- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE LA
MISSION
- II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
- A. DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS TRÈS
IMPORTANTS VIENNENT ÉLOIGNER LA RÉALITÉ DE
L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE LA THÉORIE DES OUVERTURES DE
CRÉDITS EN LOI DE FINANCES
- B. LE PARADOXE DES « CONSOMMATIONS
NÉGATIVES » MET EN LUMIÈRE L'UTILISATION DE
PROCÉDURES BUDGÉTAIRES INACCEPTABLES
- C. IL EST TEMPS DE METTRE FIN À LA MISSION
« PLAN DE RELANCE »
- A. DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS TRÈS
IMPORTANTS VIENNENT ÉLOIGNER LA RÉALITÉ DE
L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE LA THÉORIE DES OUVERTURES DE
CRÉDITS EN LOI DE FINANCES
- I. L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE LA
MISSION
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 22 Rapporteur spécial : M. Jean-François HUSSON |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Les trois programmes de la mission se caractérisent, d'une manière peu conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, par leur taille très importante et par le regroupement d'un ensemble de mesures qui ne se rattachent pas véritablement à une politique unique.
2. La délégation des crédits vers des opérateurs ou le transfert vers d'autres ministères rend très difficile le suivi des crédits réellement consommés, que ce soit pour le Parlement ou pour l'administration elle-même.
3. Les crédits de paiement dépensés sur la mission « Plan de relance » en 2024 se sont élevés à 2 236 millions d'euros, en diminution de 45,8 % par rapport à l'année précédente.
4. En autorisations d'engagement, la consommation est négative et s'établit à - 1 273 millions d'euros. D'importants retraits d'engagement ont en effet résulté de l'annulation ou de la sous-exécution de programmes. Dans certains cas, des crédits de paiement transférés aux opérateurs en excès par rapport aux besoins finalement constatés ont dû être rétablis.
5. Malgré la diminution des dépenses, les mouvements de crédits ont été toujours aussi importants, les reports de crédits de paiement étant 2,5 fois plus élevés que les dépenses.
6. L'ensemble de ces procédures ont pour effet de rendre particulièrement obscur le lien entre la consommation de crédits et l'autorisation parlementaire.
7. Les crédits ont en conséquence été annulés dans la loi de finances pour 2025, sur la proposition du Sénat.
8. La mission, qui n'utilise plus que des crédits reportés en 2025, devrait disparaître de la maquette budgétaire en 2026.
I. L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE LA MISSION
A. LA MISSION « PLAN DE RELANCE » A POURSUIVI SA DÉCROISSANCE, AVEC DES DÉPENSES DE 2,2 MILLIARDS D'EUROS ET D'IMPORTANTS RETRAITS D'ENGAGEMENTS DE CRÉDITS
Les crédits exécutés sur la mission « Plan de relance » en 2024 se sont élevés à 2 236 millions d'euros en crédits de paiement, contre 6 579 millions d'euros prévus en loi de finances initiale. En autorisations d'engagement, le montant consommé est négatif à hauteur de - 1 273 millions d'euros en raison de retraits d'engagement, alors qu'aucune autorisation d'engagement n'a été ouverte en loi de finances initiale.
Évolution des crédits de la mission « Plan de relance » en 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
2023 |
2024 |
Exécution / prévision 2024 |
Exécution 2024 / 2023 |
|||||
Prévision LFI |
Exécution |
Prévision LFI |
Exécution |
en euros |
en % |
en euros |
en % |
||
362 - Écologie |
AE |
0,0 |
- 1,2 |
0,0 |
- 91,2 |
- 91,2 |
- 90,0 |
||
CP |
3 556,4 |
2 816,3 |
1 169,1 |
1 766,2 |
+ 597,2 |
51,1 % |
- 1 050,1 |
- 37,3 % |
|
363 - Compétitivité |
AE |
0,0 |
98,9 |
0,0 |
- 187,2 |
- 187,2 |
- 286,1 |
||
CP |
380,4 |
678,1 |
66,0 |
386,9 |
+ 320,8 |
486,2% |
- 291,3 |
- 43,0% |
|
364 - Cohésion |
AE |
0,0 |
- 79,4 |
0,0 |
- 995,1 |
- 995,1 |
- 915,6 |
||
CP |
460,7 |
632,0 |
178,9 |
82,6 |
- 96,3 |
53,8% |
- 549,3 |
- 86,9 % |
|
Total mission |
AE |
0,0 |
18,3 |
0,0 |
- 1 273,4 |
- 1 273,4 |
- 1 291,7 |
||
CP |
4 397,5 |
4 126,4 |
1 414,0 |
2 235,7 |
+ 821,7 |
58,1 % |
- 1 890,7 |
- 45,8 % |
AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement. Les évolutions en AE en %, qui n'ont guère de signification, ne sont pas indiquées dans ce tableau.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La mission comprend trois programmes. Les engagements ont été concentrés sur l'exercice 2021 et, de manière moins importante, sur l'exercice 2022. Les crédits de paiement ont été consommés sur un rythme élevé en 2021 et 2022 et ralentissent fortement en 2023 et 2024.
