- I. LES PROGRAMMES « POLICE
NATIONALE » ET « GENDARMERIE
NATIONALE »
- A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS
EN 2024
- B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
- 1. Une tension budgétaire
particulièrement forte pour la mission en 2024 dans un
contexte marqué par des évènements d'ampleur
- 2. Une hausse des dépenses de personnel qui
s'est accélérée en 2024...
- 3. ... qui s'accompagne d'une progression des
dépenses de fonctionnement, au détriment des dépenses
d'investissement
- 1. Une tension budgétaire
particulièrement forte pour la mission en 2024 dans un
contexte marqué par des évènements d'ampleur
- A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS
EN 2024
- II. LE
PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION
ROUTIÈRES »
- III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE
« CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT
ROUTIERS » (CAS « RADARS »)
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N°
29a (Programmes 152 « Gendarmerie
nationale », 176 « Police nationale » COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : CONTRÔLE DE
LA CIRCULATION Rapporteur spécial : M. Bruno BELIN |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
Les principales
observations
du rapporteur spécial
1. L'exécution de l'exercice 2024 s'élève pour l'ensemble de la mission « Sécurités » à 25,4 milliards d'euros en AE (+ 0,2 % par rapport à la loi de finances initiale, soit + 43 millions d'euros) et à 25,5 milliards d'euros en CP (+ 4,8 %, soit + 1,17 milliard d'euros).
2. Les crédits exécutés du programme 152 « Gendarmerie nationale » sont supérieurs de 0,8 % en AE et de 5,9 % en CP (soit respectivement + 87 millions d'euros et + 617 millions d'euros) aux crédits initiaux. Pour le programme 176 « Police nationale », ils sont en hausse en CP de + 3,9 % mais figurent en baisse de - 0,6 % en AE (soit respectivement + 511 millions d'euros et - 85 millions d'euros).
3. L'exécution des crédits en 2024 s'est opérée dans un contexte riche en évolutions et événements pour la mission. Deuxième année d'application de la LOPMI1(*) et année d'aboutissement de la réforme de la police nationale, 2024 a été marquée par une mobilisation particulièrement intense - et plus forte qu'attendue - des forces de sécurité intérieure. Au travail quotidien et à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024, évènement d'ampleur mondiale, s'est en effet ajoutée la gestion de multiples crises, en particulier celle en Nouvelle-Calédonie.
4. L'exercice 2024 a été caractérisé par une tension budgétaire très forte, en dépit de la hausse des crédits prévue en loi de finances initiale, en raison de la nécessité de financer des dépenses non-budgétées initialement liées à la sécurisation des JOP, pourtant prévisibles, et à la crise en Nouvelle-Calédonie. Si la situation a été résolue pour les dépenses de personnel et de fonctionnement par l'ouverture d'un niveau de crédits nouveaux significatif par la loi de finances de fin de gestion2(*), elle a néanmoins conduit à une forte réduction des engagements en matière d'investissement, et à divers problèmes de trésorerie en cours d'année ayant notamment contraint la gendarmerie nationale à reporter le paiement de ses loyers au dernier quadrimestre.
5. L'exercice 2024 a renforcé la tendance structurelle observée ces dernières années à l'éviction des dépenses d'investissement par les dépenses de personnel (dont la hausse s'est accélérée, essentiellement en raison de mesures salariales) et, dans une moindre mesure, de fonctionnement, en contradiction avec l'esprit de la LOPMI.
6. En 2024, les dépenses exécutées du CAS sont en hausse par rapport à 2023 (+ 6,8 % en AE et + 5,1 % en CP), s'établissant à 1,818 milliard d'euros. Les recettes exécutées s'établissent quant à elles à 1,877 milliard d'euros, permettant de dégager un solde positif.
I. LES PROGRAMMES « POLICE NATIONALE » ET « GENDARMERIE NATIONALE »
A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2024
Pour l'ensemble de la mission « Sécurités »3(*), les crédits initiaux prévus pour 2024 affichaient une hausse de 3,2 % en autorisations d'engagement (AE, + 788 millions d'euros) et de 5,4 % en crédits de paiement (CP, + 1,244 milliard d'euros), par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Ils s'établissaient à 25,4 milliards d'euros en AE et à 24,3 milliards d'euros en CP.
L'exécution de l'exercice 2024 s'établit, à l'échelle de la mission, à 25,4 milliards d'euros en AE (+ 0,2 % par rapport à la loi de finances initiale, soit + 43 millions d'euros) et à 25,5 milliards d'euros en CP (+ 4,8 %, soit + 1,17 milliard d'euros).
L'exécution des crédits en 2024 s'est opérée dans un contexte riche en évolutions et événements pour les programmes 152 « Gendarmerie nationale » et 176 « Police nationale », qui regroupent 95,9 % des CP consommés en 2024 au sein de la mission.
