N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11a
Écologie, développement et mobilité durables

(Programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 181 « Prévention des risques »,
174 « Énergie, climat et après-mines », 345 « Service public de l'énergie »,
217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »
et 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »)

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS
POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE

Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Avec 20,2 milliards d'euros et 18,5 milliards exécutés en 2024, la consommation des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est inférieure de 8,6 % en autorisations d'engagement (AE) et de 5,8 % en crédits de paiement (CP) par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Si cette sous-consommation peut sembler raisonnable en proportion des crédits de la mission, elle est contrebalancée par une sur-exécution du programme 345 « service public de l'énergie », et surtout, cette baisse doit être appréciée au regard du fait que 71,7 % des dépenses de la mission sont « contraintes », c'est-à-dire que le Gouvernement n'a pas réellement de marge de manoeuvre sur elles en cours d'année. La diminution des crédits des politiques publiques de la mission est donc plus importante qu'elle n'apparaît prima facie.

2. Il s'avère en effet que la mission Écologie est l'une des missions les plus touchées par les coupes budgétaires décidées en cours d'année. Avec 10,3 % de ses crédits annulés, la mission Écologie est la deuxième mission la plus concernée en proportion et de loin la première en volume, les annulations atteignant le montant de 2,2 milliards d'euros. Aussi légitime que soit l'objectif d'assainissement des comptes publics, ces coupes budgétaires auraient dû faire l'objet d'un débat au Parlement. La remise en cause d'une partie significative des crédits des politiques publiques de la mission « Écologie » par un simple décret d'annulation survenu seulement deux mois après l'adoption de la loi de finances n'est pas une pratique acceptable, d'autant plus que la dégradation des prévisions de recettes avait été identifiée dès l'automne 2023 par le Gouvernement.

3. Le plafond d'autorisations d'emplois de la mission, fixé pour 2024 à 35 401 ETPT, est respecté. En exécution, il s'est élevé à 35 092, soit une sous-exécution de 309 ETPT, contre une sous-exécution de 312 ETPT en 2023 et de 349 ETPT en 2022. L'année 2024 poursuit le processus de « requalification » des emplois du ministère de la transition écologique, initié en 2022 : 369 emplois de catégorie A ont été créés par rapport au schéma d'emploi initial, tandis que 172 emplois de catégorie C ont été supprimés. Le rythme est plus élevé que le schéma prévisionnel, qui ne prévoyait notamment pas de suppression de postes de catégorie C.

4. Sur le programme 113 « paysages, eau et biodiversité », 379,2 millions d'euros en CP ont été consommés en 2024, contre 517,9 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale, ce qui représente une baisse de plus d'un quart des crédits (- 26,8 %). Cet écart est le résultat des annulations de crédits prévues par le décret du 21 février 2024 (- 46,8 millions d'euros), et la loi de finances de fin de gestion pour 2024 (- 85 millions d'euros). Les ambitions affichées pour le financement de la biodiversité ont ainsi été revues fortement à la baisse. Il est impératif de définir une nouvelle trajectoire pour la « stratégie nationale biodiversité ».

5. Le fonds pour la prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) a connu une sur-exécution de ses crédits : 244,5 millions d'euros en AE et 236,6 millions d'euros en CP ont été consommés, contre 225 millions d'euros en AE et 220 millions d'euros en CP inscrits en loi de finances initiale. Le rapporteur spécial estime que cette situation est très regrettable, dans la mesure où il avait fait adopter un amendement au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, qui n'a pas été retenu dans le texte final, visant à rehausser le montant du fonds de 30 millions d'euros, afin de tenir des comptes des inondations survenues dans le nord de la France.

6. L'exécution des crédits du programme 380, « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », dit « fonds vert », est de moitié inférieure aux prévisions. Il apparaît ainsi que le fonds vert, qui a été initialement présenté comme un outil au service des collectivités territoriales, s'est révélé être une variable d'ajustement de la politique de transition écologique de l'État. Pour éviter une telle situation, le rapporteur spécial avait ainsi fait adopter en loi de finances pour 2024 un amendement créant un « Fonds territorial climat » (FTC), retenu dans le texte final, mais qui n'a jamais été mis en oeuvre par le Gouvernement.

7. Une nouvelle surconsommation massive de 400 millions d'euros des crédits relatifs aux aides à l'acquisition de véhicules propres a été observée en 2024. La répétition de phénomènes de surconsommation de crédits d'une telle ampleur interroge la qualité de la programmation budgétaire initiale. Ce phénomène a profondément menacé la soutenabilité budgétaire du programme 174. Celle-ci n'a en effet pu être assurée que par la mise en oeuvre d'une combinaison de divers expédients en cours de gestion qui, par leur ampleur et leur répétition d'année en année, contribuent à altérer la sincérité de la programmation budgétaire initiale et, par voie de conséquence, la portée de l'autorisation donnée par le Parlement.

8. « Victime collatérale » de la fin de la taxe d'habitation, le chèque énergie a connu une exécution mouvementée en 2024. Il ne peut plus être délivré de façon automatique à l'ensemble de ses bénéficiaires, ce qui a conduit à créer un guichet permettant aux personnes concernées de réclamer cette aide. Le taux de non recours à ce dispositif s'est révélé massif et nettement plus important qu'anticipé. Cette expérience démontre que la fin de l'automaticité complète de la délivrance du chèque énergie risque d'engendrer un phénomène de non recours significatif pour les foyers éligibles qui auront à se manifester pour bénéficier de l'aide.

9. Les dernières manifestations de la crise des prix de l'énergie ont à nouveau perturbé la gestion 2024 du programme 345 « Service public de l'énergie » et se sont traduites par des redéploiements et des contractions de crédits qui ont encore une fois rendu l'exécution budgétaire de ce programme très peu lisible.

10. En 2024, les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) sont restés identiques à ceux inscrits depuis 2018. Ayant oeuvré à cette avancée, le rapporteur se félicite que pour l'exercice 2025, ces crédits soient enfin revalorisés à la hauteur de l'inflation, une évolution essentielle qui était attendue et réclamée de longue date par les autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODÉ).

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ECOLOGIE EN 2024 : UNE SOUS-EXÉCUTION MASSIVE, QUI VIENT QUESTIONNER LA SINCÉRITÉ DES PRÉVISIONS DE LA LOI DE FINANCES

Avec 20,2 milliards d'euros et 18,5 milliards exécutés en 2024, la consommation des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est inférieure de 8,6 % en autorisations d'engagement (AE) et de 5,8 % en crédits de paiement (CP) aux prévisions de la loi de finances initiale.

Si cette sous-consommation peut sembler raisonnable en proportion, elle est très significative en volume (hors programme 345 « Service public de l'énergie », 2,3 milliards d'euros en CP n'ont pas été exécutés sur la mission), et surtout, elle vise les programmes qui portent les politiques publiques de la mission. En effet, certains programmes accusent une sous-exécution massive de leurs crédits :

- le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », n'a vu que la moitié des crédits de paiement initialement prévus effectivement consommés ;

- les crédits exécutés du programme 174 « Energie, climat et après-mines » sont inférieurs de 30,1 % aux prévisions, soit 1,2 milliard d'euros d'écart ;

- le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » a connu une sous-consommation de 26,8 % en CP.

Or, ces programmes représentent une part majeure des politiques publiques menées par la mission. Les autres programmes dotés de financements importants, c'est-à-dire les programmes 345 « service public de l'énergie », 203 « Infrastructures et services de transport », et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie » sont composés pour leur quasi-totalité de dépenses contraintes, c'est-à-dire de dépenses sur lesquelles le Gouvernement n'a pas réellement de marge de manoeuvre en cours d'année. Or, ils représentent 71,7 % des crédits de la mission (17,4 milliards d'euros sur un total de 24,2 milliards d'euros).

En outre, le programme 345 « Service public de l'énergie », a fait l'objet d'une sur-exécution d'un montant très important, de 817,9 millions d'euros (16,7 %), qui s'explique par le coût des dispositifs de soutien aux installations de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, dont l'évolution dépend de celle des prix de l'électricité sur les marchés de gros - indépendante donc de la volonté du Gouvernement. La diminution des crédits des politiques publiques de la mission est donc plus importante qu'elle n'apparaît prima facie.

