EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Élargissement du champ infractionnel permettant de
recourir aux dispositifs de lecture automatisée de plaques
d'immatriculations
L'article 1er tend à élargir le champ des finalités permettant la mise en oeuvre, par les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes, de dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation (LAPI).
Le recours à la LAPI serait ainsi autorisé afin de faciliter la constatation des infractions de vols de véhicules et de crimes ou de délits prévus par le code pénal ou par le code des douanes punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et afin de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs.
Si le rapporteur souscrit à la nécessité d'élargir les finalités permettant de mettre en oeuvre des dispositifs LAPI, qui constituent un outil particulièrement efficace pour la répression de certaines infractions, il estime que la rédaction proposée conduirait à permettre l'usage de la LAPI dans des cas peu pertinents.
En conséquence, afin d'écarter le risque d'une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, la commission a, à l'initiative du rapporteur, restreint le dispositif proposé aux seules infractions pour lesquelles l'usage de dispositifs LAPI présente un réel intérêt, tels que les évasions, les vols aggravés ou encore le recel, et a ensuite adopté cet article.
1. Le code de la sécurité intérieure autorise les forces de l'ordre et les douanes à mettre en oeuvre des dispositifs LAPI dans des cas limités et de manière encadrée
Les dispositifs LAPI sont définis par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) comme « tout algorithme permettant la lecture automatisée d'une plaque d'immatriculation ».
Si l'usage de dispositifs LAPI s'est développé, notamment en matière répressive, il n'est autorisé que dans des cas limitativement énumérés et demeure strictement encadré.
a) Le recours à des dispositifs LAPI par les forces de l'ordre et les douanes est autorisé dans des cas limités
(1) L'utilisation de la LAPI à des fins de police administrative
En premier lieu, le code de la sécurité intérieure (CSI) prévoit deux cas d'utilisation des dispositifs LAPI en matière de police administrative.
D'une part, le second alinéa de l'article L. 233-1 du CSI autorise les services de police et de gendarmerie nationales à recourir à des dispositifs LAPI pour la préservation de l'ordre public3(*).
Plus précisément, il permet aux services de police et de gendarmerie nationales de recourir à des dispositifs LAPI fixes ou mobiles prenant la photographie des occupants des véhicules, à titre temporaire, pour la préservation de l'ordre public, à l'occasion d'événements particuliers - tels qu'une coupe du monde ou un sommet du G84(*) - ou de grands rassemblements de personnes5(*), sur décision de l'autorité administrative.
D'autre part, l'article 8 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a autorisé les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes à utiliser des dispositifs LAPI fixes ou mobiles prenant la photographie des occupants des véhicules, en tous points appropriés du territoire et en particulier dans les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que sur les grands axes de transit national ou international, à des fins de prévention du terrorisme. Cette faculté figure aujourd'hui au premier alinéa de l'article L. 233-1 du CSI.
(2) L'utilisation de la LAPI en matière judiciaire
En second lieu, le CSI prévoit plusieurs cas d'utilisation de dispositifs LAPI pour la répression des infractions.
Ainsi, les dispositions du même premier alinéa de l'article L. 233-1 du CSI6(*) permettent aux services de police et de gendarmerie nationales et des douanes de mettre en oeuvre des dispositifs LAPI fixes ou mobiles prenant la photographie des occupants des véhicules, en tous points appropriés du territoire et en particulier dans les zones frontalières, portuaires ou aéroportuaires ainsi que sur les grands axes de transit national ou international, afin de faciliter la constatation, le rassemblement des preuves et la recherche des auteurs des infractions suivantes :
- les actes de terrorisme et les infractions s'y rattachant ;
- les infractions criminelles ou liées à la criminalité organisée au sens des articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, comme par exemple, le trafic de stupéfiants ;
- les infractions de vol et de recel de véhicules volés ;
- les infractions de contrebande, d'importation ou d'exportation commises en bande organisée, prévues et réprimées par le dernier alinéa de l'article 414 du code des douanes et, lorsqu'elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, de la réalisation ou de la tentative de réalisation des opérations financières définies à l'article 415 du même code.
Par ailleurs, l'article L. 233-1-1 du CSI, créé par l'article 35 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, autorise les services de police et de gendarmerie nationales à mettre en oeuvre des dispositifs LAPI fixes ou mobiles, prenant également la photographie des occupants des véhicules, en tous points appropriés du territoire, pour :
- d'une part, réprimer les infractions au code de la route ;
- d'autre part, mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 121-4-1 du code de la route, qui autorisent la retenue d'un véhicule ayant servi à commettre certaines infractions routières, en cas d'absence de paiement de l'amende forfaitaire majorée après un délai de quatre mois.
b) L'utilisation des dispositifs LAPI est étroitement encadrée, afin d'éviter une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée
Outre la définition précise des finalités permettant la mise en oeuvre des dispositifs LAPI, plusieurs garanties ont été prévues par le législateur afin d'éviter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
En premier lieu, le nombre de fichiers avec lesquels les données recueillies par les dispositifs LAPI mis en oeuvre sur le fondement du CSI font l'objet d'un rapprochement est limité.
L'article L. 233-2 du CSI prévoit ainsi que les données recueillies en application des articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du même code font l'objet d'un rapprochement avec les traitements de données suivants :
- le fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS) ;
- le système d'information Schengen (SIS) ;
- le système d'immatriculation des véhicules (SIV) ;
- le système de contrôle automatisé (SCA) ;
- et les traitements de données relatifs à l'assurance des véhicules.