Exécution des crédits des programmes
152 « Gendarmerie nationale »
et
176 « Police nationale » en 2024
(en millions d'euros)
Programme |
Crédits exécutés 2023 |
Loi de finances initiale (LFI) pour 2024 |
Crédits exécutés 2024 |
Évolution des crédits exécutés 2024-2023 |
Exécution 2024 par rapport à la LFI 2024 |
|
Police nationale |
AE |
12 542,8 |
13 362,0 |
13 276,8 |
+ 5,9 % |
99,4 % |
CP |
12 376,2 |
12 932,7 |
13 443,2 |
+ 8,6 % |
103,9 % |
|
Gendarmerie nationale |
AE |
10 406,5 |
11 031,5 |
11 118,3 |
+ 6,8 % |
100,8 % |
CP |
10 136,9 |
10 393,0 |
11 009,9 |
+ 8,6 % |
105,9 % |
|
Total |
AE |
22 949,4 |
24 393,6 |
24 395,1 |
+ 6,3 % |
100,0 % |
CP |
22 513,1 |
23 325,7 |
24 453,1 |
+ 8,6 % |
104,8 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
En effet, c'était tout d'abord la deuxième année d'application de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur4(*) (LOPMI).
La loi
du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation
du
ministère de l'intérieur
La LOPMI présente les orientations financières et stratégiques pour le ministère de l'Intérieur pour les années 2023 à 2027, notamment pour la police et la gendarmerie nationales. Le budget du ministère de l'Intérieur, qui porte sur plusieurs missions budgétaires5(*), passerait, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », de 20,78 milliards d'euros en CP en 2022 à 25,35 milliards d'euros en CP en 2027 (+ 4,57 milliards d'euros des crédits annuels, soit + 22,0 %). Au total, la hausse de budget cumulée sur les cinq années 2023-2027 atteindrait environ 15 milliards d'euros.
S'agissant des axes stratégiques, le rapport annexé au projet LOPMI présente différents objectifs et décisions pluriannuelles pour les forces de sécurité intérieures. Ils sont orientés par plusieurs objectifs principaux : être à la hauteur de la révolution numérique, doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l'horizon 2030 et mieux anticiper les menaces et les crises.
Il est notamment prévu, s'agissant des forces de sécurité :
- la création de nouvelles brigades de gendarmerie et d'unités de forces mobiles ;
- leur transformation numérique qui vise à la fois à développer les outils numériques des forces de sécurité intérieure, à développer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et à renforcer la relation numérique avec les citoyens ; en outre, est actée la création d'une Agence du numérique des forces de sécurité, ainsi qu'une école de formation cyber ;
- de doter les policiers et les gendarmes de matériels plus performants et innovants ;
- une réforme de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de ses implantations départementales ;
- des mesures en faveur de la filière d'investigation et l'augmentation de ses effectifs ;
- un effort sur la formation des forces de sécurité intérieure, avec une augmentation de 50 % du temps de formation initiale et un doublement de la formation continue ;
- une professionnalisation de la fonction immobilière du ministère ainsi que de la politique d'achats, avec de nouveaux outils ;
- de moderniser la gestion des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales, notamment dans le cadre des protocoles signés avec les organisations syndicales en mars 20226(*).
Source : LOPMI et commission des finances
En outre, l'année 2024 a connu une mobilisation particulièrement intense - et plus forte qu'attendue - des forces de sécurité intérieure. Au travail quotidien et à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024, évènement d'ampleur mondiale, s'est en effet ajouté la gestion de multiples crises, en particulier celle en Nouvelle-Calédonie (qui a nécessité d'y déplacer 32 escadrons de gendarmerie mobile et des effectifs du groupement d'intervention de la gendarmerie nationale et de l'unité du RAID de la police nationale), mais également dans d'autres territoires ultramarins, parmi lesquels Mayotte, à la suite du passage du cyclone Chido. Le durcissement des situations d'intervention se reflète par ailleurs sur le niveau d'engagement des forces de sécurité intérieure. En 2024, pour ce qui concerne les gendarmes, 13 d'entre eux sont décédés, 9 995 ont été blessés et 5 463 ont subi des agressions physiques.
Enfin, c'est en 2024 que la mise en oeuvre concrète de la réforme de la police nationale s'est achevée. Cette réforme a consisté, en 2023, en la création des nouvelles directions nationales par filière métier et de l'Académie de police, ainsi que dans la mise en place, en 2024, des directions interdépartementales et départementales unifiant quatre filières (sécurité publique, police judiciaire, renseignement territorial et police aux frontières), placés sous un commandement unique, dans l'objectif de favoriser une meilleure allocation des ressources et une plus grande efficacité.
En 2024, la loi de finances initiale prévoyait, pour les deux programmes, un montant de crédits de 24,4 milliards d'euros en AE et de 23,3 milliards d'euros en CP, en hausse respectivement de 5,7 % et de 4,7 % par rapport à 2023. Si les CP sont sur-exécutés, à hauteur de 4,8 % (+ 1,13 milliard d'euros), les AE connaissent en revanche une exécution globale conforme à la prévision initiale (+ 1,5 million d'euros). En un an, le montant des crédits exécutés a nettement augmenté, de 6,3 % en AE (+ 1,45 milliard d'euros) et de 8,6 % en CP (+ 1,94 milliard d'euros).
Écarts entre la loi de finances
pour 2024 et l'exécution
2024
pour les programmes 152 « Gendarmerie
nationale » et 176 « Police
nationale »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Les deux programmes connaissent une exécution différente. Les crédits exécutés du programme 152 « Gendarmerie nationale » sont supérieurs de 0,8 % en AE et de 5,9 % en CP (soit respectivement + 87 millions d'euros et + 617 millions d'euros) aux crédits initiaux. Pour le programme 176 « Police nationale », ils sont en hausse en CP (+ 3,9 %) mais sont en baisse de - 0,6 % en AE (soit respectivement + 511 millions d'euros et - 85 millions d'euros).