Évolution des crédits de la mission
« Écologie, développement et mobilité durables »
entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Programme

2023

2024

Exécution
/prévision 2024

Exécution 2023/2024

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

En volume

En %

En volume

En %

203 « Infrastructures et services de transport »

AE

6 341,9

8 113,5

8 539,4

8 650,3

110,90

1,3

536,80

6,6

CP

7 116,7

8 624,0

8 434,7

8 598,9

164,20

1,9

- 25,10

- 0,3

205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture »

AE

257,0

368,0

362,1

338,8

- 23,30

- 6,4

- 29,20

- 7,9

CP

251,0

356,6

324,3

313,2

- 11,10

- 3,4

- 43,40

- 12,2

113 « Paysages, eau et biodiversité »

AE

280,9

326,2

583,9

454,1

- 129,80

- 22,2

127,90

39,2

CP

280,9

339,3

517,9

379,2

- 138,70

- 26,8

39,90

11,8

159 « Information géographique et cartographique »

AE

499,8

497,6

515,6

504,7

- 10,90

- 2,1

7,10

1,4

CP

499,8

497,2

515,6

503,6

- 12,00

- 2,3

6,40

1,3

181 « Prévention des risques »

AE

1 146,9

1 107,2

1 361,3

1 273,1

- 88,20

- 6,5

165,90

15,0

CP

1 149,9

1 109,3

1 364,1

1 285,9

- 78,20

- 5,7

176,60

15,9

174 « Énergie, climat et après-mines »

AE

5 792,9

4 864,3

5 817,2

4 353,3

- 1 463,90

- 25,2

- 511,00

- 10,5

CP

5 563,8

4 986,8

5 435,2

3 797,4

- 1 637,80

- 30,1

- 1 189,40

- 23,9

345 « Service public de l'énergie »

AE

21 000

20 169,9

5 539,0

5 702,1

163,10

2,9

- 14 467,80

- 71,7

CP

21 000

20 170,2

4 884,0

5 701,9

817,90

16,7

- 14 468,30

- 71,7

217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »

AE

2 989,8

2 965,5

3 121,1

3 028,3

- 92,80

- 3,0

62,80

2,1

CP

3 006,9

2 994,4

3 113,2

3 081,9

- 31,30

- 1,0

87,50

2,9

355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État »

AE

900

905,4

-

-

-

-

-

-

CP

900

905,4

-

-

-

-

-

-

380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »

AE

2 000

1 999,4

2 499,0

1 590,6

- 908,40

- 36,4

- 408,80

- 20,4

CP

500

301,7

1 124,0

569,9

- 554,10

- 49,3

268,20

88,9

Total

AE

41 209,2

41 317,0

28 338,7

25 895,4

- 2 443,30

- 8,6

- 15 421,60

- 37,3

CP

40 269,0

40 284,8

25 713,0

24 232,0

- 1 481,00

- 5,8

- 16 052,80

- 39,8

Total hors programme 345

AE

20 209,2

21 147,1

22 799,7

20 192,9

- 2606,8

- 11,4 

- 954,2

- 4,5

CP

19 269,2

20 114,6

20 829,0

18 530,1

- 2 298,9

- 11,0

- 1 584,5

- 7,9

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Écart entre la prévision et l'exécution des crédits pilotables
de la mission (estimation)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Cet écart entre l'exécution et les prévisions est principalement le résultat des mesures du décret d'annulation du 21 février 2024. Avec 10,3 % de ses crédits annulés, la mission « Écologie » est la deuxième mission la plus concernée en proportion (derrière la mission « Aide publique au développement », qui a vu 12,5 % de ses crédits annulés) et de loin la première en volume, avec 2,2 milliards d'euros (la seconde, la mission « Travail et emploi », a connu une annulation de 1,1 milliard d'euros).

L'ensemble des programmes de la mission ont connu des annulations en crédit, avec notamment le programme 174 « Énergie, climat et après mines » dont 1,3 milliard d'euros ont été retranchés, ainsi que le programme 380, « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », mieux connu sous le nom de « Fonds vert », qui avait perdu 430 millions d'euros.

La loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 n'a pas eu des conséquences aussi importantes, annulant au total 86,8 millions d'euros sur la mission, mais elle a accentué les restrictions budgétaires sur certains programmes : le fonds vert a vu une annulation supplémentaire de 65 millions d'euros, le programme 174 une diminution de 182 millions d'euros, et enfin le programme 113 une baisse de 85,1 millions d'euros. Ces diminutions de crédits sont compensées au niveau de la mission par une ouverture de 250,1 millions d'euros sur le programme 203, « Infrastructure et services de transport ».

Annulations de crédits sur la mission Écologie
par le décret du 21 février 2024

(en millions d'euros)

 

Annulations en volume (millions d'euros)

Taux d'annulation par rapport à la LFI (en %)

AE

CP

AE

CP

113 « Paysages, eau et biodiversité »

- 56,7

- 46,8

- 9,8

- 9,2

159 « Information géographique et cartographique »

- 11,2

- 11,2

- 2,2

- 2,2

174 « Énergie, climat et après-mines »

- 950,0

- 1 300,0

- 16,3

- 23,9

181 « Prévention des risques »

- 60,0

- 70,0

- 7,5

- 8,8

203 « Infrastructures et services de transport »

- 341,1

- 341,1

- 7,9

- 7,8

205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture »

- 10,0

- 10,0

- 2,9

- 2,3

217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »

- 13,0

- 13,0

- 0,4

- 0,4

345 « Service public de l'énergie »

- 196,5

- 300,0

- 3,6

- 5,0

380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires »

- 500,0

- 430,0

- 20,0

- 38,3

Total

- 2 138,5

- 2 221,7

- 8,9

- 10,3

Source : commission des finances d'après la Cour des comptes, Note sur l'exécution budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de 2024, avril 2025

Ce décalage massif entre les crédits effectivement ouverts et les prévisions ne peut qu'interroger sur la sincérité de la présentation de la mission en loi de finances initiale, même en tenant compte de la dégradation des prévisions financières.

La mission d'information de la commission des finances sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, mené par le Rapporteur général Jean-François Husson, avait en effet montré que la diminution sérieuse des recettes par rapport aux prévisions était connue du Gouvernement dès l'automne 2023 : « Une dégradation assez nette commence toutefois à se faire sentir à partir de fin octobre : deux notes du 30 octobre concernant les recettes d'impôt sur le revenu et de TVA indiquent des moins-values par rapport aux prévisions. Celle-ci se confirme par une note annotée « très signalée » du 27 novembre 2023 indiquant une diminution sérieuse des recettes de TVA par rapport aux prévisions. »1(*)

Toutes ces coupes budgétaires auraient ainsi dû faire l'objet d'un débat informé au Parlement. La remise en cause d'une partie significative des crédits des politiques publiques de la mission « Écologie » par un simple décret d'annulation survenu seulement deux mois après l'adoption de la loi de finances n'est pas une pratique acceptable, aussi légitime que soit l'objectif d'assainissement des comptes publics.

Évolution des crédits en cours de gestion en 2024

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

L'article 13 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit un plafond de crédits de paiement pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de 20,7 milliards d'euros en 2024.

Le montant inscrit en loi de finances initiale pour en 2024 est très nettement au-dessus (25,7 milliards d'euros), ainsi que l'exécution effective (24,2 milliards d'euros). Ce décalage, malgré les annulations de crédits, s'explique notamment par la sur-exécution du programme 345 susmentionnée.

Il faut relever que la loi de programmation des finances prévoit des plafonds plus élevés en 2025 et 2026, de respectivement 25,6 et 26,3 milliards d'euros. Au regard des mesures d'économie qui ont été adoptées dans le cadre de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, il est vraisemblable que la mission soit exécutée à un niveau bien inférieur à ces plafonds cette année2(*).