En deuxième lieu, la durée de conservation des données collectées par les dispositifs LAPI est limitée. L'article L. 233-2 du CSI précise ainsi que les données collectées en application des articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du même code sont conservées durant un délai maximum de quinze jours puis effacées automatiquement en l'absence de correspondance avec les fichiers mentionnés précédemment. En cas de rapprochement positif, les données sont conservées pour une durée d'un mois, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière.
En troisième lieu, les dispositifs LAPI ne peuvent être mis en oeuvre qu'en des « points appropriés du territoire ». Comme indiqué au rapporteur par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), « seuls certains points ciblés du territoire sont en cause, justifiés par leur localisation particulière au regard des objectifs poursuivis, que ce soit de façon permanente (péage d'autoroute, route frontalière, sorties d'aéroport, ...) ou de manière temporaire (utilisation d'un dispositif mobile) ».
En quatrième lieu, l'article L. 233-2 du CSI précise que les traitements automatisés des données collectées par les dispositifs LAPI sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ce qui implique, entre autres, un droit d'accès, de rectification et d'effacement de ces données.
Enfin, en cinquième lieu, l'accès aux données est interdit en l'absence de correspondance avec l'un des traitements de données mentionné précédemment - sans préjudice des nécessités de leur consultation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière. Par ailleurs, en cas de rapprochement positif, seuls les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales et des douanes sont autorisés à y accéder.
Saisi en 2006 des dispositions de l'article 8 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, dont les dispositions figurent aujourd'hui aux articles L. 233-1 et L. 233-2 du CSI, le Conseil constitutionnel a jugé que celles-ci étaient conforme aux exigences constitutionnelles, en indiquant que : « eu égard aux finalités que s'est assignées le législateur et à l'ensemble des garanties qu'il a prévues, les dispositions contestées sont propres à assurer, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée7(*) ».
Les exigences applicables aux traitements de données à caractère personnel collectées par les autorités répressives
Les traitements de données à caractère personnel utilisés par les autorités répressives sont encadrés par le droit de l'Union européenne ainsi que par le droit constitutionnel, afin d'assurer le droit au respect de la vie privée.
En droit de l'Union européenne, la directive dite « police-justice8(*) » précise ainsi que les données collectées par les autorités répressives doivent être :
- traitées de manière licite et loyale ;
- collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et traitées uniquement de manière compatible avec ces finalités ;
- adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont traitées ;
- exactes et tenues à jour, si nécessaire ;
- conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ;
- sécurisées de manière appropriée, et protégées contre le traitement non autorisé ou illicite, à l'aide de mesures techniques ou organisationnelles appropriées.
Le Conseil constitutionnel veille également à la protection du droit au respect de la vie privée9(*) et impose à ce titre que « la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel [soient] justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif10(*) ».
À cet effet, comme indiqué au rapporteur par Marc-Antoine Granger, maître de conférences en droit public, « le Conseil vérifie que la mise en oeuvre d'un fichier soit adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi [...] et tient compte, notamment, du nombre de personnes susceptibles de relever du fichier informatique en cause, de la sensibilité particulière des données personnelles recueillies, des garanties juridiques et techniques, ainsi que des finalités d'utilisation et de consultation du fichier ».
2. Le dispositif proposé : l'élargissement des finalités permettant la mise en oeuvre de dispositifs LAPI par les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes
L'article 1er de la proposition de loi vise à modifier l'article L. 233-1 du CSI afin d'élargir les finalités permettant l'utilisation de dispositifs LAPI.
À cet effet, il élargirait le champ infractionnel défini au premier alinéa de l'article précité. Plutôt que de viser une liste limitative d'infractions pour la répression desquelles les dispositifs LAPI peuvent être utilisés (vol et recel de véhicules volés, infractions de contrebande, etc.), l'article 1er autoriserait les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes à mettre en oeuvre des dispositifs LAPI pour la répression « des infractions de vols de véhicules et de crimes ou de délits prévus par le code pénal ou par le code des douanes punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ».
Dans l'exposé des motifs, l'auteur justifie cette extension par l'utilisation encore trop limitée des dispositifs LAPI par les forces de l'ordre, alors que cette technologie « représente un potentiel important en matière de protection des biens et des personnes ».
En particulier, la « liste exhaustive des infractions permettant le recours aux dispositifs LAPI [est] jugée trop limitée au regard de l'évolution constante des pratiques de la criminalité organisée ».
3. La position de la commission : élargir les finalités permettant la mise en oeuvre de dispositifs LAPI, tout en assurant la protection du droit au respect de la vie privée
a) Un élargissement des finalités justifié par l'efficacité des dispositifs LAPI en matière de répression
L'élargissement du champ infractionnel permettant la mise en oeuvre de dispositifs LAPI apparaît pleinement justifié par leur efficacité, comme mis en lumière au cours des auditions conduites par le rapporteur.
L'utilité opérationnelle de la LAPI a été confirmé par le ministère de l'intérieur dans une réponse à une question écrite du député Daniel Labaronne publiée au Journal officiel de la République le 21 janvier 202511(*), dans laquelle il est indiqué que « ces dispositifs ont rendu possible, en région Centre-Val-de-Loire, la découverte de plus d'une centaine de véhicules volés et la localisation de nombreux véhicules intéressant des enquêtes judiciaires d'ampleurs diverses. Le bénéfice de ces dispositifs est clairement établi tant leur apport favorise quotidiennement les enquêtes judiciaires (ex. trafic de stupéfiants, trafic d'armes, vol et recel en bande organisée) ».
