obligation réservée aux entreprises d'au moins 300 salariés permet de laisser plus de flexibilité pour les petites et moyennes entreprises où le dialogue social est plus souvent informel.

Par conséquent, les rapporteures proposent d'adopter cet article.

La commission a adopté cet article sans modification.

TITRE II

PRÉPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE

Article 3
Instauration de rendez-vous professionnels de mi-carrière
et de préparation de la fin de carrière

Cet article propose d'instituer deux rendez-vous professionnels consacrés respectivement à l'anticipation de la seconde partie de carrière, à l'âge de quarante-cinq ans, et à la préparation de la fin de carrière, à compter de cinquante-huit ans. À cette fin, il vise à mieux articuler les visites médicales et les propositions du médecin du travail qui en ressort avec les entretiens professionnels.

La commission a adopté cet article modifié par deux amendements de précision rédactionnelle des rapporteures.

I°- Le dispositif proposé : créer des rendez-vous clés en s'appuyant sur les visites médicales et les entretiens professionnels déjà prévus

A. Un suivi médical des travailleurs étoffé par le législateur

1. La création d'une visite médicale de mi-carrière

La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail27(*) a institué des visites médicales de mi-carrière par la médecine du travail au bénéfice de tous les travailleurs. Cette visite doit se tenir à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l'année civile du 45 ème anniversaire du salarié28(*).

En vertu de l'article L. 4624-2-2 du code du travail, cette visite médicale vise à :

- établir un état des lieux de l'adéquation entre le poste de travail et l'état de santé du travailleur, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été soumis ;

- évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l'évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;

- sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

Cette visite médicale peut être anticipé et organisé conjointement avec un autre examen (voir encadré), comme la visite d'information et de prévention, obligatoire après chaque embauche.

Les différents examens médicaux prévus par la loi

Cette visite médicale de mi-carrière s'est insérée dans un suivi de l'état de santé du travail qui comportait déjà plusieurs examens médicaux possibles, parmi lesquelles :

- la visite d'information et de prévention29(*) (VIP) effectuée après l'embauche du salarié ;

- l'examen médical d'aptitude30(*) qui se substitue à la VIP pour les travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou celles d'autres personnes ;

- un examen médical de reprise31(*) après un congé de maternité ou une absence au travail justifiée par une incapacité résultant de maladie ou d'accident.

Ce suivi médical a également été complété par la même loi du 2 août 2021 qui a prévu une visite médicale de fin de carrière32(*), avant le départ en retraite, pour les travailleurs bénéficiant du dispositif de suivi individuel renforcé, ainsi qu'un examen de préreprise33(*) en cas d'absence du salarié supérieure à 30 jours.

Elle est réalisée par un médecin du travail mais peut, par dérogation, être menée par un infirmier de santé au travail exerçant en pratique avancée. Ce dossier ne pouvant toutefois pas proposer les mesures individuelles décrites ci-dessous, elle doit, le cas échéant, réorienter le salarié vers un médecin du travail.

2. Des mesures individuelles pouvant être proposées par le médecin du travail au regard de l'âge ou de l'état de santé du travailleur

En application de l'article L. 4624-3 du code du travail, le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur. 

Le législateur a précisé que ces mesures pouvaient notamment être préconisées dans le cadre de la visite médicale de mi-carrière34(*).

Ces mesures sont proposées par écrit et après échange avec le travailleur et l'employeur. Il est notamment fait obligation au médecin du travail de recevoir le salarié, afin d'échanger sur l'avis et les indications ou les propositions qu'il pourrait adresser à l'employeur35(*). Le médecin peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en oeuvre son avis et ses indications ou ses propositions.

En application de l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions émises par le médecin du travail. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. Le salarié ou l'employeur peut dès lors saisir le conseil de prud'hommes36(*).

B. Le droit proposé : mieux préparer la seconde partie et la fin de la carrière pour favoriser le maintien dans l'emploi

L'article 2 de l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés appelle à mieux préparer la deuxième partie de carrière.

Pour cela, le présent article propose de mieux articuler les visites médicales organisées à compter de 45 ans et les entretiens professionnels.

Les entretiens professionnels

Issu de l'ANI du 14 décembre 2013 et codifié par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale37(*), l'article L. 6315-1 du code du travail prévoit que tous les salariés bénéficient tous les deux ans d'un entretien professionnel consacré aux « perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ».

Le contenu de cet entretien a été complété à deux reprises, en 201638(*) et en 2019. Il doit désormais comporter des « informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle ».

Ainsi le du présent article complète l'article L. 4624-3 du code du travail afin de prévoir que les mesures formulées par le médecin du travail à l'issue d'une visite d'information et de prévention, de l'examen médical d'aptitude ou de l'examen médical de reprise sont abordées lors de l'entretien professionnel.

Le du présent article complète l'article L. 6315-1 du code du travail afin de créer des rendez-vous de mi-carrière en articulant davantage la visite médicale de mi-carrière et l'entretien professionnel. Celui-ci pourra être préparé avec un conseiller en évolution professionnelle et devra :

- se tenir dans un délai de deux mois suivant la visite médicale ;

aborder les mesures individuelles suggérées par le médecin du travail ;

- aborder, s'il y a lieu, d'autres thèmes comme l'adaptation ou l'aménagement des missions et du poste de travail, la prévention de situations d'usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié.

À l'issue de l'entretien, un document écrit doit récapituler, sous de bilan, l'ensemble des éléments abordés.

L'article 2.1 de l'ANI précise l'objectif assigné à ce nouveau rendez-vous : « le salarié bénéficie ainsi d'un bilan complet à mi-carrière, incluant les aspects relatifs à la santé, aux compétences, aux qualifications, à la formation, aux souhaits de mobilité, aux actions de prévention de la désinsertion et de l'usure professionnelles ».

Enfin, le V de l'article L. 6315-1, que le dernier alinéa du , propose de créer que l'entretien professionnel organisé dans les deux ans précédant le soixantième anniversaire du salarié doit aborder les conditions de maintien dans l'emploi et les aménagements possible de fin de carrière comme la retraite progressive ou le temps partiel. Il s'agit ainsi d'instituer « un second rendez-vous deux ans avant le soixantième anniversaire avec un entretien professionnel dédié à la fin de carrière »39(*).

II - La position de la commission : un article bienvenu transcrivant l'ambition des partenaires sociaux

Les rapporteures constatent que la bonne mise en oeuvre de cet article dans les entreprises demandera du temps. Il ressort de leurs travaux que les craintes exprimées par la commission des affaires sociales lors de l'examen de la loi au Sénat de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, n'étaient pas infondées40(*) : les services de prévention et de santé au travail (SPST) peinent à assurer l'ensemble des visites médicales de mi-carrière41(*) en raison de la pénurie de médecin du travail.

Il n'en demeure pas moins que cet article porte une ambition à laquelle souscrivent entièrement les rapporteures : créer des rendez-vous clés pour aborder les évolutions possibles dans l'organisation du travail permettant un maintien dans l'emploi du salarié. Il s'agit ainsi d'anticiper et de prévenir l'usure professionnelle. De même, les entretiens professionnels conduits vers le soixantième anniversaire doivent être l'occasion de diffuser la culture des organisations du travail qui permettent de maintenir le salarié en emploi. Tout l'enjeu sera désormais de faire en sorte que cette ambition soit appliquée.

Interrogée à ce sujet, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi a ainsi indiqué avoir tout à fait conscience des « difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises » quant aux visites médicales de mi-carrière et avoir « demandé à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de réfléchir à des méthodes innovantes pour la médecine du travail, en lien avec les services de prévention et de santé au travail »42(*).

Le présent article assure une transposition fidèle de l'ANI précité. Les rapporteures ont proposé deux amendements rédactionnels COM-14 et COM-15 à la commission qui les a adoptés. Le second amendement vise à clarifier que le document écrit dressant le bilan des mesures abordées lors de l'entretien professionnel de mi-carrière ne sera pas un document supplémentaire à celui déjà exigé par le code du travail43(*).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

TITRE III

LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI SÉNIORS

Article 4
Création d'un contrat de valorisation de l'expérience

Cet article propose de créer un nouveau contrat à durée indéterminée (CDI) à destination des demandeurs d'emploi expérimentés, qui permettrait à leur employeur de procéder à leur mise à la retraite une fois l'âge d'obtention d'une pension de retraite à taux plein atteint, et de bénéficier d'une exonération de la contribution employeur spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite.

La commission a adopté cet article modifié par deux amendements procédant à la précision du caractère expérimental de la mesure ainsi qu'à d'autres précisions d'ordre rédactionnelles.

I°- Le dispositif proposé

A. Le droit en vigueur offre plusieurs types de contrats dédiés aux travailleurs expérimentés, qui semblent peu attractifs

1. Face aux difficultés rencontrées par les séniors sur le marché de l'emploi, les dispositifs d'aide se sont multipliés

Les personnes âgées de 55 à 64 rencontrent des difficultés spécifiques relatives à l'emploi, ce qui se traduit en 2023 par un taux d'emploi de 58,4 %, contre 82,6 % pour celles âgées de 25 à 49 ans44(*). Bien que ces taux continuent d'augmenter pour atteindre leurs plus hauts niveaux depuis 1975, l'analyse du marché de l'emploi réalisée par l'Unédic45(*) met en évidence un âge pivot, de 56 ans, à partir duquel le taux d'accès à l'emploi durable devient significativement plus faible qu'à 50 ans.

Face à ce constat, les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics sont de deux ordres. D'une part des contrats spécifiques à destination des séniors, et d'autre part une mobilisation accrue des contrats et aides génériques à destination des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle.

· L'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l'emploi des séniors a conduit à la création d'un contrat à durée déterminée (CDD) sénior pour favoriser le retour à l'emploi des chômeurs séniors46(*). Ce contrat, qui ne nécessite pas de correspondre aux conditions de recours habituelles du CDD, est d'une durée maximum de 18 mois, renouvelable une fois. Conclu avec un salarié de plus de 57 ans inscrit comme demandeur d'emploi depuis plus de trois mois ou bénéficiant d'un contrat de sécurisation professionnelle après un licenciement économique, il doit lui permettre d'acquérir, par son activité, des droits supplémentaires en vue de la liquidation de sa retraite à taux plein.

Le CDD sénior ne faisant pas l'objet d'un suivi statistique, il est difficile d'en évaluer le recours exact. Cependant, il semble qu'il soit très peu mobilisé par les entreprises, puisqu'à titre illustratif, au 1er mars 2023 seules 38 offres d'emploi en CDD seniors étaient disponibles sur le site de Pôle emploi, contre 675 511 offres en CDI et 144 367 en CDD selon la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle (DGEFP).

· Parmi les contrats aidés particulièrement mobilisés au profit des séniors, il faut souligner le contrat à durée indéterminée (CDI) inclusion. Depuis 202047(*) il permet aux services d'insertion par l'activité économique (SIAE) d'embaucher des personnes âgées d'au moins 57 ans rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Ce contrat se destine donc aux demandeurs d'emploi très éloignés de l'emploi, depuis au moins douze mois, qui n'ont pas d'autres possibilités avant de liquider leurs droits à pension.

En 2023, il a été conventionné 1 151 équivalents temps plein (ETP) en CDI inclusion, avec un nombre de contrats réalisés de 714 - en hausse de 23,9 % par rapport à 2023 selon la DGEFP.

· En outre, les dispositifs de droit commun peuvent être proposés aux demandeurs d'emploi seniors, tels que les parcours emplois compétences dans le secteur non marchand ou dans le secteur marchand (CUI-CAE et CUI-CIE).

2. Afin de renforcer le recours aux dispositifs en faveur des seniors, le Sénat a proposé un contrat de fin de carrière ambitieux, censuré comme cavalier social

Durant l'examen au Sénat de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, la commission des affaires sociales a adopté un amendement des rapporteurs M. René-Paul Savary et Mme Élisabeth Doineau, portant la création d'un nouveau contrat, dit de « fin de carrière ».

Ce contrat visait à offrir un outil supplémentaire aux employeurs pour favoriser l'emploi des seniors et ainsi lutter contre le chômage qu'ils connaissent. Afin d'inciter les entreprises à y recourir, une exonération de cotisations famille était prévue afin « de réduire le coût du travail du salarié senior qui, compte tenu de son expérience, peut prétendre à une rémunération plus élevée qu'un jeune actif »48(*). Par ailleurs, ce contrat ouvrait la possibilité à l'employeur de mettre à la retraite d'office son salarié une fois qu'il atteignait les conditions d'une retraite à taux plein, et non plus à partir de 70 ans49(*). Enfin, le dispositif précisait que les partenaires sociaux pouvaient déterminer, par accord de branche, les activités concernées, les mesures d'information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties dont il pouvait bénéficier en termes de rémunération et d'indemnité de mise à la retraite.

Cet article additionnel avait alors été adopté contre l'avis du Gouvernement, qui soulignait le coût des exonérations associées sans pour autant préciser les hypothèses retenues dans son chiffrage de la mesure50(*). La décision du Conseil constitutionnel du 14 avril 2023 a cependant censuré cette disposition comme cavalier social51(*).

B. Le dispositif proposé : un contrat de valorisation de l'expérience plus incitatif pour les employeurs

L'article 3 de l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés invite à « lever les freins au recrutement des demandeurs d'emploi séniors » en créant un contrat de valorisation de l'expérience.

En application de cet accord, le présent article propose la création pour cinq années, d'un nouveau contrat à durée indéterminée dit « de valorisation de l'expérience ».

Le I précise les conditions d'éligibilité des salariés, qui doivent cumulativement : avoir au moins 60 ans52(*), être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi, ne pas pouvoir bénéficier d'une pension de retraite à taux plein et ne pas avoir été employés au sein de l'entreprise ou de son groupe durant les six mois précédents l'embauche.

Le II prévoit que le salarié est tenu de remettre à son employeur, lors de l'embauche, un document de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) précisant la date prévisionnelle à laquelle il pourra bénéficier d'une retraite à taux plein. Si cette date évolue, le salarié est tenu d'en informer son employeur durant l'exécution de son contrat.

Le III permet à l'employeur une mise à la retraite d'office de son salarié, avant 70 ans, dès lors que celui-ci atteint l'âge légal de départ à la retraite et remplit les conditions de liquidation d'une retraite à taux plein

Le IV précise que si les conditions du III ne sont pas respectées, la mise à la retraite du salarié par l'employeur constitue un licenciement.

Le V prévoit, pour trois ans, une exonération pour l'employeur de la cotisation patronale spécifique de 30 % sur le montant de l'indemnité de mise à la retraite. Le montant de cette exonération ne peut excéder les sommes dues en vertu de dispositions législatives ou conventionnelles. Il est à souligner que la limitation du bénéfice de cette exonération à trois ans s'explique par le monopole de la loi de financement de la sécurité sociale pour les exonérations de cotisations sociales supérieures à trois ans53(*).

II - La position de la commission

Le présent article assure une transposition fidèle de la volonté des partenaires sociaux exprimée à l'article 3 de l'ANI précité de créer un contrat à destination des demandeurs d'emploi expérimentés afin de faciliter leur retour à l'emploi.

Dans la lignée du contrat de fin de carrière proposé par le Sénat, le contrat de valorisation de l'expérience permet de concilier les intérêts du salarié en lui offrant une garantie de ne pas être mis à la retraite par son employeur avant qu'il puisse liquider une pension à taux plein, tout en offrant la flexibilité nécessaire à l'employeur pour prévoir ladite mise à la retraite avant le seuil légal de 70 ans.

Si les rapporteures se félicitent de la création de de ce contrat, elles s'interrogent néanmoins sur l'incitativité de l'exonération de la cotisation employeur spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite, qui semble représenter un avantage social modéré.

Par ailleurs, elles saluent l'engagement confirmé par les directions ministérielles auditionnées de supprimer le CDD sénior par décret, afin de concourir à la rationalisation des dispositifs existants à destination des seniors. De même, l'anticipation des services ministériels doit permettre une évolution de la déclaration sociale nominative (DSN), qui permettra un recensement précis des contrats conclus sous cette forme, et non plus de simples estimations comme cela a été le cas pour le CDD sénior.

Cependant, les rapporteures regrettent que les remarques présentées dans l'avis du Conseil d'État concernant le caractère expérimental du dispositif aient conduit à l'abandon de cette voie : « le projet de loi n'a pas à le qualifier comme [expérimental] dès lors que, ni ce projet de loi, ni l'étude d'impact ne prévoient de rapport d'évaluation à remettre au Parlement au terme des cinq ans »54(*).

Par conséquent, les rapporteures proposent de suivre l'argument retenu par le Conseil d'État, en conférant à nouveau un caractère expérimental au contrat de valorisation de l'expérience, via l'amendement COM-16 adopté par la commission, et en y associant un rapport d'évaluation, afin de permettre au législateur d'être convenablement informé une fois le moment venu de pérenniser ou non le dispositif. Elles soulignent en outre que cette évaluation, conduite par le Gouvernement, n'est pas de nature à remettre en cause les travaux réalisés par le comité de suivi de la mise en oeuvre de l'accord, prévu à l'article 6 de l'ANI. À l'initiative des rapporteures la commission a également adopté un amendement rédactionnel COM-17.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

TITRE IV

FACILITER LES AMÉNAGEMENT DE FIN DE CARRIÈRE

Article 5
Mieux encadrer les refus de temps partiel ou de temps réduit
dans le cadre d'une retraite progressive

Cet article propose de rehausser les exigences légales quant à la motivation par l'employeur de son refus d'accepter le passage d'un salarié à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre d'une retraite progressive.

La commission a adopté cet article sans modification.

I°- Le dispositif proposé : compléter l'encadrement, prévu par la réforme des retraites de 2023, du refus de l'employeur d'accepter la retraite progressive

A. Le dispositif de la retraite progressive poursuit une lente montée en charge

Instaurée en 198855(*) afin d'inciter les salariés volontaires à retarder la liquidation complète de leurs droits à pension, la retraite progressive permet aux assurés sociaux réduisant leur activité de demander la liquidation provisoire de leur pension de retraite et le service d'une fraction de celle-ci56(*). La fraction de retraite servie varie en fonction de la durée de travail à temps partiel ou à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle ou de la diminution des revenus professionnels.

Profondément réformé par la loi de financement rectificative pour 202357(*), le dispositif de la retraite progressive est ouvert sous trois conditions :

- avoir atteint l'âge de 62 ans58(*) ;

- justifier d'une durée d'assurance au moins égale à 150 trimestres59(*) ;

- justifier d'une quotité de temps de travail comprise entre 40 % et 80 %60(*).

Cette quotité de travail globale est définie comme la somme des quotités de travail soit à temps partiel par rapport à la durée du travail à temps complet, soit à temps réduit par rapport à la durée de travail maximale exprimée en jours61(*), dans le cas des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours62(*).

1. Un recours assoupli et encouragé par le législateur en 2023

Dans l'optique de favoriser les transitions entre l'emploi et la retraite, la réforme des retraites de 2023 a prévu des assouplissements du dispositif de la retraite progressive et une éligibilité de nouveaux publics : professionnels libéraux, avocats, assurés des régimes spéciaux et fonctionnaires.

Pour les salariés, la réforme de 2023 a également prévu une procédure spécifique de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive. Elle a en effet réduit les délais applicables à la demande, encadré davantage les refus de temps partiel ou de temps réduit de la part de l'employeur et renversé la charge de la preuve en faveur du salarié.

Ainsi en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 3123-4-1 du code du travail et de ses textes d'application63(*), lorsqu'un salarié souhaitant bénéficier d'une retraite progressive demande à travailler à temps partiel, il adresse sa demande par lettre recommandée, deux mois au moins avant la date d'effet souhaitée pour la mise en oeuvre du temps partiel. L'employeur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la demande pour apporter une réponse. À défaut de réponse écrite et motivée, l'accord de l'employeur est réputé acquis.

Le même article dispose enfin que « le refus de l'employeur est justifié par l'incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l'activité économique de l'entreprise ». Ces dispositions plus souples sont donc dérogatoires à la procédure de droit commun prévue par le code du travail pour un temps partiel (voir encadré ci-après).

Des conditions strictement identiques ont été prévues par la LFRSS pour 2023 à l'article L. 3121-60-1 du code du travail et par l'article D. 3121-36 du même code pour les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours et demandé à travailler à temps réduit.

La procédure de temps partiel de droit commun à la demande du salarié

S'agissant du passage à temps partiel de droit commun - en dehors des cas de temps partiel prévus de droit dans le cadre d'un congé spécifique64(*), l'article L. 3123-17 du code du travail laisse à la négociation collective, convention ou accord d'entreprise ou, à défaut, convention ou accord de branche étendu, le soin de fixer :

- les modalités selon lesquelles les salariés à temps complet peuvent occuper un emploi à temps partiel ;

- la procédure à suivre par les salariés pour faire part de leur demande à leur employeur ;

- le délai laissé à l'employeur pour y apporter une réponse motivée, en particulier en cas de refus.

