- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET
INDUSTRIES CULTURELLES »
- II. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »
- A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE
180 MILLIONS D'EUROS ENTRE 2023 ET 2024
- B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
- 1. Une diminution en gestion imputable à la
quasi-suppression du programme de transformation
- 2. L'épineuse question de la trajectoire
financière, dans un contexte d'incertitudes sur l'organisation de
l'audiovisuel public
- 3. La nécessité pour l'information et
le contrôle du Parlement du maintien d'un compte de concours
financiers
- 1. Une diminution en gestion imputable à la
quasi-suppression du programme de transformation
- A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE
180 MILLIONS D'EUROS ENTRE 2023 ET 2024
- I. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET
INDUSTRIES CULTURELLES »
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 19 COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC Rapporteur spécial : M. Jean-Raymond HUGONET |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Les dépenses de la mission « Médias, livre et industries culturelles » se sont élevées en 2024 à 707,64 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 711,54 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cela représente une diminution par rapport à 2023 d'1,9 % en CP et de 3,3 % en AE. Toutefois, dans la mesure où les crédits de la mission avaient augmenté l'année précédente de respectivement 16 % en CP (soit 100 millions d'euros) et de 16,4 % en AE (soit 104 millions d'euros), la baisse constatée en 2024 n'annule pas intégralement les effets de la hausse de 2023.
2. La mission « Médias, livre et industries culturelles » n'a formellement pas fait l'objet d'une annulation de crédits par le décret de février 2024, mais a contribué à limiter les effets des annulations sur la mission « Culture ». La sous-exécution des crédits s'explique toutefois pour l'essentiel par les annulations de 33 millions d'euros en AE et de 20,2 millions d'euros en CP intervenues en loi de finances de fin de gestion et portant sur la réserve de précaution.
3. Le montant des dépenses fiscales rattachées à la mission est supérieur aux crédits budgétaires. Celles-ci s'élèvent à 876 millions d'euros au total en 2024, soit une hausse de 15 % par rapport à 2023, en grande partie liée au dynamisme des dispositifs en faveur du cinéma gérés par le Centre national du cinéma.
4. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » est désormais alimenté uniquement par une fraction de taxe sur la valeur ajoutée. La LFI pour 2024 accordait aux sociétés d'audiovisuel public un montant total de TVA de 4,026 milliards d'euros. Les crédits du CCF sont sous-exécutés à hauteur d'1,26 %, soit 50 millions d'euros de moins, du fait de l'annulation des trois-quarts du programme de transformation, ce qui reste supérieur de 180 millions d'euros à 2023.
5. Bien qu'une solution ait été trouvée sur le mode de financement de l'audiovisuel public, la trajectoire budgétaire reste très incertaine, dans un contexte de diminution des crédits en 2025 qui devra être prolongé en 2026 et d'incertitude sur la réforme de l'audiovisuel public.
6. Le compte de concours financiers a pour avantage de garantir une information complète du Parlement par le biais des documents budgétaires et son maintien constitue un enjeu de qualité du débat démocratique. Si l'audiovisuel public n'était plus financé par le CCF, les informations portant pourtant sur un enjeu crucial et d'un montant conséquent seraient dilués dans le tableau général des taxes affectées.
I. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »
A. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DES CRÉDITS DU FAIT DES ANNULATIONS INTERVENUES EN GESTION
La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général contribue à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.
Elle est composée de deux programmes :
- le programme 180 « Presse et médias » centré sur le renforcement de la vitalité, du pluralisme et du développement de la presse et des médias, notamment au niveau local. Il n'intègre pas les crédits dédiés à l'audiovisuel public, retracés au sein d'un compte de concours financiers spécifique ;
- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Les crédits dédiés au cinéma sont constitués, pour l'essentiel, de taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et ne sont donc pas intégrés dans ce programme.
La mission ne comporte aucune dépense de personnel, les crédits dédiés étant retracés au sein du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » rattaché à la mission « Culture ».
1. Un niveau de crédits qui traduit une diminution par rapport à l'année précédente mais qui reste supérieur à 2022
Les dépenses de la mission se sont élevées en 2024 à 707,64 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 711,54 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Cela représente une diminution par rapport à 2023 d'1,9 % en CP et de 3,3 % en AE.