De plus, comme indiqué au rapporteur par le maître de conférences en droit public Marc-Antoine Granger, « en élargissant le périmètre infractionnel, le législateur poursuit deux objectifs sécuritaires de valeur constitutionnelle. Il s'agit, d'une part, de la recherche des auteurs d'infractions pénales et, d'autre part, de la protection des forces policières, gendarmiques et douanières, protection qui renvoie à l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public12(*). En effet, les capteurs LAPI (par exemple embarqués dans les véhicules de patrouille) participent non seulement à la recherche des auteurs d'infractions pénales, mais aussi à la protection des forces publiques de sécurité intérieure. Concrètement, ils renseignent les unités sur la présence de véhicules suspectés dans des enquêtes délictuelles et criminelles ce qui leur permet d'adapter les schémas d'interception et d'intervention en fonction de la dangerosité des personnes recherchées. Or, au moment de contrôler la conciliation entre la vie privée et la protection des forces de sécurité intérieure, cette dernière préoccupation revêt une importance accrue. En ce sens, dans sa décision « Responsabilité pénale et sécurité intérieure » (RPSI) de 2022, et à propos de l'usage des drones par les policiers et gendarmes nationaux (ainsi que les militaires déployés sur le territoire national), le Conseil constitutionnel considère qu'en cas de menaces graves pour l'intégrité physique des personnels des forces, le droit à leur protection par la technologie prime alors sur le droit au respect de la vie privée. En effet, il a admis que le préfet puisse autoriser le recours à ces drones, même s'il existe d'autres moyens policiers moins intrusifs au regard du droit à la vie privée, dès lors que l'absence du recours aux drones "serait susceptible d'entraîner des menaces graves pour l'intégrité physique des agents13(*)" ».
b) Un élargissement des finalités qui doit être concilié avec le droit au respect de la vie privée
Si l'élargissement des finalités permettant la mise en oeuvre de dispositifs LAPI apparaît pleinement justifié au regard de leur utilité opérationnelle, la commission a néanmoins restreint le champ des finalités proposés afin d'assurer la protection du droit au respect de la vie privée.
Par l'adoption de l'amendement COM-1 du rapporteur, la commission a ainsi souhaité circonscrire le champ infractionnel permettant la mise en oeuvre de dispositifs LAPI à des fins répressives par les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes, par rapport au dispositif prévu par la proposition de loi.
En effet, si l'utilisation de dispositifs LAPI peut être utile pour réprimer certaines infractions actuellement non couvertes par la rédaction de l'article L. 233-1 du CSI, telles que les infractions d'évasion réalisées avec violence, effraction ou corruption, leur utilisation n'apparaît pas utile pour la répression de l'ensemble des délits punis d'une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans.
Ainsi, parmi les 2 397 délits punis d'une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans, « le recours à ce dispositif ne présenterait en revanche pas d'intérêt pour d'autres infractions pourtant comprises dans le champ proposé, telles que la dénonciation calomnieuse, le harcèlement scolaire, l'abus de confiance, le chantage, ou encore le recel de faux en écriture », selon la DACG.
Un élargissement à ces infractions, qui n'est pas réellement justifié, pourrait donc entrer en contradiction avec les dispositions de la directive « police-justice » précitée de 2016, qui prévoit que les données personnelles doivent être collectées par les autorités répressives pour « des finalités déterminées, explicites et légitimes ».
Par ailleurs, comme indiqué au rapporteur par la DACG, l'élargissement proposé du champ infractionnel pourrait conduire à « une quasi généralisation de l'utilisation du dispositif LAPI, dont il n'est pas exclu qu'elle puisse porter une atteinte excessive à la vie privée ».
Pour toutes ces raisons, suivant la position de son rapporteur, la commission a donc souhaité élargir le champ infractionnel actuellement en vigueur aux seules infractions pour lesquelles l'utilisation de dispositifs LAPI pourra se révéler utile, à savoir :
- les infractions de vol aggravé et de recel ;
- les infractions d'évasion réalisées par violence, effraction ou corruption ;
- et les infractions d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers prévues et réprimées par les articles L. 823-1 à L. 823-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Elle a également, par l'adoption du même amendement, procédé à une réécriture de l'article L. 233-1 du CSI, afin d'en clarifier la rédaction, et rétabli la finalité de prévention du terrorisme, qui n'avait pas été reprise par le dispositif proposé, alors que l'utilisation de dispositifs LAPI a, selon les informations transmises par la police et la gendarmerie nationales, prouvé son efficacité en la matière.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
Allongement de la durée de conservation
des données collectées par les dispositifs LAPI
L'article 2 vise à allonger la durée de conservation des données collectées par les dispositifs LAPI mis en oeuvre par les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes sur le fondement du code de la sécurité intérieure.
Les données seraient ainsi conservées pendant un mois, avant d'être effacées automatiquement à l'issue de cette période. En cas de rapprochement positif avec l'un des traitements de données à caractère personnel visés par l'article L. 233-2 du CSI, les données pourraient être conservées durant une période de deux mois, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière.
Suivant l'avis de son rapporteur, qui a considéré que l'allongement des durées de conservation était justifié par les besoins opérationnels et demeurait proportionné, en particulier par rapport aux durées de conservation retenues par les autres pays de l'Union européenne, la commission a adopté cet article sans modification.
1. Les durées de conservation des données collectées par les dispositifs LAPI sur le fondement du code de la sécurité intérieure
L'article L. 233-2 du CSI fixe les durées de conservation des données à caractère personnel collectées par les dispositifs LAPI mis en oeuvre sur le fondement des articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du CSI.
Il prévoit ainsi que les données collectées pour les finalités prévues par les articles précités sont conservées durant un délai maximum de quinze jours.