Consommation des crédits de 2021 à 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
B. LES TROIS PROGRAMMES SONT MARQUÉS PAR DE FORTES SOUS-CONSOMMATIONS DE CRÉDITS
1. Le programme 362 « Écologie » représente désormais les quatre cinquièmes des dépenses de la mission
Le programme 362 « Écologie » retrace des crédits qui contribuent à la transition écologique de l'économie. Sa consommation est de 1 766,2 millions d'euros en 2024 en crédits de paiement, soit 79,0 % des dépenses de la mission.
Évolution des crédits consommés sur le programme 362, par action
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Les crédits consommés ont été marqués par une forte sous-exécution.
Aux 1,2 milliard d'euros ouverts en loi de finances initiale, ont été ajoutés 3,3 milliards de crédits reportés de l'année 2023, tandis que 208,1 millions d'euros étaient transférés vers d'autres programmes. Ainsi 77,6 % des crédits de paiement disponibles en 2024 étaient des crédits de report.
Or les dépenses ont été de 1 766,2 millions d'euros, soit 41,1 % seulement des crédits disponibles, rendant inutiles la majeure partie des reports.
Parmi les principaux dispositifs financés, la rénovation thermique des bâtiments publics représente 8,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 295,9 millions d'euros en crédits de paiement, pour un total consommé depuis 2021 de 2,5 milliards d'euros, ce qui témoigne du ralentissement progressif des dépenses avec l'avancement des projets.
La rénovation énergétique des bâtiments des collectivités locales au titre du plan de relance a entraîné des dépenses de 196,6 millions d'euros en crédits de paiement.
Le fonds de recyclage des friches a représenté une dépense de 170,0 millions d'euros. La conjoncture économique en 2024 a ralenti les opérations et les restes à payer sont encore de 248,9 millions d'euros.
Les dépenses relatives aux infrastructures et à la mobilité vertes se sont encore élevées à 352,1 millions d'euros en 2024, dont 310 millions d'euros versés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour des projets de transport collectif (174 millions d'euros), des projets ferroviaires (petites lignes, trains de nuit, fret : 99 millions d'euros) et le plan vélo (38 millions d'euros).
Le projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) hydrogène a consommé 272,7 millions d'euros en 2024. Il s'agi de l'une des rares mesures dont les dépenses se maintiennent, voire augmentent (390 millions d'euros en 2022, 163 millions d'euros en 2023) en raison de la durée de leur mise en oeuvre. Le dispositif a été doté de 1 275 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2021 et doit poursuivre son déploiement jusqu'en 2036.
2. Le programme 363 « Compétitivité » consomme un quart des crédits disponibles
Le programme 363 « Compétitivité » comprend un ensemble de mesures très variées ayant trait aux entreprises et aux administrations, pour une consommation de 386,8 millions d'euros en 2024, soit 17,3 % des dépenses de la mission.
Toutes les actions du programme ont une consommation en diminution.
Évolution des crédits consommés sur le programme 363
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Les crédits initiaux, de 66,0 millions d'euros seulement, ont été complétés de pas moins de 1 490,1 millions d'euros de reports de crédits non consommés les années précédentes. En conséquence, 95,8 % des crédits disponibles provenaient de reports et les crédits consommés n'ont représenté que 24,9 % des crédits disponibles.
Ce programme regroupe un ensemble d'actions dont la cohérence est difficile à déterminer, comme le fait remarquer le rapporteur spécial chaque année.