En 2024, les crédits de la mission, y compris les programmes 176 et 152, ont connu d'importants mouvements en cours d'exécution. Au-delà d'une régulation budgétaire ayant pris des proportions importantes avant que les crédits ne soient intégralement dégelés7(*), l'année 2024 a été marquée par des reports de crédits significatifs de 2023, une annulation significative de crédits par le décret du 21 février 20248(*), des apports de fonds de concours et d'attributions de produits, des virements et transferts et, enfin, l'ouverture de crédits nouveaux importants par la loi de finances de fin de gestion pour 20249(*).
Exécution budgétaire de la mission en CP pour l'exercice 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une tension budgétaire particulièrement forte pour la mission en 2024 dans un contexte marqué par des évènements d'ampleur
En 2024, l'exécution budgétaire a été réalisée dans des conditions difficiles à l'échelle de la mission, et notamment s'agissant des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».
D'une part, bien que les crédits prévus en LFI pour ces programmes étaient en nette hausse10(*), les forces de sécurité intérieure ont dû faire face, en exécution, à la gestion d'évènements de grande ampleur dont l'impact budgétaire n'avait pas été programmé, en particulier la sécurisation des JOP et le rétablissement de l'ordre en Nouvelle-Calédonie. Cette situation aurait pu être partiellement évitée s'agissant du coût - prévisible - de la sécurisation des JOP.
D'autre part, dans un contexte de finances publiques dégradées, la mission « Sécurités » a en outre connu une annulation de 232 millions d'euros de crédits par le décret du 21 février 202411(*), dont 134 millions d'euros pour la police nationale et 20 millions d'euros pour la gendarmerie nationale.
Cette situation a conduit les responsables de programme à devoir gérer pendant de longs mois, « sous enveloppe » initiale, le financement cumulé des besoins programmés et des surcoûts, au détriment notamment des dépenses d'investissement, conformément à un effet d'éviction puissant et trop récurrent12(*). In fine, le dégel intégral des crédits mis en réserve et l'ouverture de 824 millions d'euros de CP13(*) par la loi de finances de fin de gestion pour 2024 (LFFG) ont permis de financer l'ensemble des dépenses indispensables de la gendarmerie et de la police nationales en personnel et en fonctionnement. Néanmoins, outre l'impact sur les dépenses d'investissement, le fait que certaines dépenses structurelles, à l'image des salaires des policiers nationaux de décembre et des loyers de la gendarmerie du dernier quadrimestre 2024, n'aient pu être réglées qu'au profit de la LFFG témoigne de la trop forte tension budgétaire constatée en 2024.
L'incapacité de la gendarmerie nationale de
payer certains de ses loyers
à l'automne 2024, au
détriment des collectivités territoriales
Sur l'ensemble du territoire français, la gendarmerie nationale occupe plus de 3 700 casernes, couvrant sa zone géographique de compétence, à savoir 95 % du territoire et 50 % de la population. Ce parc représente environ 11 millions de mètres carrés.
Au sein de cet ensemble, le parc dit « domanial » appartient à l'État. Il regroupe un peu moins de 700 casernes, mais près de la moitié de la surface. Le parc dit « locatif », appartient pour l'essentiel aux organismes « HLM » et aux collectivités territoriales. Il représente environ 3 000 casernes et plus de la moitié de la surface. Il est en extension, contrairement au parc domanial.
Le fonctionnement du parc locatif repose sur le principe que les collectivités territoriales ou les organismes « HLM » investissent pour construire des locaux pour la gendarmerie nationale en échange du versement d'un loyer permettant d'amortir l'investissement.
Si la gendarmerie est considérée comme un bon payeur, l'automne 2024 avait été marqué par une suspension du paiement par elle de certains de ses loyers, dans le cadre de l'effet d'éviction mentionné supra.
En effet, la gendarmerie avait suspendu le versement des loyers du dernier quadrimestre 2024 aux bailleurs (collectivités territoriales et organismes « HLM »), à l'exception du tiers d'entre eux jugés financièrement les plus fragiles. L'ensemble des baux faisant l'objet d'un report de paiement auraient représenté un montant d'environ 90 millions d'euros. Les collectivités territoriales représentaient environ 49 % des bailleurs concernés et 52 % du montant total (2 500 baux pour 47 millions d'euros).
2. Une hausse des dépenses de personnel qui s'est accélérée en 2024...
Dans le contexte de l'examen du projet de LOPMI, la Première ministre Élisabeth Borne avait annoncé, le 6 septembre 2022, la création d'environ 8 500 postes de policiers et gendarmes entre 2023 et 2027, poursuivant sur la lancée du quinquennat précédent.
Dans ce contexte, l'exercice 2024 est marqué, comme en 2023, par une hausse significative des effectifs. Le schéma d'emplois pour les deux programmes était fixé à + 2 184 ETP en loi de finances initiale, soit le deuxième niveau le plus élevé depuis 2016 (après 2023, avec + 2 857 ETP). Il a été globalement respecté : pour la police nationale, la hausse est de + 1 094 ETP (au lieu de + 1 139 ETP), et pour la gendarmerie nationale de + 1 059 ETP (au lieu de + 1 045 ETP), soit + 2 153 ETP au total. La hausse des effectifs a notamment vocation, pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, à permettre l'ouverture des nouvelles brigades, dont 80 ont été mises en place en 2024, sur les 238 prévues.