Toutefois, en vertu des articles L. 3123-26 et D. 3123-3 du code du travail, à défaut de convention ou d'accord collectif, le salarié peut demander à bénéficier d'un poste à temps partiel en adressant la demande six mois au moins avant la date d'effet souhaitée, tandis que l'employeur y répond dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande.

Cette dernière ne peut être refusée que « si l'employeur justifie de l'absence d'emploi disponible relevant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l'absence d'emploi équivalent ou s'il peut démontrer que le changement d'emploi demandé aurait des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l'entreprise ».

2. Un emploi de la retraite progressive croissant mais encore très marginal

Le recours à la retraite progressive a connu une forte hausse ces dernières années surtout depuis 201565(*). Selon l'étude d'impact, au 31 décembre 2023, 26 824 retraites progressives étaient recensées au régime général, soit une augmentation de 10,7 % sur un an.

Le dispositif demeure néanmoins peu utilisé ; son recours reste assez accessoire parmi les personnes cumulant activité professionnelle et pension. Ainsi, selon la Cnav, en 2022, sur les 541 000 assurés cumulant une retraite et une activité, seuls 25 000 personnes étaient en retraite progressive, parmi lesquelles 71 % de femmes, ayant de manière générale plus recours au temps partiel. En outre, la durée passée dans ce dispositif est assez courte, en moyenne de 1 an et 9 mois66(*).

Évolution des effectifs des assurés en retraite
progressive au régime général

Source : Drees, Les retraites et les retraités, édition 2024

B. Le droit proposé : rehausser les exigences de motivation des refus de l'employeur

L'article 4.3.1. de l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés appelle à faciliter l'accès et renforcer l'attractivité de la retraite progressive.

Pour cela, le présent article propose d'encadrer davantage les motifs du refus de l'employeur opposé à la demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive.

Le présent article complète ainsi les deux articles L. 3123-4-1 et L. 3121-60-1 précités introduit par la LFRSS pour 2023. Si le refus doit être justifié par une durée de travail souhaitée incompatible avec l'activité économique de l'entreprise, il est proposé de préciser que cette justification doit rendre compte « des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l'activité de l'entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des tensions pour y procéder sur le poste concerné ».

II - La position de la commission 

Les rapporteures souscrivent aux termes employés par les partenaires sociaux dans l'ANI précité ; malgré la réforme de 2023 permettant une montée en charge des dispositifs de retraite progressive, ceux-ci « restent (...) méconnus, relativement complexes et pourraient certainement être rendus encore plus incitatifs à la fois pour l'employeur et le salarié »67(*).

Le présent article transpose fidèlement les mesures de l'ANI s'agissant de la retraite progressive qui relèvent du domaine de la loi. C'est pourquoi, les rapporteures ont proposé à la commission de l'adopter sans modification.

Ces dispositions devraient permettre de favoriser le recours à la retraite progressive en lien avec d'autres mesures de l'article 4.3.1. de l'ANI, au premier rang desquels le retour d'un accès à la retraite progressive à compter de 60 ans. Selon le Gouvernement68(*), cette mesure, qui nécessite des textes règlementaires dont la publication est envisagée en juin 2025, devrait entrer en vigueur à compter du 1er septembre 2025.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 6
Possibilité de négocier par accord collectif un versement anticipé
de l'indemnité de départ en retraite dans le cadre
d'un passage à temps partiel

Cet article propose de permettre à un accord d'entreprise ou de branche de prévoir que l'indemnité de départ à la retraite soit affectée au maintien total ou partiel de la rémunération d'un salarié en fin de carrière qui passerait à temps partiel.

La commission a adopté cet article sans modification.

I°- Le dispositif proposé : encourager, au moyen de l'indemnité de départ à la retraite, la prolongation de l'activité professionnelle par un passage à temps partiel

A. L'état du droit : une indemnité de départ à la retraite prévue par le code du travail et la négociation collective

1. Une attribution lors de la liquidation complète des droits à pension

L'article L. 1237-9 du code du travail dispose que tout « salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite ». Le taux de cette indemnité, parfois connue sous l'appellation « prime de départ à la retraite », est prévu par voie règlementaire et dépend de l'ancienneté dans l'entreprise.

En outre, l'article L. 3123-5 du même code précise également que l'indemnité de départ à la retraite d'un salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l'entreprise.

Détermination de l'indemnité de départ à la retraite en application
de l'article D. 1237-1 du code du travail

Ancienneté du salarié

Montant de l'indemnité

10 ans minimum et moins de 15 ans

1/2 mois de salaire

15 ans minimum et moins de 20 ans

1 mois de salaire

20 ans minimum et moins de 30 ans

1 mois et demi de salaire

Au moins 30 ans

2 mois de salaire

Un accord collectif d'entreprise ou de branche peut toutefois prévoir des montants plus favorables pour le salarié.

Cette indemnité est ainsi versée lors du départ volontaire à la retraite du salarié. Lorsque ce dernier est mis à la retraite d'office69(*) une autre indemnité70(*) lui est versée. Le législateur a précisé, à l'occasion de la réforme des retraites de 202371(*), que chaque salarié ne peut bénéficier que d'une seule indemnité de départ ou de mise à la retraite et que cette dernière est attribuée lors de la première liquidation complète de la retraite.

2. Des accords collectifs prévoyant d'autres modalités de versement de l'indemnité de départ à la retraite

En dépit du code du travail qui dispose que l'indemnité est attribuée à une seule échéance, à savoir la liquidation complète de la retraite, certains accords collectifs ont prévu des modalités dérogatoires de versement. Selon l'étude d'impact, tel a par exemple été le cas d'un accord du groupe Schneider Electric du 10 juillet 2024 et un accord du 30 juin 2023 au sein du groupe Total, lesquels prévoient la conversion de l'indemnité de départ en dispense d'activité72(*).

L'accord du 28 mai 2021 relatif à l'emploi des séniors
et à la seconde partie de carrière dans la branche des sociétés d'assistance

L'article 26 de cet accord, étendu par arrêté du 23 mai 2022, prévoit la transformation de l'indemnité de départ en retraite en « jours de repos de fin de carrière » pouvant être pris dans les deux ans précédant le départ en retraite. Ces jours de repos sont considérés comme état du travail effectif. Ce dispositif est mis en place à la demande par écrit du salarié adressé au directeur des ressources humaines de son entreprise.

Toutefois, de l'aveu même de l'Union des assisteurs, entendu en audition, ce dispositif a été très rarement employé jusqu'à présent.

B. Le droit proposé : donner une base légale à des pratiques existantes

L'article 4.2. de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés appelle à favoriser la mise en place d'un temps partiel de fin de carrière.

Pour cela, le présent article vise à donner la possibilité de négocier par accord collectif un versement anticipé de l'indemnité de départ à la retraite dans le cadre d'un passage à temps partiel ou réduit.

Le I vise à modifier l'article L. 1237-9 précité afin de prévoir - au  - que l'indemnité de départ à la retraite est attribuée, en principe, lorsque le salarié fait valoir ses droits à pension au titre du régime de base à raison de l'emploi qu'il occupe dans l'entreprise.

Il introduirait toutefois - au - à inscrire une dérogation à ce principe. Il serait possible à un accord d'entreprise, ou à défaut de branche, de prévoir que l'indemnité de départ à la retraite soit affectée au maintien total ou partiel de la rémunération d'un salarié en fin de carrière si celui-ci, en accord avec son employeur, demande à passer à temps partiel ou à temps réduit. Si le montant de l'indemnité qui aurait été due au moment de faire valoir les droits à pension était supérieur aux sommes affectées au maintien de la rémunération, le reliquat serait versé au salarié. 

Le II du présent article modifie l'article L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale, qui détermine le régime de la retraite progressive, afin de prévoir que le dispositif de la retraite progressive n'est pas applicable aux salariés qui bénéficient de ce temps partiel ou réduit avec maintien de rémunération.

La rédaction proposée au présent article permet ainsi un temps partiel ou réduit avec maintien de rémunération, grâce à l'indemnité de départ à la retraite, qui précèderait la liquidation complète de la retraite à taux plein ou la mise en place de la retraite progressive. Cette possibilité était exclue par la rédaction retenue par la réforme des retraites de 2023. De ce fait , les dispositifs conventionnels de conversion de l'indemnité de départ en jours de repos ou en dispense d'activité paraissaient donc contra legem.

II - La position de la commission : des dispositions qui participent à l'enjeu d'aménager les fins de carrière selon les aspirations des séniors

A. Un objectif de diffuser les alternatives à une cessation totale de l'activité professionnelle

Les rapporteures notent que le présent article participe à l'ambition d'accroître les alternatives à une cessation complète de l'activité professionnelle. En France, 24,8 % des salariés âgés de plus de 55 ans sont à temps partiel, en 2023, contre une proportion de 17,8 % dans l'ensemble de la population73(*). Le recours au temps partiel chez les salariés séniors est donc certes plus répandu que parmi d'autre classe d'âge de la population, mais il demeure moins fréquent que dans d'autres pays européens. En Allemagne et aux Pays-Bas, le taux de salariés de 55-64 ans à temps partiel dépassent avoisinent respectivement 30 % et 40 %.

Ainsi le rapport récent de Sylvie Vermeillet pointe-t-il « une difficulté des employeurs, en France, à proposer des emplois qui correspondent aux aspirations des seniors, à savoir des emplois à proximité de leur domicile, à temps partiel ou à durée limitée. Ce manque de flexibilité du marché français, où par exemple le temps partiel est bien moins développé qu'en Allemagne, pénalise le maintien ou le retour des seniors en emploi »74(*).

B. Un article utile qui transpose fidèlement l'intention des partenaires sociaux

Cet article participera donc à lever un frein au maintien dans l'emploi des séniors en compensant la perte mécanique de salaires induite par le passage à un temps partiel. S'il n'est pas la réponse unique au manque de flexibilité des fins de carrière - les faibles montants des indemnités de départ risquent de limiter sa portée, d'autres dispositions du projet de loi contribueront à favoriser une diversification des modèles de transition vers la retraite. Les deux premiers articles inscrivent ainsi les aménagements de fin de carrière, dont le temps partiel, parmi les thèmes obligatoires de la négociation collective sur le travail et l'emploi des séniors.

Les rapporteures soutiennent l'adoption du présent article qui assure une transposition fidèle de l'ANI précité.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7
Sécurisation de la mise à la retraite d'un salarié recruté après avoir atteint l'âge de retraite à taux plein

Cet article propose de préciser que la mise à la retraite d'office d'un salarié est permise y compris lorsque ce dernier a été recruté après avoir atteint l'âge de départ à taux plein.

La commission a adopté cet article modifié par un amendement procédant à la suppression de dispositions législatives relatives à la mise à la retraite d'office ne produisant plus d'effet juridique.

I°- Le dispositif proposé

A. Le droit en vigueur ne permet pas la mise à la retraite par l'employeur pour les salariés recrutés après 70 ans

1. La mise à la retraite des salariés par l'employeur fait l'objet d'un encadrement strict

La fin de carrière d'un salarié suppose une rupture du contrat de travail afin de lui permettre de bénéficier de la liquidation de sa retraite. Cette rupture peut être à l'initiative du salarié, auquel cas il s'agit d'un « départ volontaire à la retraite »75(*), ou bien de l'employeur dans le cas d'une « mise à la retraite »76(*). En l'absence de disposition législative, cette distinction a longtemps77(*) été laissée au soin des conventions collectives, permettant par exemple de prévoir une rupture de plein droit dès l'âge légal atteint78(*).

Dans la mesure où elle est coercitive et qu'elle constitue de fait une exception au principe de non-discrimination à raison de l'âge79(*), la mise à la retraite d'un salarié fait désormais l'objet d'un encadrement restrictif de la part du législateur.

Dès lors, l'article L. 1237-5 du code du travail distingue plusieurs cas selon l'âge du salarié visé :

- avant d'avoir atteint l'âge permettant de bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein de droit commun80(*), soit 67 ans actuellement, la mise à la retraite n'est pas possible, et l'employeur qui y recourrait procèderait de fait à un licenciement81(*) et serait redevable d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse82(*) ;

- entre 67 et 70 ans, la mise à la retraite n'est pas ouverte à l'employeur, mais il peut interroger par écrit son salarié dans un délai de trois mois avant son anniversaire sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse. Dans le cas d'une réponse négative dans un délai d'un mois, l'employeur ne peut mettre à la retraite son salarié, mais pourra l'interroger à nouveau chaque année ;

- passé 70 ans, l'employeur peut de facto mettre à la retraite d'office son salarié, et doit alors respecter un préavis égal à celui prévu en cas de licenciement83(*).

Le salarié mis à la retraite bénéfice d'une indemnité de mise à la retraite au moins égale au montant de l'indemnité légale de licenciement84(*), qui est donc fonction de son ancienneté, et qu'une convention collective ou une clause contractuelle peut majorer.

2. La jurisprudence fait obstacle à la mise à la retraite du salarié recruté postérieurement à 70 ans

Le régime de la mise à la retraite élaboré par le législateur a dû faire l'objet d'une précision jurisprudentielle dans le cas spécifique du recrutement d'un salarié pouvant déjà prétendre à la liquidation de sa retraite.

En effet, en l'absence de précision législative, la Cour de cassation a dû apprécier les conditions de validité de ces mises à la retraite. Elle a notamment considéré que le fait qu'un salarié, au moment de son recrutement, puisse déjà bénéficier d'une retraite à taux plein est sans incidence sur l'application de la mise à la retraite par l'employeur85(*). A contrario, si le salarié est recruté après 70 ans, par exemple dans le cadre d'un cumul emploi-retraite, la Cour de cassation a estimé que la mise à la retraite d'office n'était pas possible pour l'employeur86(*).

B. Le dispositif proposé revient sur la limitation jurisprudentielle du recours à la mise à la retraite des salariés recrutés après 70 ans

L'article 4.3.2 de l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés appelle à la sécurisation de la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur pour les salariés afin de « renforcer l'attractivité du dispositif de cumul emploi retraite ».

Pour cela, le présent article propose de centrer les effets de la limitation par la Cour de cassation du recours à la mise à la retraite dans le cas des salariés recrutés après leurs 70 ans.

Il modifie à cette fin l'article L. 1237-5 du code du travail, et précise expressément que la mise à la retraite est permise pour les salariés ayant atteint l'âge mentionné à l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale « y compris si c'était déjà le cas à la date de son embauche ».

II - La position de la commission

La mesure proposée met fin à une incongruité du droit du travail, qui conduisait à ce qu'un salarié recruté après 70 ans fasse l'objet d'une meilleure protection de son emploi qu'un salarié, pourtant du même âge, qui aurait travaillé durant toute sa carrière pour son employeur.

Plus fondamentalement, en sécurisant la fin de la collaboration pour l'employeur d'un salarié recruté après 70 ans, le présent article renforce l'attractivité des dispositifs de cumul emploi retraite, qui peuvent constituer un complément de revenu pour certains retraités et permettre une plus grande flexibilité aux entreprises.

Le présent article assure une transposition fidèle des stipulations de l'article 4.3.2 de l'ANI précité. En conséquence, les rapporteures ont proposé à la commission de l'adopter.

En outre, à leur initiative, la commission a adopté un amendement n° COM18 visant, à des fins de clarté et d'intelligibilité de la loi, à supprimer des dispositions transitoires concernant la mise à la retraite d'office qui ne produisent plus d'effet juridique depuis le 31 décembre 2009.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 8
Suppression de la limite de trois mandats successifs
pour les élus du comité social et économique

Cet article acte la fin de la limitation du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique. Il transpose l'intention exprimée par les partenaires sociaux à l'article 2 de l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 relatif à l'évolution du dialogue social.

La commission a adopté cet article modifié par un amendement de coordination.

I - Le dispositif proposé

A. Le dispositif existant prévoit que les membres titulaires du comité social et économique sont frappés d'une limité d'inéligibilité

Le comité social et économique (CSE) constitue l'instance représentative du personnel instituée par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017. Cette instance unique remplace les anciennes instances représentatives (comité d'entreprise, délégués du personnel et CHSCT). Le dispositif actuel de représentation des membres de la délégation du CSE est régi par les articles L. 2314-1 et suivants du code du travail.

Les CSE sont présents dans 35,5 % des entreprises, représentant 78,4 % des salariés87(*).

La composition du CSE varie selon les seuils d'effectifs de l'entreprise. Entre 11 à 49 salariés au sein de l'entreprise, le CSE exerce les attributions des anciens délégués du personnel. Ses missions relèvent de la promotion des dispositifs de santé et de sécurité au travail ou de saisine de l'inspection du travail pour toutes plaintes et observations. À partir de 50 salariés, le CSE dispose d'attributions plus étendues, particulièrement dans le champ de la consultation sur la stratégie économique de l'entreprise et la gestion des activités sociales et culturelles.

Le nombre de membres titulaires est fixé par l'article R. 2314-1 du code du travail, selon un barème progressif, allant d'un titulaire pour les entreprises comprenant entre 11 à 24 salariés, jusqu'à 17 titulaires pour les entreprises de 1 000 à 1 249 salariés.

Les membres de la délégation du personnel du CSE sont élus pour un mandat de quatre ans. L'article L. 2314-33 du code du travail, dans sa rédaction actuelle, limite à trois le nombre de mandats successifs, avec des exceptions. Aucune limitation n'est prévue pour les entreprises de moins de 50 salariés. Le personnel de l'entreprise peut déroger à cette limitation si un accord est conclu dans les entreprises de 50 à 300 salariés.

Les membres élus bénéficient d'un statut protecteur comprenant des heures de délégation (crédit d'heures mensuel), une protection contre le licenciement (autorisation préalable de l'inspecteur du travail) et un droit à la formation économique.

Les fonctions des membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail ou la perte des conditions requises pour être éligible, tout en conservant leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle.

B. Les difficultés du comité social et économique relatives à la limitation des mandats, source d'irritant pour le dialogue social

En 2023, près de 61 % des établissements de plus de 10 salariés du secteur privé non agricole sont couverts par une instance représentative élue du personnel, contre 58 % en 2016.

L'exercice d'un mandat au sein du CSE requiert des compétences techniques, en matière de dialogue social, sur le plan juridique face à la complexification du droit social, ou dans le domaine de la sécurité et de la santé pour l'évaluation des risques professionnels.

Le besoin d'expertise semble insuffisamment pris en compte dans le parcours professionnel des élus, favorisant le déficit d'attractivité.

Selon le Gouvernement, la limitation du nombre de mandats successifs des élus du CSE n'a pas d'effets visible et identifiable sur le renouvellement concret des représentants du personnel et doit donc être interrogée remise en question.

L'ANI du 14 novembre 2024 souligne la nécessité de réformer le dispositif afin de concilier le renouvellement des instances avec le maintien de l'expertise des élus.

C. L'article 8 supprime les limites de mandats des représentants du personnel afin de répondre au défi du renouvellement et de l'engagement dans le dialogue social

L'article 8 propose à la suppression des deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième alinéas de l'article L. 2314-33 du code du travail. Ces modifications visent à simplifier et assouplir les règles de représentation du personnel.

La suppression du deuxième alinéa vise à mettre fin à la limitation de trois mandats successifs.

Par coordination, la suppression du troisième alinéa a pour objet de supprimer les exceptions à cette limitation pour les entreprises de moins de cinquante salariés.

De même, la suppression du quatrième alinéa a pour objet de supprimer les exceptions à cette limitation pour les entreprises dont l'effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés.

La suppression du cinquième alinéa vise, quant à elle, à supprimer l'application de cette même limitation aux membres du comité social et économique central et aux membres des comités sociaux et économiques d'établissement.

Enfin, la suppression du septième alinéa vise à éliminer la référence aux conditions d'application de l'article déterminées par décret en Conseil d'État qui précisait les conditions de la limitation des mandats.

Il s'agit ainsi de transposer l'article 2 de l'ANI du 14 novembre 2024 relatif à l'évolution du dialogue social. Cet article 2 prévoit « qu'afin de permettre le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles, en préservant l'expérience et les compétences acquises, dans un objectif d'amélioration de la qualité du dialogue social, il convient de s'interroger sur la pertinence de la limitation du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique. Par conséquent, les organisations signataires demandent la suppression dans le code du travail de la limite du nombre de mandats successifs des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ».

La disposition répond à la difficulté du faible nombre de volontaires qui souhaitent être élus comme représentants du personnel, en particulier chez les jeunes salariés.

II - La position de la commission

La commission a accueilli favorablement les dispositions du présent article, qui répond directement aux difficultés pratiques rencontrées sur le terrain. Les partenaires sociaux constatent un manque de candidats volontaires pour exercer ces fonctions représentatives, particulièrement chez les jeunes salariés, compromettant le fonctionnement effectif des instances de dialogue social ainsi que la représentation du personnel dans les entreprises.

La suppression de la limitation à trois mandats successifs pour les membres des CSE, actée par l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024, vise à préserver l'expérience et les compétences acquises par les représentants du personnel pour améliorer la qualité du dialogue social. La mesure permet de maintenir des représentants formés et compétents dans leurs fonctions, évitant ainsi la perte de savoir-faire et d'expertise qui nuisait à l'efficacité de la représentation du personnel.