13 opérateurs ont bénéficié de transferts de la part de ce programme en 2024, contre 77 en 2022 et 19 en 2023. Les sommes transférées à ces opérateurs sont de 103,7 millions d'euros. Deux opérateurs sont affectataires de la quasi-totalité des crédits, à savoir l'Agence de services et de paiement (ASP, 69,1 millions d'euros) et le Centre national d'études spatiales (CNES, 33,7 millions d'euros)1(*). Ces montants ne permettent toutefois pas de connaître ceux réellement reçus par les bénéficiaires des dispositifs, puisque les documents budgétaires retracent les montants versés par l'État aux tiers, en l'occurrence les opérateurs, et non les versements effectivement réalisés par ces derniers.
Les dépenses ont été réparties sur un grand nombre de projets, dont des projets de relocalisation industrielle (96,5 millions d'euros) ou de numérisation des entreprises (69,8 millions d'euros), même si le périmètre du programme se réduit progressivement d'année en année.
Ce programme reste marqué par diverses mesures qui auraient dû relever des dépenses courantes du ministère, comme le projet de facturation électronique (21,5 millions d'euros de crédits de paiement).
3. Le programme 364 « Cohésion » poursuit la réduction de ses dépenses pour sa dernière année d'exécution
Le programme 364 « Cohésion » porte des mesures relatives aux travailleurs, aux jeunes et aux territoires, qui ont consommé 82,6 millions d'euros en 2024, soit 3,7 % des dépenses de la mission. Ces dépenses peuvent paraître résiduelles par rapport à la taille initiale considérable de ce programme, qui a consommé 12,1 milliards d'euros en 2021, 4,6 milliards d'euros en 2022 et encore 632 millions d'euros en 2023. Depuis le premier trimestre 2024, des travaux préparatoires ont été engagés pour la clôture du programme 364, qui a été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025 et confirmée en loi de finances.
Évolution des crédits consommés sur le programme 364
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
La loi de finances initiale n'avait ouvert que 178,9 millions d'euros de crédits de paiement, uniquement sur l'action 07 « Cohésion territoriale ». Ces crédits ont été complétés par le report de 868,8 millions d'euros de crédits non consommés en 2023, tandis que 171,3 millions d'euros ont été transférés vers d'autres programmes. Au total, le taux de consommation des crédits est de 9,4 % seulement.
La loi de finances de fin de gestion2(*) a annulé 150 millions d'euros de crédits de paiement sur ce programme, réduisant d'autant les reports de crédits vers 2025. Ceux-ci se sont tout de même élevés à 643,8 millions d'euros, dirigés vers des programmes appartenant à d'autres missions budgétaires car le programme 364 a été supprimé de la maquette budgétaire en 2025.
Alors que cinq des huit actions n'avaient consommé aucun crédit de paiement en 2023, ce n'est le cas que de 3 actions en 2024. Les actions 01 « Sauvegarde de l'emploi » et 03 « Handicap » ont en effet eu des dépenses en 2024 mais pas l'année précédente.
Le suivi des crédits est toutefois particulièrement difficile sur ce programme en raison d'opérations comptables préalables à la clôture du programme.
Sur l'action 01 « Sauvegarde de l'emploi », des réallocations entre lignes de trésorerie de l'ASP se sont matérialisées par une remontée de crédits totale de 224,4 millions d'euros et une redescente de 141,6 millions d'euros vers l'opérateur pour combler des déficits de trésorerie sur certains dispositifs relevant du ministère en charge du travail et de l'emploi. Le rapport annuel de performances indique, non sans paradoxe, que ces opérations ont été réalisées « dans un objectif de transparence », alors qu'aucun détail n'est donné à leur sujet et que ces opérations reflètent surtout l'impossibilité de suivre réellement, en comptabilité budgétaire de l'État, des crédits transférés dans le cadre d'un programme aussi important à un opérateur tel que l'ASP, car celui-ci gère de nombreuses lignes de financement et peut transférer les financements d'une ligne à une autre en fonction des besoins résiduels.
Sur l'action 02 « Jeunes », les crédits de paiement sont négatifs, à hauteur de - 142,2 millions d'euros, ce qui est lié à plusieurs remontées de fonds en provenance du ministère chargé de l'emploi.
Enfin, 156,2 millions d'euros ont été consommés sur l'action 07 « Cohésion territoriale », pour plusieurs dispositifs dont le développement et la modernisation du réseau routier national et le renforcement des ponts (65,1 millions d'euros), et le déploiement de la fibre optique (30 millions d'euros).
Aucune dépense fiscale et aucun opérateur ne sont rattachés à la mission « Plan de relance ».