Selon la Cour des comptes14(*), sur la période 2015-2024, 21 626 ETP supplémentaires ont été créés à l'échelle de la mission « Sécurités », dont l'essentiel pour la police et la gendarmerie nationales.
En parallèle de cette hausse des effectifs, la rémunération des policiers et gendarmes a fait l'objet de revalorisations successives. Celles-ci sont intervenues soit sous la forme de décisions interministérielles, à l'image de la hausse du point d'indice des fonctionnaires en 2022 et 2023 ou des rehaussements des rémunérations les plus basses, soit par l'intermédiaire de protocoles sociaux spécifiques aux forces de sécurité intérieure, en particulier via les protocoles de 2016, 2018 et 2022. Ces revalorisations touchent le traitement indiciaire et le régime indemnitaire des agents. À titre d'exemple, les deux protocoles de mars 2022 pour la modernisation des ressources humaines signés dans la police nationale et dans la gendarmerie nationale devraient conduire à des dépenses supplémentaires d'environ 1,5 milliard d'euros sur 5 ans, à compter de 2023, notamment sous la forme de primes et d'indemnités.
Le cumul des effets « volume » (hausse des effectifs) et « valeur » (hausse des rémunérations) conduit finalement à une augmentation globale et continue des dépenses de personnel pour les deux forces. S'est, en outre, ajouté en 2024 un effet conjoncturel lié aux primes accordées au titre de la sécurisation des JOP.
En 2024, au sein de la police nationale, les dépenses de personnel exécutées ont augmenté de 590 millions d'euros, hors CAS « Pensions ». L'impact du schéma d'emplois a été de 82 millions d'euros, tandis que les mesures catégorielles nouvelles (ou leur première application en année pleine) ont eu un coût de 243 millions d'euros (dont 111 millions d'euros au titre du protocole de 2022), la variation du point d'indice de 42 millions d'euros, la prime « JOP » de 202 millions d'euros et l'indemnisation des heures supplémentaires réalisés au titre des JOP de 78 millions d'euros15(*).
Au sein de la gendarmerie nationale, les dépenses de personnel exécutées ont augmenté de 389 millions d'euros, hors CAS « Pensions ». L'impact du schéma d'emplois a été de 36 millions d'euros, tandis que les mesures catégorielles nouvelles (ou leur première application en année pleine) ont eu un coût de 167 millions d'euros (dont 83 millions d'euros au titre du protocole de 2022), la variation du point d'indice de 29 millions d'euros, et la prime « JOP » de 112 millions d'euros16(*).
Les dépenses de personnel (dites du « titre 2 ») des deux programmes augmentent ainsi nettement en 2024, de 7,2 % (+ 1,38 milliard d'euros) par rapport à l'exécution 2023. Les crédits exécutés de personnel s'établissent à 20,6 milliards d'euros pour les deux programmes. La hausse des dépenses sur un an représente 108 % de celle de l'ensemble des AE des deux programmes en 2024, et 61,5 % de celle des CP.
Il résulte de cette tendance que les crédits de personnel représentent une part substantielle de la hausse des crédits de la mission prévue à l'horizon 2027. La LOPMI prévoyait, pour l'année 2027, une hausse des crédits de titre 2 de 1,5 milliard d'euros par rapport au montant exécuté de 2022 pour ces deux programmes ; cette hausse sera nettement dépassée.
Afin d'évaluer l'efficacité de la hausse des crédits de personnel, celle-ci doit être mise en regard avec les objectifs qui lui sont assignés, à savoir principalement la hausse de la présence des forces sur la voie publique, d'une part, et une fidélisation des agents, d'autre part.
Sur le premier point, le taux d'engagement des effectifs sur la voie publique apparait effectivement en hausse, avec un taux de 32,4 % contre 29,7 % en 2023 pour la police nationale et de 44 % pour la gendarmerie nationale contre 41 % en 2023. Cette progression est une bonne nouvelle et doit être saluée ; elle doit se poursuivre.
Sur le second point, les résultats sont moins clairs. En effet, les départs restent aujourd'hui nombreux dans les deux forces. En 2024, le taux de renouvellement annuel des personnels s'établit à 6 % pour la police nationale et à 11 % pour la gendarmerie selon la Cour des comptes17(*). Ce niveau élevé de départs touche à la fois les départs en retraite (en hausse de 3 % depuis 2019 dans la gendarmerie nationale, et de 50 % pour la police nationale), les départs temporaires et les ruptures et fins de contrats, dans un contexte d'augmentation du recours aux contractuels.
Ces départs sont compensés par une intensification du recrutement depuis plusieurs années, en particulier par l'intermédiaire de la promotion interne des policiers et gendarmes adjoints, et par des détachements et mutations vers les deux forces. Néanmoins, cette situation appelle deux remarques.
En premier lieu, elle est de nature à créer des déséquilibres au sein des services du fait de vacances de postes et de pertes de compétences, à saturer un appareil de formation déjà sous forte tension du fait de la hausse des effectifs et, enfin, à créer des distorsions de profils dans la gestion des recrutements.
En deuxième lieu, ce niveau élevé de départs témoigne des limites des hausses de rémunération récentes pour fidéliser les personnels. Comme l'a souvent proposé la Cour des comptes dans ses rapports, il apparait souhaitable de s'appuyer également sur d'autres leviers à cet effet, notamment par l'intermédiaire d'une politique de ressources humaines rénovée, et de meilleures conditions matérielles de travail, notamment en termes d'immobilier.