Toutefois, dans la mesure où les crédits de la mission avaient augmenté l'année précédente de respectivement 16 % en CP (soit 100 millions d'euros) et de 16,4 % (soit 104 millions d'euros) en AE, la baisse constatée en 2024 n'annule pas intégralement les effets de la hausse de 2023. Les crédits restent supérieurs de 87 millions d'euros en CP et 80 millions d'euros en AE au niveau de 2022.
Les crédits sont en revanche inférieurs au niveau de 2021. La mission avait alors bénéficié d'ouvertures de crédits en gestion afin d'accompagner la sortie de crise des différents secteurs fragilisés par les mesures sanitaires (cinéma et musique essentiellement).
Évolution des crédits de la mission
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La consommation des crédits de la mission est inférieure de 34 millions d'euros en AE et de 24 millions d'euros en CP à la prévision. En 2023, le montant des crédits consommés était supérieur de 30 millions d'euros en AE et 21 millions d'euros en CP aux prévisions.
Exécution des crédits de la mission par programme en 2024
(en millions d'euros et en %)
Programme |
Crédits exécutés 2023 |
LFI 2024 |
Crédits exécutés 2024 |
Variation exécution / prévision 2024 |
Variation 2023/2024 |
|
P. 180 - Presse et médias |
AE |
398,85 |
377,70 |
367,22 |
- 2,8 % |
- 7,9 % |
CP |
390,38 |
376,70 |
363,78 |
- 3,4 % |
- 6,8 % |
|
P. 334 - Livres et industries culturelles |
AE |
332,81 |
364,17 |
340,42 |
- 6,5 % |
2,3 % |
CP |
335,27 |
359,30 |
347,76 |
- 3,2 % |
3,7 % |
|
TOTAL |
AE |
731,66 |
741,87 |
707,64 |
- 4,6 % |
- 3,3 % |
CP |
725,65 |
736,00 |
711,54 |
- 3,3 % |
- 1,9 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
2. Une sous-exécution liée aux modifications réglementaires et législatives
La mission « Médias, livre et industries culturelles » n'a formellement pas fait l'objet d'une annulation de crédits par le décret de février 20241(*), au contraire de la mission « Culture » qui a connu une annulation de 100 millions d'euros. En conséquence, le ministère de la Culture a réparti l'effort du décret d'annulation sur les deux missions budgétaires par un virement de 2 % des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » vers les programmes de la mission « Culture » (175 « Patrimoine » et 131 « Création »)2(*).
Ces crédits ont été prélevés sur les réserves de précaution des programmes 334 et 180 : d'une part, 7,55 millions d'euros en AE et 7,53 millions d'euros en CP sur le programme 180 « presse et médias », soit 40 % de la réserve de précaution ; d'autre part, 7,28 millions d'euros en AE et 7,19 millions d'euros en CP sur le programme 334 « livre et industries culturelles », soit les deux-tiers de la réserve.
Il faut cependant noter que les baisses de crédits qui en ont résulté ont été quasiment intégralement compensées par les reports de crédits de 2023 sur 2024.
Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2024
(en millions d'euros)
CP |
AE |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La sous-exécution des crédits s'explique donc pour l'essentiel par les annulations de 33,0 millions d'euros en AE et de 20,2 millions d'euros en CP intervenues en loi de finances de fin de gestion et portant sur les crédits mis en réserve. En outre, aucun crédit n'a été reporté sur 2025.
B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une hausse continue des dépenses fiscales rattachées à la mission
La particularité de la mission « Médias livres et industries culturelles est que les crédits budgétaires sont inférieurs au montant des dépenses fiscales rattachées à la mission. Celles-ci s'élèvent à 876 millions d'euros au total en 2024, soit une hausse de 15 % par rapport à 2023.
Évolution des dépenses fiscales rattachées à la mission
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La dépense fiscale rattachée au programme 180 est en quasi-totalité constituée par des taux réduits de TVA (160 millions d'euros pour le taux réduit applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision et 57 millions d'euros pour le taux super-réduit applicable aux publications de presse).