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
La mission « Plan de relance » s'est fondée sur des procédures dérogatoires au droit budgétaire commun : une part importante des crédits sont transférés à des opérateurs ou à d'autres programmes budgétaires, de sorte que la consommation des crédits sur la mission « Plan de relance » ne reflète que très indirectement leur décaissement réel au profit de la mise en oeuvre des politiques publiques visées.
En outre des reports de crédits très importants éloignent le niveau des crédits disponibles de ceux autorisés en loi de finances initiale.
A. DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS TRÈS IMPORTANTS VIENNENT ÉLOIGNER LA RÉALITÉ DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE DE LA THÉORIE DES OUVERTURES DE CRÉDITS EN LOI DE FINANCES
Les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale (21,8 milliards d'euros en 2021, 13,0 milliards d'euros en 2022, 4,4 milliards d'euros en 2024, 0 euro en 20253(*)) ne donnent qu'une vision très incomplète des crédits réellement mis à la disposition des gestionnaires de programme.
En effet, il faut ajouter les crédits supplémentaires ouverts en loi de finances rectificative (4,9 milliards d'euros en 2021) et les crédits reportés de l'année précédente (0,3 milliard d'euros en 2021, 6,2 milliards d'euros en 2022, 6,0 milliards d'euros en 2023, 5,7 milliards d'euros en 2024 et 4,1 milliards d'euros en 20254(*)), et retrancher les crédits transférés à d'autres missions du budget général (1,7 milliard d'euros en 2022, 0,6 milliard d'euros en 2023 et 0,4 milliard d'euros en 2024).
Mouvements de crédits sur la mission
« Plan de relance »
de 2021 à 2024
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Malgré la forte diminution des dépenses, les reports de crédits sont restés à un niveau remarquablement proche des années précédentes.
Alors que les reports de crédits représentaient déjà 36,0 % des crédits totaux et un peu plus de la moitié des dépenses en 2022, ils ont atteint un niveau égal à 84,6 % des crédits totaux et 2,5 fois plus élevé que les dépenses en 2024.
Reports de crédits de 2023 vers 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des arrêtés de report
En fait, ces reports étaient largement inutiles.
Sur le programme 364 « Cohésion », par exemple, un arrêté pris le 12 mars 2024 a reporté 215 millions d'euros en autorisations d'engagement et 869 millions d'euros en crédits de paiement de 2023 vers 2024, minorés de 171 millions d'euros en crédits de paiement par deux décrets de transferts pris le 26 juin et le 28 novembre 2024. Or la consommation, sur ce programme, a été négative en autorisations d'engagement (voir infra) et très inférieure à la prévision en loi de finances initiale pour ce qui concerne les crédits de paiement (82,6 millions d'euros contre 179 millions d'euros).
D'une manière générale, le faible niveau des besoins a été confirmé par des mesures de surgel de crédits d'un niveau très élevé : 2 574,2 millions d'euros sur le programme 362, 678,4 millions d'euros sur le programme 363 et 326,9 millions d'euros sur le programme 364, lesquels, au lieu de faire l'objet d'une annulation intégrale en loi de finances de fin de gestion, ont été largement reportés à 2025. La loi de finances de fin de gestion n'a en effet annulé que 150 millions d'euros, sur le programme 364.
Non seulement les reports n'étaient pas nécessaires, mais la demande de crédits en loi de finances initiale avait elle-même largement dépassé les besoins.
Or le Gouvernement poursuit cette pratique en 2025, puisque le présent projet de loi de résultats n'annule aucun crédit sur ce programme5(*). Plusieurs décrits pris avant le 15 mars 2025 ont reporté 644 millions d'euros non consommés vers plusieurs programmes du budget général, car le programme 364 n'existe plus dans la maquette budgétaire en 2025.
Reports du programme 364
(en millions d'euros)
Date du décret |
Montant annulé sur le programme 364 |
Programme destinataire |
7 mars 2025 (1) |
142,6 |
Multiples |
7 mars 2025 (2) |
384,0 |
Multiples |
11 mars 2025 |
12,9 |
230 « Vie de l'élève » |
13 mars 2025 (1) |
103,7 |
Multiples |
13 mars 2025 (2) |
0,6 |
157 « Handicap et dépendance » et 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » et |
Total |
643,8 |
Source : commission des finances, à partir des décrets de report
Ces reports croisés sont en outre difficilement compréhensibles, car regroupés dans la plupart des décrets avec des annulations et reports de crédits portant sur d'autres programmes budgétaires.