À l'initiative de ses raporteures, la commission a simplement adopté un amendement COM-19 de coordination légistique visant à harmoniser la rédaction de l'article L. 2143-3 du code du travail qui fait référence à la limite de durée d'exercice du mandat syndical avec la nouvelle rédaction de l'article L. 2314-33 prévue à l'article 8 du projet de loi.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 9
Adaptation des conditions d'activité requises
pour les primo-entrants à l'assurance chômage

Cet article vise à abaisser les conditions d'activités requises pour les primo-entrants à l'assurance chômage qui justifient ne pas avoir bénéficié dans les vingt années précédant leur inscription comme demandeur d'emploi à l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Ce faisant, il transpose le troisième alinéa de l'article 2 de la convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Les conditions d'activité requises pour les primo-entrants à l'assurance chômage relèvent du nombre de jours travaillés et des conditions de fin du contrat de travail

Les primo-entrants à l'assurance chômage sont définis comme les assurés sociaux n'ayant jamais bénéficié d'une allocation de retour à l'emploi et qui décident de la solliciter.

Les demandeurs d'emploi doivent remplir des conditions d'activité spécifiques pour bénéficier de l'indemnisation chômage. Le primo-entrant doit justifier d'une période d'affiliation minimale de 130 jours travaillés, ou 910 heures travaillées, au cours des 24 derniers mois précédant la fin du contrat de travail, correspondant à la période de référence d'affiliation. Pour les salariés âgés de 53 ans et plus à la date de fin du contrat de travail, la période de référence est portée à 36 mois88(*).

Les jours travaillés doivent donner lieu à une affiliation obligatoire au régime d'assurance-chômage89(*). Les périodes de travail salarié correspondent à celles accomplies en France pour le compte d'un ou plusieurs employeurs, qu'ils soient privés ou publics, dès lors que ces employeurs sont assujettis à la contribution d'assurance-chômage, ou au sein d'un État membre de l'Union européenne, de l'Espace économique européen, ou en Suisse, sous réserve que l'intéressé ait travaillé en France au moins une journée dans les 24 ou 36 derniers mois90(*).

Les périodes non travaillées mais assimilées à des périodes d'emploi pouvant être retenues pour l'appréciation de la condition d'affiliation sont les périodes de congé de maternité, d'adoption, de proche aidant, d'arrêt maladie et de service civique.

La fin du contrat doit résulter de l'une des situations suivantes : la fin d'un contrat à durée déterminée ou d'une mission d'intérim, d'un licenciement pour motif personnel ou économique, une rupture conventionnelle, une démission pour motif légitime, une rupture pour force majeure ou une rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée à l'initiative de l'employeur91(*).

Les primo-entrants doivent satisfaire à l'ensemble des conditions communes à tous les demandeurs d'emploi, à savoir être inscrit comme demandeur d'emploi auprès de France Travail, résider sur le territoire français, être physiquement apte à l'emploi, être en situation de recherche effective et permanente d'un emploi et ne pas avoir l'âge légal de départ à la retraite au taux plein92(*).

Les primo-entrants disposent d'un délai de douze mois à compter de la fin de leur contrat de travail pour s'inscrire comme demandeur d'emploi et déposer une demande d'allocation.

Le code du travail prévoit déjà la possibilité d'adapter la condition d'affiliation minimale en fonction de la conjoncture économique93(*) ou en fonction des modalités particulières d'exercice d'une profession94(*).

B. Des règles peu adaptées aux jeunes et aux séniors

1. Les jeunes

En 2018, environ 110 000 primo-entrants ont ouvert un droit au régime général de l'assurance chômage en ayant réuni une affiliation inférieure à 6 mois, c'est-à-dire 13 % de l'ensemble des primo-entrants, pour moitié entre 4 et 5 mois et pour moitié entre 5 et 6 mois. Pour ces derniers, 88 % après un contrat à durée déterminée ou une mission d'intérim, contre 60 % pour l'ensemble des allocataires, et 62 % âgés de moins de 25 ans95(*).

Les jeunes constituent une catégorie de la population rencontrant des difficultés importantes d'accès à l'emploi. Près de 62 % des primo-entrants ont moins de 25 ans, contre 22 % pour l'ensemble des allocataires. Le taux de chômage des jeunes est nettement supérieur à celui du reste de la population. En 2023, il atteint 17,2 % en moyenne sur l'année chez les 15 - 24 ans, contre 6,7 % chez les 25-49 ans. Cette mesure concerne aussi des personnes qui, pour près d'un quart d'entre elles, possèdent au plus un brevet des collèges, susceptibles de constituer un frein à l'accès au marché du travail. Parmi les primo-entrants justifiant d'une affiliation comprise entre 5 et 6 mois, près de 88 %, contre 60 % pour l'ensemble des allocataires, l'étaient à la suite de la fin d'un contrat de travail comme un contrat à durée déterminée ou la fin d'une mission d'intérim96(*).

Près d'un quart des allocataires âgés de 25 ans ou plus possèdent au plus un brevet des collèges, contre 13 % pour l'ensemble des allocataires, susceptibles d'accroître leurs difficultés d'accès au marché du travail. Le taux de chômage est en effet plus élevé pour les moins diplômés : en 2023, il atteint 13,3 % pour les actifs ayant au plus le brevet des collèges, contre 5,0 % pour ceux diplômés du supérieur97(*). De plus, sauf exception, le recours au revenu de solidarité active n'est pas prévu pour les personnes âgées de moins de 25 ans.

Profil des primo-entrants avec une durée d'affiliation située
entre 4 et 6 mois selon l'âge à la fin de leur dernier contrat

Source : Unédic

Profil des primo-entrants avec une durée d'affiliation située entre 4 et 6 mois selon le motif de fin de leur dernier contrat

Source : Unédic

2. Les séniors

La population sénior présente un taux de chômage de longue durée de 60 % en 2018, soit un écart de 18 points supérieur à la moyenne générale de la population active âgée de plus de 15 ans, qui s'établit à 42 %98(*). Sur la catégorie 50 ans et plus, le taux d'accès à l'emploi s'élève à 37 % pour les primo-entrants contre 43 % pour les autres nouveaux inscrits, soit une différence de 6 points99(*). Les 50 ans et plus sont la catégorie d'âge dans laquelle la différence d'accès à l'emploi entre les primo-entrants et les autres nouveaux inscrits est la plus importante. L'analyse des parcours de réinsertion des seniors révèle des trajectoires professionnelles spécifiques, caractérisées par une alternance plus fréquente entre périodes d'emploi de courte durée et périodes d'inactivité prolongées.

Dans ce contexte, l'exigence actuelle de 130 jours travaillés, même sur une période de référence étendue à 36 mois, constitue une barrière difficilement franchissable pour de nombreux seniors primo-entrants. Cette inadaptation génère une précarisation accrue des travailleurs âgés qui, privés de la protection de l'assurance chômage, se trouvent contraints d'accepter des emplois ne correspondant ni à leur qualification ni à leur aspiration professionnelle. Elle peut aussi contribuer au retrait anticipé du marché du travail, phénomène préjudiciable dans un contexte de vieillissement de la population active.

Tableau présentant le taux d'accès à l'emploi
entre les primo-entrants et les autres nouveaux inscrits

Source : Étude d'impact du Gouvernement

Le nombre de bénéficiaires est estimé à 65 000 par an pour un coût de 130 millions d'euros100(*).

C. Le processus de réforme de l'assurance chômage, initié en août 2023 par un document de cadrage gouvernemental, a connu plusieurs échecs avant d'aboutir à l'agrément d'une nouvelle convention en décembre 2024

Le processus de révision du régime d'assurance chômage s'est engagé le 1er août 2023 par la transmission d'un document de cadrage aux organisations syndicales et patronales. Ce document établissait comme principe directeur la préservation de l'équilibre financier du système. Le cadrage gouvernemental visait à adapter les règles d'indemnisation applicables aux seniors, considérées comme plus favorables que le régime général, afin de tenir compte des modifications introduites par la réforme des retraites.

Les négociations entre partenaires sociaux ont abouti à un accord le 10 novembre 2023, formalisé par l'Unédic dans une convention datée du 15 novembre 2023. Toutefois, cette convention ne comportait aucune modification des règles spécifiques aux demandeurs d'emploi seniors, renvoyant cette question aux discussions globales sur l'emploi des seniors dans le cadre du nouveau pacte de la vie au travail prévues à compter du mois de novembre 2023.

L'absence de conclusion des négociations sur l'emploi des seniors a conduit le Premier ministre à refuser l'agrément de la convention par arrêté du 10 mai 2024. Cette décision se fondait sur l'incompatibilité avec les objectifs financiers fixés, le déficit prévisionnel atteignant 440 millions d'euros en l'absence d'avenant concernant l'indemnisation des seniors.

Un décret, au regard de la carence constatée, était initialement prévu pour le 1er juillet 2024, intégrant certaines dispositions de l'accord de novembre 2023 ainsi que de nouvelles mesures devant prendre effet le 1er décembre 2024. Ces dispositions comprenaient une refonte des conditions d'affiliation et d'indemnisation des seniors avec un relèvement progressif de l'âge de maintien des droits de 62 à 64 ans, un plafonnement de l'allocation, un report de l'âge d'entrée dans la filière de 55 à 57 ans, la suppression de la première marche pour les 53-54 ans, et l'instauration d'un bonus d'activité senior. Parallèlement, les conditions d'affiliation auraient été durcies avec un passage de 6 à 8 mois, accompagné d'une réduction des périodes de référence d'affiliation.

Compte tenu de la dissolution de l'Assemblée nationale, ce projet de décret n'a pas été publié. Trois décrets successifs ont prorogé les règles existantes jusqu'au 31 octobre 2024. En octobre 2024, la ministre du travail a relancé les négociations en demandant aux partenaires sociaux d'amender la convention de novembre 2023 pour permettre son agrément, sur la base du même document de cadrage, avec un objectif d'économies de 400 millions d'euros annuels.

Les négociations ont abouti le 15 novembre 2024 à la signature d'une nouvelle convention d'assurance chômage valable jusqu'au 31 décembre 2028 ainsi qu'une convention spécifique à Mayotte. L'agrément gouvernemental a été accordé par arrêté du 19 décembre 2024, à l'exception de la mesure concernant les conditions d'affiliation favorables aux primo-entrants, dépourvue de base légale.

L'article 9 du présent projet de loi vise à l'inscrire dans la loi.

D. Les adaptations proposées par le présent article

L'article 9 complète l'article L. 5422-2-2 du code du travail par une phrase disposant que les conditions d'activité pour l'ouverture des droits à l'allocation d'aide de retour à l'emploi peuvent être modulées en tenant compte, soit de ce que le demandeur d'emploi n'a jamais bénéficié de l'assurance chômage, soit de ce qu'il n'en a plus bénéficié depuis une durée importante.

Il transpose ainsi le troisième alinéa de l'article 2 de la convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage aux termes de la convention, afin de mieux sécuriser la situation des primo-entrants sur le marché du travail, définis comme les salariés privés d'emploi ne justifiant pas d'une admission au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi dans les vingt années précédant leur inscription comme demandeur d'emploi, la condition minimale d'affiliation permettant l'ouverture d'un droit qui leur est appliquée est abaissée de manière dérogatoire au droit commun à 108 jours travaillés (ou 758 heures travaillées), correspondant à 5 mois, au cours de la période de référence pour la recherche de l'affiliation. »

L'article L. 5422-2-2 du code du travail est concerné par les conditions exposées à l'article L. 5422-20 du même code. Cet article dispose que l'application des dispositions relatives à l'assurance chômage relève des accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés et donc du paragraphe précité.

L'adoption de la disposition par le législateur conduirait de facto à appliquer une différence de traitement entre des allocataires qui accèdent plus difficilement à l'emploi que les autres. L'objectif est de permettre aux personnes les plus précaires dans la réinsertion sur le marché du travail d'accéder facilement à l'allocation d'aide de retour à l'emploi.

Tableau récapitulatif

Régime actuel pour les primo-entrants

Nouveau régime proposé pour les primo-entrants

130 jours travaillés ou 910 heures travaillées (environ 6 mois d'activité)

108 jours travaillés ou 758 heures travaillées (environ 5 mois d'activité)

24 mois de période de référence

24 mois de période de référence

36 mois de période de référence pour les plus de 53 ans

36 mois de période de référence pour les plus de 53 ans

II - La position de la commission

Le présent article, qui assure une transposition fidèle des stipulations de l'article 2 de la convention du 15 novembre 2024 relative à l'assurance chômage a été favorablement accueilli par les rapporteures.

Sur le fond, les personnes qui accèdent pour la première fois au marché du travail ou qui en ont été éloignées pour une période prolongée présentent des difficultés spécifiques d'insertion professionnelle et nécessitent un accompagnement adapté. En abaissant la condition d'affiliation de six mois à cinq mois pour les primo-entrants, le dispositif proposé facilite leur accès au service public de l'emploi.

Cette mesure s'inscrit dans une logique de sécurisation des trajectoires professionnelles des publics les plus vulnérables sur le marché de l'emploi. En créant cette dérogation au droit commun, les partenaires sociaux entendent réduire les inégalités d'accès à l'indemnisation chômage et favoriser la réinsertion professionnelle des personnes qui rencontrent le plus de difficultés à retrouver un emploi stable, notamment les jeunes entrant sur le marché du travail et les personnes en situation de retour à l'emploi après une longue période d'inactivité.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 10
Habilitation à légiférer par ordonnance
sur les dispositifs de transition professionnelle

L'article 10 propose d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur les dispositifs de formation professionnelle et sur les organismes qui y concourent. Le projet de transition professionnelle, le contrat de professionnalisation, la reconversion ou promotion par alternance ou le conseil en évolution professionnelle pourraient être modifiés en conséquence.

La commission a intégralement réécrit cet article par un amendement qui consacre les objectifs fixés par le document d'orientation adressé par le Gouvernement aux partenaires sociaux en vue de leur négociation

I - Le dispositif proposé

A. La multiplicité des dispositifs et des acteurs fragmente l'accompagnement des transitions professionnelles

Le paysage institutionnel de l'accompagnement des transitions professionnelles se caractérise par une grande diversité d'acteurs intervenant à différents niveaux territoriaux et sectoriels.

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a introduit des modifications dans l'organisation du système de formation professionnelle. La loi a notamment créé France compétences à l'article L. 6123-5 du code du travail, institué le dispositif Pro-A en remplacement de la période de professionnalisation et transformé le congé individuel de formation en projet de transition professionnelle.

Le projet de transition professionnelle (PTP) constitue un dispositif permettant aux salariés de suivre une formation certifiante en vue d'une reconversion101(*).

Les conditions d'accès comprennent des critères d'ancienneté. Pour les salariés en contrat à durée déterminée, il est nécessaire de justifier d'une activité salariée d'au moins 2 ans consécutifs ou non au cours des 5 dernières années, dont 4 mois en contrat à durée déterminée au cours des 12 derniers mois. Pour les salariés en contrat à durée indéterminée, le salarié doit justifier d'une activité salariée d'au moins 2 ans consécutifs ou non, dont 1 an dans la même entreprise.

La gestion du projet de transition professionnelle relève des associations Transitions Pro implantées dans chaque région102(*). Le salarié doit suivre une procédure nécessitant le positionnement préalable par l'organisme de formation et la constitution d'un dossier détaillant le projet professionnel. Le financement couvre les frais pédagogiques, les frais annexes et la rémunération selon un barème déterminé. Par exemple, un agent commercial souhaitant se reconvertir dans le secteur du bâtiment peut ainsi obtenir le financement d'une formation de conducteur de travaux pendant 8 mois, avec maintien partiel de sa rémunération.

Le contrat de professionnalisation s'adresse aux jeunes âgés de 16 à 25 ans ainsi qu'aux demandeurs d'emploi de plus de 26 ans103(*). Ce contrat alterne périodes de formation théorique et périodes de travail en entreprise. La formation représente entre 15 % et 25 % de la durée totale du contrat, avec un minimum de 150 heures. Les formations doivent viser l'obtention d'une certification enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), d'un certificat de qualification professionnelle (CQP) ou d'une qualification reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale104(*). Le financement est assuré par les opérateurs de compétences (Opco) selon des niveaux de prise en charge définis par les branches professionnelles105(*). Par exemple, une entreprise de logistique peut recruter un demandeur d'emploi de 30 ans en contrat de professionnalisation pour préparer un titre professionnel de technicien en logistique d'entreposage, avec une alternance de deux semaines en entreprise et une semaine en centre de formation.

La reconversion ou promotion par alternance (Pro-A) concerne les salariés en CDI, en contrat unique d'insertion à durée indéterminée ou les sportifs professionnels106(*). Ce dispositif permet de suivre une formation en alternance pour accéder à un métier différent ou à un niveau de qualification supérieur. La durée de formation s'étend de 6 à 12 mois, prolongeable jusqu'à 36 mois pour certains publics107(*). Les formations doivent figurer sur une liste définie par accord de branche étendu et être enregistrées au RNCP. Par exemple, un employé administratif peut, via la Pro-A, se former au métier de comptable tout en conservant son contrat de travail, avec des périodes de formation organisées sur le temps de travail.

Le conseil en évolution professionnelle (CEP) constitue un service gratuit d'accompagnement des projets professionnels. Il s'adresse à l'ensemble des actifs : salariés du privé, indépendants, demandeurs d'emploi et agents publics. Ce service est fourni par différents opérateurs : France Travail, l'association pour l'emploi des cadres, Cap Emploi pour les personnes en situation de handicap, les missions locales pour les jeunes et des opérateurs régionaux sélectionnés par France compétences. Le conseil en évolution professionnelle s'organise en trois niveaux : accueil individualisé, conseil personnalisé et accompagnement à la mise en oeuvre du projet.

Ces quatre dispositifs s'inscrivent dans un cadre institutionnel où interviennent plusieurs catégories d'acteurs. Les Opco sont des organismes agréés par l'État qui assurent le financement des contrats de professionnalisation et de la Pro-A108(*). Les associations Transitions Pro gèrent le projet de transition professionnel au niveau régional. Les partenaires sociaux contribuent à la définition des priorités de formation au niveau des branches professionnelles, notamment pour l'établissement des listes de formations éligibles à la promotion par alternance.

Le système français de formation professionnelle propose des dispositifs complémentaires adaptés aux différentes situations des actifs. Le contrat de professionnalisation, le projet de transition professionnelle et la promotion par alternance constituent des outils permettant de construire des parcours de formation dans un contexte d'évolution des métiers et des compétences. La diversité des acteurs impliqués dans ce système reflète la variété des besoins et des situations professionnelles.

B. Les organismes de formation peinent à garantir pleinement l'accompagnement des transitions professionnelles sur l'ensemble du territoire

L'étude d'impact du Gouvernement souligne que les dispositifs de transitions professionnelles sont insuffisamment mobilisés et présentent un coût très élevé pour les finances publiques. Ainsi en 2022, la dépense au titre de la formation professionnelle est estimée à environ 18 milliards d'euros109(*).

L'articulation insuffisante entre les dispositifs de formation et les mécanismes d'accompagnement personnalisé entrave l'efficacité globale du système. Le suivi post-formation de sécurisation des transitions professionnelles n'est pas suffisant. Une déconnexion fréquente entre les contenus de formation et les besoins réels des employeurs peut être observée ou entre France Travail et les organismes de formation. Les critères d'éligibilité peuvent s'avérer complexes et la lourdeur des démarches administratives pour l'accès aux financements de formation sont susceptibles de décourager les travailleurs.

Les structures d'accompagnement peinent à anticiper et à s'adapter aux évolutions du marché du travail et aux transformations sectorielles de l'économie. Les référentiels de formation s'actualisent difficilement aux transformations technologiques. Le rythme d'évolution des compétences et le temps d'adaptation des organismes de formation peut s'avérer inadéquat. L'approche par les qualifications est parfois privilégiée au détriment de l'approche par compétences. Les dispositifs de formation professionnelle manquent de procédures harmonisées d'évaluation et d'orientation des bénéficiaires ou d'instances de coordination associant l'ensemble de ses acteurs.

En outre, la fraude dans le domaine de la formation professionnelle constitue une préoccupation croissante. Le problème s'est amplifié avec la dématérialisation des procédures d'accès aux dispositifs de formation et l'augmentation significative des moyens financiers alloués à cette politique publique. La monétisation du compte personnel de formation a, par exemple, engendré une recrudescence des tentatives d'escroquerie avec la création d'organismes de formation éphémères ou la surfacturation des prestations de formation. L'insuffisance des exigences en matière de qualifications professionnelles des formateurs et les lacunes dans le plafonnement des tarifs pour certaines catégories de formation sont, parmi d'autres, des éléments explicatifs.

L'inégale répartition des ressources et des dispositifs d'accompagnement sur le territoire national constitue un obstacle à l'accès aux services de formation et d'insertion professionnelle. Les organismes de formation sont concentrés dans les zones urbaines et les moyens alloués aux structures d'accompagnement varient selon la taille des bassins d'emploi.