S'agissant du programme 334, 7 dépenses fiscales y sont rattachées, dont deux ont un montant inférieur à 1 million d'euros. En revanche, les différents dispositifs gérés par le CNC ont un rendement élevé et dynamique :
- le crédit d'impôt « cinéma » (CIC)3(*), mis en place depuis le 1er janvier 2004, prévoit une déduction fiscale représentant de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles, dans la limite de 30 millions d'euros par film. Il s'élève à 152 millions d'euros en 2024, contre seulement 109 millions d'euros en 2023 ;
- le crédit d'impôt « audiovisuel » (CIA)4(*), entré en vigueur le 1er janvier 2005, prévoit un crédit d'impôt équivalent à 25 % du montant total des dépenses éligibles pour les oeuvres de fiction et d'animation et à 20 % pour les oeuvres documentaires. Il atteint 224 millions d'euros en 2024, soit 54 millions d'euros de plus qu'en 2023 ;
- le crédit d'impôt « international » (C2I)5(*) est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France depuis 2009. Il prévoit une déduction fiscale de l'ordre de 30 % des dépenses éligibles. Initialement appelé à s'éteindre fin 2016, le dispositif a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2026. Il s'élève à 210 millions d'euros en 2024 contre 193 millions d'euros en 2023 ;
S'y ajoute la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital des sociétés de financements d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA). Son montant est stable à 35 millions d'euros.
Le montant total de la dépense fiscale s'élève à 621 millions d'euros en 2024, soit 114 millions d'euros de plus que l'année précédente. Depuis 2016, ces dépenses fiscales ont cru de près de 250 %.
Dépense fiscale en faveur du cinéma
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Cette dynamique est liée à celle de la production cinématographique : le montant des dépenses éligibles a très fortement augmenté au cours des dernières années, pour atteindre 3,157 milliards d'euros, soit un milliard de plus qu'en 2019 qui était déjà une année où l'activité était soutenue.
2. Une hausse des crédits de la Bibliothèque nationale de France dans un contexte d'importants investissements à venir
La Bibliothèque nationale de France (BnF) reçoit la plus importante subvention pour charges de service public (SCSP) versée à un opérateur du ministère de la culture.
La LFI 2024 prévoyait déjà une hausse importante par rapport à la LFI 2023, à 247 millions d'euros (+ 13,1 millions d'euros dont 6,2 millions d'euros au titre de la compensation de l'inflation). Le montant de SCSP versé en 2024 a été minoré du fait de l'annulation en loi de finances de fin de gestion d'une partie de la réserve de précaution. Le montant des CP demeure cependant supérieur de 3 % à celui de 2023.
Évolution de la subvention pour charges de service public versée à la BnF
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Une partie de cette sur-exécution en AE a pour origine une manipulation technique, affichant comptablement un surcroit de consommation en AE de 19,54 millions d'euros, dont 18 millions d'euros au titre du centre de conservation d'Amiens, et 1,54 million d'euros au titre du portail national de l'édition accessible.
L'essentiel des dépenses de la BnF concerne sa masse salariale (164,7 millions d'euros en 2024). Sa croissance est essentiellement liée aux mesures générales concernant l'ensemble de la fonction publique, qui n'ont d'ailleurs été que partiellement compensées : 4,75 millions d'euros ont été prévus en 2024 au titre du point d'indice 2022, mais aucune hausse n'avait cependant été inscrite pour la compensation du relèvement du point d'indice en 2023.
Hors augmentation du point d'indice et hors mesures indemnitaires ministérielles ou interministérielles, la BnF indique que la progression de ses dépenses de personnel a été de - 0,7 % entre 2021 et 2023. De fait, le schéma d'emploi de la BnF au 31 décembre 2024 est négatif et s'élève à - 13 ETP.
Les investissements constituent un poste important, notamment du fait des grands travaux engagés par la BnF au cours des dernières années ou devant être prochainement engagés.
Le chantier de rénovation du quadrilatère Richelieu, terminé en 2022, s'est élevé à 247,6 millions d'euros, dont 205 millions d'euros versés par le ministère de la culture.