Au cours de ce délai, les données collectées peuvent faire l'objet de traitements automatisés, comportant plus précisément une consultation du fichier des véhicules volés ou signalés (FOVeS), du système d'information Schengen (SIS), du système d'immatriculation des véhicules (SIV), du système de contrôle automatisé (SCA) et des traitements de données relatives à l'assurance des véhicules.
En l'absence de rapprochement positif avec ces traitements de données à l'issue de la période de quinze jours, les données sont effacées automatiquement.
En revanche, en cas de correspondance avec les données figurant dans l'un de ces fichiers, les données sont conservées pour une durée d'un mois, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière.
L'expérimentation d'une durée de conservation allongée pour les douanes
À titre expérimental et pour une durée de trois ans, l'article 19 de la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces a autorisé les agents habilités de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) à exploiter les données collectées par les dispositifs LAPI au titre de l'article L. 233-1 du CSI, pour détecter des mouvements de véhicules susceptibles de révéler les infractions suivantes :
- contrebande, importation ou exportation commises en bande organisée ;
- réalisation des opérations financières définies à l'article 415 du code des douanes.
Dans le cadre de cette expérimentation et par dérogation à l'article L. 233-2 du CSI, les données collectées peuvent être conservées pendant un délai maximal de quatre mois, sous réserve de la nécessité de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière. L'expérimentation doit permettre d'évaluer l'efficacité comparée de différentes durées de conservation des données, comprises entre deux et quatre mois.
2. Le dispositif proposé tend à doubler les durées de conservation des données collectées par les dispositifs LAPI mis en oeuvre sur le fondement du code de la sécurité intérieure
L'article 2 de la proposition de loi tend à modifier l'article L. 233-2 du CSI afin de doubler les durées de conservation des données collectées par les dispositifs LAPI pour les finalités prévues par les articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du CSI.
Les données collectées pour ces finalités seraient ainsi conservées pendant une durée d'un mois, puis effacées automatiquement en l'absence de correspondance avec les fichiers mentionnés supra.
En cas de rapprochement positif avec ces fichiers, les données seraient conservées durant une période de deux mois, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière.
Selon l'auteur de la proposition de loi, Pierre Jean Rochette, les délais de conservation prévues par le droit en vigueur seraient en effet « plus courts que [ceux de] nos voisins européens14(*) », ce qui constituerait un frein à l'usage des dispositifs LAPI.
Les durées de conservation des données collectées par des dispositifs LAPI dans les autres pays européens
Certains pays européens prévoient des durées de conservation plus longues pour les données collectées par des dispositifs LAPI.
Ainsi, en Belgique, les données peuvent être conservées pour une durée n'excédant pas douze mois à compter de leur enregistrement.
Le traitement des données à caractère personnel pour des recherches ponctuelles dans le cadre des missions de police administrative est autorisé pendant une période d'un mois à compter de leur enregistrement, à condition qu'il soit motivé sur le plan opérationnel et nécessaire pour l'exercice d'une mission précise.
Dans le cadre des missions de police judiciaire, le traitement de ces données est autorisé pendant toute la période de conservation des données, à condition qu'il soit motivé sur le plan opérationnel et nécessaire pour l'exercice d'une mission précise. Après le premier mois de conservation, la décision est prise par le procureur du Roi et ne peut concerner que des infractions de nature à entraîner un emprisonnement correctionnel principal d'un an ou une peine plus lourde.
En Espagne, les données relatives aux plaques d'immatriculation sont accessibles durant une durée de six mois.
Au Royaume-Uni, les données sont accessibles aux personnes autorisées pendant une période maximale de 90 jours.
3. La position de la commission : approuver un allongement des durées de conservation des données collectées par les dispositifs LAPI justifié par les besoins opérationnels et assorti de nombreuses garanties
Suivant l'avis de son rapporteur, qui a considéré que l'allongement proposé des délais de conservation des données était justifié par des nécessités opérationnelles et conforme aux exigences en matière de droit au respect de la vie privée, la commission a adopté l'article 2 sans modification.
La commission a d'abord considéré que le dispositif prévu par l'article 2 était justifié par des éléments objectifs reposant sur les contraintes opérationnelles des forces de sécurité intérieure.
En effet, comme indiqué au rapporteur par la CNIL, « des éléments précis et factuels doivent pouvoir justifier la nécessité du doublement des durées de conservation actuelles pour la poursuite des finalités du traitement (par exemple, statistiques internes relatives aux enquêtes, besoins opérationnels, contraintes matérielles ou organisationnelles, exemples d'événements ou d'incidents n'ayant pas permis d'atteindre les finalités poursuivies, etc.), au regard des risques que ces dispositifs font peser sur la vie privée des personnes concernées. La conservation d'un nombre significatif de plaques d'immatriculation de véhicules circulant sur la voie publique dans l'éventualité de leur utilité par la suite pourrait porter atteinte à la vie privée des personnes concernées en l'absence de justifications objective et de garanties. »
Le rapporteur a estimé qu'en l'espèce, l'allongement proposé des durées de conservation des données était justifié par les contraintes opérationnelles.
En effet, comme indiqué par la direction générale de la police nationale (DGPN), « de nombreux crimes sont découverts ou révélés tardivement [...] et l'activité illicite d'un groupe criminel est initiée bien souvent depuis plusieurs mois ou années ». À titre d'exemple, en 2023, 58 % des violences sexuelles révélées aux services de polices dataient de plus d'un an. Cette caractéristique ne permet pas, par conséquent, d'exploiter les données pertinentes recueillies par les dispositifs LAPI au moment de la découverte de l'infraction, puisque celles-ci sont en l'état du droit supprimées automatiquement après quinze jours (ou un mois en cas de correspondance avec l'un des fichiers mentionnés supra).