À titre d'exemple, l'un des arrêts de report pris le 7 mars 2025 regroupe des reports de crédit portant sur les missions « Engagements financiers de l'État », « Plan de relance », « Recherche et enseignement supérieur » et cinq programmes de la mission « Économie », dont un report de crédits de 1 839 millions d'euros sur le programme de financement des opérations patrimoniales du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »6(*).
B. LE PARADOXE DES « CONSOMMATIONS NÉGATIVES » MET EN LUMIÈRE L'UTILISATION DE PROCÉDURES BUDGÉTAIRES INACCEPTABLES
Les conséquences de l'utilisation de méthodes budgétaires inacceptables ont atteint leur comble en 2024.
Le montant des crédits consommés sur l'aide à la rénovation énergétique des logements privés est ainsi, en 2024, négative à hauteur de - 38,2 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, alors qu'aucun décaissement n'était prévu7(*).
Cette « consommation négative » est une fiction comptable résultant du versement en une seule fois, en 2023, de la totalité du reliquat de crédits de paiement dus sur la base des engagements effectivement consommés sur le budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans le cadre du plan de relance. Or il est apparu, a posteriori, que ce versement avait été trop élevé, certaines opérations ayant été annulées, d'où un rétablissement de crédits de 38,2 millions d'euros effectué par l'Agence sur le programme 362.
De même, l'Agence de services et de paiement (ASP) a rétabli 82,7 millions d'euros de crédits versés en excédent par le programme 364 au titre de dispositifs relevant du ministère du travail et de l'emploi.
Les « consommations négatives » sont nombreuses sur d'autres lignes budgétaires, généralement en autorisations d'engagement à cause de retraits d'engagement, pour des montants parfois très élevés.
Les retraits d'engagement juridique et les rétablissements de crédits
Le recueil des règles de comptabilité budgétaire de l'État indique qu'« un retrait d'engagement peut être réalisé pour ajuster l'engagement à la réalité de la dépense »8(*). La Cour des comptes recense trois situations pouvant entraîner un retrait d'engagement9(*) :
- un projet ayant réalisé le soutien de l'État via le plan de relance peut avoir connu une réalisation incomplète, comme c'est le cas du dispositif « Industrie du futur » ;
- des crédits excédentaires peuvent avoir été versés à un opérateur par rapport aux besoins : il y a dans ce cas rétablissement de crédits sur les programmes de la mission ;
- les règles d'engagement spécifiques à certains dispositifs peuvent postuler un niveau d'engagement juridique structurellement supérieur à celui constaté en pratique.
Source : commission des finances
Sur le dispositif « Industries du futur », porté par le programme 363 « Compétitivité », 200 millions d'euros d'engagement ont été retirés en raison d'un taux de chute de 23 %, soit parce que les projets ont été abandonnés ou n'ont pas respecté les conditions de la subvention (nature de l'investissement ou délais de réalisation), soit parce que la subvention à octroyer était moins importante que prévu car le projet n'était que partiellement éligible.
Un tel taux de chute devrait attirer l'attention de l'administration sur la manière dont l'aide a été conçue. Le comité d'évaluation du plan de relance avait déjà porté une appréciation mitigée sur ce dispositif, considérant qu'il avait davantage financé la modernisation d'équipements que le passage à une véritable rupture technologique. En outre, les bénéficiaires étaient des entreprises déjà avancées technologiquement avant le lancement du plan de relance.
Les consommations négatives les plus importantes concernent l'action 02 « Jeunes » du programme 364 « Cohésion », où elles s'élèvent à 1 015 millions d'euros en autorisations d'engagement et 138 millions d'euros en crédits de paiement. Ce montant provient de ce que le rapport annuel de performances appelle des « opérations de nettoyage » conduites auprès de l'ASP, opérateur en charge d'aides portées par cette action, qui a abouti à des désengagements massifs portant principalement sur le dispositif d'aide exceptionnelle à l'apprentissage.
Ces consommations négatives résultent donc d'un surfinancement initial, mais aussi du mécanisme financier retenu pour la mise en oeuvre du plan de relance : non seulement l'instruction des demandes d'aide, mais aussi leur paiement a été délégué à des opérateurs, ce qui oblige l'État à verser a priori un certain montant estimatif qui doit ensuite être ajusté en fonction du besoin réel. Un paiement direct depuis le budget de l'État n'aurait certainement pas présenté une même complexité pour le suivi budgétaire.
Enfin, une autorisation d'engagement d'une année précédente, si elle est retirée, ne permet pas au gestionnaire de programme de la réutiliser au titre de l'année en cours10(*).