La construction du centre de stockage et de conservation d'Amiens devrait permettre de pallier la saturation des espaces de stockage des documents. 30 millions d'euros d'AE ont été ouvertes en LFI 2021, et sont décaissés au rythme de 4 millions d'euros en 2024 et 2025. Le budget prévisionnel du projet est fixé à près de 97 millions d'euros et devrait se terminer en 2029.
Hors grands projets, le niveau des investissements courants est demeuré stable sur la période. Le vieillissement des sites a cependant nécessité la mise en place de travaux de réhabilitation du site Richelieu et de remise à niveau des équipements du site Tolbiac, qui ont largement contribué à la progression de la subvention versée.
Plusieurs chantiers ont ainsi déjà débuté, certains devant prendre fin en 2027, pour un montant total de 63,3 millions d'euros. Il en va ainsi :
- du remplacement du système de sécurité incendie, estimé à 31 millions d'euros, les travaux devant s'étaler de 2020 à 2026 ;
- de la rénovation des équipements de la gestion technique centralisée et du système de gestion technique électrique, pour un montant de 5,4 millions d'euros étalé entre 2019 et 2025 ;
- du remplacement des 62 ascenseurs du socle, soit 1 million d'euros par an entre 2020 et 2026 ;
- du renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents, soit 5,9 millions d'euros étalés entre 2026 et 2027 ;
- l'amélioration de la performance énergétique des centrales de traitement d'air. Le coût de 1,3 million d'euros sera étalé entre 2022 et 2027 ;
- le remplacement des groupes froids de la production centralisée, soit 4 millions d'euros entre 2022 et 2025 ;
- la rénovation des installations électriques de puissance pour un coût de 9,7 millions d'euros à financer à partir de 2023.
Le niveau de fonds de roulement de la BnF s'élève à 50 millions d'euros. Le montant du fonds de roulement mobilisable, une fois retenus les montants fléchés, notamment vers le site d'Amiens, est estimé par la BnF de l'ordre de 18,87 millions d'euros à fin 2024. Cela correspond au niveau du seuil prudentiel des 30 jours de fonctionnement (18,6 millions d'euros).
II. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »
A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE 180 MILLIONS D'EUROS ENTRE 2023 ET 2024
L'article 6 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a, en effet, supprimé, dès 2022, la contribution à l'audiovisuel public (CAP), pour la remplacer, jusqu'en 2025, par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », qui retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public, comprend donc désormais :
- en recettes, la fraction du produit de la TVA nécessaire au financement des sociétés de l'audiovisuel public ;
- en dépenses, le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public, réparties au sein de six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public (841 - France Télévisions, 842 - ARTE France, 843 - Radio France, 844 - France Médias Monde, 845 - l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et 846 - TV5 Monde).
La LFI pour 2024 accordait aux sociétés d'audiovisuel public un montant total de TVA de 4,026 milliards d'euros.
Ce système a été pérennisé par la loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public6(*). Celle-ci a modifié l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 afin de permettre aux sociétés d'audiovisuel public de bénéficier de l'affectation d'un montant d'impôt d'État. L'article 124 de la loi de finances pour 2025 a donc permis l'affectation en 2025 d'un montant de TVA, fixé à 3,964 milliards d'euros.
Deux-tiers du compte de concours sont affectés à France Télévisions.
Répartition de la part du produit de
TVA
affectée aux sociétés de l'audiovisuel public
en 2024
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Alors que les crédits du CCF font généralement uniquement l'objet d'ajustements minimes en loi de finances de fin de gestion, l'année 2024 fait exception du fait de la suppression des trois-quarts des crédits du programme 848, c'est-à-dire du programme de transformation. De ce fait, les crédits du CCF sont sous-exécutés à hauteur d'1,26 %, soit 50 millions d'euros de moins que prévus en LFI 2024.