C. Le Gouvernement demande l'autorisation d'agir par voie d'ordonnance pour réformer le système de formation professionnelle en simplifiant les dispositifs existants

Le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant :

- de simplifier et harmoniser les dispositifs de formation professionnelle prévus par la sixième partie du code du travail, en les aménageant et le cas échéant en les fusionnant ou en créant de nouveaux ;

- d'améliorer l'organisation et le fonctionnement des réseaux d'institutions et d'organismes qui concourent à l'accompagnement des transitions professionnelles ;

- d'assurer la mise en cohérence des dispositions législatives dont la modification serait nécessaire par celles apportées à la sixième partie du code du travail.

Un projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de douze mois.

L'utilisation des ordonnances de l'article 38 de la Constitution

L'article 38 de la Constitution dispose que « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».

La procédure d'adoption des ordonnances comporte plusieurs étapes. Le Gouvernement doit d'abord solliciter du Parlement l'autorisation de légiférer par ordonnances. Les ordonnances entrent en vigueur après délibération en conseil des ministres, avis du Conseil d'État et publication au Journal officiel. La validité des ordonnances est subordonnée au dépôt du projet de loi de ratification dans le délai prévu par la loi d'habilitation. Le domaine d'intervention doit être précisément défini.

D. Le Gouvernement a relancé les négociations avec les partenaires sociaux sur les transitions professionnelles

Le Gouvernement a engagé une réforme des dispositifs de transitions professionnelles visant l'amélioration des parcours professionnels des salariés et la réponse aux besoins de recrutement des entreprises. Cette démarche s'inscrit dans le cadre de l'article L. 1 du code du travail prévoyant la consultation des partenaires sociaux. Un document d'orientation a été transmis le 22 novembre 2023 portant sur trois axes : la création d'un compte épargne temps universel (CETU), l'emploi des séniors, et la progression de carrière incluant les reconversions et la prévention de l'usure professionnelle.

Le 10 avril 2024, les négociations pour un accord national interprofessionnel sur ce pacte de la vie au travail ont échoué. L'Union des entreprises de proximité (U2P) a alors engagé des négociations autonomes avec les organisations syndicales mais le Mouvement des entreprises de France (Medef) et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) refusaient d'y participer. Cette séquence a conduit à la signature de deux accords distincts le 23 avril 2024 : un accord sur le compte épargne temps universel (CETU) entre l'U2P, la Confédération française du travail (CFDT) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et un accord sur les transitions professionnelles et la mutualisation des indemnités de licenciement pour inaptitude entre l'U2P, la CFDT, la CFTC, la Confédération française de l'encadrement, la Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et Force ouvrière (FO).

L'accord du 23 avril 2024 sur les transitions professionnelles révèle deux défaillances. D'une part, l'accord ne répond pas à l'objectif de simplification du dispositif existant et ajoute même un mécanisme supplémentaire, créant une complexité additionnelle. D'autre part, l'accord présente un déséquilibre financier caractérisé notamment par l'égalité de prise en charge entre reconversion interne et externe.

Par courrier du 10 avril 2025, les ministres du travail ont formellement invité les partenaires sociaux à reprendre les négociations compte tenu de l'importance du sujet. Les discussions actuelles font apparaître plusieurs points de convergence : la création d'un dispositif unique de reconversion professionnelle sous contrôle de l'entreprise, la révision du projet de transition professionnelle (PTP) sous contrôle du salarié, la simplification du panorama réglementaire existant, le développement à grande échelle des transitions professionnelles, et le développement d'une pédagogie par alternance.

Lors de son audition par la commission, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi, a confirmé sa volonté de transposer dans la loi le résultat des négociations en cours110(*). Dans cette optique, le dispositif d'habilitation prévu constitue exclusivement une accroche législative destinée à permettre la transposition d'un éventuel accord national interprofessionnel dans le cadre de l'examen parlementaire du projet de loi. L'engagement gouvernemental est explicite : les ordonnances ne seront pas utilisées, qu'un accord intervienne ou non. En l'absence d'accord des partenaires sociaux ou d'accord dans un délai compatible avec l'examen parlementaire, le Gouvernement renoncerait définitivement à l'utilisation du mécanisme d'ordonnances pour cette réforme.

II - La position de la commission

La commission n'a pas souhaité accorder au Gouvernement une habilitation à prendre des ordonnances dont il dit lui-même ne pas vouloir.

En effet, la réforme des reconversions professionnelles constitue un enjeu majeur dont le Parlement ne peut pas être dépossédé. La commission des affaires sociales du Sénat souhaite s'assurer de la fidélité de la transposition législative de l'accord national interprofessionnel en cours de négociation dans une logique de confiance pour le travail effectué par les partenaires sociaux.

À l'incitative de ses rapporteures, la commission a donc adopté l'amendement COM-20 qui consacre les objectifs fixés par le document d'orientation adressé par le Gouvernement aux partenaires sociaux en vue de leur négociation. Il est rappelé que les dispositifs tels que le projet de transition professionnelle, le contrat de professionnalisation, la reconversion ou promotion par alternance et le conseil en évolution professionnelle doivent être mobilisés afin de favoriser les mobilités internes et externes à l'entreprise, prévenir l'usure professionnelle, améliorer la prévention de la désinsertion professionnelle et améliorer les transitions professionnelles.

Bien entendu, en cas de conclusion de cet accord national interprofessionnel au cours de la navette parlementaire, ce dispositif aurait vocation à être remplacé par la transposition dudit accord.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

I. AUDITION DE MME ASTRID PANOSYAN-BOUVET, MINISTRE AUPRÈS DE LA MINISTRE DU TRAVAIL, DE LA SANTÉ, DE LA SOLIDARITÉ ET DES FAMILLES, CHARGÉE DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI

(mercredi 21 mai 2025)

M. Philippe Mouiller, président. - Nous allons entendre à présent Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi, sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.

Ce texte, dont Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat sont les rapporteures, est inscrit à l'ordre du jour de la séance publique le 4 juin prochain. Il sera examiné en commission la semaine prochaine, mercredi 28 mai.

Je vous indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est retransmise en direct sur le site du Sénat et sera disponible en vidéo à la demande.

Madame la ministre, je vous remercie d'avoir accepté l'invitation de la commission des affaires sociales afin de nous présenter ce projet de loi. Vous savez l'importance que nous attachons à la fois au sujet de l'emploi des seniors et au respect des négociations entre les partenaires sociaux. Nous serons donc attentifs au contenu des mesures proposées, mais aussi à leur fidélité aux conclusions du dialogue social. Après votre propos liminaire, les commissaires qui le souhaiteront, à commencer par nos deux rapporteures, pourront vous interroger.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. - C'est un plaisir de vous retrouver aujourd'hui pour présenter le projet de loi portant transposition des ANI signés par les partenaires sociaux le 14 novembre dernier. Ce texte traite de sujets importants, en particulier l'emploi des seniors, qui faisait partie de la négociation « Pacte de la vie au travail », processus qui n'avait pu aboutir au printemps 2024. Il comprend également des mesures issues de la négociation sur l'assurance chômage, qui n'avaient pas été agréées par le gouvernement d'alors et que le Premier ministre Michel Barnier - je tiens à le saluer ici - avait souhaité relancer, car, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il croit au dialogue social.

En relançant ce dialogue social, le Gouvernement a fait le choix de la démocratie sociale. Un triple accord a ainsi été conclu le 14 novembre 2024, comprenant deux accords nationaux interprofessionnels, l'un portant sur les travailleurs expérimentés, l'autre sur le dialogue social, sujet qui ne figurait pas dans la feuille de route initiale - mais il arrive parfois que les partenaires sociaux aient l'envie spontanée de se saisir de ces sujets de manière conclusive -, ainsi qu'un avenant au protocole d'accord sur l'assurance chômage de novembre 2023.

L'accord concernant l'emploi et le travail des salariés expérimentés a été signé par les trois organisations patronales et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives, la Confédération générale du travail (CGT) faisant exception.

L'ANI relatif au dialogue social a été signé par toutes les organisations syndicales et par deux des trois organisations patronales, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) faisant exception.

L'avenant au protocole sur l'assurance chômage a été signé par les trois organisations patronales et par trois organisations syndicales, la CGT et la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) faisant exception.

Comme je l'ai dit aux partenaires sociaux, je tiens à remercier toutes les organisations, y compris celles qui n'ont pas signé, car les accords sont le fruit de négociations : même quand on ne signe pas, on contribue au texte final.

Sans recueillir l'unanimité, ces trois textes ont suscité un très large accord. Il appartient maintenant au Parlement, et en premier lieu au Sénat, d'en assurer la transposition législative sur la base d'un projet de loi qui, je le rappelle, a fait l'objet de très nombreux échanges avec les partenaires sociaux, y compris les non-signataires, depuis plusieurs mois.

Concernant les travailleurs expérimentés, nous avons largement discuté des enjeux macroéconomiques et humains qui sont derrière cet immense gâchis de compétences et d'envie de travailler. Ce projet de loi s'inscrit donc dans une ambition plus large : changer la loi, mais aussi changer les regards et les pratiques, pour en finir avec le sous-emploi des plus de 50 ans dans notre pays.

Changer la loi, nous allons le faire ensemble ; mais tout ne passe pas par la loi, fort heureusement. L'âge demeure, comme l'a rappelé la Défenseure des droits, le premier motif de discrimination sur le marché du travail, une réalité à laquelle s'ajoutent d'autres formes de discrimination fondées sur le genre, la domiciliation ou l'origine supposée. Les plus de 50 ans ont ainsi trois fois moins de chances d'être recrutés, trois fois moins de chances d'être convoqués à un entretien et deux fois moins de chances, lorsqu'ils occupent un poste dans une entreprise, de bénéficier d'une formation. Ces chiffres sont solidement étayés.

Changer les pratiques, cela passe par un travail de fond. Nous l'avons entamé fin avril en réunissant toutes les parties prenantes : des entreprises, des collectifs d'entreprises, les trois organisations patronales, l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), France Travail, l'Association pour l'emploi des cadres (Apec), le groupement d'intérêt public (GIP) Les entreprises s'engagent. Pour le premier rendez-vous, nous avons réuni 300 DRH au ministère du travail, et nous conclurons cette grande initiative fin juin, lors du séminaire de l'ANDRH à Vannes, où 600 entreprises seront présentes.

Changer les pratiques nécessite aussi un changement de regard. Ce point est extrêmement important eu égard aux nombreux préjugés infondés entourant les travailleurs expérimentés. D'où une campagne de communication déployée à la radio et sur les réseaux sociaux, pour nous inciter à faire le pari de l'expérience.

J'en viens désormais au projet de loi proprement dit.

Nous favorisons le dialogue social en imposant aux branches professionnelles et aux entreprises d'au moins 300 salariés de mener tous les quatre ans des négociations spécifiques. Il est en effet important que le dialogue social, à tous les niveaux, s'approprie les enjeux liés au recrutement, au maintien en emploi, à la santé, à la formation, à la transmission des compétences, ainsi qu'à la gestion de la fin de carrière, qu'il convient d'envisager en France de manière plus flexible. Il s'agit de construire un véritable continuum entre l'activité et le départ à la retraite.

Nous introduisons également un dispositif important : le rendez-vous de mi-carrière, autour de 45 ans. Il associera la visite médicale, qui est déjà obligatoire, à un nouvel entretien professionnel. Ces deux obligations combinées permettront non seulement de mieux prendre en compte les enjeux de santé au travail, mais aussi d'envisager plus globalement les questions de compétences et de qualifications, et ainsi d'aborder plus sereinement la deuxième partie de carrière. L'un des enseignements majeurs tirés de l'expérience des pays d'Europe du Nord, engagés sur la question de l'emploi des seniors depuis les années 2000, est clairement que, pour travailler plus longtemps, il faut s'y prendre plus tôt.

Ce projet de loi apporte aussi une réponse en matière de recrutement des travailleurs expérimentés, en prévoyant, pour cinq ans, l'expérimentation d'un contrat de valorisation de l'expérience destiné aux demandeurs d'emploi de 60 ans et plus. Il s'agit de lever un frein identifié à l'embauche des travailleurs expérimentés âgés de 58 à 60 ans.

En contrepartie de ce contrat à durée indéterminée spécifique dont bénéficieront les salariés, les entreprises disposeront de deux garanties : d'une part, l`assurance de savoir que le salarié partira à la retraite lorsqu'il aura atteint l'âge légal de départ à taux plein ; d'autre part, un avantage financier concret : l'exonération de cotisations sur l'indemnité de mise à la retraite.

Cette mesure, très attendue par les organisations patronales, répond au manque de lisibilité concernant la date de départ à la retraite, perçu comme un obstacle à l'embauche. Bien entendu, si les deux parties, employeur et salarié, souhaitent poursuivre le contrat au-delà de cette date, rien ne les en empêchera.

Ce texte facilite aussi les aménagements de fin de carrière. Derrière les bonnes performances de la Suède ou du Danemark en matière de taux d'emploi des 60-64 ans, il est à relever des taux de temps partiel importants. Cela s'explique par le développement de dispositifs de retraite progressive ou de cumul emploi-retraite. Il est temps de sortir de cette vision très binaire, encore trop présente en France, selon laquelle on serait soit à 100 % en activité soit à 100 % à la retraite.

Nous simplifions le dispositif de retraite progressive sur le plan administratif et nous permettons d'y accéder plus tôt : quatre ans avant l'âge légal de départ à la retraite - c'est-à-dire à 60 ans -, contre deux ans avant actuellement - 62 ans.

Le texte prévoit par ailleurs la possibilité, pour l'employeur d'un salarié qui décide de réduire son temps de travail, de lui verser de manière anticipée tout ou partie de son indemnité de départ à la retraite, afin de compenser partiellement la perte de rémunération.

Enfin, il est proposé d'obliger les entreprises à motiver plus précisément les refus qu'elles sont en droit d'opposer aux demandes de passage à temps partiel dans le cadre d'une retraite progressive. Il ne s'agit pas d'en faire un droit opposable, mais les entreprises devront désormais justifier beaucoup plus rigoureusement leurs refus de recours à ce dispositif.

La retraite progressive reste aujourd'hui très peu utilisé : seules 30 000 personnes en bénéficient, sur 700 000 à 750 000 départs à la retraite chaque année. La publication prochaine du décret simplifiant le dispositif permettra une entrée en vigueur au 1er septembre 2025.

Je précise que la retraite progressive - c'est un point très important, car je sais combien vous y êtes attachés - sera accessible aux salariés du secteur privé comme aux agents des trois fonctions publiques. Et, le cas échéant, l'employeur devra aussi motiver son refus.

Pour ce qui est du dialogue social, le projet de loi retranscrit l'accord dans la loi, notamment en supprimant la limite du nombre de mandats successifs pour les membres élus siégeant dans les comités sociaux et économiques (CSE).

Le cumul des mandats dans le temps, qu'il soit politique ou social, suscite des débats, dans la mesure où l'arbitrage entre liberté de choix et renouvellement, entre continuité et efficacité, est délicat à effectuer. L'idée, qui semblait bonne, de limiter ce cumul, introduite par les ordonnances de 2017, posait aussi des questions très opérationnelles au sein des entreprises - étroitesse des viviers, plans de succession à bâtir pour les responsables syndicaux. Les partenaires sociaux ont trouvé un accord très large pour écarter cette limite.

Concernant l'assurance chômage, les circonstances sont un peu différentes.

Les partenaires sociaux étaient parvenus à un accord en novembre 2023, mais le Gouvernement ne l'avait pas agréé. En octobre 2024, Michel Barnier a demandé aux partenaires sociaux de reprendre la négociation, qui a abouti à un nouvel accord. La convention Unédic a été agréée par le Gouvernement via un décret du 20 décembre 2024 dont la mise en oeuvre va permettre, en régime de croisière, de réaliser 1,5 milliard d'euros d'économies par an - je rappelle que nous avions demandé 400 millions d'euros d'économies supplémentaires par an, sachant que, de surcroît, cet accord améliore les droits des saisonniers et des primo-entrants.

Les chiffres du chômage publiés par l'Insee vendredi dernier montrent une baisse de 0,1 point du taux de chômage sur un an, ainsi qu'une augmentation de 0,1 point sur le dernier trimestre. La situation reste fragile, et les primo-arrivants, qui sont à 65 % des jeunes, se retrouvent particulièrement exposés lorsque les conditions se durcissent. L'abaissement de la durée d'affiliation requise, de six mois à cinq mois, pour les personnes s'inscrivant pour la première fois à l'assurance chômage, permettra de mieux sécuriser leur situation et de mieux les accompagner. Cette mesure est intégrée au projet de loi, car une disposition législative était nécessaire pour l'inclure dans la convention d'assurance chômage.

J'en viens au dernier point, et non des moindres : l'article 10, qui concerne les transitions professionnelles. Avec la ministre Catherine Vautrin, nous avons adressé une lettre aux partenaires sociaux, afin de relancer les négociations sur les dispositifs de transition et de reconversion. Cette question avait fait l'objet d'un accord très partiel au printemps 2024, dans le cadre de la négociation « Pacte de la vie au travail ». Ces dispositions sont extrêmement importantes, compte tenu du contexte économique actuel et des limites des dispositifs existants, qui demeurent trop complexes, insuffisamment lisibles et très perfectibles. De plus, ils sont insuffisamment mobilisés, surtout en période de crise, s'agissant de faire face aux restructurations industrielles ou de mieux répondre à l'usure professionnelle.

C'était une demande forte des partenaires sociaux, tant du côté patronal que du côté syndical. Aujourd'hui, les organisations représentatives sont de nouveau réunies autour de la table, avec la volonté de parvenir à un accord dans des délais raisonnables. Si un tel accord devait être conclu, il pourrait être intégré à ce projet de loi, dans le respect de l'esprit de la transposition et du dialogue avec le Parlement.

Cet article 10 donnera au Parlement la possibilité de débattre sur ce sujet et, s'il le juge nécessaire, d'amender le dispositif pour tenir compte d'un éventuel accord. Le Gouvernement, je le dis ici devant vous, s'engage à déposer un amendement, dans le respect total de l'accord, si celui-ci intervient. En l'absence d'accord, cette disposition d'habilitation sera supprimée.

Nous avons réussi à revitaliser le dialogue social, ce qui est une avancée remarquable. Je sais que le Sénat a une certaine expérience dans cet exercice particulier qu'est la transposition des ANI.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Merci, madame la ministre, pour ces échanges et pour votre écoute tout au long de nos travaux.

Lors des auditions que nous avons menées, les partenaires sociaux se sont montrés satisfaits de la transcription fidèle de leurs accords dans le projet du Gouvernement. Telle est la ligne que nous comptons suivre, même si un petit sujet reste pendant - je veux parler de l'article 10.

Les organisations syndicales placent beaucoup d'espoir dans les deux premiers articles, qui concernent la négociation obligatoire sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés. Il s'agit d'un vrai levier pour la diffusion des dispositifs de retraite progressive et de temps partiel en entreprise, avec pour objectif le maintien dans l'emploi. À ce propos, nous avons noté une réelle prise de conscience des réalités démographiques et une réelle volonté d'avancer - or là où il y a une volonté, en principe, il y a un chemin...

Pour autant, l'ambition du Gouvernement d'augmenter de 26 points le taux d'emploi des 60-64 ans à l'horizon 2030 est-elle réaliste ? Et comment l'État peut-il accompagner les branches et les entreprises sans interférer dans leurs négociations ?

L'article 9 vise à appliquer l'unique mesure de la convention d'assurance chômage du 15 novembre 2024 qui n'a pu être agréée, faute de base légale : l'assouplissement des conditions d'affiliation pour les demandeurs n'ayant jamais bénéficié d'une ouverture de droits au cours des vingt dernières années, c'est-à-dire les primo-arrivants - essentiellement des jeunes, mais aussi certains seniors récemment licenciés. La convention prévoit un dispositif similaire pour les travailleurs saisonniers, indispensables à nos territoires, notamment dans les secteurs agricole et touristique. Mais certains contournent le système en alternant volontairement périodes d'activité et d'inactivité, au détriment de la collectivité. Vos services reconnaissent que ces excès ne sont pas anecdotiques. Quelles actions sont envisagées pour y remédier ? La règle est-elle amenée à évoluer ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Je rejoins entièrement Anne-Marie Nédélec sur les enseignements tirés de nos travaux. Je poserai simplement trois questions.

La première est plutôt un clin d'oeil à notre ancien collègue René-Paul Savary, qui avait beaucoup bataillé pour défendre le « CDI senior » lors de l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023. À l'époque, le Gouvernement avait rejeté ce dispositif, avançant un coût estimé à 800 millions d'euros.

Dans le présent texte, il est question d'un contrat de valorisation de l'expérience, qui n'est pas tout à fait identique au « CDI senior ». Or l'étude d'impact ne fournit aucun chiffrage de ce nouveau contrat. A-t-on surestimé le coût à l'époque ? Celui-ci ne coûtera-t-il rien ? Ou est-il difficile à évaluer ? Quoi qu'il en soit, je tiens à rendre hommage au travail de notre ancien collègue en faveur d'un contrat qui n'avait pas vu le jour, puisqu'il avait été censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier social...