3. ... qui s'accompagne d'une progression des dépenses de fonctionnement, au détriment des dépenses d'investissement
a) Une augmentation des dépenses de fonctionnement largement liée à la sécurisation des JOP et à la gestion des crises
En 2024, les crédits hors titre 2 exécutés s'établissent à 3,78 milliards d'euros en AE et à 3,84 milliards d'euros en CP. Ils sont en hausse de 1,9 % par rapport à 2023 en AE (+ 69 millions d'euros), et de 17,2 % en CP (+ 563 millions d'euros).
Cette évolution conduit à maintenir les équilibres globaux en vigueur entre ces deux types de crédits au sein des deux programmes. Les dépenses de personnel continuent ainsi de représenter près de 85 % des crédits, un niveau élevé, contre un peu plus de 15 % pour les dépenses hors titre 2.
Part des dépenses de personnel dans
l'ensemble des crédits exécutés
de la
« Police nationale » et de la « Gendarmerie
nationale »
(en CP, en millions d'euros, en exécution)
2023 |
2024 |
||
Police nationale |
Titre 2 |
10 766 |
11 529 |
Total |
12 376 |
13 443 |
|
Titre 2 / Total |
87,0 % |
85,8 % |
|
Gendarmerie |
Titre 2 |
8 469 |
9 083 |
Total |
10 137 |
11 010 |
|
Titre 2 / Total |
83,6 % |
82,5 % |
|
Total |
Titre 2 |
19 235 |
20 612 |
Total |
22 513 |
24 453 |
|
Titre 2 / Total |
85,4 % |
84,3 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Une analyse plus détaillée de l'évolution des crédits exécutés au sein de la catégorie « hors titre 2 » révèle que par rapport aux crédits exécutés en 2023, si les dépenses de fonctionnement augmentent nettement, de 8,4 % en AE (+ 265 millions d'euros) et de 19,2 % en CP (+ 526 millions d'euros), les dépenses d'investissement sont en baisse de - 40,0 % en AE (- 209 millions d'euros) et en légère hausse en CP, de + 3,2 % (+ 16 millions d'euros).
S'agissant des dépenses de fonctionnement et d'équipement, la hausse des crédits exécutés doit être relativisée quant à une éventuelle amélioration structurelle des conditions de fonctionnement ou d'équipement des forces. En effet, elle est en réalité largement due aux coûts constatés à l'occasion de la sécurisation des JOP et du rétablissement de l'ordre en Nouvelle-Calédonie. Sur un an, les frais de déplacement (transport et hébergement notamment) ont ainsi augmenté d'environ 230 millions d'euros en AE et de 290 millions d'euros en CP dans la police nationale, et de 125 millions d'euros en AE et de 145 millions d'euros en CP dans la gendarmerie nationale. Par ailleurs, en AE les effets de l'engagement de marchés pluriannuels en 2023 ou 2024 expliquent l'essentiel du reste des différences apparentes de budget exécuté entre les deux années. En CP, l'on peut constater également une hausse des crédits exécutés en matière de modernisation technologique et de systèmes d'information pour la police nationale (+ 85 millions d'euros).
b) Un effet d'éviction des dépenses de personnel et de fonctionnement sur l'investissement
L'exercice 2024, deuxième année de mise en oeuvre de la LOPMI, est caractérisé paradoxalement, comme en 2023, par une réduction particulièrement significative des AE d'investissement exécutées18(*) (- 40,0 %, soit - 209 millions d'euros, dont - 155 millions d'euros pour la police nationale et - 54 millions d'euros pour la gendarmerie nationale) les CP étant quant à eux en légère hausse (+ 3,2 %, soit + 15,5 millions d'euros, dont 8 millions d'euros pour la police nationale et 7,5 millions d'euros pour la gendarmerie nationale). Cette situation s'explique par le fait que ces crédits constituent des dépenses pilotables et sont donc de facto susceptibles de servir de variable d'ajustement lorsque le contexte budgétaire est tendu. C'est ce qui s'est produit en 2024, les dépenses d'investissement ayant été réduites du fait, d'une part, des annulations de crédits actées par le décret du 21 février 202419(*) et, d'autre part et surtout, de la nécessité de financer des dépenses de personnel et de fonctionnement plus urgentes et plus fortes que ce que permettait le budget initial des deux programmes20(*).
Pour la police nationale, la forte baisse des AE d'investissement exécutées s'est traduite principalement de deux manières. Premièrement, une nette réduction des dépenses d'immobilier a été opérée (58 millions d'euros d'AE ayant été exécutées, contre 170 millions d'euros en 202321(*)), l'engagement d'opérations nouvelles ayant été reporté aux exercices ultérieurs. L'écart avec le budget prévu initialement est ainsi de près de 530 millions d'euros en AE, mais également de 211 millions d'euros en CP, signe d'une volonté de procéder à des économies. Deuxièmement, les AE d'acquisition de moyens mobiles ont été divisées par plus de deux (44 millions d'euros d'AE ayant été exécutées, contre 97 millions d'euros en 2023), avec pour effet une réduction très nette du nombre de véhicules commandés par rapport aux années précédentes (environ 3 500 en 2023 et 4 200 en 2022). Une baisse est également constatée en CP (61 millions d'euros consommés, contre 84 millions d'euros en 2023).