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LE PROGRAMME 174 : UN MONTANT DE CRÉDITS CONSOMMÉS QUI RESTE EXCEPTIONNELLEMENT ÉLEVÉ BIEN QU'AFFECTÉ PAR UN PHÉNOMÈNE DE SOUS-CONSOMMATION MASSIF

La loi de finances initiale pour 2024 avait ouvert 5,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 5,4 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) sur le programme 174.

Évolution des crédits ouverts sur le programme 174 au cours de la gestion 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cependant, dans le cadre de l'effort d'économies rendu nécessaire par la dégradation exceptionnelle des comptes publics en 2023 et en 2024 et pour tenir compte de phénomènes de sous-consommation de crédits, notamment s'agissant du dispositif MaPrimeRenov', 1 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et 1,5 milliard d'euros des crédits de paiement initialement autorisés ont été annulés en cours de gestion. Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a annulé 1 milliard d'euros d'AE et 1,3 milliard d'euros de CP puis, la loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion (LFFG) pour 2024 a annulé 0,2 milliard d'euros de CP supplémentaires.

Ces annulations ont essentiellement porté sur le dispositif MaPrimeRenov', à nouveau caractérisé par un phénomène massif de sous-consommation de crédits, ainsi que sur les sommes qui avaient été prévues pour la reconduction éventuelle d'une indemnité carburant ciblée, une mesure de soutien qui n'aura finalement pas été mise en oeuvre en 2024 du fait de la baisse des prix des carburants (voir infra).

Aussi, en 2024, les crédits de paiement disponibles sur le programme 174 ont-ils représenté 4 milliards d'euros. Sur ce montant, 3,8 milliards d'euros ont été réellement dépensés, soit un taux d'exécution de 95 %. Les dépenses effectives du programme ont diminué de 25 % (1,2 milliard d'euros) par rapport à 2023. Cependant, il convient de souligner que ces dernières années, l'exécution des crédits du programme 174 a été fortement affectée par la crise des prix de l'énergie et les dispositifs de soutien onéreux mis en oeuvre pour en atténuer ses effets sur les consommateurs. Si l'on prend pour référence la situation d'avant-crise et notamment l'exercice budgétaire 2021, les dépenses du programme affichent au contraire une hausse significative de 11 %, soit 0,4 milliard d'euros3(*).

Évolution des crédits de paiements consommés sur le programme 174 (2021-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

1. Une exécution des crédits alloués à la prime de rénovation énergétique encore une fois très inférieure aux prévisions

L'article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la prime de transition énergétique, mieux connue sous le nom de « MaPrimeRénov' » en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et des aides « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH). Depuis le 1er janvier 2021, les propriétaires occupants aux revenus intermédiaires et supérieurs ont été intégrés au dispositif MaPrimeRénov'.

La loi de finances initiale pour 2024 avait opéré une refonte du dispositif : MaPrimeRénov' est désormais organisé en deux parcours, « performance » et « efficacité ».

Le parcours « performance » a été inscrit sur le programme 135 « urbanisme, territoires et amélioration de l'habitant » de la mission « cohésion des territoires », et il vise à soutenir la réalisation de travaux de rénovation globale performante. Ce dispositif remplace ainsi « MaPrimeRénov' Sérénité » qui proposait des rénovations globales accompagnées à destination des ménages aux revenus modestes ou très modestes, et le forfait « rénovation globale » de MaPrimeRénov'. Les ménages qui bénéficient de ces aides devront obligatoirement être aidés dans le cadre du dispositif « Mon Accompagnateur Rénov' ».

Le parcours « efficacité » est demeuré au sein du programme 174, et il est composé d'aides forfaitaires définies par type de travaux, qui vise à soutenir la décarbonation du chauffage des logements. Il peut par exemple subventionner l'installation de pompes à chaleur. Il était prévu que les logements F et G ne soient plus éligibles à ce dispositif, et redirigés vers le parcours « performance ».

Le rapporteur estime que la distinction entre ces deux parcours a permis de clarifier les objectifs de la prime de transition énergétique. En effet, MaPrimeRénov', hors MaPrimeRénov' Sérénité et Copropriété, était traditionnellement présentée comme une politique favorisant la réduction de la consommation d'énergie, alors qu'elle finançait en très grande majorité des rénovations « monogestes » (85 % avant 2024), qui consistent pour l'essentiel en un changement d'appareil de chauffage.

La réorientation de MaPrimeRénov' vers les rénovations globales traduisait donc enfin une volonté de privilégier les travaux les plus performants d'un point de vue écologique. Toutefois, le pilotage de la politique d'aide à la rénovation énergétique des particuliers a été insuffisant.

Restructuration de MaPrimeRénov'

Piliers dans le cadre de la refonte

Dispositifs Anah avant 2024

Public éligible

Efficacité

(programme 174)

Forfaits MaPrimeRénov' par geste
(programme 174)

Ménages aux revenus très modestes, modestes, intermédiaires et supérieurs

Performance

(programme 135)

Forfait MaPrimeRénov' « Rénovation globale » (programme 174)

Ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs

MaPrimeRénov' « Sérénité » (programme 135)

Ménages aux revenus très modestes et modestes

MaPrimeRénov' « Copropriétés » (programme 135)

Syndicats de copropriétaires

Source : commission des finances

Dans la loi de finances initiale pour 2024, 2 milliards d'euros étaient demandés en CP sur le programme 174. Pour la première année depuis 2021, aucun crédit de paiement pour MaPrimeRénov' n'était inscrit sur la mission « Plan de relance ».

L'exécution de MaPrimeRénov' sur le programme 174 est fortement inférieure aux prévisions : seuls 35 % des CP (700 millions d'euros sur 2 milliards) ont été effectivement consommés. L'année 2023 avait déjà marqué un record dans la sous-exécution des crédits - la moitié des crédits pour la rénovation énergétique inscrits sur le programme n'avait pas été consommée -, ce qui montre que ce décalage entre les prévisions et l'exécution n'est pas qu'une simple question de conjoncture, mais est bien de nature structurelle.

Exécution des crédits de MaPrimeRénov' en CP entre 2022 et 2024

(en millions d'euros)

 

2022

Exécution

2023

Prévisions

2023

Exécution

2024

Prévisions

2024

Exécution

Taux d'exécution en 2024

MaPrimeRénov' (programme 174)

1 284

2 300

1 200

2 000

700

35 %

MaPrimeRénov'

(programme 362)

870

300

300

0

0

-

MaPrimeRénov' (programme 135)

0

0

0

1 200

400

33,3 %

Total

2 102

2 600

1 500

3 200

1 100

34,4 %

Source : commission des finances, d'après les données de la Cour des comptes

Le rapporteur spécial, dans son rapport relatif à la loi de résultat et d'approbation des comptes de l'exercice 2023, avait déjà mis en avant les causes de la sous-consommation massive qui s'annonçait pour l'exercice 2024 : le reste à charge des ménages modestes est encore trop important, la filière de la rénovation énergétique des bâtiments connaît des difficultés de structuration, et la fraude demeure un véritable problème. Tous ces éléments ont par ailleurs été détaillés au cours des rapports récents4(*).

Le rapporteur spécial avait particulièrement alerté sur ce dernier point lors de son rapport à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2024 : « Une augmentation des crédits consacrés à MaPrimeRénov', sans que les moyens dédiés à la lutte contre la fraude ne soient adaptés, peut conduire à une hausse des escroqueries, dont les conséquences sont dramatiques pour la confiance des ménages et qui peut considérablement réduire l'efficacité du dispositif. »5(*)

Au regard de l'ensemble de ces facteurs, le pilotage de la prime de transition énergétique par le Gouvernement précédent soulève de nombreuses interrogations. Alors que les gestes d'isolation simple sans changement de chauffage n'étaient plus finançables par MaPrimeRénov' depuis le 1er janvier 2024, il est à nouveau possible depuis le 15 mai 2024 de changer une fenêtre ou isoler une toiture sans réaliser de travaux complémentaires.