Ma deuxième question porte sur l'article 3, qui articule la visite médicale de mi-carrière et l'entretien professionnel, à 45 ans, et prévoit également l'organisation d'un entretien professionnel deux ans avant le soixantième anniversaire du salarié. Ces dispositifs sont intéressants, mais, lors de nos auditions, il nous a été fait part, d'une part, de la pénurie de médecins du travail, et, d'autre part, du fait que certains employeurs n'organisent pas systématiquement les entretiens. Ce très bon article pourra-t-il réellement être opérationnel dans ce contexte ?

Ma troisième question a trait à l'article 10, qui soulève deux problèmes.

D'une part, il autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance, ce qui dépossède le Parlement de ses prérogatives.

D'autre part, ce projet de loi vise à retranscrire des accords nationaux interprofessionnels : nous vous croyons sur parole lorsque vous nous dites qu'un tel ANI va intervenir sur le sujet visé à l'article 10. Mais le calendrier soulève une difficulté. Le texte sera examiné au Sénat le 4 juin, avant d'être transmis à l'Assemblée nationale, tandis que les partenaires sociaux se sont engagés à conclure un accord d'ici au 15 juin. Or vous avez indiqué, madame la ministre, que l'article 10 serait remplacé par la transcription de cet accord. Cela signifie qu'elle serait faite par amendement à l'Assemblée nationale et que le Sénat ne se sera pas prononcé sur ce point, ce qui pose problème.

Nous souhaitions donc vous exposer notre position : nous ne voulons pas freiner la dynamique du dialogue social, surtout dans un contexte politique tendu. Néanmoins, chacun comprendra qu'on ne saurait ni déposséder le Parlement de ses prérogatives, en procédant par ordonnance, ni priver le Sénat de sa capacité à examiner une réforme importante.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Malgré tout, il y a de bonnes nouvelles : le taux d'activité et le taux d'emploi des seniors, notamment des 60-64 ans, sont en progression ; nous sommes désormais dans la moyenne européenne pour les 50-64 ans et un point au-dessus pour les 55-59 ans. Le taux d'emploi des 55-64 ans s'établit à 61,5 % selon les derniers chiffres consolidés par l'Insee la semaine dernière, en progression de 1,9 point sur un an.

Autrement dit, les choses avancent, notamment grâce aux réformes de 2010 et de 2023 et par l'effet « horizon » lié au recul de l'âge de départ à la retraite, mais aussi aux nouvelles réalités démographiques : les entreprises veulent travailler plus activement sur le maintien en emploi des seniors, selon de nombreux témoignages à ce sujet. Nous travaillons sur le dialogue au niveau des branches et de l'entreprise, et sur l'engagement à organiser un entretien à mi-carrière. J'entends tout à fait les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises à cet égard. Madame Puissat, j'ai demandé à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de réfléchir à des méthodes innovantes pour la médecine du travail, en lien avec les services de prévention et de santé au travail.

Bien sûr, madame Nédélec, c'est un travail de longue haleine. Je ne pense pas que nous puissions augmenter le taux d'activité des séniors de 26 points en moins de cinq ans. Même si le rythme est soutenu - nous avons connu une hausse de près de deux points en un an -, cela prend du temps parce que l'on continue d'évoluer, depuis quarante ans - les premières préretraites datent de Raymond Barre -, dans un imaginaire collectif français en vertu duquel, passé un certain âge, on n'a plus tout à fait sa place dans l'entreprise. Il est donc nécessaire d'avancer sur le terrain législatif, sur le terrain des pratiques et sur le terrain des regards.

À la différence du contrat de valorisation de l'expérience, le CDI senior supprimait la cotisation famille. On estimait son coût à 800 millions d'euros en raison de cette suppression, mais aussi en se fondant sur l'hypothèse que l'ensemble des seniors basculeraient dans ce contrat. Je vous rassure : le contrat de valorisation de l'expérience n'aura ni ce niveau d'ambition ni cet impact financier. Il n'exonère que de la contribution patronale sur l'indemnité de mise à la retraite. Son coût est estimé à 123 millions d'euros. En plus de l'exonération, les organisations patronales demandaient surtout de la lisibilité sur la date potentielle de départ et souhaitaient bénéficier d'une option leur permettant de se séparer du salarié une fois atteint l'âge du départ à la retraite à taux plein. C'est important et c'est une sécurité pour nos salariés.

Pour ce qui est de l'article 10, nous sommes tous conscients des limites et de la complexité des dispositifs de reconversion existants. Il existe deux types de dispositifs.

Il y a tout d'abord ceux qui sont à la main des salariés, notamment le projet de transition professionnelle, qui concerne entre 20 000 et 30 000 salariés par an, dont un tiers reste dans la même entreprise. Un nombre significatif de ces projets concerne plutôt de jeunes salariés, ayant une formation initiale développée, non nécessairement visés, d'ailleurs, par des restructurations économiques, et non nécessairement orientés vers les besoins de recrutement et les métiers en tension.

Ensuite, deux types de contrats de reconversion sont à la main des entreprises : Transco (Transitions Collectives) et Pro-A (reconversion ou promotion par alternance). Transco est l'exemple qui est pris systématiquement pour se féliciter de la reconversion des salariés de l'automobile dans le Nord, au bénéfice d'une entreprise de batteries électriques qui recrutait à proximité. Je pourrais citer également la reconversion de salariés d'entreprises du nettoyage ou de la grande distribution vers les services d'accompagnement aux personnes âgées, mais c'est à peu près tout : ce sont là les trois seuls exemples d'utilisation de ce dispositif, dont ont bénéficié environ 1 000 salariés depuis 2019, alors qu'il pourrait vraiment fonctionner à condition d'être considérablement simplifié. Il faudrait que la première entreprise, qui doit restructurer, s'engage à maintenir le salaire de ses salariés plutôt que de les faire partir par le biais d'un plan social assorti d'un chèque, tandis que la seconde entreprise, qui a besoin de recruter, s'engagerait à former ces personnes, via des formations courtes et professionnalisantes, puis à les recruter.

Nous devons considérablement simplifier Transco et Pro-A pour répondre véritablement aux besoins des syndicats, des employeurs et surtout des salariés. Le besoin est d'autant plus criant qu'il y a urgence. Les partenaires sociaux, de l'UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) à la CGT, nous ont demandé de réunir tout le monde autour de la table. Je suis très respectueuse des débats du Parlement, et je veux trouver à cet égard la meilleure issue possible. Nous avons bien travaillé, avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires, pour transposer l'accord national interprofessionnel relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles (AT-MP) dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Dans le même esprit, je m'engage devant vous, si un accord est signé sur les reconversions professionnelles, à le transposer le plus fidèlement possible en lien avec les rapporteures du Sénat et avec tous ceux qui voudront travailler avec nous, en très bonne intelligence et dans un esprit constructif, afin que nos entreprises et nos salariés puissent en bénéficier dès septembre.

Mme Pascale Gruny. - J'apprécie le changement de regard : cela fait vingt ans que j'entends parler de l'emploi des seniors - même si le dispositif a changé de nom -, que ce soit au Parlement, au Parlement européen ou dans mon entreprise, où l'on devait remplir des documents qui ne servaient à rien... Avec René-Paul Savary, j'avais dit aux organisations patronales qu'à défaut d'un vrai changement de leur part en matière d'emploi des seniors notre loi sur les retraites ne servirait pas, ou ne servirait que peu.

Le rapport de la Cour des comptes démontre la persistance d'une réelle faiblesse sur l'emploi en général, tant chez les jeunes que chez les seniors,...

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Tout à fait.

Mme Pascale Gruny. - ... même si l'on note, pour ce qui est de ces derniers, une certaine amélioration.

L'article 1er prévoit une obligation de négocier sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés ; mais comment justifier que l'accès à la formation ne fasse pas partie des thèmes obligatoires de la négociation ? La formation permet le maintien dans l'emploi, avant même de parler d'embauche de personnes expérimentées.

On observe un léger ressaut d'entrée au chômage trois ans avant l'âge légal de départ à la retraite. Ce sujet pourrait s'expliquer, selon la Cour des comptes, par un comportement stratégique visant à utiliser la filière senior de l'assurance chômage, qui prévoyait une durée maximale d'indemnisation allongée à trois ans avant le 1er février 2023, comme un sas avant le départ à la retraite. Cet allongement de la durée maximale d'indemnisation est ouvert à partir de 55 ans, contre 53 ans auparavant. Le contrat de valorisation de l'expérience proposé à l'article 4, quant à lui, est ouvert pour les demandeurs d'emploi de 60 ans et plus, voire de 57 ans et plus si un accord de branche le prévoit. Pourquoi ne pas ouvrir l'accès à ce contrat dès 55 ans, soit l'âge minimal d'accès à la filière senior de l'assurance chômage, pour mettre fin à ce phénomène de sas ?

Mme Corinne Bourcier. - Une des mesures prévues concerne l'accès au temps partiel en fin de carrière, dès 60 ans, avec possibilité d'un maintien total ou partiel de la rémunération par l'affectation de l'indemnité de départ à la retraite. Pourriez-vous nous donner davantage de précisions à ce sujet ? Tous les salariés ne bénéficient pas d'une prime de départ à la retraite et son versement est de toute façon soumis à conditions, ce qui peut se traduire par des sommes peu importantes.

M. Daniel Chasseing. - Je me réjouis des propositions faites par les partenaires sociaux et par Michel Barnier quand il était Premier ministre. Il était anormal qu'en France 38 % seulement des 60-64 ans soient en activité, contre 68 % en Allemagne ou en Suède. L'augmentation sensible de leur taux d'activité va dans le bon sens ; elle répond au souhait des seniors. Si un travail approfondi sur le sujet avait été réalisé avec les partenaires sociaux et avec le Sénat avant la réforme sur les retraites, il y aurait peut-être eu moins de mobilisation contre cette réforme.

La possibilité de bénéficier à partir de 60 ans d'un temps partiel ou d'une retraite progressive va également dans le bon sens, comme tous les dispositifs de fin de carrière. Je me réjouis aussi de la valorisation de l'expérience, bien que le dispositif proposé soit non pas un véritable CDI senior, mais une simple exonération de la contribution patronale sur l'indemnité de mise à la retraite.

L'article 5 est important : les entreprises seront obligées de motiver leur refus d'un passage à temps partiel.

Je m'interroge sur un sujet qui ne figure pas dans ce projet de loi : certaines personnes veulent partir à la retraite tout en continuant à travailler, mais elles se voient imposer un temps de carence de six mois, voire de plus d'un an dans le secteur des transports, avant de pouvoir reprendre une activité.

Mme Raymonde Poncet Monge. - En tant que parlementaires, nous allons voter sur un paquet global, c'est-à-dire sur un ensemble d'accords. J'aurais préféré des votes séparés sur chaque transposition d'ANI - comme la démocratie sociale le permettait -, pour le cas où nous aurions des désaccords. Nous devons nous prononcer sur un regroupement de dispositions assorti même dans ce paquet cadeau... d'une surprise : l'article 10. C'est insatisfaisant.

Faut-il s'effacer devant la démocratie sociale ? Certaines organisations n'ont pas signé les accords. Tous les syndicats étaient d'accord pour transposer l'accord AT-MP, mais c'est l'intervention d'un autre tiers, à savoir les associations, qui a fait que nous avons repris, à juste titre, cette transposition : voilà une expérience où la démocratie politique, parlementaire, a résolu un problème en faisant intervenir des acteurs non invités à la négociation. Je suis attachée aux organisations syndicales, mais celles-ci ont un biais : elles représentent ceux qui travaillent, mais elles défendent très mal l'intérêt des chômeurs. Or le contrat dont il est question concerne les demandeurs d'emploi. Nous aurions pu entendre les associations qui représentent ces derniers, afin de bénéficier d'un point de vue différent, comme cela fut le cas lors des débats sur les prestations AT-MP en cas d'invalidité.

Chaque accord a des aspects positifs : ainsi, dans l'ANI relatif au dialogue social, le fait de renoncer à limiter les mandats dans le temps. Je suis favorable à la limitation dans le temps des mandats politiques ; mais, en l'espèce, les syndicats seuls se voyaient imposer une telle limitation, ce qui n'était pas juste au regard du temps nécessaire pour s'approprier des notions que la partie patronale connaît par définition.

Tant mieux qu'il y ait désormais l'obligation de négocier de nouveau à intervalles réguliers sur l'emploi des salariés expérimentés ! Nous rétablissons ce qui a été supprimé par les ordonnances de 2017.

Idem pour le passage de six mois à cinq mois de la durée minimale d'affiliation à l'assurance chômage, qui avait été auparavant réduite à quatre mois. Nous avons fait deux pas en arrière et un pas en avant. À l'époque, nous avions alerté sur les saisonniers. Il faut mieux entendre les syndicats et, au Parlement, mieux entendre l'opposition. Y compris lors du débat sur les retraites, nous avions dit que nous préférions la retraite progressive, dispositif mis en sommeil, au cumul emploi-retraite, qui accroît le volume de travail.

Il ne s'agit pas que d'une affaire de regard ou d'imaginaire : en France, nous avons un problème de sous-performance en matière de conditions de travail - c'est le « mal-travail ». Comparons-nous avec nos voisins européens : l'Allemagne emploie davantage de seniors, mais qu'en est-il de leurs conditions de travail ?

La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estime que, de 1984 à 2016, la proportion d'ouvriers exposés à au moins trois contraintes physiques dans leur travail est passée de 21 % à 64 %. Il en est de même pour les contraintes liées aux rythmes, à l'intensification ou à l'absence d'autonomie dans nos organisations.

Les personnes partent parce qu'on n'améliore pas les conditions de vie au travail ; l'inaptitude est la voie de sortie. Quand signera-t-on un accord sur la pénibilité ? Quand débattrons-nous des quatre critères de pénibilité qui ont été supprimés ? Quand mesurerons-nous les conséquences de la suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ?

Vous estimez que le nouveau contrat de valorisation de l'expérience coûtera 123 millions d'euros d'exonérations à la sécurité sociale. Le Gouvernement s'engage-t-il à compenser ce manque à gagner ou s'agira-t-il d'une niche sociale non compensée ? À supposer qu'elle soit compensée, je vous rappelle que vous atteignez d'ores et déjà le ratio maximal prévu par la loi de programmation des finances publiques. Le rapport entre le montant des niches sociales et le total des recettes des régimes devant rester inférieur à ce ratio, vous ne pourrez plus augmenter les exonérations sans en supprimer...

Nous disposons déjà de dispositifs performants - Territoires zéro chômeur de longue durée, parcours emploi compétences - qui permettent l'embauche, plus qu'ailleurs, de personnes de plus de 50 ans ; mais ces programmes sont menacés par les restrictions budgétaires. Ne les fragilisons pas ! Le contrat de génération, qui résolvait d'un même mouvement les problèmes du maintien en emploi des seniors et du taux d'emploi des jeunes, a été supprimé. Pourquoi ne pas le rétablir ?

Mme Laurence Muller-Bronn. - Vous avez évoqué une croissance de 1,9 point du taux d'emploi des seniors en CDI, confirmé par l'Insee. Les chiffres par genre sont-ils disponibles ? Souvent, les femmes ont des carrières incomplètes et sont obligées de reprendre un emploi pour travailler, in fine, plus longtemps que les hommes. Elles sont souvent à temps partiel : j'irai presque jusqu'à parler de misère féminine...

On observe, en Suède, en Norvège ou en Allemagne, qu'à partir du moment où l'on a retardé l'âge de départ à la retraite le montant des pensions a baissé, car les reprises sont partielles ; ce montant est en moyenne très inférieur à celui des pensions françaises.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je salue votre regard pragmatique et votre volonté d'avancer sur des sujets importants. On peut toujours dire que ce n'est pas assez, mais je préfère voir le verre à moitié plein, sans naïveté aucune...

Quelles sont les principales causes expliquant que les salariés expérimentés soient mis à l'écart du marché du travail ? Comment le Gouvernement évaluera-t-il l'efficacité de ce texte sur le long terme ? Une clause de revoyure est-elle prévue ?

La transposition des ANI dans la loi constitue une reconnaissance forte du rôle des partenaires sociaux. Cette méthode doit-elle devenir la norme dans la fabrique du droit social ?

Quelle articulation est prévue avec France Travail ?

Mme Annie Le Houerou. - Je me félicite du travail des partenaires sociaux : nous sommes attachés au dialogue social.

La progression de 1,9 point du taux d'emploi des seniors est une augmentation en trompe-l'oeil, car elle n'est que la hausse mécanique de l'emploi liée au report de l'âge de départ à la retraite : elle n'est pas due à des mesures spécifiques relatives à l'emploi des seniors. Si le taux d'emploi des seniors augmente, la proportion de seniors qui sont sans emploi ou en arrêt maladie ou de longue maladie augmente également...

L'article 10 nous pose quelques difficultés : il prévoit de légiférer par ordonnance, sans, donc, que le Parlement soit saisi.

Vous parlez de faire le pari de l'expérience. Quelle serait la définition du salarié expérimenté ?

Quelles mesures prévoyez-vous pour l'emploi des seniors dans les entreprises de moins de 300 salariés et dans les TPE, et avec quel accompagnement ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Merci de vos réponses. Même si ce texte ne nous satisfait pas pleinement, nous devons trouver des solutions qui ne soient pas au détriment des salariés. Vous connaissez notre attachement à ce que les salariés travaillent dans de bonnes conditions.

Je suis inquiète : l'Insee, dans son rapport de 2024 sur la situation des seniors sur le marché du travail, estime qu'un tiers des 55-61 ans sont privés d'emploi et que 21 % d'entre eux ne sont ni à la retraite ni en emploi, en grande partie pour des raisons de santé.

On ne parle pas de la même chose selon que l'on considère la situation d'un employé de banque ou d'un égoutier, même si le premier peut faire un burn-out... Les conditions de travail ne sont pas les mêmes et la pénibilité est beaucoup plus lourde à supporter chez le second.

L'article 10 me pose problème : je ne comprends pas que l'on puisse demander à légiférer par ordonnance en cette matière - ce n'est pas la solution. Nous, parlementaires, devons être associés aux décisions. Ne peut-on pas revenir sur cet article 10 ?

Les salariés des petites entreprises pourraient être exclus de ces avancées : il n'y a pas assez de mesures contraignantes pour les petites entreprises. Comment faire évoluer les choses ?

Je regrette par ailleurs l'absence d'objectifs quantitatifs relatifs au maintien dans l'emploi des seniors ; il faudrait en prévoir.

M. Olivier Henno. - Je ne reviens pas sur l'article 10 : je partage les remarques qui ont été faites par mes collègues à ce propos.

Je salue l'importance du paritarisme et du dialogue social, qui fonctionnent et qui participent à l'apaisement du pays - nous en avons la preuve aujourd'hui. Cela veut dire, pour les parlementaires et pour les pouvoirs publics, qu'il faut savoir lâcher prise. Si le dialogue social connaît une issue favorable, c'est une bonne chose ! Ainsi fonctionne le modèle rhénan.

Nous vivons une révolution culturelle tranquille dans les entreprises. Durant les années 1990-2000, les seniors étaient toujours la variable d'ajustement, avec les fameuses conventions FNE (Fonds national de l'emploi). Cela arrivait très vite, à 55 ans, voire à 50 ans. Les choses évoluent profondément, peut-être sous l'effet de la robotisation : des métiers sont devenus moins pénibles physiquement. Pour l'avenir, on peut s'interroger sur le temps partiel, mais aussi sur la multiactivité. Qu'en pensez-vous ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Madame Gruny, un certain nombre d'entreprises s'engagent à publier des indicateurs sur le recrutement, la formation, la promotion et les mobilités internes. À la faveur de cette initiative lancée par le Club Landoy, à l'origine un club de grandes entreprises, et relayée par « Les entreprises s'engagent » ou par le club de l'ANDRH, on compte désormais 600 entreprises, dans tous les territoires, qui s'engagent à mesurer ces critères.

La formation ne fait pas partie des sujets de discussion au niveau des entreprises ou des branches, conformément à la décision prise par les partenaires sociaux. On peut le regretter, mais tel est l'équilibre qui a été trouvé.

Les partenaires sociaux ont négocié, pour l'assurance chômage, un décalage de deux ans des bornes d'âge des mesures seniors : nous sommes passés de 53-55 ans à 55-57 ans. Le contrat de valorisation n'est ouvert qu'à partir de 57 ans : lorsqu'on entre au chômage à 55 ans, on peut bénéficier de vingt-quatre mois d'allocation, ce qui permet ensuite d'accéder, éventuellement, à un contrat de valorisation. Je comprends votre question, car on pourrait tout à fait éviter de passer par cette case « chômage » pour basculer directement dans le contrat de valorisation, mais voilà ce qui a été négocié entre les partenaires sociaux.

Pour ce qui concerne les retraites progressives et le temps partiel, madame Bourcier, nous voulons permettre aux salariés de travailler entre deux et quatre jours par semaine tout en commençant à toucher leurs droits à la retraite. Ce dispositif est très concret : c'est ainsi que les choses fonctionnent dans de nombreux pays d'Europe du Nord, lesquels ont une longueur d'avance sur nous en matière de taux d'activité des seniors. Cette mesure correspond également à une demande forte d'une partie de nos travailleurs de plus de 60 ans ; je pense notamment aux aidants familiaux, sujet sur lequel votre commission a travaillé. Il s'agit de stabiliser le pouvoir d'achat en permettant le cumul des deux types de revenus, tout en gagnant en flexibilité.

