B. LA POSITION DES RAPPORTEURS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES : UNE SAISINE NÉCESSAIRE POUR EMPÊCHER LE PASSAGE EN FORCE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
Pour les rapporteurs, étant donné le caractère particulièrement controversé de l'accord commercial avec le Mercosur, il n'est de toute évidence pas envisageable d'évacuer la question de la scission de l'accord au motif que la Commission dispose d'une compétence exclusive en matière de négociation des accords commerciaux.
Alors que plusieurs États membres ont témoigné avec constance, au cours des dernières années, de leur ferme opposition à la conclusion de cet accord, la décision de scinder l'accord s'apparente à un passage en force de la Commission, peu respectueux sinon de la lettre, du moins de l'esprit des traités.
La saisine de la CJUE pourra utilement préciser si cette pratique est conforme ou non aux traités et, en l'espèce, à l'équilibre entre les institutions, dès lors que le Conseil avait demandé le maintien du caractère mixte de cet accord.
Les rapporteurs notent par ailleurs que la portée temporelle et le champ d'application du mécanisme de rééquilibrage introduit dans l'accord suscitent de nombreuses controverses juridiques et estiment, dans ce contexte, qu'une clarification de la Cour de justice serait opportune.
Ils relèvent, enfin que les stipulations de l'accord sont bel et bien susceptibles d'entraîner une baisse du niveau de protection des consommateurs, de la santé et l'environnement dans l'Union européenne, contrevenant ainsi aux droits énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE européenne et le TFUE. En tout état de cause, une saisine de la CJUE permettrait de préciser la portée que l'Union entend conférer aux stipulations de l'accord relatives au respect du principe de précaution.
En définitive, pour les rapporteurs, une saisine de la CJUE permettrait au Gouvernement français de rappeler l'opposition historique et maintes fois réitérée de notre pays à la conclusion de l'accord commercial avec les pays du Mercosur, tel qu'il a été négocié par la Commission européenne.
L'agriculture française se trouve actuellement au coeur de la tourmente ; pour la première fois depuis 1978, le secteur agricole et alimentaire français pourrait enregistrer un déficit sur l'année 2025, dans un contexte marqué par les tensions commerciales avec les États-Unis, mais également les mesures de rétorsion de la Chine.
Or, tandis que la dégradation inédite du solde commercial agroalimentaire français51(*) constitue un signal d'alarme et devrait engendrer un sursaut collectif, la Commission européenne a récemment annoncé qu'elle entendait réduire de 20 % le budget alloué à la politique agricole commune sur la période 2028 - 2034. L'agriculture est-elle encore au centre des priorités stratégiques européennes ?
Dans ce contexte, les rapporteurs estiment qu'il est du devoir du Gouvernement français de faire usage du dernier levier à sa disposition pour empêcher la ratification d'un accord qui porterait un coup fatal à une agriculture européenne déjà grandement fragilisée. Ils soutiennent donc pleinement la démarche de la proposition de résolution européenne n° 99 (2025-2026) et proposent uniquement à la commission des affaires européennes un amendement tendant à préciser que la proposition de règlement de la Commission européenne relative à la clause de sauvegarde n'a vocation qu'à offrir un sursis temporaire et exceptionnel aux filières de production, sans modifier l'économie générale de l'accord.
* 51 Selon les données communiquées par Chambres d'agriculture France, sur un an, en soldes cumulés août 2024-août 2025, le solde excédentaire agroalimentaire français a diminué de 85 %.