Là aussi, le rapporteur avait alerté sur cette situation dès son rapport sur la mission « Écologie » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 : « L'obligation de changer un système de chauffage pour bénéficier d'une aide du pilier « Efficacité » soulève en revanche de nombreuses questions. On peut en effet imaginer que des ménages souhaitent refaire l'isolation de parties ciblées (toiture, murs) de leur logement sans changer de système de chauffage ou s'engager dans une rénovation globale. Il serait absurde d'obliger ces ménages à passer par un accompagnateur Rénov, ou de choisir de changer en plus un système de chauffage. »6(*)

Au-delà des problèmes de fond qu'illustrent ces décisions, le changement régulier des règles et des financements de MaPrimeRénov' est à l'origine d'une forte incertitude dans le secteur de la rénovation énergétique, et ne crée pas un environnement favorable pour qu'un écosystème économique puisse vraiment se développer.

Ainsi, après avoir annoncé une hausse historique, à 4 milliards d'euros, des crédits accordés à MaPrimeRénov' pour 2024 lors de l'examen du projet de loi de finances, la prime est désormais l'une des principales politiques ciblées par les annulations de crédits et les mises en réserve décidées au début de cette année. Ce mouvement de zigzag permanent rend impossible toutes prévisions sur le dispositif, et donc la mise en place d'une véritable politique de rénovation énergétique des bâtiments.

2. Une nouvelle surconsommation massive des crédits relatifs aux aides à l'acquisition de véhicules propres a gravement menacé la soutenabilité du programme 174 en cours d'exercice

Jusqu'en 20247(*), les crédits alloués aux dispositifs de soutien de la demande visant à stimuler le verdissement du parc automobile des véhicules légers étaient portés par l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres » du programme 174. Historiquement, ces aides se matérialisaient dans deux dispositifs : le bonus écologique ainsi que la prime à la conversion. En 2024, un nouveau dispositif coûteux qui a rencontré un succès inattendu a été mis en oeuvre et financé par des crédits de cette même action, le leasing social.

En 2023, les dépenses effectives consacrées aux aides à l'acquisition de véhicules propres avaient excédé de 400 millions d'euros (soit 31 %) les crédits qui avaient été prévus en loi de finances initiale. En 2024, un phénomène de surconsommation identique a été observé. En effet, alors que 1,5 milliard d'euros avaient été prévus en loi de finances initiale, 1,9 milliard d'euros de CP ont été consommés au cours de l'exercice.

Comparaison entre les CP prévus en loi de finances initiale et les CP effectivement consommés en cours d'exercice sur l'action 03 (2023-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur ne peut que s'étonner de la répétition de phénomènes de surconsommation de crédits d'une telle ampleur qui interroge immanquablement la qualité de la programmation budgétaire initiale.

Elle observe par ailleurs que ces phénomènes de surconsommation des crédits consacrés aux dispositifs d'aides à l'acquisition de véhicules propres ont profondément menacé la soutenabilité budgétaire du programme 174 lors de l'exercice 2024. Celle-ci n'a en effet pu être assurée que par la mise en oeuvre d'une combinaison d'expédients en cours de gestion :

- la suspension brusque et imprévue de dispositif de leasing social un mois seulement après son lancement ;

- le choix de la débudgétisation en début d'exercice des dispositifs de soutien à l'acquisition de poids lourds propres et à la transition énergétique des stations-services rurales, finalement financés en 2024 par l'outil des certificats d'économies d'énergie (CEE), et pour lesquels 200 millions d'euros avaient été prévus en loi de finances initiale ;

- le redéploiement de crédits provenant de dispositifs connaissant au contraire des sous-consommations de crédits, au premier rang desquels MaPrimeRenov'.

Le rapporteur estime que de tels bouleversements en cours d'exercice contribuent à altérer la sincérité de la programmation budgétaire initiale, et par voie de conséquence, la portée de l'autorisation donnée par le Parlement.

Répartition de la consommation des CP de l'action 03 en 2024

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

98,2 % des crédits de paiement consommés en 2024 sur l'action 03 concernent trois dispositifs de soutien : le bonus écologique, la prime à la conversion et le leasing social.

Le reste des crédits exécutés concernent le prêt à taux zéro mobilités ainsi que les engagements antérieurs de deux dispositifs qui étaient jusqu'en 2023 financés par des crédits inscrits sur l'action 03 et pour lesquels une débudgétisation via le système des CEE a été décidée au début de l'exercice 2024 :

- l'appel à projets « Écosystèmes des véhicules lourds électriques » ;

- le fonds d'aide dédié à accompagner la transition énergétique des stations-services rurales indépendantes à travers le financement de l'installation d'infrastructures de recharge pour les véhicules électriques.

Enfin, en 2024, les frais de gestion versés à l'agence de services et de paiement (ASP) pour la gestion des dossiers et la mise en paiement des aides se sont élevés à 11 millions d'euros.

L'évolution des dépenses (CP) consacrées aux aides à l'acquisition de véhicules propres pour les particuliers entre 2017 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, comme en 2023, le dispositif de bonus écologique a donné lieu à la consommation de 1,4 milliard d'euros de crédits. Pour la prime à la conversion, les crédits consommés se sont élevés à 184 millions d'euros.

Mis en place au 1er janvier 2024, le dispositif de leasing social a permis à ses bénéficiaires d'accéder à des offres de location8(*) de véhicules électriques extrêmement attractives pour des loyers mensuels situés entre 40 euros et 150 euros, soit pour certains véhicules, des montants très nettement inférieurs à l'objectif de 100 euros par mois qui avait été envisagé à l'origine. En 2025, il a concerné les ménages appartenant aux cinq premiers déciles de revenus dépendant de leurs véhicules personnels pour leur activité professionnelle.

Le dispositif de leasing social a rencontré un succès inattendu, Alors que le dispositif avait été lancé sans limite de temps ni de commandes et que les estimations les plus optimistes tablaient sur 10 000 à 20 000 véhicules commandés sur l'année, 46 000 demandes ont affluées dès les premiers jours de janvier. En conséquence, le dispositif a dû être suspendu en catastrophe dès février 2024 pour éviter que son coût atteigne des niveaux trop insoutenables pour le budget de l'État.

Au cours de l'exercice 2024, les crédits de paiement consacrés à ce dispositif de soutien se sont élevés à 280 millions d'euros.

Nombre de véhicules ayant fait l'objet d'un bonus, d'une prime à la conversion ou du dispositif de leasing social (2017-2024)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. « Victime collatérale » de la fin de la taxe d'habitation, le chèque énergie a connu une exécution mouvementée en 2024

Le chèque énergie concerne les ménages qui se situent en-dessous du deuxième décile de revenus, soit 20 % des ménages français. L'aide moyenne est d'environ 150 euros pour un montant variant de 48 à 277 euros. Ce montant était jusqu'en 2024 calculé en fonction du revenu fiscal de référence et de la situation familiale du bénéficiaire (évaluée en fonction du nombre d'unités de consommation).

Jusqu'en 2023, le critère de la composition familiale du ménage était apprécié à partir de la base de données afférente à la taxe d'habitation (« base TH ») tenue et mise à jour par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Or, compte tenu de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales au 1er janvier 2023, la liste des bénéficiaires du chèque énergie pour 2024 n'a pas pu être établie selon les critères habituels. Aussi, le Gouvernement de l'époque avait-il décidé de reconduire à l'identique la liste des bénéficiaires du chèque énergie au titre de l'année 2023. Cette situation a engendré de nombreuses réclamations et la dénonciation de situations d'injustices dans la mesure où certains ménages qui n'étaient pas éligibles en 2023 auraient dû avoir droit au bénéfice du chèque énergie en 2024 en raison de l'évolution de leur situation entre 2021 et 2022.

Aussi, en complément, un guichet de demande a-t-il été mis en place afin de permettre aux ménages qui sont éligibles au chèque énergie au titre de leur situation en 2022 (revenus et composition du ménage), mais ne l'étaient pas au titre de leur situation en 2021 ou dont la situation a changé depuis 2021, de réclamer l'attribution du chèque énergie auquel ils ont droit. Cette situation concernait par exemple les jeunes primo-déclarants entrant dans la vie active, les ménages dont les revenus avaient baissé entre 2021 et 2022 ou ceux qui avaient connu une naissance en 2022. Ce guichet a fonctionné de juillet à décembre 2024.

