N° 48
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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 1995
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l' approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements , et sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification du traité d'entente , d' amitié et de coopération entre la République française et le Turkménistan .
Par M. André DULAIT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le 28 avril 1994, la France a signé, avec le Turkménistan, deux accords bilatéraux : le premier est relatif à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, le second entend développer, selon une formule consacrée, l'entente, l'amitié et la coopération entre les deux pays.
Ces deux textes ont le mérite de constituer des cadres juridiques et politiques pour l'essor d'une coopération qui demeure encore très embryonnaire dans le domaine qu'ils recouvrent. Ces deux accords témoignent du souci de notre diplomatie de marquer l'intérêt que représente pour la France et pour l'Europe le développement d'une coopération multiforme avec les nouvelles républiques d'Asie centrale, dont le potentiel économique est important, même si l'environnement politique demeure encore éloigné des standards démocratiques occidentaux.
Après avoir rappelé les données politiques et économiques qui sont celles du Turkménistan d'aujourd'hui, votre rapporteur examinera successivement les principales dispositions de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements et celles du Traité d'entente, d'amitié et de coopération.
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I. LE TURKMÉNISTAN APRÈS TROIS ANNÉES D'INDÉPENDANCE
Le Turkménistan est l'une des anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale. Ce pays est encadré au Sud-Est par l'Afghanistan, au Nord et au Nord-Est par l'Ouzbékistan, au Nord-Ouest par le Kazakhstan, à l'Ouest par la mer caspienne, au Sud par l'Iran et l'Afghanistan.
Son territoire s'étend sur 488 000 km2 mais 80% en sont constitués par le désert du Karakoum.
Sa population, de 4,2 millions d'habitants, est assez homogène puisqu'à près de 80% turkmène. Les Russes, les Ouzbeks et les Kazakhs forment de petites mais non négligeables minorités (environ 8% de la population pour les Russes et les Ouzbeks, 1,7% pour les Kazakhs). La langue turkmène fait partie du groupe des dialectes turcs.
Le Turkménistan dispose de ressources naturelles non négligeables. Ce pays est le 5ème producteur mondial de gaz naturel à égalité avec les Pays-Bas. Ses réserves de gaz, estimées à 21 000 milliards de m3 sont comparables à celles du Koweit. Jusqu'en 1993 cependant, les exportations de gaz étaient assez mal rémunérées. Cette situation est en cours d'amélioration. Le sous-sol du Turkménistan recèle par ailleurs des réserves de brome, d'iode, de sels minéraux (sulfate, potasse ...), du soufre, de l'or et du platine.
L'agriculture, qui ne peut être pratiquée que sur une proportion très limitée des terres, est spécialisée dans le coton. La production du blé mais aussi des fruits et légumes est insuffisante. L'élevage concerne essentiellement les ovins. Il convient de noter que le caviar de la Caspienne constitue une source importante de revenus pour le Turkménistan.
En dépit de ses ressources énergétiques, le Turkménistan est un pays pauvre. Le produit national brut par habitant est estimé à quelque 1 500 dollars.
Comme les autres anciens pays communistes, le Turkménistan mène une politique de réformes. Cependant, celle-ci paraît lente. L'accueil des investissements étrangers laisse ainsi à désirer, notamment en raison des lourdeurs bureaucratiques, de l'émiettement des compétences entre les différents échelons administratifs et des incertitudes juridiques et législatives. Il semble même que la centralisation économique tende plutôt à se renforcer.
A. LA PERSISTANCE D'UN RÉGIME AUTORITAIRE
Le Président Niyazov a été, par le référendum du 15 janvier 1994, confirmé jusqu'en 2002 à la tête de l'Etat. Le Président concentre tous les pouvoirs entre ses mains : c'est lui qui préside le Conseil des ministres et il légifère en dehors des sessions parlementaires. Au demeurant, le nouveau parlement issu des élections du 11 décembre 1994 n'a pas consacré d'ouverture démocratique véritable. Le parti unique -l'ex PC rebaptisé Parti Démocratique du Travail- se voit reconnaître le soin de désigner la quasi-totalité des candidats. De ce fait, le Parlement tient en fait un rôle de chambre d'enregistrement. A côté du parlement, un Conseil des anciens, qui représente les structures tribales de la société turkmène est régulièrement consulté par le Président.
Par-delà ce contexte institutionnel qui traduit d'une façon assez caricaturale l'absence de démocratie et de réel pluralisme politique, il faut souligner la restriction dont ont fait l'objet les droits fondamentaux : l'indépendance du pouvoir judiciaire n'est que théorique, les médias sont inféodés au pouvoir, enfin un traitement privilégié est reconnu au profit des Turkmènes, au détriment des Russes (9,5 % mais dont beaucoup quittent le pays), des Ouzbeks (9 %), Kazakhs, Arméniens ou Azerbaïdjanais.