Toutefois, la Cour des comptes note un cas où des crédits auraient dû être rétablis sur le programme 363. Le Centre national du cinéma (CNC) a bénéficié, en 2021, d'une enveloppe de 165 millions d'euros au titre de ce programme, mais les versements opérés par l'État dans le cadre de la crise sanitaire se sont révélés largement supérieurs aux prévisions de dépenses et ont contribué à un accroissement de sa trésorerie. La Cour estime qu'un rétablissement de crédits d'un montant de 48,5 millions d'euros devrait dès lors être réalisé sans délai, indépendamment du prélèvement de 500 millions d'euros effectué par la loi de finances initiale pour 2025 sur le fonds de roulement du CNC11(*), lequel tendait à reprendre les excédents de trésorerie accumulés par l'opérateur depuis 2017.
Ces consommations négatives sont probablement beaucoup plus visibles du fait que les consommations « positives », surtout en autorisations d'engagement, sont absentes sur la plupart des lignes budgétaires et qu'il ne peut donc y avoir de compensation des unes par les autres.
Ces exemples montrent combien la présentation des crédits de cette mission échoue à informer réellement le Parlement et des citoyens.
Cet échec ne provient pas d'un non-respect des règles de la comptabilité budgétaire, mais de la nature même de la mission et des modalités de gestion des crédits retenus dès l'origine. Il est donc temps d'en tirer les conséquences et de mettre enfin un terme à la mission « Plan de relance ».
C. IL EST TEMPS DE METTRE FIN À LA MISSION « PLAN DE RELANCE »
Deux années de suite, lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2024, le Sénat a voté la suppression de la mission « Plan de relance », considérant que cette mission n'avait plus lieu d'être alors que la crise sanitaire, qui en avait justifié le lancement, était achevée depuis longtemps.
L'analyse des crédits faite dans le présent rapport confirme qu'il n'y a plus aucun sens à présenter dans un véhicule budgétaire ad hoc des reliquats de crédits qui se rapportent en réalité à des politiques menées par les missions de droit commun.
Alors que cette mission devait permettre de retracer l'exécution des crédits spécifiquement ouverts au titre du plan de relance, la multiplication de procédures spéciales a abouti au contraire à réduire la transparence de l'utilisation de ces crédits.
Le rapporteur spécial appelle donc à la suppression des deux derniers programmes de la mission « Plan de relance » dans le cadre de la loi de finances pour 2026.
Cette suppression de la mission dans la maquette budgétaire ne mettra bien sûr pas fin aux engagements déjà pris et pour lesquels devront être ouverts, sur les missions de droit commun auxquels ils se rattachent par leur nature, les crédits strictement nécessaires à l'achèvement des projets en cours.
* 1 S'agissant des onze autres opérateurs, neuf d'entre eux reçoivent exactement le même montant, à savoir 50 000 euros, correspondant au solde d'une enveloppe de 90 000 euros engagée en 2022 pour des dépenses liées à la sécurité des systèmes d'information.
* 2 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 3 Alors que le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait une ouverture de crédits de 169 millions d'euros en crédits de paiement uniquement, le Sénat a annulé cette ouverture de crédits, ce qui a été ensuite confirmé en commission mixte paritaire.
* 4 Hors reports de 0,6 milliard d'euros du programme 364, supprimé en 2025, vers d'autres programmes du budget général (voir infra).
* 5 Pour être parfaitement précis, le présent projet de loi propose l'annulation de 0,96 euro sur le programme 364, car les montants reportés ont été égaux au montant des crédits non consommés arrondi à l'euro inférieur.
* 6 La comparaison des montants annulés et réouverts sur chaque programme semble toutefois indiquer que les crédits annulés sur le programme 364 au titre de 2024 sont ouverts en 2025 sur les programmes 134 « Développement des entreprises et régulations », à hauteur de 22,6 millions d'euros, et 343 « Plan France Très haut débit », à hauteur de 120,0 millions d'euros, de la mission « Économie ».
* 7 Projet annuel de performances relatif à la mission « Plan de relance », annexé au projet de loi de finances pour 2024.
* 8 Direction du budget, Recueil des règles de comptabilité budgétaire de l'État, section IV. A.2.3.3, janvier 2023.
* 9 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire relative à la mission « Plan de relance », annexée au projet de loi de règlement pour 2024.
* 10 Article 160 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).
* 11 VII de l' article 125 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.