Les demandes réalisées via ce guichet ont été beaucoup moins nombreuses qu'anticipé pour un coût de 13,1 millions d'euros en 2024 et 7 millions d'euros en 2025 soit 20,1 millions d'euros contre une prévision de 60 millions d'euros qui reposait déjà sur la base d'un taux de non recours de 40 %. En effet, alors que les foyers concernés étaient estimés à environ un million, seuls 128 000 chèques ont été distribués via le dispositif de guichet.

Cette expérience tend à démontrer que la fin de l'automaticité complète de la délivrance du chèque énergie, une conséquence indirecte de la fin de la taxe d'habitation sur les résidences principales, risque d'engendrer un phénomène de non recours significatif pour les foyers éligibles qui devront se manifester pour bénéficier de l'aide.

AE et CP consommés en 2024 au titre du dispositif de chèque énergie

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les engagements au titre du dispositif habituel, avec une délivrance automatisée à ses bénéficiaires, se sont élevés à 780 millions d'euros pour des décaissements effectifs de 741 millions d'euros.

Au total, en incluant les demandes effectuées via le mécanisme de guichet, les AE et CP exécutés au titre du dispositif de chèque énergie en 2024 se sont respectivement établis à 800 millions d'euros et à 754 millions d'euros.

Entre 2021 et 2023, les crédits alloués au dispositif du chèque énergie avaient été fortement affectés par la crise des prix de l'énergie. En réponse à celle-ci, plusieurs chèques exceptionnels avaient été mis en oeuvre pour soutenir les consommateurs d'énergie, soit sous forme de chèques énergie au montant et au périmètre élargis soit sous forme de chèques dédiés à accompagner les utilisateurs de combustibles spécifiques (fioul et bois). Sur cette période, ces mesures ponctuelles ont conduit à fortement majorer les dépenses suivies au titre du chèque énergie dans la maquette budgétaire du programme 174. L'exercice 2024 est le premier depuis 2020 à n'être concerné que de façon marginale par ces mesures exceptionnelles, simplement au titre de restes à payer de ces dispositifs.

Évolution des crédits consacrés au chèque énergie entre 2020 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

4. Conditionnée à l'évolution des prix à la pompe, « l'aide carburant » budgétée à hauteur de 595 millions d'euros n'a pas été mise en oeuvre en 2024

En 2022, au plus fort de la crise des prix de l'énergie, une remise sur les carburants financée par le budget de l'État avait été mise en oeuvre pour un coût total de 7,6 milliards d'euros. Cette remise généralisée avait été remplacée en 2023 par une indemnité de 100 euros ciblée sur les travailleurs modestes qui utilisent leur véhicule individuel pour se rendre sur leur lieu de travail. Le coût de cette mesure, initialement estimé à 1 milliard d'euros, n'avait en réalité représenté que 433 millions d'euros.

Le Gouvernement avait envisagé de reconduire cette aide en 2024 dans l'hypothèse où les prix des carburants se seraient maintenus à des niveaux élevés, aux environs de 2 euros par litre. Le périmètre de la mesure devait même être élargi, ce qui avait conduit à prévoir 595 millions d'euros de crédits à cette fin dans le projet de loi de finances initiale pour 2024. Compte-tenu de la baisse du prix des carburants, cette aide n'a pas été mise en oeuvre et les crédits prévus ont été annulés par le décret précité du 21 février 2024.

Ainsi, en 2024, seuls 17 600 euros ont été dépensés via le programme 174 afin de solder un reliquat lié au dispositif d'aide qui était en vigueur l'année précédente.

B. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ » : UNE ABSENCE DE « STRATÉGIE » POUR LA BIODIVERSITÉ

Sur le programme 113 de la mission, « paysages, eau et biodiversité », 379,2 millions d'euros en CP ont été consommés en 2024, contre 517,9 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale, ce qui représente une baisse de plus d'un quart des crédits (- 26,8 %). Cet écart est le résultat des annulations de crédits prévues par le décret du 21 février 2024 (- 46,8 millions d'euros), et la loi de finances de fin de gestion pour 2024 (- 85 millions d'euros).

À première vue, on pourrait croire que dans la mesure où le volume des crédits consommés sur le programme est en progression entre 2023 et 2024 (+ 39,9 millions d'euros), les politiques de la biodiversité continuent de connaître une dynamique, malgré les annulations de crédits. Cependant, cette progression est avant tout le résultat de modifications de la maquette budgétaire.

En effet, après avoir été inscrits sur le programme 113 ou sur le programme 362 de la mission « Plan de relance », les crédits de la Stratégie nationale biodiversité (SNB) 2030 ont été inscrits en 2023 sur le programme 380 « fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », permettant ainsi d'afficher une enveloppe de crédits significative sur ce nouveau programme budgétaire.

Cette anomalie au regard du principe de spécialité budgétaire, dénoncée à de nombreuses reprises par le rapporteur spécial, a heureusement été corrigée dans la loi de finances initiale pour 2024, mais il en résulte que la progression des crédits du programme 113 est en grande partie illusoire. Ces changements de périmètre avaient en effet entraîné en loi de finance initiale pour 2024 un doublement des crédits du programme (+ 264 millions d'euros en AE = CP).

Les coupes budgétaires dans les politiques de la biodiversité sont donc bien réelles :

- les politiques de la biodiversité qui étaient anciennement financées par le fonds vert, sont passées de 123 millions d'euros à 96 millions d'euros ;

- les financements de l'Office français de la biodiversité (OFB) pour la SNB 2030 ont baissé de 53,3 à 10 millions d'euros.

Plus généralement, les ambitions affichées pour le financement de la biodiversité ont été revues à la baisse. Alors que le rapport « financement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030 », de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) de novembre 2022, prévoyait un besoin de financement net provenant de l'État de 284,8 millions d'euros en 2024 et de 372,4 millions d'euros en 2025, ces sommes sont très loin d'être atteintes.

Besoins de financements nets à couvrir pour = la stratégie nationale biodiversité

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Financements prévus ou annoncés

330

330

330

330

330

Financement des agences de l'eau

115

115

115

115

95

Besoins nets à couvrir

173,7

284,8

372,4

423,5

465,1

Besoins bruts

618,7

729,8

817,4

868,5

890,1

Source : commission des finances, d'après le rapport « financement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030 », de l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable, novembre 2022

Il est « tentant » de faire des économies sur les politiques de la biodiversité dans la mesure où, contrairement à d'autres programmes, les gains qu'elles apportent ne sont souvent pas facilement quantifiables, et ne peuvent être appréciés que sur le long terme. Par ailleurs, les acteurs directement concernés par ces politiques se mobilisent difficilement pour faire entendre leur voix. Pourtant, la préservation de la biodiversité n'est pas un objectif secondaire par rapport à l'adaptation au changement climatique. Il est donc impératif de définir une nouvelle trajectoire pour la stratégie nationale biodiversité.

C. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES » EN 2024 EST MARQUÉE PAR UNE SURCONSOMMATION DES CRÉDITS DU FONDS POUR LA PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS

En 2024, 1 285,9 millions d'euros en CP ont été consommés sur le programme, soit un niveau inférieur de 5,7 % par rapport aux prévisions de la LFI pour 2024. Le décret du 21 février 2024 a annulé 70 millions d'euros sur la mission, qui correspondent essentiellement à des crédits mis en réserve.

En revanche, le fonds pour la prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), mieux connu sous le nom de « Fonds Barnier », a connu une sur-exécution de ses crédits : 244,5 millions d'euros en AE et 236,6 millions d'euros en CP ont été consommés, contre 225 millions d'euros en AE et 220 millions d'euros en CP inscrits en loi de finances initiale. Cette sur-exécution a été financée par un dégel des sommes restantes de la réserve de précaution ainsi que par des redéploiements de crédits au sein du programme, en provenance principalement de l'action 12 consacrée à la subvention pour charge de service public de l'Ademe9(*).

La sur-exécution a été justifiée à la fois par le processus de transfert des digues domaniales de l'État aux intercommunalités, mais aussi par les inondations survenues dans le nord de la France à la fin de l'année 2023 et au début de l'année 2024.