Monsieur Henno, les révolutions les plus durables sont souvent celles qui se font à bas bruit. Il est beaucoup question du taux d'activité des seniors, mais l'idée est aussi d'imaginer la fin de carrière comme un continuum d'activité. Certains ont envie de poursuivre une activité et s'y épanouissent ; d'autres veulent être dans la transmission ; d'autres encore ne peuvent pas, en raison notamment de problèmes de santé. Il faut donc pouvoir imaginer les fins de carrière de manière hétérogène.

Monsieur Chasseing, le délai de carence de six mois s'applique lorsque les salariés restent sur un poste identique, afin d'éviter un effet d'aubaine consistant pour les employeurs à inciter des salariés qui auraient pu continuer de travailler à passer en cumul emploi-retraite... Ce délai de carence est souvent mal compris. Des réflexions sont en cours au sein de la délégation paritaire permanente sur les retraites pour voir comment limiter cet effet d'aubaine.

Madame Poncet Monge, il n'y a pas de pochette surprise ! Les accords ont été signés par de nombreuses organisations syndicales. Et je me suis engagée à transposer l'accord qui serait conclu sur le sujet visé à l'article 10. On le voit avec le travail réalisé dans le PLFSS sur les AT-MP comme avec le présent projet de loi : nous voulons une transposition législative fidèle des accords nationaux interprofessionnels, réalisée en lien avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires.

Je suis tout à fait d'accord avec vous : la santé et les conditions de travail sont au coeur du maintien en emploi des seniors. Une étude de France Stratégie montre que 35 % des ouvriers non qualifiés de la manutention du BTP partent entre 51 et 59 ans en retraite anticipée pour inaptitude professionnelle. Tel est le cas aussi de 25 % de nos aides à domicile et de 18 % de nos aides-soignantes. Il est donc nécessaire d'anticiper en milieu de carrière : il est des métiers usants qu'il n'est pas raisonnable d'exercer toute une vie. Il est indispensable à la fois de dresser un bilan de santé, d'aménager les postes et d'envisager les reconversions. Si les reconversions étaient facilitées - tel est précisément l'objet du fameux article 10 -, on pourrait envisager plus sereinement les deuxièmes parties de carrière.

Les partenaires sociaux vont justement commencer à négocier sur la pénibilité dans le cadre de la délégation paritaire permanente, sous la houlette de M. Marette. Nous quittons une vision individualisée de ce sujet pour aller vers une meilleure prise en compte des pénibilités ergonomiques qui touchent notamment les métiers des services et les métiers féminisés.

La Dares va réaliser au mois de septembre une évaluation du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée - je sais, madame Poncet Monge, combien vous appréciez ces évaluations. Nous pourrons, si vous le voulez, discuter des contrats de génération, des parcours de contrats aidés, et de l'impact du chômage sur les seniors. Les résultats n'ont pas nécessairement été à la hauteur des attentes, et le temps nous est compté : nous pourrons en reparler.

Madame Muller-Bronn, le sujet des femmes est essentiel, mais nous manquons de données. Le rapport sur les seniors distingue le taux d'activité des hommes de celui des femmes, mais sans précision par tranche d'âge. Or les femmes, après 50 ans, sont davantage « invisibilisées » sur le marché du travail.

Je précise que le taux de chômage des plus de 50 ans a baissé d'un point depuis 2019, et est quasiment stable depuis un an. Sur la même période, on observe une augmentation de 1,9 point du taux d'emploi des plus de 50 ans. « Le réel, c'est quand on se cogne », disait Lacan. En l'occurrence, les choses sont un peu différentes de ce que l'on pourrait imaginer : on assiste actuellement à un maintien en emploi et à une stabilité, et non à une augmentation, du taux de chômage des plus de 50 ans.

Madame Romagny, nous avons débattu des causes : santé, préjugés... Comment évaluer l'efficacité ? Je vois un seul indicateur : le taux d'emploi. On peut penser également au taux d'activité et au taux de départ pour inaptitude.

Mme Raymonde Poncet Monge. - C'est un très bon indicateur !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Cette dernière donnée me semble en effet un bon indicateur pour mesurer la prise en compte des conditions de travail, des métiers exposés et des sujets de santé.

Je crois au dialogue social, surtout dans un contexte politique fracturé qui épargne le Sénat, mais qui touche beaucoup l'Assemblée nationale. Ce dialogue social donne une légitimité et une force qui permettront, je l'espère, des discussions plus apaisées.

Merci de m'avoir posé une question sur France Travail, qui est en train de s'organiser pour mieux appréhender les demandeurs d'emploi expérimentés, selon une approche différente de celle qui s'applique aux demandeurs d'emploi plus jeunes. Ces personnes doivent souvent faire le deuil, parfois en raison d'une inaptitude professionnelle, d'une tâche qu'elles ont longtemps exercée. Notre approche est à la fois individuelle et collective : la personne doit prendre conscience qu'elle n'est pas seule dans cette recherche d'emploi qui peut durer deux fois plus longtemps que pour les 21-49 ans. Il faut ne pas se décourager, conserver de l'estime de soi, faire le deuil de ce que l'on a pu connaître pour envisager le champ des possibles, définir ensuite un projet beaucoup plus personnalisé.

C'est précisément ce sur quoi est en train de travailler France Travail : une expérimentation déployée en Île-de-France, « Atout Senior », sera élargie à partir de janvier 2026. Elle vise à définir d'abord, lors d'entretiens collectifs ou individuels, un projet personnalisé. Ensuite, la personne suit une formation théorique courte, de quatre mois intensifs, trente-cinq heures par semaine avec des devoirs à la maison le week-end, en vue d'occuper un poste dans un métier en tension - je pense aux métiers de la rénovation énergétique, à ceux de la tech pour les femmes de plus de 50 ans, ou encore à certains métiers du tertiaire, gestionnaire de paie, comptable, pour lesquels la demande est forte. S'ensuivent deux à quatre mois d'application pratique en entreprise. Ce dispositif permet un taux de réinsertion dans l'emploi à six mois de 85 %.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie, madame la ministre.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 28 mai 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mmes Frédérique Puissat et Anne-Marie Nédélec, rapporteures, sur le projet de loi (n° 600, 2024-2025) portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de nos collègues Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat et du texte de la commission sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.

Ce texte, dont le Sénat est saisi en premier lieu et sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, est inscrit à l'ordre du jour du mercredi 4 juin.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Après la santé au travail, dont le projet de loi a été rapporté par notre collègue Pascale Gruny, et le partage de la valeur, c'est la troisième fois depuis 2020 que nous nous confrontons à l'exercice particulier de la transposition législative d'un ANI conclu par les organisations syndicales et patronales.

Le texte que nous examinons ce matin présente la particularité d'avoir connu un parcours contrarié, qu'il nous revient de présenter brièvement.

Le Gouvernement avait initialement invité les partenaires sociaux à négocier en vue d'un nouveau « pacte de la vie au travail », dès novembre 2023, avec trois axes distincts : trouver une meilleure articulation des temps de travail et de loisir, avec la mise en place d'un compte épargne-temps universel (Cetu) ; mettre en place les conditions du plein emploi des seniors ; et encourager la progression des carrières et les possibilités de reconversion professionnelle.

Par ailleurs, dans le cadre de la négociation relative aux règles de l'assurance chômage, qui se tenait en parallèle, les partenaires sociaux devaient adapter les règles d'indemnisation pour tenir compte de l'allongement des carrières. Le Gouvernement avait conditionné l'agrément de la convention d'assurance chômage à la conclusion de ce « pacte de la vie au travail ». Faute d'accord, le Gouvernement a refusé d'agréer la convention d'assurance chômage, et les partenaires sociaux ont été invités par le Gouvernement en octobre 2024 à reprendre les négociations sur les seniors. Ils sont finalement parvenus à la conclusion d'un ANI sur l'emploi des salariés expérimentés, signé le 14 novembre 2024, par les trois organisations représentatives des employeurs, et par l'ensemble des organisations représentatives des salariés, à l'exception de la Confédération générale du travail (CGT).

Cet ANI en faveur du travail des seniors, qui comprend sept articles, est structuré autour de quatre axes : la mobilisation du dialogue social de branche et d'entreprise, la préparation de la deuxième partie de carrière, la levée des freins au recrutement des demandeurs d'emploi seniors et la facilitation des aménagements de fin de carrière.

Cependant, le présent texte ne se borne pas à la retranscription de cet ANI, puisqu'il comporte également des mesures issues de l'ANI sur l'évolution du dialogue social, signé le 14 novembre 2024, et de la convention relative à l'assurance chômage conclue le 15 novembre 2024.

Après quelques échecs de négociation et quelques escamotages de la part du Gouvernement sur l'assurance chômage, nous pouvons, en préambule, nous réjouir que le paritarisme de négociation ait été fructueux. Nous pouvons également nous féliciter de la démarche du Gouvernement de nous présenter un projet de loi qui vise à la stricte transposition des mesures de ces accords relevant du domaine de la loi - tous les partenaires, y compris les non-signataires, en ont convenu.

Dans cette configuration, nous pensons que le Parlement doit veiller à la transposition fidèle de l'accord des partenaires sociaux. L'humilité dont le législateur doit faire preuve est aussi un gage de bon fonctionnement de notre démocratie sociale. L'exercice de transposition par le Gouvernement est plutôt bien réussi : les organisations syndicales comme patronales, signataires des accords, nous ont confirmé que le texte leur convenait. Sur les neuf articles de transposition de mesures, nous ne vous proposerons donc que des ajustements de clarification rédactionnelle, à l'exception de l'article 4 ; mais nous y reviendrons.

Avant de vous présenter les dispositions du projet de loi, permettez-nous de rappeler quelques chiffres sur l'emploi des seniors, sujet principal de ce texte. L'usure et la désinsertion professionnelles, les freins à l'embauche et les discriminations sur le marché du travail conduisent à un taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans plus bas que pour les autres catégories de la population. En 2023, ce taux s'établissait à 58,4 %, contre 82,6 % pour celles qui sont âgées de 25 à 49 ans. Il demeurait surtout bien inférieur à celui de nos voisins européens : notons ainsi des taux de 67 % au Portugal, et de 74 % en Allemagne - même si l'âge légal de départ à la retraite y est plus tardif.

Ces difficultés que rencontrent les seniors sur le marché de l'emploi peuvent être une source de précarisation pour eux, elles pèsent sur l'activité économique et induisent un manque à gagner pour les finances publiques. Il convient de prendre la mesure de notre démographie ; le salut ne pourra pas venir d'une entrée massive de nouvelles générations sur le marché du travail. En revanche, il convient de jouer sur nos marges de progrès quant à l'emploi de certaines catégories de la population.

Une expérience de pensée - espérons-le, plus avant-gardiste qu'utopique - consiste à projeter en France le taux d'emploi des seniors allemands ; ce bond de 16 points permettrait d'augmenter le PIB de la France de près de 125 milliards d'euros. Les conséquences d'un tel rebond sur les finances publiques permettraient d'envisager sereinement le prochain exercice budgétaire...

Si ce texte vise donc à accroître l'emploi des seniors, cette ambition générale ne passera pas uniquement par des mesures législatives. Il s'agira surtout de changer les mentalités en entreprise et les regards sur les salariés expérimentés et sur les fins de carrière, ce à quoi nos auditions - toute proportion gardée - ont contribué.

À rebours du lieu commun consistant à pointer la productivité déclinante des salariés âgés et l'obsolescence de leurs compétences, nous avons entendu en audition Exper'Connect, un cabinet de recrutement spécialisé dans les missions de placement auprès d'employeurs de retraités détenteurs de savoir-faire spécifiques. Certaines entreprises, dans les secteurs du nucléaire, de l'aéronautique ou de la défense par exemple, ne parviennent pas à trouver les compétences nécessaires sur le marché du travail et se tournent vers ces missions réalisées par des travailleurs retraités.

Mme Frédérique Puissat, rapporteure. - Le projet de loi s'ouvre sur un chapitre primordial pour changer les cultures professionnelles sur la représentation des seniors. Les deux premiers articles visent en effet à relancer le dialogue social de branche comme d'entreprise sur l'enjeu spécifique des seniors.

L'article 1er du projet de loi transpose ainsi l'intention de l'ANI de réinstaurer une négociation obligatoire sur ce sujet au niveau des branches. Une telle obligation imposée par le code du travail était en vigueur de 2003 à 2013, date à laquelle une incitation à conclure des accords avait pris sa suite. Depuis 2017, le code du travail est entièrement silencieux sur le travail et l'emploi des seniors dans les négociations de branches. En conséquence, seules deux branches se sont saisies de cet enjeu spécifique : celles des casinos et des sociétés d'assistance que nous avons entendues lors de nos travaux.

La négociation de branche se tiendrait au moins tous les quatre ans - à défaut d'accord de méthode prévoyant la périodicité, le code du travail retiendrait une fréquence triennale. Lors de cette négociation, les organisations syndicales et patronales devront aborder le recrutement des salariés seniors, leur maintien dans l'emploi, l'aménagement des fins de carrière, notamment les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel, la transmission des savoirs et des compétences.

Cet accord de branche pourra, le cas échéant, prévoir un plan type pour les entreprises de moins de 300 salariés, qui ne pourrait s'appliquer que si la négociation dans l'entreprise n'a pas abouti.

Plutôt que d'imposer par la loi ou l'accord national des mesures préconçues, les partenaires sociaux ont préféré faire émerger, par le dialogue social, des solutions d'aménagement de fins de carrière adaptées aux secteurs d'activité et à chacune de leurs réalités socio-économiques. Nous pensons que cette option est la bonne.

L'article 2 vise un objectif similaire au sein même des entreprises. Il instaure une obligation quadriennale de négociation à destination des entreprises d'au moins 300 salariés, devant porter sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés. Cette négociation est précédée d'un diagnostic, et doit permettre aux entreprises de se positionner et de se mobiliser au profit du maintien dans l'emploi des salariés les plus expérimentés.

Le seuil retenu de 300 salariés, en harmonie avec la négociation obligatoire sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), permet de préserver les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), moins outillées pour ces exercices, et dans lesquelles l'accompagnement des fins de carrière se fait le plus souvent en bonne intelligence avec les salariés.

Le deuxième volet du projet de loi est consacré aux dispositions visant à préparer la seconde partie de carrière et à aménager la fin de carrière.

L'article 3 vise ainsi à créer des rendez-vous clés le long du parcours professionnel du salarié. Il s'agit d'aborder les évolutions possibles dans l'organisation du travail, avec comme objectif de maintenir le salarié dans l'emploi et de prévenir l'usure professionnelle. À cette fin, la visite médicale de mi-carrière, créée par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, serait mieux articulée avec les entretiens professionnels se tenant tous les deux ans. L'un d'entre eux devra être l'occasion d'aborder les mesures proposées, le cas échéant, par le médecin du travail à l'issue de cette visite. En outre, l'entretien conduit vers le soixantième anniversaire du salarié devra aussi être l'occasion d'évoquer les aménagements possibles de la fin de carrière.

Nous avons bien à l'esprit que le véritable enjeu de ces dispositions est leur traduction effective dans les entreprises. Nous avons alerté la ministre sur ce point : faute de médecins du travail, l'intention du législateur et des partenaires sociaux pourrait rester lettre morte.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Un autre axe du projet de loi est consacré à la levée des freins au recrutement des demandeurs d'emploi seniors.

L'article 4 prévoit de créer un nouveau contrat à durée indéterminée (CDI) à destination des demandeurs d'emploi expérimentés, qui permettrait à leur employeur de procéder à leur mise à la retraite une fois l'âge d'obtention d'une pension de retraite à taux plein atteint. Afin d'inciter à la conclusion de tels contrats, une exonération de la contribution employeur spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite y serait associée.

Cet article s'inscrit dans la lignée du contrat de fin de carrière proposé par le Sénat lors de la réforme des retraites, et nous tenons à saluer René-Paul Savary, qui avait mis toutes ses forces au service de cette idée, au point de faire plier le Gouvernement : le temps lui aura donné raison.

Il faut également souligner que les services des ministères sociaux nous ont indiqué lors des auditions qu'une suppression du « CDI senior » interviendra par décret, ce qui est à saluer tant une rationalisation des différents types de contrats semble nécessaire.

Cependant, nous vous proposerons de rétablir un caractère expérimental à cet article, et de prévoir son rapport d'évaluation, afin d'assurer la bonne information du législateur à l'issue des cinq années prévues, et pour pouvoir juger de l'intérêt d'une pérennisation ou non.

S'agissant de la fin de carrière à proprement parler, il ressort de nos travaux qu'employeurs comme salariés considèrent le sujet sous le prisme d'une alternative binaire. Peu de place existe entre le travail à temps complet et la cessation totale d'activité au départ à la retraite. Le temps partiel n'occupe, par exemple, que 25 % des salariés de plus de 55 ans, là où ce taux est de 40 % aux Pays-Bas. De même, la retraite progressive ne concernait que 26 000 salariés en 2023.

Pourtant, le maintien en emploi d'un plus grand nombre de seniors demande des modèles flexibles d'organisation du travail et des transitions plus lisses vers la retraite. Dans cette optique, les articles 5 et 6 visent à lever des freins au temps partiel des seniors.

Dans le prolongement de la réforme des retraites de 2023, l'article 5 encadre davantage le refus opposé par l'employeur à la demande du salarié de passer à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre d'une retraite progressive. L'employeur devra ainsi justifier que la réduction de la durée de travail sollicitée a une incidence sur la continuité de l'activité de l'entreprise ou du service et que des tensions de recrutement empêchent d'y remédier.

L'article 6 permet de négocier par accord collectif, au niveau des entreprises ou des branches, un versement anticipé de l'indemnité de départ à la retraite dans le cadre d'un passage à temps partiel ou réduit. Ce versement échelonné doit assurer un maintien total ou partiel de la rémunération en dépit de la réduction de la quotité d'activité. Il ne s'agira pas d'une solution providentielle : l'indemnité de départ ne permet pas de couvrir une période importante de temps partiel. En outre, de l'aveu même de la branche des sociétés d'assistance ayant prévu par accord un tel dispositif, les salariés se sont peu saisis de cette possibilité. Toutefois, la modification proposée du droit du travail permettra précisément de valider les clauses déjà négociées dans certaines entreprises ou branches et d'encourager la diffusion de solution pour populariser le temps partiel.

L'article 7 vise à faire évoluer le droit à la suite d'un récent arrêt de la Cour de cassation, afin de préciser que la mise à la retraite d'office d'un salarié est permise, y compris lorsque ce dernier a été recruté après avoir atteint l'âge de départ à taux plein.

Mme Frédérique Puissat, rapporteure. - Le texte comporte un volet relatif au dialogue social qui rend compte de l'ANI que les partenaires sociaux ont souhaité signer en parallèle des négociations demandées par l'exécutif.

L'article 8 procède ainsi à la suppression dans le code du travail de la limitation à trois mandats pour les membres élus du comité social et économique (CSE). Les partenaires sociaux ayant constaté le manque de candidats volontaires pour exercer ces fonctions représentatives, il est aujourd'hui nécessaire de lever cette contrainte imposée en 2017. La suppression de la limitation des mandats permettrait aussi de favoriser la transmission d'expérience entre les élus et leurs successeurs.

Le texte dispose d'un article relatif aux conditions d'activités requises pour les primo-entrants à l'assurance chômage. L'article 9 abaisse ces conditions pour les travailleurs n'ayant jamais bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) ou n'en ayant plus bénéficié depuis une longue période. En l'état actuel du droit, les primo-entrants se voient appliquer une période d'affiliation minimale de 130 jours travaillés au cours des 24 derniers mois précédant la fin du contrat de travail. Dans la nouvelle convention d'assurance chômage, les partenaires sociaux ont proposé d'abaisser cette condition à 108 jours. La mesure bénéficiera principalement aux jeunes, qui représentent 62 % des primo-entrants. Toutefois, une base légale manquait pour que le Gouvernement puisse agréer cette mesure ; ce sera chose faite grâce à cet article 9.

Enfin, le texte proposé par le Gouvernement prévoit en son article 10 une habilitation à légiférer par ordonnance pour modifier les dispositifs qui concourent aux reconversions professionnelles. L'intention est de transposer le futur ANI en cours de négociation entre les partenaires sociaux.

Cet article nous a posé beaucoup de difficultés. D'un côté, nous souhaitons laisser la main aux partenaires sociaux dans l'établissement de nouvelles règles relatives aux transitions professionnelles. En effet, les dispositifs existants manquent de lisibilité, ce qui met en cause leur efficacité. De l'autre, nous sommes opposés au principe des ordonnances.