Pour illustrer les difficultés provoquées par les durées actuelles de conservation des données, la DGPN a par exemple évoqué le cas d'un véhicule volé en métropole et utilisé plusieurs mois plus tard lors d'un règlement de compte en Corse ayant donné lieu à un homicide, dont le trajet n'a pas pu être reconstitué, faute de données disponibles.
De même, « les enquêtes relatives à des fugitifs peuvent se déclencher [...] des mois après l'évasion de l'intéressé et induisent des recherches sur les trajets opérés alors par les véhicules identifiés au fil de l'enquête ».
Ce constat est partagé par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), pour qui la durée actuelle de quinze jours n'est pas adaptée, car les investigations « peuvent mettre en évidence une personne ou un véhicule d'intérêt plusieurs mois après les faits ».
De même, pour la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), l'allongement de la durée de conservation des données LAPI paraît de nature à renforcer les capacités d'enquête, en répondant à deux urgences opérationnelles, à savoir :
« - rendre le dispositif LAPI plus efficace pour identifier les convois d'acheminement des marchandises illicites et en particulier les stupéfiants sur le territoire national ;
- et améliorer la capacité de la douane à entraver le développement de ces transports illégaux (en particulier les "go fast"). »
Ainsi, comme résumé par Étienne Vergès, professeur des universités en droit privé et sciences criminelles, l'allongement à un mois de la durée de conservation initiale des données collectées par les dispositifs LAPI « semble être justifiée par la nécessité, pour les autorités compétentes, d'effectuer les opérations de rapprochement. Il s'agit là d'une garantie d'efficacité du dispositif et d'utilité des données collectées. De la même manière, la conservation des données une fois qu'elles font l'objet d'un rapprochement positif semble pouvoir être allongée à deux mois, permettant ainsi aux autorités compétentes d'apprécier l'opportunité de poursuivre une enquête ou, à l'inverse de procéder à un classement sans suite. »
Le rapporteur a en outre estimé que l'extension proposée était conforme aux exigences constitutionnelles et européennes en matière de droit au respect de la vie privée, en raison des garanties déjà existantes.
Ainsi, en premier lieu, la consultation des données n'est pas autorisée en l'absence de correspondance avec l'un des fichiers mentionnés précédemment - sans préjudice des nécessités de leur consultation pour les besoins d'une procédure pénale ou douanière.
En deuxième lieu, les données collectées sont automatiquement détruites au-delà des délais autorisés.
Pour toutes ces raisons, la commission a estimé que l'allongement de la durée de conservation des données collectées sur le fondement des articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du CSI constituait une mesure utile, de nature à faciliter la conduite des enquêtes, sans toutefois porter une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée.
La commission a adopté l'article 2 sans modification.
Article
3
Intégration systématique de dispositifs LAPI sur les
systèmes de vidéoprotection à compter du 1er janvier
2028
L'article 3 vise à créer un nouvel article L. 233-3 au sein du CSI, qui généraliserait l'obligation d'intégration de dispositifs LAPI sur les systèmes de vidéoprotection appartenant aux autorités publiques compétentes au sens de l'article L. 251-2 du CSI, ce qui inclut notamment les collectivités territoriales. Cette généralisation aurait pour but de faciliter l'utilisation par les forces de sécurité intérieure des données LAPI inutilisées pour les finalités des articles L. 231-1 et L. 231-1-1 du CSI.
Les données ainsi collectées par les autorités publiques pourraient donc être transmises a posteriori aux services de police et de gendarmerie nationales et des douanes, selon des modalités précisées par voie de convention. Cette obligation d'intégration des dispositifs LAPI entrerait en vigueur au 1er janvier 2028.
Une telle obligation porte toutefois atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, garantie par la Constitution, tout en faisant peser sur celles-ci un coût budgétaire non négligeable.
Suivant l'avis de son rapporteur, qui a estimé qu'il était préférable d'instaurer une possibilité de conventionnement entre les forces de sécurité intérieure et lesdites autorités publiques, afin de mettre en oeuvre le partage des données de façon efficace, la commission a adopté cet article ainsi modifié.
1. Si le code de la sécurité intérieure autorise les autorités publiques compétentes à mettre en place des de systèmes de vidéoprotection, l'intégration de dispositifs LAPI ne peut servir qu'aux seules forces de sécurité nationales
a) L'installation de systèmes de vidéoprotection se fait dans les conditions fixées par le code de la sécurité intérieure
(1) Les conditions d'installation des systèmes de vidéoprotection
Les personnes autorisées à mettre en oeuvre un système de vidéoprotection sur la voie publique sont définies de manière exhaustive par le CSI15(*) :
- les autorités publiques compétentes, que sont notamment les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;
- les commerçants, afin d'assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol ;
- les autres personnes morales, afin d'assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme.
L'article L. 251-2 du CSI autorise la mise en oeuvre de systèmes de vidéoprotection sur la voie publique, par lesdites autorités, pour certaines finalités à la fois répressives et préventives, parmi lesquelles :
- la constatation des infractions aux règles de la circulation ;
- la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression, de vol ou de trafic de stupéfiants ainsi que la prévention, dans des zones particulièrement exposées à ces infractions, des fraudes douanières prévues par le code des douanes ;
- la prévention d'actes de terrorisme, dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre II du CSI.