Montants accordés aux sociétés d'audiovisuel public
(en millions d'euros)
Programme |
Société |
Exécution 2023 |
Prévisions 2024 |
Exécution 2024 |
Écart prévision / exécution |
841 |
France Télévisions |
2 430,51 |
2 523,11 |
2 523,11 |
0,00 % |
842 |
ARTE France |
278,18 |
295,10 |
293,54 |
- 0,53 % |
843 |
Radio France |
623,41 |
652,95 |
652,95 |
0,00 % |
844 |
France Médias Monde |
284,86 |
299,20 |
299,55 |
0,12 % |
845 |
Institut national de l'audiovisuel |
99,93 |
103,91 |
104,08 |
0,16 % |
847 |
TV5 Monde |
79,97 |
83,45 |
83,83 |
0,45 % |
848 |
Programme de transformation |
0,00 |
69,00 |
19,00 |
- 72,46 % |
Dont France Télévisions |
0,00 |
45,00 |
12,39 |
- 72,46 % |
|
Dont ARTE France |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
0 |
|
Dont Radio France |
0,00 |
15,00 |
4,13 |
- 72,46 % |
|
Dont France Médias Monde |
0,00 |
5,00 |
1,38 |
- 72,46 % |
|
Dont Institut national de l'audiovisuel |
0,00 |
4,00 |
1,10 |
- 72,46 % |
|
Total |
3 796,85 |
4 026,73 |
3 976,06 |
- 1,26 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Néanmoins, dans la mesure où ces crédits avaient fait l'objet d'une importante hausse en LFI 2024, le niveau des crédits exécutés demeure supérieur de 180 millions d'euros à celui de 2023.
B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une diminution en gestion imputable à la quasi-suppression du programme de transformation
L'article 162 de la loi de finances pour 2024 prévoyait d'introduire la possibilité pour les entreprises de l'audiovisuel public de bénéficier d'avances finançant des « actions de transformation » identifiées dans les contrats d'objectifs et de moyens (COM).
D'après les documents budgétaires, l'enveloppe additionnelle dédiée à ces projets de transformation s'élevait à 200 millions d'euros sur trois ans, dont 69 millions d'euros au titre de 2024.
L'essentiel de ces financements conditionnels devait être affecté à France Télévisions (pour un montant de 45 millions d'euros) et, dans une moindre mesure, Radio France (à hauteur de 15 millions d'euros) et aux autres sociétés, à l'exception de TV5 Monde.
Une partie de ces financements a été débloquée dès le début de l'année 2024. Le décret d'annulation de février 2024 précité a ensuite annulé 20 millions d'euros sur les 69 millions d'euros initialement prévus. Les montants annulés ont été répartis au prorata de ceux initialement prévus. France Télévisions devait ainsi percevoir 32 millions d'euros, Radio France 10 millions d'euros, France Médias Monde 3,6 millions d'euros et enfin l'Ina 2,8 millions d'euros.
Le solde a ensuite été annulé par la loi de finances de fin de gestion. En conséquence, seuls 19 millions d'euros ont été attribués en 2024 aux différentes sociétés.
Exécution des crédits des programmes de transformation en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le rapporteur spécial n'avait que peu d'attentes vis-à-vis des programmes de transformation tels qu'ils avaient été présentés en 2024, dans la mesure où ceux-ci ne pouvaient en aucun cas être assimilés à une réelle réforme. Une part conditionnelle n'aurait pu être réellement positive que par un renforcement important des critères de performance. Le projet annuel de performances annexé au PLF 2024 se contentait d'indiquer, pour le seul indicateur du programme 848 (avancement des projets de transformation prioritaires) que « la cible 2024 sera définie pour chacun des projets de transformation prioritaires dans les COM 2024-2028 en cours de finalisation qui préciseront les indicateurs de suivi de la réalisation de ce projet ».
Force est de constater que la réduction du montant des programmes de transformation, déjà initialement marginal, a entériné leur faible ambition. À défaut d'une attribution des crédits sur la base de la performance des projets, ceux-ci n'auront finalement principalement servi que de marge d'ajustement budgétaire. Leur suppression en LFI pour 2025 n'aura fait que confirmer ce constat.
2. L'épineuse question de la trajectoire financière, dans un contexte d'incertitudes sur l'organisation de l'audiovisuel public
Les contrats d'objectifs et de moyens (COM), devant couvrir pour France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA la période 2024-2028, initialement conclus dès mi-2023, n'ont été finalisés qu'en juin 2024.