Nous avons envisagé de proposer un amendement de suppression de cet article, mais nous souhaitons éviter la possibilité d'un vote conforme à l'Assemblée nationale qui empêcherait de transposer durant la navette parlementaire le futur accord entre les partenaires sociaux. C'est pourquoi nous proposerons à la commission de supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance pour réécrire l'article par le biais d'un amendement qui consacre les objectifs visés par les partenaires sociaux. Nous faisons confiance en la capacité des organisations syndicales et patronales à conclure un accord et voulons que ce dernier soit transposé par le Parlement, et sous son contrôle entier, et non par ordonnance.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi ne porte pas de recette miracle ni de mesures révolutionnaires pour accroître le taux d'emploi des seniors. Pour autant, nous pouvons aborder l'examen de ce texte avec une grande satisfaction : d'abord, il fait confiance au dialogue social, en transcrivant des ANI dans le respect des partenaires sociaux, et en encourageant le dialogue social de branche et d'entreprise ; ensuite, il nous permet de parler positivement des travailleurs expérimentés et de participer aux changements de culture après quelques textes moins consensuels sur le travail des seniors.

Nous vous invitons donc à adopter ce projet de loi modifié par les amendements que nous vous soumettrons et qui, à l'exception de deux d'entre eux, à l'article 4 et à l'article 10, ne seront que d'ordre rédactionnel.

Pour terminer, il nous revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Nous rappelons que la recevabilité des amendements s'apprécie au regard des dispositions du texte déposé par le Gouvernement, et non pas en considération des stipulations de l'ANI.

Nous considérons que ce périmètre comprend des dispositions relatives au dialogue social de branche et d'entreprise en matière d'emploi et de travail des salariés expérimentés ; aux entretiens professionnels et à leur articulation avec les visites médicales réalisées par la médecine du travail ; à la création d'un nouveau contrat de travail en faveur des demandeurs d'emploi seniors ; aux régimes juridiques de la mise à la retraite et de l'indemnité de départ à la retraite ; à la retraite progressive et au temps partiel ; au mandat des élus du CSE ; aux conditions d'affiliation au titre de l'assurance chômage ; aux dispositifs de formation concourant aux reconversions professionnelles, ainsi qu'à l'organisation des acteurs oeuvrant en matière de transitions professionnelles.

En revanche, ne nous semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables des amendements relatifs à l'assurance vieillesse, et notamment aux règles de la liquidation complète des pensions et de l'âge de départ à la retraite à taux plein ; à la négociation collective portant sur d'autres sujets que ceux qui sont mentionnés dans le périmètre positif ; aux dispositifs généraux d'exonération de cotisations et de contributions sociales.

Il en est ainsi décidé.

M. Olivier Henno. - Je salue le travail des rapporteurs. Bien évidemment, notre groupe suivra leurs préconisations. Comme à chaque fois lors de l'examen de tels textes, nous saluons également la fécondité du paritarisme : les discussions de branche sont indispensables si l'on croit au dialogue social. La proposition des rapporteurs à l'article 10 nous paraît d'ailleurs extrêmement judicieuse. Voltaire disait que l'humilité est le contrepoison de l'orgueil : saluons l'humilité de ce travail, assez rare dans notre pays plutôt jacobin et vertical.

Nous nous trouvons au début d'une révolution culturelle qui concerne le travail des seniors. Cet ANI est un premier pas, mais il y en aura beaucoup d'autres. Je me félicite du changement de mentalité dans les entreprises. Il fut un temps, l'emploi des seniors y était systématiquement la variable d'ajustement social. Il faudra tout de même aller plus loin, car la robotisation et l'intelligence artificielle changeront le rapport au travail, et nous devrons trouver les moyens de valoriser encore davantage l'expérience des seniors, de reconsidérer les transitions, le temps partiel, voire la multiactivité. Ce dernier sujet est d'ailleurs assez peu abordé, alors qu'il est développé dans de nombreux pays.

Mme Monique Lubin. - Le qualificatif « expérimenté » m'a interpellée. René-Paul Savary et moi-même avons travaillé sur l'emploi des seniors. J'avais demandé de reconsidérer l'emploi du terme « seniors », que nous trouvions assez péjoratif. Je comprends le sens de ce mot, mais on peut être expérimenté bien avant d'être senior. Le Conseil d'État a également relevé ce point. Décidément, il est difficile de trouver la bonne appellation.

Je salue bien évidemment le travail des partenaires sociaux et la volonté de légiférer en respectant fidèlement leurs propositions. Le Parlement respecte le dialogue social et l'appelle de ses voeux, surtout lorsque celui-ci est bafoué, mais il ne faudrait pas a contrario que son rôle soit renié. Je ne m'empêcherai donc pas de déposer des amendements.

Ce texte pèche dans son approche de la situation dans les entreprises de moins de 300 salariés, notamment dans les très petites entreprises. Le rapport indique qu'il faut les protéger, mais je ne vois pas bien comment nous y parviendrons. Certes, les syndicats sont très présents dans les grandes entreprises et très peu présents dans les petites, mais comment protéger les salariés dans ces dernières ? Il y aura des accords de branche, mais ceux-ci seront-ils suffisants ? Quelles contraintes s'appliqueront aux employeurs ? En matière d'emploi des salariés expérimentés, âgés ou seniors, il n'y a aucune contrainte, et les idées reçues ont la vie dure. Je l'avais indiqué lors de l'audition de Pierre Moscovici, nous devons lutter contre la culture du non-emploi du salarié âgé dans les entreprises françaises. Je salue les avancées de ce texte, mais cette lacune me semble très importante.

Il est toujours difficile de proposer un contrat spécifique pour une tranche d'âge, et je n'adhère qu'avec peu d'enthousiasme à la création des contrats de valorisation de l'expérience. Cela dit, nous n'avons rien trouvé d'autre en la matière, et je suis donc favorable à une expérimentation. Toutefois, la possibilité laissée aux employeurs de licencier automatiquement une personne dès lors qu'elle aura atteint le taux plein me pose problème. Une personne atteint le taux plein en fonction de son année de naissance et du nombre de trimestres durant lesquels elle a cotisé, mais atteindre le taux plein ne signifie pas pour autant toucher une pension suffisante pour vivre.

Prenons un exemple : une femme - c'est toujours une femme ! - a choisi de travailler à temps partiel pour élever ses enfants. Comme il faut avoir travaillé 150 heures pour valider un trimestre, si elle a travaillé à temps partiel une grande partie de sa carrière, elle devra attendre d'avoir validé le bon nombre de trimestres, mais le montant de sa pension sera très faible. De son propre chef, elle aurait pu choisir de travailler plus longtemps. En vertu de quoi lui interdirait-on de le faire ? Je ne prône pas le travail jusqu'à 70 ans, mais je ne suis pas non plus favorable à obliger des personnes à partir à la retraite alors qu'elles ne touchent pas une retraite suffisante pour vivre.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !

Mme Monique Lubin. - Personnellement, je ne suis pas d'accord avec cette possibilité laissée aux entreprises, et à ce couperet. En outre, quelles seraient les sanctions prévues pour les employeurs qui ne respecteraient pas les mesures prévues dans ce projet de loi ?

Mme Raymonde Poncet Monge. - À chaque réforme des retraites et à chaque recul de l'âge de départ, on voit a posteriori fleurir un texte relatif au travail des seniors. C'est prendre le problème à l'envers. Le taux d'emploi pour les personnes entre 55 ans et 65 ans n'est pas uniquement dû au recul de l'âge légal. L'âge effectif de départ étant toujours un peu plus important que ce dernier, notre taux d'emploi ne pourra jamais être supérieur à celui des pays où l'âge légal de départ à la retraite est de 65 ans ou 67 ans.

Le problème ne tient pas qu'à cette raison. Dans la majeure partie des cas, à cet âge-là, les ouvriers sont en arrêt maladie, déclarés inaptes ou au chômage.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce problème n'a donc rien à voir avec le recul de l'âge légal. Plutôt que de repousser encore l'âge de départ, il faudrait s'attaquer de front à la sous-performance française par rapport à celle de ses voisins européens en matière de conditions de travail, d'intensité et de pénibilité du travail. À chaque fois que se tient ce débat, je renvoie aux indicateurs de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui montrent l'évolution dramatique de tous les critères de pénibilité et d'organisation au travail.

Le texte prévoit de demander aux branches de renégocier l'emploi des salariés expérimentés tous les trois ans, mais il ne fait que rétablir une disposition supprimée par les ordonnances Macron en 2017. Toutefois, le manque de sanctions pose problème, car tout repose sur la bonne volonté des parties prenantes. En outre, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), supprimés par les ordonnances Macron, ne sont pas réintégrés, alors que, par définition, ils constituaient l'une des instances où il était possible d'échanger sur les conditions de travail et de vie dans les entreprises. Nous parlons de simplification, mais un seuil de 300 salariés est retenu. Simplifions en conservant les seuils existants !

Certes, il faut respecter les négociations des partenaires sociaux, mais il y a trois ANI. La Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) n'a pas signé ces accords. Il ne faut pas sublimer le dialogue social - d'ailleurs, nous ne vous avons pas entendus le louer lors de la dernière réforme des retraites ! Nous avons des choses à dire ; sinon, abolissons notre rôle et passons notre tour ! Lors de la transposition d'un ANI sur la branche des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), après avoir rencontré les représentants des victimes d'AT-MP, nous avions modifié des dispositions relatives à la rente, alors même que l'on nous demandait de transposer, sans le modifier, un accord qui avait même été accepté par la CGT.

Je le redis : il est bien dommage de ne pas avoir demandé aux organismes aidant les demandeurs d'emploi leur avis sur le contrat de valorisation de l'expérience (CVE). J'espère qu'il rencontrera plus de succès que le CDI senior. Si celui-ci n'a pas été aussi utilisé que nous le pensions, c'est aussi en raison de la pénibilité dont j'ai parlé précédemment.

On parle de « salariés expérimentés », mais jamais on ne s'offusque qu'un travailleur ait été au Smic toute sa vie. Cela devrait pourtant nous choquer, car un tel travailleur est expérimenté. Il est bien beau d'habiller les choses avec des mots, mais le Smic est un salaire destiné aux travailleurs qui n'ont ni qualification ni ancienneté. Et pourtant, nous envisageons de dire qu'il faut augmenter le minimum contributif si un salarié a passé toute sa vie au Smic.

La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat a décidé de travailler sur le financement de la sécurité sociale. Je ne suis pas d'accord pour que l'expérimentation dure cinq ans. Depuis la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale détient un monopole pour l'introduction d'exonérations supérieures à trois ans. Vous me direz que l'on demandera dans trois ans de prolonger ce délai de deux ans durant l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais on préempte ainsi le débat. Nous ne disposerons d'ailleurs pas alors du rapport. Il me semble que celui-ci devrait être remis dans trois ans, et que l'expérimentation ne devrait pas durer plus longtemps. C'est la deuxième fois que ce cas de figure se présente.

Il est incroyable de ne pas tenir compte de l'avis du Conseil d'État, selon lequel le dispositif ne saurait être qualifié d'expérimentation, car il ne dispose pas « de protocole expérimental permettant de recueillir les éléments de nature à éclairer le législateur en vue de son éventuelle pérennisation ».

En ce qui concerne le départ au taux plein, l'amendement de Mme Lubin est mieux disant que le mien, qui devient donc un amendement de repli. Jusqu'à maintenant, l'employeur ne pouvait pas demander à l'employé quand celui-ci pourra partir à taux plein. Il me semble incroyable que les syndicats aient accepté de lever cet interdit. On demande même au salarié de réactualiser cette information en temps continu, par exemple s'il exerce une autre activité. Mon amendement visait à supprimer l'obligation de réévaluation faite à l'employé, mais c'est avec plaisir que je soutiendrai celui de Mme Lubin.

M. Daniel Chasseing. - Le taux d'emploi des seniors entre 60 ans et 64 ans est seulement de 38 % en France, contre 51 % en moyenne en Europe, et beaucoup plus en Allemagne et en Suède. Pour que les seniors soient valorisés, il est très important qu'ils retrouvent leur place dans les entreprises. Ils ont l'expérience et peuvent beaucoup apporter aux jeunes. Ce projet de loi impose aux branches de se réunir tous les trois ans pour engager des négociations sur l'emploi des salariés expérimentés. Peut-être que les rapporteurs pourront préciser ce point, mais les branches ne réunissent pas que des entreprises de plus de 300 employés.

L'article 3 prévoit qu'un entretien professionnel doit se tenir dans les deux mois qui suivent la visite médicale de mi-carrière. Un autre entretien professionnel après 60 ans doit aborder les possibilités d'aménagement de fin de carrière, les possibilités de temps partiel ou de retraite progressive. Ce point demandé par les seniors aurait dû être prévu avant le passage de la retraite à 64 ans, qu'il aurait peut-être permis de faire mieux accepter.

L'article 4 crée le contrat de valorisation de l'expérience. Ce contrat est moins avantageux que le CDI senior prévu par le Sénat, mais il représente un avantage pour l'employeur, qui sera exonéré de la contribution patronale sur l'indemnité de mise à la retraite.

Selon l'article 5, l'employeur doit motiver son refus d'embaucher un senior. Pour moi, il s'agit d'une satisfaction et d'une amélioration sous l'effet du dialogue social. Certaines entreprises se tournent vers l'expérience des anciens. Il est très important de conserver et de valoriser les seniors, qui apporteront leur expérience aux entreprises. En découleront des ressources supplémentaires : augmenter le taux d'emploi des seniors de 7 points, c'est réaliser 125 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Je voterai en faveur de ce projet de loi.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je l'ai dit lors de plusieurs auditions, la moitié des demandeurs d'emploi inscrits à France Travail sont âgés de 55 ans ou plus. Pour 25 % d'entre eux, cette situation est due à une inaptitude au travail. Tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité par rapport à la pénibilité du travail. Lors des auditions préparatoires, nous avons beaucoup parlé de pénibilité physique, notamment pour les aides à domicile ou celles et ceux qui travaillent dans les usines, mais il faut aussi parler des burn-out, fréquents, par exemple, parmi les professeurs des écoles ou dans les métiers du soin.

Il est d'autant plus regrettable de ne pas rétablir les CHSCT, ainsi que Mme Puissat l'a indiqué, que nous n'avons pratiquement plus de médecins du travail. Ils permettaient tout de même de dresser un constat des mauvaises pratiques dans les entreprises, et d'alerter sur les salariés en souffrance au travail.

Après chaque réforme des retraites, dès qu'il veut faire travailler les gens plus longtemps, le Gouvernement propose une nouvelle petite mesure, mais qui ne réglera pas le problème. Encore faudrait-il que les entreprises puissent garder des salariés de 55 ans ou de 56 ans jusqu'au bout - j'ai même appris que l'on pouvait parler de senior à partir de 45 ans ! Or lorsque la personne n'est plus assez rentable, on la licencie. Commençons par nous assurer que celles et ceux qui veulent travailler et cotiser pour leur retraite puissent le faire. Ce projet de loi vise justement l'inverse.

Les contrats de valorisation de l'expérience seront exonérés à hauteur de 30 % de la contribution employeur sur l'indemnité de mise à la retraite. Cela coûtera chaque année à la sécurité sociale 123 millions d'euros, qui ne seront pas compensés par l'État. Nous ne doutons pas que le Sénat soutiendra l'amendement que nous avons déposé, afin de ne pas continuer à creuser le trou de la sécurité sociale.

Je l'ai déjà dit, je suis totalement opposée aux ordonnances. Les parlementaires ont un rôle à jouer : ils doivent prendre des décisions, surtout sur ces questions.

En outre, ces mesures ne concerneront que les entreprises de plus de 300 salariés. On exclut donc 72 % des salariés de notre pays, qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Monsieur Henno, nous savons tous qu'un changement de mentalité est en cours. Même si ce texte ne réglera pas tout, ainsi que nous l'indiquons dans le rapport, nous avons remarqué durant les auditions une prise de conscience et une volonté d'avancer.

Madame Lubin, le texte mentionne « les salariés expérimentés, en considération de leur âge ». Le Parlement a évidemment un rôle à jouer, Mme Puissat y reviendra au sujet de l'article 10.

Il est vrai que les entreprises de moins de 300 salariés ne sont pas explicitement concernées, mais nous espérons que des accords de branche les concernant auront lieu. C'est un premier pas. Je l'ai répété, un changement est en cours au sujet de la culture du non-emploi des seniors dans les entreprises. Le changement se fera par nécessité, pour des raisons démographiques et pour assurer la préservation des compétences, du moins dans certains postes de travail.

En ce qui concerne le CVE, la mise à la retraite n'est pas automatique. Quant aux sanctions, celles-ci sont déjà prévues par le code du travail et mises en oeuvre par l'inspection du travail. Quand l'employeur et le salarié signent un CVE, ce dernier doit indiquer à quel âge il souhaite partir à la retraite.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Non, il doit indiquer à quel âge il peut bénéficier d'un taux plein. Ce n'est pas pareil.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Cela fait partie de l'accord interprofessionnel : tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut des adaptations s'il s'agit de travailler plus longtemps, et qu'il faut que l'employeur puisse anticiper. C'est aussi une garantie pour le salarié : il est sûr de ne pas partir avant d'avoir atteint un taux plein, et l'employeur peut, quant à lui, anticiper le renouvellement des compétences. L'accord n'empêche pas que, d'un commun accord, l'employé et l'employeur puissent prolonger le contrat. L'employeur doit pouvoir signer ce genre de contrat sans être lié à l'employé jusqu'à ses 70 ans.

Mme Monique Lubin. - Le taux plein, c'est 67 ans, et 70 ans, c'est l'âge à partir duquel un salarié peut être mis à la retraite d'office.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les transpositions de l'ANI peuvent frustrer certains d'entre nous, mais, nous pouvons toujours exprimer nos opinions en déposant des propositions de loi ou des amendements. J'y tiens, le Parlement doit respecter l'ANI signé par les partenaires sociaux, qui repose sur des équilibres toujours fragiles. Il faut de l'humilité pour savoir s'effacer derrière les partenaires sociaux : c'est ce qui est proposé avec ce texte.

Les entreprises de moins de 300 salariés peuvent être incluses dans les accords de branche, qui peuvent s'imposer en cas d'absence d'accord dans les entreprises. Même si les partenaires sociaux sont bien conscients que les petites entreprises ne sont pas toujours outillées pour faire face aux difficultés en matière de ressources humaines, ces dispositions peuvent être prévues dans les accords de branche. C'est une avancée : l'article 2 prévoit des mesures spécifiques pour les entreprises de plus de 300 salariés, mais celles qui sont en dessous de ce seuil pourront également être concernées par des accords de branche. Un amendement est d'ailleurs déposé pour abaisser ce seuil à 150 salariés. Nous n'y serons pas favorables, car les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur le seuil de 300 employés. Ce seuil existe d'ailleurs déjà dans la GPEC.

En ce qui concerne la pénibilité, qui constitue en effet un enjeu - nous ne sommes pas tous égaux face à l'activité ou à la santé -, l'article 3 prévoit spécifiquement l'organisation d'entretiens professionnels à l'issue de la visite médicale de mi-carrière, créée par une proposition de loi rapportée par Pascale Gruny. Il y a toutefois un sujet quant à la médecine du travail, lié plus globalement à celui de la médecine. Nous rapprochons les visites médicales de mi-carrière et à 60 ans de l'entretien professionnel, pour avoir la possibilité d'adapter les postes, de prévoir des temps de travail moindres à partir de 60 ans.

Quant aux CHSCT, leur réintroduction est revendiquée depuis 2017.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Tous les partenaires sociaux le demandent.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les comités sociaux et économiques ont vocation à remplacer tous les dispositifs de représentation du personnel. Je le rappelle, l'article 8 supprime le couperet que représente l'impossibilité de se représenter au-delà de trois mandats pour les représentants des entreprises de plus de 300 salariés. Des représentants des salariés expérimentés pourront continuer leur travail sur la prise en compte de la pénibilité, ce qui constitue une avancée de ce projet de loi.

Le CVE est signé par des demandeurs d'emploi de plus de 60 ans, qui ont des difficultés à s'insérer dans le monde du travail. Il faut trouver des outils pour les valoriser. La vraie difficulté que rencontrent les employeurs, c'est la date à laquelle ils pourront se séparer du salarié de 60 ans qu'ils embauchent. Si rien n'est précisé, la seule limite qu'ils peuvent anticiper est celle de 70 ans. En signant un CVE, le demandeur d'emploi indiquera à son employeur la date à laquelle il atteindra un taux plein. S'il choisit de ne pas partir à ce moment, l'employeur peut effectivement choisir de le mettre à la retraite, en lui faisant toucher une prime et en versant une cotisation patronale. Le projet de loi vise simplement à supprimer cette cotisation patronale. Lorsqu'on regarde tous les contrats portés par la droite comme par la gauche, cette contrepartie n'est pas énorme par rapport aux avantages sociaux portés par les uns et les autres.

Effectivement, cela coûte 120 millions d'euros par an, mais le dispositif sur l'assurance chômage pèse aussi 130 millions d'euros. Les chiffres liés au CVE sont en outre difficiles à évaluer. Cette expérimentation n'est peut-être pas très satisfaisante, mais elle permet de soutenir les demandeurs d'emploi de plus de 60 ans. C'est un signe que nous leur envoyons à la suite des partenaires sociaux.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Il faut aussi prendre en compte le fait que si l'on prolonge la durée du travail, les cotisations seront payées plus longtemps, et les indemnités chômage ne seront plus versées. Il faut faire le calcul, et je ne sais pas si l'on peut dès maintenant avancer un chiffre de manière aussi affirmative.

