N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N°
29b (Programme 161 « Sécurité civile ») Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. En 2024, l'exécution des crédits du programme 161 « Sécurité civile » s'est élevée à 980,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), et 962,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP). D'une part, cela confirme une hausse tendancielle des montants exécutés en AE et en CP (+ 75,7 % en CP entre 2019 et 2024) ces dernières années. D'autre part, cela représente une surconsommation des crédits prévus en LFI 2024 de respectivement 8,7 % en AE et 9,3 % en CP qui s'explique par d'importants reports de crédits d'investissement de 2023 ainsi que par la gestion d'évènements exceptionnels, dont certains imprévisibles.
2. L'exécution 2024 du programme 161 est marquée par une démultiplication des mouvements de crédits en cours de gestion. Cela s'explique par deux injonctions contradictoires : d'une part, maîtriser les dépenses dans un contexte inédit de dégradation des finances publiques, et d'autre part, allouer des moyens matériels et humains suffisants pour assurer l'indispensable sécurisation d'évènements exceptionnels. La méthode consistant à procéder à d'importantes annulations de crédits pour, de façon relativement prévisible, devoir les réouvrir en urgence, apparait peu satisfaisante.
3. La poursuite des investissements (pactes capacitaires feux de forêt, moyens de pompage, matériels et équipements NRBC-E...) nécessaires pour faire face à l'extension et l'intensification des menaces et des risques est source de satisfaction, tandis que la réussite de la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 a démontré la résilience du modèle français de sécurité civile ainsi que l'engagement et la compétence de ceux qui le font vivre. Cependant, le recrutement et la fidélisation des professionnels et de volontaires rencontrent des difficultés en dépit d'une forte progression des dépenses de personnel. Par ailleurs, les incertitudes et les carences relatives au renouvellement et à l'entretien de la flotte patrimoniale d'aéronefs demeurent sources de préoccupation.
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2024
A. L'EXERCICE 2024 CONFIRME LA HAUSSE TENDANCIELLE DES MONTANTS EXÉCUTÉS
Exécution des crédits
en 2024
pour le
programme 161 « Sécurité civile »
(en millions d'euros, incluant les fonds de
concours
et attributions de produits)
Crédits exécutés en 2023 (A) |
Crédits votés en LFI 2024 (B) |
Crédits ouverts en 2024 (C) |
Crédits exécutés en 2024 (D) |
Écart entre les crédits
exécutés |
Écart entre les crédits exécutés (D) et les crédits votés en LFI pour 2024 (B) |
|
AE |
1 155,7 |
901,7 |
1 227,3 |
980,5 |
- 15,2 % |
+ 8,7 % |
CP |
674,5 |
880,5 |
973,5 |
962,6 |
+ 42,7 % |
+ 9,3 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
En 2024, 980,5 millions d'euros ont été exécutés en autorisation d'engagement (AE) sur le programme « Sécurité civile », soit une baisse de 15,2 % par rapport à l'année 2023. Cette diminution est à mettre en perspective avec la hausse de 64,4 % des AE exécutées en 2023 par rapport à 2022 en raison de l'engagement du renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile pour plus de 410 millions d'euros.
Au contraire, le montant des crédits de paiement (CP) exécutés en 2024 connait une hausse significative de 42,7 % et s'élève à 962,6 millions.
Les montants des AE et des CP consommés sont près de 10 % supérieurs aux crédits initialement prévus en LFI, mais inférieurs aux crédits totaux ouverts en cours d'exécution.
Les variations significatives des montant des AE et CP prévus en LFI et consommés d'un exercice à l'autre s'expliquent, d'une part, par les cycles de commandes et de livraison d'aéronefs, un Canadair coûtant environ 60 millions d'euros et un hélicoptère H145 environ 13 millions d'euros, ainsi que par les renouvellements pluriannuels des marchés de maintenance en condition opérationnelle (MCO). D'autre part, le nombre et l'intensité des catastrophes naturelles (incendies, inondations, typhons...) et la sécurisation d'évènements exceptionnels (Jeux olympiques et paralympiques 2024, mouvement insurrectionnel en Nouvelle-Calédonie) influent sur les moyens humains et matériels mobilisés et les coûts associés.