Pour la gendarmerie nationale, dans la même logique, les moyens mobiles ont connu un niveau d'engagement très modeste, comme en 2023 (37 millions d'euros en 202422(*), contre 33 millions d'euros en 2023), de même que s'agissant de l'immobilier, avec 115 millions d'euros de CP exécutés (contre 104 millions d'euros en 2023). Une baisse est également constatée en CP (115 millions d'euros consommés, contre 130 millions d'euros en 2023).
Cette évolution est regrettable, d'autant que les besoins en véhicules et en investissement immobilier sont significatifs. Le rapporteur spécial avait fait état de besoins importants concernant l'immobilier de la gendarmerie nationale dans un rapport récent23(*).
La tendance baissière étant très significative en AE, elle interroge pour l'avenir. En effet, pour garantir l'opérationnalité des forces, la qualité des infrastructures et des lieux de travail - et de vie pour les gendarmes - et une bonne gestion financière à long terme (en évitant la dégradation des équipements par des investissements réguliers), il est nécessaire d'assurer un niveau d'investissement suffisamment élevé.
Or, la LOPMI avait notamment pour but de garantir un équilibre entre les types de dépenses. Si le niveau fixé par cette loi pour les crédits hors titre 2 est atteint pour la police nationale (1,91 milliard d'euros contre 1,63 milliard d'euros prévus) et pour la gendarmerie (1,93 milliard d'euros contre 1,53 milliard d'euros prévus), c'est en raison de l'ampleur de l'agrégat « hors titre 2 ». Or, les dépenses de fonctionnement et d'équipement ont largement pris le pas sur celles d'investissement, selon une tendance qui se renforce.
II. LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES »
Le programme 207 « Sécurité et éducation routières » retrace une partie des dépenses réalisées par l'État pour réduire le nombre d'accidents de la route à travers des mesures de prévention, d'information et d'éducation routières. Les dépenses liées au volet répressif de la politique de sécurité routière (radars et gestion des points des permis de conduire) sont financées par le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »24(*), qui couvre également des dépenses liées à la prévention.
En exécution, les dépenses hors personnel25(*) se sont élevées en 2024 à 70,1 millions d'euros en CP (et à 73,0 millions d'euros en AE), soit un montant supérieur à l'exécution 2023 (+ 26,2 % en CP, soit + 14,5 millions d'euros) mais nettement inférieur à ce que prévoyait la LFI (- 35,6 %, soit - 39 millions d'euros).
Cette sous-exécution s'explique par l'effet cumulé du décret d'annulation du 21 février 202426(*), qui a annulé 25 millions d'euros d'AE et de CP sur le programme, et de la loi de finances de gestion pour 2024, qui a annulé l'intégralité des crédits mis en réserve, soit 10,8 millions d'euros en AE et 15,3 millions d'euros en CP. Au total, 35,8 millions d'euros ont donc ainsi été annulés en AE (soit 32,5 % des crédits initiaux) et 40,3 millions d'euros en CP (soit 37 % des crédits initiaux).
La sous-exécution par la LFI se traduit essentiellement dans celle des crédits de l'action n° 02 « Démarches interministérielles et communication », qui porte principalement les actions de communication et d'information sur la sécurité routière, aux échelles nationale, locale et partenariale.
Par rapport à 2023, la hausse des CP exécutés se reflète pour l'essentiel dans la hausse des actions de communication nationale, mais résulte également d'un transfert de crédits s'agissant des systèmes d'information.
Récapitulation de l'exécution 2024 du programme 207
(en millions d'euros)
Type de crédit |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Évolution 2024/2023 |
Taux d'exécution 2024/LFI |
AE |
65,5 |
110,4 |
73,0 |
+ 11,5 % |
66,2 % |
CP |
55,5 |
108,9 |
70,1 |
+ 26,2 % |
64,4 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
Année de référence préalable à la crise du covid-19, la mortalité routière s'était établie à 3 498 en 2019. En 2023, 3 398 personnes étaient décédées sur les routes de France (3 167 en France métropolitaine et 231 dans les outre-mer). En 2024, 3 432 personnes sont décédées sur les routes (3 193 en France métropolitaine et 239 dans les outre-mer), soit une hausse de 1,0 % par rapport à 2023 mais un niveau qui demeure inférieur au dernier chiffre de référence de 2019.
III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS » (CAS « RADARS »)
L'article 49 de la loi de finances pour 200627(*) a créé le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », habituellement appelé CAS « Radars » ou CAS « Amendes ».
Depuis le 1er janvier 2017, la section 1 « Contrôle automatisé » ne comprend plus qu'un seul programme, le programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » finançant :
- le déploiement et l'entretien des radars ;
- le traitement des messages d'infractions constatées par un dispositif de contrôle automatisé et à leur transformation en avis de contravention par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) et son centre national de traitement (CNT) ;
- les charges de gestion du permis à points.
La section 2 « Circulation et stationnement routiers » comprend :
- le programme 753 « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » qui gère le déploiement du « procès-verbal électronique », le « PVe ». L'objectif principal de cet outil était de moderniser substantiellement, au profit des forces de l'ordre et des polices municipales, la gestion des amendes en substituant au carnet à souche des outils nomades plus performants. Le PVe permet la verbalisation des infractions routières mais également d'infractions d'autres natures, notamment dans le cadre de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD), qui s'applique par exemple à l'usage illicite de stupéfiants et aux délits d'installation illicite sur le terrain d'autrui et d'occupation illicite des parties communes d'immeubles d'habitation. La loi LOPMI a encore étendu les délits concernés ;
- le programme 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières » transfère aux collectivités territoriales une partie des recettes des amendes ;
- le programme 755 « Désendettement de l'État » vient abonder le budget général au titre des recettes non fiscales.