Le rapporteur spécial estime que cette situation est très regrettable, dans la mesure où, lors de l'examen de la loi de finances pour 2024, il avait fait adopter un amendement au Sénat visant à rehausser le montant du fonds de 30 millions d'euros, précisément en raison du contexte des inondations survenues à l'automne et à l'hiver.

Le Gouvernement avait émis un avis défavorable sur cet amendement, et le ministre chargé de la transition écologique avait alors affirmé : « Aussi, je demande le retrait des amendements visant à augmenter les crédits du fonds Barnier. Ils sont mal fondés, si j'ose dire, car le dispositif ne permet pas de telles indemnisations. J'émets un avis défavorable sur l'amendement de Mme le rapporteur spécial dans la mesure où nous venons d'augmenter le niveau des crédits. En outre, du strict point de vue de la prévention, la consommation des crédits, en 2024, n'ira pas au-delà des crédits complémentaires qui ont été votés à l'Assemblée nationale. »10(*)

Il était pourtant manifeste que les crédits prévus ne suffiraient pas, compte tenu des dommages qui étaient déjà constatés à la suite des tempêtes Ciarán et Domingos. En outre, le décrochage entre le produit du prélèvement sur la garantie « Catnat » (article 235 ter ZE du code général des impôts) et le montant du fonds Barnier s'accentuait de plus en plus : le produit de cette taxe était estimé à 300 millions d'euros en 2024, contre 220 millions d'euros prévus pour le fonds Barnier la même année.

Comparaison entre le produit du prélèvement sur la garantie « CatNat »
et les sommes allouées au fonds Barnier entre 2015 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

D. LE FONDS VERT EST DEVENU UNE VARIABLE D'AJUSTEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

L'exécution des crédits du programme 380, « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », dit le « fonds vert », est de moitié inférieure aux prévisions : alors que 1 124,0 millions d'euros ont été inscrits en LFI pour 2024, seuls 569,9 millions d'euros ont finalement été consommés.

Le fonds vert est en effet l'un des « grands perdants » des annulations de crédits décidées en cours d'année : le décret du 21 février 2024 a annulé 430 millions d'euros en CP, et 65 millions d'euros supplémentaires ont été annulés par la loi du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.

Évolution des crédits de paiement du fonds vert en cours de gestion

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Les autorisations d'engagement du programme n'ont pas eu un destin plus enviable : 500 millions d'euros en AE ont été annulés par le décret de février 2024, et 400 millions d'euros d'annulations supplémentaires ont été décidées par la LFFG pour 2024. Ces coupes budgétaires successives ont ainsi fait passer les AE du fonds vert de 2,5 milliards d'euros à 1,6 milliard d'euros, ce qui représente une baisse de 36 %.

Évolution des autorisations d'engagement du fonds vert en cours de gestion

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Il est bien entendu souhaitable, dans le contexte budgétaire actuel, de chercher à faire des économies. Cependant, celles-ci doivent impérativement être débattues au Parlement, et il n'est pas acceptable qu'un programme budgétaire se retrouve privé de près de la moitié de ses crédits seulement deux mois après le vote de la loi de finances initiale. Il était possible de mieux prévenir cette situation, comme l'a démontré la mission d'information de la commission des finances sur la dégradation des comptes publics11(*).

Il apparaît que le fonds vert, qui a été initialement présenté comme un outil au service des collectivités territoriales, s'est révélé être une variable d'ajustement de la politique de transition écologique de l'État, ainsi que l'a dénoncé le rapporteur spécial à de nombreuses reprises.

Le rapporteur spécial avait ainsi fait adopter en loi de finances pour 2024 un amendement créant un « Fonds territorial climat » (FTC), qui aurait permis d'éviter une telle situation. Le principe du FTC était d'attribuer 200 millions d'euros du fonds vert directement aux EPCI ayant adopté un PCAET, à raison de 4 euros par habitant12(*). Les normes comptables des collectivités permettent en effet de s'assurer que ces sommes ont bien été fléchées pour la transition écologique13(*). La ressource aurait ainsi été garantie, et le FTC aurait permis aux collectivités territoriales de mettre en oeuvre une véritable planification écologique, contrairement au mouvement de « Stop and Go » qui caractérise le fonds vert aujourd'hui.

Le Gouvernement s'était engagé à mettre en oeuvre le FTC au moment du vote de la loi de finances, et une circulaire du 28 décembre 2024 a prévu qu'une part du fonds vert serait déployée en cours d'année pour accompagner la mise en oeuvre des « plan climat-énergie territoriaux » (PCAET). Toutefois, cet engagement n'a pas été respecté.

Interrogée sur le devenir du fonds territorial climat, l'administration a répondu que « les annulations puis les gels budgétaires n'ont pas permis de créer une part dédiée au sein du fonds vert mais l'identification des projets PCAET parmi les projets du fonds vert permet de souligner que les projets PCAET sont nombreux à solliciter et à bénéficier du fonds vert : 756 projets ont déjà reçu l'engagement d'un financement de l'État en 2024. »14(*) Or, ces projets ont été financés par la procédure classique du fonds vert, alors que tout l'intérêt du fonds territorial était précisément que les crédits soient affectés directement aux intercommunalités.

E. LE « REPYRAMIDAGE » DES EMPLOIS DU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE SE POURSUIT EN 2024

Les dépenses de personnel (titre 2), qui représentent 11 % des CP exécutés de la mission (2,87 milliards d'euros), relèvent pour la quasi-totalité du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement durable et de la mer », et sinon du programme 181 « Prévention des risques », auquel sont rattachées les dépenses de personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)15(*).

Le plafond d'autorisations d'emplois (PAE) de la mission, fixé pour 2024 à 35 401 ETPT, est respecté. En exécution, il s'est élevé à 35 092, soit une sous-exécution de 309 ETPT, contre une sous-exécution de 312 ETPT en 2023 et de 349 ETPT en 2022. Cette sous-exécution est attribuée, comme les années précédentes, à un nombre de sorties plus élevé qu'anticipé, ainsi qu'à la mise en oeuvre de la circulaire du 10 mars 2021 visant à accélérer la déconcentration de la gestion budgétaire et des ressources humaines.

Exécution du plafond d'emplois de la mission entre 2016 et 2024

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'exécution du plafond d'emplois de la mission a donc connu une diminution de 3 772 ETPT depuis 2019. La diminution du plafond d'emplois atteint même près de 52,6 % depuis 2008, année où il atteignait 73 986 ETPT - une diminution qui s'explique également par l'évolution du périmètre d'intervention du pôle ministériel.

Dans les rapports sur les lois de règlement qui précédaient 2022, le rapporteur spécial avait partagé les inquiétudes formulées par la Cour des comptes16(*) s'agissant de la déqualification de la structure des emplois du ministère.

En effet, depuis 2014, la sur-exécution des schémas d'emplois est allée de pair avec un moindre recrutement d'agents de catégorie A que prévu et davantage de recrutements d'agents de catégories B et C. Si ce procédé permet une moindre consommation de crédits de personnel, il participe d'un processus de « dépyramidage » ou de déqualification dont les effets en matière de perte de compétences sont particulièrement dommageables pour la gestion des ressources humaines.

L'année 2022 a marqué une inversion par rapport à cette tendance : 22 emplois de catégorie A ont été créés par rapport au schéma d'emploi initial, tandis que 54 emplois de catégorie C ont été supprimés par rapport à ce même schéma. Cette tendance a été poursuivie et nettement renforcée en 2023, avec la création de 187 emplois de catégorie A, et la suppression de 207 emplois de catégorie C.

Cette dynamique est encore plus manifeste en 2024 : alors qu'il était prévu la création de 234 postes de catégorie A et la suppression d'aucun poste de catégorie C, il a finalement été créé 369 postes de catégorie A, et 172 postes de catégorie C ont été supprimés. En outre, alors qu'il devait y avoir une création nette d'emplois de catégories B, cette catégorie a vu son schéma diminuer en exécution.