Évolution de la consommation des
crédits de paiement
du programme 161
(en millions d'euros,
incluant les fonds de
concours et attributions de produits)
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Extension du risque incendie dans le temps et dans l'espace, intensification des épisodes d'inondation, modernisation des systèmes d'alertes et de gestion opérationnelle des services de secours suite aux attentats de 2015, dynamisme de la participation de l'État au financement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), commandes et livraisons récentes d'aéronefs, inflation du prix du carburant, revalorisations salariales, et de façon plus contextuelle la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) 2024 expliquent ces dernières années une tendance à la hausse du montant des crédits de paiement exécutés (+ 75,7 % entre 2019 et 2024) qui concerne toutes les natures de dépenses du programme 161.
1. Les dépenses de personnel continuent d'augmenter, portées par la progression de la part indemnitaire des rémunérations
Les dépenses de personnel se sont élevées à 216,1 millions d'euros en AE et en CP en 2024, contre 198,9 millions d'euros en 2023, soit une hausse de 8,6 %, après une précédente hausse de 4,54 % en 2023. Cet écart s'explique, d'une part, par un schéma d'emploi en nette progression (+ 246 ETP en 2024), et d'autre part, à la progression des rémunérations, et plus particulièrement de leur composante indemnitaire, qui représente désormais 45 % de la rémunération globale de la sécurité civile, dans le contexte d'une année 2024 ayant nécessité une mobilisation extrême des moyens humains. Le rapport annuel de performance indique ainsi que l'engagement marqué des militaires de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie en 2024 a entraîné une augmentation de l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle (ISAO) versée à hauteur de 6,3 millions d'euros, tandis que les primes exceptionnelles versées aux personnels impliqués dans la sécurisation des JOP durant l'été atteignent 1,1 million d'euros.
Le plafond d'emplois du programme 161 fixé par la LFI pour 2024 était en forte hausse, avec un total de 2 675 ETPT prévus, contre 2 467 ETPT l'année précédente.
Le plafond d'emplois a été marqué, comme c'est le cas depuis 2015, par une légère sous-exécution, qui correspond cette année à - 43 ETPT.
Évolution de l'exécution du plafond d'emplois
(en ETPT)
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Plafond d'emplois autorisé |
2 402 |
2 450 |
2 483 |
2 498 |
2 479 |
2 490 |
2 463 |
2 467 |
2 675 |
Plafond d'emplois réalisé |
2 379 |
2 411 |
2 444 |
2 454 |
2 454 |
2 470 |
2 438 |
2 462 |
2 632 |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le schéma d'emplois en LFI, qui avait été abondé par amendement du gouvernement, a été pleinement réalisé (+ 246 ETP) avec notamment le recrutement de 164 ETP dans le cadre de la constitution de la 4e unité de formations militaires de la sécurité civile (ForMISC) annoncée par le Président de la République en octobre 2022, en réaction aux incendies qui avaient frappé le pays cette même année.
2. Les dépenses de fonctionnement connaissent une hausse conjoncturelle, en dépit d'une saison feux de forêt de moyenne intensité
Les dépenses de fonctionnement (titre 3) du programme 161 se sont élevées à 330,5 millions d'euros en CP, contre 246,0 millions d'euros ouverts en LFI pour 2024. La surconsommation des dépenses de fonctionnement (134,3 %) est, d'une part, induite par la sécurisation des JOP 2024 en raison de dépenses d'hébergement et de restauration des forces mobilisées en région parisienne ou encore de l'acquisition de matériels et équipements spécialisés dans la lutte contre les menaces notamment NRBC-E. En outre, la gestion de la crise en Nouvelle-Calédonie a engendré plus de 56 millions d'euros de dépenses de fonctionnement, non budgétées initialement, dont 37 millions d'euros de transport aérien, 10 millions d'euros de dépenses de logistique et matériel sur place et 10 millions d'euros pour le dégagement des axes routiers. À cela se conjugue, depuis 2022, l'effet de l'inflation du prix du carburant des aéronefs.