Le « CAS Radars » a vocation à retracer les dépenses financées à partir du produit des amendes. Ses recettes se composent du produit :
- d'une part, des amendes non-majorées perçues par la voie de systèmes automatisés de contrôle-sanction, après retranchement des fractions de ce produit affectées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) et au Fonds pour la modernisation et l'investissement en santé (FMIS, anciennement FMESPP)28(*) ;
- d'autre part, des amendes issues de la police de circulation, y compris amendes forfaitaires majorées, après retranchement de la fraction de ce produit affectée au budget général.
Il convient donc de noter que l'ensemble des recettes des amendes de la circulation ne revient pas au CAS, une partie étant affectée à l'AFIT France, au FMIS et au budget général.
En 2024, le schéma d'affectation du produit des amendes de police de la circulation et du stationnement routiers était le suivant :
Schéma d'affectation du produit des amendes
de police de la circulation
et du stationnement routiers
en 2024
Source : Cour des comptes29(*)
A. EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2024
1. Un solde positif en 2024, comme depuis 2021, tandis que le nombre de radars atteint un niveau record
En 2020, en exécution, pour la troisième année consécutive, le compte spécial avait enregistré un solde négatif (- 182 millions d'euros), résultant de l'écart entre les dépenses en crédits de paiement, et les recettes affectées au compte. Néanmoins, le solde budgétaire est redevenu positif en 2021 (+ 131 millions d'euros) et l'est resté depuis (+ 99 millions d'euros en 2022, + 65 millions d'euros en 2023 et + 59 millions d'euros en 2024). Le montant cumulé du solde du compte spécial apparaît quant à lui très positif, s'établissant ainsi à 1,19 milliard d'euros à fin 2024.
En 2024, les dépenses exécutées du CAS sont en hausse par rapport à 2023 (+ 6,8 % en AE et + 5,1 % en CP), s'établissant à 1,818 milliard d'euros en AE=CP. Les recettes exécutées s'établissent quant à elles à 1,877 milliard d'euros.
Évolution des recettes et dépenses du CAS depuis 2015
(en millions d'euros)
Année |
Recettes affectées au CAS |
Dépenses en CP du CAS |
Solde budgétaire du CAS |
2015 |
1 329,60 |
1 285,60 |
44,00 |
2016 |
1 421,40 |
1 342,00 |
79,40 |
2017 |
1 527,70 |
1 362,30 |
165,40 |
2018 |
1 462,85 |
1 466,40 |
- 3,55 |
2019 |
1 346,68 |
1 387,08 |
- 40,40 |
2020 |
1 144,00 |
1 326,29 |
- 182,29 |
2021 |
1 364,00 |
1 232,90 |
131 |
2022 |
1625,16 |
1 526,37 |
98,8 |
2023 |
1 794,73 |
1 729,25 |
65,5 |
2024 |
1 876,99 |
1 818,17 |
58,8 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
La hausse des dépenses par rapport à 2023 se concentre sur les programmes 754 (+ 13,8 % en CP, soit + 89,5 millions d'euros) et 755 (+ 3,5 %, soit + 24,5 millions d'euros), les crédits du programme 751, au coeur des dépenses de sécurité routière du compte, étant quant à eux en baisse de - 6,8 % (soit - 25 millions d'euros).
Par ailleurs, les dépenses du CAS sont également en progression par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale, de 9,5 % en AE=CP (+ 158,1 millions d'euros), essentiellement du fait de l'ouverture par la loi de finances de fin de gestion pour 202430(*) de 134,3 millions d'euros sur le programme 755 (du fait d'un niveau de recettes des amendes plus élevé qu'initialement prévu) et d'importants reports de crédits de 2023 sur le programme 75431(*).
2. Des recettes supérieures aux prévisions, finançant des dépenses supplémentaires
Alors que la prévision initiale des recettes était déjà en hausse par rapport à 2023 (en hausse de 1,2 %), le produit des recettes du CAS « Radars » constatées issues des amendes de la circulation et du stationnement routiers (radars et hors radars) a été supérieur en 2024 aux prévisions initiales. Les recettes prévues en 2024 s'élevaient à 1,66 milliard d'euros et ont finalement atteint 1,88 milliard d'euros32(*), soit une sur-exécution de 13,0 %.
Conformément à la prévision de la LFI 2024, les recettes de la section 1 se sont établies à 339,95 millions d'euros. Celles de la section 2 ont en revanche été plus fortes que prévues, s'établissant à 1,54 milliard d'euros, contre 1,32 milliard d'euros prévu initialement, en raison de la dynamique constatée sur les amendes forfaitaires majorées, mais également les amendes hors radars.
92 nouveaux radars ont été déployés en 2024 ; le parc atteint ainsi 4 753 appareils à fin 2024, contre 4 661 fin 2023 et 4 530 fin 2022. Le taux de disponibilité est quant à lui en nette baisse, atteignant 85,5 % en 2024, contre 90,6 % en moyenne en 2023, du fait d'une forte hausse du vandalisme sur les radars de vérification de la vitesse de circulation.