Réalisation du schéma d'emploi par catégorie d'emplois en 2024

(en EPT)

Catégories

Schéma d'emploi initial

Exécution du schéma

Différence entre la prévision et l'exécution

A

234

369

+ 133

B

83

- 75

- 158

C

0

- 172

- 172

Total

317

122

- 197

Source : commission des finances d'après la Cour des comptes, Note sur l'exécution budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de 2024, avril 2025, page 30

D'après les informations recueillies par la Cour des comptes, « la direction des ressources humaines [du ministère chargé de l'environnement] explique ce phénomène par l'effet de la circulaire du 22 décembre 2021 sur l'élargissement de la faculté de choix de leurs collaborateurs par les autorités déconcentrées qui permet aux préfets de redéployer entre programmes et entre catégories jusqu'à 3 % des effectifs notifiés. Cette possibilité paraît avoir été fortement utilisée dès le début d'année. »17(*) Il ne semble pas que l'accélération du repyramidage ait entraîné une surconsommation des crédits, l'exécution des CP du programme 217 étant inférieure de 1 % aux prévisions.

En tout état de cause, il convient de s'assurer que cette dynamique est pérenne. En effet, le ministère a plus que jamais besoin de personnels qualifiés pour mener la transition écologique en cours et exercer ses missions.

F. LES DERNIÈRES MANIFESTATIONS DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ONT ENCORE AFFECTÉ L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2024 DU PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE »

En 2024, les dépenses exécutées sur le programme 345 se sont élevées à 5,7 milliards d'euros, soit une baisse de 14,5 milliards d'euros par rapport à 2023. Cette diminution spectaculaire s'explique par l'expiration des principaux dispositifs de soutien aux consommateurs finals d'énergie qui avaient été mis en place dans le cadre de la crise des prix de l'énergie.

Ce montant de 5,7 milliards apparaît en revanche nettement supérieur (de 17 %) aux crédits qui avaient été prévus en LFI. Ce phénomène s'explique par le coût des dispositifs de soutien aux installations de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. L'évolution de ce coût est une fonction décroissante de celle des prix de l'électricité sur les marchés de gros. Plus les prix de marchés baissent, plus les compensations versées aux producteurs sont élevées. Les prix de gros de l'électricité ayant diminué de façon plus significative qu'anticipé, la charge pour l'État représentée par ses obligations contractuelles s'est révélée plus importante que prévue.

Durant la période de crise des prix de l'énergie, c'est-à-dire principalement au cours des années 2022 et 2023, le fonctionnement habituel des compensations de charges de service public de l'énergie (CSPE) a été profondément bouleversé. En effet, en raison de l'augmentation très sensible et inédite des prix de l'électricité sur les marchés de gros, les mécanismes de soutien à la production d'électricité au moyen d'énergies renouvelables (EnR) sont devenus en pratique des dispositifs de prélèvement automatique de revenus exceptionnels qui auraient pu être perçus par les producteurs du fait de cette hausse des prix historique. Aussi, pour la première fois depuis la création du mécanisme des compensations de CSPE, les sommes habituellement versées par l'État aux producteurs s'étaient transformées en recettes publiques prélevées sur les rémunérations exceptionnelles perçus par ces mêmes producteurs au titre de la vente de leurs volumes d'électricité sur les marchés.

Alors que dans sa délibération n° 2023-293 du 21 septembre 2023, la commission de régulation de l'énergie (CRE) estimait que les CSPE relatives au soutien à la production d'électricité d'origine renouvelable en métropole seraient encore négatives en 2024, générant ainsi des recettes pour l'État, la baisse plus rapide qu'anticipé des prix de l'électricité sur les marchés de gros a produit un basculement par lequel les dispositifs de soutien à la production d'électricité d'origine renouvelable sont redevenus coûteux pour l'État. Cette nouvelle réalité a été traduite dans les délibérations n° 2024-139 du 11 juillet 2024 et n° 2024-216 du 5 décembre 2024 de la CRE.

Exécution des crédits votés du programme 345 « Service public de l'énergie »
en 2024 (CP)

(en millions d'euros)

 

2023

(exécuté)

2024

(LFI)

2024

(exécuté)

Exécution 2024 / exécution 2023

(en %)

Exécution 20 234
/ LFI 2024

(en %)

09- Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole

1 375,9

0,0

1 367,8

- 0,6 %

+ 100 %

10- Soutien à l'injection de biométhane

44,2

875,5

1 037,6

+ 2247,5 %

+ 18,5 %

11- Soutien dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain

3 166,1

2 236,4

2 135,8

- 32,5 %

- 4,5 %

12- Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

214,1

80,5

260,0

+ 21,4 %

+ 223,0 %

13- Soutien aux effacements de consommation

63,0

63,0

162,3

+ 157,6 %

+ 157,6 %

14- Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité

51,0

44,9

32,9

- 35,5 %

- 26,7 %

15- Frais divers

87,7

0,4

24,0

- 72,6 %

+ 5900,0 %

17- Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

15 169,1

1 558,3

681,4

- 95,5 %

- 56,3 %

18- Soutien hydrogène

0,0

25,0

0,0

-

- 100,0 %

Total programme

20 170,2

4 884,0

5 701,9

- 71,7 %

+ 16,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La consommation de crédits sur l'action 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole » s'est élevée à 1,4 milliard d'euros alors que la LFI n'avait pas prévu de crédits pour cette action en raison d'anticipations de niveaux de prix de marchés plus élevés qu'ils ne l'ont été en réalité. Toutefois, dans sa délibération n° 2024-139 du 11 juillet 2024, la CRE avait réévalué les CSPE relatives au soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole à 3,2 milliards d'euros.

Cet écart entre les crédits effectivement exécutés sur l'action 09 et les CSPE évaluées par la CRE a trois origines qui nuisent à la lisibilité budgétaire du programme :

- le versement en janvier 2025 de la dernière mensualité des CSPE dues au titre de l'année 2024 selon la procédure prévue par le code de l'énergie ;

le calibrage des versements effectués à EDF entre la fin de l'année 2024 et le début d'année 2025 qui répond à un pur souci d'opportunité visant à piloter l'atterrissage budgétaire du programme en évitant d'avoir à solliciter du Parlement l'ouverture de nouveau crédits en fin de gestion ;

une déduction appliquée au volume des crédits consommés sur l'action à hauteur d'une partie des recettes liées aux régularisations a posteriori, résultant de la baisse des prix de l'énergie18(*), des dispositifs de soutien aux consommateurs finals d'énergie mis en oeuvre en 2022 et en 2023, au premier rang desquels les boucliers tarifaires et l'amortisseur des prix de l'électricité.

Le rapporteur regrette que ces phénomènes, dont l'incidence cumulée avoisine les 2 milliards d'euros, ne soient pas présentés de façon plus claire dans le rapport annuel de performances du programme.

Extrêmement dynamiques, les dépenses visant à soutenir l'injection de biométhane (action 10 « Soutien à l'injection de biométhane ») se sont quant à elles élevées à 1 milliard d'euros.

Par ailleurs, les mécanismes de péréquation tarifaire au profit des zones non interconnectées (ZNI)19(*) ont coûté 2,1 milliards d'euros à l'État en 2024. À compter du 1er août 2025, le financement de ces dispositifs sera assuré par l'affectation d'une fraction du produit des accises perçues sur la consommation de combustibles. Par exception cependant, la péréquation tarifaire bénéficiant à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy restera financée par des crédits budgétaires du programme 345.

Le décret précité du 21 février 2024 ainsi que la loi de finances de fin de gestion (LFFG) pour 2024 ont respectivement annulé 196,5 millions d'euros et 470,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement qui avaient été prévues pour le lancement de l'appel d'offres dédié à soutenir la production d'hydrogène décarboné20(*). En effet, maintes fois reporté, cet appel d'offres n'a finalement été lancé qu'à la fin du mois de décembre 2024. Compte-tenu des délais incompressibles liés à ce type de procédures, cette date tardive a même conduit le rapporteur à s'interroger sur la consommation effective d'autorisations d'engagements au titre de ce dispositif en 2025. En toute hypothèse aucun crédit de paiement ne pourra être exécutés pendant l'année en cours. Aussi, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, dans un souci de sincérité budgétaire, a-t-elle pris l'initiative de réduire les crédits prévus sur l'action 18 « Soutien hydrogène » à hauteur de 200 millions d'euros d'AE et de 25 millions d'euros de CP.