Les crédits de titre 3 restants se concentrent sur les dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO) et la location d'aéronefs dans le cadre du dispositif de lutte contre les feux de forêt.
Ainsi, si en 2024 les dépenses de fonctionnement ont subi une très nette augmentation et une surconsommation du fait de la gestion d'évènements exceptionnels, celle-ci a été relativement contenue, grâce au scénario heureux d'une saison des feux de forêt de moyenne, voire basse, intensité. En effet, un épisode climatique caniculaire à l'été 2024 aurait pu conduire à un scénario tout à fait différent, avec pour conséquence une forte mobilisation des aéronefs et donc une hausse significative des frais induits par la consommation de carburant et la location d'appareils.
3. Les dépenses d'investissement demeurent élevées malgré le report des commandes d'avions bombardiers d'eau
Les montants des dépenses d'investissement exécutées sont à un niveau élevé, proche de la programmation initiale, tant pour les autorisations d'engagement (85 %) que pour les crédits de paiement (95 %), a contrario de 2023 où ces taux d'exécution étaient inférieurs à 60 %.
En montant, les autorisations d'engagement exécutées s'élèvent à 192,4 millions d'euros en 2024 contre 445,2 millions d'euros en 2023, soit une diminution significative de 56,8 %. Cela tient au fait que l'essentiel des nouveaux marchés d'équipements lourds ont été engagés sur 2023. À l'inverse, les crédits de paiement connaissent une très forte augmentation de 143 %, s'élevant à 192,0 millions d'euros en 2024, contre 77,4 millions d'euros en 2023. Cela est lié à la passation et l'exécution du marché mutualisé entre la sécurité civile et la gendarmerie nationale, destiné à renouveler les 33 hélicoptères EC145 ancienne génération par des hélicoptères H145, notifié par la DGA en fin exercice 2023, et qui a vu sa tranche ferme engagée pour 412 millions d'euros d'AE sur le programme 161. La quasi-totalité des AE correspondant avaient été exécutées en 2023, tandis que l'exécution des crédits de paiement, à hauteur de 89,6 millions en 2024, supérieurs aux 65 millions d'euros prévus en LFI du fait de reports de crédits, se poursuivra lors des prochains exercices au fur et à mesure de la livraison des appareils.
4. Les dépenses d'intervention supportent une hausse tendancielle du financement de la BSPP par l'État et une forte mobilisation des colonnes de renfort en 2024
Les dépenses d'intervention (titre 6) se sont élevées à 224,0 millions d'euros en CP en 2024, soit un montant supérieur de 10,5 % au montant programmé en LFI (+ 21,3 millions d'euros). Ces dépenses connaissent une progression de 23,6 % par rapport à l'année 2023.
Cette augmentation s'inscrit, tout d'abord, dans la continuité d'une hausse tendancielle résultant du dynamisme de la contribution de l'État au financement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)1(*), qui a encore progressé cette année, s'élevant à 112,8 millions d'euros contre 103,8 millions d'euros en 2023 (+ 8,6 %). En hausse de 40 % depuis 2015, ce financement représente aujourd'hui près de 15 % des dépenses hors titre 2 du programme « Sécurité civile ».
Par ailleurs, de façon exceptionnelle, près de 14,5 millions d'euros ont été payés sur l'exercice budgétaire 2024 pour assurer le remboursement de dépenses engagées par les SDIS dans le cadre des colonnes de renforts mobilisées pour la sécurisation des JOP 2024.
* 1 En application de l'article L. 2512-19 du code général des collectivités territoriales, l'État participe aux dépenses de fonctionnement de la BSPP. Cette participation est égale à 25 % des dépenses inscrites au budget spécial de la préfecture de police relatives à la rémunération des militaires (y compris alimentation, frais d'habillement, de transport et de missions), au service d'instruction et de santé, à l'entretien, la réparation et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport, ainsi que du matériel de transmission.