La loi de finances de fin de gestion pour 202433(*) avait ajusté les prévisions des recettes en cours d'année. Elle estimait ces dernières, à ce moment-là, de 286 millions d'euros supérieures à la prévision. En conséquence, elle avait rehaussé de 134,3 millions d'euros les crédits du programme 755. Elle aurait également pu conduire à un abondement du programme 754 de 151 millions d'euros, comme le confirme la Cour des comptes34(*), mais il a été estimé que le montant des crédits reportés vers 2024 sur ce programme était déjà significatif (521 millions d'euros) ; cette absence d'ouverture de crédits nouveaux serait sans impact sur 2024 et 2025, en raison du fait que les crédits du programme 754 sont reportés d'année en année et qu'un plafonnement s'applique aux crédits exécutés annuellement.
B. LE « CAS RADARS » MANQUE DE LISIBILITÉ ET NE REFLÈTE PAS L'EFFORT FOURNI AU TITRE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
La création du CAS en 2006 est intervenue quelques années après la mise en oeuvre de la politique de contrôle automatisé. Sa fonction était de matérialiser le lien direct entre les recettes issues de la verbalisation et les dépenses liées à la sécurité routière. Toutefois, les modifications apportées depuis 2006 ont non seulement complexifié le CAS mais lui ont également fait perdre une partie de son sens initial.
En premier lieu, le CAS ne bénéficie pas de l'ensemble des recettes des amendes liées au contrôle automatisé ou à la police de la circulation, une partie des fonds étant affectée à l'AFIT France, au FMIS et au budget général en amont ou en aval de la répartition au sein du CAS35(*). Ainsi, sur les 2 076 millions d'euros de recettes constatées en 2023, seuls 1 794,7 millions d'euros étaient revenus au CAS, soit 86,4 %. En sens inverse, toutes les dépenses de sécurité routière portées par l'État, qui représentaient au total 4,77 milliards d'euros en 202436(*), ne sont pas assumées par le CAS.
En deuxième lieu, des recettes des amendes sont annuellement attribuées au programme 755 « Désendettement de l'État », qui ne concerne pas des dépenses de sécurité routière, ce qui contrevient au principe de spécialité des crédits au sein du CAS. En 2024, les CP exécutés de ce programme ont représenté 39,3 % des dépenses du CAS.
En troisième lieu, la complexité de la répartition des crédits au sein du CAS le rend peu lisible.
Dans ces conditions, le CAS ne répond plus, en l'état, suffisamment à sa fonction première.
* 1 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 2 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 3 La mission « Sécurités » est composée de quatre programmes : 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale », 161 « Sécurité civile » et 207 « Sécurité et éducation routières ».
* 4 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 5 Il couvre trois missions (« Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'État », et « Immigration, asile et intégration »), le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et les taxes affectées à l'ANTS (Agence nationale des titres sécurisés). Sont toutefois exclus du périmètre de la LOPMI le programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et les programmes « Outre-mer ».
* 6 Voir infra.
* 7 Voir infra.
* 8 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 9 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 10 Voir supra.
* 11 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 12 Voir infra.
* 13 Dont 443,5 millions d'euros pour la police nationale (dont 356 millions de dépenses de personnel) et 364 millions d'euros pour la gendarmerie nationale (dont 49 millions d'euros de dépenses de personnel).
* 14 Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Mission « Sécurités », avril 2025, Cour des comptes.
* 15 Au total les dépenses de personnel constatées pour 2024 au titre des JOP a représenté 344 millions d'euros hors CAS « Pensions », essentiellement au titre de la prime « JOP » et de la rémunération des heures supplémentaires.
* 16 Au total les dépenses de personnel constatées pour 2024 au titre des JOP a représenté 153 millions d'euros hors CAS « Pensions », essentiellement au titre de la prime « JOP », en l'absence de régime des heures supplémentaires dans la gendarmerie.
* 17 Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Mission « Sécurités », avril 2025, Cour des comptes.
* 18 En 2023, les dépenses d'investissement avaient baissé de - 41,6 % en AE et de - 15,3 % en CP, par rapport à 2022.
* 19 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 20 Voir supra.
* 21 En CP, 193 millions d'euros ont été exécutés, soit comme en 2023 (194 millions d'euros).
* 22 En CP, 43 millions d'euros ont été exécutés, soit un peu moins qu'en 2023 (45 millions d'euros).
* 23 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, M. Bruno BELIN, déposé le 10 juillet 2024.
* 24 Voir infra.
* 25 Depuis le 1er janvier 2015, les dépenses de titre 2 du programme 207 « Sécurité et éducation routières » ont été transférées au programme support 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieure » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », afin d'en améliorer la gestion.
* 26 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 27 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
* 28 A compter de 2025, une fraction revient également à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI).
* 29 Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », avril 2025, Cour des comptes.
* 30 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 31 Voir infra.
* 32 Le CAS Radars ne perçoit pas le produit de toutes les amendes routières, voir supra.
* 33 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024. Ces estimations ont ensuite été corrigées en toute fin de gestion en fonction du niveau de recettes, pour s'établir au niveau des dépenses et recettes exécutées.
* 34 Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », avril 2025, Cour des comptes.
* 35 Voir supra.
* 36 Document de politique transversale 2024 « sécurité routière ».