Enfin, alors qu'en 2023 les dépenses liées aux dispositifs de soutien exceptionnels aux consommateurs mis en place dans le cadre de la crise des prix de l'énergie représentaient 15,2 milliards d'euros et 75 % du total des crédits exécutés sur le programme 345, l'expiration des principaux dispositifs d'aide en raison de la baisse des prix de marché ainsi que des contractions de crédits résultant de régularisations a posteriori du coût des dispositifs mis en oeuvre en 2022 et en 202321(*) a considérablement réduit le montant consacré à ces dispositifs en 2024. Au cours de cet exercice 681,4 millions d'euros22(*) (soit 12 % des crédits consommés sur le programme) ont ainsi été consacrés à financer ces dispositifs.

Ce niveau « net » de consommation de crédits s'explique par la somme du solde (versé en janvier 2024) de compensations dues aux opérateurs au titre des dispositifs de soutien qui étaient en vigueur en 2023 (608,6 millions d'euros) et des compensations dues au titre des quelques dispositifs maintenus en 202423(*) (722,4 millions d'euros) de laquelle ont été déduits une part24(*) des régularisations a posteriori relatives aux dispositifs mis en oeuvre en 2022 et en 2023 (681,7 millions d'euros).

G. LE CAS « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE » (FACÉ)

Le CAS FACÉ retrace les aides allouées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODÉ)25(*).

Jusqu'en 2024, ses recettes provenaient d'une contribution des gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité. Dans la mesure où elle n'était pas conforme aux règles du droit de l'Union européenne, l'article 20 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2025 a prévu, à compter du 1er août 2025, de substituer à cette contribution l'affectation d'une fraction du produit de l'accise sur l'électricité fixée à 377 millions d'euros en 2025 puis indexée sur l'inflation26(*).

Le CAS comprend deux programmes :

- le programme 793 « Électrification rurale », qui concentre la quasi-totalité des crédits du CAS, a pour objet de financer le renforcement, la sécurisation et l'extension des réseaux d'électrification rurale ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries » finance quant à lui des actions de production décentralisée d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI), en particulier dans les collectivités ultramarines, ainsi que dans les sites isolés.

Entre 2018 et 2024, en LFI, le CAS s'est systématiquement vu attribuer 360 millions d'euros de crédits (AE=CP).

Au cours de l'exercice, la consommation des AE et des CP du CAS a représenté 357 millions d'euros, soit une légère hausse pour les premières et une petite diminution pour les seconds et un taux d'exécution des crédits à 99 % par rapport à la prévision initiale.

D'année en année, l'intégralité des crédits non consommés sont reportés de droit sur l'exercice suivant. Le montant important de CP reportés d'une année sur l'autre s'explique par l'étalement sur trois à quatre ans de leur consommation selon les règles d'utilisation des subventions versées aux AODÉ.

Ainsi, en prenant en compte la totalité des crédits ouverts au cours de l'exercice, y compris les crédits reportés de l'exercice précédent (13 millions d'euros en AE et 354 millions d'euros en CP), le taux d'exécution s'est établi à 95 % en AE mais à seulement 50 % en CP.

Exécution des crédits du CAS par programme en 2024

(en milliers d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2022

Crédits exécutés 2023

Crédits votés LFI 2024

Crédits exécutés 2024

Exécution 2024 
/ exéc. 2023

Exécution 2024 
/ LFI 2024

(en %)

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

367 911,9

333 992,8

357 000,0

350 292,9

+ 4,9 %

- 1,9 %

CP

344 849,5

362 251,5

357 000,0

350 610,1

- 3,2 %

- 1,8 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

24 800,2

6 882,0

3 000,0

6 328,7

- 8,0 %

+ 111,0 %

CP

2 871,8

4 967,5

3 000,0

5 916,6

+ 19,1 %

+ 97,2 %

Total

AE

392 712,1

340 874,8

360 000,0

356 621,5

+ 4,6 %

- 0,9 %

CP

347 721,2

367 219,0

360 000,0

356 526,7

- 2,9 %

- 1,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les recettes du CAS sont restées stables en 2024 à 377,9 millions d'euros avec un solde excédentaire de 21,4 millions d'euros.

Équilibre du CAS « Financement des aides aux collectivités
pour l'électrification rurale » en 2024 (en crédits de paiement)

(en milliers d'euros)

Programme

Recettes

Crédits exécutés

Solde

793 « Électrification rurale »

 

350 610,1

 

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

 

5 916,6

 

Total

377 939,0

356 526,7

+ 21 412,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 1 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, Jean-François Husson, 12 juin 2024, page 16.

* 2 Le montant inscrit pour la mission Écologie en CP dans la LFI pour 2025 est de 21,7 milliards d'euros, soit un niveau qui se rapproche du plafond prévu en 2024.

* 3 Pour raisonner à périmètre constant, ce calcul intègre, pour l'exercice 2021, la part des crédits relatifs aux dispositifs d'aides à l'acquisition de véhicules propres qui étaient portés par l'action 07 « Infrastructures de mobilités vertes » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».

* 4 Voir notamment le rapport fait au nom de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, Sénat, Rapporteur Guillaume Gontard, Président Mme Dominique Estrosi Sassone, juin 2023 ; Cour des comptes, Le soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au vieillissement de la population, Communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, octobre 2023.

* 5 Mme Christine Lavarde, Projet de loi de finances pour 2024 : Écologie, développement et mobilité durables, Rapport général, Tome III, novembre 2023.

* 6 Mme Christine Lavarde, Projet de loi de finances pour 2024 : Écologie, développement et mobilité durables, Rapport général, Tome III, novembre 2023.

* 7 En 2025 le dispositif de leasing social sera financé par le mécanisme extra-budgétaire des certificats d'économies d'énergie (CEE).

* 8 Pour une durée minimum de trois ans.

* 9 Source : commission des finances d'après la Cour des comptes, Note sur l'exécution budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de 2024, avril 2025, page 92.

* 10 Sénat, compte-rendu intégral des débats de la séance du 4 décembre 2023, https://www.senat.fr/seances/s202312/s20231204/s20231204023.html.

* 11 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances par la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France, Jean-François Husson, 12 juin 2024.

* 12 Le dispositif devait être applicable à la métropole de Lyon, et le périmètre de la métropole du Grand Paris, les fonds étaient prévus pour être versés aux établissements publics territoriaux.

* 13 C'est d'ores et déjà le cas par exemple pour la compétence « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), qui est financée par une taxe dédiée.

* 14 Réponses de l'administration au questionnaire budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2025.

* 15 Avant la fusion de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui a conduit à la création d'un nouveau programme 235 au sein de la mission Écologie par la loi de finances initiale pour 2025.

* 16 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021, et années précédentes, de la mission.

* 17 Source : commission des finances d'après la Cour des comptes, Note sur l'exécution budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de 2024, avril 2025, page 30.

* 18 Et par voie de conséquence, du coût de ces dispositifs de soutien pour les finances publiques.

* 19 Crédits suivis sur l'action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain ».

* 20 Crédits retracés sur l'action 18 « Soutien hydrogène ».

* 21 Pour un total de 2,5 milliards d'euros.

* 22 Crédits retracés sur l'action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ».

* 23 Les boucliers tarifaires collectifs gaz et électricité pour les contrats d'approvisionnement pluriannuel qui avaient été conclus à des prix élevés ainsi qu'une version révisée de l'amortisseur des prix de l'électricité destiné aux professionnels.

* 24 Une part plus significative de ces régularisations ont été affectées en déduction des crédits relatifs au soutien à la production d'électricité solaire retracés sur la sous-action 03 « Solaire photovoltaïque » de l'action 09 du programme (voir supra).

* 25 C'est-à-dire les collectivités ou syndicats d'électrification détenteurs de la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les réseaux de distribution.

* 26 Disposition prévue par l'article 129 de la LFI pour 2025.

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