En outre, l'article L. 252-1 du CSI dispose que, dans le cas général, l'installation d'un système de vidéoprotection se fait après une demande d'autorisation auprès du préfet, après avis de la commission départementale de vidéoprotection et envoi d'un engagement de conformité à la CNIL.
Par ailleurs, le préfet peut prescrire la mise en oeuvre d'un tel système, exploité dans les conditions prévues par l'article L. 251-2 précité, et sans l'avis de la commission départementale, lorsqu'il est informé de la tenue imminente d'une manifestation ou d'un rassemblement de grande ampleur, qui présente des risques particuliers d'atteinte à la sécurité des personnes et des biens16(*). La même faculté de prescription est accordée au préfet à des fins de prévention d'actes de terrorisme, à destination des exploitants de certaines installations stratégiques définies par le code de la défense17(*), ou aux autorités et personnes exploitant des transports collectifs notamment18(*).
Les données collectées par ces systèmes sont limitées tant dans leur champ (images, jours et plages horaires d'enregistrement et lieu) que dans leur durée de conservation, fixée par l'autorisation préfectorale dans la limite d'un mois - hors données extraites pour les besoins d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.
(2) Les conditions d'utilisation des données des systèmes de vidéoprotection
S'agissant des données collectées sur la voie publique, l'article R. 253-3 du CSI précise les personnes autorisées à y accéder. Parmi celles-ci, figurent notamment :
- les agents des services de police et de gendarmerie nationales et des douanes, individuellement désignés par le chef de service, pour les besoins de leurs missions ;
- le maire de la commune où ont été collectées les données ;
- les agents de police municipale de la commune ;
- les agents des communes et des EPCI habilités par le maire.
b) Les caméras de vidéoprotection intégrant des dispositifs LAPI peuvent être mises à disposition des forces de sécurité intérieure par voie de convention
(1) Les caméras de vidéoprotection mises en place sur le fondement de l'article L. 251-2 du CSI peuvent intégrer des dispositifs LAPI, mais, sauf cas particulier, la collecte et le traitement des données LAPI sont réservés aux seules forces de sécurité intérieure nationales
En premier lieu, le Conseil d'État a jugé que les autorités publiques au sens de l'article L. 251-2 du CSI peuvent procéder à l'installation de capteurs de contrôle LAPI pour l'une des finalités énumérées à ce même article, rappelées ci-dessus19(*).
En second lieu, ces autorités - dont les collectivités territoriales - peuvent mettre en oeuvre des dispositifs LAPI dans certains cas :
- sur le fondement de l'article L. 130-9-1 du code de la route, afin de constater les infractions aux règles de circulation sur les voies réservées ;
- sur le fondement de l'article L. 2213-4-2 du code général des collectivités territoriales, afin de constater les infractions aux règles de circulation relatives aux zones à faibles émissions mobilité ;
- pour procéder à la détection du non-paiement du stationnement payant20(*).
Toutefois, en l'état du droit, ces autorités ne sont pas autorisées à traiter les données collectées par les dispositifs LAPI pour les finalités prévues aux articles L. 233-1 du CSI. La jurisprudence prévoit ainsi qu'une commune ne peut mettre en oeuvre un dispositif LAPI pour l'une de ces finalités, même lorsque les données ont vocation à être mises à la disposition de la gendarmerie nationale pour l'aide à l'identification des auteurs d'infraction21(*). De même, une commune ne peut mettre en oeuvre des dispositifs dans le seul but de répondre aux réquisitions des forces de l'ordre.
(2) Les autorités compétentes peuvent mettre à disposition des forces de l'ordre étatiques des systèmes de vidéoprotection intégrant un dispositif LAPI
Dans le cas où la collectivité territoriale - ou toute autre autorité publique compétente au sens de l'article L. 251-2 du CSI - souhaite financer et mettre à disposition des forces de l'ordre étatiques un dispositif LAPI, une convention de prestation de matériel doit être conclue entre l'autorité et les services de sécurité intérieure.
Cette convention prévoit des mesures techniques visant à garantir que les données personnelles issues du dispositif LAPI ne seront accessibles qu'aux seuls services des forces de sécurités intérieure, sans que la police municipale puisse y avoir accès. Cette distinction se réalise de deux manières différentes : soit par ségrégation des flux via des droits administrateurs, soit par l'existence de serveurs distincts (les données des LAPI étant directement orientées vers les serveurs des forces étatiques).
La pratique des conventions de prestation de matériel a été initiée en 2009. En 2023, la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA) recensait 70 communes ayant établi une telle convention - 41 avec la gendarmerie nationale, 28 avec la police nationale.
En outre, par un avis en date du 3 juillet 2024, la CNIL a autorisé la conclusion de ces conventions entre les communes et le ministère de l'intérieur, afin que les forces de sécurité intérieure puissent récupérer le flux LAPI issu de la vidéoprotection des communes et des EPCI, dans le cadre de l'article L. 233-1 du CSI.
2. Le dispositif proposé vise à instaurer une obligation d'intégration des dispositifs LAPI dans les systèmes de vidéoprotection mises en oeuvre sur la voie publique
L'article 3 de la proposition de loi tend à créer un nouvel article L. 233-3 au sein du chapitre relatif au contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules du CSI, afin de prévoir que les systèmes de vidéoprotection mis en oeuvre sur la voie publique au sens de l'article L. 251-2 du CSI doivent intégrer un dispositif LAPI « en tous points appropriés du territoire ».
Cette généralisation de l'intégration aurait lieu à compter du 1er janvier 2028, délai présenté comme réaliste et nécessaire au regard de l'usage encore trop limité des dispositifs LAPI par les forces de sécurité intérieure.