L'expérimentation est prévue sur un délai de cinq ans. Nous ne savons pas combien de salariés auront bénéficié de ce dispositif dans trois ans. Les accords prévoient qu'un comité d'évaluation se réunisse au fil de l'eau. Si les chiffres sont suffisamment probants, le Gouvernement peut publier ce rapport plus rapidement que d'ici cinq ans. Des expérimentations ont déjà eu lieu, et il faut là aussi faire preuve d'humilité. Nous espérons que ce nouveau type de contrat fonctionnera. Des accords ont déjà été signés par les casinos et les assureurs. Tous les dispositifs ne semblent pas rencontrer le même succès. Le compte épargne-temps est peut-être plus intéressant que l'indemnité de départ. Il faudra voir comment fonctionnera ce dispositif lorsque les accords seront appliqués.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'amendement rédactionnel COM-13 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-5 tend à abaisser le seuil de négociation obligatoire de 300 à 250 salariés. Cette proposition n'est pas conforme à l'ANI : l'avis est défavorable.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

Mme Frédérique Puissat. - L'amendement COM-7 vise à créer une sanction financière en l'absence de négociation d'entreprise relative aux travailleurs expérimentés. Là encore, cette proposition ne figure pas dans l'ANI. Par ailleurs, l'obligation de négociation est une obligation de moyens et non de résultat. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Les amendements rédactionnels COM-14 et COM-15 sont adoptés.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - L'amendement COM-16 tend à préciser le caractère expérimental du contrat de valorisation de l'expérience, pour autoriser le législateur à prolonger l'expérimentation si elle est positive.

L'amendement COM-16 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-17.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Les amendements COM-2 et COM-9 ont pour objet d'interdire à une entreprise de conclure un CVE avec un ancien salarié. Il est déjà prévu qu'un salarié employé dans les six derniers mois par l'entreprise ne puisse être ainsi recruté, et cette précision n'a pas été retenue par les partenaires sociaux. Avis défavorable.

Les amendements COM-2 et COM-9 ne sont pas adoptés.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à conditionner le recours au CVE à la publication d'indicateurs relatifs à l'emploi des seniors. Les partenaires sociaux n'ont pas retenu ces modalités lors de leurs négociations. Par ailleurs, un comité de suivi et d'évaluation est prévu : il semble plus pertinent qu'une obligation à l'échelle de l'entreprise. Avis défavorable.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Les amendements COM-1 et COM-12 visent à supprimer la communication de la date de retraite à taux plein à l'employeur. Cette précision est importante tant pour le salarié que pour l'employeur, pour lui permettre d'avoir davantage de prévisibilité. Ces amendements sont contraires à l'ANI, et reviennent à supprimer le principal motif du recours au CVE pour les employeurs. L'avis est défavorable.

Les amendements COM-1 et COM-12 ne sont pas adoptés.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Les amendements identiques COM-3 et COM-11 tendent à supprimer l'exonération de la contribution patronale spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite. Cela reviendrait sur l'accord conclu par les partenaires sociaux. L'avis est défavorable.

Les amendements identiques COM-3 et COM-11 ne sont pas adoptés.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - L'amendement COM-10 concerne la remise d'un rapport d'évaluation intermédiaire. Il est en partie satisfait, car nous prévoyons que le rapport d'évaluation soit remis au Parlement avant les cinq ans qui suivent la promulgation de la loi. Raccourcir le délai nous ferait courir le risque de ne pas disposer suffisamment d'éléments, dans la mesure où les salariés recrutés n'auront pas encore atteint l'âge de mise à la retraite. Avis défavorable.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles 5 et 6

Les articles 5 et 6 sont successivement adoptés sans modification.

Article 7

L'amendement de coordination juridique COM-18 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

L'amendement de coordination légistique COM-19 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

L'article 9 est adopté sans modification.

Article 10

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Nous nous sommes tous interrogés sur l'article 10, et même si nous partageons la même volonté, nous n'avons pas tous pris le même chemin. Comme les auteurs des amendements identiques COM-4 et COM-6, nous comptions initialement supprimer l'article 10. En revanche, les partenaires sociaux nous ont demandé de le conserver, car s'ils parvenaient à conclure un accord d'ici au 15 juin prochain, dans les délais prévus par le document d'orientation du Gouvernement, nos collègues députés pourraient intégrer cet éventuel accord national interprofessionnel en lieu et place de cet article. Supprimer l'article 10 aurait été de nature à supprimer toute possibilité d'accroche législative de ces dispositions.

En revanche, au-delà du fait que nous devons garder une telle accroche, nous devons éviter deux écueils. Tout d'abord, nous ne voulons pas émettre une injonction aux partenaires sociaux. Ensuite, nous voulons garder un regard sur les conclusions de l'accord national interprofessionnel.

Nous avons donc choisi de faire de cet article une sorte de coquille vide. Nous avons réinséré, en lieu et place de l'habilitation à légiférer par ordonnance, le document d'orientation du Gouvernement. Nous supprimons donc l'habilitation à légiférer par ordonnance, sans pour autant se priver, lors d'une audition des rapporteurs ou d'une réunion de notre commission, d'aborder de nouveau ce sujet si jamais les partenaires sociaux concluent un accord, et de voir si cet accord est retranscrit de la meilleure manière possible, en accord avec les demandes des partenaires sociaux.

Nous demandons donc le retrait des amendements identiques COM-4 et COM-6 au profit de l'amendement COM-20, car ce dernier permet de conserver une accroche législative, de supprimer l'ordonnance et éventuellement de reprendre la discussion avec les partenaires sociaux.

Mme Raymonde Poncet Monge. - J'entends les engagements qui ont été pris, mais nous devons être certains que le texte pourra revenir devant nous, sans qu'il soit renvoyé en commission mixte paritaire. Nous avons fait l'amère expérience, avant-hier, de voir l'Assemblée nationale adopter une motion de rejet sur la proposition de loi de notre collègue Laurent Duplomb.

En l'occurrence, les syndicats ont pu procéder, en toute conscience, à un vote analytique sur chaque ANI. Pour notre part, nous recevons un paquet sur lequel nous devons légiférer, sans savoir ce que pourra être le vote final en cas de désaccord.

M. Philippe Mouiller, président. - Je comprends ce que vous dites, chère collègue. Toutefois, sachez que nous garderons la main, quoi qu'il advienne. Nous nous sommes mis d'accord pour rejeter les ordonnances sur ce texte. Si nous nous sommes positionnés ainsi, c'est davantage pour les syndicats et les organisations patronales que pour le Gouvernement.

Nous voyons bien la volonté d'accélérer sur ce sujet afin qu'un accord puisse être conclu avant l'été, mais nous avons aussi notre mot à dire. Si un accord était bel et bien signé, nous devrions attendre que le Gouvernement dépose un nouveau texte. On nous demande d'aller vite grâce à ce support législatif, mais, en contrepartie, j'aurai la possibilité, en tant que président de la commission des affaires sociales, de convoquer les acteurs concernés pour évoquer ce sujet, avant la tenue de la commission mixte paritaire.

Les amendements identiques COM-4 et COM-6 sont retirés.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'article 10 est ainsi rédigé.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

TITRE Ier : RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L'EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTES

Article 1er

Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures

13

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 2

Mme PONCET MONGE

5

Abaissement du seuil de négociation obligatoire en entreprise relatives aux salariés expérimentés

Rejeté

Mme PONCET MONGE

7

Création d'une sanction financière en l'absence de négociation d'entreprise relative aux travailleurs expérimentés

Rejeté

TITRE II : PREPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE

Article 3

Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures

14

Amendement rédactionnel

Adopté

Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures

15

Clarification rédactionnelle évitant une multiplication des documents exigés de l'employeur après l'entretien professionnel de mi-carrière

Adopté

TITRE III : LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI SENIORS

Article 4

Mmes NÉDÉLEC et PUISSAT, rapporteures

16

Précision du caractère expérimental du contrat de valorisation de l'expérience

Adopté

Mmes NÉDÉLEC et PUISSAT, rapporteures

17

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme LUBIN

2

Interdiction de conclure un contrat de valorisation de l'expérience avec un ancien salarié

Rejeté

Mme PONCET MONGE

9

Interdiction de conclure un contrat de valorisation de l'expérience avec un salarié précédemment licencié

Rejeté

Mme PONCET MONGE

8

Conditionnement du recours au contrat de valorisation de l'expérience à la publication d'indicateurs relatifs à l'emploi des seniors

Rejeté

Mme LUBIN

1

Suppression de la communication de la date de retraite à taux plein à l'employeur

Rejeté

Mme PONCET MONGE

12

Suppression de l'obligation de communication de la date réévaluée de retraite à taux plein à l'employeur

Rejeté

Mme LUBIN

3

Suppression de l'exonération de la contribution patronale spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite

Rejeté

Mme PONCET MONGE

11

Suppression de l'exonération de la contribution patronale spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite

Rejeté

Mme PONCET MONGE

10

Rapport d'évaluation intermédiaire

Rejeté

Article 7

Mmes NÉDÉLEC et PUISSAT, rapporteures

18

Coordination juridique

Adopté

TITRE V : AMÉLIORER LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL

Article 8

Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures

19

Amendement de coordination légistique

Adopté

TITRE VII : TRANSITIONS PROFESSIONNELLES

Article 10

Mme LUBIN

4

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance

Retiré

Mme PONCET MONGE

6

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance

Retiré

Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures

20

Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour consacrer dans l'article 10 les objectifs poursuivis par la négociation entre les partenaires sociaux

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »111(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie112(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte113(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial114(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 28 mai 2025, le périmètre indicatif du projet de loi n° 600 (2024-2025) portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- au dialogue social de branche et d'entreprise en matière d'emploi et de travail des salariés expérimentés ;

- aux entretiens professionnels et à leur articulation avec les visites médicales réalisées par la médecine du travail ;

- à la création d'un nouveau contrat de travail en faveur des demandeurs d'emploi séniors ;

- aux régimes juridiques de la mise à la retraite et de l'indemnité de départ à la retraite ;

- à la retraite progressive et au temps partiel ;

- au mandat des élus du comité social et économique ;

- aux conditions d'affiliation au titre de l'assurance chômage ;

- aux dispositifs de formation concourant aux reconversions professionnelles, ainsi qu'à l'organisation des acteurs oeuvrant en matière de transitions professionnelles.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- à l'assurance vieillesse, et notamment aux règles de la liquidation complète des pensions et de l'âge de départ à la retraite à taux plein ;

- à la négociation collective portant sur d'autres sujets que ceux mentionnés dans le périmètre positif ;

- aux dispositifs généraux d'exonération de cotisations et de contributions sociales.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Fédération France Senior

Jean-Louis Chapelet, président

Hippolyte d'Albis, chercheur au CNRS, inspecteur général des finances et auteur de l'ouvrage Les seniors et l'emploi (mai 2022)

Unédic

Christophe Valentie, directeur général

Clémence Taillan, directrice de cabinet

Direction générale du travail (DGT)

Pierre Ramain, directeur général

Eva Jallabert, sous-directrice des relations du travail

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Isabelle Grandgerard, cheffe du pôle juridique

Valérie Haviez-Coustillat, cheffe de mission

Stéphanie Le Blanc, sous-directrice des mutations économiques et de la sécurisation de l'emploi

Kathleen Agbo, directrice de cabinet des transitions professionnelles

Direction de la sécurité sociale (DSS)

Hédi Brahimi, adjoint à la sous-directrice des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire

Experconnect

Caroline Young, présidente

Gilles Effront, président

Maître Alexandre Lamy, avocat spécialisé sur l'emploi des séniors et la collaboration post-retraite

Association Nationale des DRH (ANDRH)

Audrey Richard, présidente nationale (DRH du groupe Canal +)

Benoît Serre, vice-président délégué (DRH L'Oréal)

Christine Caldeira, secrétaire générale

Union des assisteurs

Pierre Brigadeau, directeur général

Antoine Solanet, directeur des affaires sociales

Bertrand Gérard, président de la commission sociale

Casinos de France

Philippe Bon, délégué général

André Decoutère, DRH du groupe Barrière

Sylvie Barrucand, déléguée aux affaires sociales & financières

France travail

Aymeric Morin, directeur général adjoint délégué en charge de l'offre de services

Olivier Midière, chargé de mission « séniors »

Conseil national professionnel de la médecine du travail (CNPMT)

Christophe Collomb, médecin du travail, président

Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact)

Nicolas Fraix, responsable du département capitalisation et développement des connaissances

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/leg/pjl24-600.html


* 1 Medef, CPME et U2P

* 2 CFDT, FO, CFE-CGC et CFTC. La CGT n'est pas signataire de l'accord.

* 3 Unédic, Analyse « Quel accès à l'emploi durable pour les allocataires séniors », 10 avril 2025.

* 4 Article 12 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 5 Article 2 de la loi n° 2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération

* 6 Article L. 5121-11 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 24 septembre 2017.

* 7 Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

* 8 Prévue aux articles L. 2241-1 et L. 2241-12 du code du travail.

* 9 Article 17 de la loi 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 10 Article L. 4163-2-1 du code du travail.

* 11 Étude d'impact, p. 14.

* 12 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 13 Article L. 132-27 du code du travail (abrogé).

* 14 Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008.

* 15 Article L. 138-24 du code du travail (abrogé).

* 16 Loi n° 2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération.

* 17 Article L. 5121-11 du code du travail (abrogé).

* 18 Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

* 19 Art. L. 2242-1 du code du travail.

* 20 Art. L. 2242-2 du code du travail.

* 21 Art. L. 2242-10 du code du travail.

* 22 Cette précision a été apportée à la suite de l'avis du Conseil d'État afin « d'éviter toute incertitude sur l'étendue des obligations qui sont introduites dans le code du travail » (paragraphes 6 à 9).

* 23 Article L. 2242-4 du code du travail.

* 24 Articles L. 2242-11 et L. 2242-12 du code du travail.

* 25 Article L. 2242-22 du code du travail.

* 26 Voir le commentaire de l'article 1er du présent projet de loi concernant le contenu de l'article L. 2241-14-1 du code du travail (nouvellement créé).

* 27 Article 22 de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail

* 28 Article L. 4624-2-2 du code du travail.

* 29 Articles L. 4624-1 et article R. 4624-10 du code du travail.

* 30 Article L. 4624-2 du même code.

* 31 Article L. 4624-2-3 dudit code.

* 32 Article L4624-2-1 du même code.

* 33 Article L. 4624-2-4 du même code.

* 34 En vertu du dernier alinéa du I de l'article L. 4624-2-3 du même code.

* 35 Article L. 4624-5 du même code.

* 36 Article L. 4624-7 du code du travail.

* 37 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 38 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 39 Étude d'impact, p. 30.

* 40 La commission des affaires sociales avait proposé de ne pas retenir la création d'une visite médicale de mi-carrière et d'intégrer le suivi des travailleurs en seconde partie de carrière dans le cadre de la visite d'information et de prévention.

* 41 En 2023, 66 425 visites de mi-carrière ont été organisées par les SPST selon la DGT.

* 42 Compte rendu de l'audition de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi, devant la commission des affaires sociales le 21 mai 2025.

* 43 Visé par le second alinéa du I de l'article L. 6315-1 du code du travail.

* 44 Dares, Résultats N°55, « Les seniors sur le marché du travail en 2023 », 11 septembre 2024.

* 45 Unédic, Analyse « Quel accès à l'emploi durable pour les allocataires séniors », 10 avril 2025.

* 46 Article D. 1242-2 du code du travail.

* 47 Article 2 de la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ».

* 48 Rapport n° 375 (2022-2023) de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 28 février 2023.

* 49 Voir le commentaire de l'article 7 du présent projet de loi.

* 50 Le ministre chargé des comptes publics, alors Gabriel Attal, a indiqué que « l'adoption de cet amendement emporterait un coût important en raison de l'effet d'aubaine qui en résulterait : actuellement, 100 000 CDI par an en moyenne sont signés avec des personnes de plus de 60 ans ; si tous ces contrats étaient signés par le biais de ce nouveau dispositif, cela coûterait 800 millions d'euros à la branche famille, laquelle se retrouverait alors déficitaire dès l'année 2025. » (Compte rendu intégral des débats en séance publique du 6 mars 2023).

* 51 Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023, Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, paragraphe 84.

* 52 Sauf à ce qu'une convention ou un accord de branche étendu prévoit un autre âge ne pouvant être inférieur à 57 ans.

* 53 Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale - article LO 111-3-16 du code de la sécurité sociale.

* 54 Avis N ° 409510 du Conseil d'État, paragraphe 13.

* 55 Article 2 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale.

* 56 Article L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale.

* 57 Article 26 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 58 Article D. 161-2-24 du code de la sécurité sociale.

* 59 Article R. 161-19-5 du code de la sécurité sociale.

* 60 Article R. 161-19-6 du code de la sécurité sociale.

* 61 Article D. 161-2-24-5 du code de la sécurité sociale.

* 62 L'extension du bénéfice de la retraite progressive aux salariés ayant conclu une convention de forfait en jour a été prévu par la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 après que le Conseil constitutionnel a jugé inconstitutionnel les dispositions réservant la retraite progressive au temps partiel (DC n° 2020-885 QPC du 26 février 2021).

* 63 Article D. 3123-1-1 du code du travail.

* 64 Par exemple, un passage à temps partiel pour la naissance ou l'adoption d'un enfant en alternative à un congé parental d'éducation (article L. 1225-47 du code du travail).

* 65 En lien avec la réforme introduite par la loi du 20 janvier 2014.

* 66 Cnav, « La retraite progressive, un dispositif peu utilisé : entre potentiel d'assurés éligibles et non-recours », Les cahiers de la Cnav, février 2024.

* 67 Article 4.3. de l'ANI précité.

* 68 Questionnaire des rapporteures aux administrations centrales.

* 69 Voir le commentaire de l'article 7.

* 70 Article L. 1237-7 du code du travail.

* 71 Article 26 de la loi précitée n°2023-270 du 14 avril 2023.

* 72 Étude d'impact, p. 56.

* 73 « Quelle organisation du temps de travail pour les salariés à temps partiel ? », Dares Analyse, décembre 2024, n°74.

* 74 Rapport d'information de Sylvie Vermeillet, au nom de la commission des finances, sur l'incidence du taux d'emploi des seniors sur l'équilibre financier du système de retraite, mai 2025, p. 33.

* 75 Article L. 1237-9 du code du travail.

* 76 Article L. 1237-5 du code du travail.

* 77 Loi n°87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d'ordre social, dite « loi Séguin ».

* 78 Il s'agit des « clauses guillotines », jusque-là considérées comme licites du fait de l'absence de dispositions légales allant en sens inverse (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 24 avril 1986, 84-16.182 84-16.183).

* 79 Article L. 1132-1 du code du travail.

* 80 Article L351-8 du code de la sécurité sociale.

* 81 Article L. 1237-8 du code du travail.

* 82 Article L. 1235-2 du code du travail.

* 83 Article L. 1237-6 du code du travail.

* 84 Article L. 1237-7 du code du travail.

* 85 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 novembre 2024, n°22-13.694.

* 86 Voir par exemple Cour de cassation, Chambre sociale, 29 juin 2011, n° 09-42.165 et Cour de cassation, civile, chambre sociale, 17 avril 2019, n°17-29.017.

* 87  DARES, « Les instances de représentation des salariés en 2020 », 2022.

* 88 Article 3 du règlement d'assurance chômage annexé au décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019.

* 89 Article L. 5422-13 du code du travail.

* 90 Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

* 91 Article L. 5422-1 du code du travail.

* 92 Articles L. 5411-1 à L. 5411-5 du code du travail.

* 93 Article L. 5422-2-2 du code du travail.

* 94 Article L. 5422-6 du code du travail.

* 95 Réponse de l'Unédic au questionnaire adressé par les rapporteures.

* 96 Réponse du ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles au questionnaire adressé par les rapporteures.

* 97 Étude d'impact du projet de loi rédigée par le Gouvernement.

* 98  Direction générale du trésor, 2022.

* 99 Étude d'impact du projet de loi rédigée par le Gouvernement.

* 100 Réponse de l'Unédic au questionnaire adressé par les rapporteures.

* 101 Article L. 6323-17-1 du code du travail.

* 102 Article L. 6323-17-6 du code du travail.

* 103 Articles L. 6325-1 à L. 6325-24 du code du travail.

* 104 Article L. 6325-1 du code du travail.

* 105 Article L. 6332-14 du code du travail.

* 106 Articles L. 6324-1 à L. 6324-10 du code du travail.

* 107 Article L. 6325-11 du code du travail.

* 108 Article L. 6332-1 du code du travail.

* 109 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés, 2023.

* 110 Compte rendu de l'audition de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi, devant la commission des affaires sociales le 21 mai 2025.

* 111 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 112 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 113 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 114 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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