Le résultat de cette transmission tardive est la très courte vie des données chiffrées figurant dans les contrats, caducs dès leur signature. À peine quatre mois après la conclusion des contrats, les crédits votés pour 2025 sont largement inférieurs à la trajectoire des COM.
Comparaison de l'exécution 2024 et de
la trajectoire financière prévue
dans les COM
2024-2028
(en millions d'euros)
|
Prévision COM 2024 |
Exécution 2024 |
Variation COM / exécution |
Prévision COM 2025 |
Prévisions LFI 2025 |
Variation COM / exécution |
France Télévisions |
2 555,10 |
2 535,50 |
- 19,60 |
2 618,20 |
2 505,83 |
- 112,37 |
Radio France |
654,70 |
657,08 |
2,38 |
680,00 |
652,13 |
- 27,87 |
France Médias Monde |
275,30 |
300,93 |
25,63 |
285,10 |
303,88 |
18,78 |
INA |
103,50 |
105,18 |
1,68 |
105,60 |
104,96 |
- 0,64 |
Total |
3 588,60 |
3 598,69 |
10,09 |
3 688,90 |
3 566,81 |
- 122,09 |
Source : commission des finances d'après les COM
Aucun projet d'actualisation de ces contrats, dans une perspective d'efforts demandés à l'audiovisuel public, n'est réellement en cours, dans la mesure où l'incertitude sur le devenir de la réforme de l'audiovisuel public paralyse les discussions et empêche toute vision pluriannuelle.
3. La nécessité pour l'information et le contrôle du Parlement du maintien d'un compte de concours financiers
La Cour des comptes, relayant un point de vue qui a pu être émis par la direction du budget, note que « le maintien de comptes de concours financiers (CCF) dans le cadre de la réforme du financement de l'audiovisuel public a pu questionner »7(*).
Le rapporteur général Jean-François Husson a pourtant répondu à ces interrogations en indiquant, lors des débats en séance publique sur le PLF pour 2025, être défavorable à la volonté du Gouvernement de supprimer le compte de concours financiers.
En effet, le compte de concours financier a pour avantage de garantir une information complète du Parlement par le biais des documents budgétaires et son maintien constitue un enjeu de qualité du débat démocratique. Si l'audiovisuel public n'était plus financé par le CCF, les informations, portant pourtant sur un enjeu crucial et d'un montant conséquent, seraient dilués dans le tableau général des taxes affectées.
Si, d'un point de vue strictement juridique et comme le souligne la Cour, « un financement via la première partie du PLF aurait été envisageable », il aurait été dommageable pour le contrôle et le suivi de ce compte. La Cour des comptes elle-même n'aurait pu se pencher sur l'exécution des financements affectés à l'audiovisuel public dans le cadre d'une note d'exécution budgétaire.
La Cour note que « les CCF n'ont pas pour objet direct de permettre un financement avec des montants déterminés à l'euro en provenance de la TVA (et pas un pourcentage) ». Pour autant, ce système était appliqué dans le cadre du régime transitoire depuis 2022, sans que cela n'ait suscité de difficulté. Antérieurement, la redevance transitait également par le CCF, qui n'avait pas davantage la vocation à accueillir une part dynamique de ressources affectées. Quant aux craintes d'inconstitutionnalité du système, elles ont été aplanies par la décision du Conseil constitutionnel sur la LFI pour 20258(*), dans laquelle le Conseil n'a pas vu d'inconvénient au système actuel.
Enfin, et comme le souligne la Cour elle-même, le CCF permet de garantir un paiement mensuel des douzièmes, permettant aux sociétés d'audiovisuel public de disposer d'une ressource stable et prévisible.
* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024.
* 2 Décret n° 2024-303 du 2 avril 2024.
* 3 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.
* 4 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.
* 5 Articles 220 X et 220 quaterdecies du code général des impôts.
* 6Loi organique n° 2024-1177 du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l'audiovisuel public.
* 7 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2024 Mission Avances à l'audiovisuel public.
* 8 Décision n° 2025-874 DC du 13 février 2025 (Loi de finances pour 2025).