Les données ainsi collectées par les autorités compétentes au sens de l'article L. 251-2 du CSI pourraient donc être transmises a posteriori aux services de police et de gendarmerie nationales et des douanes, selon des modalités « précisées par voie de convention ».
En outre, un arrêté du ministre de l'intérieur, pris après avis de la CNIL, permettrait de fixer les normes techniques des systèmes de vidéoprotection équipés d'un dispositif LAPI.
Cette généralisation ne concernerait toutefois pas l'ensemble des systèmes de vidéoprotection du territoire national, d'après l'auteur de la proposition de loi, Pierre-Jean Rochette. Elle se ferait au cas par cas, lors du renouvellement des installations ou en cas de nécessité d'installation d'un capteur dans un lieu criminogène.
Les conventions passées entre les forces de l'ordre et les autorités compétentes au sens de l'article L. 251-2 du CSI permettraient également d'assurer l'étanchéité de la collecte des données, seules les forces de l'ordre étatiques pouvant accéder aux flux issus du dispositif LAPI.
L'objectif affiché de cet article est donc la récupération dans les fichiers de traitement nationaux des données collectées par des dispositifs LAPI d'autres entités publiques que les forces de sécurité intérieure. Ces données restent actuellement inutilisées dans le cadre des finalités prévues par l'article 233-1 du CSI.
Le déploiement des caméras de vidéoprotection et des dispositifs LAPI sur le territoire
On compte, en 2024, 8 957 communes équipées de caméras de vidéoprotection22(*). L'utilisation quotidienne de ces caméras est assurée par des agents agréés par la préfecture, au nombre de 5 736 en 2025.
Comme indiqué par la DGPN, « au 28 août 2025, les services des trois administrations - police et gendarmerie nationales, douanes - exploitent 480 LAPI fixes, 98 LAPI mobiles et 23 LAPI transportables ».
En 2024, les capteurs de la gendarmerie nationale ont permis de lire « 18,6 millions de plaques, pour 17 000 rapprochements positifs avec les fichiers FOVeS et SIS ».
Les services des douanes bénéficient de leur propre parc de dispositifs LAPI implantés sur les axes routiers, au nombre de 175 - chacun comprenant trois ou quatre capteurs - en 2025, avec un objectif de 200 dispositifs pour fin 2027.
3. La position de la commission : un dispositif pertinent dans son objectif, mais à resserrer sur la possibilité de mise en oeuvre de conventions de prestations, au regard des impératifs juridiques et budgétaires
a) La commission voit dans la généralisation de l'intégration des dispositifs LAPI une mesure qui semble peu opportune d'un point de vue juridique et financier
(1) La généralisation de l'intégration des dispositifs LAPI aux systèmes de vidéoprotection pourrait porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales
La généralisation « en tous points appropriés du territoire », qui correspond à un maillage particulièrement fin sur l'ensemble du territoire, modifierait en effet drastiquement l'échelle du système LAPI actuel.
Une telle obligation pourrait porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par les articles 34 et 72 de la Constitution. Selon la DEPSA, certaines communes ne souhaitent pas aujourd'hui installer de dispositifs LAPI au sein de leur système de vidéoprotection.
En revanche, l'obligation générale d'intégration ne paraît pas en soi constitutive d'une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, comme l'a indiqué Marc-Antoine Granger, maître de conférences en droit public : dans sa décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, le Conseil constitutionnel n'exige pas un contingentement du nombre de dispositifs LAPI, a contrario de ce qui est nécessaire pour l'emploi des drones volants, par exemple22(*).
(2) Le coût budgétaire d'une telle généralisation fait peser un risque financier pour les collectivités territoriales
Le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui dispose de subventions visant à financer les systèmes de vidéoprotection dans les collectivités territoriales, ne garantit pas de financement des dispositifs LAPI. De plus, l'enveloppe de la DEPSA, qui gère les crédits du FIPD, s'élève à 21,7 millions d'euros en 2025, ce qui semble insuffisant à terme pour une telle généralisation.
Le coût de l'installation de caméras de vidéoprotection et de dispositifs LAPI
Le coût d'installation d'une caméra dans un espace urbain s'élève à 15 000 euros, comprenant la caméra, son installation et le raccordement au réseau fibré, selon la DEPSA.
Le système actuel des dispositifs LAPI est contraignant pour les communes, qui peuvent un installer un système LAPI mais doivent circonscrire l'accès aux données collectées aux forces de sécurité intérieure, ce qui nécessite des travaux informatiques et matériels coûteux. En effet, les dispositifs LAPI sont plus onéreux que les dispositifs de vidéoprotection.
Ainsi, le coût supplémentaire associé à l'intégration d'un dispositif LAPI sur une caméra de vidéoprotection serait de 500 à 600 euros selon la Depsa, l'Association des maires de France (AMF) évoquant plutôt un montant entre 1000 et 5000 euros selon les communes.
En outre, comme indiqué par la DGPN, le coût d'un dispositif LAPI couplé à un système de vidéoprotection - plus avancé technologiquement - « avoisine les 30 000 euros par capteur, auxquels ils convient d'ajouter les coûts mensuels de transmission des données captées aux fins de comparaison avec les fichiers - entre 40 et 80 euros ». S'agissant des dispositifs LAPI utilisés par la DGDDI, le coût moyen s'élève à 17 500 euros, en prenant en compte le raccordement au traitement national.
C'est pourquoi l'AMF rappelle que « la mise en place des dispositifs LAPI par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale s'est révélée coûteuse, tout en ne profitant pas pleinement à la collectivité » en raison des difficultés de mise en oeuvre et du champ d'utilisation, limité aux enjeux de stationnement payant. Pour rappel, il n'existe pas de cofinancement aujourd'hui : les communes acquérant des dispositifs LAPI les mettent à disposition des forces de sécurité intérieure à titre grâcieux - bien que des discussions locales puissent avoir lieu afin de négocier une demande de subvention du FIPD, selon la DEPSA.
b) Soucieuse de garantir l'efficacité et l'opérationnalité du dispositif, la commission a supprimé l'obligation d'intégration et instauré la possibilité de conventions de prestation entre les différents acteurs
Les auditions menées par le rapporteur ont mis en évidence le caractère non opportun de l'obligation d'intégration des dispositifs LAPI dans les systèmes de vidéoprotection. Les principaux acteurs utilisant ces dispositifs pour les finalités des articles L. 233-1 et 233-1-1 du CSI, que sont les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes, ont indiqué ne pas être favorables à une telle généralisation, qui ne présente par exemple aucun intérêt dans les zones piétonnes dotées de caméras de vidéoprotection. Ils sont davantage intéressés par un la mise en oeuvre d'un maillage fin, au cas par cas, lié aux besoins réels sur le terrain.
Pour le rapporteur, il est indispensable de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, et pour ce faire, de permettre aux autorités publiques compétentes au sens de l'article L. 251-2 du CSI de choisir ou non l'intégration de dispositifs LAPI au sein de leur territoire.
À cette fin, son amendement COM-2 vise d'abord à supprimer l'obligation d'intégration. En contrepartie, il instaure la possibilité, pour les autorités compétentes, de conclure une convention avec les services de police et de gendarmerie nationales et des douanes. Cette convention permettrait le partage des données collectées par les dispositifs LAPI que lesdites autorités auraient pris l'initiative d'installer sur leurs propres systèmes de vidéoprotection. Le cas échéant, la convention servirait également à identifier les caméras devant être équipées de tels dispositifs.
Ce même amendement COM-2 renvoie, par ailleurs, à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les clauses d'une convention type, afin d'assurer l'harmonisation et la bonne efficacité des conventions. Ce décret apporterait des précisions s'agissant, d'une part, des modalités de financement de l'intégration des dispositifs LAPI23(*) et, d'autre part, des règles de collecte et de partage des données - qui respecteraient les conditions fixées par le chapitre III du titre III du livre II du CSI.
Cet amendement permet donc de pérenniser la pratique des conventions en vigueur depuis 2009 et d'harmoniser les clauses de ces conventions pour éviter tout risque juridique ou tout surcoût budgétaire excessif pour les collectivités territoriales.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-2.
La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.
Article 3
bis
Coordinations outre-mer
Introduit à l'initiative du rapporteur, l'article 3 bis vise à procéder à des mesures de coordination, afin que les mesures prévues par la présente proposition de loi s'appliquent dans les outre-mer.
La commission a adopté cet article.
L'article 3 bis résulte de l'adoption de l'amendement COM-3 du rapporteur et procède à plusieurs mesures de coordination, afin que les mesures prévues par la présente proposition de loi puissent s'appliquer en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
La commission a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé.
Article 4
Gage
financier
L'article 4 vise à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi.
La commission a adopté cet article sans modification.
L'article 4 de la proposition de loi prévoit d'une part la compensation des éventuelles conséquences financières de la présente proposition de loi, pour les collectivités territoriales, par une majoration, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement.
Il dispose d'autre part que les pertes de recettes pour l'État seront compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.
Cet article vise ainsi à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi, conformément aux exigences découlant de l'application de l'article 40 de la Constitution.
La commission a adopté l'article 4 sans modification.
* 3 Cette possibilité a été introduite originellement par l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
* 4 Conseil constitutionnel, décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
* 5 Les grands rassemblements de personnes incluent par exemple, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, « les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, etc. ».
* 6 Ces dispositions ont été introduites par l'article 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure puis complétées par l'article 8 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
* 7 Conseil constitutionnel, décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, cons. 21.
* 8 Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil.
* 9 Cf. Conseil constitutionnel, décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d'une couverture maladie universelle, indiquant que : « la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ».
* 10 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l'identité.
* 11 Réponse du ministère de l'intérieur à la question écrite n° 1894 de Daniel Labaronne.
* 12 Conseil constitutionnel, décision n° 2025-885 DC du 12 juin 2025, Loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
* 13Conseil constitutionnel, décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022, Loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
* 14 Extrait de l'exposé des motifs de la proposition de loi.
* 15 Voir les articles L. 251-2 et L. 223-1 du code de la sécurité intérieure.
* 16 Voir les articles L. 252-6 et L. 252-7 du code de la sécurité intérieure.
* 17 Voir les articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense.
* 18 Voir les articles L. 223-2 et L. 223-3 du code de la sécurité intérieure.
* 19 Voir la décision n° 472864 Commune de Beaucaire, rendue par le Conseil d'État le 30 avril 2024.
* 20 Le recours à la technologie LAPI par les services de police municipale a ainsi été autorisé par la dépénalisation du stationnement payant en 2018, organisée par la loi du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l'action publique territoriale et à l'affirmation des métropoles.
* 21 Voir la décision n° 385091, Commune de Gujan-Mestras, rendue par le Conseil d'État le 27 juin 2016.
* 22 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021.
* 23 Celles-ci pourraient, à titre d'exemple, intégrer un dispositif de co-financement entre l'État et les collectivités concernées, dès lors qu'un projet de conventionnement est établi avec les services de sécurité de l'État.